Verbum Domini FR 51


La liturgie, lieu privilégié de la Parole de Dieu

La Parole de Dieu dans la sainte liturgie

52 En considérant l’Église comme «la demeure de la Parole»,[181] on doit avant tout prêter attention à la sainte liturgie. C’est vraiment le lieu privilégié où Dieu nous parle dans notre vie présente, où il parle aujourd’hui à son Peuple qui écoute et qui répond. Chaque action liturgique est par nature nourrie par les Saintes Écritures. Comme l’affirme la Constitution Sacrosanctum Concilium, «dans la célébration de la liturgie, la Sainte Écriture est de la plus grande importance. C’est d’elle que sont tirés les textes qui sont lus et qui sont expliqués dans l’homélie, ainsi que les Psaumes qui sont chantés; et c’est sous son inspiration et sous son impulsion que les prières, les oraisons et les hymnes liturgiques ont pris naissance et c’est d’elle que les actions et les symboles reçoivent leur signification».[182] Mieux encore, on doit dire que c’est le Christ lui-même qui «est là présent dans sa Parole, puisque lui-même parle pendant que sont lues dans l’Église les Saintes Écritures».[183] En effet, «la célébration liturgique devient elle-même une proclamation continue, pleine et efficace de la Parole de Dieu. C’est pourquoi, la Parole de Dieu, assidûment proclamée dans la liturgie est toujours vivante et efficace par la puissance de l’Esprit Saint, et manifeste l’amour agissant du Père qui ne cesse jamais d’agir pour tous les hommes».[184] L’Église a toujours été consciente que durant l’action liturgique, la Parole de Dieu est accompagnée par l’action intime de l’Esprit Saint qui la rend efficace dans les coeurs des fidèles. En fait, c’est grâce au Paraclet que «la Parole de Dieu devient le fondement de l’action liturgique, la règle et le support de toute la vie. L’oeuvre de l’Esprit Saint (…) suggère au coeur de chacun tout ce qui, dans la proclamation de la Parole de Dieu, est prononcé pour l’assemblée des fidèles dans son ensemble; et tandis qu’elle renforce l’unité de tous, elle ravive aussi la diversité des charismes et pousse à l’action sous des formes multiples».[185]

Par conséquent, il faut comprendre et vivre la valeur essentielle de l’action liturgique par la compréhension de la Parole de Dieu. En un certain sens, l’herméneutique de la foi sur la base des Saintes Écritures, doit toujours avoir comme point de référence la liturgie, où la Parole de Dieu est célébrée comme une parole actuelle et vivante: «Ainsi, dans la liturgie, l’Église suit-elle fidèlement la manière de lire et d’interpréter l’Écriture qui fut celle du Christ, lui qui, depuis l’ ‘aujourd’hui’ de sa venue, exhorte à scruter attentivement toutes les Écritures».[186]

Ici, se manifeste la sage pédagogie de l’Église qui proclame et écoute la Sainte Écriture en suivant le rythme de l’année liturgique. Cette dilatation de la Parole de Dieu dans le temps advient particulièrement dans la célébration eucharistique et dans la Liturgie des Heures. Au centre de tout, resplendit le Mystère pascal auquel sont liés tous les Mystères du Christ et de l’histoire du salut, qui s’actualisent sacramentalement: «Tout en célébrant ainsi les Mystères de la Rédemption, elle [l’Église] ouvre aux fidèles les richesses de la puissance et des mérites de son Seigneur de telle sorte que ces Mystères sont en quelque sorte rendus présents tout le temps et que les fidèles sont mis en contact avec eux et remplis de la grâce du salut».[187] J’exhorte les Pasteurs de l’Église et les assistants pastoraux à faire en sorte que tous les fidèles soient éduqués à goûter le sens profond de la Parole de Dieu qui se déploie dans la liturgie tout au long de l’année, en manifestant les Mystères fondamentaux de notre foi. La juste approche de la Sainte Écriture en dépend aussi.

[181] Message final, III, 6.
[182] Conc. OEcum. Vat. II, Const. sur la sainte Liturgie Sacrosanctum Concilium, n.
SC 24.
[183] Ibidem, n. SC 7.
[184] Missel romain, Présentation générale du Lectionnaire de la Messe, n. 4.
[185] Ibidem, n. 9.
[186] Ibidem, n. 3; cf. Lc 4,16-21 Lc 24,25-35 Lc 24,44-49.
[187] Conc. OEcum. Vat. II, Const. sur la sainte Liturgie Sacrosanctum Concilium, n. SC 102.

La Sainte Écriture et les Sacrements

53 En abordant le thème de la valeur de la liturgie pour la compréhension de la Parole de Dieu, le Synode des Évêques a voulu souligner aussi la relation entre la Sainte Écriture et l’action sacramentelle. Il est très opportun d’approfondir le lien entre la Parole et le Sacrement, aussi bien dans l’action pastorale de l’Église que dans la recherche théologique.[188] Il est certain que «la liturgie de la Parole est un élément décisif dans la célébration de chacun des Sacrements de l’Église»;[189] néanmoins, dans l’action pastorale, les fidèles ne sont pas toujours conscients de ce lien et ne perçoivent pas toujours l’unité entre le geste et la parole. «Il appartient aux prêtres et aux diacres, surtout lorsqu’ils administrent les Sacrements, de mettre en lumière l’unité que Parole et Sacrement forment dans le ministère de l’Église».[190] En effet, dans le rapport entre la Parole et le geste sacramentel, l’action même de Dieu dans l’histoire est manifestée sous la forme liturgique à travers le caractère performatif de la Parole. Dans l’histoire du salut en effet, il n’existe pas de séparation entre ce que Dieu dit et fait; sa Parole même est vivante et efficace (cf. He 4,12), comme le traduit bien l’expression hébraïque ‘dabar’. De même dans l’action liturgique, nous sommes mis en présence de sa Parole qui réalise ce qu’elle dit. En éduquant le Peuple de Dieu à découvrir le caractère performatif de la Parole de Dieu dans la liturgie, on l’aide aussi à percevoir l’action de Dieu dans l’histoire du salut et dans l’histoire personnelle de chacun de ses membres.

[188] Cf. Benoît XVI, Exhort. apost. post-synodale Sacramentum caritatis (22 février 2007), nn. 44-45: AAS 99 (2007), pp. 139-141.
[189] Commission Biblique Pontificale, L’interprétation de la Bible dans l’Église (15 avril 1993), IV, C, 1; p. 110; Ench. Vat. 13, n. 3123.
[190] Ibidem, III, B, 3; p. 89; Ench. Vat. 13, n. 3056.

La Parole de Dieu et l’Eucharistie

54 Ce qui vient d’être affirmé de façon générale sur la relation entre la Parole et les Sacrements, s’approfondit quand nous nous référons à la célébration eucharistique. D’ailleurs, l’unité intime entre la Parole et l’Eucharistie se base sur le témoignage scripturaire (cf. Jn 6 Lc 24), attesté par les Pères de l’Église et réaffirmé par le Concile Vatican II.[191] À ce sujet, nous pensons au grand discours de Jésus sur le pain de vie dans la synagogue de Capharnaüm (cf. Jn 6,22-69), qui est sous-tendu par la comparaison entre Moïse et Jésus, entre celui qui s’est entretenu avec Dieu face à face (cf. Ex 33,11) et celui qui révéla Dieu (cf. Jn 1,18). Le discours sur le pain, en effet, renvoie au don de Dieu, que Moïse a obtenu pour son Peuple avec la manne dans le désert et qui est en réalité la Torah, la Parole de Dieu qui fait vivre (cf. Ps 119 Pr 9,5). Jésus accomplit en sa personne la figure antique: «Le pain de Dieu, c’est celui qui descend du ciel et qui donne la vie au monde… Moi, je suis le pain de vie» (Jn 6,33 Jn 6,35). Ici, «la Loi est devenue Personne. Dans la rencontre avec Jésus, nous nous nourrissons pour ainsi dire du Dieu vivant lui-même, nous mangeons vraiment “le pain venu du ciel”».[192] Le Prologue de Jean trouve un approfondissement dans le discours de Capharnaüm: si là le Logos de Dieu devient chair, ici cette chair devient «pain» donné pour la vie du monde (cf. Jn 6,51), faisant ainsi allusion au don que Jésus fera de lui-même dans le Mystère de la Croix, qui est confirmé par l’affirmation sur son Sang donné «pour être bu» (cf. Jn 6,53). De cette manière, est manifesté dans le Mystère de l’Eucharistie quelle est la vraie manne, le vrai pain du ciel: c’est le Logos de Dieu qui s’est fait chair, et qui s’est offert lui-même pour nous dans le Mystère pascal.

Le récit de Luc sur les disciples d’Emmaüs nous permet de progresser dans la réflexion sur le lien entre la Parole et la fraction du pain (cf. Lc 24,13-35). Jésus alla à leur rencontre le jour après le sabbat, écouta l’expression de leur espérance déçue, et, devenant leur compagnon de route, «il leur expliqua, dans toute l’Écriture, ce qui le concernait» (Lc 24,27). Les deux disciples commencent à scruter d’une manière nouvelle les Écritures en présence de ce voyageur qui, de façon inattendue, se montre si proche de leur vie. Ce qui est arrivé en ces jours-là n’apparaît plus comme un échec, mais comme un accomplissement et un nouveau départ. Toutefois, ces paroles ne semblent pas encore satisfaire les disciples. L’Évangile de Luc nous dit que «leurs yeux s’ouvrirent, et ils le reconnurent» (Lc 24,31), seulement quand Jésus prit le pain, dit la bénédiction, le rompit et le leur donna, alors qu’auparavant, «leurs yeux étaient aveuglés, et ils ne le reconnaissaient pas» (Lc 24,16). La présence de Jésus, d’abord à travers ses paroles, puis avec le geste de la fraction du pain, a permis aux disciples de le reconnaître; ils purent éprouver d’une manière nouvelle ce qu’ils avaient précédemment vécu avec lui: «Notre coeur n’était-il pas brûlant en nous, tandis qu’il nous parlait sur la route, et qu’il nous faisait comprendre les Écritures?» (Lc 24,32).

[191] Cf. Conc. OEcum. Vat. II, Const. sur la sainte Liturgie Sacrosanctum Concilium, nn. SC 48 SC 51 SC 56; Const. dogm. sur la Révélation divine Dei Verbum, nn. DV 21 DV 26; Décret sur l’activité missionnaire de l’Église Ad gentes, nn. AGD 6 AGD 15; Décret sur le ministère et la vie des prêtresPresbyterorum ordinis, n. PO 18; Décret sur la rénovation et l’adaptation de la vie religieuse Perfectae caritatis, n. PC 6. Dans la grande tradition de l’Église, nous trouvons des expressions significatives comme: «Corpus Christi intelligitur etiam […] Scriptura Dei» (l’Écriture [la Parole] de Dieu est aussi considérée Corps du Christ): Waltramus, De unitate Ecclesiae conservanda, 13, éd. W. Schwenkenbecher, Hannoverae 1883, p. 33; «La chair du Seigneur est une vraie nourriture et son sang est une vraie boisson; ce vrai bien qui nous est réservé dans la vie présente, consiste à manger sa chair et à boire son sang, non seulement dans l’Eucharistie, mais aussi dans la lecture de la Sainte Écriture. En effet, la parole de Dieu, puisée dans la connaissance des Écritures, est une vraie nourriture et une vraie boisson»: Saint Jérôme, Commentarius in Ecclesiasten, n. 313: CCL72,278.
[192] J. Ratzinger (Benoît XVI), Jésus de Nazareth, Flammarion, Paris 2007, p. 295.

55 Ces récits montrent comment l’Écriture elle-même conduit à appréhender son lien indissoluble avec l’Eucharistie. «C’est pourquoi il faut toujours avoir présent à l’esprit que la Parole de Dieu, lue et annoncée par l’Église dans la liturgie, conduit au sacrifice de l’Alliance et au banquet de la grâce, c’est-à-dire à l’Eucharistie».[193] La Parole et l’Eucharistie sont corrélées intimement au point de ne pouvoir être comprises l’une sans l’autre: la Parole de Dieu se fait chair sacramentelle dans l’événement eucharistique. L’Eucharistie nous ouvre à l’intelligence de la Sainte Écriture, comme la Sainte Écriture illumine et explique à son tour le Mystère eucharistique. En effet, sans la reconnaissance de la présence réelle du Seigneur dans l’Eucharistie, l’intelligence de l’Écriture demeure incomplète. C’est pourquoi, «la Parole de Dieu et le Mystère eucharistique ont toujours et partout reçu de l’Église non pas le même culte mais la même vénération. C’est ce qu’elle a établi, poussée par l’exemple de son Fondateur, en ne cessant jamais de célébrer son Mystère pascal, en se réunissant pour “lire dans toute l’Écriture, ce qui le concernait” (Lc 24,27), et pour réaliser l’oeuvre du salut par le mémorial du Seigneur et les Sacrements».[194]

[193] Missel romain, Présentation générale du Lectionnaire de la Messe, n. 10.
[194] Ibidem.

La sacramentalité de la Parole

56 En rappelant le caractère performatif de la Parole de Dieu dans l’action sacramentelle et l’approfondissement de la relation entre la Parole et l’Eucharistie, nous sommes conduits à poursuivre avec un thème important,relevé durant l’Assemblée du Synode, concernant la sacramentalité de la Parole.[195] À ce propos, il est utile de rappeler que le Pape Jean-Paul II avait fait référence à «la perspective sacramentelle de la Révélation et, en particulier, au signe eucharistique dans lequel l’unité indi-visible entre la réalité et sa signification permet de saisir la profondeur du Mystère».[196]De là, nous comprenons que le Mystère de l’Incarnation est vraiment à l’origine de la sacramentalité de la Parole de Dieu: «le Verbe s’est fait chair» (Jn 1,14), la réalité du Mystère révélé nous est offerte dans la «chair» du Fils. La Parole de Dieu se rend perceptible à la foi par le «signe» des paroles et des gestes humains. La foi, donc, reconnaît le Verbe de Dieu, en accueillant les gestes et les paroles par lesquels il se présente lui-même à nous. La perspective sacramentelle de la Révélation indique, par conséquent, la modalité historico-salvifique par laquelle le Verbe de Dieu entre dans le temps et l’espace, devenant l’interlocuteur de l’homme, qui est appelé à accueillir dans la foi le don qui lui est fait.

La sacramentalité de la Parole se comprend alors par analogie à la présence réelle du Christ sous les espèces du pain et du vin consacrés.[197] En nous approchant de l’autel et en prenant part au banquet eucharistique, nous communions réellement au Corps et au Sang du Christ. La proclamation de la Parole de Dieu dans la célébration implique la reconnaissance que le Christ lui-même est présent et s’adresse à nous[198] pour être écouté. Sur l’attitude à avoir aussi bien envers l’Eucharistie qu’envers la Parole de Dieu, saint Jérôme affirme: «Nous lisons les Saintes Écritures. Je pense que l’Évangile est le Corps du Christ; je pense que les Saintes Écritures sont son enseignement. Et quand il dit: si vous ne mangez pas la chair du Fils de l’homme, et si vous ne buvez pas son sang (Jn 6,53), ses paroles se réfèrent au Mystère [eucharistique], toutefois, le Corps et le Sang du Christ sont vraiment la Parole de l’Écriture, c’est l’enseignement de Dieu. Quand nous nous référons au Mystère [eucharistique] et qu’une miette de pain tombe, nous nous sentons perdus. Et quand nous écoutons la Parole de Dieu, c’est la Parole de Dieu et le Corps et le Sang du Christ qui tombent dans nos oreilles et nous, nous pensons à autre chose. Pouvons-nous imaginer le grand danger que nous courons?».[199] Le Christ, réellement présent dans les espèces du pain et du vin, est présent analogiquement dans la Parole proclamée dans la liturgie. Approfondir le sens de la sacramentalité de la Parole de Dieu, peut donc favoriser une compréhension plus unifiée du Mystère de la Révélation se réalisant «par des actions et des paroles intrinsèquement liées entre elles»,[200] qui profitera à la vie spirituelle des fidèles et à l’action pastorale de l’Église.

[195] Cf. Proposition 7.
[196] Lett. enc. Fides et ratio (14 septembre 1998), n. FR 13: AAS 91 (1999), p. 16.
[197] Catéchisme de l’Église Catholique, n. CEC 1373-1374.
[198] Cf. Conc. OEcum. Vat. II, Const. sur la sainte Liturgie Sacrosanctum Concilium, n. SC 7.
[199] In Psalmum. 147: CCL 78, 337-338.
[200] Conc. OEcum. Vat. II, Const. dogm. sur la Révélation divine Dei Verbum, n. DV 2.


La Sainte Écriture et le Lectionnaire

57 En soulignant le rapport entre la Parole et l’Eucharistie, le Synode a voulu justement rappeler certains aspects de la célébration, qui sont inhérents au service de la Parole. Je voudrais faire référence surtout à l’importance du Lectionnaire. La réforme voulue par le Concile Vatican II[201] a montré ses fruits en élargissant l’accès à la Sainte Écriture qui est abondamment proposée, surtout dans la liturgie dominicale. La structure actuelle, en plus de présenter fréquemment les textes les plus importants de l’Écriture, favorise la compréhension de l’unité du dessein divin, à travers la corrélation entre les lectures de l’Ancien et du Nouveau Testament, «dont le centre est le Christ célébré dans son Mystère pascal».[202] Les quelques difficultés qui persistent dans la compréhension des relations entre les lectures des deux Testaments, doivent être considérées à la lumière de la lecture canonique, c’est-à-dire à la lumière de l’unité intrinsèque de toute la Bible. Là où le besoin s’en fait sentir, les organes compétents peuvent pourvoir à la publication de matériel didactique qui facilitera la compréhension du lien entre les lectures proposées par le Lectionnaire, lesquelles doivent être toutes proclamées à l’assemblée liturgique, comme le prévoit la liturgie du jour. Les autres problèmes éventuels et les difficultés doivent être notifiés à la Congrégation pour le Culte divin et la Discipline des Sacrements.

En outre, nous ne devons pas oublier que le Lectionnaire actuel du rite latin revêt aussi un sens oecuménique, car il est utilisé et apprécié également par des confessions qui ne sont pas encore en pleine communion avec l’Église catholique. Le problème du Lectionnaire dans les liturgies des Églises catholiques orientales se pose différemment; le Synode demande qu’il «soit analysé de manière autorisée»[203] selon les traditions propres et les compétences des Églises sui iuris en tenant compte, là aussi, du contexte oecuménique.

[201] Const. sur la sainte Liturgie Sacrosanctum Concilium, nn.
SC 107-108.
[202] Missel romain, Présentation générale du Lectionnaire de la Messe, n. 66.
[203] Proposition 16.

Proclamation de la Parole et ministère du lectorat

58 Durant l’Assemblée synodale sur l’Eucharistie, il avait déjà été demandé qu’un plus grand soin soit apporté dans la proclamation de la Parole de Dieu.[204] Comme on le sait, tandis que l’Évangile est proclamé par le prêtre ou le diacre, la première et la seconde lectures, dans la Tradition latine, sont proclamées par le lecteur choisi, homme ou femme. Je voudrais ici me référer aux Pères synodaux qui, encore en cette circonstance, ont souligné la nécessité de soigner par une formation adéquate[205] l’exercice du munus du lecteur dans la célébration liturgique[206] et, de manière particulière le ministère du lectorat qui, comme tel dans le rite latin, est un ministère laïc. Il est nécessaire que les lecteurs chargés d’un tel service, même s’ils n’ont pas été institués, soient vraiment aptes et préparés avec soin. Une telle préparation doit être aussi bien biblique et liturgique que technique: «La formation biblique doit permettre aux lecteurs de situer les lectures dans leur contexte propre et de comprendre, à la lumière de la foi, le point central du message révélé. La formation liturgique doit fournir aux lecteurs la possibilité de saisir le sens et la structure de la liturgie de la Parole et de comprendre les liens entre celle-ci et la liturgie eucharistique. La préparation technique doit rendre les lecteurs toujours plus compétents dans l’art de lire devant le peuple, soit directement, soit en utilisant les moyens modernes qui amplifient la voix».[207]

[204] Cf. Benoît XVI, Exhort. apost. post-synodale Sacramentum caritatis (22 février 2007), n. 45: AAS 99 (2007), pp. 140-141.
[205] Cf. Proposition 14.
[206] Cf. CIC, can.
CIC 230 §2; CIC 204 §1.
[207] Missel romain, Présentation générale du Lectionnaire de la Messe, n. 55.

L’importance de l’homélie

59 «Les fonctions et les charges qui reviennent à chacun par rapport à la Parole de Dieu sont également variées: ainsi, les fidèles écoutent et méditent cette Parole, tandis que, seuls, la présentent ceux qui ont reçu, par l’Ordination, la charge du Magistère, ou ceux à qui l’exercice de ce même ministère a été confié»,[208] à savoir les Évêques, les prêtres et les diacres. À partir de là, on comprend l’attention que le Synode a donnée au thème de l’homélie. Déjà dans l’Exhortation apostolique post-synodale Sacramentum caritatis, je rappelais qu’«en relation avec l’importance de la Parole de Dieu, il est nécessaire d’améliorer la qualité de l’homélie. Elle “fait partie de l’action” liturgique; elle a pour fonction de favoriser une compréhension plus large et plus efficace de la Parole de Dieu dans la vie des fidèles».[209] L’homélie est en effet une actualisation du message scripturaire, de telle sorte que les fidèles soient amenés à découvrir la présence et l’efficacité de la Parole de Dieu dans l’aujourd’hui de leur vie. Elle doit aider à la compréhension du Mystère qui est célébré, inviter à la mission, en préparant l’assemblée à la profession de foi, à la prière universelle et à la liturgie eucharistique. Par conséquent, que ceux qui, en vertu de leur ministère spécial, sont députés à la prédication, prennent à coeur ce devoir. On doit éviter les homélies vagues et abstraites, qui occultent la simplicité de la Parole de Dieu, comme aussi les divagations inutiles qui risquent d’attirer l’attention plus sur le prédicateur que sur la substance du message évangélique. Il doit être clair pour les fidèles que ce qui tient au coeur du prédicateur, c’est de montrer le Christ, sur lequel l’homélie est centrée. Pour ce faire, il convient que les prédicateurs aient une familiarité et un contact assidu avec le texte sacré;[210] qu’ils se préparent pour l’homélie dans la méditation et la prière afin de pouvoir prêcher avec conviction et passion. L’Assemblée synodale a exhorté à considérer les questions suivantes: «Que disent les lectures proclamées? Que me disent-elles à moi personnellement? Que dois-je dire à la communauté, en tenant compte de sa situation concrète?».[211] Le prédicateur doit «être le premier à être interpellé par la Parole de Dieu qu’il annonce»,[212] car, comme le dit Saint Augustin: «qui prêche extérieurement la Parole de Dieu et ne l’écoute pas intérieurement ne peut pas porter du fruit».[213] Qu’on prenne particulièrement soin de l’homélie du dimanche et des solennités; mais qu’on n’omette pas aussi durant les Messes cum populo en semaine, si possible, d’offrir de brèves réflexions appropriées à la situation, pour aider les fidèles à accueillir et faire fructifier la Parole qu’ils ont écoutée.

[208] Ibidem, n. 8.
[209] N. 46: AAS 99 (2007), p. 141.
[210] Cf. Conc. OEcum. Vat. II, Const. dogm. sur la Révélation divine Dei Verbum, n.
DV 25.
[211] Proposition 15.
[212] Ibidem.
[213] Sermo 179,1; PL 38, 966.

L’opportunité d’un Directoire homilétique

60 Prêcher d’une manière juste en s’appuyant sur le Lectionnaire est véritablement un art qui doit être cultivé. C’est pourquoi, dans la continuité avec ce qui a été demandé par le Synode précédent,[214] je prie les autorités compétentes, en se référant au Compendium eucharistique,[215]de penser aussi aux instruments et aux moyens appropriés pour aider les Ministres à assurer le mieux possible leur ministère, en élaborant par exemple un Directoire sur l’homélie de façon que les prédicateurs y puissent trouver une aide précieuse pour se préparer à l’exercice de leur ministère. Comme nous le rappelle saint Jérôme, la prédication doit enfin être accompagnée par le témoignage de sa propre vie: «Que tes actions ne trahissent pas tes paroles, pour qu’il n’advienne pas que, quand tu prêches dans l’église, quelqu’un commente intérieurement: “Pourquoi donc n’agis-tu pas toi-même ainsi?” […] L’esprit et la parole doivent s’accorder dans le prêtre du Christ».[216]

[214] Cf. Benoît XVI, Exhort. apost. post-synodale Sacramentum caritatis (22 février 2007), n. 93: AAS 99 (2007), p. 177.
[215] Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements, Compendium eucharisticum (25 mars 2009), Cité du Vatican 2009.
[216] Epistula 52,7; CSEL 54,426-427.

Parole de Dieu, Réconciliation et Onction des malades

61 Si l’Eucharistie se trouve sans aucun doute au centre de la relation entre la Parole de Dieu et les Sacrements, il est bon de souligner aussi l’importance de la Sainte Écriture pour les autres Sacrements, en particulier ceux qui apportent une guérison, le Sacrement de la Réconciliation, ou de la Pénitence, et le Sacrement de l’Onction des malades. La référence à la Sainte Écriture y est souvent négligée, alors qu’il faut lui donner la place qui lui revient. En effet, on ne doit jamais oublier que «la Parole de Dieu est parole de réconciliation parce qu’en elle Dieu réconcilie en lui toute chose (cf. 2Co 5,18-20 Ep 1,10). Le pardon miséricordieux de Dieu, incarné en Jésus, relève le pécheur».[217] La Parole de Dieu «éclaire le croyant pour lui faire discerner ses péchés, l’invite à la conversion et à la confiance en la miséricorde de Dieu».[218] Afin de percevoir davantage la puissance de réconciliation que possède la Parole de Dieu, on recommande à chaque pénitent de se préparer à la confession en méditant un passage adapté de la Sainte Écriture et de commencer sa confession par la lecture ou l’écoute d’une exhortation biblique, selon ce que prévoit son rite propre. Puis, quand il manifeste sa contrition, il est bon que le pénitent prenne «une prière formée de paroles tirées de la Sainte Écriture»[219] prévue par le rite. Quand cela est possible, il est bon qu’à certains moments de l’année ou quand l’occasion s’en présente, la confession individuelle des pénitents se fasse dans le cadre de célébrations pénitentielles, selon ce que prévoit le rituel, dans le respect des différentes traditions liturgiques, pour pouvoir donner toute sa place à la célébration de la Parole par l’usage de lectures appropriées.

En ce qui concerne le Sacrement de l’Onction des malades, qu’on n’oublie pas que «la force de guérison de la Parole de Dieu est un appel puissant à une continuelle conversion personnelle de celui qui l’écoute».[220] La Sainte Écriture contient de nombreuses pages qui montrent le réconfort, le soutien et la guérison donnés par l’intervention de Dieu. Qu’on se souvienne en particulier de la proximité de Jésus à l’égard de ceux qui souffrent: Lui-même, le Verbe de Dieu incarné, s’est chargé de nos douleurs et il a souffert par amour pour l’homme, en donnant ainsi un sens à la maladie et à la mort. Il est bon que, dans les paroisses et surtout dans les hôpitaux, on célèbre en communauté, selon les circonstances, le Sacrement des malades. Qu’on donne en ces occasions une large place à la célébration de la Parole et qu’on aide les fidèles malades à vivre avec foi leur état de souffrance, en union au sacrifice rédempteur du Christ qui nous délivre du mal.

[217] Proposition 8
[218] Rituel de la Pénitence et de la Réconciliation. Orientations doctrinales et pastorale, n. 17.
[219] Ibidem, n. 19.
[220] Proposition 8.

Parole de Dieu et Liturgie des Heures

62 Parmi les formes de prière qui exaltent la Sainte Écriture, il y a sans aucun doute la Liturgie des Heures. Les Pères synodaux ont affirmé qu’elle constitue «une forme privilégiée d’écoute de la Parole de Dieu parce qu’elle met en contact les fidèles avec l’Écriture Sainte et avec la Tradition vivante de l’Église».[221] On doit avant tout rappeler la dignité théologique et ecclésiale de cette prière. En effet, «dans la Liturgie des Heures, l’Église, exerçant la fonction sacerdotale de son Chef, offre à Dieu “incessamment” (1Th 5,17) le sacrifice de louange, c’est-à-dire le fruit des lèvres qui confessent son nom (cf. He 13,15). Cette prière est “la voix de l’Épouse elle-même qui s’adresse à son Époux; et mieux encore, c’est la prière du Christ que celui-ci, avec son Corps, présente au Père”».[222] À ce sujet, le Concile Vatican II avait affirmé: «Tous ceux qui assurent cette charge accomplissent l’office de l’Église et, en même temps, participent de l’honneur suprême de l’Épouse du Christ, parce qu’en s’acquittant des louanges divines, ils se tiennent devant le trône de Dieu au nom de la Mère Église».[223] Dans la Liturgie des Heures, prière publique de l’Église, apparaît l’idéal chrétien de sanctification de toute la journée, rythmée par l’écoute de la Parole de Dieu et par la prière des Psaumes, si bien que toute activité trouve son point de référence dans la louange offerte à Dieu.

Ceux qui sont tenus par leur état de vie à la récitation de la Liturgie des Heures doivent vivre cet engagement en faveur de toute l’Église. Les Évêques, les prêtres et les diacres ordonnés en vue du sacerdoce, qui ont reçu de l’Église la mission de la célébrer, ont l’obligation d’acquitter chaque jour toutes les Heures.[224] Dans les Églises catholiques orientales sui iuris, cette obligation sera respectée en fonction des indications données par leur droit propre.[225] En outre, j’encourage les communautés de Vie consacrée à être exemplaires dans la célébration de la Liturgie des Heures, au point de constituer une référence et une source d’inspiration pour la vie spirituelle et pastorale de toute l’Église.

Le Synode a exprimé le désir de voir se diffuser plus largement dans le Peuple de Dieu ce genre de prière, surtout la récitation des Laudes et des Vêpres. Un tel développement ne pourra que faire grandir parmi les fidèles la familiarité avec la Parole de Dieu. On doit souligner aussi la valeur de la Liturgie des Heures prévue pour les premières Vêpres du dimanche et des solennités, notamment dans les Églises catholiques orientales. C’est pourquoi je recommande que, là où c’est possible, les paroisses et les communautés de vie religieuse favorisent cette prière en y associant les fidèles.

[221] Proposition 19.
[222] Principes et normes de la Liturgie des Heures, III, 15.
[223] Const. sur la Sainte Liturgie Sacrosanctum Concilium, n. SC 85.
[224] Cf. CIC 276,3 CIC 1174,1.

La Parole de Dieu et le Livre des Bénédictions

63 Dans l’usage du Livre des Bénédictions, on prêtera attention à la place prévue pour la proclamation, l’écoute et l’explication de la Parole de Dieu, grâce à de brèves monitions. En effet, dans les cas prévus par l’Église et à la demande des fidèles, le geste de la bénédiction n’est pas à isoler, mais à relier à la vie liturgique du Peuple de Dieu selon sa nature propre. En ce sens, la bénédiction, véritable signe sacré, «puise son sens et son efficacité de la proclamation de la Parole de Dieu».[226] Il est donc important de profiter aussi de ces occasions pour raviver chez les fidèles la faim et la soif de toute parole qui sort de la bouche de Dieu (cf. Mt 4,4).

[225] Cf. CIO 377 CIO 473,1-2, 1°; CIO 538,1 CIO 881,1.
[226] Livre des Bénédictions, Préliminaires généraux, n. 21.

Suggestions et propositions concrètes pour l’animation liturgique

64 Après avoir rappelé quelques éléments fondamentaux de la relation entre liturgie et Parole de Dieu, je désire maintenant reprendre et mettre en valeur quelques propositions et suggestions faites par les Pères synodaux pour favoriser dans le Peuple de Dieu une familiarité toujours plus grande avec la Parole de Dieu dans le cadre des actions liturgiques ou du moins de ce qui s’y rapporte.

a) Célébrations de la Parole de Dieu

65 Les Pères synodaux ont exhorté tous les Pasteurs à diffuser dans les communautés qui leur sont confiées les moments de célébration de la Parole.[227] Il s’agit d’une occasion privilégiée de rencontre avec le Seigneur. C’est pourquoi une telle pratique ne peut qu’apporter une grande aide aux fidèles et il faut y voir un élément de valeur de la pastorale liturgique. Ces célébrations ont une importance particulière pour la préparation de l’Eucharistie dominicale, afin de donner aux croyants la possibilité de pénétrer davantage dans la richesse du Lectionnaire pour méditer et prier la Sainte Écriture, surtout dans les temps forts de la liturgie, l’Avent et Noël, le Carême et Pâques. La célébration de la Parole de Dieu est fortement recommandée dans les communautés qui, par manque de prêtres, ne peuvent célébrer le sacrifice eucharistique aux fêtes d’obligation. En tenant compte des indications déjà exprimées dans l’Exhortation apostolique post-synodale Sacramentum caritatis sur les assemblées dominicales en l’absence de prêtre,[228] je recommande que les autorités compétentes élaborent des rituels, en valorisant l’expérience des Églises particulières. C’est ainsi que seront favorisées, dans ces situations, des célébrations de la Parole qui puissent nourrir la foi des croyants, en évitant néanmoins de les confondre avec les célébrations eucharistiques; «elles devraient plutôt être des occasions privilégiées de prière adressée à Dieu pour qu’il envoie de saints prêtres selon son coeur».[229]

En outre, les Pères synodaux ont invité à célébrer aussi la Parole de Dieu à l’occasion des pèlerinages, des fêtes particulières, des missions populaires, des retraites spirituelles et des jours spéciaux de pénitence, de réparation et de pardon. En ce qui concerne les différentes formes de piété populaire, bien qu’il ne s’agisse pas d’actes liturgiques et qu’il faille éviter toute confusion avec les célébrations liturgiques, il est bon qu’elles s’en inspirent et, surtout, qu’elles donnent une juste place à la proclamation et à l’écoute de la Parole de Dieu; en effet, «la piété populaire trouvera dans la Sainte Écriture une source inépuisable d’inspiration, des modèles de prière inégalables et des propositions particulièrement fécondes de thèmes».[230]

[227] Cf. Proposition 18; Conc. OEcum. Vat. II, Const. sur la Sainte Liturgie Sacrosanctum Concilium, n.
SC 35.
[228] Cf. Benoît XVI, Exhort. apost. post-synodale Sacramentum caritatis (22 février 2007), n. 75: AAS 99 (207), pp. 162-163.
[229] Ibidem.
[230] Congrégation pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements, Directoire sur la piété populaire et la liturgie, Principes et orientations, n. 87; Ench. Vat. 20, n. 2461.


Verbum Domini FR 51