Verbum Domini FR 66

b) La Parole et le silence

66 De nombreuses interventions des Pères synodaux ont insisté sur la valeur du silence en lien avec la Parole de Dieu et sa réception dans la vie des fidèles.[231] En effet, la Parole ne peut être prononcée et entendue que dans le silence, extérieur et intérieur. Notre temps ne favorise pas le recueillement et, parfois, on a l’impression qu’il y a comme une peur à se détacher, même momentanément, des moyens de communication de masse. C’est pourquoi il est nécessaire aujourd’hui d’éduquer le Peuple de Dieu à la valeur du silence. Redécouvrir le caractère central de la Parole de Dieu dans la vie de l’Église veut dire redécouvrir le sens du recueillement et de la paix intérieure. La grande Tradition patristique nous enseigne que les Mystères du Christ sont liés au silence;[232] par lui seul, la Parole peut faire en nous sa demeure, comme chez Marie, qui est inséparablement la femme de la Parole et du silence. Nos liturgies doivent faciliter cette écoute authentique: Verbo crescente, verba deficiunt. [233]

Que cette valeur resplendisse particulièrement dans la liturgie de la Parole, qui «doit se célébrer de manière à favoriser la méditation».[234] Le silence, quand il est prévu, est à considérer «comme une partie de la célébration».[235] C’est pourquoi j’exhorte les Pasteurs à encourager les moments de recueillement, par le moyen desquels, avec l’aide de l’Esprit Saint, la Parole de Dieu est reçue dans le coeur.

[231] Cf. Proposition 14.
[232] Cf. Saint Ignace d’Antioche, Ad Ephesios 15, 2 : Patres Apostolici, éd. F. X. FUNK, Tübingen 1901, I, 224.
[233] Cf. Saint Augustin, Sermo 288, 5: PL 38, 1307; Sermo 120, 2: PL 38, 677.
[234] Présentation générale du Missel Romain, n. 56.
[235] Ibidem, n. 45; cf. Conc. OEcum. Vat. II, Const. sur la Sainte Liturgie Sacrosanctum Concilium, n.
SC 30 .

c) Proclamation solennelle de la Parole de Dieu

67 Le Synode a fait une autre suggestion: solenniser, surtout dans les fêtes liturgiques importantes, la proclamation de la Parole, spécialement l’Évangile, en utilisant l’évangéliaire porté en procession pendant le rite d’entrée, puis placé sur l’ambon par le diacre ou par un prêtre pour être proclamé. C’est ainsi qu’on aide le Peuple de Dieu à reconnaître que «la lecture de l’Évangile constitue le sommet de cette liturgie de la Parole».[236] En suivant les indications de la Présentation générale du Lectionnaire de la Messe, il est bon de mettre en valeur la proclamation de la Parole de Dieu par le chant, notamment l’Évangile, surtout en certaines solennités. Il serait bon de chanter le salut, l’annonce initiale «Évangile de …» et la fin «Acclamons la Parole de Dieu», pour souligner l’importance de ce qui est lu.[237]

[236] Missel romain, Présentation générale du Lectionnaire de la Messe, n.13.
[237] Cf. ibidem n. 17.

d) La parole de Dieu dans l’église

68 Pour favoriser l’écoute de la Parole de Dieu, il ne faut pas négliger les moyens qui peuvent
aider les fidèles à avoir une plus grande attention. Il est nécessaire pour cela qu’on ne néglige jamais l’acoustique des édifices sacrés, dans le respect des normes liturgiques et architectoniques. «Lors de la construction d’églises, les Évêques, dûment aidés, doivent être attentifs à ce que celles-ci soient des lieux adaptés à la proclamation de la Parole, à la méditation et à la célébration eucharistique. Les espaces saints, qui présentent le Mystère chrétien en relation avec la Parole de Dieu, doivent le faire de manière éloquente, même en dehors des célébrations liturgiques».[238]

Une attention particulière sera réservée à l’ambon en tant que lieu liturgique depuis lequel est proclamée la Parole de Dieu. Il doit être placé en un endroit bien visible qui attire spontanément l’attention des fidèles pendant la liturgie de la Parole. Il est bon qu’il soit fixe, établi comme un élément sculpté en harmonie esthétique avec l’autel, de manière à représenter visiblement aussi le sens théologique des deux tables de la Parole et de l’Eucharistie. Depuis l’ambon, on proclame les lectures, le Psaume responsorial et l’annonce de la Pâque; on peut également y faire l’homélie et y dire la prière des fidèles.[239]

Les Pères synodaux suggèrent en outre que, dans les églises, il y ait un lieu privilégié où l’on place la Sainte Écriture même en-dehors de la célébration.[240] En effet, il est bon que le livre qui contient la Parole de Dieu soit dans un endroit visible et honorable à l’intérieur du temple chrétien, sans pour autant priver de sa place centrale le tabernacle qui contient le Très Saint Sacrement.[241]


[238] Proposition 40.
[239] Présentation générale du Missel Romain, n. 309.
[240] Proposition 14.
[241] Cf. Benoît XVI, Exhort. apost. post-synodale Sacramentum caritatis (22 février 2007), n. 69: AAS 100 (207), p. 157.

e) Exclusivité des textes bibliques dans la liturgie

69 En outre, le Synode a fortement insisté sur ce qui, d’ailleurs, a déjà été fixé par la norme liturgique de l’Église:[242] les lectures tirées de la Sainte Écriture ne doivent jamais être remplacées par d’autres textes, aussi significatifs soient-ils du point de vue pastoral ou spirituel: «Aucun texte de spiritualité ou de littérature ne peut atteindre la valeur et la richesse contenues dans les Saintes Écritures qui sont la Parole de Dieu».[243] Il s’agit d’une règle antique de l’Église qui doit être conservée.[244] Face à certains abus, le Pape Jean-Paul II avait déjà rappelé l’importance du fait de ne jamais remplacer la Sainte Écriture par d’autres lectures.[245] Souvenons-nous que le Psaume responsorial est une Parole de Dieu, par laquelle nous répondons à la voix du Seigneur, et qu’il ne doit donc pas être remplacé par d’autres textes, et qu’il est tout à fait opportun de le chanter.

[242] Présentation générale du Missel Romain, n. 57.
[243] Proposition 14.
[244] Cf. le canon 36 du Synode d’Hippone en 393, Denzinger-Schönmetzer,
DS 186.
[245] Cf. Jean-Paul II, Lett. Ap. Vicesimus quintus annus, 4 décembre 1988, n. 13 : AAS 81 (1988), p. 910 ; Congrégation pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements, Instruction sur certaines choses à observer ou à éviter au sujet de la Très Sainte Eucharistie Redemptionis sacramentum (25 mars 2004), n. 62:Ench. Vat. 22, n. 2248.

f) Chant liturgique bibliquement inspiré

70 Dans le cadre de la valorisation de la Parole de Dieu durant la célébration liturgique, on fera aussi attention au chant retenu pour les moments prévus selon chaque rite, favorisant celui qui est clairement inspiré par la Bible et qui exprime, par l’accord harmonieux des paroles et de la musique, la beauté de la Parole divine. En ce sens, il est bon de mettre en valeur les chants que la Tradition de l’Église nous a livrés et qui respectent ce critère. Je pense en particulier à l’importance du chant grégorien.[246]

[246] Cf. Conc. OEcum. Vat. II, Const. sur la Sainte Liturgie Sacrosanctum Concilium, n.
SC 116; Congrégation pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements, Présentation générale du Missel Romain, n. 41.

g) Attention particulière aux aveugles et aux sourds

71 Dans ce contexte, je voudrais aussi rappeler que le Synode a recommandé que l’on fasse particulièrement attention à ceux qui, à cause de leur état, ont des difficultés à participer activement à la liturgie, comme par exemple ceux qui ne voient pas ou n’entendent pas. J’encourage les communautés chrétiennes à prévoir, dans la mesure du possible, des outils adaptés pour venir en aide aux frères et aux soeurs qui souffrent de ces difficultés, afin qu’il leur soit donné, à eux aussi, la possibilité d’un contact vivant avec la Parole du Seigneur.[247]

[247] Cf. Proposition 14.


La Parole de Dieu dans la vie ecclésiale

Rencontrer la Parole de Dieu dans la Sainte Écriture

72 S’il est vrai que la liturgie est le lieu privilégié pour la proclamation, l’écoute et la célébration de la Parole de Dieu, il est tout aussi vrai que cette rencontre doit être préparée dans le coeur des fidèles et surtout être approfondie et assimilée par eux. En effet, la vie chrétienne est caractérisée essentiellement par la rencontre avec Jésus-Christ qui nous appelle à le suivre. C’est pourquoi le Synode des Évêques a réaffirmé plusieurs fois l’importance de la pastorale dans les communautés chrétiennes comme cadre dans lequel parcourir un itinéraire personnel et communautaire par rapport à la Parole de Dieu, de sorte que celle-ci soit vraiment au fondement de la vie spirituelle. Avec les Pères du Synode, j’exprime le vif désir que fleurisse «une nouvelle saison de plus grand amour pour la Sainte Écriture, de la part de tous les membres du Peuple de Dieu, afin que la lecture orante et fidèle dans le temps leur permette d’approfondir leur relation avec la personne même de Jésus».[248]

Dans l’histoire de l’Église, les recommandations des saints sur la nécessité de connaître l’Écriture pour grandir dans l’amour du Christ ne manquent pas. C’est un fait particulièrement évident chez les Pères de l’Église. Saint Jérôme, grand «amoureux» de la Parole de Dieu se demandait: «Comment pourrait-on vivre sans la science des Écritures, à travers lesquelles on apprend à connaître le Christ lui-même, qui est la vie des croyants?».[249] Il était bien conscient que la Bible est l’instrument «par lequel Dieu parle chaque jour aux croyants».[250] Il conseille ainsi Leta, une matrone romaine, pour l’éducation de sa fille: «Assure-toi qu’elle étudie chaque jour un passage de l’Écriture… À la prière fais suivre la lecture, et à la lecture, la prière… Plutôt que les bijoux et les vêtements de soie, qu’elle aime les Livres divins».[251] Ce que saint Jérôme écrivait au prêtre Neposianus vaut aussi pour nous: «Lis fréquemment les divines Écritures; et même, que le Livre Saint ne soit jamais enlevé de tes mains. Apprends-y ce que tu dois enseigner».[252] À l’exemple du grand saint qui consacra sa vie à l’étude de la Bible et qui donna à l’Église sa traduction latine, la Vulgate, et de tous les saints qui ont placé au centre de leur vie spirituelle la rencontre avec le Christ, renouvelons notre engagement à approfondir la Parole que Dieu a donnée à l’Église. De cette façon nous pourrons tendre à ce «haut degré de la vie chrétienne ordinaire»,[253] souhaité par le Pape Jean-Paul II au commencement du troisième millénaire chrétien, qui se nourrit constamment de l’écoute de la Parole de Dieu.

[248] Proposition 9.
[249] Epistula 30, 7: CSEL 54, 246.
[250] Id., Epistula 133, 13: CSEL 56, 260.
[251] Id.,Epistula 107, 9.12: CSEL 55, 300.302
[252] Id., Epistula 52, 7: CSEL 54, 426.
[253] Jean-Paul II, Lett. Novo millennio ineunte (6 janvier 2001), n.
NM 31: AAS 83 (2001), pp. 287-288.

L’animation biblique de la pastorale

73 Dans cette ligne, le Synode a invité à un engagement pastoral particulier pour faire ressortir la place centrale de la Parole de Dieu dans la vie ecclésiale, recommandant «d’intensifier “la pastorale biblique” non en la juxtaposant à d’autres formes de la pastorale, mais comme animation biblique de toute la pastorale».[254] Il ne s’agit donc pas d’ajouter quelques rencontres dans la paroisse ou dans le diocèse, mais de s’assurer que, dans les activités habituelles des communautés chrétiennes, dans les paroisses, dans les associations et dans les mouvements, on ait vraiment à coeur la rencontre personnelle avec le Christ qui se communique à nous dans sa Parole. Ainsi, si «l’ignorance des Écritures est ignorance du Christ»,[255] l’animation biblique de toute la pastorale ordinaire et extraordinaire conduira à une plus grande connaissance de la personne du Christ, Révélateur du Père et plénitude de la Révélation divine.

J’exhorte donc les Pasteurs et les fidèles à tenir compte de l’importance de cette animation: ce sera aussi la meilleure façon de faire face à certains problèmes pastoraux mis en évidence au cours de l’Assemblée synodale liés, par exemple, à la prolifération des sectes qui répandent une lecture déformée et instrumentalisée de la Sainte Écriture. Là où les fidèles ne se forment pas à une connaissance de la Bible selon la foi de l’Église dans le creuset de sa Tradition vivante, on laisse de fait un vide pastoral dans lequel des réalités comme les sectes peuvent trouver un terrain pour prendre pied. C’est pourquoi il est nécessaire de pourvoir aussi à une préparation adéquate des prêtres et des laïcs afin qu’ils puissent instruire le Peuple de Dieu dans une approche authentique des Écritures.

En outre, comme cela a été souligné durant les travaux synodaux, il est bon que dans l’activité pastorale soit favorisé le développement de petites communautés, «composées de familles, enracinées dans les paroisses ou liées aux divers mouvements ecclésiaux ou nouvelles communautés»,[256] dans lesquelles seront encouragées la formation, la prière et la connaissance de la Bible selon la foi de l’Église.

[254] Proposition 30; cf. Conc. OEcum. Vat. II, Const. dogm. Sur la Révélation divine Dei Verbum, n.
DV 24.
[255] Saint Jérôme, Commentariorum. in Isaiam libri, Prol; PL 24, 17B.
[256] Proposition 21.


Dimension biblique de la catéchèse

74 Un temps important de l’animation pastorale de l’Église, où l’on peut avec sagesse redécouvrir le caractère central de la Parole de Dieu, est la catéchèse qui, dans ses diverses formes et phases, doit toujours accompagner le Peuple de Dieu. La rencontre des disciples d’Emmaüs avec Jésus décrite par l’évangéliste Luc (cf. Lc 24,13-35) représente, en un certain sens, le modèle d’une catéchèse au centre de laquelle se trouve «l’explication des Écritures», que seul le Christ est en mesure de donner (cf. Lc 24,27-28), en montrant leur accomplissement dans sa personne.[257] C’est ainsi que renaît l’espérance, plus forte que tout échec, qui fait de ces disciples des témoins convaincus et crédibles du Ressuscité.

Dans le Directoire général pour la catéchèse, nous trouvons des indications précieuses pour l’animation biblique de la catéchèse et j’y renvoie volontiers.[258] Ici, je désire surtout souligner que la catéchèse «doit s’imprégner et se pénétrer de la pensée, de l’esprit et des attitudes bibliques et évangéliques par un contact assidu avec les textes eux-mêmes; ce qui veut aussi rappeler que la catéchèse sera d’autant plus riche et efficace qu’elle lira les textes avec l’intelligence et le coeur de l’Église»[259] et qu’elle s’inspirera de la réflexion et de la vie deux fois millénaire de l’Église. On doit encourager de cette façon la connaissance des figures, des événements et des expressions fondamentaux du texte sacré; à cette fin, une mémorisation intelligente de certains passages bibliques – particulièrement ceux qui parlent des Mystères chrétiens – peut aussi être profitable. L’activité catéchétique implique toujours de rapprocher les Écritures de la foi et de la Tradition de l’Église, de sorte que ces paroles soient perçues comme vivantes, tout comme le Christ est vivant aujourd’hui là où deux ou trois se réunissent en son nom (cf. Mt 18,20). Elle doit communiquer de façon vitale l’histoire du salut et les contenus de la foi de l’Église, afin que tout fidèle reconnaisse que son contexte personnel de vie appartient aussi à cette histoire.

Dans cette perspective, il est important de souligner le lien entre la Sainte Écriture et le Catéchisme de l’Église catholique, comme l’a affirmé le Directoire général pour la catéchèse: «En effet, l’Écriture Sainte, “Parole de Dieu mise par écrit sous l’inspiration de l’Esprit Saint” et le Catéchisme de l’Église catholique, expression actuelle de la Tradition vivante de l’Église et norme sûre pour l’enseignement de la foi, sont appelés, chacun à sa façon, et selon son autorité spécifique, à féconder la catéchèse dans l’Église contemporaine».[260]

[257] Cf. Proposition 23.
[258] Cf. Congrégation pour le Clergé, Directoire général pour la catéchèse (15 août 1997), n. 94; Jean-Paul II, Exhort. apost. Catechesi tradendae (16 octobre 1979), n. CTR 27: AAS 71 (1979), p. 1298.
[259] Ibidem, n. 127; cf. Jean-Paul II, Exhort. apost. Catechesi tradendae (16 octobre 1979), n. CTR 27: AAS 71 (1979), p. 1299.
[260] Ibidem, n. 128: Ench. Vat. 16, n. 936.


Formation biblique des chrétiens

75 Pour atteindre le but souhaité par le Synode de donner un caractère plus fortement biblique à toute la pastorale de l’Église, il est nécessaire qu’il y ait une formation convenable des chrétiens et, en particulier, des catéchistes. À cet égard, il faut porter attention à l’apostolat biblique, méthode très valable pour cette finalité, comme le montre l’expérience ecclésiale. Les Pères synodaux ont, de plus, recommandé que, si possible par la valorisation de structures académiques déjà existantes, soient établis des centres de formation pour laïcs et pour missionnaires, où l’on apprenne à comprendre, à vivre et à annoncer la Parole de Dieu, et que, là où on en voit la nécessité, soient constitués des instituts spécialisés dans les études bibliques pour former des exégètes qui aient une solide compréhension théologique et qui soient sensibles aux contextes de leur mission.[261]

[261] Cf. Proposition 33.


La Sainte Écriture dans les grands rassemblements ecclésiaux

76 Parmi les multiples initiatives qui peuvent être prises, le Synode suggère que, dans les rassemblements, aussi bien au niveau diocésain que national ou international, l’importance de la Parole de Dieu, de son écoute et de la lecture croyante et orante de la Bible soit soulignée le plus possible. Par conséquent, dans les congrès eucharistiques, nationaux et internationaux, aux Journées Mondiales de la Jeunesse et dans les autres rencontres on pourra avec raison trouver de plus amples espaces pour des célébrations de la Parole et pour des moments de formation biblique.[262]


[262] Cf. Proposition 45.

Parole de Dieu et vocations

77 Le Synode, en soulignant l’exigence intrinsèque de la foi d’approfondir la relation avec le Christ, Parole de Dieu parmi nous, a voulu aussi mettre en évidence le fait que cette Parole appelle chacun en termes personnels, révélant ainsi que la vie elle-même est vocation par rapport à Dieu. Cela veut dire que plus nous approfondissons notre relation avec le Seigneur Jésus, plus nous nous apercevons qu’il nous appelle à la sainteté, au moyen de choix définitifs par lesquels notre vie répond à son amour, assumant des tâches et des ministères pour édifier l’Église. Dans cette perspective se comprennent les invitations faites par le Synode à tous les chrétiens d’approfondir leur relation avec la Parole de Dieu en tant que baptisés, mais aussi en tant qu’appelés à vivre selon les divers états de vie. Ici nous touchons l’un des points cardinaux de la doctrine du Concile Vatican II qui a souligné la vocation à la sainteté de tout fidèle, chacun dans son propre état de vie.[263] C’est dans la Sainte Écriture que se trouve révélée notre vocation à la sainteté: «Vous serez saints parce que je suis Saint» (Lv 11,44 Lv 19,2 Lv 20,7). Saint Paul en souligne, à son tour, la racine christologique: dans le Christ, le Père «nous a choisis avant la création du monde, pour que nous soyons, dans l’amour, saints et irréprochables sous son regard» (Ep 1,4). Ainsi pouvons-nous entendre comme adressé à chacun de nous son salut aux frères et aux soeurs de la communauté de Rome: «À tous les bien-aimés de Dieu … aux saints par vocation, à vous grâce et paix de par Dieu notre Père et le Seigneur Jésus-Christ.» (Rm 1,7).

[263] Cf. Conc. OEcum. Vat. II, Const. dogm. sur l’Église Lumen gentium, chap. 5 LG 39-42.


a) Parole de Dieu et Ministres ordonnés

78 Avant tout, en m’adressant maintenant aux Ministres ordonnés de l’Église, je leur rappelle ce qu’a affirmé le Synode: «La Parole de Dieu est indispensable pour former le coeur d’un bon Pasteur, Ministre de la Parole».[264] Évêques, prêtres, diacres ne peuvent en aucune façon penser vivre leur vocation et leur mission sans un engagement ferme et renouvelé de sanctification qui trouve l’un de ses piliers dans le contact avec la Bible.


79 Pour ceux qui sont appelés à l’épiscopat, et qui sont les premiers annonciateurs autorisés de la Parole, je désire réaffirmer ce qui a été dit par le Pape Jean-Paul II dans l’Exhortation apostolique post-synodale Pastores gregis. Pour nourrir et faire progresser sa vie spirituelle, l’Évêque doit toujours mettre «à la première place la lecture et la méditation de la Parole de Dieu. Tout Évêque devra toujours se confier et se sentir confié “à Dieu et à son message de grâce, qui a le pouvoir de construire l’édifice et de faire participer les hommes à l’héritage de ceux qui ont été sanctifiés” (Ac 20,32). C’est pourquoi, avant d’être un transmetteur de la Parole, l’Évêque, avec ses prêtres et comme tout fidèle, bien plus comme l’Église elle-même, doit être un auditeur de la Parole. Il doit être comme “à l’intérieur” de la Parole, pour se laisser garder et nourrir par elle, comme dans le sein maternel».[265] À l’imitation de Marie, Virgo audiens et Reine des Apôtres, je recommande à tous mes frères dans l’épiscopat la lecture personnelle fréquente et l’étude assidue de la Sainte Écriture.

[264] Proposition 31.
[265] N. : AAS 96 (2004), pp. 846-847.

80 À l’attention des prêtres aussi, je voudrais rappeler les paroles du Pape Jean-Paul II qui, dans l’Exhortation apostolique post-synodale Pastores dabo vobis, a rappelé que «le prêtre est avant tout Ministre de la Parole de Dieu. Il est consacré et envoyé pour annoncer à tous l’Évangile du Royaume, appelant tout homme à l’obéissance de la foi et conduisant les croyants à une connaissance et à une communion toujours plus profonde du Mystère de Dieu, à nous révélé et communiqué par le Christ. C’est pourquoi le prêtre lui-même doit tout d’abord acquérir une grande familiarité avec la Parole de Dieu. Il ne lui suffit pas d’en connaître l’aspect linguistique ou exégétique, ce qui est cependant nécessaire. Il lui faut accueillir la Parole avec un coeur docile et priant, pour qu’elle pénètre à fond dans ses pensées et ses sentiments et engendre en lui un esprit nouveau, “la pensée du Christ” (1Co 2,16)».[266] Ainsi, ses paroles, et plus encore ses choix et ses attitudes seront toujours plus transparents à l’Évangile, l’annonceront et en rendront témoignage. «C’est seulement “en demeurant” dans la Parole que le prêtre deviendra parfait disciple du Seigneur, connaîtra la vérité et sera vraiment libre».[267]

En définitive, l’appel au sacerdoce demande d’être consacrés «dans la vérité».Jésus lui-même formule cette exigence à l’égard de ses disciples: «Consacre-les par la vérité: ta parole est vérité. De même que tu m’as envoyé dans le monde, moi aussi je les ai envoyés dans le monde» (Jn 17,17-18). Les disciples sont en un certain sens «attirés dans l’intimité de Dieu par leur immersion dans la Parole de Dieu. La Parole de Dieu est, pour ainsi dire, le bain qui les purifie, le pouvoir créateur qui les transforme dans l’être de Dieu».[268] Et puisque le Christ lui-même est la Parole de Dieu faite chair (Jn 1,14), qu’il est «la vérité» (Jn 14,6), alors la prière de Jésus au Père «Consacre-les par la vérité» veut dire au sens le plus profond: «Fais qu’ils ne soient qu’un avec moi, le Christ. Attache-les à moi. Attire-les en moi. Et, de fait, il n’existe qu’un seul prêtre de la Nouvelle Alliance, Jésus-Christ lui-même».[269] Il est donc nécessaire que les prêtres renouvellent toujours plus profondément leur conscience de cette réalité.

[266] N. PDV 26: AAS 84 (1992), p. 698.
[267] Ibidem PDV 26.
[268] Benoît XVI, Homélie, Messe chrismale 2009; L’ORf, 14 avril 2009, p. 4.
[269] Ibidem.

81 Je voudrais me référer aussi à la place de la Parole de Dieu dans la vie de ceux qui sont appelés au diaconat, non seulement comme degré précédant l’ordre du presbytérat, mais comme service permanent. Les Normes fondamentales pour la formation des diacres permanents affirment que de «l’identité théologique du diaconat, dérivent avec clarté les traits de sa spiritualité spécifique, qui se présente essentiellement comme une spiritualité du service. Le modèle par excellence est le Christ serviteur, qui a vécu totalement au service de Dieu pour le bien des hommes».[270] Dans cette perspective on comprend que, dans les différentes dimensions du ministère diaconal, «un élément caractéristique de la spiritualité diaconale est la Parole de Dieu, dont le diacre est appelé à être l’annonciateur autorisé, en croyant ce qu’il proclame, en enseignant ce qu’il croit, en vivant ce qu’il enseigne».[271] Je recommande donc que les diacres nourrissent leur vie d’une lecture croyante de la Sainte Écriture avec l’étude et la prière. Qu’ils soient introduits à «la Sainte Écriture et à sa juste interprétation; à la théologie de l’Ancien et du Nouveau Testament; au rapport réciproque entre l’Écriture et la Tradition; en particulier à l’usage de l’Écriture dans la prédication, dans la catéchèse et dans l’activité pastorale en général».[272]

[270] Congrégation pour l’Éducation catholique, Normes fondamentales pour la formation des diacres permanents (22 février 1998), n. 11; Ench. Vat. 17, n. 174-175; La DC, n.2181, p.411.
[271] Ibidem, n. 74 : Ench. Vat. 17, n. 263; La DC n. 2181, p. 420.
[272] Cf. ibidem, n. 81.a:Ench. Vat. 17, n. 271: La DC, ibid., p. 421.

b) La Parole de Dieu et les candidats à l’Ordination

82 Le Synode a accordé une importance particulière au rôle décisif de la Parole de Dieu dans la vie spirituelle des candidats au sacerdoce ministériel: «Les candidats au sacerdoce doivent apprendre à aimer la Parole de Dieu. Que l’Écriture soit donc l’âme de leur formation théologique, en soulignant la circularité indispensable entre exégèse, théologie, spiritualité et mission».[273] Les aspirants au sacerdoce ministériel sont appelés à une profonde relation personnelle avec la Parole de Dieu, en particulier dans la Lectio divina, pour que leur vocation elle-même se nourrisse de cette relation: c’est dans la lumière et dans la force de la Parole de Dieu que chacun peut découvrir, comprendre, aimer et suivre sa vocation propre et accomplir sa mission, faisant grandir dans le coeur les pensées de Dieu, de sorte que la foi, en tant que réponse à la Parole, devienne le nouveau critère de jugement et d’évaluation des hommes et des choses, des événements et des problèmes.[274]

Cette attention à la lecture priante de l’Écriture ne doit en aucune façon alimenter une dichotomie par rapport à l’étude exégétique demandée au temps de la formation. Le Synode a recommandé que les séminaristes soient aidés concrètement à voir la relation entre l’étude biblique et la prière avec l’Écriture. Étudier les Écritures doit rendre plus conscient du Mystère de la Révélation divine et nourrir une attitude de réponse priante au Seigneur qui parle. De même, une authentique vie de prière ne pourra que faire grandir dans l’âme du candidat le désir de connaître toujours plus le Dieu qui s’est révélé dans sa Parole comme amour infini. Par conséquent, on devra apporter le plus grand soin à cultiver dans la vie des séminaristes cette réciprocité entre étude et prière.Dans ce but, il faut que les candidats soient initiés à une étude de la Sainte Écriture par des méthodes qui en favorisent une telle approche intégrale.

[273] Proposition 32.
[274] Jean-paul II, Exhort. apost. post-synodale Pastores dabo vobis (25 mars 1992), n.
PDV 47 : AAS84 (1992), p. 740-742.


c) Parole de Dieu et Vie consacrée

83 En ce qui concerne la Vie consacrée, le Synode a rappelé avant tout qu’elle «naît de l’écoute de la Parole de Dieu et accueille l’Évangile comme règle de vie».[275] Vivre à la suite du Christ, chaste, pauvre et obéissant, est ainsi une «“exégèse” vivante de la Parole de Dieu».[276] L’Esprit Saint, grâce auquel la Bible a été écrite, est le même Esprit qui éclaire «d’une lumière nouvelle la Parole de Dieu aux fondateurs et aux fondatrices. D’elle tout charisme est né et d’elle, toute règle veut être l’expression»,[277] en donnant vie à des itinéraires de vie chrétienne caractérisés par la radicalité évangélique.

Je voudrais rappeler que la grande Tradition monastique a toujours considéré la méditation de l’Écriture Sainte comme un élément constitutif de sa spiritualité propre, en particulier sous la forme de la Lectio divina. Aujourd’hui encore, les anciennes et nouvelles réalités de consécration particulière sont appelées à être de véritables écoles de vie spirituelle où les Écritures sont lues selon l’Esprit Saint dans l’Église, afin que tout le Peuple de Dieu puisse en bénéficier. Le Synode recommande donc que dans les communautés de Vie consacrée, ne manque jamais une formation solide à la lecture croyante de la Bible.[278]

Je désire encore me faire l’interprète de la sollicitude et de la gratitude que le Synode a exprimées à l’égard des formes de vie contemplative qui, en vertu de leur charisme spécifique, consacrent une grande partie de leurs journées à imiter la Mère de Dieu, qui méditait assidûment les paroles et les gestes de son Fils (cf.
Lc 2,19 Lc 2,51), et Marie de Béthanie qui, assise aux pieds du Seigneur, écoutait sa parole (cf. Lc 10,38). Ma pensée se tourne en particulier vers les moines et moniales cloîtrés qui, par leur séparation du monde, se trouvent plus intimement unis au Christ, coeur du monde. Plus que jamais, l’Église a besoin du témoignage de ceux qui s’engagent à «ne rien préférer à l’amour du Christ».[279] Le monde actuel est souvent trop absorbé par les activités extérieures dans lesquelles il risque de se perdre. Les contemplatifs et les contemplatives, par leur vie de prière, d’écoute et de méditation de la Parole de Dieu nous rappellent que l’homme ne vit pas seulement de pain mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu (cf. Mt 4,4). Par conséquent, tous les fidèles doivent bien se souvenir qu’une telle forme de vie «indique au monde d’aujourd’hui la chose la plus importante, et c’est même en fin de compte la seule chose décisive: il existe une ultime raison pour laquelle il vaut la peine de vivre, qui est Dieu et son amour impénétrable».[280]

[275] Proposition 24.
[276] Benoît XVI, Discours pour la XIe Journée mondiale de la Vie consacrée, 2 février 2008:AAS 100 (2008) p. 133, L’ORf, 12 février 2008, p. 7; cf. Jean-Paul II, Exhort. apost. post-synodale Vita consecrata (25 mars 1996), n. VC 82: AAS 88 (1996), pp. 458-460.
[277] Congrégation pour les Instituts de Vie Consacrée et les Sociétés de Vie Apostolique, InstructionRepartir du Christ: un engagement renouvelé de la Vie consacrée au troisième millénaire (19 mai 2002), n. 24.
[278] Cf. Proposition 24
[279] Saint Benoît, Règle, RB 4,21: SC 181, p. 456-458.
[280] Benoît XVI, Discours aux moines dans l’abbaye de Heiligenkreuz (9 septembre 2007),L’ORf, 18 septembre 2007, p. 14.

d) La Parole de Dieu et les fidèles laïcs

84 Le Synode a très souvent tourné son attention vers les fidèles laïcs, les remerciant de leur généreux engagement dans la diffusion de l’Évangile dans les différents milieux de leur vie quotidienne, au travail, à l’école, en famille et dans l’éducation.[281] Cette tâche, qui vient du Baptême, doit pouvoir se développer à travers une vie chrétienne toujours plus consciente, capable de rendre raison de l’espérance qui est en nous (cf. 1P 3,15). Jésus, dans l’Évangile de Matthieu, indique que «le champ c’est le monde; le bon grain, ce sont les fils du Royaume» (Mt 13,38). Ces paroles s’appliquent particulièrement aux laïcs chrétiens qui vivent leur vocation personnelle à la sainteté dans une existence selon l’Esprit qui s’exprime «de façon particulière dans leur insertion dans les réalités temporelles et dans leur participation aux activités terrestres».[282] Ils ont besoin d’être formés pour discerner la volonté de Dieu grâce à une familiarité avec la Parole de Dieu, lue et étudiée dans l’Église, sous la conduite des Pasteurs légitimes. Ils peuvent tirer cette formation des écoles de grandes spiritualités ecclésiales, à la racine desquelles se trouve toujours l’Écriture Sainte. Que selon leurs possibilités, les diocèses eux-mêmes fassent, en ce sens, des offres de formation aux laïcs ayant des responsabilités ecclésiales particulières.[283]

[281] Cf. Proposition 30.
[282] Jean-Paul II, Exhort. apost. post-synodale Christifideles laici (30 décembre 1988), n. CL 17:AAS 81 (1989), p. 418.
[283] Cf. Proposition 33.


Verbum Domini FR 66