Thomas A. sur Rm (1869) 63

CHAPITRE XV: SOUHAITS





Romains 15, 1 à 13: Imiter Jésus Christ

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Rm 15,1-13)


SOMMAIRE: Qu’à l’exemple de Jésus-Christ les infirmités des petits doivent être supportées par les grands. Qu’il faut prier Jésus-Christ de nous donner la grâce de suivre ses traces, bien que nous ne puissions l’imiter.



1. Nous devons donc, nous qui sommes plus forts, supporter les faiblesses des infirmes et ne pas nous complaire en nous-mêmes.

2. Que chacun de vous ait de la complaisance pour son prochain dans le bien, pour l’édification;

3. Car le Christ n'a pas eu de complaisance pour lui-même, mais selon qu’il est écrit. Les injures de ceux qui vous injuriaient sont tombées sur moi.

4. Car tout ce qui est écrit a été écrit pour notre instruction, afin que, par la patience et par la consolation des Ecritures, nous avons l’espérance.

5. Que le Dieu de patience et de consolation vous donne d’être unis de sentiments les uns aux autres selon Jésus-Christ,

6. Afin que d’un même coeur et d’une même bouche vous glorifiiez Dieu, et le Père de Notre Seigneur Jésus-Christ.

7. C’est pourquoi soutenez-vous les uns les autres, comme le Christ vous a soutenus pour la gloire de Dieu.

8. Car je dis que le Christ Jésus a été le ministre de la Circoncision pour justifier la véracité de Dieu et confirmer les promesses faites à nos pères;

9. Mais les Gentils doivent honorer Dieu pour sa miséricorde, selon qu’il est écrit: C’est pourquoi je vous confesserai parmi les nations, et je chanterai votre nom.

10. Elle dit encore: Réjouissez-vous nations, avec son peuple;

11. Et ailleurs: Nations, louez toutes le Seigneur; peuples, glorifiez-le tous.

12. Isaïe dit aussi: il sortira de la tige de Jessé un rejeton qui s’élèvera pour commander aux nations, et les nations espéreront en lui.

13. Que le Dieu d’espérance vous comble de toute joie et paix dans votre foi, afin que vous abondiez dans l’espérance et dans la vertu de l’Esprit Saint.



Après avoir enseigné que les plus forts doivent éviter de scandaliser les faibles, l’Apôtre enseigne ici qu’ils doivent aussi supporter leur faiblesse. Et, à cet effet, il donne un avertissement; II° il le développe, à ces mots (verset 2): "Que chacun de vous, etc."

I° L’avertissement a deux parties:

la première a rapport à la démonstration extérieure. S. Paul dit donc: Non seulement nous devons éviter de scandaliser les faibles, mais de plus "Nous," qui sommes "plus forts" dans la foi, "nous devons supporter les faiblesses des infirmes." Car, de même que dans un édifice matériel on choisit des matériaux plus solides pour soutenir tout le poids de l’édifice formé dans sa partie supérieure de matériaux qui le sont moins, tels sont les fondements et les colonnes, de même, dans l’édifice spirituel de 1’Eglise, quelques-uns sont non seulement choisis, mais rendus plus forts pour soutenir le poids des autres (Psaume LXX, 4): "J’ai affermi ses colonnes;" et (Gal., VI, 2): "Portez les fardeaux les uns des autres." Or les plus forts soutiennent les faiblesses des autres, lorsqu’ils portent patiemment leurs défauts et s’efforcent, suivant leur pouvoir, de relever les faibles.

La seconde partie a rapport à l’intention intérieure (verset 1): "Et ne pas nous complaire en nous-mêmes," c’est-à-dire vouloir que toujours ce qui nous plaît s’accomplisse; mais nous devons condescendre à la volonté des autres pour faire ce qui leur plaît et leur est utile (I Cor., X, 2): "Comme je m’efforce moi-même de plaire à tous en toutes choses."

II° Lorsqu’il ajoute (verset 2): "Que chacun de vous ait de la complaisance...," il développe sa recommandation; et d’abord quant à la seconde partie, ensuite quant à la première, à ces mots (verset 7): "C’est pourquoi soutenez-vous les uns les autres..."

I. Sur le premier de ces points, il expose: ce qu’il avait dit; il en assigne la raison, à ces mots (verset 3): "Car le Christ n’a pas eu de complaisance pour lui-même."

Il dit donc d’abord: Il a été dit que nous ne devons pas nous complaire en nous-mêmes, par cette raison que chacun d’entre nous, qui sommes les plus forts, doit plaire à son frère qui est faible, c’est-à-dire doit condescendre à sa faiblesse en ce qui peut lui plaire, non toutefois en ce qui est mal, comme ceux dont parle Isaïe (XXX, 10), lesquels demandaient: "Dites-nous des choses qui nous plaisent, etc." Voilà pourquoi S. Paul ajoute (verset 2): "Dans ce qui est bon." De même aussi nous ne devons pas chercher à plaire aux hommes pour obtenir la louange ou l’honneur, puisqu’au psaume LII, 6, il est dit: "Le Seigneur a brisé les os de ceux qui veulent plaire aux hommes," mais pour la gloire de Dieu et pour l’utilité du prochain. Aussi l’Apôtre ajoute-t-il (verset 2): "Et pour l’édification," c’est-à-dire afin que, condescendant à la volonté des autres, ils soient eux-mêmes édifiés dans la foi et dans la charité de Jésus-Christ (ci-dessus, XIV, 19): "Faisons les uns envers les autres ce qui peut édifier."

Quand l’Apôtre dit (verset 3): "Car le Christ n'a pas eu de complaisance pour lui-même," il prouve ce qu’il avait avancé, par exemple de Jésus-Christ. Et d’abord il propose cet exemple; ensuite il montre que nous sommes tenus de l’imiter, à ces mots (verset 4): "Tout ce qui est écrit l’a été pour notre instruction;" enfin il suggère une raison pour que nous puissions l’accomplir, à ces autres (verset 5): "Que le Dieu de patience et de consolation."

A) Sur le premier de ces points, il propose a) d’abord l’exemple de Jésus-Christ, en disant: Il a été dit que nous ne devons pas nous complaire en nous-mêmes, c’est-à-dire selon notre volonté particulière, "Car le Christ," notre chef, "n'a pas eu de complaisance pour lui-même," quand il a choisi pour lui les souffrances et tout ce qui était contraire à sa volonté propre, c’est-à-dire à sa volonté humaine et naturelle, pour accomplir la volonté divine, qui lui est commune avec son Père, selon cette parole de S. Luc (XXII, 42): "Que ce soit pas ma volonté qui s’accomplisse, mais la vôtre." b) S. Paul s’appuie ensuite sur une autorité, en disant (verset 3): "Selon ce qui est écrit," à savoir (Psaume XVIII, 10), où David fait dire par Jésus-Christ à Dieu le Père: O Père! "Les outrages" des Juifs "qui vous insultaient," c’est-à-dire qui blasphémaient contre vous par leurs oeuvres et par leurs oppositions à la vérité de votre doctrine, "sont tombés sur moi," à savoir, parce qu’ils ont voulu ‘accabler, quand je leur proposais votre volonté et quand je reprenais leurs oeuvres mauvaises (Jean, XV, 24): "Ils ont haï et moi et mon Père." Ce passage peut aussi se rapporter aux péchés de tout le genre humain, parce que tous, dans un sens, sont des outrages envers Dieu, en tant que par eux sa loi est méprisée (Is LIII, 6): "Dieu a fait tomber sur lui l’iniquité de tous;" et (I Pierre, II, 4): "Il a porté nos péchés en son corps sur la croix."

B) Quand l’Apôtre ajoute (verset 4): "Tout ce qui est écrit, etc.," il montre que nous sommes tenus d’imiter l’exemple de Jésus-Christ, et il dit (verset 4): "Tout ce qui a été écrit" dans les saints livres, soit de Jésus-Christ, soit de ses membres, "l’a été pour notre instruction;" car il n’était pas nécessaire de l’écrire, si ce n’est pour nous, afin que nous y trouvions notre instruction (II Tim., III, 16): "Toute écriture divinement inspirée est utile pour enseigner et instruire, etc." S. Paul indique ce qui est contenu dans les saintes Ecritures pour notre instruction, en ajoutant (verset 4): "Afin que par la patience et par la consolation des saintes Ecritures," en d’autres termes, que les Ecritures renferment; car on y voit la patience des saints à supporter les épreuves (Jacques V, 11): "Vous avez appris quelle a été la patience de Job." On y voit aussi la consolation que Dieu leur a accordée (Psaume XCIII, 19): "Vos consolations ont réjoui mon coeur à proportion du grand nombre des douleurs qui ont pénétré mon âme." C’est de là qu’il est dit aussi (I Pierre, I, 11): "L’Esprit leur annonçant les souffrances du Christ," ce qui appartient à la patience, "et la gloire qui devait les suivre," ce qui appartient à la consolation. L’Apôtre indique le fruit que nous devons retirer de cette doctrine, en ajoutant (verset 4): "Nous concevions de l’espérance." Car, en apprenant par la sainte Ecriture que ceux qui ont supporté des tribulations pour Dieu ont été divinement consolés, nous concevons l’espérance d’être consolés nous-mêmes, si, à notre tour, nous avons été patients dans de semblables épreuves (Job, XIII, 15): "Quand même il me tuerait, je ne laisserai pas d’espérer en lui!"

C) Il ajoute (verset 5): "Que le Dieu de patience, etc." Comme il paraissait difficile que l’homme, avec ses seules forces, pût imiter l’exemple de Jésus-Christ, suivant ce passage de l’Ecclésiaste, (II, 12): "Qu’est-ce que l’homme, pour pouvoir suivre le Roi qui l’a créé?" S. Paul recourt à la prière, en disant (verset 5): "Que le Dieu de patience, etc.," c’est-à-dire celui qui la donne (Psaume LXX, 5): "Vous êtes, Seigneur, ma patience;" - "et de consolation," c’est-à-dire Celui qui donne la consolation spirituelle (II Cor, I, 3): "Que le Père des miséricordes et le Dieu de toute consolation," de qui "vient tout don parfait;" (Jacques I, 17): - "vous donne d’être toujours unis de sentiment et d’affection," c’est-à-dire d’avoir les uns et les autres les mêmes dispositions (II Corinthiens XIII, 11): "Soyez unis d’esprit et de coeur; vivez en paix, non sans doute en consentant au péché, mais "selon Jésus-Christ," dont il est dit (Ephés., II, 14): "C’est Lui qui est notre paix, et qui des deux peuples n’en a fait qu’un seul, afin qu’ayant les mêmes sentiments vous viviez dans l’union d’un consentement unanime " par la foi et par la charité, selon cette parole (Psaume LXVII, 5) selon les Septante: "Dieu qui fait habiter dans la même maison ceux qui sont unis de coeur, " afin que (verset 6): "d’une même bouche," c’est-à-dire par la même confession de bouche qui procède de l’unité de la foi" (Cor., I, 10): "Vous ayez tous un même langage," et qu’ainsi, par la parfaite conformité du coeur et des lèvres, "vous glorifiiez Dieu," le créateur de tous et en même temps "Père de Notre Seigneur Jésus-Christ," par lequel il nous a adoptés pour enfants (I Rois, II, 30): "Celui qui m’aura honoré, je l’honorerai à mon tours;" (Malachie, I, 6): "Si je suis votre père, où sont mes honneurs?"

II. En disant (verset 7): "C’est pourquoi soutenez-vous les uns les autres," l’Apôtre développe la première partie de sa recommandation, dans laquelle il avait dit que les plus forts doivent supporter les faiblesses des infirmes. A cet effet, il reprend d’abord son avertisse ment; ensuite il le prouve par l’exemple de Notre Seigneur Jésus-Christ, à ces mots (verset 7): "Comme le Christ vous a soutenus; enfin il fait une prière, à ces autres (verset 43): "Que le Dieu d’espérance, etc."

Il dit donc d’abord (verset 7): "C’est pourquoi," c’est-à-dire parce que tout ce qui a été écrit l’a été pour notre instruction, à savoir l’exemple de Jésus-Christ et celui des saints, conséquemment "soutenez-vous les uns les autres" par l’affection de la charité; en d’autres termes, que l’un supporte ce qui vient de l’autre, comme il désire lui-même être supporté, autant que la charité le permet, et que l’un accueille l’autre, afin de l’aider et de le soutenir (ci-dessus, XIV, 4): "Soutenez celui qui est encore faible dans la foi."

En disant (verset 7): "Comme le Christ vous a soutenus, etc.," Paul tire une preuve de l’exemple de Jésus-Christ. Et 1. Il cite cet exemple, en disant (verset 7): "Comme le Christ vous a soutenus," c'est-à-dire par sa protection et par sa sollicitude (Is 42,4): "Voici mon serviteur, je prendrai sa défense;" et (Luc, I, 54): "Il a reçu Israël son serviteur, se souvenant de sa miséricorde." Et cela "pour la gloire de Dieu," auquel il rapportait toutes choses (Jean, VIII, 49): "J’honore mon Père et vous me déshonorez." De là nous pouvons comprendre que nous devons nous soutenir les uns les autres en tout ce qui appartient à la gloire de Dieu. 2. A ces mots (verset 8): "Car je vous déclare que le Christ, etc.," il développe ce qui précède, d’abord quant aux Juifs, ensuite quant aux Gentils, en disant (verset 9): "Or les Gentils doivent glorifier, etc."

A) l’Apôtre dit donc d’abord: Il a été dit que le Christ vous a souvenus, vous, Juifs et Gentils, qui êtes rassemblés dans l’unité de la foi, et cela est évident quant aux uns et quant aux autres. "Je dis donc que le Christ a été le ministre de la Circoncision;" car il est pour tous l’auteur de la foi (Hébr., XII, 2): "Regardant l’auteur de la foi." Mais, personnellement, il ne s’est manifesté qu’aux Juifs, selon cette parole de S. Matthieu (XV, 24): "Je ne suis envoyé que pour les brebis perdues de la maison d’Israël " (Is 42,2): "Sa voix ne sera pas entendue au dehors." Et cela à cause de la vérité de Dieu, c’est-à-dire afin que la vérité de Dieu qui avait fait les promesses se vérifiât (ci-dessus, III, 4): "Car Dieu est véritable."

Aussi S. Paul ajoute-t-il (verset 8): "Et de confirmer les promesses faites à vos pères," c’est-à-dire afin que par cette conduite fussent accomplies les promesses faites à leurs pères (Luc, I, 60): "Et il a élevé le signe du salut, dans la maison de David, son serviteur, ainsi qu’il avait promis par la bouche des saints;" (II Corinthiens I, 20): "Toutes les promesses de Dieu sont en lui une vérité."

B) En ajoutant (verset 9): "Mais les Gentils doivent glorifier Dieu, etc.," il établit que les Gentils oui aussi été soutenus par Jésus-Christ. Et d’abord il énonce ce qu’il se propose d’établir; il le confirme ensuite pur un témoignage, à ces mots (verset 9): "Ainsi qu’il est écrit, etc."

a) Il dit donc: Il a été avancé que le Christ a soutenu les Juifs à cause de la vérité de Dieu, pour que les promesses faites à leurs pères fus sent accomplies; or aucune promesse n’avait été faite aux Gentils, mais ils ont été reçus par la mis de Dieu. C’est aussi ce que dit S. Paul: "Mais les Gentils doivent glorifier Dieu pour la miséricorde " que le Christ leur a montrée; car, bien qu’il ne leur ait pas annoncé la vérité en personne, cependant il leur a envoyé ses disciples, qui ont exercé leur ministère à leur égard, comme lui-même l’avait exercé à l’égard des Juifs, suivant cette parole de S. Matthieu (XXVIII, 19): "Allez donc, enseignez toutes les nations." Il est dit de cette miséricorde dans le psaume XXXII, 5: "La terre est remplie de la miséricorde du Seigneur;" et (Luc, I, 50): "Sa miséricorde s’étend, de génération en génération, sur ceux qui le craignent, etc." L’Apôtre attribue donc la conversion des Juifs à la divine vérité, celle des Gentils à la divine miséricorde.

Ne trouve-t-on pas une objection contre cette doctrine dans ces paroles (Psaume XXIV, 10): "Toutes les voies du Seigneur ne sont que miséricorde et que vérité." Il faut répondre qu’en cela même qu’il attribue la vocation des Juifs à la vérité divine, S. Paul n’exclut pas la miséricorde, puisque lui-même, né de parents juifs, dit (I Tim., I, 43): "Dieu m’a fait miséricorde." Et ce fut par la même miséricorde que Dieu a fait aux patriarches des promesses de salut pour leurs descendants. De même, quand il attribue la vocation des Gentils à la divine miséricorde, S. Paul n’exclut pas la vérité divine, parce qu’il appartenait aussi à cette vérité que Dieu accomplît ce qu’il s’était proposé à l’égard des Gentils; ce que l’Apôtre (Ephés., III, 3) appelle "Un mystère caché depuis des siècles en Dieu." Cependant, dans la vocation des Juifs, on reconnaît un mode particulier de transmission de la vérité, à savoir "l’accomplissement des promesses," ce qui ne se voit pas dans la vocation des Gentils, à qui rien n’avait été promis.

b) Lorsque l’Apôtre dit (verset 9): "Ainsi qu’il est écrit," il appuie ce qu’il a dit sur la vocation des Gentils par un témoignage. Car, bien que les Gentils n’aient pas reçu la promesse de la vocation à la foi de Jésus-Christ, toutefois cette vocation n’est pas venue à l’improviste; elle était annoncée par les oracles des prophètes, dont S. Paul cite quatre passages. Le premier contient les actions de grâces du Christ à son Père pour la conversion des Gentils opérée par lui. De là S. Paul dit: "Ainsi qu’il est écrit," à savoir (Psaume XVII, 50) de la personne de Jésus-Christ: "Vous m’établirez chef des Gentils, et vous me délivrerez" des Juifs "qui s’élevaient contre moi." O Dieu, mon Père, moi, votre Christ, "Je vous louerai, en vous rendant des actions de grâces, parmi les nations," c’est-à-dire pour la conversion des Gentils que j’ai opérée, "et je chanterai," dans les nouveaux transports de mon âme, un cantique à votre nom, "qui leur a été manifesté," suivant ce passage de S. Jean (XVII, 6): "J’ai manifesté votre nom aux hommes que vous m’avez donnés." Ou encore: "Je vous rendrai grâces parmi les nations," c’est-à-dire je ferai que les Gentils glorifient votre nom par la confession de la foi (Psaume LXVI, 3): "Que les peuples, ô mon Dieu, vous rendent des actions de grâces, que toutes les nations publient vos bienfaits;" - "et je chanterai un cantique à votre nom," C’est-à-dire je ferai que toutes les nations vous chantent un cantique nouveau, témoignage de la joie d’un peuple renouvelé (Psaume XCV, 1): "Chantez au Seigneur un cantique nouveau." Le second passage exprime l’union des Gentils et des Juifs (verset 10): "Il est encore écrit " (Isaïe LXVI, 10): "O nations," vous qui étiez éloignées de la société d’Israël, comme il est dit (Ephés., II, 12), "réjouissez-vous avec son peuple," c’est livrez-vous à la joie avec les Juifs, qui étaient autrefois son peuple (Isaïe IX, 3): "Ils se réjouiront " à votre présence "comme les moissonneurs à l’aspect d’une riche moisson;" et (Jean, X, 16): "Il n’y aura plus qu’un troupeau et qu’un pasteur." Notre Vulgate porte: "Réjouissez-vous avec Jérusalem, et soyez dans l’allégresse avec elle, vous tous qui l’aimez." Le troisième passage témoigne de l’amour des Gentils pour Dieu (verset 11): "Et ailleurs (Psaume CXVI, 3): "Nations, louez toutes le Seigneur, à savoir en exaltant sa bonté (Psaume CXII, 3): "Du lever du soleil jusqu’à son coucher, le nom du Seigneur est digne de louange;" – "et vous tous, peuples," non pas seulement le peuple des Juifs, "exaltez-le," c’est-à-dire "grand;" en d’autres termes, croyez que par sa grandeur il dépasse toute louange (Ecclésiastique XLIII, 33): "Vous qui bénissez le Seigneur, exaltez-le autant que vous le pourrez, car il est plus grand que toutes les louanges;" (Malachie, I, 11): "Depuis le lever du soleil jusqu’à son coucher, mon nom est grand parmi les nations." Le quatrième passage exprime le respect des Gentils pour Jésus-Christ (verset 12): "Et Isaïe dit aussi (XI, 10): "Il sortira de la tige de Jessé," expression par laquelle le Prophète désigne l’origine du Christ, qui doit naître de la race de David, car Jessé fut le père de David. Isaïe dit donc: "De la tige de Jessé," de la race duquel naîtra le Christ, "sortira un rejeton, et une fleur s’élèvera de sa racine." Ou encore: le Christ sera la tige de Jessé, parce que, bien qu’il soit sorti de Jessé dans sa naissance selon la chair, cependant il n, par sa puissance, soutenu Jessé et a fait passer en lui la grâce (ci-dessus, XI, 18): "Ce n’est pas vous qui portez la racine, c’est la racine qui vous porte." S. Paul indique aussi le ministère de Jésus-Christ, en ajoutant (verset 12): "Et il se lèvera " avec une telle excellence de grâce, "qu’il pourra gouverner les nations," en les soumettant au culte divin; ce que nul n’a pu faire avant lui (Psaume II, 8): "Je vous donnerai les nations pour héritage, et vous les gouvernerez avec un sceptre de fer. Il indique enfin l’amour des Gentils pour le Christ (verset 12): "Et les nations espéreront en Lui," à savoir, par lui elles obtiendront l’héritage de la gloire céleste (I Pierre, I, 3): "Il nous a régénérés dans la vive espérance de l’héritage immortel, par la résurrection de Jésus-Christ d’entre les morts."

En disant (verset 13): "Que le Dieu d’espérance vous comble de paix," S. Paul fait une prière. Il dit: "Il a été établi que les nations espéreront en Jésus-Christ;" Que le Dieu d’espérance, c’est-à-dire Celui qui a mis en nous cette espérance (Psaume LXX, 5): "Vous êtes mon espérance, Seigneur!" ou encore: "Que le Dieu d’espérance," c’est-à-dire "Celui en qui il faut espérer," vous comble de joie," à savoir de la joie spirituelle qui vient de Dieu," et de paix; (II Esdras, VIII, 10): "Car la joie de Dieu est notre force," par laquelle nous gardons la paix en nous-mêmes, envers Dieu et à l’égard du prochain (Psaume CXVIII, 165): "Paix abondante à ceux qui aiment votre loi, Seigneur;" - "dans votre foi;" comme s’il disait: afin qu’en croyant vous ayez encore et la paix et la joie, qui sont les fruits de la charité, selon ce passage de l’épître aux Galates (verset 22): "Les fruits de l’Esprit sont la charité, la joie, la paix." Il est évident par là que c’est de Dieu, le père de l’espérance, qu’il leur souhaite d’obtenir avec la foi la charité, par laquelle agit la foi, ainsi qu’il est dit (Gal., V, 6), de peur que leur foi ne soit informe et morte, car "La foi sans les oeuvres est morte," dit S. Jacques (II, 17). "Afin aussi" que, par la plénitude de ces vertus, "vous abondiez," en avançant du bien au mieux, non seulement "dans l'espérance" mais "dans la vertu de l’Esprit Saint," c’est-à-dire dans la charité qu’il a répandue dans nos coeurs, comme il a été dit (ci-dessus, V, 5); et (II Cor., IX, 8): "Dieu est tout-puissant, pour vous enrichir de toutes sortes de grâces."



Romains 15, 14 à 21: Paul et son ministère

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075 (
Rm 15,14-21)



SOMMAIRE: L’Apôtre se défend de toute présomption, en ce qu’il avait instruit et repris les fidèles de l’Eglise de Rome; il fait voir en même temps quelle a été en tout ceci son autorité.



14. Pour moi, mes frères, je suis assuré, en ce qui vous touche, que vous êtes pleins de charité, remplis de toute sorte de connaissances, et qu’ainsi vous pouvez vous instruire les uns les autres.

15. Cependant je vous ai écrit, mes frères, avec quelque hardiesse pour réveiller vos souvenirs, selon la grâce que Dieu m’a donnée,

16. Pour être le ministre du Christ Jésus parmi les nations, exerçant la sacrificature de l'Evangile de Dieu, afin que l’oblation des Gentils soit acceptée et sanctifiée dans l’Esprit Saint.

17. J’ai donc sujet de me glorifier dans le Christ Jésus, auprès de Dieu.

18. Car je n’ose parler d’aucune des choses que le Christ n'a pas faites par moi pour amener les Gentils à l’obéissance par la parole et par les oeuvres,

19. Par la vertu des signes et des prodiges, par la vertu de l’Esprit Saint; de sorte que foi semé l’Evangile du Christ dans tous les pays qui sont depuis Jérusalem jusqu’à Illyrie.

20. Mais j’ai  eu soin de ne pas prêcher cet Evangile là où le nom du Christ avait déjà été annoncé, afin de ne pas bâtir sur le fondement d’autrui; mais, comme il est écrit

21. Ceux à qui il n’avait pas été annoncé verront, et ceux qui n’ont pas entendu comprendront.

Après avoir donné aux fidèles de Rome des avertissements généraux, S. Paul en vient ici à quelques détails plus familiers. Et d’abord il touche quelques particularités qui le concernent, puis quelques-unes relatives à d’autres personnes, à ces mots (XVI, 1): "Je vous recommande Phoebe, notre soeur." Quant aux premières, il commence par se défendre de l’accusation de présomption pour les avoir avertis et repris; puis il s’excuse d’avoir tardé à les visiter, à ces mots (verset 22): "J’ai été souvent empêché, etc.;" enfin il demande le suffrage de leurs prières, à ces autres (verset 30): "Je vous conjure donc, mes frères." Sur le premier de ces points, Il détruit l’intention qu’on pouvait attribuer à ses instructions et à ses réprimandes; II° il en assigne la cause véritable, à ces mots (verset 15): "Je vous ai écrit ceci, mes frères, avec quelque hardiesse."

I° Sur la fausse intention, il faut remarquer qu’on pouvait s’imaginer que l’Apôtre avait écrit aux Romains avec cette pensée que lui seul, parmi les Romains, pouvait les instruire et les reprendre. Il repousse donc cette supposition, lorsqu’il dit (verset 14): "Pour moi, mes frères, je suis persuadé," parce que j’ai appris de vous que, si quelques-uns d’entre vous ont besoin de correction, vous êtes capables de les avertir.

I. Or, pour avertir avec justice, deux choses sont nécessaires: la première, que l’avertissement ne vienne ni de la haine ni de la colère, mais de la charité (Psaume CXL, 5): "Si le juste me reprend, je reconnais sa miséricorde;" et (Gal., VI, 1): "Vous autres qui êtes spirituels, relevez, avec un esprit de douceur, celui qui est tombé." Quant à cette disposition, l’Apôtre dit (verset 14): "Car vous êtes pleins de charité." (Ezéch., X, 2): "Remplissez vos mains des charbons ardents qui sont entre les chérubins;" ce qui exprime le feu de la hanté.

II. La seconde condition pour reprendre, c’est la science de la vérité. En effet, il en est qui ont le zèle de Dieu pour corriger, mais qui ne l’ont pas selon la science, ainsi qu’il a été dit (ci-dessus, X, 2). Voilà pourquoi S. Paul ajoute (verset 14): "Et remplis de science," c'est-à-dire de la science humaine et de la science divine, de l’ancienne Loi et de la Loi nouvelle (I Cor., I, 5): "Vous avez été comblés en Lui de toutes les richesses de la parole et de la science." L'Apôtre conclut ainsi: "En sorte que vous puissiez convenablement," à raison de votre charité et de votre science, "vous avertir uns les autres." Car, "comme nous faisons tous beaucoup de fautes," dit l’apôtre S. Jacques (III, 2), il faut que nous nous avertissions réciproquement, attendu, dit l’Ecclésiastique (XVII, 12), que "Dieu a ordonné à chacun de veiller sur son prochain."

II° Lorsqu’il dit (verset 15): "Ce je vous ai écrit ceci avec quelque hardiesse," S. Paul assigne la raison véritable pour laquelle les a avertis et repris. A cet effet, il montre que ce droit appartenait à l’autorité apostolique qui lui avait été confiée; ensuite, comment il l’avait exercé, à ces mots (verset 17): "J’ai donc sujet de me glorifier en Jésus-Christ."

I. "Je vous ai écrit ceci avec quelque hardiesse," c’est-à-dire avec quelque assurance, en reprenant vos erreurs et vos défauts; ce qu’on pourrait attribuer à une hardiesse présomptueuse, attendu que je n‘ai pas craint de vous offenser (Job, XXXIX, 21): "Il court audacieusement au-devant des soldats." Mais cette hardiesse est excusable pour trois raisons:

En raison de la condition de ceux à qui il écrivait; car, s’il était des Romains à l’égard desquels une semblable correction pouvait paraître hardie, d’autres avaient besoin de cette forte réprimande, à cause de l’insolence de leurs contestations (Tite, I, 13): "Reprenez-les avec force." C’est ce que S. Paul dit: "En partie;" comme s’il disait: ce que je vous écris ne paraît pas hardi pour tous, mais pour une partie de vous. On peut encore interpréter "En partie" par: dans la partie de l’épître où il les reprend; ou même de la part de l’Eglise, qui est avec moi.

Cette hardiesse est excusable, en second lieu, par l’intention de l’Apôtre. Car il ne leur a pas écrit comme s’ils fussent ignorants, mais pour leur rappeler des choses connues; aussi ajoute-t-il: Pour réveiller vos souvenirs en vous, " qui avez comme oublié les choses que vous saviez bien (Ph 4,40): "Vous n’aviez pas occasion de faire paraître vos sentiments;" et (Hébr., X, 32): "Rappelez en votre mémoire le premier temps, où, après avoir été éclairés de la grâce, vous avez soutenu de grands combats et de grandes afflictions."

Sa hardiesse est excusable, attendu que l’autorité même de l’Apôtre exigeait cette correction; c’est pourquoi il dit (verset 15): "En vertu de la grâce qui m’a été donnée," c'est-à-dire la grâce de l’apostolat qui m’a été confié (I Cor., XV, 10): "C’est par la grâce de Dieu que je suis ce que je suis."

A) Or S. Paul rappelle d’abord l’autorité de cette grâce, lorsqu’il dit (verset 15): "La grâce donnée par Dieu;" comme s’il disait: et non par des hommes (Gal., I, 1): "Paul établi apôtre non par des hommes, ni par l’autorité d’aucun homme."

B) En second lieu, il spécifie cette grâce, en disant (verset 16): "D’être ministre du Christ Jésus parmi les nations," c’est-à-dire parce que je sers Jésus-Christ dans la conversion des Gentils (I Cor., IV, 1): "Que les hommes nous regardent comme les ministres du Christ (ci-dessus, XI, 43): "Tant que je serai l’apôtre des Gentils, j’honorerai mon ministère."

C) Il montre l’effet de cette grâce, lorsqu’il dit (verset 16): "Pour exercer la sacrificature de l’Evangile de Dieu, c’est-à-dire montrer, et par la parole de vérité, et par les oeuvres d’une vie sainte, et par des miracles, que l’Evangile est saint (Colos., I, 5): "Par la parole véritable de l’Evangile qui vous est parvenu, comme il est répandu dans tout l’univers, où il croît et fructifie;" (Proverbes VIII, 8): "Mes paroles sont justes."

D) Enfin il exprime la fin de cette grâce, lorsqu’il dit (verset 16): "Afin que l’oblation des Gentils," c’est-à-dire les nations converties par mon ministère, dans lequel j’ai présenté à Dieu une espèce de sacrifice et d’offrande, selon ces paroles aux Philippiens (I, 17): "Quand même je serais immolé pour le sacrifice et l’offrande de votre foi, j’en aurais de la joie, et je m’en réjouirais avec vous tous." Afin que cette oblation, dis-je, "soit agréable à Dieu," par la rectitude de l’intention (Psaume L, 20): "Alors vous recevrez le sacrifice de justice, et les offrandes, et les victimes;" – "étant sanctifiée par le Saint Esprit," c’est-à-dire par la charité et les autres dons de l’Esprit Saint (ire Cor., VI, 14): "Vous avez été sanctifiés au nom de Notre Seigneur Jésus-Christ et par l’Esprit de notre Dieu."

II. Lorsqu’il dit (verset 17): "J’ai donc sujet de me glorifier en Jésus-Christ," S. Paul montre comment il a usé de l’autorité apostolique. Il expose les résultat qu’il a obtenus; la grandeur de ces résultats, à. ces mots (verset 19): "En sorte que j’ai semé de tous côtés l’Evangile;" leur difficulté, à ces autres (verset 20): "Mais j’ai prêché l’Evangile, etc."

Sur le premier de ces points, l’Apôtre rend:

A) d’abord grâces à Dieu du succès de son ministère, en disant (verset 17): "Si donc j’ai reçu une telle grâce," et si j’ai accompli avec soin ce ministère pour lequel cette grâce m’a été donnée, "j’ai sujet de me glorifier," c’est-à-dire j’ai un mérite digne de gloire, comme ministre fidèle (I Corinthiens IX, 15): "J’aimerais mieux mourir que de me voir enlever cette gloire." Mais je ne me l’attribue pas comme ministre principal, "Je l’ai en Jésus-Christ," c’est-à-dire par Jésus-Christ, par la puissance duquel j’ai pu obtenir ce succès (Jean, XV, 5): "Sans moi vous ne pouvez rien faire," parce que toutes choses lui ont été données par le Père," comme il est dit en S. Matthieu (XI, 27), et parce que (Jean, XIV, 10): "Le Père, demeurant en lui, fait lui-même les oeuvres que le Fils opère." L’Apôtre rapporte en der nier lieu cette grâce au Père, en disant: "A Dieu," à savoir le Père (Psaume CXI, 9): "Faites éclater votre gloire non pour nous, Seigneur, mais pour votre nom." il donne ensuite la raison de ce qu’il a avancé, en disant (verset 18): "Car je n’ose parler de ce que le Christ ne fait pas par moi;" comme s’il disait: je ne dirai rien des fruits que j’ai obtenus, attendu qu’ils n’ont pas été produits par mes soins; autrement j’aurais de quoi me glorifier, mais non pas devant Dieu, bien que je puisse le faire devant les hommes. Ce que je rap porte, ce n’est pas même comme ayant été opéré principalement par moi, c’est-à-dire je n’en parle que comme d’une oeuvre de Jésus-Christ par moi; voilà pourquoi j’ai dit que j’avais "cette gloire en Jésus-Christ" (Is 26,12): "C’est vous qui avez opéré en nous es nos oeuvres."

B) En second lieu, il énumère les fruits de son ministère, lorsqu’il dit (verset 18): "Je parle de ce qu’il a fait pour soumettre les Gentils à l'obéissance;" comme s’il disait: ma gloire, la voici: c’est d’avoir amené les Gentils à obéir à la foi (ci-dessus, I, 5): "Pour soumettre à la foi tous les peuples en son nom;" et (Psaume XVII, 45): "Il m’a obéi aussitôt qu’il a entendu ma voix."

C) Troisièmement, S. Paul montre comment il a amené les nations à cette foi. Comme il avait été dit (ci-dessus, X, 17): "La foi vient donc par l’audition, et l’audition par la parole du Christ," pour cette raison il dit (verset 18): "Par ma parole," c’est-à-dire par la parole de prédication de la foi. Mais la preuve de la foi qu’on prêche, c’est la bonne vie de celui qui prêche; aussi l'Apôtre ajoute-t-il (verset 18): "Et par mes oeuvres;" comme s’il disait: par mes oeuvres saintes je vous ai enfin attirés à la foi (Matth., V, 15): "Qu’ils voient vos bonnes oeuvres." Une autre preuve de la foi, ce sont les oeuvres miraculeuses, par lesquelles Dieu rend témoignage à la doctrine qui est prêchée (Marc, XVI, 20): "Le Seigneur agissant avec eux et confirmant sa parole par les miracles dont elle était accompagnée." Aussi ajoute-t-il (verset 19): "Par la vertu des miracles," à savoir les miracles moins éclatants, par exemple la guérison des malades, "et des prodiges," à savoir les miracles d’un ordre plus élevé, qui par leur grandeur présagent, c’est-à-dire témoignent de quelque chose de grand. Mais cela ne suffirait pas encore si l’Esprit Saint ne touchait au dedans les coeurs des auditeurs pour les disposer à la foi; de là ce passage des Actes (X, 44): "Comme Pierre parlait encore, l’Esprit Saint descendit sur tous ceux qui écoutaient la parole." C’est aussi pourquoi S. Paul ajoute (verset 49): "Et par la puissance du Saint Esprit (Hébr., II, 4): "Dieu lui-même attestant leur témoignage par les miracles, par les prodiges et par les divers effets du Saint Esprit."

Quand S. Paul dit (verset 19): "En sorte que depuis Jérusalem, il montre la grandeur du résultat obtenu, à raison de la multitude des lieux dans lesquels il a prêché (verset 19): "En sorte que depuis Jérusalem," où, au commencement de sa conversion, il a prêché dans les synagogues des Juifs, comme il est rappelé aux Actes (IX, 20), afin qu’il accomplît ce que dit le Prophète (Is 2,30): "La Loi sortira de Sion, et la parole du Seigneur de Jérusalem;" - "jusqu’à l’Illyrie," située sur le bord de la mer Adriatique, du côté opposé à l’Italie, "j’ai prêché partout l’Evangile du Christ," c’est-à-dire j’ai rempli tous ces lieux de la prédication de l’Evangile De peur que l’on ne s’imagine qu’il n’a prêché l’Evangile que dans le trajet direct de Jérusalem en Illyrie, il ajoute (verset 19): "De tous côtés;" car il, a prêché aux Gentils de tous les pays et les a convertis à la foi, en sorte qu’on peut lui appliquer cette parole de Job (XXXVIII, 25): "Qui adonné cours aux pluies impétueuses?"

En ajoutant (verset 20): "Mais j’ai prêché l’Evangile dans les lieux où le nom du Christ n’était pas connu," il fait ressortir la difficulté d’obtenir un pareil résultat; il est, en effet, absolument difficile de convertir à la foi les ignorants.

A) Il fait donc voir d’abord qu’il a eu à vaincre cette difficulté: "Mais j’ai prêché l’Evangile, non pas à la vérité""Jésus-Christ était connu," c’est-à-dire non pas auprès de ceux qui avaient ouï parler de son nom (Psaume XVII, 48): "Un peuple que je ne connaissais pas m’a servi;" et (Is 55,5): "Vous appellerez des nations que vous ne connaissiez pas, et des peuples qui vous ignoraient accourront à. vous." S. Paul en donne la raison, en disant (verset 20): "Pour ne pas bâtir sur le fondement d’autrui." Or cette expression peut s’entendre de deux manières: d’abord, de la doctrine hérétique, qui ne repose plus sur à fondement de la vraie foi; dans ce sens, ces mots: "Pour ne pas bâtir, a sont mis pour indiquer la cause, car l’Apôtre a voulu prêcher à ceux qui n’avaient pas entendu parler du nom de Jésus-Christ, dans la crainte que, s’ils étaient prévenus par les doctrines des faux apôtres, il ne fût plus difficile de les ramener à la vérité. C’est pour cela qu’il est dit en S. Matthieu (VII, 26): "Celui-là est insensé qui bâtit sa maison sur le sable," auquel on compare la fausse doctrine. Par "le fondement d’autrui," on peut entendre la doctrine de la foi véritable, prêchée par d’autres, et, dans ce sens, l’expression "ne pas" peut être prise comme indiquant la conséquence. Car S. Paul n'a pas évité de prêcher à ceux à qui d’autres avaient prêché d’abord, par exemple aux fidèles de Rome, auxquels il prêcha spécialement, quoiqu’ils avaient été d’abord instruits par S. Pierre. Mais de ce qu’il a prêché à ceux qui n’avaient rien entendu du nom de Jésus-Christ, il s’en est suivi qu’il n'a pas bâti sur le fondement d’autrui, et qu’il a jeté lui-même les premiers fondements de la foi, suivant ce passage de la 1ère épître aux Corinthiens (III, 10): "Selon la grâce que Dieu m’a donnée, j’ai posé le fondement comme un sage architecte."

B) Ensuite il appuie ce qu’il a dit par une autorité, en disant (verset 20): "Vérifiant par là cette prophétie" (Isaïe L, 15): "Ceux à qui il n’avait pas été annoncé verront, ils contempleront Celui dont ils n’ont pas entendu parler," paroles dans lesquelles le Prophète paraît annoncer que les Gentils parviendront à la connaissance de Dieu d’une manière plus excellente que les Juifs qui l’avaient connu auparavant. a) S. Paul montre donc d’abord cette excellence quant à la cause de la connaissance, qui est de deux espèces: ce qu’on a entendu et ce qu'on a vu; car les sens qui connaissent ainsi sont susceptibles de perfectionnement. Les Juifs, donc, sont parvenus à la connaissance des mystères du Christ par les paroles annoncées par les prophètes (I Pierre, I, 10): "Les prophètes ont prédit la grâce que vous devez recevoir; pénétrant dans quel temps et dans quelles circonstances l’Esprit du Christ, qui les instruisait de l’avenir, leur annonçait les souffrances du Christ et la gloire qui les devait suivre." Mais les Gentils virent ces mystères de Jésus-Christ déjà réellement accomplis; voilà pourquoi il est dit (verset 21): "Que les Gentils, à qui les prophètes ne l’avaient pas annoncé," c’est-à-dire n’avaient pas annoncé Jésus-Christ, comme il l’avait été aux Juifs, "verront" les mystères déjà accomplis (Luc, X, 26): "Plusieurs rois et plusieurs prophètes ont désiré voir les choses que vous voyez, et ne les ont pas vues." b) Il montre, en second lieu, l’excellence de la connaissance quant au mode de l’obtenir, parce que les Juifs ne purent qu’entendre les révélations des prophètes (Abdias, I, 4): "Nous avons ouï l’ordre du Seigneur; il a envoyé des ambassadeurs aux nations." Mais les Gentils ont connu pour avoir vu de leurs yeux; c’est de là que S. Paul dit: "Et les nations," c’est-à-dire ceux qui n’entendirent pas auparavant les prophètes annoncer le Christ, "comprendront," à savoir la vérité de la foi (Psaume II, 10): "Et maintenant, ô rois, ayez l’intelligence!"




Thomas A. sur Rm (1869) 63