Thomas A. sur Rm (1869) 67

Romains 16, 17 à 27: Dernières recommandations

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Rm 16,17-27)


SOMMAIRE: Qu’il faut éviter les prédicateurs de mensonge. Sentiments et qualités des fidèles de Rome. L’Apôtre donne des éloges aux bons et à ceux qui font preuve d’une plus grande sainteté. Il prie et remercie Dieu pour eux.



17. Mais je vous prie, mes frères, d’observer ceux qui causent des dissensions et des scandales contre la doctrine que vous avez apprise, et dé tournez-vous d’eux.

18. Car ces sortes de gens ne servent pas le Christ Notre Seigneur, mais leur ventre, et, par de douces paroles et des flatteries, ils séduisent les âmes simples.

19. Car votre obéissance est connue en tout lieu. Je me réjouis donc pour vous; mais je désire que vous soyez sages dans le bien et simples dans le mal.

20. Que le Dieu de paix brise Satan sous ses pieds au plus tôt. Que la grâce de Notre Seigneur Jésus-Christ soit avec vous.

24. Timothée, mon coadjuteur, vous salue, ainsi que Lucius, Jason et Sosipater, mes parents;

22. Moi, Tertius, qui ai écrit cette lettre, je vous salue dans le Seigneur;

23. Caïus, mon hôte, et toute l'Eglise vous saluent; Eraste, trésorier de la ville, et Quartus, notre frère, vous saluent.

24. Que la grâce de Notre Seigneur Jésus-Christ soit avec vous tous. Amen.

25. Et à Celui qui est puissant pour vous affermir dans mon Evangile et la prédication de Jésus-Christ, selon la révélation d’un mystère qui, étant resté caché dans les siècles passés,

26. (Qui maintenant a été découvert par les oracles des prophètes, selon l’ordre du Dieu éternel, pour qu'on obéisse à la foi), a été connu de tous les peuples.

27. A Dieu seul sage, honneur et gloire à Lui par Jésus-Christ dans les siècles des siècles. Amen.



S. Paul, après avoir désigné ceux qu’on devait saluer de sa part, fait connaître ceux qu’on doit éviter. il les dénonce; II° il en donne la raison, à ces mots (verset 18): "Car de tels hommes...;" III° il promet le secours divin pour s’acquitter de ce devoir, à ces autres (verset 20): "Que le Dieu de paix, etc."

I° Comme ceux qu’il voulait faire éviter s’avançaient frauduleusement, séduisant sous une apparence de piété, ainsi qu’il est dit en S. Matthieu (VII, 22): "Ils viennent à vous couverts de peaux de brebis, et au dedans ce sont des loups ravissants, il engage:

I. les fidèles de Rome à ne pas se laisser surprendre, en disant (verset 17): "Mes frères, prenez garde, je vous prie, à ceux qui causent parmi vous des divisions et des scandales en s’éloignant de la doctrine que vous avez apprise.

Il faut d’abord remarquer ici que prendre garde, ce n’est pas autre chose que considérer avec attention, ce qui peut être pris en mal et en bien. On le prend en mal quand on considère avec attention la conduite et les démarches d’un autre afin de lui nuire (Psaume XXXVI, 12): "Le pécheur observera le juste et il grincera des dents contre lui;" et (Luc, XIV, 1): "Et ceux qui étaient là l’observaient." On le prend en bien, d’abord, quand on considère les commandements de Dieu afin de les observer (Exode, XXIII, 21): "Respectez-le et écoutez sa voix; ensuite quand on considère les bons avec attention pour les imiter (Ph 3,17): "Mes frères, soyez mes imitateurs, et proposez-vous l’exemple de ceux qui se conduisent selon le modèle que vous avez vu en nous." Enfin on observe les méchants pour s’en garder, et c’est dans ce sens que cette expression est prise ici; car il y avait quelques Juifs convertis qui soutenaient qu’il fallait garder encore les observances légales: de cette erreur suivaient des divisions dans l’Église et des hérésies, les uns s’attachant à la fausse doctrine, les autres persistant dans la vraie foi (Gal., V, 20): "Des divisions, des hérésies."

De là encore des occasions de chute et des scandales, dont il a été parlé (ci-dessus, XIV, 15), les uns jugeant les autres, et les autres méprisant ceux qui semaient ces scandales et ces discordes (Isaïe LVII, 14): "Ecartez tout ce qui s’oppose à la marche de mon peuple." L’Apôtre ajoute: "En s’éloignant de la doctrine que vous avez apprise" des véritables apôtres de Jésus-Christ, pour montrer que ces sortes de divisions et ces scandales provenaient de la fausseté de la doctrine (Gal., I, 8): "Si quelqu’un vous annonce un Evangile différent de celui que vous avez reçu, qu’il soit ana thème."

II. En second lieu, il avertit qu’après les avoir reconnus, on les évite, en disant (verset 17): "Evitez-les," c’est-à-dire fuyez leur doctrine et leur compagnie (Psaume CXVIII, 415): "Impies, éloignez-vous de moi, afin que j’observe fidèlement les paroles de mon Dieu."

II° Lorsqu’il ajoute (verset 18): "Car de tels hommes," il donne de ce qu’il dit deux raisons.

I. La première est prise du côté même de ceux qu’il veut qu’on évite.

Il manifeste leur intention, en disant "Car de tels hommes ne servent pas le Christ Notre Seigneur, mais leur ventre." En effet, ils ne prêchaient pas pour la gloire de Jésus-Christ, mais pour leur profit, afin de satisfaire leurs sens (Ph 3,18): "Il y en a plusieurs, dont je vous ai souvent parlé, et dont je vous parle encore avec larmes, qui se conduisent en ennemis de la croix du Christ, et qui font leur Dieu de leur ventre."

Ensuite il révèle leurs fourberies, en disant (verset 18): "Et par des paroles douces et flatteuses ils séduisent les âmes des innocents," c’est-à-dire des simples et des inexpérimentés (Proverbes XIV, 45): "L’homme sans expérience croit à toute parole." Il dit: par des discours pleins de douceur, dans lesquels ils simulent la sainteté, selon ces paroles (Psaume XXVII, 4): "Ils parlent de paix à leurs frères, et ils cachent le mal dans leurs coeurs." - "Et flatteuses," c’est-à-dire par les quelles ils bénissent et flattent ceux qui les suivent (Is 3,12): "O mon peuple, ceux qui t’appellent heureux te trompent!" et (Malachie II, 2): "Je maudirai vos bénédictions."

II. Il tire la seconde raison du caractère même des Romains, qui se montraient prompts à suivre le bien et le mal; aussi les loue-t-il

de leur facilité pour le bien, en disant (verset 19): "Car votre obéissance," qui vous a si facilement soumis à la foi, "est devenue célèbre partout," à cause du pouvoir dont les Romains jouissaient alors sur tous les autres peuples, en sorte que ce qui se faisait par eux était facilement connu de tous (ci-dessus, I, 8): "Votre foi est annoncée dans le monde entier." – "Je m’en réjouis à cause de vous," parce que vous vous êtes soumis à la foi, et cela dans la charité, dont il est dit (I Cor., XIII, 6): "Elle ne se réjouit pas de l’injustice, mais de la vérité."

Ensuite il les rend vigilants contre le mal, en disant (verset 19): "Mais je désire que vous soyez sages dans le bien, c’est-à-dire que vous adhériez à ce qui est bien (I Thess., V, 15): "Soyez toujours prêts à faire le bien;" – "et ignorants dans le mal," c’est-à-dire gardez-vous du mal avec une certaine simplicité, en sorte que votre simplicité soit telle que vous ne trompiez qui que ce soit pour le mal (Matth., X, 16): "Soyez prudents comme les serpents, et simples comme les colombes. Agissant à l’opposé de ceux dont il est dit (Jér., IV, 22): "Ils sont sages pour faire le mal, et ne savent pas faire le bien."

III° En disant (verset 20): "Que le Dieu de paix, etc.," l’Apôtre leur promet le secours divin contre de tels trompeurs."

Il en fait la promesse, lorsqu’il dit: "Que le Dieu de paix," c’est-à-dire son auteur, qui hait les divisions que ceux-ci sèment, "écrase Satan," c’est-à-dire le démon, qui s’efforce de vous séduire par les faux apôtres, "sous vos pieds," à savoir, parce que vous en triompherez par votre sagesse. Et cela arrivera "bientôt," c’est-à-dire à mon arrivée (Luc, X, 19): "Je vous ai donné la puissance de marcher sur les serpents et sur les scorpions," et sur toute la force de l’ennemi; (Malachie, IV, 3): "Vous foulerez les impies lorsqu’ils seront comme la cendre sous vos pieds."

Ensuite il fait une prière pour obtenir ces grâces, lorsqu’il dit (verset 20): "Que la grâce de Notre Seigneur Jésus-Christ soit avec vous," c’est-à-dire celle qui suffit à vous protéger (II Cor., XII, 9): "Ma grâce te suffit."

IV° Lorsqu’il dit ensuite (verset 21): "Timothée vous salue,"

il les salue de la part des autres: "Timothée, le compagnon de mes travaux," à savoir dans la prédication de l’Evangile, "vous salue " (I Cor., IV, 17): "Je vous ai envoyé Timothée, qui est mon très cher fils et un fidèle ministre devant le Seigneur." Il ajoute: "Et Lucius, Jason et Sosipater, mes parents," qui étaient Juifs, vous saluent également. S. Paul avait un secrétaire qui s’appelait Tertius, auquel il permet de saluer lui-même les Romains: "Moi, Tertius," dit-il, "qui ai écrit cette lettre, je vous salue dans le Seigneur." Il continue (verset 23): "Ca mon hôte," à qui fut adressée la 3e épître canonique de S. Jean, dans laquelle ce Caïus est loué pour sa charité à l’égard des saints, "Il vous salue, ainsi que toute l’Eglise," c’est-à-dire celle qui était réunie dans sa maison, ou qui était dans cette province. "Eraste, trésorier de la ville," c’est-à-dire qui gardait la caisse commune ou le revenu commun de la ville, "vous salue, ainsi qu’un frère," c’est-à-dire un fidèle, appelé "Quartus."

Ensuite l’Apôtre les salue lui-même, en disant (verset 24): "Que la grâce de Notre Seigneur Jésus-Christ soit avec vous tous. Amen."



V° S. Paul termine sa lettre par des actions de grâces, en disant (verset 25): "A Celui," c’est-à-dire à Dieu, qui est Trinité, "qui est puissant pour vous affermir " (I Pierre, V, 10): "Il vous perfectionnera, vous fortifiera et vous affermira, après que vous aurez souffert un peu de temps." Et cela dans la foi (verset 25): "Selon mon Evangile (I Cor., XV, 11): "Que ce soit donc moi ou que ce soient ceux qui vous prêchent, vous avez cru ainsi, etc.;" et aussi selon "la prédication de Jésus-Christ," qui le premier annonça l’Evangile, suivant cette parole de l’épître aux Hébreux (", 3): "Ayant été annoncé d’abord par le Seigneur lui-même." Aussi est-il dit en S. Matthieu (IV, 23) que "Le Sauveur Jésus parcourait la Judée en prêchant l’Evangile du royaume." S. Paul ajoute: "Que je prêche suivant la révélation du mystère," c’est-à-dire de ce qui est caché. Ce mot peut se rapporter à ce qui précède: Selon mon Evangile; ou encore, parce que dans l’Evangile est révélé le secret de l’incarnation divine (ci-dessus, I, 17): "C’est dans cet Evangile que nous est révélée la justice de Dieu;" ou parce que l’Evangile a été révélé à l’apôtre S. Paul en personne (I Cor., II, 10): "Dieu nous l’a révélé par son Esprit." De ce secret il est dit en Isaïe (XXIV, 10): "J’ai dit: mon secret est pour moi." Ou mieux encore, on peut le rapporter à ce que l'Apôtre avait dit: "Affermir," comme s’il disait: Dieu est puissant pour vous affermir dans l’Evangile que j’ai annoncé et dans ma prédication; et cela selon la révélation du mystère, autrement du secret touchant la conversion des Gentils (Ephés., III, 8): "J’ai reçu, moi le plus petit d’entre les saints, cette grâce pour les Gentils, d’éclairer tous les hommes sur l’économie de ce mystère, etc." C’est pourquoi il ajoute ici: "Pendant des temps éternels," à savoir parce que les hommes ignoraient que les Gentils se convertiraient à la foi. Or l’Apôtre appelle ces temps éternels, comme ayant duré longtemps. Car ce mystère fut caché dès le commencement du monde (Psaume LXXV, 5): "Vous avez fait éclater vos merveilles du haut des montagnes éternelles." On peut dire que les temps éternels sont l’éternité même, dont il est dit (Isaïe LVII, 15): "Le Très-Haut, le Tout Puissant, Celui dont le palais est l’éternité. Ainsi, comme on peint l’essence de Dieu, toute simple qu’elle soit, par des similitudes prises dans les dimensions corporelles, selon ce passage de Job (XI, 9): "Il est plus étendu que la terre, plus vaste que la mer," de même on désigne son éternité, également simples par les temps éternels, en tant qu’elle renferme tous les temps.

S. Paul ajoute que ce mystère de la conversion des Gentils "est actuellement manifesté par les oracles des prophètes," en d’autres termes comme les prophètes l’ont annoncé, ainsi qu’il a été expliqué (ci-dessus, XV, 8). De là il est dit aux Ephésiens (III, 5): "Ce mystère qui, dans les premiers âges, n’a pas été révélé aux enfants des hommes, comme il est maintenant manifesté par le Saint Esprit aux apôtres et aux prophètes, et qui nous apprend que les Gentils sont appelés au même héritage." Or il a été manifesté par l’accomplissement m de l’oeuvre, selon l’ordre de Dieu. Voilà pourquoi il dit (verset 6): "Selon l’ordre du Dieu éternel, qui fait dans le temps ce qu’il arrête dans ses éternels décrets." Cet ordre est donné pour que tous les peuples obéissent à la foi (ci-dessus, I, 5): "Pour soumettre à la foi tous les peuples en son nom." Que si nous l’entendons de l’Incarnation, il faudra ainsi construire le sens littéral: du mystère ais-je, réservé dans les temps éternels, parce qu’auparavant il n’était pas manifesté. Mais maintenant il est découvert par les oracles des prophètes, lesquels l’ont annoncé selon l’ordre du Dieu éternel, qui a voulu que le mystère de l’Incarnation fût découvert, et cela pour faire obéir à la foi toutes les nations. De ce mystère, dis-je, caché pour les hommes, mais non pas pour Dieu, Seul sage," parce qu’il n’a été connu que de lui seul et de ceux à qui il a voulu le révéler; car, ainsi qu’il est dit (I Cor., II, 11): "Personne ne connaît ce qui est de Dieu, sinon l’Esprit de Dieu." On peut encore l’entendre de Celui qui est seul sage par essence, comme il est dit (Matth., X, 17, et S. Marc, X, 18): "Il n’y a que Dieu seul qui soit bon," ce qui n’exclut pas le Fils, parce que les mêmes perfections appartiennent à toute la Trinité; comme lorsqu’il est dit, au contraire (Matth., XI, 27): "Nul ne connaît le Père, si ce n’est le Fils," le Père n'est pas exclu de sa propre connaissance.

S. Paul ajoute (verset 27): "Par Jésus-Christ;" ce qu’il ne faut pas entendre dans le sens que Dieu soit seul sage par Jésus-Christ, car, comme en Dieu être sage c’est être, il s’ensuivrait que le Père serait par le Fils, ce qui implique contradiction; mais il faut appliquer cette expression à ce qui est dit plus haut: "Est maintenant révélé, à savoir " par Jésus-Christ, à qui soit l’honneur et la gloire," par les hommages de toutes les créatures, suivant ce que S. Paul dit aux Philippiens (II, 10): "Au nom de Jésus, tout genou fléchit." - "Et la gloire, quant à la plénitude de la Divinité," comme il est dit dans cet endroit même: "Et que toute langue con fesse que le Seigneur Jésus-Christ est dans la gloire de son Père." Et cet hommage n’est pas pour un temps, mais "dans tous les siècles des siècles" (Hébr., XIII, 8): "Jésus-Christ était hier, il est aujourd’hui, il sera dans tous les siècles." L’Apôtre ajoute en confirmation de la vérité: "Amen," qu’il soit ainsi. On peut encore construire la phrase de cette manière: Connu de Dieu seul sage, à qui par Jésus-Christ est la gloire, parce qu’il a glorifié Dieu, selon ce passage de S. Jean (XVII, 4): "Je vous ai glorifié sur la terre." Mais il faut remarquer que cette construction est défectueuse; il faut suppléer ainsi: à Celui qui est puissant soit l’honneur et la gloire par Jésus-Christ à qui est honneur et gloire. Supprimez le pronom "à qui," et la construction sera régulière.


Fin du Commentaire de l'épître aux Romains,

par saint Thomas d'Aquin, Docteur des docteurs de l'Eglise.





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