Thomas A. sur Rm (1869) 41

Romains 8, 33 à 39: Rien ne peut séparer le saint de Dieu

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Rm 8,33-39)




SOMMAIRE: Que les saints n’éprouvent aucun dommage du mal de la coulpe, et qu’ils ne peuvent être séparés de la charité de Jésus-Christ.

33. Qui accusera les élus de Dieu? C’est Dieu qui les justifie.

34. Qui osera les condamner? Le Christ Jésus est mort pour eux; de plus, il est ressuscité; il est à la droite du Père, et il intercède pour nous.

35. Qui donc nous séparera de l’amour du Christ? Sera-ce les tribulations? Ou la faim? Ou la nudité? Ou le péché? Ou la persécution? Ou le glaive?

36. (Selon qu’il est écrit: "A cause de vous, nous sommes mis à mort tout le jour; on nous regarde comme des brebis destinées à la boucherie."

37. Mais en tous ces maux nous triomphons pour celui qui nous a aimés.

38. Car je suis assuré que ni la mort, ni la vie, ni les Anges, ni les Principautés, ni les Puissances, ni les choses présentes, ni les choses futures, ni la violence,

39. Ni ce qu’il y a de plus élevé, ni ce qu’il y a de plus profond, ni aucune autre créature, ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu, qui est dans le Christ Jésus Notre Seigneur.

Après avoir établi que les saints protégés par Dieu ne peuvent souffrir aucun dommage provenant du mal de la peine, S. Paul fait voir qu’ils n’en peuvent éprouver par le mal de la coulpe. Il énonce sa proposition; II° il prévient une sorte d’objection, à ces mots (verset 34): "Jésus-Christ..."

I° Sur sa proposition, il faut remarquer que l’on peut être atteint pour une faute de deux manières: I. par accusation; II. Par le juge qui condamne.

I. S. Paul montre donc que nulle accusation ne peut être nuisible aux saints, et cela à raison de la divine élection. Car celui qui choisit quelqu’un parait, par son choix même, l’approuver. Or les saints sont choisis par Dieu (Ephés., I, 4): "Il nous a élus en lui-même avant la création du monde, afin que nous fussions saints." Au contraire, celui qui accuse improuve celui qu’il accuse. Or nulle accusation ne prévaut contre l’approbation de Dieu. Aussi S. Paul dit (verset 33): "Qui accusera," à savoir sérieusement, "les élus," c’est-à-dire ceux que Dieu a choisis pour être saints? C’est de là qu’il est dit dans l’Apocalypse (XII, 10): "L’accusateur de nos frères a été précipité."

II. L’Apôtre fait voir que nulle accusation ne peut prévaloir contre eux. Il le prouve par un autre bienfait de Dieu, à savoir, celui par lequel il nous justifie. Il indique ce bienfait, en disant: "C’est Dieu," à savoir, "qui justifie," ainsi qu’il a été dit plus haut: "Ceux qu’il a appelés, il les a justifiés" (Cor., VI, 11): "Mais vous avez été justifiés." Or la condamnation ressort son effet contre ceux qui ne sont pas justes: "Qui donc condamnera" ceux qui ont été ainsi justifiés par Dieu? (Job, XXXIV, 20): "S’il donne la paix à un coeur, qui pourra la troubler?"

II° Quand l’Apôtre ajoute (verset 34): "Jésus-Christ...," il prévient une objection. On pouvait craindre d’être accusé par Jésus-Christ, et condamné comme transgresseur du précepte donné par Jésus-Christ lui-même, ainsi que le Sauveur l’avait dit à l’égard de Moïse (Jean, V, 45): "Moïse, en qui vous espérez, est celui qui vous accuse;" et d’être condamné par lui-même, puisqu’il a été "constitué par Dieu, juge des vivants et des morts," ainsi qu’il est dit au livre des Actes (X, 42). De plus, il est exempt du péché (Pierre, II, 22): "Il n'a pas commis de péché;" et comme tel il est plus apte que tout autre à accuser et à condamner, suivant cette parole de S. Jean (VIII, 7): "Que celui d’entre vous qui est sans péché jette contre elle la première pierre." Voilà pourquoi S. Paul dit: "Jésus-Christ;" comme s’il disait: est-ce que Jésus-Christ accusera les élus de Dieu ou les condamnera? Il fait voir qu’il ne le fera pas, parce que lui-même, comme homme, accorde aux saints d’aussi grands bienfaits que comme Dieu.

S. Paul énumère quatre bienfaits venant de cette humanité.

Premièrement, sa mort, en disant (verset 34): "Qui non seulement est mort," à savoir, pour notre salut (I Pierre, III, 18): "Le Christ a souffert une fois la mort pour nos péchés."

Secondement, sa résurrection, par laquelle il nous vivifie, maintenant par la vie spirituelle, et plus tard par la vie même du corps. Aussi il ajoute (verset 34): "Mais encore ressuscité," ainsi qu’il a été dit plus haut (IV, 21): "Il est ressuscité pour notre justification." L’Apôtre dit: "Mais encore," parce que dans le moment présent Jésus-Christ se recommande à notre souvenir plutôt par la puissance de sa résurrection que par l’infirmité de sa passion (II Cor., XIII, 4): "Quoiqu’il ait été crucifié selon la faiblesse de sa chair, il est néanmoins vivant par la puissance de Dieu."

Troisièmement, la manifestation même du Père: "Qui est à la droite de Dieu," c’est-à-dire égal à Dieu le Père selon la nature divine, et son égal quant aux biens les plus excellents, selon la nature humaine. Et ceci est pareillement pour notre gloire, parce que (Ephés., II, 8): "Il nous fait asseoir dans le ciel avec le Christ Jésus." Car en tant que nous sommes ses membres, nous sommes dans sa personne assis près de Dieu le Père (Apoc., III, 21): "Celui qui sera victorieux, je lui donnerai de s’asseoir avec moi sur mon trône, comme j’ai vaincu moi-même, et me suis assis avec mon Père sur son trône."

Quatrièmement, son intercession (verset 34): "Qui intercède aussi pour nous," agissant comme notre avocat (I Jean, II, 1): "Nous avons pour avocat auprès du Père Jésus-Christ le Juste." Or il appartient à l’office d’avocat non d’accepter ou de condamner, mais plutôt de repousser l’accusateur et d’empêcher la condamnation. Il est dit que Jésus-Christ intercède pour nous; et il le fait de deux manières. D’abord, en priant Dieu pour nous, selon ce passage de S. Jean (XVII, 20): "Je ne prie pas pour ceux-ci seulement," c’est-à-dire pour les apôtres, "mais aussi pour ceux qui doivent croire en moi par leur parole." Maintenant, son intercession en notre faveur consiste en sa bonne volonté pour notre salut (Jean, XVII, 24): "Mon Père, je désire que là où je suis, ceux que vous m’avez donnés soient aussi avec moi." Il intercède ensuite pour nous d’une autre manière, en offrant au regard de son Père l’humanité qu’il s’est unie pour nous et les mystères qui se sont accomplis en elle (Hébr., IX, 24): "Il est entré dans le ciel même, afin de se présenter mainte nant pour nous devant Dieu."

III° En ajoutant (verset 35): "Qui donc nous séparera de l’amour du Christ?" S. Paul déduit la conséquence de ce qui pi Et parce que cette conclusion parait comme incroyable à ceux qui n’en ont pas fait l’expérience, il la propose sous forme de question. -I. Il pose cette question; II. Il en fait voir la nécessité, à ces mots (verset 36): "Selon qu’il est écrit;" III. Il en donne la solution, à ces autres (verset 37): "Mais en tout cela."

I. La question peut recevoir sa solution de ce qui précède de deux manières.

Premièrement, les bienfaits qui nous ont été accordés sont si nombreux, si efficaces, que nul ne peut rien contre eux. Or tous les bienfaits énumérés plus haut tendent à ce que nous soyons enracinés et fondés dans la charité, comme il est dit aux Ephésiens (III, 18): "Qui donc nous séparera de l’amour du Christ?" c’est-à-dire de cet amour par lequel nous aimons Jésus-Christ et le prochain, ainsi que le Sauveur l’a prescrit lui-même (Jean, XIII, 34): "Je vous donne un commandement nouveau."

Secondement, autrement: il a été établi que Dieu accorde à ses saints de grands bienfaits; or, en les méditant, l’amour pour Jésus-Christ s’enflamme tellement dans nos coeurs, que rien ne saurait l’éteindre (Cent., vin, 7): "Les grandes eaux n’ont pu éteindre l’amour!" L’Apôtre nous indique les maux dont l’épreuve pourrait nous forcer à nous séparer de l’amour du Christ: d’abord ceux qui se rapportent à la vie, ensuite ceux qui se rapportent à la mort. Quant aux maux que nous avons à supporter clans la vie, S. Paul cite d’abord les maux présents, ensuite les maux à venir. Parmi les maux présents, il indique en premier lieu ceux qui se rapportent à la patience dans les épreuves qu’on souffre; en second lieu, ceux qui viennent de la privation des biens.

Or les maux supportés peuvent être considérés de deux manières.

Premièrement, en tant qu’ils sont dans celui qui les supporte, lequel peut être affligé par eux, d’abord, extérieurement et dans le corps. Sous ce rapport, c’est "la tribulation." En effet, cette expression vient de tribulus, qui signifie une plante piquante (Gen., III, 18): "Elle te produira des épines et des chardons." De là on dit de quelqu’un qu’il est dans la tribulation quand il est atteint par une souffrance cuisante. Or les justes ne sont pas vaincus par ces épreuves (Psaume XXXI, 19): "Grandes sont les tribulations des justes, mais le Seigneur les délivrera de tous les maux." L’homme est aussi affligé de ces maux intérieurement par l’anxiété de l’esprit, à savoir, quand il ne voit pas où se tourner, par où échapper. L’Apôtre ajoute, pour indiquer ces maux: "Les angoisses?" (Daniel, XIII, 22): "Je ne vois qu’angoisses de toutes parts, et je ne sais à quel parti m’arrêter."

Secondement, ces épreuves peuvent encore être considérées du côté de l’agent. Les considérant sous cet aspect, l’Apôtre dit: "Les persécutions?" Car, bien que la persécution semble surtout consister en ce que le persécuteur fait fuir devant lui le persécuté, selon cette parole de S. Matthieu (X, 23): "Lorsqu’on vous persécutera dans une ville, fuyez dans une autre;" cependant on l’entend communément de tout dommage que l’on peut faire subir (Psaume CXVIII, 157): "Beaucoup me persécutent et m’accablent d’afflictions."

L’Apôtre expose les maux qui appartiennent à la privation des biens qui sont nécessaires à la vie, à savoir le vivre et le vêtir, suivant ce passage (1 Tim., 8): "Ayant de quoi nous nourrir et de quoi nous couvrir, nous devons être contents." Or à la privation de la nourriture se rapporte la faim; d’où S. Paul ajoute: "La faim?" à celle des vêtements, la nudité; et il dit: "La nudité?" (V Cor., IV, 11): "Jusqu’à cette heure, nous avons faim et soif, et nous sommes nus!" Quant aux maux à venir, S. Paul dit: "Les périls?" à savoir, qui menacent pour l’avenir (Cor., XI, 26): "Périls sur les fleuves, périls des voleurs;" quant à la mort: "Le glaive?" (Hébr., XI, 37): "Ils sont morts par le tranchant du glaive."

II. En disant (verset 36): "Selon qu’il est écrit," l’Apôtre fait voir l’opportunité de cette question, en ce qu’il dit que toutes ces épreuves à subir menaçaient les saints à cause de la charité du Christ. Il cite les paroles du Psalmiste, en les mettant en quelque sorte dans la bouche des martyrs.

Par ces paroles, il indique la cause de l’épreuve; car, ainsi que l’a remarqué S. Augustin: Ce n’est pas la peine qui fait le martyr, c’est la cause; ce qui fait dire à S. Paul: "A cause de vous" (Matth., X, 39): "Celui qui perdra son âme," c’est-à-dire sa vie," pour moi, la trouvera;" et encore (Pierre, IV, 15): "Que personne parmi vous ne souffre comme voleur ou comme homicide; mais s’il souffre comme chrétien, qu’il n’en ait pas de honte." Celui-là souffre pour le Christ non seulement qui souffre pour la foi de Jésus-Christ, mais, à l’occasion d’une oeuvre quelconque de la justice, pour l’amour du Christ (Matth., V, 10): "Bienheureux ceux qui souffrent persécution pour la justice."

S. Paul montre la grandeur des souffrances, quand il dit: "Nous sommes mis," c’est-à-dire livrés "à la mort" (Esther, V, 4): "Moi et mon peuple, nous avons été livrés pour être foulés aux pieds égorgés et exterminés."

La continuité de la persécution, quand il dit: "Tous les jours," c’est-à-dire pendant tout le temps de la vie (II Corinthiens IV, 11): "Car nous qui vivons, nous sommes à toute heure livrés à la mort pour Jésus."

La promptitude des persécuteurs à frapper, quand il dit: "On nous regarde comme des brebis destinées à la boucherie," c’est-à-dire pour être égorgées au marché, et égorgées avec empressement. Car c’est ainsi que les saints étaient mis à mort, de propos délibéré et avec empressement (Jean, XVI, 2): "L’heure vient où quiconque vous fera mourir croira être agréable à Dieu;" (Zach., XI, 4): "Paissez les troupeaux de la mort, dont les possesseurs étaient égorgés."

III. Quand S. Paul ajoute (verset 37): "Mais en tout cela," il résout la question:

Il indique la solution en disant: "Mais en tout cela," c’est-à-dire parmi ces maux que j’ai énumérés, "nous triomphons," à sa voir, lorsqu’en tout nous gardons de toute atteinte la charité (Sagesse X, 12): "La Sagesse lui a préparé un rude combat, afin qu’il en sortît triomphant." Nous triomphons non pas par notre force, mais par le secours de Jésus-Christ. C’est pourquoi S. Paul ajoute: "Par Celui qui nous a aimés," c’est-à-dire par son secours, ou à cause de l’amour que nous avons pour lui; "non que nous l’ayons aimé d’abord, mais parce qu’il nous a aimés le premier," comme il est dit en S. Jean (I Jean IV, 10, et 1 Cor., XV, 57): "Grâces soient rendues à Dieu, qui nous a donné la victoire par Jésus-Christ Notre Seigneur."

A ces paroles (verset 38): "Je suis assuré," l’Apôtre développe la solution, montrant que l’amour des saints est invincible. Il ne peut être vaincu d’abord par les créatures qui existent, ensuite par celles qui n’existent pas, mais qui pourraient exister, à ces mots (verset 39): "Ni aucune autre créature."

A) Sur les premières,

a) premièrement il énumère ce qui est dans l’homme, en disant: "Je suis assuré que ni la mort," qui est le principal de tous les maux terribles, "ni la vie," qui est le principal de tous les biens désirables, ne peuvent nous séparer de l’amour de Dieu (ci-après, XIV, 8): "Soit donc que nous vivions, soit que nous mourions, nous sommes toujours au Seigneur." Dans ces deux termes se trouve renfermé tout ce que S. Paul a énuméré plus haut; car les six premiers maux se rapportent à la vie, et le septième, à savoir le glaive, à la mort, ainsi qu’il a été expliqué.

b) Vient ensuite ce qui est extérieur, et entre autres êtres l’Apôtre place au premier rang les créatures spirituelles, en disant: "Ni les Anges," qui sont les esprits inférieurs préposés à la garde de chaque homme en particulier (Psaume XC, 41): "Le Seigneur a ordonné à ses anges de vous garder dans toutes vos voies;" - "ni les Principautés," c’est-à-dire les esprits députés à la garde des nations (Dan., X, 20): "Et maintenant je retournerai pour combattre contre le prince des Perses. Lorsque je m’éloignai, le premier des Grecs m’apparut, venant à moi... et personne ne m’aide, si ce n’est Michel, votre prince." S. Paul ajoute: "Ni les Vertus," qui sont l’ordre suprême des ministères célestes (Luc, XXI, 26): "Les Vertus des cieux seront ébranlées." Ce passage peut s’entendre de deux manières: d’abord, des mauvais anges, qui combattent contre les saints (Ephés., V, 12): "Nous avons à lutter non contre la chair et le sang, mais contre les puissances et les princes de ce monde de ténèbres." Ensuite, des bons anges; et dans ce sens, suivant la remarque de S. Jean Chrysostome au I° livre de la Componction, I. S. Paul parle ainsi, non que les anges puissent tenter jamais de séparer qui que ce soit d’avec Jésus-Christ, mais pour indiquer même l’impossible, en disant que cela deviendrait plutôt possible que de le voir séparé de l’amour de Jésus-Christ. C’est montrer par là quelle était en lui la force de la divine charité, et mettre sous les yeux de tous l’ardeur de son amour. C’est, en effet, la coutume de l’amant de ne pas ensevelir sa passion dans le silence, mais de la révéler et de la manifester à ses intimes amis: il lui est impossible de renfermer sa flamme dans le coeur. Très souvent les âmes blessées par l’amour reviennent à l’objet aimé; elles en parlent, afin que l’habitude même d’en parler soit le soulagement de leur amour et comme un rafraîchissement à l’ardeur qui les consume. De même S. Paul, cette âme bienheureuse, ardente et passionnée pour Jésus-Christ, comprend en même temps, dans une seule et même phrase, ce qui est et ce qui sera, ce qui peut arriver et ce qui n’arrivera certainement jamais. Dans l’épître aux Galates (I, 8), il emploie une locution semblable: "Quand nous vous annoncerions nous-mêmes, ou quand un ange venu du ciel vous annoncerait un évangile différent de celui que nous vous avons annoncé, qu’il soit anathème!"

c) Ensuite il indique les créatures sensibles elles-mêmes, et les divise en deux catégories, selon le temps, en tant qu’elles appartiennent au présent ou à l’avenir, et il dit: "Ni les choses présentes," c’est-à-dire les choses actuelles, qu’elles apportent de la douleur ou du plaisir (II Cor., IV, 18): "Nous ne considérons pas les choses visibles;" - "ni les choses futures," dont ni la crainte ni le désir ne peuvent nous séparer de Jésus-Christ. Ce qui lui faisait dire (Actes XXI, 13): "Je suis prêt non seulement à être enchaîné, mais à mourir dans Jérusalem pour le nom du Seigneur Jésus." Il distingue ensuite les créatures sensibles à raison de leur grandeur. Et d’abord la grandeur de leur puissance, lorsqu’il dit: "Ni la violence," c’est-à-dire nulle créature à raison de sa puissance; par exemple, la puissance du feu, la puissance de l’eau ne peuvent me séparer de Jésus-Christ, parce que, comme il est dit au livre des Cantiques (VIII, 6): "L’amour est fort comme la mort."

d) Il montre ensuite la grandeur de l’amour, en la décrivant par ce qui convient particulièrement au corps, la hauteur et la profondeur: "Ni ce qu’il y a de plus haut," c’est-à-dire la hauteur de laquelle on menacerait de me précipiter, comme il est dit en S. Luc (IV, 29), que les habitants de Nazareth "conduisirent le Sauveur jusqu’au sommet de leur montagne pour l’en précipiter;" – "ni la profondeur" dans laquelle on menacerait de me submerger (Ps., LXVIII, 2): "Je suis plongé dans la vase de l’abîme." Or ces trois genres d’épreuves peuvent aussi s’appliquer aux choses humaines. Car l’homme pourrait détourner de Dieu son semblable en trois manières. D’abord, en le contraignant par la violence; mais, comme il est dit (I Rois, II, 2): "Nul n’est fort comme notre Dieu." Ensuite, en l’effrayant par la grandeur de l’autorité. Or de cette grandeur il est dit (Ps., I, 19): "Vous seul êtes le Très-Haut sur toute terre." Enfin, en le séduisant par la profondeur de la science. Mais il est dit de la science au livre de Job (XI, 8): "Dieu est plus profond que l’enfer; il est impénétrable aux regards." La hauteur et la profondeur peuvent aussi s’entendre des adversités et des prospérités, suivant ce passage (Cor., VI, 7): "Par les armes de la justice, pour combattre à droite et à gauche;" ou encore, comme l’a fait S. Chrysostome, qui dit, au livre de la Componction du coeur 1: La hauteur et la profondeur ne me paraissent pas signifier autre chose que l’enfer et le royaume des cieux; comme si l’Apôtre disait: fallût-il quitter le royaume des cieux, ou même être livré aux tortures de l’enfer pour Jésus-Christ, cela même je ne le craindrais pas.

B) Quant à ce qui n’existe pas mais pourrait exister, il ajoute: "Ni aucune autre créature," ce qui, selon S. Chrysostome dans l’ouvrage précité, s’applique aux choses qui ne sont pas, comme si tout ce qui existe ne suffisait pas à l’Apôtre, et qu’il portât un défi aux êtres qui ne sont pas, "Aucune de ces choses, dit-il, ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu." (I Cor., XII, 7): "La charité ne finira jamais." Et cette charité est celle de Dieu "en Jésus-Christ Notre Seigneur," à savoir, parce qu’elle nous est donnée en lui, en tant qu’il nous a donné l’Esprit Saint (Luc, XII, 49): "Je suis venu jeter le feu sur la terre, et que désiré-je, si ce n’est qu’il s’allume?" Mais, comme il est écrit (Ecclésiastique IX, I): "L’homme ne sait s’il est digne d’amour ou de haine, mais toutes choses sont incertaines et gardées pour l’avenir," comment expliquer ce que dit S. Paul: "Qu’il est assuré que rien ne pourra le séparer de l’amour?" On peut répondre que l’Apôtre ne parle pas spécialement de lui-même, mais au nom de tous les prédestinés, à l’égard desquels, en raison de la certitude de la prédestination, il proclame que quoi que ce soit ne pourra le séparer de la charité. Or cette certitude même peut être produite par la grandeur de l’amour, qui, en tant qu’il est en lui, ne peut être banni des justes, parce qu’ils aiment Dieu par dessus toutes choses. Que si quelque fidèle veut parfois s’écarter de la charité, cela ne tient pas à l’imperfection de la charité elle-même, mais à l’imperfection du libre arbitre. Si cependant S. Paul a parlé en ces termes de lui-même, il a pu en avoir la certitude pal révélation peut-être, parce qu’il lui a été dit (II Cor., XII, 9): "Ma grâce te suffit." Car, pour ce qui est de la possibilité de faillir du côté du libre arbitre, S. Paul lui-même dit ailleurs (I Cor., IX, 27): "De peur qu’après avoir prêché les autres je ne sois réprouvé moi-même."



CHAPITRE IX: LE MYSTERE D'ISRAËL





Romains 9, 1 à 5: Affection pour les Juifs

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075 (
Rm 9,1-5)



SOMMAIRE: L’Apôtre, ayant dit déjà et devant dire encore plusieurs choses pénibles pour les Juifs, et ne voulant pas paraître l’avoir fait par un sentiment de haine, témoigne de sa tendre affection pour eux; il affirme avec serment qu’il a désiré être anathème pour le salut de ceux à qui Dieu a fait tant de dons et de si magnifiques promesses.



1. Je dis la vérité dans le Christ, je ne mens pas, ma conscience me rendant ce témoignage par l’Esprit Saint.

2. Qu'il y a une tristesse profonde en moi et une douleur continuelle dans mon coeur,

3. A ce point que je désirais ardemment d'être moi-même anathème à l’égard du Christ, pour mes frères, qui sont de mon sang selon la chair,

4. Qui sont Israélites, auxquels appartiennent l’adoption des enfants, la gloire, l’alliance, la Loi, le culte et les promesses,

5. Dont les pères sont ceux de qui est sorti selon la chair le Christ même, qui est au-dessus de toutes choses, Dieu béni dans tous les siècles. Amen.

Par ce qui précède, S. Paul a démontré la nécessité et la puissance de la grâce. Il commence à traiter ici de l’origine de cette grâce, à examiner si elle est donnée par la seule élection de Dieu, ou en vertu des mérites des oeuvres antécédentes. L’occasion de traiter cette question s’offre à lui parce que les Juifs, qui paraissaient attachés au culte de Dieu, étaient déchus de la grâce, tandis que les Gentils étaient admis à la recevoir, eux qui d’abord avaient été éloignés de Dieu. Il traite donc d’abord de l’élection des Gentils, puis de la chute des Juifs au chapitre X: "Mes frères, la disposition de mon coeur est, etc." A l’égard de l’élection des Gentils, premièrement il rappelle la dignité des Juifs; secondement il fait voir comment les Gentils ont été appelés à cette dignité, à ces mots (verset 6): "Non que la parole de Dieu soit restée sans effet..." Sur la dignité des Juifs l’Apôtre montre: son affection pour la nation juive, de peur que ce qu’il dit d’eux ne paraisse venir de la haine; II° leur grandeur, à ces mots (verset 4): "Qui sont Israélites..."

I° Or, pour leur témoigner son affection, I. Il relève ce qu’il va dire; II. Il dit quelle est cette affection, à ces mots (verset 2): "Une profonde tristesse."

I. Pour relever ce qu’il va dire:

Il l’affirme par une simple assertion, en disant (verset 1): "Je dis la vérité dans le Christ;" manière de parler qui convient surtout à un prédicateur témoin de la vérité (Proverbes VIII, 7): "Les sources de la vérité sortiront de ma bouche;" et (Zach., V, 19): "Aimez la vérité et la paix." Et, comme quelquefois on mêle le mensonge à la vérité qu’on profère, pour prévenir ce soupçon l’Apôtre ajoute (verset 1): "Je ne mens pas" (Ephés., IV, 25): "Renonçant au mensonge, parlez selon la vérité."

Il confirme ce qu’il va dire par le serment, qui est une sorte d’assurance sur le témoignage de la vérité infaillible. Or voici les témoins des saints:

A) Dieu (Job, XVI, 20): "J’ai dans le ciel un témoin." Aussi S. Paul dit-il (verset 1): "Dans le Christ Jésus," c’est-à-dire par Jésus-Christ, qui est la vérité sans mensonge (II Cor., I, 40): "Car le Fils de Dieu, qui vous a été prêché, n'est pas tel que le oui et le non se trouvent en lui."

B) Le témoin infaillible des saints, c’est leur conscience; c’est pourquoi S. Paul ajoute (verset 1): "Ma conscience me rendant ce témoignage " (II Cor., I, 11): "Notre gloire, c’est le témoignage de notre conscience." Et, comme quelquefois la conscience se laisse aller à l’erreur, si elle n’est redressée par l’Esprit Saint, il dit (verset 1): "Par le Saint Esprit;" (ci-dessus, VIII, 16): "L’Esprit Saint lui-même rend témoignage à notre esprit."

II. Quand S. Paul dit (verset 2): "Qu’une profonde tristesse est en moi, il témoigne de son affection pour les Juifs par la douleur qu’il ressent de leur chute. Il expose cette douleur; il en donne la marque, en disant (verset 3): "Je désirais ardemment."

Or il fait sentir l’étendue de sa douleur:

A) par sa grandeur (verset 2): "Une profonde tristesse est en moi," à savoir, parce qu’elle a pour motif un grand malheur: la ruine d’une si grande nation (Lament., II, 13): "Ta douleur est vaste comme la mer."

On peut alléguer contre ces paroles de S. Paul cette défense (Ecclésiastique XXX, 22): "Ne livrez pas votre âme à la tristesse," défense qui paraît favoriser l’erreur des Stoïciens, lesquels bannissaient absolument la tristesse de l’âme du sage; car, la tristesse ayant pour objet un mal présent, elle ne peut affecter l’âme de celui à qui aucun mal n’est; présent. Ces philosophes ne regardaient, en effet, comme bon que ce qui était selon la règle de l’honnêteté, et comme mal ce qui était faute.

On réfute cette opinion de deux manières: d’abord, parce que les défaillances corporelles, bien qu’elles ne soient pas absolument des maux qui fassent devenir les hommes mauvais, sont cependant telles, en ce sens que la nature les a en aversion. Aussi lit-on que le Sauveur lui-même s’en est attristé (Matth., XXVI, 38): "Mon âme est triste jusqu’à la mort." Ensuite, l’homme, d’après le précepte de la charité, devant aimer son prochain comme lui-même, le sage ressent une tristesse louable du péché du prochain, comme de son propre péché. C’est ce qui fait dire à S. Paul (II Cor., XI, 21): "Je crains d’être réduit à pleurer plusieurs d’entre vous, parce qu’ils ont péché." Ainsi donc la tristesse mondaine est réprouvée, parce que, procédant de l’amour du siècle, elle opère la mort; mais la tristesse qui est; selon Dieu, procédant de la divine charité, opère le salut, comme il est dit (II Cor., VII, 11). Telle fut la tristesse de S. Paul.

B) L’Apôtre fait comprendre sa douleur par sa continuité (verset 2): "Une douleur continuelle. Non qu’il fût affligé par un acte continu, mais cette douleur était habituelle (Jér., IX, 1): "Je pleurerai nuit et jour les morts de la fille de mon peuple."

C) Par la vérité du sentiment qu’il éprouve (verset 2): "Dans mon coeur." Car elle n’était pas superficielle, à cette douleur, mais profondément enracinée dans son âme (Lament., I, 22): "Mes gémissements sont nombreux, et mon coeur est dans la tristesse."

Lorsqu’il dit ensuite (verset 3): "Je désirais ardemment," S. Paul donne la preuve de sa douleur, en disant (verset 3): "Je désirais être moi-même," moi si plein d’ardeur dans l’amour du Christ, "être à l’égard du Christ anathème pour mes frères." Il faut ici remarquer que le terme "anathème" est grec, composé de la préposition ana qui veut dire sur, et la fin thème qui signifie position; en sorte que l’on appelle "anathème" ce qui est superposé; car, quand dans un pillage l’on se rendait maître d'un objet qu’on ne voulait pas laisser à l'usage des hommes, on le suspendait dans le temple. L’usage est donc resté jusqu’à ce jour de donner le nom "d’anathème" à ce qui n'est pas abandonné à l’usage commun des hommes. C’est de là qu’il est dit (Josué, VI, 17): "Que cette ville soit anathème à l’égard du Seigneur, avec tout ce qu’elle renferme!" S. Paul dit donc (verset 3): "Je désirais ardemment que Jésus-Christ me rendît moi-même anathème," c’est-à-dire qu’il me séparât de lui; ce qui peut avoir lieu de deux manières

A) D’abord, par une faute qui sépare de l’amour de Jésus-Christ celui qui n’observe pas son précepte (Jean, X, 15): "Si vous m’aimez, gardez mes commandements." L’Apôtre ne pouvait être anathème à l’égard du Christ de cette manière pour n'importe quelle cause; ceci est de toute évidence, d’après ce qui a été dit au ch. VIII; car ce serait contre le précepte de la charité, qui nous ordonne d’aimer Dieu par-dessus toutes choses, et notre propre salut plus que le salut des autres. Aussi S. Paul ne dit pas: je souhaite, mais: Je souhaitais, c’est-à-dire dans le temps où j’étais infidèle. Cependant, en adoptant ce sens, l’Apôtre ne dirait rien d’extraordinaire, car alors il voulait, même pour lui-même, être séparé de Jésus-Christ. C’est pourquoi une Glose applique ce mot de S. Paul: "Il y a en moi une profonde tristesse," à celle que lui faisait éprouver l’état ancien de son péché, alors qu’il voulait être séparé de Jésus-Christ.

B) On peut, en second lieu, être séparé de Jésus-Christ, c’est-à-dire de sa possession dans la gloire. C’est de cette manière que S. Paul voulait être séparé de Jésus-Christ pour le salut des Gentils; combien plus donc pour le salut des Juifs, selon ce passage de l’épître aux Philippiens (I, 23): "J'ai un ardent désir d’être dégagé des liens du corps, et d’être avec le Christ....; mais il est plus avantageux pour vous que je demeure en cette vie." C'est donc ainsi qu’il disait: "Je désirais," à savoir, si cela était possible, "être anathème;" en d’autres termes, séparé de la gloire, ou absolument ou pendant un temps, pour la gloire qui reviendra à Jésus-Christ de la conversion des Juifs, suivant cette parole des Proverbes (X, 28): "La multitude du peuple est la dignité du roi." Sur ce passage, S. Chrysostome dit au 1° livre du Traité de la Componction du coeur: Toute l'âme de S. Paul est tellement sous la pression de l’amour, que ce qui lui était plus doux que tout au monde, c’est-à-dire d’être avec Jésus-Christ, il le mépriserait si cela était agréable à Jésus-Christ, et se déciderait à sacrifier pour lui le royaume des cieux, qui paraissait devoir être la récompense de ses travaux. L’Apôtre montre la cause d’un si prodigieux effet de son amour, en disant (verset 3): "Pour mes frères." Aussi est-il dit (Ecclésiastique XXV, 1): "Trois choses sont agréables à Dieu, et d’abord la concorde des frères." Et pour que l’on n’entende pas ces paroles de ceux qui étaient, selon l’Esprit, frères en Jésus-Christ, selon cette parole de S. Matthieu (XXIII, 8): "Vous êtes frères," S. Paul ajoute (verset 3): "Qui sont mes proches selon la chair " (II Cor., XI, 23): "Sont-ils de la race d’Abraham? Et moi aussi."

II° En disant (verset 4): "Qui sont les Israélites," l’Apôtre relève la dignité des Juifs, afin que sa tristesse paraisse raisonnable en raison de l’antique dignité du peuple qui périssait: c’est, en effet, un mal heur plus grand de perdre sa dignité que de ne l’avoir jamais eue, remarque la Glose; afin de montrer aussi que cette tristesse ne venait pas seulement de l’affection charnelle.

I. Il fait donc voir la grandeur de cette dignité, quant à la nation, lorsqu’il dit (verset 4): "Qui sont les Israélites," descendants de la race de Jacob, qui fut appelé Israël (Gen., XXXII, 28, et II Cor., XI, 23): "Sont-ils Israélites? Et moi aussi; "car c’est là de la dignité, puisqu’il est dit (Deut., IV, 7): "Il n'est pas de nation si grande qui ait des Dieux aussi présents."

II. Grandeur de la dignité, quant aux bienfaits de Dieu, parmi lesquels S. Paul place au premier rang les dons spirituels, dont l’un regarde le temps présent.

De ce bienfait il dit (verset 4): "A qui appartient l’adoption des enfants." C’est en ce sens qu’il est dit (Exode, IV, 22): "Israël est mon premier-né." Il est évident qu’on doit appliquer ces paroles aux hommes spirituels qui firent partie de ce peuple. Quant aux charnels, l’Apôtre a insinué (ci-dessus, VIII, 9): "Qu’ils n’ont reçu que l’Esprit de servitude dans la crainte."

Il rappelle encore un autre bienfait de Dieu qui regarde l’avenir, lorsqu’il dit (verset 4): "Et la gloire," à savoir, celle des enfants de Dieu, qui fut promise aux Juifs, et en signe de laquelle on lit dans l’Exode (XL, 32) que: "La gloire du Seigneur remplit la tente."

L’Apôtre énumère ensuite les autres bienfaits figuratifs, dont trois sont la figure des dons spirituels accordés dans le temps présent. Le premier de tous, c’est " le Testament," c’est-à-dire le pacte de la Circoncision donné à Abraham, comme il est rapporté dans la Genèse (XVII, 10), bien que ce mot puisse se rapporter au Testament Nouveau, qui fut d’abord annoncé aux Juifs, ce qui faisait dire à Notre Seigneur lui-même (Matth., XV, 24): "Je ne suis envoyé que pour les brebis perdues de la maison d’Israël;" et précédemment (Jér., XXXI, 31): "Voilà que les jours viennent, et j’établirai une alliance nouvelle avec la maison d’Israël." Le second bienfait est la Loi donnée à Moïse, ce qui fait ajouter à S. Paul (verset 4): "La Loi" (Ecclésiastique XXIV, 4): "Moïse nous a donné la Loi." Le troisième est le culte divin (verset 4): "Et le culte," à savoir, par lequel les Juifs servaient Dieu, tandis que toutes les autres nations servaient les idoles (Is 44,1): "Et maintenant écoutez, ô Jacob mon serviteur, ô Israël, vous que j’ai choisi."

S. Paul expose ensuite ce qui appartient à la gloire future, en disant (verset 4): "Et les promesses." Car les promesses faites dans l’Ancien Testament et accomplies par Jésus-Christ paraissent faites particulièrement aux Juifs. De là ces paroles (ci-après, XV, 8): "Je vous déclare que Jésus-Christ a été le ministre pour le peuple circoncis, afin de vérifier la parole de Dieu et de confirmer les promesses faites à nos pères." Or souvent il leur a été fait des promesses de biens temporels (Lévit., XXVI, 3, et Deut., XVIII, 9), mais ces biens temporels étaient la figure des biens spirituels.

III. L’Apôtre fait ressortir la dignité des Juifs par leur origine (verset 5): "Qui ont pour pères les patriarches," c’est-à-dire que selon la chair ils sont descendus de ces patriarches, qui furent très agréables à Dieu (Deut., IV, 37): "J’ai aimé vos pères et choisi leur race après eux;" et (Osée, IX, 10): "J’ai choisi leurs pères comme les premiers fruits qui viennent au sommet du figuier."

IV. Enfin S. Paul exalte leur dignité par leur descendance (verset 5): "De qui est sorti, selon la chair, le Christ lui-même," comme le Sauveur l’a dit lui-même (Jean, IV, 22): "Le salut vient des Juifs." Mais de peur que cet avantage ne soit pas estimé à sa juste valeur, S. Paul exalte la dignité de Jésus-Christ, en disant (verset 5): "Qui est Dieu au-dessus de toutes choses et béni dans tous les siècles" (I Jean, V, 20): "C’est lui qui est le vrai Dieu et la vie éternelle."

Ces paroles de S. Paul confondent quatre hérésies:

celle de Manès, qui prétendait que Jésus-Christ n’avait eu qu’un corps fantastique et non un corps véritable. S. Paul la réfute, en disant: "Selon la chair," d’après ces paroles de S. Luc (XXIV, 39): "Un esprit n’a ni chair ni os, comme vous voyez que j’ai."

L’hérésie de Valentin, qui avançait que le Christ n'a pas pris un corps de la masse commune du genre humain, mais qu’il l’a apporté des cieux. L’Apôtre la repousse, en disant que "Le Christ est descendu des Juifs selon la chair," d’après ce passage de S. Matthieu (I, 1): "Livre de la Génération de Jésus-Christ."

Celle de Nestorius, qui enseignait qu’autre est le Fils de l’homme, autre le Fils de Dieu, malgré ce que l’Apôtre dit ici, que "Celui-là même qui a eu pour pères les patriarches, selon la chair, est le Dieu au-dessus de toutes choses."

Enfin l’hérésie d’Arius, qui soutenait que le Christ est inférieur à son Père et tiré du néant; erreurs contredites, la première, quand S. Paul dit: "Qui est au-dessus de toutes choses;" la seconde, quand il dit: "Qui est béni dans tous les siècles;" car c’est de Dieu seul que l’on peut dire que sa bonté demeure dans les siècles.




Thomas A. sur Rm (1869) 41