Thomas A. sur Rm (1999) 66

CHAPITRE 16


Leçon 1 [versets 1 à 16]

67
075 (
Rm 16,1-16)


[n° 1194] 1 Je vous recommande Phoebé, notre soeur, attachée au ministère de l’Eglise qui est à Cenchrées,

[1195] 2 afin que vous la receviez dans le Seigneur d’une manière digne des saints, et que vous l’assistiez en toute affaire où elle aurait besoin de vous; car elle en a elle-même assisté un grand nombre, et moi en particulier.

[n° 1198] 3 Saluez Prisca et Aquilas, mes coopérateurs dans le Christ Jésus,

[n° 1199] 4 qui ont exposé leurs têtes pour ma vie; à qui je rends grâces, non pas moi seulement, mais aussi toutes les Eglises des nations païennes,

5 et <saluez> aussi l’Eglise qui est dans leur maison. [n° 1200] Saluez Epénète, mon bien-aimé, qui est les prémices de l’Asie pour le Christ.

[n° 1201] 6 Saluez Marie, qui a beaucoup travaillé pour vous.

[n° 1202] 7 Saluez Andronicus et Junie, mes parents et compagnons de captivité, qui sont illustres parmi les Apôtres, qui même ont été avant moi dans le Christ.

[n° 1203] 8 Saluez Ampliatus, qui m’est très cher dans le Seigneur.

[n° 1204] 9 Saluez Urbain, notre coopérateur dans le Christ Jésus, et Stachys, mon bien-aimé.

[n° 1205] 10 Saluez Apelle, qui a fait ses preuves dans le Christ.

[n° 1206] 11 ceux de la maison d’Ans tobule. Saluez Hérodion, mon parent. Saluez ceux de la maison de Narcisse, qui sont au Seigneur.

[n° 1207] 12 Saluez Tryphène et Tryphose, qui ont travaillé dans le Seigneur. Saluez ma très chère Persis, qui a beaucoup travaillé dans le Seigneur.

[n° 1208] 13 Saluez Rufus, l’élu dans le Seigneur, et sa mère, qui est aussi la mienne.

[n° 1209] 14 Saluez Asyncrite, Phiégon, Hermès, Patrobas, Hermas, et les frères qui sont avec eux.

[n° 1210] 15 Saluez Philologue et Julie, Nérée et sa soeur, et Olympas et tous les saints qui sont avec eux.

[n° 1211] 16 Saluez-vous mutuellement d’un saint baiser. Toutes les Eglises du Christ vous saluent.

1193. L’Apôtre, après avoir exposé aux fidèles Romains, auxquels il écrivait, quelques détails familiers concernant sa propre personne [n° 1163], donne à présent quelques détails familiers concernant d’autres personnes. A cet effet

Il commence par donner une exhor tation aux fidèles sur ce qu’ils doivent faire pour autrui.

Puis, il montre ce que les autres font pour eux [n° 1221]: 21 "Timothée, mon coopérateur, vous salue, etc."

Enfin, il termine son épître par une action de grâces [n° 1223]: 25 "Et à Celui qui est puissant, etc."

Sur le premier point, <l’Apôtre> montre deux choses:

D’abord, ceux que <les fidèles> doivent saluer.

Puis, ceux qu’ils doivent éviter [n° 1213]: 17 "Mais je vous prie, frères, etc."



I) Il recommande donc premièrement de saluer quelques personnes en particulier.

II) II indique deuxièmement d’une manière générale le mode de salutation [n° 1211]: 16 Saluez-vous mutuellement, etc.

III) Troisièmement, il les salue en général de, la part des fidèles [n° 1212]

Toutes les Eglises du Christ vous saluent.

1194. — I. <Parmi les personnes qu’il salue spécialement, l’Apôtre> mentionne une femme de Connthe qui allait à Rome. Il la leur recommande, en la désignant d’abord par son nom, en disant: 1 Je vous recommande Phoebé 1 qui, bien que consacrée à Dieu, n’avait cependant pas une autorité telle qu’elle puisse se passer de lettres de recommandation, comme <l’Apôtre> le dit de lui-même: "Commen cerons-nous de nouveau à nous recom mander nous-mêmes? ou, comme certains, avons-nous besoin de lettres de recomman dation auprès de vous, ou même de vous 2?"

Puis, il la décrit par sa foi et sa religion, en disant: notre soeur. Car toutes les femmes croyantes sont appelées soeurs, comme tous les hommes sont aussi appelés frères: "Vous êtes tous frères 3."

Enfin, <il la décrit> par son ministère de piété, lorsqu’il dit: attachée au ministère de l’Eglise qui est à Cenchrées, port de Corinthe, où quelques chrétiens s’étaient rassemblés; et cette femme les servait, comme il est dit du Christ lui-même, que quelques femmes "l’assistaient de leurs biens 4." Et sur le choix des veuves il est dit: "Elle devra produire le témoignage de ses bonnes oeuvres: si elle a élevé des enfants, si elle a exercé l’hospitalité, si elle a lavé les pieds des saints, si elle a secouru les affligés, si elle a pratiqué toutes les formes de la bien faisance

1195. Ensuite <l’Apôtre> mentionne deux choses sur lesquelles il veut que cette recommandation soit prise en considération:

La première, c’est qu’on la reçoive avec honneur; aussi dit-il: 2 afin que vous la receviez dans le Seigneur, c’est-à-dire pour l’amour de Dieu. D’une manière digne des saints, c’est-à-dire ainsi qu’il convient de recevoir les saints, selon cette parole de Matthieu: "Qui reçoit un juste en tant que juste recevra une récompense de juste 6" Quelques manuscrits 7 lisent: "assez dignement", c’est-à-dire convenablement, mais cette version ne concorde pas avec le grec. La seconde, c’est de l’aider avec sollicitude; aussi <l’Apôtre> ajoute-t-il: et que vous l’assistiez, c’est-à-dire en lui apportant votre conseil et votre secours en toute affaire où elle aurait besoin de vous. Car peut-être avait-elle quelque affaire à traiter à la cour de César <Néron>.

1196. Objection. Il semble que <l’Apôtre> dit dans sa première épître aux Thessaloniciens: "Nous vous exhortons à vous occuper de ce qui vous est propre 8", autrement dit: Ne vous immiscez pas dans les affaires d’autrui.

Réponse. On peut prêter assistance à autrui dans ses affaires de deux manières

A. D’abord, à la manière du siècle, c’est-à-dire en vue de la faveur des hommes ou du profit, et cette assistance ne convient pas aux serviteurs de Dieu: "Quiconque est enrôlé au service de Dieu ne s’embar rasse point dans les affaires du siècle, afin de satisfaire celui à qui il s’est donné 9."

1. Beaucoup d’exégètes modernes voient dans Phoebé la porteuse de la lettre de saint Paul.

2. 2 Corinthiens 3, 1.

3. Mt 23, 8.

4. Lc 8, 3.

5. 1 Tm 5, 10.

6. Mt 10, 41.

7. Voir notamment dans le codex Fuldensis; dans Glosa in Rom. XVI, 2 (GPL, 1527 D-1528 A), sous le nom d’Haymon, Expo sitio in epistolam ad Romanos XVI, 2 (PL 117, 503 D).

8. 1 Th 4, llb.

9. 2 Tm 2, 4.

B. Puis, on prête assistance à autrui dans ses affaires par piété, par exemple en secourant les indigents et les malheureux; ce qui est un acte religieux 1, selon ces paroles de Jacques "La religion pure et sans tache devant Dieu le Père, la voici Visiter les orphelins et les veuves dans leurs tribulations, et se garder sans tache à l’écart de ce siècle 2." Et c’est dans ce sens que <l’Apôtre> parle ici.

1197. Enfin, <l’Apôtre> montre le mérite <de Phoebé>, qui lui donne droit à cette assistance, en disant: car elle en a elle-même assisté un grand nombre, et moi en particulier. — Il est écrit dans <le livre d’>Isaïe "Dites au juste qu’il est heureux, car il recevra le salaire de ses mains 3." Et dans <l’évangile de> Matthieu "Bien heureux les miséricordieux, parce qu’ils obtiendront eux-mêmes miséricorde 4."

1198. <L’Apôtre> recommande ensuite de saluer quelques autres personnes qui lui sont unies, en disant: Saluez Prisca et Aquilas, qui était l’époux de Prisca; mais il nomme d’abord l’épouse, sans doute à cause de la plus grande ferveur de sa foi; mes coopérateurs dans le Christ Jésus, c’est-à-dire dans la prédication de la foi du Christ. C’était en effet chez eux qu’il recevait l’hospitalité à Corinthe, comme on le lit dans les Actes 5.

1199. 4 Qui ont exposé leurs têtes pour ma vie, c’est-à-dire qui se sont exposés eux-mêmes au péril de leur mort pour me sauver la vie, ce qui est une preuve de très grande charité: "Personne n’a de plus grand amour que celui qui donne sa vie pour ses amis 6" Cela semble avoir eu lieu à Corinthe, où Paul a souffert la persécution, comme on le voit dans les Actes 7. Ou bien, il vaut mieux peut-être dire que d’autres s’exposèrent au danger pour l’Apôtre, car ce qu’on lit au chapitre 18 des Actes se passa lorsque Prisca et Aquilas s’éloignèrent de Rome pour venir à Corinthe, ainsi qu’on le rapporte au même endroit. Mais l’Apôtre écrivait cela quand il croyait encore qu’ils étaient à Rome. Or la vie de l’Apôtre n’était pas aussi nécessaire à lui-même qu’aux autres, selon ce passage de l’épître aux Philippiens: "Demeurer dans la chair <est> chose nécessaire pour vous 8." Et c’est pourquoi <l’Apôtre> ajoute: à qui je rends grâces, non pas moi seulement, mais aussi toutes les Eglises des nations païennes, dont je suis l’Apôtre et le docteur: "J’ai été établi moi-même prédi cateur et Apôtre (je dis la vérité, je ne mens point), docteur des nations dans la foi et la vérité 9." — Et <saluez> aussi l’Eglise qui est dans leur maison. Ils avaient, en effet, dans leur maison plusieurs fidèles qui se réunissaient.

1200. Il veut ensuite qu’on salue un autre <fidèle> qui lui est uni par l’affection, en disant: Saluez Epénète, mon bien-aimé, qui est les prémices de l’Asie pour le Christ, car il fut le premier dans toute l’Asie à se convertir à la foi du Christ, ce qui était pour lui un grand titre d’honneur: "Vous vous êtes approchés de la montagne de Sion, de la cité du Dieu vivant, de la Jéru salem céleste,, d’une réunion de myriades d’anges, de l’Eglise des premiers-nés qui sont inscrits dans les cieux, d’un Dieu juge de tous, et des esprits des justes qui ont été rendus parfaits, et de Jésus médiateur d’une Alliance nouvelle, et d’une aspersion de sang plus éloquente que celle d’Abel 10." <Epénète> était alors à Rome.

1. Lieux parallèles: Somme Théologique 2a-2ae, Q. 187, a. 2; Q. 188, a. 2, sol. 2.

2. Jc 1, 27.

3. Is 3, 10 a et 11 b. Le verset I lb s’applique, selon Isaïe, à l’impie et non au juste.

4. Mt 5, 7.

5. Voir Ac 18, 2 et 26.

6. Jn 15, 13.

7. Voir Ac 18, 6.

8. Ph 1, 24.

9. 1 Tm 2, 7.

10. He 12, 22-24.



1201. <L’Apôtre> ajoute: 6 Saluez Marie, qui a beaucoup travaillé pour vous, c’est-à-dire afin de les ramener à la concorde, et ne pouvant y parvenir, elle le fit savoir à l’Apôtre: "Le fruit des bons travaux est glorieux 1."

1202. Puis il dit: Saluez Andronicus et Junie, qu’il décrit:

1. En premier lieu par leur naissance, lorsqu’il dit: mes parents. Il montre par là qu’ils étaient Juifs, et <de la race> de ceux dont il a parlé plus haut: "qui sont mes parents selon la chair 2."

2. En deuxième lieu, <il les décrit> par les souffrances qu’ils ont endurées pour le Christ, en disant: et compagnons de captivité, car ils avaient été autrefois en prison avec l’Apôtre du Christ: "Ayant enduré plus de prisons 3."

3. En troisième lieu, <il les décrit> par leur autorité, lorsqu’il dit: qui sont illustres parmi les Apôtres, c’est-à-dire illustres parmi les prédicateurs 4, selon cette parole des Proverbes: "Illustre sera son époux aux portes de la ville, quand il siégera avec les sénateurs de la terre 5."

4. En quatrième lieu, <il les décrit> par l’époque <de leur conversion>, lorsqu’il dit: qui même ont été avant moi dans le Christ Jésus. Car ils se convertirent avant l’Apôtre lui-même, et pour cette raison on leur devait un plus grand respect: "Ne réprimande pas un vieillard, mais demande-lui avec obsécration comme <à ton> père 6."

1203. Il dit ensuite: 8 Saluez Ampliatus, qui m’est très cher dans le Seigneur, c’est-à-dire par l’affection de la charité qui est dans le Christ: "Dieu m’est témoin combien je soupire après vous tous dans les entrailles du Christ 7."

1204. <L’Apôtre> ajoute: Saluez Urbain, notre coopérateur dans le Christ, c’est-à-dire <notre coopérateur> dans la prédi cation de la foi: "Un frère qui est aidé par son frère est comme une cité forte 8." — Et Stachys, mon bien-aimé. <L’Apôtre> l’associe à Urbain, <soit> parce qu’ils habitaient peut-être ensemble, soit parce qu’ils étaient unis pour quelque autre nécessité.

1205. <L’Apôtre> continue: 10 Saluez Apelle, qui a fait ses preuves dans le Christ, c’est-à-dire qui a été éprouvé dans le <service du> Christ, peut-être par quelques tribulations: "Il m’a éprouvé 9 comme l’or qui passe par le feu 10."

1206. <L’Apôtre> poursuit: Saluez tous ceux de la maison, c’est-à-dire de la famille d’Aristobule, dans la maison duquel étaient réunis un grand nombre de fidèles. Il ne le salue pas, parce que peut-être était-il absent pour quelque motif. Il dit ensuite: Saluez Hérodion, mon parent, indi quant par là qu’il était Juif. Saluez tous ceux qui sont de la maison de Narcisse, qui, dit-on, était prêtre et parcourait les lieux écartés pour affermir les fidèles du Christ Aussi l’Apôtre, le sachant absent, ne le fait pas saluer, mais sa famille. Cependant, il y avait dans sa famille quelques infidèles, aussi l’Apôtre ajoute-t-il par discrétion: qui sont au Seigneur, car il ne fait saluer que les fidèles: "Si quelqu’un vient à vous et n’apporte point cette doctrine, ne le recevez pas dans votre maison et abstenez-vous de le saluer 12."

1. Sg3, 15.

2. Rm 9, 3.

3. 2Co 11, 23.

4. Voir Glosa in Rom. XVI, 7 (GPL, coI. 1528 C).

5. Pr 31, 23.

6. 1 Tm 5, 1.

7. Ph 1, 8.

8. Pr 18, 19.

9. Voir Glosa in Rom. XVI, 10 (GPL, col. 1528 C).

10. Jb 23, 10.

11. Voir Glosa in Rom. XVI, 11 (GPL, col. 1528 D).

12. 2 Jn 10.



1207. Il dit ensuite: 12 Saluez Tryphène et Tryphose, qui ont travaillé dans le Seigneur, c’est-à-dire au service des saints, service que le Seigneur regarde comme étant rendu à lui-même, selon cette parole de Matthieu: "Ce que vous avez fait à l’un de mes plus petits, c’est à moi que vous l’avez fait 1." — Saluez ma très chère Persis, à savoir celle que l’Apôtre affectionnait spécialement à cause de sa dévotion 2 aussi ajoute-t-il: qui a beaucoup travaillé dans le Seigneur, à savoir en exhortant les autres et en servant les saints, même dans la pauvreté et les autres travaux spirituels." Dans les travaux, dans les jeûnes, dans les veilles, etc. 3"

1208. Saluez Rufus, l’élu dans le Seigneur, c’est-à-dire dans la grâce du Christ — "Il nous a élus en lui avant la fondation du monde, afin que nous soyons saints et immaculés en sa présence, dans la charité 4" — et sa mère, c’est-à-dire selon la chair, qui est aussi la mienne, parce qu’elle fut sa mère par ses bienfaits. En effet, elle avait autrefois servi l’Apôtre, bien qu’alors elle ne fût pas à Rome: "Exhorte les jeunes hommes, comme tes frères, les femmes âgées, comme tes mères, les jeunes, comme tes soeurs, en toute chasteté 5."

1209. Il ajoute: 14 Saluez Asyncrite, Phiégon, Hermès, Patrobas, Hermas, et les frères qui sont avec eux; il les salue ensemble, parce qu’ils habitaient ensemble et en bon accord: "Lui qui fait habiter d’un seul coeur dans sa maison 6."

1210. Il ajoute: 15 Saluez Philologue et Julie, Nérée et sa soeur, et Olympas, et tous les saints qui sont avec eux, c’est-à-dire qui ont été sanctifiés dans la foi du Christ "Mais vous avez été lavés, mais vous avez été sanctifiés 7."

1211. <L’Apôtre> 8 montre ensuite le mode par lequel ils se saluent d’une manière générale, en disant: 16 Saluez-vous mutuellement d’un saint baiser, à la différence du baiser libidineux, dont il est dit au livre des Proverbes: "Et se jetant sur le jeune homme, elle l’embrasse 9." Et aussi du baiser trompeur: "Les baisers que fait celui qui aime valent mieux que les baisers trompeurs de l’ennemi 10" Mais le saint baiser est celui qu’on donne en signe de la sainte Trinité: "Qu’il me baise d’un baiser de sa bouche 11." De là cette coutume implantée dans l’Eglise, que les fidèles se donnent mutuellement le baiser de paix, au cours de la sainte messe.

1212. — III. Enfin <l’Apôtre> les salue de la part, des autres Eglises, en disant: Toutes les Eglises du Christ vous saluent, c’est-à-dire les Eglises rassemblées au nom et dans la foi du Christ, parce que toutes souhaitent votre salut et prient pour vous "Priez les uns pour les autres, afin que vous soyez sauvés 12."

1. Mt 25, 40. Ce texte abrégé par rapport à la Vulgate semble emprunté à une antienne du commun du Graduel romain (lundi après le premier dimanche de carême), qui vers le xr siècle a remplacé l’antienne psalmique (Ps 3). Voir M. -Ph. SCHUERMANS, Parole de Dieu et rite sacramentel. Etude critique des antiennes de communion nêotestamentaires, p. 42, n. 1.

2. Lieu parallèle Somme Théologique 2a-2 Q. 82.

3. 2 Co 11, 27 (citation non littérale, plus proche de 2 Co 6, 5).

4. Ep 1, 4.

5. 1 Tm 5, lb-2.

6. Ps 67, 7.

7. 1 Co 6, 11.

8. Lieux parallèles II Ad Cor. 13, 12, lect. 3 (éd. Marietti, n 1 Ad Thes. 5, 26, lect. 2 (éd. Marietti, n 139).

9. Pr7, 13.

10. Pr 27, 6.

11. Ct 1, 1.

12. Jc 5, 16.


Leçon 2 [versets 17 à 27]

68
075 (
Rm 16,17-27)


[n° 1214] 17 Mais je vous prie, frères, d’observer ceux qui causent des dissensions et des occasions de chute contre la doctrine que vous avez apprise, et détournez-vous d’eux.

[n° 1218] 18 Car ces sortes de gens ne servent pas le Christ Notre Seigneur, mais leur ventre, et par de douces paroles et des bénédictions ils séduisent les coeurs des innocents.

[n° 1219] 19 Votre obéissance s’est fait connaître en tout lieu. Je me réjouis donc à votre sujet, mais je veux que vous soyez sages dans le bien et simples dans le mal.

[n° 1220] 20 Le Dieu de la paix écrasera Satan sous vos pieds rapidement. Que la grâce de Notre Seigneur Jésus-Christ soit avec vous!

[n° 1221] 21 Timothée, mon coopérateur, vous salue, ainsi que Lucius, Jason et Sosi patros, mes parents.

22 Je vous salue dans le Seigneur, moi Tertius, qui ai écrit cette lettre,

23 Caïus, mon hôte, et toute l’Eglise, vous saluent. Eraste, le trésorier de la ville, vous salue, ainsi que Quartus, <notre> frère.

[n° 1222] 24 Que la grâce de Notre Seigneur Jésus-Christ soit avec vous tous. Amen.

[n° 1223] 25 Et à celui q est puissant pour vous affermir selon mon Evangile et la prédi cation de Jésus-Christ, selon la révélation du mystère tu aux temps éternels,

[n° 1226] 26 qui maintenant est révélé par les écrits prophétiques, selon l’ordre du Dieu éternel, en vue de l’obéissance de la foi, <et qui est> connu parmi toutes les nations;

[n° 1227] 27 à Dieu <qui> seul <est> sage, par Jésus-Christ, (à qui) <reviennent> honneur et gloire dans les siècles des siècles. Amen.

1213. — I. Après avoir recommandé ceux qu’ils devaient saluer [n° 1193], l’Apôtre leur montre ceux qu’ils doivent éviter. Et dans ce dessein il fait trois choses

A) Il montre d’abord qui ils doivent éviter.

B) Puis, il en donne la raison [n° 1218] 18 Car ces sortes de gens, etc.

C) Enfin, il leur promet le secours divin pour accomplir cette recommandation [n° 1220]: 20 Le Dieu de la paix, etc.

1214. — A. Et, parce que ceux qu’il voulait éviter s’avançaient frauduleu sement, séduisant sous une apparence de piété, selon ces paroles de Matthieu: "Gardez-vous des faux prophètes qui viennent à vous sous des vêtements de brebis, tandis qu’au-dedans ce sont des loups rapaces 1", <l’Apôtre> les exhorte tout d’abord à avoir de la prudence, en disant: 17 Mais je vous prie, frères, d’observer ceux qui causent des dissensions et des occasions de chute contre la doctrine que vous avez apprise.

1215. Il faut d’abord remarquer ici qu’observer, ce n’est pas autre chose que considérer avec attention, ce qui est pris parfois <dans le sens du> bien, parfois <dans le sens du> mal.

On le prend <dans le sens du> mal, quand on considère avec attention la condition et le progrès d’autrui afin de lui nuire, selon cette parole <du psalmiste>: "Le pécheur observera le juste et grincera des dents contre lui 2" Et il est dit dans <l’évangile de> Luc: "Il arriva que comme Jésus était entré un jour de sabbat dans la maison d’un chef des pharisiens pour y manger du pain, ceux-ci l’observaient"

1. Mt7, 15.

2. Ps 36, 12.

3. Lc 14, 1.



On le prend <dans le sens du> bien, soit quand on considère les préceptes de Dieu en vue de les accomplir: "Observe et écoute sa voix 1"; soit quand on considère attentivement les bons en vue de les imiter, selon cette parole <de l’Apôtre> aux Philippiens: "Mes frères, soyez mes imitateurs, et observez ceux qui marchent selon le modèle que vous avez en nous 2" Enfin on observe les méchants pour s’en garder, et c’est dans ce sens que <le mot "observer"> est pris ici.

1216. Car il y avait quelques Juifs convertis qui affirmaient qu’on était tenu aux observances légales; ce qui entraînait premièrement dans l’Eglise des dissensions et des sectes, certains d’entre eux adhérant à leur erreur, d’autres persistant dans la vraie foi: "Or on connaît aisément les oeuvres de la chair, qui sont: la forni cation, l’impureté, l’impudicité, la luxure, les contestations, les jalousies, les colères, les rixes, les dissensions, les sectes, les envies, les homicides, les ivrogneries, les débauches de table, et autres choses semblables. Je vous le dis, comme je l’ai déjà dit, ceux qui font de telles choses n’obtiendront point le Royaume de Dieu 3." Deuxièmement, cette affirmation entraînait des occasions de chute et des scandales, ce qui a déjà fait l’objet d’un développement plus haut, au chapitre 14 [n° 1081 et 1131], les uns jugeant les autres, et les autres méprisant ceux qui causent des occasions de chute et des scandales: "Otez les occasions de chute du milieu de mon peuple 4." Et <l’Apôtre> ajoute: contre la doctrine que vous avez apprise des véritables apôtres du Christ, pour montrer que ces dissensions et ces scandales provenaient de la fausseté de la doctrine: "Si quelqu’un vous annonce un évangile différent de celui que vous avez reçu, qu’il soit anathème ! 5"

1217. Puis, <l’Apôtre> avertit qu’après les avoir reconnus on les évite, en disant: et détournez-vous d’eux, c’est-à-dire fuyez leur doctrine et leur compagnie "Détournez-vous de moi, méchants, et je scruterai les commandements de mon Dieu 6."

1218. — B. Lorsqu’il ajoute: 18 Car ces sortes de gens, etc., <l’Apôtre> donne deux raisons à ce qu’il a dit

1. La première d’entre elles est prise du côté de ceux qu’il veut qu’on évite [n° 1219].

Il commence par exposer leur intention, en disant: Car ces sortes de gens ne servent pas le Christ notre Seigneur, mais leur ventre. En effet, ils ne prêchaient pas pour la gloire du Christ, mais pour leur profit, afin de satisfaire leur ventre: "Il y en a beaucoup dont je vous ai souvent parlé (et je vous en parle encore avec larmes), qui marchent en ennenhis de la croix du Christ, dont la fin sera la perdition, dont Dieu est le ventre, qui mettent leur gloire dans leur ignominie et qui n’ont de goût que pour les choses de la terre 7."

Puis, il expose leur tromperie, en disant: et par de douces paroles et des bénédictions ils séduisent les coeurs des innocents, c’est-à-dire des simples et des inexpérimentés: "L’innocent croit à toute parole 8." — par de douces paroles, par lesquelles ils affi chent leur sainteté, selon ces paroles du <psalmiste>: "<Ces pécheurs> qui parlent de paix avec leur prochain et qui ont le mal dans leurs coeurs 9." — et des bénédictions, c’est-à-dire par lesquelles ils bénissent et flattent ceux qui les suivent: "Mon peuple, ceux qui te disent heureux, ceux-là mêmes

1. Ex 23, 21.

2. Ph 3, 17.

3. Ga 5, 19-21.

4. Is 57, 14.

5. Ga 1, 9.

6. Ps 118, 115.

7. Ph 3, 18-19.

8. Pr 14, 15.

9. Ps 27, 3.



te trompent 1." Et encore "Je maudirai vos bénédictions 2."

1219. 2. Il donne la seconde raison en se fondant sur la disposition des Romains, qui se montraient enclins à suivre le bien et le mal.

Aussi commence-t-il par les louer pour leur inclination au bien, en disant: 19 Votre obéissance, par laquelle vous obéissez facilement à la foi, s'est fait connaître en tout lieu, à cause du pouvoir que les Romains avaient alors sur toutes les autres nations, en sorte que ce qui se faisait par eux parvenait facilement à la connaissance de tous: "Votre foi est annoncée dans le monde entier 3." Je me réjouis donc à votre sujet, à savoir parce que vous obéissez à la foi, et cela dans la charité, dont il est dit qu’"elle ne se réjouit pas de l’iniquité, mais [qu'] elle met sa joie dans la vérité 4."

Ensuite il les rend prudents contre le mal, en disant: mais je veux que vous soyez sages dans le bien, c’est-à-dire que vous adhériez à ce qui est bien: "Retenez ce qui est bon 5" — et simples dans le mal, c’est-à-dire que par une certaine simplicité vous ne vous tourniez pas vers le mal, en sorte que votre simplicité soit telle que vous ne trompiez personne pour le mal: "Soyez prudents comme des serpents et simples comme des colombes 6." Inversement il est dit de certains qu’"ils sont sages pour faire le mal, mais ne savent pas faire le bien 7."

1220. — C. En disant: 20 Dieu de la paix, etc., <l’Apôtre> leur promet le secours divin contre de tels trompeurs.

Et il expose premièrement sa promesse, lorsqu’il dit: Le Dieu de la paix, c’est-à-dire son auteur, qui hait les dissensions que ceux-ci causent, écrasera Satan, c’est-à-dire le diable, qui s’efforce de vous tromper par ces faux apôtres, sous vos pieds, à savoir, parce vous le vaincrez par votre sagesse. Et cela ce fera rapidement, c’est-à-dire à mon arrivée "Voilà que je vous ai donné le pouvoir de fouler aux pieds les serpents et les scorpions, et toute la puis sance de l’ennemi 8." Et encore: "Vous foulerez aux pieds les impies, lorsqu’ils seront comme de la cendre sous la plante de vos pieds 9."

Puis il fait une prière pour obtenir cela, lorsqu’il dit: Que la grâce de Notre Seigneur Jésus-Christ soit avec vous, c’est-à-dire celle qui suffit à vous protéger: "Ma grâce te suffit, car ma puissance se déploie dans la faiblesse 10."

1221. — II. Lorsque <l’Apôtre> dit ensuite: 21 vous salue, il les salue de la part des autres. Timothée, dit-il, mon coopérateur dans la prédication de l’Evangile, vous salue. <Et dans sa première épître aux Corinthiens, l’Apôtre écrit> "C’est pourquoi je vous ai envoyé Timothée, qui est mon fils bien-aimé, et fidèle dans le Seigneur; il vous rappellera mes voies en Jésus-Christ, selon ce, que j’enseigne partout dans toutes les Eglises 11." Et il ajoute ainsi que Lucius, Jason et Sosipatros, mes parents, qui étaient Juifs, <lesquels> vous saluent également. Il y avait encore un secrétaire de Paul, appelé Tertius, auquel il permit de saluer en son propre nom 12 les Romains; aussi ajoute-t-il: 22 moi Tertius, qui ai écrit cette lettre, je vous salue dans le seigneur. Il continue en disant: 23 Caïus, mon hôte vous salue, celui à qui s’adresse la rédaction de la troisième épître canonique de Jean 13, dans laquelle <ce Caïus> est loué pour la charité envers les saints, et toute

1. Is 3, 12.

2. Ml 2, 2.

3. Rm 1, 8.

4. 1 Corinthiens 13, 6.

5. 1 Th 5, 21.

6. Mt 10, 16. Lieu parallèle: SuperMatth. 10, 16 (éd. Marietti, n 839-841).

7. Jr 4, 22.

8. Lc 10, 19.

9. Ml 4, 3.

10. 2 Corinthiens 12, 9.

11. 1 Corinthiens 4, 17.

12. Voir Glosa in Rom. XVI, 22 (GPL, col. 1530 B).

13. Voir 3 Jn 1-8; 13-15.



l’Église, c’est-à-dire celle qui était rassemblée dans sa maison, ou qui était dans cette province. Eraste, le trésorier de la ville, c’est-à-dire celui qui gardait la caisse commune, ou les revenus communs de la ville, vous salue, ainsi qu’un frère, c’est-à-dire un fidèle, appelé Quartus.

1222. Puis <l’Apôtre> les salue lui-même, en disant: 24 Que la grâce de notre Seigneur Jésus-Christ soit avec vous tous.Amen.

1223. — III. Enfui, <l’Apôtre> finit sa lettre par l’action de grâces, en disant: 25 Et à celui, c’est-à-dire à Dieu, lequel est Trinité, qui est puissant pour vous affermir. <Il est écrit> dans la première épître de Pierre: "Mais le Dieu de toute grâce, qui nous a appelés par le Christ Jésus à son éternelle gloire, après que vous aurez souffert un peu de temps, vous perfec tionnera lui-même, vous fortifiera et vous affermira 1." Et cela dans la foi qui est selon mon Evangile, c’est-à-dire selon l’Evangile que moi je prêche: "Soit moi, soit eux, voilà ce que nous prêchons et voilà ce que vous avez cru 2." Et aussi selon la prédication de Jésus-Christ, qui le premier a prêché IaEvangile, suivant cette parole de l’épître aux Hébreux: "<Ce salut>, ayant été annoncé par le Seigneur, <avec qui> il commença d’être, nous a été garanti par ceux qui l’ont entendu 3." Aussi est-il dit dans <l’évangile de> Matthieu que "Jésus parcourait toute la Galilée, enseignant dans leurs synagogues, prêchant IaEvangile du Royaume, et guérissant toute langueur et toute infirmité parmi le peuple 4".

1224. <L’Apôtre> ajoute: selon la révélation du mystère, c’est-à-dire du secret. Ce mot peut se rapporter à ce qu’il vient de dire: selon mon Evangile, soit 5 parce que le secret de l’Incarnation divine est révélé dans l’Evangile lui-même, selon ces paroles dites plus haut: "la justice de Dieu se révèle, <dans cet Evangile> 6"; soit parce que l’Evangile a été révélé à l’Apôtre lui-même: "C’est aussi ce que Dieu nous a révélé par son Esprit 7." A propos de ce secret, il est dit dans <le livre d’>Isaïe: "Et j’ai dit: mon secret est pour moi, mon secret est pour moi, malheur à moi 8." Ou bien, mieux vaut rapporter ce mot à ce que l’Apôtre avait dit: affermir, comme s’il disait: Dieu peut vous affermir selon mon Evangile et ma prédication, et cela selon la révélation du mystère, c’est-à-dire du secret touchant la conversion des nations païennes, comme on le lit dans son épître aux Ephésiens: "A moi, le moindre des saints, a été donnée cette grâce d’annoncer parmi les nations les richesses incompré hensibles du Christ, et d’éclairer tous les hommes touchant la dispensation du mystère caché depuis les siècles en Dieu qui a créé toutes choses, pour que les Prin cipautés et les Puissances célestes aient maintenant connaissance, par le moyen de IaEglise, de la sagesse multiforme de Dieu, selon le dessein éternel qu’il a accompli dans le Christ Jésus Notre Seigneur, en qui nous avons la hardiesse d’approcher avec confiance par la foi en lui 9."

1225. <L’Apôtre> ajoute: aux temps éternels, à savoir parce qu’il était caché aux yeux des hommes que les nations païennes se convertiraient à la foi. Et il appelle ces temps éternels, comme ayant duré long temps, parce que cela fut caché depuis la création du monde, comme le dit aussi ce verset du psaume 75: "Toi, tu illumines d’une façon merveilleuse du haut des montagnes éternelles 10." On peut dire que les temps éternels sont l’éternité même,


1. 1 P5, 10.

2. 1 Corinthiens 15, 11.

3. He 2, 3.

4. Mt 4, 23.

5. Sur les deux interprétations données, voir Gloni sn Rom. XVI, 25 (GPL, col. 1531 A).

6. Rm 1, 17.

7. 1 Corinthiens 2, 10.

8. Is 24, 16.

9. Ep 3, 8-12.

10. Ps 75, 5.



dont il est dit: "Le Très-Haut, le sublime, celui qui habite l’éternité 1" car de même que la simple 2 essence de Dieu est décrite en recourant à une similitude prise dans les dimensions matérielles, selon ce passage de Job: "Sa mesure est plus longue que la terre et plus large que la mer 3", ainsi sa simple éternité 4 est également désignée par les temps éternels, en tant qu’elle renferme tous les temps.

1226. <L’Apôtre> dit ensuite 26 qui, c’est-à-dire le mystère, est maintenant révélé, touchant la conversion des nations, par les écrits prophétiques, c’est-à-dire comme les prophètes l’ont annoncé, ainsi qu’on l’a expliqué plus haut 5 [n° 1158s]. D’où ce qui est dit aux Ephésiens: "Mystère qui, dans les autres générations n’a pas été découvert aux enfants des hommes, comme il est maintenant révélé par l’Esprit aux saints Apôtres et aux prophètes, que les nations païennes sont cohéritières, membres d’un même corps, et partici pantes avec eux de sa promesse en Jésus-Christ par l’Evangile, dont j’ai été fait le ministre, en vertu du don de la grâce de Dieu, qui m’a été donnée par l’opération de sa vertu 6." Or il est révélé par l’accomplis sement de l’oeuvre selon l’ordre de Dieu. Aussi <l’Apôtre dit-il> selon l’ordre du Dieu éternel, qui selon son dessein éternel fait ce qu’il veut dans le temps. Cet ordre de Dieu est donné pour amener à l’obéissance de la foi toutes les nations, c’est-à-dire pour que toutes les nations obéissent à la foi, <comme l’Apôtre l’a dit> plus haut "Pour <prêcher> l’obéissance à la foi à toutes les nations 7."

1227. Mais si nous parlons du mystère de l’Incarnation, la construction du sens littéral se fera comme suit du mystère, dis-je, tu aux temps éternels, parce que auparavant il n’était pas alors manifesté, mystère, dis-je, qui maintenant est révélé par les écrits prophétiques, les quels l’ont annoncé selon l’ordre du Dieu éternel, qui a voulu que le mystère de l’Incarnation soit révélé, et cela pour <amener> à l’obéissance de la foi toutes les nations. Ce mystère, dis-je, bien qu’il fût tu aux hommes, a cependant été connu de 27 Dieu seul sage, parce que lui seul l’a connu et ceux à qui il a voulu le révéler; car, selon ces paroles de <l’Apôtre dans> la première épître aux Corinthiens, "ce qui est en Dieu, personne ne le connaît, sinon l’Esprit de Dieu 8." Ou bien, on peut l’entendre de celui qui seul est sage, c’est-à-dire par essence, comme on le dit dans <l’évangile de> Matthieu "Pourquoi m’interroges-tu sur ce qui est bon? Dieu seul est bon 9", et dans <celui de> Marc: "Pourquoi m’appelles-tu bon? Nul n’est bon, que Dieu seul 10" Ce qui n’exclut point le Fils parce que cette même perfection 12 appartient à la Trinité tout entière, comme lorsqu’il est dit inver sement: "Nul ne connaît le Père, si ce n’est le Fils 13", le Père n’est point exclu de sa propre connaissance.

1228. <L’Apôtre> ajoute: par Jésus-Christ; ce qu’il ne faut pas comprendre dans le sens où Dieu le Père est le seul sage par Jésus-Christ 14, parce que, comme en Dieu être sage c’est être, il s’ensuivrait que le Père serait par le Fils, ce qui ne convient pas 15 mais il faut rapporter cette

1. Is 57, 15.

2. Lieu parallèle Somme Théologique Ia, Q. 3.

3. Jb 11, 9.

4. Lieu parallèle Somme Théologique Ia, Q. 10.

5. Voir Rm 15, 9."

6. Ep 3, 5-7.

7. Rm 1, 5.

8. 1 Corinthiens 2, 11.

9. Mt 19, 17.

10. Mc 10, 18.

11. Voir Glosa in Rom. XVI, 27 (GPL, col. 1532 A).

12. Lieux parallèles Somme Théologique Ia, Q. 39, a. 8; AdRom. 11, 36, lect. 5 (éd. Marietti, n 949).

13. Mt 11, 27.

14. Voir SA AUGUSTIN, Contra Maximinum haereticum aria norum episcopum II, XIII, I (PL 42, 769); voir aussi Glosa in Rom. XVI, 27 (GPL, col. 1532 D).

15. Le rapport que Dieu soutient avec les qualités que nous lui attribuons ne peut être conçu sur le modèle du rapport qu’une créature soutient avec les qualités et les déterminations qu’on lui attribue. Si je dis: le coquelicot est rouge, je constate que la couleur rouge attribuée au coquelicot n’existe pas toute seule (en elle-même et par elle-même), mais de l’existence du coquelicot qui, lui, est un être individuel existant par lui-même. On dit que le coquelicot a un exister substantiel (c’est une substance, un sujet réel) et que le rouge a un exister accidentel (c’est un accident, qui, pour être, doit être inhérent à un sujet). Il y a donc une distinction réelle entre l’être substantiel et l’être accidentel. Et d’ailleurs les accidents peuvent changer (la couleur d’un arbre, par exemple) alors que la substance demeure. Mais en Dieu, tout est Dieu. Les attributs divins ne sont pas des accidents de la substance divine et ne forment pas avec elle un tout composé, car Dieu est entièrement simple et il est tout ce qu’il est, absolument (Somme Théologique Ia, Q. 3, a. 6 et 7). D’une certaine manière, on ne peut distinguer en lui la substance et les attributs et, à rigoureusement parler, on ne peut pas même le ranger dans le genre "substance, (ibid., a. 5, sol. 1). Ainsi donc, quand on attribue la sagesse à Dieu, puisque Dieu est sa sagesse, on désigne aussi bien l’être même de Dieu, Dieu dans sa pure réalité " Pour Dieu, dit saint Augustin cité par saint Thomas [saint Thomas, Ia, Q. 13, a. 2]. [cependant] c’est tout un d’être et d’êtrefort ou d’être sage ou quoi que ce soit que l’on dise de cette simplicité de sa substance ainsi signifiée" (De Trinitate, I. VI, iv, 6; BA 15, 480-483). Si alors on dit que Dieu le Père est sage " par le Fils", c’est comme si on disait que l’être de Dieu le Père dépend du Fils, ce qui est impossible. La sagesse est un attribut essentiel (qui convient à toute l’essence divine). Cependant, la sagesse est parfois spécialement attribuée au Fils ("le Christ, force de Dieu et sagesse de Dieu", I Co 1, 24). Cette attribution est possible parce que la sagesse a un rapport étroit avec l’intelligence et que le Fils procède du Père par mode intel lectuel; cette analogie est éclairante. Toutefois "le Père n’est point sage de la sagesse qu’il engendre — comme si le Fils seul était la sagesse." Mais le Père et le Fils sont sages d’une sagesse unique qui est l’essence divine elle-même (Somme Théologique Ia, Q. 39, a. 7, toI. 2).

— Lieux parallèles Ad Rom. 2, 5, lect. 1 (éd. Marietti, n° 187); 11, 36, lect. 5 (éd. Marietti, n° 949).



expression à ce que <l’Apôtre> avait dit plus haut: est maintenant révélé 1, à savoir par Jésus-Christ, à qui soit honneur et gloire, par la vénération de toute créature, selon ce verset <de l’épître> aux Philippiens: "Afin qu’au nom de Jésus, tout genou fléchisse dans le ciel, sur la terre et dans les enfers 2," — et gloire, c’est-à-dire quant à la plénitude de la divinité, comme la suite <du texte des Philippiens> le dit "Et que toute langue confesse que le Seigneur Jésus-Christ est dans la gloire de Dieu le Père 3." Et cette vénération n’est pas pour un temps, mais dans les siàcles des siàcles. — "Jésus-Christ est le même hier et aujourd’hui, il le sera dans les siècles 4." Et pour confirmer cette vérité, <l’Apôtre> ajoute: Amen.

1229. Ou bien, on peut construire la phrase de la manière suivante: connu de Dieu, seul sage, à qui est la gloire par Jésus-Christ, qui <en effet> a glorifié Dieu, selon ce verset de Jean: "Moi, je t’ai glorifié sur la terre 6, " Mais il faut remarquer que cette construction est défectueuse et qu’il faudrait alors compléter à Celui qui est puissant, etc., par "que soit l’honneur et la gloire" par Jésus-Christ à qui <reviennent> honneur et gloire. Mais s’il n’y avait pas ce pronom à qui (cui), la construction serait claire 7.

1. Rm 16, 26.

2. Ph 2, 10.

3. Ph2, 11.

4. He 13, 8.

5. Voir SAINT AUGUSTIN, Contra Maximinum haereticum arianorum episcopum II, xm, 2 (PL 42, 769-770); Glosa in Rom. XVI, 27 (GPL, col. 1532 C).

6. Jn 17, 4.

7. On peut comprendre ce paragraphe assez elliptique de la manière suivante. La deuxième construction envisagée rapporte l’adjectif cogniti ("qui est connu"), non plus à ‘parmi les nations", mais aux mots qui le suivent immédiatement "soli sapienti Deo" ("du seul sage, Dieu"). Si l’on adopte cette construction, le groupe" honor et gloria" ("à qui est honneur et gloire") ne peut plus être rapporté au groupe ""oh sapienti Deo ("seul sage, Dieu"), puisque ce groupe est déjà rattaché à cogni ("qui est connu"). "A qui reviennent honneur et gloire" ne peut être rattaché qu’au mot qui le précède immédiatement, "Jésus-Christ." On aura "qui est connu du seul sage, Dieu, par Jésus-Christ à qui reviennent honneur et gloire." Mais alors surgit une nouvelle difficulté. Puisque " honneur et gloires se rapporte à Jésus-Christ et non à Dieu le Père, il ne peut non plus se rapporter au premier mot de la doxologie ei ("à Celui qui est puissant"), qui annonce pourtant que quelque chose va lui être attribué; mais quoi ? la phrase ne le dit plus. On est alors contraint de suppléer ce manque, dit saint Thomas, et d’ajouter le groupe de mots suivants "que reviennent honneur et gloire." On aura donc, "à Celui qui est puissant […] que reviennent honneur et gloire", et le texte se continuera ainsi" par Jésus-Christ à qui reviennent honneur et gloire." Mais ce sens n’est pas satisfaisant puisqu’il répète la même formule, une fois pour le Père et une fois pour le Fils. Il y aurait cependant une solution, c’est que le texte ne contienne pas le pronom cui (à qui), car alors "honneur et gloire" pourrait se rapporter à ei (à celui), c’est-à dire au premier mot de la doxologie; et l’on aurait " à Celui qui est puissant […] par Jésus-Christ, honneur et gloire." Cette ultime remarque de saint Thomas est confirmée par la philologie. La doxologie de saint Paul présente, en grec, une anomalie syntaxique, signalée par les meilleurs hellé nistes il s’agit d’une anacoluthe, c’est-â-dire d’une rupture dans la construction normale de la phrase. Certains y ont vu un hébraïsme (CORNELIUS A LAPIDE, Commentaria in Scripturam Sacram, t. 18, In Epistulas Divi Pauli, p. 245). Comme l’a compris saint Thomaa, cette anacoluthe est constituée par la présence insolïte du pronom relatif à qui", en grec: hô, et que le latin a fidèlement rendu par cui (ce sont les formes du datif, en grec comme en latin); pronom relatif inutile puisque celui â qui honneur et gloire sont attribués " été déjà mentionné à Celui qui, etc. La traduction Ici donnée du texte de taint Paul a respecté cette anomalie "à Celui qui est puissant […] â Dieu teul sage, par Jésus-Christ, [à qui] <reviennent> honneur et gloire. — Voir SAINT AUGUSTIN, Contra Maximinum haereeicum arianorum episcopum II, xiiI, 2 (PL 42, 769-770).


Thomas A. sur Rm (1999) 66