Chrys. - 2° Noces - Juifs 1107

1107 Voilà ce que, chaque jour, disent et la raison qui aiguillonne et la conscience qui flagelle. Qu'est-ce donc que cette santé que vous achetez au prix de la paix de votre conscience troublée par tant de voix accusatrices? Essayez cependant de résister à l'entraînement, repoussez ces charlatans avec leurs enchantements et les amulettes qu'ils veulent attacher sur votre corps, mettez-les à la porte de votre maison ignominieusement, et vous éprouverez le même soulagement intérieur que si une rosée spirituelle, tombant de votre conscience, rafraîchissait tout votre être. Fussiez-vous dévoré de tous les feux de la fièvre la plus intense il n'y a pas de rosée, pas de fraîcheur qui puisse procurer un adoucissement comparable à celui qu'éprouverait votre âme. Ce criminel enchantement, à peine y aviez-vous consenti, qu'il vous a rendu, quoique bien portant, plus malheureux qu'un homme tourmenté de la fièvre, par le souvenir de votre péché et le remords de votre conscience; au contraire, chassez ces misérables séducteurs, et fussiez-vous en proie à la fièvre la plus violente et aux maladies les plus incurables, vous éprouverez plus de bonheur que ne peut en donner la santé la plus parfaite, votre raison sera satisfaite, votre coeur bondira de joie et d'allégresse, votre conscience, contente de vous, vous applaudira et vous dira : Bien ! Courage ! mortel généreux, serviteur de Jésus-Christ, homme fidèle, athlète de la piété, vous avez préféré mourir dans la douleur, plutôt que de trahir la piété due au Seigneur; c'est pourquoi vous serez placé avec les martyrs au grand jour des récompenses. Les martyrs se sont livrés à la flagellation et aux tortures pour être élevés en gloire : et vous, de même, vous avez mieux aimé souffrir tous les supplices et tous les tourments de votre fièvre et de vos plaies que de vous prêter à des enchantements criminels, à des artifices coupables, et, soutenu, fortifié par les mêmes espérances éternelles que les martyrs, vous ne sentirez même pas vos douleurs passagères.

Si votre fièvre d'aujourd'hui ne vous enlève pas, une autre vous enlèvera bon gré mal gré, et si nous ne mourons pas maintenant, nous mourrons plus tard. Nous avons reçu en partage ce corps périssable, non pour que nous devenions impies à l'occasion de ses souffrances, mais au contraire, pour que nous usions de ses souffrances en faveur de la piété et de la vertu. Cette corruptibilité et cette mortalité même du corps, si nous sommes (362) vigilants, sera pour nous une matière de gloire et nous donnera une grande assurance au jour du jugement et même dans la vie présente. Car, si vous fermez aux enchanteurs la porte de votre maison, tous ceux qui l'apprendront vous loueront, vous admireront et se diront les uns aux autres : Un tel, malgré les infirmités et les douleurs dont il était accablé, n'a pas consenti à user d'enchantements magiques, il a résisté à toutes les instances de ceux qui l'y portaient par une infinité d'exhortations, d'avis et de conseils, il a répondu: mieux vaut mourir en cet état que de trahir ma religion. Et ceux qui entendront raconter ce trait de courage éclateront en nombreux applaudissements, ils seront tous frappés d'admiration et glorifieront Dieu. Quelles statues seraient aussi honorables pour vous que ces éloges? quelles images aussi glorieuses ? quels honneurs aussi éclatants ! Tous vous loueront, tous vous proclameront bienheureux et vous couronneront; eux-mêmes à votre exemple deviendront meilleurs, ils se feront, à leur tour, les émules et les imitateurs de votre courage; et chaque fois que votre conduite sera imitée par quelqu'un de vos frères, vous en recevrez la récompense, vous qui aurez provoqué et stimulé son zèle et son émulation.

Non-seulement on vous louera de vos bonnes actions, mais vous obtiendrez encore la prompte guérison de votre maladie, parce que votre résolution généreuse elle-même vous attirera de plus en plus la bienveillance de Dieu, et que tous les saints, dans la joie unanime que leur inspirera votre courage, adresseront du fond de leurs coeurs d'ardentes prières au Seigneur. Si tels sont, dès ici-bas, les prix accordés à ce courage, quelles couronnes recevrez-vous là-haut, lorsqu'en présence des anges et des archanges, Jésus-Christ viendra, et vous prenant par la main, vous présentera à la cour céleste, en prononçant ces paroles que tous entendront Cet homme était consumé par la fièvre, beaucoup l'engageaient à demander sa guérison à mes ennemis, mais par respect pour mon nom et dans la crainte de m'offenser, il a repoussé, il a rejeté avec indignation ces mauvais conseils, il n'a pas voulu devoir sa guérison à de tels moyens, et il a mieux aimé mourir de sa maladie, que de trahir son amour pour moi. Si, en effet, Jésus-Christ accueille avec tant de bienveillance ceux qui lui ont donné à boire, qui, l’ont revêtu et qui l'ont nourri, à bien plus forte raison en usera-t-il de même à l'égard de ceux qui ont supporté courageusement la fièvre à cause de lui. Donner du pain ou un vêtement n'est pas une action aussi difficile que de supporter une longue maladie ; or, plus grande est la peine, plus éclatante aussi sera la couronne.

Méditez cette exhortation, que vous soyez malades ou en bonne santé, faites-en le sujet de vos conversations; et si, quelque jour, vous êtes tourmentés par une fièvre qui vous paraisse insupportable, dites-vous à vous-mêmes : Mais quoi ? si une accusation était portée contre nous, que l'on nous conduisît au tribunal, pour nous suspendre au chevalet et nous déchirer les côtés, ne serions-nous pas obligés d'endurer ce supplice bon gré mal gré, et cela sans profit et sans récompense ? Raisonnons aussi maintenant de la sorte; ayons devant les yeux la récompense réservée à la patience, cette récompense assez grande pour relever le courage abattu.— Mais la fièvre est désagréable.— Eh bien ! opposez lui le feu de l'enfer que vous éviterez certainement, si vous voulez supporter cette fièvre avec patience. Rappelez-vous combien ont souffert les apôtres; rappelez-vous les justes constamment plongés dans les afflictions; rappelez-vous le bienheureux Timothée, que ses; infirmités ne laissèrent pas respirer un instant, mais qui eut la maladie pour compagne inséparable. C'est ce que Paul nous apprend, quand il dit : Use d'un peu de vin, à cause de ton estomac et de tes fréquentes défaillances. (
1Tm 5,23) Si ce juste, ce saint, ce grand évêque, qui ressuscitait les morts et chassait les démons, qui guérissait dans les autres une infinité de maladies, a souffert de si grands maux, quelle excuse aurez-vous à présenter, vous qui vous troublez et vous affligez pouf une maladie passagère? N'avez-vous pas entendu ce que dit l'Ecriture : Le Seigneur châtie celui qu'il aime, et il flagelle tous ceux qu'il reçoit parmi ses enfants? (He 12,6) Combien ont désiré la couronne du martyre ! La couronne parfaite du martyre est là. Recevoir l'ordre de sacrifier aux faux dieux, puis préférer mourir plutôt que de sacrifier, ce n'est pas là seulement ce qui fait le martyr, ce qui donne encore droit à ce rang, c'est d'accepter volontairement pour Jésus-Christ un état quel qu'il soit, pouvant conduire à la mort.


1108 Et pour vous convaincre de cette vérité, rappelez-vous les circonstances et les motifs de la mort de saint Jean-Baptiste; représentez-vous aussi la mort d'Abel. Ni l'un ni l'autre n'ont vu le feu sur l'autel ou une statue dressée, ni reçu l'ordre de sacrifier ; mais le premier eut la tête tranchée, pour avoir repris Hérode; et le second fut égorgé, pour avoir honoré Dieu par un sacrifice plus agréable que celui de son frère. Ont-ils donc été privés de la couronne du martyre? Qui oserait le dire? qui doute même que ce genre de mort ne les ait élevés au premier rang du martyre ? Voulez-vous connaître le jugement de Dieu sur eux, écoutez ce que dit Paul, l'Esprit-Saint parle par sa bouche : Je crois, en effet, dit-il, avoir, moi aussi, l'Esprit de Dieu. (1Co 7,40) Que dit-il. donc sur ces deux hommes? Il commence par Abel, et dit qu'il offrit à Dieu un sacrifice plus agréable que celui de Caïn, et qu'étant mort pour cela, ce juste parle encore après sa mort; il descend ensuite aux prophètes, arrive à Jean-Baptiste et dit : Ils sont morts par le tranchant du glaive; d'autres ont été torturés (He 11,37) ; il énumère aussi de nombreux et différents genres de mort, puis il ajoute : C'est pourquoi, nous qui sommes environnés d'une si grande nuée de martyrs, dégageons-nous de tout ce qui nous appesantit, et armés de patience, courons où Dieu nous appelle. (He 12,1) Vous le voyez, saint Paul, dans son Epître aux Hébreux, donne le nom de martyrs à Abel, à Noé et à Abraham, à Isaac et à Jacob, qui, en effet, sont morts pour Dieu de la manière que saint Paul l'entendait lorsqu'il disait: Chaque jour je meurs (1Co 15,31), quoiqu'il ne souffrît pas la mort, mais fût seulement résolu à l'endurer.

Et vous aussi, mes Frères, si vous repoussez les enchantements, et les maléfices, et les prestiges, et que vous mouriez de votre maladie, vous êtes des martyrs accomplis, parce que, méprisant les promesses de guérison, qui vous étaient faites par l'impiété, vous avez mieux aimé mourir que de manquer à ce que vous devez à Dieu.

Voilà ce qu'on peut dire contre ceux qui font grand bruit des guérisons opérées par les démons; mais je vais plus loin, et je soutiens que les démons ne guérissent pas. Ecoutez ce que Jésus-Christ dit du diable : Celui-là était homicide dès le commencement. (Jn 8,44) Dieu l'appelle homicide, et vous courez à lui comme à un médecin? Et quelle raison apporterez-vous pour votre défense, quand vous aurez à répondre à l'accusation d'avoir tenu les impostures du démon pour plus dignes de foi que la parole de Jésus-Christ? Dieu dit qu'il est homicide, et, contrairement à l'arrêt divin, les Juifs assurent qu'il guérit les maladies, dès lors que faites-vous en vous prêtant aux prestiges et aux enchantements des Juifs ? vous déclarez par vos actes, sinon par vos paroles, que vous croyez les Juifs plus dignes de foi que Dieu lui-même. Que si le diable est homicide, il est clair que les démons qui le servent le sont également. C'est ce que Jésus-Christ vous apprend par un fait rapporté dans l'Evangile : quand il eut permis aux démons de fondre sur le troupeau de pourceaux, ils précipitèrent aussitôt ce troupeau tout entier dans la mer; ce qui vous montre assez qu'ils en eussent fait autant aux hommes, et qu'ils les eussent suffoqués sur-le-champ, si Jésus-Christ le leur eût permis; c'est cet ami des hommes qui retint la fureur de ces démons et les empêcha de se porter à cet excès. Ce qu'ils firent de ces animaux sur lesquels le Sauveur leur avait donné toute puissance, indique suffisamment ce qu'ils feraient des hommes s'ils pouvaient disposer d'eux à leur gré. S'ils n'ont pas épargné des pourceaux, combien épargneraient-ils moins les hommes ! Ne vous laissez donc pas égarer, mes bien-aimés, par leurs fourberies, mais soyez inébranlablement affermis dans la crainte de Dieu.

Comment pouvez-vous seulement entrer dans la synagogue? si voua marquez en y entrant votre front du signe des chrétiens, aussitôt s'enfuit la puissance perverse qui habite la synagogue, mais si vous évitez de faire ce signe, si vous jetez ainsi votre arme dès la porte, le démon vous saisissant nus et désarmés, vous affligera d'une infinité de maux. Mais, qu'avons-nous besoin, nous, de parler ? Que vous soyez vous-mêmes persuadés qu'il y a un très-grand péché à courir vers ce lieu mauvais, c'est ce qui est évident par la manière dont vous y arrivez. Vous faites tout ce que vous pouvez pour vous cacher en y entrant, vous recommandez à vos domestiques, à vos amis et à vos voisins de ne pas vous dénoncer aux prêtres, et si quelqu'un fait courir le bruit que vous y allez, vous entrez en colère. Quelle folie ! vous fuyez les regards, et sans vous inquiéter si Dieu vous voit, lui qui est présent partout, vous (364) commettez effrontément l'iniquité sous ses yeux. Vous ne craignez pas Dieu ! Soit, alors craignez du moins les Juifs. De quels yeux les regarderez-vous, de quelle bouche leur parlerez-vous, vous qui confessez que vous êtes chrétiens, et qui courez cependant à leurs synagogues, et implorez leur secours et leur assistance; vous ne songez donc pas quel ridicule, quels sarcasmes, quelles railleries, quelle honte, quels opprobres vous attirez sur vous de la part de ces Juifs qui ne vous épargneront pas dans leur conscience s'ils le font extérieurement.


1109 Est-ce donc là, dites-moi, quelque chose qui se puisse tolérer et souffrir? Quand il faudrait mourir mille fois, cela ne vaudrait-il pas mieux que de provoquer la risée et les sarcasmes de ces misérables Juifs, et de s'exposer par surcroît aux reproches de sa conscience? Je vous dis ces choses, non-seulement pour que vous les entendiez vous -mêmes, mais pour que vous en fassiez profiter vos frères, les chrétiens judaïsants. A ceux-ci nous reprochons d'être faibles dans la foi ; à vous, de manquer de charité pour venir en aide à ceux qui sont faibles. Croyez-vous, mes bien-aimés, que vous avez fait tout ce que l'on demande de vous, lorsque vous êtes venus ici et que vous avez prêté l'oreille à la prédication? Ne vous y trompez pas, ce sera certainement un sujet de condamnation d'entendre la parole et de n'y pas répondre par les oeuvres ! Vous êtes chrétiens pour imiter Jésus-Christ et obéir à ses lois. Voyez donc ce qu'a fait ce divin modèle ? Il ne restait pas assis à Jérusalem, appelant à lui tous les malades; mais il parcourait les villes et les bourgades, guérissant les infirmités de l'âme et du corps. Il pouvait cependant, sans se déranger, attirer à lui tout le monde; mais il ne l'a pas fait, pour nous apprendre, par son exemple, à aller de tous côtés chercher ceux qui périssent. C'est encore ce qu'il nous fait entendre par la parabole du bon pasteur. Le bon pasteur, en effet, avec ses quatre-vingt-dix-neuf brebis, ne s'assied pas tranquillement pour attendre que celle qui est égarée revienne d'elle-même à lui; il va la chercher, et l'ayant trouvée il la prend sur ses épaules pour la rapporter au bercail. Ne voyez-vous pas les médecins agir aussi de la sorte? Ils ne font pas apporter dans leurs maisons les malades couchés dans des litières, mais ils vont eux-mêmes les trouver avec empressement.

Agissez de même, mes bien-aimés, n'oubliez pas que la vie présente est courte, et que si nous négligeons de gagner des âmes à Dieu nous n'aurons pas de salut à espérer. Une seule âme gagnée peut souvent effacer d'innombrables péchés, et devenir la rançon de notre âme au jour du jugement. Pourquoi les prophètes, pourquoi les apôtres, pourquoi les anges ont-ils été fréquemment envoyés ici-bas, pourquoi le Fils unique de Dieu lui-même est-il venu : n'est-ce pas pour sauver les hommes? n'est-ce pas pour ramener les égarés? Faites de même, selon votre pouvoir, et montrez toute espèce de soin et de sollicitude pour procurer le retour des égarés.

Cette exhortation, je vous la répète à satiété dans chacune de nos réunions, et que vous soyez attentifs ou non, je ne cesserai pas de vous tenir le même langage. Dieu nous fait une loi de remplir ce ministère, soit que vous écoutiez, soit que vous n'écoutiez pas. Ce devoir, nous l'accomplirons avec joie, si vous mettez en pratique les conseils qui vous sont donnés, avec peine et découragement, si vous vous montrez indociles et négligents. A la vérité, votre refus d'écouter ne nous fera encourir aucune responsabilité dangereuse, puisque nous aurons fait tout ce qui dépendait de nous; toutefois, bien que le soin que nous avons pris d'accomplir notre devoir dans toute son étendue nous mette hors de tout danger, nous sommes affligé de l'accusation qui sera portée contre vous, au grand jour des justices. Il ne sera pas sans péril pour vous, en effet, d'avoir entendu la parole si vous n'y répondez par les oeuvres. Jésus-Christ, en accusant les docteurs qui tiennent la parole cachée, a aussi des menaces pour ceux qui reçoivent mal l'enseignement. Ecoutez, après avoir dit : Tu devais déposer mon argent chez des banquiers, il ajoute : Et moi, à mon arrivée, je l'aurais redemandé avec les intérêts. (
Mt 25,27) Il fait voir par là, qu'après avoir entendu (c'est ce que signifie le dépôt de l'argent), il faut que ceux qui ont reçu l'enseignement le fassent fructifier. Or, faire fructifier l'enseignement, qu'est-ce autre chose, sinon y répondre par les oeuvres ? Puis donc que nous avons déposé l'argent de la parole sainte dans vos oreilles, c'est une nécessité désormais que vous en rendiez au Maître les fruits, en procurant le salut de vos frères. C'est pourquoi, si vous vous contentez de (365) retenir nos paroles sans leur faire rien produire, je crains que vous ne subissiez la même peine que celui qui avait enfoui son talent. Celui-ci fut jeté, pieds et mains liés, dans les ténèbres extérieures, parce qu'il n'avait pas rapporté aux autres ce qu'il avait entendu. Si nous ne voulons pas éprouver le même malheur, imitons celui qui avait reçu les cinq talents et celui qui en avait reçu deux; et quand il faudrait employer des discours, de l'argent, des travaux corporels, des prières et faire n'importe quel sacrifice pour lé salut du prochain, n'hésitons pas un instant, afin que chacun de nous faisant fructifier, en proportion de ce qu'il a reçu, le talent que Dieu lui a donné, nous puissions entendre cette bienheureuse parole : Bien! serviteur bon et fidèle, tu as été fidèle en de petites choses, je t'en confierai de grandes, entre dans la joie de ton Seigneur. (Mt 25,21) Plaise à Dieu que nous ayons tous le bonheur de nous entendre adresser cette parole par la grâce et la charité de Notre-Seigneur Jésus-Christ, par qui et avec qui soient au Père gloire et puissance, ensemble avec le Saint-Esprit, dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.



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