Thomas A. sur Rm (1869) 66

Romains 15, 22 à 33: future visite de Paul à Rome

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Rm 15,22-33)


SOMMAIRE: L’Apôtre s’excuse de ne pas visiter l’Eglise de Rome; il promet en même temps de le faire, et supplie les Romains de prier pour lui, afin qu’il lui soit donné de recevoir de la consolation dans cette visite.



22. C’est ce qui m’a souvent empêché d’aller vers vous, et je n’ai pu le faire jusqu’aujourd’hui.

23. Mais, n’ayant plus maintenant aucun sujet de rester en ces régions, et désirant depuis plusieurs années déjà aller chez vous,

24. J’espère, lorsque je ferai le voyage d’Espagne, vous voir en passant, afin qu’après avoir joui un peu de votre présence, vous me conduisiez en ce pays.

25. Maintenant je vais à Jérusalem pour servir les saints.

26. Car la Macédoine et l'Achaïe ont trouvé bon de faire une collecte en faveur des pauvres des saints qui sont à Jérusalem.

27. Ils l’ont résolu, car ils leur sont redevables. En effet, si les Gentils ont participé aux richesses spirituelles des Juifs, ils doivent aussi leur faire part de leurs biens temporels.

28. Lors donc que je me serai acquitté de ce devoir et que je leur aurai remis le montant de la collecte, je partirai pour l’Espagne, en passant par chez vous.

29. Or je sais qu’en venant chez vous, ma venue sera accompagnée d’une abondante bénédiction de l'Evangile du Christ.

30. Je vous conjure donc, mes frères, par Notre Seigneur Jésus-Christ et par la charité du Saint Esprit, de m’aider par les prières que vous adresserez à Dieu pour moi,

31. Afin que je sois délivré des infidèles qui sont en Judée, et que l’offrande que je porte soit reçue favorablement par les saints de Jérusalem,

32 Pour que je vienne vers vous avec joie par la volonté de Dieu, et que je me console avec vous.

33. Que le Dieu de la paix soit avec vous tous! Ainsi soit-il.



Après avoir prévenu l’accusation de présomption qu’on pouvait lancer contre lui pour avoir instruit et repris les Romains, S. Paul s’excuse d’avoir différé à les visiter. A cet effet, il rappelle les obstacles qui l’en avaient empêché; II° Il manifeste sa résolution de les voir, à ces mots (verset 23): "Mais maintenant n’ayant plus rien...;" III° Il annonce l’effet de sa visite, à ces autres (verset 29): "Je ne doute pas que venant chez vous, etc."

I° Il dit donc d’abord: J’ai dit: "j’ai prêché l’Evangile en plusieurs lieux où Jésus-Christ n’était pas connu," et c’est par cette occupation que "j’ai été empêché jusqu’ici d’aller vous voir." Cet empêchement dure encore en ce moment; c’est pour cela qu’il ajoute (verset 22): "Et je n’ai pu encore le faire jusqu’à ce jour." Parole qui peut s’entendre de la multitude des occupations qu’il avait eues ailleurs; ou même de la divine Providence qui retenait les apôtres, les empêchait d’arriver à quelques-uns et les dirigeait vers quelques autres, selon cette paroles des Actes (XVI, 6): "Lorsque nous eûmes traversé la Phrygie et le pays des Galates, le Saint Esprit nous défendit d’annoncer la parole de Dieu en Asie." C’est par cette raison qu’il a dit (ci-dessus, I, 13): "Je me suis souvent proposé de vous aller voir, et j’en ai été empêché jusqu’à ce jour. On lit aussi au livre de Job (XXXVII, 12), sur les nuées, qui figurent les prédicateurs: "Elles éclairent de toutes parts sur la face de la terre, partout où elles sont conduites par la volonté de Celui qui les gouverne, et selon les ordres qu’elles ont reçus de Lui."

II° Lorsqu’il dit (verset 23): "Maintenant, n’ayant plus rien qui m’arrête en ces lieux," S. Paul manifeste sa résolution de les visiter. Et d’abord il leur promet cette visite; ensuite il donne le motif qui le force à la différer, à ces mots (verset 24): "Lorsque je partirai pour l’Es pagne;" enfin il en assigne l’époque, à ces autres (verset 28): "Après donc que j’aurai rempli ce devoir."

I. Il dit donc: "J’ai été ainsi empêché jusqu’à ce jour," Mais maintenant, ayant parcouru toutes les contrées, "n’ayant plus rien qui m’arrête," c’est-à-dire rien ne m’obligeant de rester encore "dans ce pays, où la foi a été établie par mes travaux," désirant vivement, depuis plusieurs années, vous aller voir (ci-dessus, I, 12): "Je désire vous voir pour vous faire part de quelque grâce spirituelle;" - "lorsque je partirai pour l’Espagne," où il se proposait de se rendre, afin de jeter, même aux extrémités de la terre, les fondements de la foi, selon cette parole d’Isaïe (XLIX, 6): "Je vous ai préparé pour être la lumière des nations et le salut des extrémités de la terre;" - "j’espère vous voir en passant;" donnant à entendre par là que ce voyage n’était pas son but principal, parce qu’il pensait qu’il leur suffirait d’avoir reçu l’enseignement de S. Pierre, qui, le premier des apôtres, avait prêché la foi aux Romains. Et, parce que les Romains dominaient alors sur tout l’Occident, il espérait que, par leur concours et sous leur conduite, il se rendrait en Espagne; aussi ajoute-t-il (verset 24): "Et être conduit par vous dans ce pays." Il comptait bien néanmoins s’arrêter quelque temps au milieu d’eux, ce qui lui fait dire (verset 24): "Après avoir joui de votre présence," c’est-à-dire en avoir été consolé, selon ce qui a été dit plus haut (I, 42): "Pour nous consoler mutuellement;" - "un peu," c’est-à-dire quant au temps, parce qu’il se proposait de rester quelque temps pour se consoler ainsi avec eux.

On objecte ce que dit S. Augustin (liv. 1er de la Doctrine chrétienne, ch. V), que nous ne devons jouir que de ce qui peut nous donner le bonheur, c’est-à-dire du Père, du Fils et du Saint Esprit. L’Apôtre ne dirait donc pas convenablement qu’il se propose de jouir de la présence des Romains.

Il faut répondre que, comme S. Augustin le dit dans cet endroit même, nous ne devons pas jouir de l’homme pour l’homme, mais en Dieu, selon cette parole (Philémon I, 20): "Ainsi, mon frère, que je reçoive de vous cette joie dans le. Seigneur." C’est aussi dans ce sens que S. Pan! dit (verset 24): "Après avoir joui quelque peu du bonheur de vous voir," c’est-à-dire en Dieu. Ou encore: "D’une part," pourrait s’entendre des bons, qui pouvaient le combler de joie en Dieu car, quant à l’autre partie, c’est-à-dire aux méchants, il ne pouvait y trouver sa joie, mais il devait plutôt s’affliger à leur égard, ainsi qu’il est dit (II Corinthiens XI 20 et 21): "De peur que, lorsque je serai retourné chez vous, Dieu ne m’humilie, et que je ne sois réduit à pleurer plusieurs de ceux qui ont péché."

II. En disant (verset 25): "Maintenant je m’en vais, etc.," l’Apôtre donne la raison pour laquelle il diffère sa visite.

Il indique d’abord son motif, en disant (verset 25): "Maintenant donc je m’en vais," c’est-à-dire je ne me rends pas aussitôt vers vous, parce que "je vais à Jérusalem porter des secours aux saints. Il faut remarquer ici qu’on lit (Actes, IV, 34) que les Juifs convertis par les apôtres, ayant vendu tout ce qu’ils possédaient, vivaient en commun avec le prix de leurs ventes; mais, cette ressource ayant manqué, surtout à cause d’une grande famine qui menaçait (Actes. XX, 29), les disciples, c’est-à-dire les chrétiens des diverses parties du monde, chacun selon leurs ressources, résolurent de faire passer des secours à ceux de leurs frères qui habitaient en Judée, ce qu’ils firent, envoyant leurs aumônes aux prêtres par les mains de Barnabé et de S. Paul. S. Paul appelle: "Ministère des saints," l’aumône qu’il porte à Jérusalem aux fidèles de Jésus-Christ, selon ce passage de la I° aux Corinthiens (XVI, 3): "Ceux que vous m’avez marqués, je les enverrai porter vos charités à Jérusalem, et, s’il est à propos que j’y aille moi-même, ils viendront avec moi."

Il développe ensuite ce qu’il avait dit du ministère des saints, en ajoutant (verset 26): "Car on a trouvé bon, c’est-à-dire on a approuvé, à savoir les Eglises de "Macédoine et d’Achaïe," en d’autres termes les fidèles de ces deux Eglises, contrées converties par l’Apôtre lui-même, "de faire quelque part de leurs biens," c’est-à-dire de réunir leur offrande "pour les pauvres" de Jésus-Christ, ou pour l’usage des pauvres qui sont au nombre des saints, selon ce passage de l’Ecclésiaste (XII, 5): "Donnez à celui qui est juste, et n’assistez pas le pécheur;" - "qui sont à Jérusalem," vivant dans la pauvreté (II Cor., XX, 1): "Il est superflu de vous écrire plus au long du ministère qui s’exerce à l’égard des saints; car je con nais votre zèle, et je m’en glorifie devant les Macédoniens."

Il donne ensuite les raisons de ce qu’il a dit. La première est "le bon plaisir des Eglises;" ce qui lui fait dire (verset 27): "Cela leur a été agréable (Cor., IX, 7): "Que chacun donne ce qu’il aura résolu en lui-même de donner, non avec tristesse ni comme par force." La seconde raison, c’est que cette aumône est une dette (verset 27): "Et ils leur sont redevables" (ci-dessus, XIII, 7): "Rendez à chacun ce qui lui est dû." S. Paul indique le motif de cette dette, en ajoutant (verset 27): "Car, si les Gentils ont participé aux richesses spirituelles qui leur appartenaient à eux," c’est-à-dire qui appartenaient spécialement aux Juifs, à savoir la connaissance de Dieu, de ses promesses et de sa grâce, suivant ce qui a été dit ci-dessus (IX, 4): "A qui appartient l’adoption des enfants et la gloire, etc.;" et encore (XI, 17): "Vous avez pris part à la sève et au suc qui monte de la racine de l’olivier;" ils entrent aussi en partage de leurs richesses spirituelles, parce qu’ils leur ont envoyé des prédicateurs. "Ils doivent donc leur faire part de leurs richesses temporelles," selon cette parole de l’Ecclésiastique (X, 15): "Dans le partage de l’héritage, donnez et recevez;" et (Psaume LXXX, 2): "Entonnez vos cantiques," c’est-à-dire prenez part aux choses spirituelles; "faites résonner vos tambours," c’est-à-dire donnez les choses temporelles. De là on déduit la preuve que l’on doit rétribution non seulement à ceux qui prêchent, mais à ceux qui envoient les prédicateurs.

III. Lorsqu’il dit (verset 28): "Quand donc j’aurai rempli ce devoir," il fixe l’époque à laquelle il ira les visiter, en disant (verset 28): "Quand donc j’aurai rempli ce devoir," c’est-à-dire le ministère des saints, "et que je leur aurai distribué ces secours," c’est-à-dire l’aumône des Gentils, qui est comme un fruit de leur conversion (Osée, X, 1): "Israël était une vigne chargée de branches vigoureuses, les fruits ont répondu à sa force;" - "je passerai chez vous en allant en Espagne."

Mais l’Apôtre ne paraît pas ici dans la vérité; car on ne voit pas qu’il soit allé jamais dans ce pays. En effet, il fut pris à Jérusalem; de là, chargé de chaînes, il fut conduit à Rome (Actes, XXVIII, 14) et mis à mort dans cette ville en même temps que S. Pierre.

Quelques auteurs répondent que (Actes, XXVIII, 16), Paul, étant venu à Rome, "il lui fut permis d’y demeurer avec un soldat pour le garder;" plus bas (verset 30), on voit "qu’il demeura deux ans dans cette ville avec ce sauf-conduit." Ce serait, disent ces auteurs, dans ce laps de temps qu’il fit le voyage d’Espagne. Mais, comme il n’y a en cela rien de certain, on peut dire avec plus de vraisemblance que S. Paul n'a pas parlé contre la vérité, parce qu’il se proposait de faire ce qu’il disait alors, et qu’ainsi il faut voir dans ses paroles comme une insinuation de sa résolution, mais non de l’événement futur, qui, pour lui, était incertain et impossible à prévoir autrement que sous cette condition qu’il faut toujours sous-entendre (Jacques IV, 15): "Au lieu de cela, dites: s’il plaît au Seigneur et si nous vivons, nous ferons telle ou telle chose." Et c’est encore ainsi que l’Apôtre s’excuse (II Corinthiens I, 17) de ce qu’il n'était pas allé les voir, comme il l’avait promis, en disant: "J’avais formé le projet de vous voir. Est-ce par inconstance que je ne l’ai pas exécuté? Ou, ce que j’ai voulu, l’ai-je décidé humainement, et y a-t-il en moi le oui et le non?" Ainsi, de ce qu’il n'a pas fait pour une juste cause ce qu’il s’était proposé, il se dit exempt et de légèreté, et de vues humaines, et de fausseté. C’est aussi de cette manière que le pape Gélase (Décret, XX, quest. 2) résout cette difficulté. Doit-on croire, dit-il, ce qu’à Dieu ne plaise ! Que le bienheureux Paul a voulu tromper, ou qu’il ait été en contradiction avec lui-même, parce qu’ayant promis d’aller en Espagne, mais se trouvant retenu par la volonté di vine pour des affaires plus importantes, il n’a pu accomplir ce qu’il avait promis ? Autant qu’il a dépendu de sa propre volonté, il a manifesté ce qu’il aurait, en effet, voulu accomplir; mais, par un secret des divins conseils, qu’en tant qu’homme il ne pouvait connaître, bien qu’il fût rempli de l’Esprit Saint, et arrêté par les dispositions de la Providence, il ne put le réaliser. Car, quoiqu’il ait eu l’esprit prophétique, cependant tout n’est pas révélé aux prophètes, comme on le voit au 4e livre des Rois (IV, 27), où Elisée dit: "Son âme (de la Sulamite) est dans l’amertume, et le Seigneur me l’a caché et ne me l’a pas fait connaître."

III° Lorsqu’il dit (verset 29): "Je ne doute pas...," S. Paul annonce le fruit de sa visite, en disant: "Je ne doute pas," à savoir par la confiance que j’ai dans la grâce de l’Evangile, "qu’en venant chez vous, je ne sois dans l’abondance des bénédictions du Christ," c’est-à-dire que Jésus-Christ vous donnera plus abondamment à mon arrivée sa bénédiction, dont il est dit dans le Psalmiste (LXXXIII, 8): "Car le Législateur donnera sa bénédiction; ils s’avanceront de vertu en vertu." C’est dans ce sens que Laban dit à Jacob (Gen., XXX, 27): "J’ai connu par mon expérience que Dieu m’a béni à cause de vous."

IV° Lorsqu’il dit (verset 30): "Je vous conjure donc, mes frères," il leur demande le secours de leurs prières; et d’abord il demande cette prière, il prie ensuite lui-même pour eux, à ces mots (verset 33): "Je prie le Dieu de paix."

I. Sur le premier de ces points, il les engage

à prier pour lui, et cela par trois raisons: 1. par la charité céleste, lorsqu’il dit (verset 30): "Je vous conjure donc, mes frères " (Philémon, 9): "L’amour que j’ai pour vous fait que j’aime mieux vous supplier;" 2. ensuite par respect pour Jésus-Christ dont il était lui-même le ministre, en disant (verset 30): "Par Jésus-Christ Notre Seigneur," dans lequel nous sommes unis, comme il a été dit (ci-dessus, XII, 5); 3. Enfin par le don du Saint Esprit, accordé par son ministère (verset 30): "Par la charité de l’Esprit Saint," c’est-à-dire "par la charité que l’Esprit Saint répand dans nos coeurs" (Rom., V, 5).

Il demande ensuite le secours de leurs prières, en disant (verset 30): "De m’aider par vos prières à Dieu pour moi," c’est-à-dire faites à mon intention (Proverbes XVIII, 19): "Le frère qui est aidé par le frère est comme une ville forte." Or, remarque la Glose, si l’Apôtre parle ainsi, ce n’est pas qu’il mérite moins que ceux qui lui sont inférieurs, mais il suit un ordre: 1. que la prière soit faite par l’Église pour celui qui la conduit (I Tim., II, 1): "Je vous conjure donc, avant toutes choses, que l’on fasse des supplications, des prières, des de mandes et des actions de grâces pour tous les hommes, pour les rois et pour tous ceux qui sont élevés en dignité, etc.;" 2. En second lieu, parce que plusieurs simples fidèles réunis en un seul corps méritent davantage; voilà pourquoi il est impossible que les prières d’un grand nombre ne soient pas exaucées (Matth., XVIII, 19): "Si deux d’entre vous s’unissent sur la terre, ce qu’ils demanderont leur sera accordé par mon Père qui est dans les cieux;" 3. Enfin parce que, quand un grand nombre prient, plusieurs, étant exaucés, rendent grâces, suivant ce passage de la 2ème aux Corinthiens (I, 11): "Avec l’aide de vos prières, afin que la grâce que nous avons reçue en considération de plusieurs personnes soit aussi reconnue par les actions de grâces de plusieurs."

Enfin S. Paul exprime ce qu’il veut qu’on obtienne pour lui 1. C’est ce qui concerne les ennemis qu’il avait en Judée, ce qui lui fait dire (verset 31): "Afin qu’il me délivre des infidèles qui sont en Judée," lesquels attaquaient particulièrement S. Paul et l’avaient en haine, parce qu’il prêchait avec force que les observances légales cessaient d’obliger (Actes, XXI, 21): "Ils ont entendu dire que vous enseignez qu’il faut abandonner Moïse." 2. La seconde demande a rapport à ceux auxquels il allait porter des aumônes; pour eux il ajoute (verset 31): "Afin que le secours que je vais porter," c’est-à-dire que l’Église dans laquelle je sers pour eux, "soit favorablement accueilli par les saints de Jérusalem," en sorte que par là ils soient provoqués davantage à rendre grâces à Dieu et à prier pour les Gentils eux-mêmes, dont ils reçoivent ces aumônes (Ecclésiastique XXXI, 28): "Les lèvres de la multitude béniront celui qui donne du pain avec abondance." 3. La troisième, enfin, concerne ceux mêmes auxquels il écrivait (verset 32): "Afin que j’arrive chez vous plein de joie, si c’est la volonté de Dieu;" car il ne voulait rien faire contre elle (ci-dessus, I, 10): "Lui demandant continuellement dans mes prières de m’offrir, si c’est sa volonté, un moyen favorable pour aller vers vous; - "et que je prenne avec vous quelques moments de repos," c’est-à-dire que, par votre présence, je reçoive quelque adoucissement âmes tribulations.

II.En disant (verset 33): "Que le Dieu de paix, etc.," il montre qu’il prie pour eux. Que le Dieu," dit-il, "qui donne la paix, demeure avec vous tous," à savoir que la paix règne parmi vous (II Cor., XIII, 13): "Soyez unis d’esprit et de coeur, vivez dans la paix, et le Dieu d’amour et de paix sera avec vous." Et il ajoute: "Amen," c’est-à-dire qu’il en soit ainsi (Psaume CV, 48): "Et tout le peuple dira: qu’il en soit ainsi."



CHAPITRE XVI: SALUTATIONS ET CONCLUSION





Romains 16, 1 à 16: Le saint baiser mutuel

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Rm 16,1-16)


SOMMAIRE: Après les salutations, l’Apôtre instruit les fidèles de la manière de se saluer les uns les autres, en particulier, par un saint baiser.



1. Je vous recommande Phoebé, notre soeur, attachée au service de l qui est à Cenchrée;

2. Recevez-la dans le Seigneur, d manière digne des saints; assistez-la dans toutes les choses où elle pourrait avoir besoin de vous, car elle en a assisté un grand nombre, et moi en particulier.

3. Saluez Prisque et Aquila, mes coopérateurs en Jésus-Christ,

4. (Qui ont exposé leurs têtes pour ma vie; à qui je rends grâces, non pas moi seulement, mais toutes les Eglises des Gentils);

5. Et l'Eglise qui est dans leur maison. Saluez mon cher Ephénète, qui est les prémices de l'Asie pour le Christ;

6. Saluez Marie, qui a beaucoup travaillé pour vous;

7. Saluez Andronique et Julie, mes parents et mes compagnons de liens, qui sont illustres parmi les apôtres et qui ont embrassé la foi du Christ avant moi;

8. Saluez Amplius, qui m très cher dans le Seigneur;

9. Saluez Urbain, mon coopérateur en Jésus-Christ, et Stachys, qui m’est cher;

10. Saluez Apelle, fidèle serviteur du Christ;

11. Saluez ceux de la maison d'Aristobule; saluez Hérodion, mon parent; saluez ceux de la maison de Narcisse qui sont au Seigneur;

12. Saluez Triphoene et Triphose, qui travaillent pour le Seigneur; Saluez ma très chère Perside, qui a beaucoup travaillé pour le Seigneur;

13. Saluez Rufus, élu du Seigneur, et sa mère, qui est aussi la mienne;

14. Saluez Asynerite, Phlégon, Hermès, Patrobe, Hermas et les frères qui sont avec eux;

45. Saluez Philologue et Julie, Nérée et sa soeur, et Olympiade, et tous les saints qui sont avec eux;

16. Saluez-vous les uns les autres par un saint baiser: toutes les Eglises du Christ vous saluent.



L’apôtre S. Paul, après être entré avec les Romains dans quelques détails familiers sur ce qui le concernait personnellement, continue ces mêmes détails à l’égard d’autres personnes. A cet effet, d’abord il rappelle ce que les fidèles de Rome doivent faire pour les autres; ensuite il dit ce que les autres font pour eux, à ces mots (verset 21): "Timothée vous salue;" enfin il termine sa lettre par des actions de grâces, à ces autres (verset 25): "Gloire à Celui qui est tout-puissant." Sur le premier de ces points, l’Apôtre désigne premièrement ceux qu’ils doivent saluer; secondement, ceux qu’ils doivent éviter, à ces mots (verset 17): "Je vous prie, mes frères, de prendre garde." Il recommande donc: de saluer quelques personnes en particulier; II° il indique d’une manière générale le mode de salutation, à ces mots (verset 16): "Saluez-vous les uns les autres;" III° il les salue en commun de la part des fidèles, à ces autres (verset 16): "Toutes les Églises de Jésus-Christ vous saluent."

I° Parmi les personnes qu’il salue spécialement, I. S. Paul nomme une chrétienne de Corinthe qui allait à Rome. Il la leur recommande, la désignant:

par son nom (verset 1): "Je vous recommande Phoebé," qui, bien que consacrée à Dieu, n’avait pas pourtant une telle autorité, qu’elle pût se passer de lettres de recommandation, comme l’Apôtre le dit de lui-même (II Cor., III, 1): "Avons-nous besoin, comme quelques-uns, de lettres de recommandation auprès de vous?"

Il la dépeint ensuite par sa religion et par sa foi, en disant (verset 1): "Notre soeur." Car toutes les femmes chrétiennes sont appelées du nom de soeurs, comme tous les hommes portent le nom de frères (Matth., XXIII, 8): "Vous êtes tous frères."

Il dit le ministère confié à sa piété, en ajoutant (verset 1): "Qui est au service de l'Eglise à Cenchrée." Or Cenchrée était un port de Corinthe où quelques chrétiens s’étaient réunis, et Phoebé les servait, comme il est dit de Jésus-Christ lui-même (Luc, VIII, 3), que quelques femmes "l’assistaient de leurs biens;" suivant cette recommandation (I Tim., V, 12) sur le choix des veuves: "Si elle a exercé l’hospitalité, si elle a lavé les pieds des saints."

Ensuite l’Apôtre marque deux points sur lesquels il veut qu’on fasse attention à sa recommandation. 1. Le premier, c’est qu’on la reçoive avec des égards (verset 2): "Afin que vous la receviez au nom du Seigneur," c’est-à-dire par amour pour Dieu, "et d’une manière digne des saints," c’est-à-dire ainsi qu’il convient de recevoir les saints, selon cette parole de S. Matthieu (X, 43): "Celui qui reçoit le juste comme juste recevra la récompense du juste." Quelques exemplaires portent: "Assez dignement," c’est-à-dire convenablement; mais en cet endroit la Vulgate ne con corde pas avec le grec. 2. La seconde recommandation, c’est de l’ai der avec empressement (verset 2): "Et que vous l’assistiez," c’est-à-dire que vous lui donniez conseil et appui dans toutes les choses où elle pourrait avoir besoin de vous. Car peut-être avait-elle quelque affaire à. traiter à. la cour de Néron.

On objecte ce que dit l’Apôtre dans la Ire épître aux Thessaloniciens (IV, 11): "Faites tout ce que vous avez à faire," comme s’il disait: ne vous entremettez pas des affaires des autres.

Il faut répondre qu’on peut donner assistance aux autres dans leurs affaires de deux manières: d’abord, à la façon du siècle, c’est-à-dire pour obtenir des hommes soit faveur, soit profit; cette assistance ne convient pas aux serviteurs de Dieu, ainsi qu’il est dit (II Tim., II, 4): "Quiconque est au service de Dieu évite l’embarras des affaires du siècle." On peut ensuite intervenir dans les affaires des autres par un motif de piété, par exemple venir au secours des pauvres et de ceux qui souffrent: c’est alors un acte de religion (Jacques I, 27): "La piété pure et sans tache aux yeux de Dieu notre Père est celle ci: visiter les orphelins et les veuves dans leurs afflictions." C’est dans ce sens que parle ici S. Paul.

Enfin l’Apôtre rappelle le mérite de Phoebé, qui lui donne droit à cette assistance, en disant (verset 2): "Car elle a secouru plusieurs et moi en particulier" (Isaïe III, 10): "Dites au juste qu’il espère, il recueillera le fruit de ses oeuvres;" et (Matt.6., V, 7): "Bien heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde."

II. S. Paul recommande ensuite de saluer quelques autres personnes qui étaient en rapport avec lui.

Il dit donc (verset 3): "Saluez Prisque et Aquila," l’époux de Prisque, nommant d’abord l’épouse, peut-être à cause de l’ardeur de sa foi; "mes coopérateurs dans le Christ Jésus," c’est-à-dire dans la prédication de la foi. C’était, en effet, chez eux qu’il logeait à Corinthe, ainsi qu’il est rapporté au ch. XVIII, 2 et 26 des Actes. "Lesquels," ajoute-t-il, "ont exposé leurs têtes pour ma vie," c’est-à-dire qui se sont exposés eux-mêmes au danger de mort pour me sauver la vie, ce qui est la marque de la plus haute charité (Jean, XV, 13): "Personne ne peut témoigner un plus grand amour qu’en donnant sa vie pour ses amis." Ceci paraît s’être passé à Corinthe, où S. Paul fut persécuté, comme on le voit (Actes, XVIII, 26); ou peut-être s’agit-il d’autres personnes qui s’exposèrent au danger pour l’Apôtre, car ce qu’on lit au ch. XVIII, 26, des Actes, se passa lorsque Prisque et Aquila quittèrent Rome pour venir à Corinthe, ainsi qu’il est rapporté au même endroit. Mais l’Apôtre écrivait ceci pendant qu’il les croyait encore à Rome. Or la vie de S. Paul était moins nécessaire à lui-même qu’aux autres, selon ce passage de l’épître aux Philippiens (I, 24): "Il est plus nécessaire pour vous que je vive encore dans ce corps mortel." Voilà pourquoi il ajoute (verset 4): "Je ne suis pas le seul à leur rendre grâces," mais encore toutes les nations des Gentils,  "dont je suis l’apôtre et le docteur," le font avec moi (I Tim., II, 7): "Docteur des nations dans la foi et la vérité." - "Saluez aussi l’Église qui est dans leur maison;" car ils avaient chez eux plusieurs fidèles.

Il veut ensuite qu’on salue un autre chrétien qui lui est cher (verset 5): "Saluez mon cher Éphénète, qui a été les prémices de l’Asie;" car il fut le premier de toute cette contrée converti à la foi, ce qui était pour lui un magnifique titre d’honneur (Hébr., XII, 23): "Vous vous êtes approchés de l’Église des premiers-nés, qui sont écrits dans les cieux." Éphénète était alors à Rome.

L’Apôtre ajoute (verset 6): "Saluez Marie, qui a beaucoup travaillé pour vous," afin de les ramener à la concorde; ce que ne pouvant obtenir, elle avertit S. Paul (Sag., III, 15): "Le fruit des bons travaux est plein de gloire."

Il dit (verset 7): "Saluez Andronique et Julie," qu’il désigne:

A) d’abord par leur naissance, lorsqu’il dit: "Mes parents," montrant ainsi qu’ils étaient Juifs et de la race de ceux dont il parlait (ci-dessus, IX, 3): "Qui sont de la même race que moi selon la chair."

B) En second lieu par les souffrances qu’ils avaient endurées pour Jésus-Christ: "Qui ont été les compagnons de mes liens." Car ils avaient été quelque temps en prison avec l’Apôtre de Jésus-Christ (II Cor., XI, 23): "J’ai enduré plus de prisons.

C) Enfin par leur autorité (verset 7): "Qui sont illustres parmi les Apôtres," c’est-à-dire parmi ceux qui ont prêché la foi, selon cette parole des Proverbes (XXXI, 23): "Son époux brille aux portes de la ville, quand il est parmi les juges."

D) Et par l’époque de leur conversion: "Ils ont embrassé avant moi la foi du Christ Jésus." Car ils se convertirent avant S. Paul, et pour cette raison on leur devait plus de respect (I Tim., V, 1): "Ne reprenez pas le vieillard avec dureté, mais conjurez-le comme un père."

Il dit ensuite: "Saluez Amplias, que j’aime tendrement dans le Seigneur," c’est-à-dire de cette affection de charité qui est en Jésus-Christ (Ph 1,8): "Dieu m’est témoin avec quelle tendresse je vous aime tous dans les entrailles de Jésus-Christ."

S. Paul ajoute (verset 9): "Saluez Urbain, mon aide dans le service du Christ," c’est-à-dire qui a travaillé avec moi à la prédication de l’Évangile (Proverbes XVIII, 19): "Le frère qui est aidé par le frère est comme une ville forte;" - "et mon cher Stachys," qu’il nomme avec Urbain, parce que peut-être ils habitaient ensemble ou parce qu’il y avait entre eux quelque rapport intime.

Il continue: "Saluez Appelle, fidèle serviteur du Christ," c’est-à-dire serviteur éprouvé dans le service de Jésus-Christ, peut-être par quelque tribulation (Job, XXIII, 10): "Il m’a éprouvé comme l’or qui passe par le feu."

Il continue (verset 11): "Saluez ceux qui sont de la maison," c’est-à-dire de la famille "d’Aristobule," dans la demeure duquel étaient réunis un grand nombre de fidèles. Il ne le salue pas lui-même, parce que peut-être était-il absent pour quelque motif.

Il dit ensuite (verset 11): "Saluez Hérodion, mon cousin;" par là même il indique que c’est un Juif.

10° " Saluez ceux de la maison de Narcisse," qui était prêtre, dit-on, et parcourait les lieux écartés pour affermir les fidèles. Aussi l’Apôtre, le sachant absent, ne le fait pas saluer, mais sa famille. Cependant, parce que dans cette famille il y avait quelques infidèles, l’Apôtre ajoute par discrétion: "Qui sont au Seigneur." Il ne fait saluer que les fidèles (II Jean, I, 10): "Si quelqu’un vient vous et n’apporte pas cette doctrine, ne le recevez pas dans votre maison, ne le saluez pas même."

11° Il dit ensuite (verset 12): "Saluez Triphoene et Triphose, qui ont travaillé pour le Seigneur," c’est-à-dire dans le service des saints, service que le Sauveur regarde comme lui étant rendu à lui-même, selon cette parole de S. Matthieu (XXV, 40): "Ce que vous avez fait à l’un des plus petits de mes frères, vous l’avez fait à moi-même.

12° "Saluez," continue-t-il, "notre très chère Perside," à savoir que l’Apôtre affectionnait spécialement à cause de sa piété. Il ajoute: "Qui a beaucoup travaillé pour le Seigneur," à savoir en exhortant les autres chrétiens, en soulageant les saints, en supportant la pauvreté et les autres travaux spirituels (II Cor., X, 27): "Dans les travaux, dans les jeûnes et les veilles, etc."

13° "Saluez Rufus, élu du Seigneur," c’est-à-dire dans la grâce de Jésus-Christ (Ephés., I, 4): "Il nous a élus en lui-même avant la création du monde;" - "et sa mère," c’est-à-dire selon la chair, qui est en même temps "la mienne," à savoir par ses bienfaits, car pendant un temps elle avait été au service de S. Paul, bien qu’alors elle ne fût pas à Rome (I Tim., V, 2): "Traitez les femmes âgées comme vos mères, les jeunes comme vos soeurs, avec une pureté parfaite.

14° Il ajoute (verset 14): "Saluez Asynerite, Phiégon, Hermès, Patrobe, Hermas, et nos frères qui sont avec eux," les comprenant dans une même salutation, parce qu’ils habitaient en commun (Psaume LXV, 7): "Il fait habiter, même dans la maison des méchants, ceux qui sont unis par la même sainteté."

15° "Saluez," dit-il ensuite (verset 15), "Philologue et Julie, Nérée et sa soeur, et Olympiade, et tous les saints qui sont avec eux," c’est-à-dire qui ont été sanctifiés par la foi de Jésus-Christ (I Cor., V, 11): "Vous avez été lavés, vous avez été sanctifiés."

II° S. Paul indique ensuite le mode général de salutation qu’ils doivent employer entre eux, en disant (verset 16): "Saluez-vous les uns les autres par un saint; baiser." Il se sert de cette expression pour marquer la différence d’avec la passion, dont il est dit au livre des Proverbes (verset 13): "Elle arrête le jeune homme et lui donne un baiser;" et même d’avec l’hypocrisie, dont il est dit au même livre (XXVII, 6): "Les blessures d’un ami sont salutaires, les bai sers d’un ennemi sont envenimés." Or le saint baiser est celui qu’on donne comme un témoignage de la foi en la très sainte Trinité (Cant., I, 4): "Donnez-moi un baiser de votre bouche." De là la coutume introduite dans l’Église, que les fidèles, pendant les saints mystères, se donnent mutuellement le baiser de paix.

III° Ensuite il les salue au nom de toutes les Églises, en disant (verset 16): "Toutes les Églises du Christ vous saluent," c’est-à-dire les Églises rassemblées au nom et dans la foi de Jésus-Christ, parce que toutes désirent votre salut et prient pour vous (Jacques V, 16): "Priez les uns pour les autres, afin que vous soyez sauvés."




Thomas A. sur Rm (1869) 66