Thomas A. sur Rm (1869) 54

Romains 11, 33 à 36: Hymne à la mystérieuse providence de Dieu

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Rm 11,33-36)



SOMMAIRE: L’Apôtre pousse un cri d’admiration sur les jugements de Dieu et sur les profondeurs infinies de sa sagesse; il termine l’exposition du mystère de la prédestination.



33. O profondeur des trésors de la sagesse et de la science de Dieu! Que ses jugements sont incompréhensibles, et ses voies impénétrables!

34. Car qui a connu la pensée du Seigneur? Ou qui a été son conseiller?

35. Ou qui, le premier, lui a donné et recevra en retour?

36. Car c'est de lui, et par lui, et en lui que sont toutes choses; à lui la gloire dans les siècles. Ainsi soit-il.

Dans ce qui précède, S. Paul s’est efforcé de faire sentir la raison des jugements divins, par lesquels soit Gentils soit Juifs obtiennent miséricorde après leur incrédulité. Se considérant maintenant comme impuissant à les approfondir, il pousse tin cri d’admiration devant la grandeur de Dieu. I” Il dit son admiration; II° il prouve ce qu’il a avancé, à ces mots (verset 34): "Car qui a connu la pensée du Seigneur?

I° Sur le premier point, il admire l’excellence de la divine sagesse, I. considérée en elle-même; II. Par comparaison avec nous, à ces mots (verset 33): "Que ses jugements sont incompréhensibles!"

I. Il admire l’excellence de la divine sagesse:

Quant à sa profondeur, en disant (verset 33): "O profondeur!" (Ecclésiastique V, 25): "O profondeur de la sagesse! Qui pourra la sonder?" et (Jér., XVII, 12): "Le trône de la gloire du Seigneur est élevé dès le commencement." Or on peut considérer cette profondeur sous trois rapports:

A) d’abord, quant à l’objet de la con naissance, à savoir en tant que Dieu se connaît parfaitement lui-même (Ecclésiastique XXIV, 17): "La sagesse habite dans les hauteurs."

B) Ensuite, quant au mode de connaissance, en tant que par lui-même Dieu connaît toutes choses (Psaume C, 20): "Il a regardé du haut de son lieu saint; le Seigneur a regardé du ciel sur la terre."

C) En à la certitude de la connaissance (Ecclésiastique XXIII, 28): "Les yeux du Seigneur sont beaucoup plus lumineux que le soleil."

Il admire l’excellence de la divine sagesse, quant à sa plénitude, lorsqu’il dit (verset 33): "Des trésors " (Is 33,6): "La sa gesse et la science sont les trésors du salut." Or on peut considérer cette plénitude également sous trois rapports:

A) d’abord la multitude des choses connues, c’est-à-dire que Dieu connaît toutes choses (Jean, XXI, 17): "Seigneur, vous connaissez toutes choses;" (Colos., II, 3): "En lui sont renfermés tous les trésors de la science de Dieu."

B) Ensuite, quant à la facilité de sa connaissance, puisque d’un regard Dieu embrasse tout, sans travail et sans difficulté (Hébr., IV, 13): "Tout est nu et à découvert devant ses yeux."

C) Enfin, quant à l’étendue de la connaissance, puisque Dieu la communique à tous libéralement (Jacques I, 5): "Si quelqu’un d’entre vous manque de sagesse, qu’il la demande à Dieu, qui la donne à tous avec abondance."

L’Apôtre admire la divine grandeur, quant à sa perfection, lorsqu’il dit (verset 33): "De la sagesse et de la science de Dieu." Car Dieu a et la science des choses divines (Job, XII, 13): "En Dieu résident la force et la sagesse," et la science des choses créées (Baruch, III, 32): "Celui qui sait toutes choses la connaît."

II. Lorsqu’il dit (verset 33): "Que ses jugements sont incompréhensibles!" S. Paul montre l’excellence de la divine sagesse, par comparaison avec notre intelligence:

quant à la sagesse, à laquelle il appartient de juger et de disposer. De là cette exclamation (verset 32): "Que ses jugements sont incompréhensibles!" à savoir, l’homme ne peut saisir dans leur ensemble la raison des divins jugements, puisqu’ils sont cachés dans la sagesse de Dieu (Psaume XXXV, 6): "Vos jugements sont un abîme impénétrable; (Job, XI, 7): "Prétendez-vous sonder ce qui est caché en Dieu et connaître parfaitement le Tout-Puissant?"

  Quant à la science, par laquelle il opère dans la nature (verset 33): "Et ses voies sont impénétrables," c’est-à-dire les hommes ne peuvent pas les pénétrer entièrement; ses voies," c’est-à-dire son mode d’opération dans les créatures. Quand ces créatures elles-mêmes seraient connues de l’homme, cependant le mode selon lequel Dieu opère en elles ne peut être compris de l’homme (Psaume LXXVI, 10): "La mer a été votre route, les flots vos sentiers, et l’on ne connaîtra pas vos traces;" et (Job, XXXVIII, 19): "Par quelle voie est répandue la lumière?"

II° Lorsqu’il ajoute (verset 34): "Car qui a connu la pensée du Seigneur?" S. Paul prouve ce qu’il a avancé. A cet effet il cite deux passages, dont l’un se trouve dans Isaïe (XL, 13). On y lit, suivant notre Vulgate: "Qui seconde l’esprit du Seigneur? Ou qui est entré dans ses conseils?" au lieu de ce qui est ici (verset 34): "Qui a connu la pensée du Seigneur? Ou qui a été son conseiller?" Le second pas sage se trouve dans Job (XLI, 41): "Qui m’a donné le premier, afin que je lui rende?" S. Paul cite ce passage en ces termes (verset 34): "Qui le premier lui a donné et sera rétribué?" Or, dans ces paroles et dans celles qui suivent, l’Apôtre fait trois choses:

I. Il montre l’excellence de la divine sagesse par comparaison avec notre intelligence, en disant: Il a été dit: "Que ses jugements sont incompréhensibles et ses voies impénétrables!" (verset 34): "Car qui a connu la pensée du Seigneur?" c’est-à-dire la pensée qui dirige son jugement et la marche de ses desseins. Comme s’il disait: personne, sinon par révélation (Sag., IX, 17): "Qui aura votre pensée, Seigneur, si vous ne donnez vous-même la sagesse et si vous n’envoyez votre Esprit d’en haut?" et (I Cor., II, 11): "Personne ne connaît ce qui est de Dieu, sinon l’Esprit de Dieu." Or Dieu nous l’a révélé par son Esprit.

II.L’Apôtre montre l’excellence de la sagesse divine par la profondeur qu’elle a en elle-même, profondeur qui est le propre du premier principe, lequel a deux caractères essentiels: il ne procède d’aucun autre; les autres émanent de lui. L’Apôtre indique ces caractères, à ces mots (verset 36): "Puisque c’est de lui."

Que la sagesse de Dieu ne dépend pas d’un principe plus relevé, S. Paul le fait voir par deux raisons.

A) D’abord elle n’a pas besoin d’un conseil étranger; ce qui lui fait dire (verset 34): "Qui a été son conseiller?" Comme s’il disait: personne. Car celui-là a besoin de conseil qui ne sait pas parfaitement comment il faut agir: Dieu n'est n’est pas dans ce cas (Job, XXVI, 3): "A qui donnez-vous le conseil? Est-ce à celui qui n’a pas assez de sagesse?" et (Jér., XXIII, 18): "Qui a assisté au conseil du Seigneur?"

B) De plus, la sagesse divine n’a pas besoin d’un secours étranger; de là (verset 35): "Ou qui, le premier, lui a donné, etc.," et pour cela "sera rétribué" comme s’il lui avait donné le premier? Comme si S. Paul disait: personne. En effet, l’homme ne pourrait donner à Dieu que ce qu’il a reçu de lui (I Chroniques XXIX, 44): "Tout est à vous, et nous ne vous avons donné que ce que nous avons reçu de vos mains;" et (Job, XXXV, 7): "Si vous agissez avec justice, que lui donnerez-vous, ou que peut-il recevoir de votre main?"

Lorsqu’il ajoute (verset 36): "Puisque c’est de lui, etc., "l’Apôtre fait voir la grandeur de Dieu, en tant qu’en lui sont renfermées toutes choses. Et d’abord il montre en lui la causalité; ensuite, la dignité, à ces mots (verset 36): "A lui la gloire;" enfin, la perpétuité, à ces autres (verset 36): "Dans les siècles."

A) Il dit donc d’abord: "J’ai dit avec raison que personne ne lui a donné le premier," Puisque "c’est de lui, par lui et en lui que sont toutes choses." Ainsi rien ne peut exister qu’autant que Dieu le veut. Mais, pour désigner en Dieu la causalité, S. Paul se sert de trois prépositions, à savoir: de, par et en.

a) Or cette préposition de exprime le principe du mouvement, et cela de trois manières: d’abord, en indiquant le principe même, agent ou moteur; ensuite l’objet matériel, et enfin l’opposé des deux termes, c’est-à-dire celui de qui procède le mouvement. Nous disons, en effet, qu’une lame est faite par l’ouvrier; qu’elle est de fer et d’une matière Informe. Or l’universalité des créatures n'a pas été faite d’une matière préexistante, attendu que la matière elle-même est l’oeuvre de Par conséquent, on ne dit pas que tout ce qui a été créé provient d’un autre fonds; mais on dit, par une sorte d’opposition, que tout est sorti de rien, parce que les créatures n’étaient rien avant d'être créées à la vie (Sag., II, 2): "Nous sommes nés de rien." Tout vient de Dieu, comme du premier agent (I Cor., XI, 12): "Tout est de Dieu." Il faut cependant remarquer que cette préposition de, qui semble désigner l’identité des rapports, ajoute encore quelque chose: elle désigne toujours une cause de même substance que l’effet. Ainsi nous disons qu’une lame est de fer, et non de l’ouvrier; mais, parce qu’un fils procède de son père et lui est consubstantiel, nous disons que le fils est du père. Or les créatures ne procèdent pas de Dieu comme lui étant consubstantielles; aussi on ne dit pas qu’elles sont de lui, mais qu’elles viennent de lui.

b) Cette autre préposition par désigne la cause qui produit l’effet; mais parce que la production est intermédiaire entre le producteur et l'effet produit, cette préposition désigne de deux manières la cause qui opère. D’abord, en tant que la production est l’acte du producteur: c’est ainsi que l’on dit produire par soi-même quand on est soi-même la cause qui fait opérer; ceci appartient, dans un sens, à la forme, comme lorsque nous disons que le feu échauffe par sa chaleur. Ensuite, en tant que produire est l’acte d’un agent supérieur, par exemple quand nous disons que l’homme produit par la vertu du soleil, ou plutôt par celle de Dieu. C’est dans ce sens que tout existe par Dieu, et cela de deux manières: d’abord, comme premier agent, par la puissance duquel agissent tous les autres (Proverbes VIII, 15): "Par moi les rois règnent;" ensuite, en tant que sa sagesse, qui est son essence, est la forme par laquelle Dieu a fait toutes choses, selon ce passage du même livre (III, 19): "Le Seigneur a fondé la terre par sa sagesse." Cette même préposition par désigne encore d’une autre manière la cause qui opère, non en tant qu’elle procède de celui qui opère, mais en tant qu’elle se termine à l’effet, comme quand nous disons que l'ouvrier a fait la lame par le marteau; ce qu’il ne faut pas entendre dans ce sens que le marteau opère par l’ouvrier, comme nous l’expliquions dans ce qui précède, mais parce que la lame se fait par le travail de l’ouvrier au moyen d’un marteau. Et voilà pourquoi nous disons que cette préposition par désigne quelquefois l'autorité dans les matières de droit, comme lorsqu’on s’exprime ainsi: le prince agit par le magistrat; ce qui rentre dans ce que nous disons. Quelquefois, pour la désignation des causes, comme lorsqu'on dit: le magistrat agit par le prince; ce qui appartient au mode précédent. Or c’est selon ce dernier mode, dont nous parlons, que nous disons que le Père a tout fait par son Fils, suivant ce passage de S. Jean (I, 3): "Toutes choses ont été faites par lui;" non pas que le Père tienne de son Fils le pouvoir de faire ce qu’il fait, m plutôt parce que le Fils reçoit du Père la puissance d’opérer, non comme cause instrumentale, ou dépendante, ou différente, mais principale, égale et se (Jean, V, 10): "Tout ce que fait le Père, le Fils le fait également." De là, bien que toutes choses soient faites par le Fils, le Fils cependant n’est ni l’instrument ni le ministre du Père.

c) La troisième préposition: en désigne aussi la cause sous un triple rapport. D’abord elle indique la matière; c’est ainsi que nous disons: l’âme est dans le corps, la forme est dans la matière. On ne peut pas dire en ce sens que toutes choses soient en Dieu, parce que Dieu n'est pas la cause matérielle des choses. Cette préposition indique ensuite la cause efficiente qui peut disposer les effets qu’elle produit; dans ce sens on peut dire que toutes choses sont en Dieu, en tant qu’elles sont sous sa puissance et à sa disposition, selon ce passage du Psalmiste (XCIV, 4): "Il tient dans ses mains toute la terre;" et (Actes XVII, 28): "C’est en lui que nous avons la vie, le mouvement et l’être." La préposition en indique enfin le rapport de cause finale, en tant que tout le bien d’une chose et sa conservation résident dans son bien suprême; dans ce sens on peut dire que tout est en Dieu, comme dans la bonté qui conserve (Colos., I, 17): "Toutes choses subsistent en lui." Cette expression de l’Apôtre "tout," doit être prise, dans un sens absolu, pour tout ce qui a une existence réelle. Or les péchés n’ont pas d’être réel, car ils sont péchés par défaut d’être, attendu que le mal est la privation du bien. Voilà pourquoi, lorsque S. Paul dit: "Tout est de lui, par lui, en lui," ce passage ne s’entend pas du péché. En effet, dit S. Augustin, "le péché n’est rien, et néant devient l’homme qui pèche." Cependant tout ce qu’il y a d’être dans le péché vient de Dieu.

Ainsi donc, d’après ce qui précède, tout est de Lui, c’est-à-dire de Dieu, comme du premier pouvoir qui opère; tout est par Lui, en tant qu’il fait tout par sa sagesse; tout est en Lui comme dans la bonté qui conserve. Or ces trois attributs, à savoir: la puissance, la sagesse et la bonté, sont communs aux trois Personnes; par conséquent, ce que dit l’Apôtre: "De Lui, et par Lui, et en Lui," peut être attribué à chacune de ces Personnes. Toutefois la puissance, qui a le caractère de principe, est spécialement attribuée au Père, qui est le principe de toute divinité; la sagesse, au Verbe, qui procède comme Verbe, parce qu’il n’est autre chose que la Sagesse engendrée; la bonté, au Saint Esprit, qui procède par amour, dont l’objet est la bonté; et par suite, en spécialisant, nous pouvons dire: De Lui, c’est-à-dire du Père; "par Lui," c’est-à-dire le Fils; "en Lui," c’est-à-dire le Saint Esprit, " sont toutes choses.

B) Lorsqu’il dit (verset 36): "A Lui soit honneur et gloire," l’Apôtre montre la grandeur de Dieu, qui consiste en deux points précédemment expliqués. Car de ce que de Lui, et par Lui et en Lui sont toutes choses, il a droit à l’honneur, au respect et à la soumission de toute créature (Malachie, X, 6): "Si je suis votre Père, où est mon honneur?" De ce qu’il ne reçoit de personne ni conseil ni don, il a droit à la gloire; et, par la raison contraire, il est dit à l’homme (I Cor., IV, 7): "Si vous avez reçu, pourquoi vous en glorifiez-vous comme si vous n’aviez pas reçu?" Comme il n’y a que Dieu qui n’ait rien reçu, il est dit dans Isaïe (XLII, 8): "Je ne donnerai pas ma gloire à un autre."

C) Enfin S. Paul place en dernier lieu l’éternité, lorsqu’il dit (verset 36): "Dans les siècles des siècles." C’est que la gloire de Dieu n'est pas passagère comme celle de l’homme, dont il est dit (Isaïe XII, 6): "Toute sa gloire est comme la fleur des champs;" la gloire de Dieu dure dans les siècles des siècles, c’est-à-dire pendant tous les siècles qui succéderont aux siècles, en tant que par siècle on entend la durée de chaque chose. On appelle encore: siècles des siècles, les siècles, c’est-à-dire la durée des choses incorruptibles, laquelle comprend les siècles des choses corruptibles, mais principalement l’éternité de Dieu elle-même, qui, bien qu’elle soit une et simple, peut cependant s’exprimer par le pluriel, à cause de la multitude et de la diversité des siècles qu’elle contient, en sorte que le sens soit: dans les siècles qui renferment les siècles (Psaume CXLIV, 13): "Votre règne est un règne de tous les siècles."

L’Apôtre ajoute comme confirmation: "Amen;" comme s’il disait: il est vraiment ainsi. C’est dans ce sens que ce mot est pris dans l’Evangile, où il est dit: "Je vous le dis en vérité," Quelquefois cependant cette expression est prise pour: qu’il soit ainsi fait. C’est de là que, dans le Psautier de S. Jérôme, il est dit: "Et tout le peuple dira: Amen." Notre Vulgate dit: "Qu’il soit ainsi, qu’il soit ainsi!"





CHAPITRE XII: LA SAINTETE





Romains 12, 1 à 3: Conserver la sainteté

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Rm 12,1-3)



SOMMAIRE: L’Apôtre recommande aux fidèles de Rome de se conserver dans la sainteté, et d’être sages avec modération, selon la mesure de la science et de la foi que Dieu leur a départie.



1. Je vous conjure donc, mes frères, par la miséricorde de Dieu, d'offrir vos corps en hostie vivante, sainte et agréable à Dieu, pour rendre votre culte raisonnable.

2. Et ne vous conformez pas au siècle présent, mais transformez-vous par le renouvellement de votre esprit, afin que vous reconnaissiez combien la volonté de Dieu est bonne, agréable et parfaite.

3. Car je dis, en vertu de la grâce qui m'a été donnée, à tous ceux qui sont parmi vous, de ne pas être sages au delà des bornes de la sagesse, mais d'être sages avec modération et selon la mesure de la foi que Dieu a départie à chacun.

Après avoir établi la nécessité des vertus et l’origine de la grâce, S. Paul enseigne ici quel doit être l’usage de cette grâce, ce qui fait partie de l’instruction morale. A cet effet, il expose d’abord la doctrine morale en général; puis il descend spécialement dans quelques détails qui concernaient ceux auxquels il écrivait, vers le milieu du ch. XV, à ces mots (verset 14): "Pour moi, je suis persuadé, etc." Sur le premier de ces points, il enseigne l’usage de la grâce, d’abord en tant que l’homme doit travailler à devenir parfait; ensuite en tant que celui qui est parfait doit supporter celui qui ne l’est pas encore, à ces mots (XIV, 4): "Soutenez celui qui est encore infirme dans la foi." Sur la perfection, il exhorte à embrasser premièrement la sainteté que l’homme doit conserver pour Dieu; secondement la justice que l’on doit au prochain, à ces mots du ch. XIII, 1: Que toute âme soit soumise aux puissances supérieures;" troisièmement la pureté de sa propre personne, vers la fin du ch. XIII, à ces mots (verset 11): "nous savons que le temps presse."

Sur l’obligation de la sainteté, il engage les Romains à s’offrir à Dieu dans la sainteté; II° il enseigne comment il faut user des dons de la grâce divine par laquelle on devient saint, à ces mots (verset 3): "Je dis à tous, en vertu de la grâce qui m’a été donnée..."

I° Sur le premier point, I. Il montre comment chacun doit s’offrir à Dieu quant au corps; II. Quant à l’âme, à ces mots (verset 2): "Et ne vous conformez pas au siècle présent."

I. Quant à l’offrande du corps, il fait deux choses:

Il exhorte les Romains à la pratique des règles qui sont enseignées, et cela de deux manières:

A) En s’interposant lui-même, lorsqu’il dit (verset 4): "Je vous conjure donc, mes frères;" comme s’il disait: il a été établi que les jugements de Dieu sont incompréhensibles, et ses voies impénétrables;" Donc, mes frères, je vous conjure "d’observer ce que je vais vous dire." Or l’Apôtre se sert de l’obsécration, a) d’abord pour marquer son humilité (Proverbes XVIII, 23): "Le pauvre parle avec prière," parce qu’il ne se confie pas dans son abondance; c’est pourquoi il s’efforce de porter les hommes au bien, non par des motifs personnels, mais par des raisons tirées de Dieu; car user de l’obsécration, c’est conjurer par les choses sacrées. b) Ensuite il emploie la prière pour toucher par l’affection plutôt que par la crainte au moyen de l’autorité. C’est ainsi qu’il écrivait à Philémon (verset 8): "Encore que je puisse prendre en Jésus-Christ une entière liberté de vous ordonner ce qui est de votre devoir, néanmoins l’amour que j’ai pour vous fait que j’aime mieux vous supplier;" et (Gal., VI, 1): "Vous qui êtes spirituels, relevez celui qui tombe, dans un esprit de douceur." Enfin, par respect pour les Romains auxquels il s'adresse (I Tim., V, 1): "Ne reprenez pas les vieillards avec dureté, mais conjurez-les comme vos pères."

B) S. Paul exhorte en invoquant la bonté de Dieu, lorsqu’il dit (verset 1): "Par la miséricorde de Dieu," c’est-à-dire par la miséricorde qui vous a sauvés (Tite, III, 5): "C’est par sa miséricorde qu’il nous a sauvés." Par conséquent, en considérant cette divine miséricorde, nous devons faire ce que l’Apôtre nous conseille de faire (Matth., XVIII, 33): "Ne fallait-il pas que vous aussi vous eussiez pitié de votre frère, comme j’ai eu pitié de vous?" On peut encore expliquer: "Par la miséricorde de Dieu," par l’autorité de l’apostolat qui m’a été confié miséricordieusement (Cor., VII, 25): "Ayant reçu du Seigneur la grâce d’être son fidèle ministre."

Il donne un avertissement, lorsqu’il dit (verset I): "D’offrir vos corps, etc." Sur ceci il faut remarquer que, comme dit S. Augustin (liv. X, Cité de Dieu), le sacrifice extérieurement offert à Dieu est le signe du sacrifice invisible par lequel on s’offre soi-même et ce que l’on possède pour rendre honneur à Dieu.

A) Or l’homme a trois sortes de biens: d’abord ceux de l’âme, qu’il offre à Dieu par l’humilité de la dévotion et de la contrition, suivant cette parole du Psalmiste (L, 18): "Le sacrifice que Dieu demande, c’est une âme brisée de douleur." Ensuite les biens extérieurs que l’homme offre à Dieu par les largesses de l’aumône (Hébr., XIII, 16): "Souvenez-vous d’exercer la charité et de faire part de vos biens aux autres, car c’est par de telles hosties qu’on apaise Dieu." Enfin le bien de son propre corps; quant à celui-ci, l’Apôtre conjure (verset 1): "D’offrir, à savoir à Dieu," vos corps, "comme une hostie spirituelle." En effet, l’animal immolé à Dieu était appelé hostie, ou parce qu’il était offert pour la victoire sur les ennemis, ou afin d’obtenir la sécurité contre eux, ou parce qu’il était égorgé à la porte du tabernacle. Or l’homme offre à Dieu son propre corps comme une hostie, de trois manières: a) d’abord quand il s’expose aux souffrances et à la mort pour Dieu, comme il est dit de Jésus-Christ (Ephés., V, 2): "Il s’est livré lui-même pour nous comme une oblation et une victime pour Dieu." Et S. Paul dit de lui-même (Ph 2,47): "Quand il devrait se faire une aspersion et une effusion de mon sang sur la victime et le sacrifice de votre foi, je m’en réjouirais." b) Ensuite lors qu’il macère son corps par les jeûnes et les veilles pour le service de Dieu, selon cette parole de la l'épître aux Corinthiens (IX, 27): "Je châtie mon corps et le réduis en servitude." c) Enfin lorsqu’il dévoue ce corps aux oeuvres de la justice et au culte divin (ci-dessus, VI, 13): "Faites servir vos membres à la justice pour votre sanctification.

B) Il faut remarquer que l’hostie qu’on immolait à Dieu réunissait quatre conditions: a) l’oblation devait être entière et sans corruption. C’est de là qu’il est dit au prophète Malachie (I, 14): "Maudit soit le fourbe qui a dans son troupeau un animal vigoureux, et qui, pour accomplir son voeu, sacrifie au Seigneur une victime dé bile!" Voilà pourquoi l’Apôtre dit: "Une hostie vivante;" c’est-à-dire il faut que l’hostie de notre corps soit vivante par la foi jointe à la charité (Gal., II, 20): "En ce que je vis maintenant dans ce corps même, je vis dans la foi du Fils de Dieu." Observons que l’hostie naturelle, vivante auparavant, était mise à mort pour que son immolation fit voir que la mort régnait encore dans l’homme tant que régnait le péché, comme il a été dit au ch. verset 14. Mais cette hostie spirituelle vit toujours et se perfectionne en vivant, selon ce passage de S. Jean (X, 10): "Je suis venu afin qu’ils aient la vie, et qu’ils l’aient avec plus d’abondance," parce que le péché a été déjà détruit par Jésus-Christ; à moins qu’on ne veuille dire que notre corps, en tant qu’hostie, vit pour Dieu par la justice de la foi, mais qu’il meurt aux convoitises de la chair (Colos., III, 5): "Faites donc mourir les membres de l’homme terrestre qui est en vous." b) L’hostie offerte à Dieu était sanctifiée dans l’immolation même; d’où il est dit (Lévit., XXII, 3): "Tout homme de votre race qui est souillé et qui s’approchera des présents consacrés que les enfants d’Israël auront offerts au Seigneur, sera exterminé en présence du Seigneur." Voilà pourquoi l’Apôtre ajoute: "Sainte," à savoir, par la dévotion, qui consacre notre corps au service du Seigneur (Lévitique XX, 7): "Sanctifiez-vous et soyez saints, parce que je suis saint, moi le Seigneur votre Dieu." Or la sainteté, par rapport à Dieu, consiste, à proprement parler, en ce que l’homme conserve ce qui est juste à l’égard de Dieu. c) A raison même de la destruction du sacrifice, il était appelé un sacrifice de suavité et agréable au Seigneur, selon cet autre passage du Lévitique (I, 13): "Le prêtre brûlera sur l’autel tout ce qui aura été offert en holocauste, et ce sera un sacrifice de très agréable odeur pour le Seigneur." C’est de là que l’Apôtre dit: "Agréable à Dieu," à savoir parla rectitude de l’intention (Psaume LV, 13): "Afin que je puisse me rendre agréable à Dieu en marchant dans la lumière des vivants." d) Dans la préparation même du sacrifice, on se servait de sel (Lévit., II, 13): "Vous assaisonnerez avec du sel tout ce que vous offrirez en sacrifice;" et (Matth, XX, 48): "Toute victime doit être salée par le sel." Or le sel marque la discrétion de la sagesse. C’est de là qu’il est dit (Colos., IV, 5): "Conduis avec sa gesse envers ceux du dehors. Que toutes vos paroles soient accompagnées de grâce et assaisonnées du sel de la sagesse." Aussi S. Paul ajoute (verset 1): "Pour rendre votre culte raisonnable;" c’est-à-dire offrez à Dieu avec discrétion vos corps, comme des hosties, soit par le martyre, soit par l’abstinence, soit par quelque autre oeuvre de justice (I Cor., XIV, 4): "Que parmi vous tout se fasse avec décence et selon l’ordre;" et au Psalmiste (XCVIII, 4): "La majesté du roi éclate dans son amour pour la justice." Autre, en effet, est la conduite du juste dans les actes intérieurs par lesquels il honore Dieu; autre dans ses actes extérieurs: car ce qui est en lui bien et justice consiste principalement dans les actes intérieurs, à savoir ceux par lesquels l’homme croit, espère, aime. De là il est dit (Luc, XVI, 21): "Le royaume de Dieu est au-dedans de vous;" et (ci-après, XIV, 17): "Le royaume de Dieu ne consiste pas dans le boire et dans le manger." Les actes intérieurs revêtent donc le caractère de fin, qu’on recherche pour elle-même; mais les actes extérieurs, pour lesquels les corps sont offerts à Dieu, ont le caractère de moyens destinés à atteindre la fin. Or, dans ce qu’on recherche comme fin, on ne met aucune mesure; mais plus la chose est grande, meilleure elle est. Dans ce qu’on recherche pour la fin, au contraire, on admet une mesure proportionnée à cette fin. C’est ainsi qu’un médecin procure la santé autant qu’il le peut, et administre des médicaments non pas seulement autant qu’il le peut, mais autant qu’il le juge expédient pour rendre la santé. De même l’homme, dans la foi, l’espérance et la charité, ne doit mettre aucune mesure; il est d’au tant parfait qu’il croit, qu’il espère et qu’il aime davantage. C’est pour cette raison qu’il est écrit (Deut., VI, 5): "Vous aimerez le Seigneur votre Dieu de tout votre coeur, de toute votre âme et de toute votre force." Mais, dans les actes extérieurs, il y a une mesure de discrétion à observer, proportionnellement à la charité. Ce qui fait dire à S. Jérôme (Ep. à Rusticus): "Est-ce que l’homme raisonnable porte atteinte à sa dignité lorsque, préférant le jeûne ou les veilles à l’intégrité de ses facultés, il se laisse infliger le nom d’homme triste ou fou, pour se livrer au chant des psaumes et des offices?"

II. Lorsque S. Paul dit (verset 2): "Et ne vous conformez pas au siècle présent," il fait voir comment l’homme doit s’offrir à Dieu quant à l’âme.

Il défend de se conformer au siècle, lorsqu’il dit: "Et ne vous conformez pas au siècle présent," c’est-à-dire à ce qui passe avec le temps. Car le siècle présent est comme la mesure des choses que le temps emporte dans sa course. Or l’homme se conforme aux choses du temps par l’affection, en s’y attachant avec amour (Osée, IX, 10): "Ils sont devenus abominables, comme tout ce qu’ils ont aimé;" (Jacques I, 27): "La piété pure et sans tache aux yeux de Dieu, notre Père, est celle-ci: se préserver de la corruption de ce siècle." On se conforme aussi au siècle présent en imitant la conduite de ceux qui vivent à la manière du siècle (Ephés., IV, 17): "Je vous avertis donc et je vous conjure par le Seigneur de ne plus marcher comme les Gentils."

L’Apôtre recommande la réforme intérieure de l’âme, lorsqu’il dit (verset 2: "Mais transformez-vous par le renouvellement de votre esprit." L’esprit de l’homme est pris ici pour la raison, en tant que par elle l’homme juge de ce qu’il doit pratiquer; or, dans sa création, l’homme a reçu un esprit plein de vigueur et d’intégrité. De là ces paroles (Ecclésiastique XVII, 6): "Il remplit leur coeur de sens et leur a montré les biens et les maux." Mais par le péché ce sens s’est corrompu et a semblé vieillir (Baruch, III, 11): "Vous avez vieilli dans une terre étrangère;" par conséquent il a perdu sa délicatesse et sa beauté (Lament., 1, 6): "Toute la beauté de la fille de Sion a fui loin d’elle." L’Apôtre nous avertit donc de nous réformer, c’est-à-dire de reprendre à nouveau la forme et la beauté que notre âme avait autrefois; ce qui se fera par la grâce de l’Esprit Saint, que l’homme doit s’appliquer à obtenir, de telle sorte que celui qui ne l’a pas encore reçue la reçoive, et que celui qui l’a reçue en profite (Ephés., XV, 23): "Renouvelez-vous dans l’intérieur de votre âme;" (Psaume CII, 5): "Il renouvellera votre jeunesse comme celle de l’aigle." Ou autrement: "Transformez-vous," à savoir dans les actes extérieurs, "par le renouvellement de votre esprit," c’est-à-dire par la grâce nouvelle que vous avez reçue dans votre âme.

S. Paul donne la raison de l’avertissement que nous expliquons, lorsqu’il dit (verset 2): "Afin que vous reconnaissiez quelle est la volonté de Dieu " Sur ceci il faut remarquer que, comme l’homme en qui le sens du goût est mauvais ne peut juger qu’imparfaitement des saveurs et parfois repousse ce qui est suave, ou, à l’opposé, recherche ce qui est repoussant, tandis que celui qui a le sens du goût sain, porte sur les saveurs un jugement certain; de même l’homme dont l’affection est corrompue par une sorte de conformité avec le siècle ne juge pas sainement du bien, tandis que celui qui a l’affection droite et saine, son esprit étant renouvelé par la gr un juge surie bien. Voilà pourquoi S. Paul dit (verset 2): "Ne vous conformez pas au siècle présent, mais transformez-vous par le renouvellement de votre esprit, afin de reconnaître," c’est-à-dire de connaître par expérience (Psaume XXXIII, 8): "Goûtez et voyez combien le Seigneur est doux;" – "combien la volonté de Dieu," c’est-à-dire celle par laquelle il veut que nous soyons sauvés (I Thess., IV, 3): "La volonté de Dieu, c’est que vous soyez saints;" – "combien, dis-je, la volonté de Dieu est bonne," c’est-à-dire veut que nous voulions nous-mêmes le bien et l’honnête, et nous y porte par ses préceptes (Michée, VI, 8): "Je vous indiquerai, ô homme, ce qui est bon et ce que le Seigneur demande de vous;" - "et agréable," en tant que pour l’homme bien disposé c’est grande douceur de vouloir ce que Dieu veut (Psaume XVIII, 8): "Les jugements de Dieu sont droits, ils réjouissent le coeur;" et non seulement utile pour atteindre notre fin, mais même " parfaite," c’est-à-dire nous unissant à notre fin (Matth., V, 48): "Soyez parfaits, comme votre Père céleste est parfait;" (Gen., XVII, 1): "Marche devant moi et sois parfait." Or ceux-là font l’expérience de cette volonté de Dieu, qui ne se conforment pas au siècle présent, mais qui sont transformés par le renouvellement de leur esprit. Au contraire, ceux qui demeurent dans leur être vieilli, conformes qu’ils sont au siècle, estiment que cette volonté n'est pas bonne, mais pesante et inutile (Ecclésiastique VI, 21): "Que la sagesse est amère aux hommes indociles! "

II° Lorsque l’Apôtre dit (verset 3): "Je vous exhorte tous en vertu de la grâce qui m’a été donnée," il enseigne comment on doit user des dons de Dieu. Et d’abord il expose son enseignement quant aux dons qui ne sont pas communs à tous, comme sont les grâces gratuitement données; ensuite quant au don de la charité, qui est commun à tous, à ces mots (verset 9): "Que votre charité soit sans déguisement." Sur le premier de ces points, premièrement il enseigne en général comment l’homme doit user des dons gratuitement donnés; secondement il explique ce devoir par parties, à ces mots (verset 6): "Ayant donc tous des dons différents..." Sur l’usage des dons gratuits, l’Apôtre propose d’abord son enseignement; il en assigne ensuite la raison, à ces mots (verset 4): "Car, comme dans un seul corps."

En exposant son enseignement,

I. Il prévient l’excès, en disant: Je vous ai avertis de vous réformer par le renouvellement de votre esprit, et vous devez le faire avec une sorte de modération, "Car je vous dis," c’est-à-dire je vous recommande, "en vertu de la grâce" de l’apostolat et par mon autorité d’apôtre, "qui m’a été conférée" (Gal., II, 9): "Ayant reconnu la grâce que j’ai reçue pour prêcher aux Gentils;" et (Ephés., III, 8): "J’ai reçu, moi le plus petit d’entre les saints, la grâce d’annoncer aux Gentils les richesses...;" - "à tous ceux qui sont parmi vous," parce que ma recommandation est utile à tous (I Cor., VII, 7): "Je voudrais que tous vous fussiez dans l’état où je suis;" je vous recommande, dis-je, "de ne pas être plus sages qu’il ne faut," en d’autres termes que personne ne présume de son sens ou de sa sagesse, par une confiance exagérée en soi-même (Ecclésiastique VII, 17): "Ne soyez pas plus sage qu’il ne faut;" et (Psaume CXXX, 4): "Seigneur, mon coeur ne s’est pas enorgueilli; mes yeux ne se sont pas élevés."

II. Il exhorte ensuite à prendre une sorte de milieu, en disant (verset 3): "Mais à être sage avec modération," c’est-à-dire je vous recommande dans la sagesse une sorte de mesure proportionnée à la grâce que vous avez reçue, car la sobriété suppose la mesure. Et, bien qu’on se serve de cette expression à l’égard du vin, on peut pourtant l’appliquer à toute matière dans laquelle l’homme garde une mesure légitime (Tite, II, 12): "Vivons dans le siècle avec tempérance, avec justice, avec piété."

III. Enfin l’Apôtre enseigne comment il faut comprendre cette mesure moyenne, en disant (verset 3): "Selon la mesure de la foi que Dieu a départie à chacun de vous," c’est-à-dire Dieu nous a distribué une mesure de ses dons, laquelle mesure est destinée à l’édification de la foi (I Corinthiens XII, 7): "Les dons du Saint Esprit qui se manifestent au dehors sont destinés à chacun pour l’utilité de l’Église." Car Dieu accorde les dons de ce genre, non pas les mêmes à tous, mais il distribue à chacun des dons différents, selon cette autre parole (ibid., 4): "Il y a diversité de dons spirituels; ni à tous également, mais à chacun selon une mesure déterminée" (Ephés., IV, 7): "La grâce a été donnée à chacun de nous selon la mesure du don du Christ." Voilà pourquoi S. Paul lui-même, sage avec sobriété, selon cette mesure, disait (Cor., X, 13): "Nous ne nous glorifions pas avec excès, mais selon les bornes que Dieu nous a prescrites." A Jésus-Christ seul a été donné l’Esprit Saint sans aucune mesure, comme il est dit en S. Jean (III, 34). Or Dieu accorde avec mesure non seulement les autres grâces gratuitement données, mais encore la foi même, qui opère par la charité; ce qui a fait dire aux disciples de Jésus-Christ (Luc, XVII, 5): "Seigneur, augmentez notre foi."




Thomas A. sur Rm (1869) 54