Vita consecrata FR 58


II. CONTINUER L'OEUVRE DE L'ESPRIT: FIDELITE DANS LA NOUVEAUTE


Les moniales cloîtrées

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La vie monastique féminine et la clôture des moniales méritent une attention particulière, pour la haute estime que la communauté chrétienne nourrit envers ce genre de vie, signe de l'union exclusive de l'Eglise-Epouse avec son Seigneur, aimé par-dessus tout. En effet, la vie des moniales cloîtrées, qui se consacrent essentiellement à la prière, à l'ascèse et au progrès ardent dans la vie spirituelle, "n'est autre chose qu'un chemin vers la Jérusalem céleste et une anticipation de l'Eglise eschatologique dans la possession et la contemplation de Dieu" (133).A la lumière de cette vocation et de cette mission ecclésiales, la clôture répond à l'exigence, reconnue comme prioritaire, de demeurer avec le Seigneur . Choisissant un espace réduit comme lieu de vie, les cloîtrées participent à l'anéantissement du Christ, dans une pauvreté radicale qui s'exprime par le renoncement non seulement aux choses matérielles, mais aussi à l'"espace", aux contacts et à de nombreux biens de la création. Ce mode spécifique de donner son "corps" les introduit de manière plus sensible dans le mystère eucharistique. Les cloîtrées s'offrent avec Jésus pour le salut du monde. En plus de la dimension de sacrifice et d'expiation, leur offrande prend aussi le sens d'une action de grâce au Père, dans la participation à l'action de grâce du Fils bien-aimé.

133- Instr. Sur la vie contemplative et la clôture des moniales Venite seorcum (15 août 1969), V : AAS 61 (1969), p. 685.


Enracinée dans un tel dynamisme spirituel, la clôture n'est pas seulement un moyen ascétique de valeur incomparable, mais aussi une manière de vivre la Pâque du Christ (134). D'expérience de "mort", elle devient surabondance de vie, et elle apparaît comme une annonce joyeuse et une anticipation prophétique de la possibilité offerte à toute personne et à l'humanité entière de vivre uniquement pour Dieu, en Jésus Christ (cf.
Rm 6,11). La clôture évoque donc cette cellule du coeur dans laquelle chacun est appelé à vivre l'union avec le Seigneur. Accueillie comme un don et choisie comme une libre réponse d'amour, elle est le lieu de la communion spirituelle avec Dieu et avec les frères et les soeurs, où la restriction de l'espace et des contacts favorise l'intériorisation des valeurs évangéliques (cf. Jn 13,34 Mt 5,3 Mt 5,8).

134- Venite seorcum I : AAS 61 (1969), p. 674.


Les communautés cloîtrées, placées comme une ville sur la montagne et comme une lampe sur le lampadaire (cf. Mt 5,14-15), même dans la simplicité de leur vie, évoquent de manière visible le but vers lequel chemine l'ensemble de la communauté ecclésiale qui, "pleine d'ardeur dans l'action et adonnée à la contemplation" (135),marche sur les routes de ce temps le regard fixé sur la récapitulation future de toutes choses dans le Christ, lorsque l'Eglise "apparaîtra avec son Epoux dans la gloire (cf. Col 3,1-4) (136)",et que le Christ "remettra la royauté à Dieu le Père, après avoir détruit toute Principauté, Domination et Puissance (...), afin que Dieu soit tout en tous" (1Co 15,24 1Co 15,28).

135- SC 2
136- LG 6


Ma reconnaissance va donc à ces Soeurs très chères que j'encourage à rester fidèles à la vie cloîtrée selon leur charisme propre. Grâce à leur exemple, ce genre de vie connaît encore de nombreuses vocations, attirées par la radicalité d'une existence "sponsale" totalement consacrée à Dieu dans la contemplation. Comme expression du pur amour qui vaut plus que toute action, la vie contemplative possède une extraordinaire efficacité apostolique et missionnaire (137).

137- S. Jean de la Croix, Cantique spirituel, str. 29,1 CSA 29,1.


Les Pères synodaux ont manifesté une grande estime pour la valeur de la clôture, en même temps qu'ils prenaient en considération les requêtes présentées ici ou là au sujet de sa discipline concrète. Les indications du Synode sur cette question et, en particulier, le souhait de donner une plus grande responsabilité aux Supérieures majeures en ce qui concerne les dérogations à la clôture pour des causes graves et justes (138), feront l'objet d'une réflexion méthodique, dans le sens du renouveau déjà accompli depuis le Concile Vatican II (139). En ce sens, la clôture, selon ses différentes formes et ses divers degrés de la clôture papale et constitutionnelle à la clôture monastique, correspondra mieux à la diversité des Instituts contemplatifs et des traditions des monastères.

138- CIC 667 p4 ; Proposition 22,4.
139- Paul VI, Ecclesiae sanctae (8 juin 1966), II, nn 30-31 : AAS 58 (1966), p. 780 ; PC 7 PC 16 ; Instr. Sur la vie contemplative et la clôture des moniales (15 août 1969), VI : AAS 61 (1969), p. 686.


Comme le Synode l'a lui-même souligné, il convient en outre de favoriser les Associations et les Fédérations entre les monastères, déjà recommandées par Pie XII et par le deuxième Concile oecuménique du Vatican (140), surtout là où il n'existe pas d'autres formes efficaces de coordination et d'aide, afin de préserver et de promouvoir les valeurs de la vie contemplative. Restant toujours sauve l'autonomie légitime des monastères, ces organisations peuvent en effet offrir un soutien réel pour résoudre convenablement des problèmes communs, tels que le renouveau approprié, la formation initiale et permanente, le soutien économique mutuel, et aussi la réorganisation des monastères eux-mêmes.

140- Pie XII, Const. ap. Sponsa Christi (21 novembre 1950), VII: AS 43 (1951), pp 18-19 ; PC 22.


Les religieux frères

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Selon la doctrine traditionnelle de l'Eglise, de par sa nature, la vie consacrée n'est ni laïque ni cléricale (141)et, de ce fait, la "consécration laïque", masculine ou féminine, constitue en soi un état complet de la profession des conseils évangéliques (142). Elle a donc pour la personne comme pour l'Eglise, une valeur spécifique, indépendante du ministère sacré.

141-
CIC 588 p1.
142- PC 10


Dans la ligne de l'enseignement du Concile Vatican II (143), le Synode a manifesté une grande estime pour cette forme de vie consacrée dans laquelle les religieux frères exercent, à l'intérieur et hors de la communauté, des services précieux et variés, participant ainsi à la mission de proclamer l'Evangile et d'en témoigner par la charité dans la vie de tous les jours. En effet, certains de ces services peuvent être considérés comme de vrais ministères ecclésiaux, que l'autorité légitime leur confie. Cela exige une formation appropriée et intégrale: une formation humaine, spirituelle, théologique, pastorale et professionnelle.

143- PC 8 PC 10


Selon la terminologie en vigueur, les Instituts qui, en vertu de l'intention du fondateur et d'une tradition légitime, ont un caractère et une finalité qui ne comportent pas l'exercice de l'Ordre sacré, sont appelés "Instituts laïques" (144).Cependant, au cours du Synode, on a fait ressortir le fait que cette terminologie n'exprime pas de manière appropriée le caractère particulier de la vocation des membres de ces Instituts religieux. En effet, tout en exerçant les nombreuses activités qu'ils ont aussi en commun avec les fidèles laïques, les religieux le font en fonction de leur identité de consacrés et ils expriment ainsi un esprit de don total au Christ et à l'Eglise, selon leur charisme spécifique.

144- CIC 588 p3, PC 10


Pour cette raison, de manière à éviter toute ambiguïté et toute confusion avec le caractère séculier des fidèles laïques (145), les Pères synodaux ont voulu proposer le terme d'Instituts religieux de Frères (146). La proposition est significative, surtout si l'on considère que le terme de frère évoque aussi un riche contenu spirituel. "Ces religieux sont appelés à être des frères du Christ, profondément unis à Lui, "l'aîné d'une multitude de frères" (Rm 8,29); frères entre eux, dans l'amour mutuel et dans la coopération au même service pour le bien dans l'Eglise; frères de chaque homme par le témoignage de la charité du Christ envers tous, spécialement envers les plus petits et les plus nécessiteux; frères pour une plus grande fraternité dans l'Eglise" (147). Vivant de manière spéciale cet aspect commun à la vie chrétienne et à la vie consacrée, les "religieux frères" rappellent efficacement aux religieux prêtres eux-mêmes la dimension fondamentale de la fraternité dans le Christ, qu'ils ont à vivre entre eux et avec tout homme et toute femme, et ils proclament à tous la parole du Seigneur: "Tous, vous êtes des frères" (Mt 23,8).

145- LG 31
146- Proposition 8.
147- Jean Paul II, Discours à l'Audience générale (22 février 1995), n. 6 : La Documentation Catholique 92 (1995), p. 306.


Dans ces Instituts religieux de Frères, rien n'interdit, lorsque le Chapitre général en a décidé ainsi, que certains membres reçoivent les Ordres sacrés pour le service sacerdotal de la communauté religieuse (148). Cependant, le Concile Vatican II ne donne aucun encouragement explicite dans ce sens, précisément parce qu'il désire que les Instituts de Frères demeurent fidèles à leur vocation et à leur mission. Cela vaut aussi pour l'accès à la charge de Supérieur, puisque celle-ci reflète de manière spéciale la nature de l'Institut lui-même.

148- PC 10


La vocation des frères dans les Instituts qui sont dits "cléricaux" est différente; car, selon le projet de leur fondateur ou en vertu d'une tradition légitime, ces Instituts prévoient l'exercice de l'Ordre sacré, ils sont gouvernés par des clercs et ils sont reconnus comme tels par l'autorité de l'Eglise (149). Dans ces Instituts, le ministère sacré est constitutif du charisme lui-même et il en détermine la nature, la fin et l'esprit. La présence des frères constitue une participation différenciée à la mission de l'Institut, avec des services assurés à l'intérieur de la communauté ou dans des tâches apostoliques, en collaboration avec ceux qui exercent le ministère sacerdotal.

149- CIC 588 p2.


Instituts mixtes

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Certains Instituts religieux qui, dans le projet initial du fondateur, se présentaient comme des fraternités dans lesquelles tous les membres, prêtres et non-prêtres, étaient considérés comme égaux, ont évolué, à l'épreuve du temps, vers une forme différente. Il convient que ces Instituts, appelés "mixtes", examinent, à partir de l'approfondissement de leur charisme fondateur propre, l'opportunité et la possibilité de revenir à l'inspiration des origines.

Les Pères synodaux ont exprimé le voeu que dans ces Instituts soit reconnue à tous les religieux la parité des droits et des obligations, excepté ceux qui découlent de l'Ordre sacré (150). Pour examiner et résoudre les problèmes concernant cette question, une commission spéciale a été instituée, dont il convient d'attendre les conclusions pour opérer les choix opportuns, selon ce qui sera légitimement déterminé.

150- Proposition 10 ;
PC 15


Nouvelles formes de vie évangélique

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L'Esprit, qui, en d'autres temps, a suscité de nombreuses formes de vie consacrée, ne cesse pas d'assister l'Eglise, soit en stimulant dans les Instituts déjà existants l'engagement à se renouveler dans la fidélité au charisme des origines, soit en prodiguant de nouveaux charismes à des hommes et à des femmes de notre temps, pour qu'ils fassent naître des institutions répondant aux défis d'aujourd'hui. Ce que l'on appelle les nouvelles fondations, aux caractéristiques dans une certaine mesure originales par rapport aux caractéristiques traditionnelles, sont un signe de cette intervention divine.

L'originalité des communautés nouvelles consiste souvent dans le fait qu'il s'agit de groupes d'hommes et de femmes, de clercs et de laïcs, de personnes mariées et célibataires, qui suivent un mode de vie particulier, inspiré parfois par l'une ou l'autre des formes traditionnelles ou bien adapté en fonction des exigences de la société actuelle. Leur engagement de vie évangélique s'exprime aussi sous des formes différentes, tandis que se manifeste, comme orientation générale, une aspiration intense à la vie communautaire, à la pauvreté et à la prière. Des clercs et des laïcs participent au gouvernement suivant leurs compétences. Les visées apostoliques s'ouvrent aux nécessités de la nouvelle évangélisation.

Si, d'une part, il faut se réjouir de l'action de l'Esprit, il est nécessaire, d'autre part, de procéder au discernement des charismes . Pour que l'on puisse parler de vie consacrée, le principe fondamental est que les traits spécifiques des nouvelles communautés et formes de vie apparaissent fondés sur les éléments théologiques et canoniques essentiels, qui sont le propre de la vie consacrée (151). Ce discernement est nécessaire tant au niveau local qu'au niveau universel, en vue d'une obéissance commune à l'unique Esprit. Dans chaque diocèse, l'Evêque examinera l'orthodoxie et le témoignage de vie des fondateurs et des fondatrices de ces communautés, leur spiritualité, la sensibilité ecclésiale dans la réalisation de leur mission, les méthodes de formation et les modes d'entrée dans la communauté; il évaluera avec sagesse les faiblesses éventuelles, en attendant avec patience la preuve des fruits (cf.
Mt 7,16) (152) , pour pouvoir reconnaître l'authenticité du charisme. De manière particulière, il lui est demandé d'établir, à la lumière de critères clairs, l'idonéité de ceux qui, dans ces communautés, demandent à accéder aux Ordres sacrés (153).

151- CIC 573 CIO 410
152- Proposition 13, B.
153- Proposition 13, C.


En vertu du même principe de discernement, on ne peut faire entrer dans la catégorie spécifique de la vie consacrée les formes d'engagement, cependant louables, que des couples chrétiens prennent dans certaines associations ou mouvements ecclésiaux, lorsque, dans l'intention de porter à la perfection de la charité leur amour déjà en quelque sorte "consacré" dans le sacrement du mariage (154), ils confirment par un voeu le devoir de la chasteté propre à la vie conjugale et, sans négliger leurs devoirs envers leurs enfants, ils professent la pauvreté et l'obéissance (155). Par cette précision nécessaire sur la nature de ces expériences, on n'entend pas sous-estimer ce chemin de sanctification particulier, auquel n'est certes pas étrangère l'action de l'Esprit, infiniment riche de dons et d'inspirations.

154- GS 48
155- Proposition 13, A.


Face à une telle profusion de dons et d'élans novateurs, il semble opportun de créer une Commission pour les questions concernant les nouvelles formes de vie consacrée, afin d'établir des critères d'authenticité qui soient utiles au discernement et aux décisions (156). Entre autres tâches, cette commission devra voir, à la lumière de l'expérience de ces dernières décennies, quelles formes nouvelles de consécration l'autorité ecclésiastique peut reconnaître officiellement, avec prudence pastorale et pour le bien commun, et proposer aux fidèles qui aspirent à une vie chrétienne plus parfaite.

156- Proposition 13, B.


Ces nouvelles associations de vie évangélique ne remplacent pas les institutions antérieures, qui continuent à occuper la place éminente que la tradition leur a assignée. Les formes nouvelles sont elles aussi un don de l'Esprit, pour que l'Eglise suive son Seigneur dans un élan permanent de générosité, attentive aux appels de Dieu qui s'expriment à travers les signes des temps. Ainsi, l'Eglise se présente au monde, diversifiée dans ses formes de sainteté et de services, "signe et instrument de l'union intime avec Dieu et de l'unité de tout le genre humain" (157). Les Instituts anciens, dont beaucoup sont passés par le crible d'épreuves très dures, supportées avec courage au long des siècles, peuvent s'enrichir grâce au dialogue et à l'échange de dons avec les fondations qui naissent en notre temps.

157- LG 1


Ainsi, la vigueur des diverses institutions de vie consacrée, des plus anciennes aux plus récentes, de même que le dynamisme des communautés nouvelles, entretiendront la fidélité à l'Esprit Saint, qui est principe de communion et de nouveauté permanente de vie.


III. REGARD VERS L'AVENIR


Difficultés et perspectives

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Dans plusieurs régions du monde, les changements actuels de la société et la diminution du nombre des vocations pèsent sur la vie consacrée. Les ouvres apostoliques de nombreux Instituts et leur présence elle-même dans certaines Eglises locales sont mises en danger. Comme cela s'est produit en d'autres périodes de l'histoire, des Instituts courent même le risque de disparaître. L'Eglise universelle leur est extrêmement reconnaissante d'avoir tant contribué à sa construction, par le témoignage et par le service (158). Leur affaiblissement actuel ne supprime pas les mérites et les fruits obtenus grâce à leurs efforts.

158- Proposition 24.


D'autres Instituts rencontrent plutôt le problème de la réorganisation des ouvres. Cette tâche, difficile et souvent douloureuse, exige recherche et discernement à la lumière de certains critères. Il convient, par exemple, de sauvegarder le sens du charisme propre, de promouvoir la vie fraternelle, d'être attentif aux besoins de l'Eglise universelle et particulière, de s'occuper de ce que le monde néglige, de répondre généreusement et avec audace, même par des actions nécessairement limitées, aux nouvelles formes de pauvreté, surtout dans les lieux les plus reculés (159).

159- Congregavit nos in unum Christi amor (2 février 1994), n 67: La Doc. Cat. 91 (1994), p. 432.

Les différentes difficultés, résultant de la réduction du personnel et de la diminution des initiatives, ne doivent en aucune manière faire perdre confiance dans la force évangélique de la vie consacrée, qui sera toujours d'actualité et agissante dans l'Eglise. Si aucun des Instituts ne peut prétendre à la pérennité, la vie consacrée n'en continuera pas moins à nourrir parmi les fidèles la réponse de l'amour envers Dieu et envers les frères. Pour cela, il est nécessaire de distinguer entre le destin historique d'un Institut déterminé ou d'une forme de vie consacrée et la mission ecclésiale de la vie consacrée comme telle. Le premier peut se transformer à cause des changements dus aux circonstances, la seconde est appelée à durer.

Cela est vrai pour la vie consacrée de forme contemplative comme pour celle qui est vouée aux ouvres d'apostolat. Dans son ensemble, sous l'action toujours nouvelle de l'Esprit, elle doit toujours donner son témoignage éclairant de l'unité indissoluble entre l'amour de Dieu et l'amour du prochain, comme mémoire vivante de la fécondité, même humaine et sociale, de l'amour de Dieu. Les nouvelles situations de pénurie doivent donc être abordées avec la sérénité de ceux qui savent qu'il est demandé à chacun plus l'engagement de la fidélité que la réussite . On doit absolument éviter le véritable échec de la vie consacrée, qui ne vient pas de la baisse numérique, mais de la perte de l'adhésion spirituelle au Seigneur, à la vocation propre et à la mission. En persévérant fidèlement dans cette adhésion, on manifeste au contraire, avec une grande clarté, même face au monde, une ferme confiance dans le Seigneur de l'histoire, qui tient entre ses mains les temps et la destinée des personnes, des institutions et des peuples, et donc aussi la mise en ouvre de ses dons aux différentes époques. Les douloureuses situations de crise poussent les personnes consacrées à proclamer avec force la foi dans la Mort et la Résurrection du Christ, pour devenir des signes visibles du passage de la mort à la vie.


Nouvel élan de la pastorale des vocations

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La mission de la vie consacrée et la vitalité des Instituts dépendent, certes, de la fidélité active avec laquelle les consacrés répondent à leur vocation, mais leur avenir est lié au fait que d'autres hommes et d'autres femmes accueillent généreusement l'appel du Seigneur. Le problème des vocations est un véritable défi, lancé directement aux Instituts, mais qui implique toute l'Eglise. D'importantes forces spirituelles et matérielles sont mises en ouvre dans la pastorale des vocations, mais les résultats ne sont pas toujours à la hauteur des attentes et des efforts. Malgré une augmentation dans les jeunes Eglises et dans celles qui ont subi des persécutions de la part de régimes totalitaires, les vocations à la vie consacrée se font parfois rares dans les pays traditionnellement riches en vocations notamment missionnaires.

Cette situation difficile met à l'épreuve les personnes consacrées qui s'interrogent parfois: peut-être avons-nous perdu la capacité d'attirer de nouvelles vocations? Il faut avoir foi dans le Seigneur Jésus, qui continue à appeler à sa suite, et se confier à l'Esprit Saint, auteur et inspirateur des charismes de la vie consacrée. Heureux de voir l'action de l'Esprit, qui rajeunit l'Epouse du Christ, en faisant s'épanouir la vie consacrée dans de nombreux pays, nous devons adresser une prière instante au Maître de la moisson, pour qu'il envoie des ouvriers dans son Eglise, afin de faire face aux urgences de la nouvelle évangélisation (cf.
Mt 9,37-38). Hormis la promotion de la prière pour les vocations, il est urgent d'encourager fortement, par une annonce explicite et par une catéchèse adaptée, ceux qui sont appelés à la vie consacrée pour qu'ils donnent une réponse libre, mais prompte et généreuse, qui rend opérante la grâce de la vocation.

L'invitation de Jésus: "Venez et voyez" (Jn 1,39) demeure encore aujourd'hui la règle d'or de la pastorale des vocations. Celle-ci tend à montrer, à l'exemple des fondateurs et des fondatrices, l'attrait de la personne du Seigneur Jésus et la beauté du don total de soi pour la cause de l'Evangile. La première tâche de tous les consacrés et de toutes les consacrées consiste donc à proposer courageusement, par la parole et par l'exemple, l'idéal de la sequela Christi, en affermissant ensuite la réponse aux motions de l'Esprit dans le coeur des personnes appelées.

Après l'enthousiasme de la première rencontre avec le Christ, il faudra évidemment l'effort patient de la réponse quotidienne, qui fait de la vocation une histoire d'amitié avec le Seigneur. A cette fin, la pastorale des vocations aura recours à des aides appropriées, comme la direction spirituelle, pour nourrir cette réponse d'amour personnel envers le Seigneur, condition essentielle pour devenir disciple et apôtre de son Royaume. Cela étant, si la multiplication des vocations dans différentes parties du monde autorise l'optimisme et l'espérance, leur raréfaction dans d'autres régions ne doit pas conduire au découragement, ni à la tentation d'un recrutement facile et imprudent. Il est nécessaire que la mission de promouvoir les vocations soit accomplie de manière à apparaître toujours plus comme un engagement commun de toute l'Eglise (160). Cette mission exige donc l'active collaboration de pasteurs, de religieux, de familles et d'éducateurs, car elle correspond à un service qui fait partie intégrante de la pastorale d'ensemble de chaque Eglise particulière. On souhaite qu'il y ait dans chaque diocèse ce service commun, qui coordonne et décuple les forces, sans toutefois compromettre l'activité de chaque Institut en ce qui concerne les vocations, et même qui la favorise (161).

160- Proposition 48, A.
161- Proposition 48, B.


Cette collaboration active de tout le peuple de Dieu, soutenue par la Providence, ne pourra qu'attirer l'abondance des dons divins. La solidarité chrétienne doit permettre de satisfaire les besoins de la formation pour les vocations dans les pays économiquement les plus pauvres. La promotion des vocations dans ces pays doit être faite par les différents Instituts en pleine harmonie avec les Eglises locales, avec comme point de départ une insertion active et durable dans leur démarche pastorale (162). La manière la plus authentique de contribuer à l'action de l'Esprit consistera à investir généreusement les meilleures énergies pour les vocations, notamment par une attention dévouée à la pastorale des jeunes.

162- Proposition 48, C.


La formation initiale

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L'Assemblée synodale a accordé une attention particulière à la formation de ceux qui désirent se consacrer au Seigneur (163), car elle a reconnu son importance décisive. L'objectif central de la démarche de formation est la préparation de la personne à la consécration totale d'elle-même à Dieu dans la sequela Christi, au service de la mission. Répondre "oui" à l'appel du Seigneur en s'engageant personnellement dans la maturation progressive de sa vocation, cela relève de la responsabilité inaliénable de ceux qui sont appelés, qui doivent ouvrir leur propre vie à l'action de l'Esprit Saint; cela suppose de suivre généreusement l'itinéraire de formation, en accueillant avec foi les médiations que proposent le Seigneur et l'Eglise (164).

163- Proposition 49, A.
164- Potissimum institutioni (2 février 1990), n 29 : AAS 82 (1990), p. 493.


La formation devra, par conséquent, imprégner en profondeur la personne elle-même, de sorte que tout son comportement, dans les moments importants et dans les circonstances ordinaires de la vie, conduise à révéler son appartenance totale et joyeuse à Dieu (165). Du fait que la finalité de la vie consacrée consiste à être configuré au Seigneur Jésus dans son oblation totale de lui-même (166), c'est à cela surtout que doit tendre la formation. Il s'agit d'un itinéraire qui permet de s'approprier progressivement les sentiments du Christ envers son Père.

165- Proposition 49, B.
166- Instruction Eléments essentiels de la Doctrine de l'Eglise sur la Vie consacrée (31 mai 1983), n 5 : La Doc. Cat. 80 (1983), pp 889-890.


Si tel est le but de la vie consacrée, la démarche qui y prépare devra avoir et montrer un caractère de totalité : elle devra être une formation de tout l'être (167), dans les différentes composantes de sa personnalité, dans les comportements comme dans les intentions. Parce qu'elle tend précisément à la transformation de toute la personne, il est clair que la tâche de la formation n'est jamais achevée. En effet, il convient d'offrir sans cesse aux personnes consacrées des occasions d'affermir leur adhésion au charisme et à la mission de leur Institut.

167-
CIC 607 p1.


Pour être complète, la formation englobera tous les domaines de la vie chrétienne et de la vie consacrée. On doit par conséquent prévoir une préparation humaine, culturelle, spirituelle et pastorale, en prenant soin de favoriser l'intégration harmonieuse des différents aspects. A la formation initiale, comprise comme une évolution progressive qui passe par toutes les étapes de la maturation personnelle - de la maturation psychologique et spirituelle à la maturation théologique et pastorale -, on doit ménager un laps de temps suffisamment long qui, dans le cas des vocations au sacerdoce, puisse coïncider et s'harmoniser avec un programme d'études spécifique, intégré dans un parcours de formation plus large.

La tâche des formateurs et des formatrices

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Par le don incessant du Christ et de l'Esprit, Dieu le Père est le formateur par excellence de ceux qui se consacrent à Lui. Mais, dans un tel processus, il se sert de la médiation humaine et place aux côtés de ceux qu'il appelle quelques frères et soeurs aînés. La formation est ainsi la participation à l'action du Père qui, par l'Esprit, développe dans le coeur des jeunes, garçons et filles, les sentiments du Fils. Les formateurs et les formatrices doivent donc être des personnes confirmées sur le chemin de la recherche de Dieu, pour être en mesure d'accompagner aussi d'autres personnes dans cet itinéraire. Attentifs à l'action de la grâce, ils sauront signaler les obstacles les moins évidents, mais surtout, ils montreront la beauté de la sequela Christi et la valeur du charisme par lequel elle se réalise. Les connaissances de la sagesse spirituelle seront associées à celles qu'offrent les moyens humains et qui aideront au discernement de la vocation et à la formation de l'homme nouveau, pour qu'il devienne vraiment libre. L'entretien personnel est un moyen fondamental de formation auquel il convient de recourir avec régularité et avec une certaine fréquence, car il s'agit d'une pratique efficace, confirmée et irremplaçable.

Devant des tâches aussi délicates, il apparaît vraiment important de préparer des formateurs qualifiés qui veilleront à accomplir leur service dans une grande harmonie avec la démarche de toute l'Eglise. Il sera opportun de créer des institutions appropriées pour la formation des formateurs, autant que faire se peut en des lieux où il sera possible de rester en contact avec la culture dans laquelle les formateurs exerceront ensuite leur service pastoral. Dans cette tâche de formation, les Instituts déjà bien établis apporteront leur aide aux Instituts de fondation plus récente, grâce à la contribution de certains des meilleurs de leurs membres (168).

168- Proposition 50.



Une formation communautaire et apostolique

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Puisque la formation doit être aussi communautaire, la communauté est, pour les Instituts de vie religieuse et les Sociétés de vie apostolique, son lieu privilégié. Elle permet l'initiation à l'effort et à la joie de la vie commune. Dans la vie fraternelle, chacun apprend à vivre avec ceux que Dieu a placés à ses côtés, acceptant leurs qualités en même temps que leurs différences et leurs limites. En particulier, il apprend à partager les dons reçus pour l'édification de tous, car "à chacun la manifestation de l'Esprit est donnée en vue du bien commun" (
1Co 12,7) (169).En même temps, la vie communautaire doit, dès le commencement de la formation, faire apparaître la dimension missionnaire intrinsèque de la consécration. Pour cela, dans les Instituts de vie consacrée, pendant la période initiale de la formation, il sera utile de procéder à des expériences concrètes et accompagnées avec prudence par le formateur ou la formatrice, afin de développer les dispositions apostoliques, les capacités d'adaptation et l'esprit d'initiative, en relation avec la culture environnante.

169- Congregavit nos in unum Christi amor, n 32-33 : La Doc. Cat. 91 (1994), p. 420.


S'il est important que la personne consacrée se forme progressivement une conscience critique selon l'Evangile à l'égard des valeurs et des contre-valeurs de sa propre culture et de celles qu'elle rencontrera dans son futur champ d'activité, elle doit aussi s'exercer à l'art difficile de construire l'unité de sa vie, ainsi que de lier étroitement la charité envers Dieu et celle envers ses frères et ses soeurs, en saisissant que la prière est l'âme de l'apostolat, mais que l'apostolat vivifie et stimule la prière.

Nécessité d'une ratio complète et mise à jour

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Dans les Instituts féminins comme pour les religieux frères des Instituts masculins, il est recommandé de prévoir une période réservée à la formation, qui durera jusqu'à la profession perpétuelle. Cela vaut aussi, en substance, pour les communautés cloîtrées, qui auront soin d'élaborer un programme approprié, afin de donner une formation authentique à la vie contemplative et à sa mission particulière dans l'Eglise.

Les Pères synodaux ont chaleureusement invité tous les Instituts de vie consacrée et les Sociétés de vie apostolique à élaborer dès que possible une ratio institutionis, c'est-à-dire un projet de formation inspiré du charisme fondateur, qui présente de manière claire et dynamique le chemin à suivre pour assimiler pleinement la spiritualité de l'Institut. La ratio répond aujourd'hui à une véritable urgence: d'un côté, elle montre comment transmettre l'esprit de l'Institut, pour qu'il soit vécu authentiquement par les nouvelles générations, dans la diversité des cultures et des situations géographiques; d'un autre côté, elle expose aux personnes consacrées les moyens de vivre cet esprit dans les différentes étapes de l'existence, en progressant vers la pleine maturité de la foi au Christ.

S'il est donc vrai que le renouveau de la vie consacrée dépend principalement de la formation, il est aussi vrai que cette dernière est, à son tour, liée à la capacité de proposer une méthode, riche en sagesse spirituelle et pédagogique, qui conduise progressivement ceux qui aspirent à se consacrer à s'approprier les sentiments du Christ Seigneur. La formation est une démarche vitale qui amène à se convertir au Verbe de Dieu jusque dans la profondeur de l'être et, en même temps, à apprendre l'art de chercher les signes de Dieu au milieu des réalités du monde. A une époque où la culture se détache de plus en plus des valeurs religieuses, cette démarche de formation est doublement importante: grâce à elle, la personne consacrée peut non seulement continuer à "voir" Dieu avec les yeux de la foi, dans un monde qui ignore sa présence, mais elle réussit aussi à en rendre la présence d'une certaine manière "sensible", par un témoignage donné selon son charisme.



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