Verbum Domini FR 97

Parole de Dieu et témoignage chrétien

97 Les horizons immenses de la mission ecclésiale, la complexité de la situation présente demandent aujourd’hui des modalités nouvelles pour communiquer de façon efficace la Parole de Dieu. L’Esprit Saint, premier agent de toute Évangélisation, ne manquera jamais de guider l’Église du Christ dans cette action. Il est important toutefois que chaque forme d’annonce soit structurée par la relation intrinsèque entre communication de la Parole de Dieu et témoignage chrétien. De cela dépend la crédibilité même de l’annonce. D’une part, la Parole est nécessaire pour communiquer ce que le Seigneur lui-même nous a dit; d’autre part, il est indispensable de donner crédibilité à cette Parole par le témoignage afin qu’elle n’apparaisse pas comme une belle philosophie ou une utopie, mais plutôt comme une réalité que l’on peut vivre et qui fait vivre. Cette réciprocité entre Parole et témoignage rappelle la manière par laquelle Dieu lui-même s’est communiqué dans l’Incarnation de son Verbe. La Parole de Dieu rejoint les hommes «à travers la rencontre avec des témoins qui la rendent présente et vivante».[323] En particulier, les nouvelles générations ont besoin d’être initiées à la Parole de Dieu «à travers la rencontre et le témoignage authentique de l’adulte, l’influence positive des amis et la grande compagnie de la communauté ecclésiale».[324]

Il y a un rapport étroit entre le témoignage de l’Écriture, comme attestation que la Parole de Dieu donne d’elle-même, et le témoignage de vie des croyants. L’un implique l’autre et y conduit. Le témoignage chrétien communique la Parole attestée dans les Écritures. Les Écritures, à leur tour, expliquent le témoignage que les Chrétiens sont appelés à donner dans leur propre vie. Ceux qui rencontrent des témoins crédibles de l’Évangile sont ainsi amenés à constater l’efficacité de la Parole de Dieu en ceux qui l’accueillent.

[323] Proposition 38.
[324] Message final, n. 12.

98 Dans ce va-et-vient entre le témoignage et la Parole, nous comprenons l’affirmation du Pape Paul VI dans l’Exhortation apostolique Evangelii nuntiandi. Notre responsabilité ne se limite pas à proposer au monde des valeurs communes ; il faut arriver à l’annonce explicite de la Parole de Dieu. C’est seulement ainsi que nous serons fidèles à la mission du Christ: «La Bonne Nouvelle, proclamée par le témoignage de la vie, devra donc être tôt ou tard proclamée par la Parole de vie. Il n’y a pas d’Évangélisation vraie si le nom, l’enseignement, la vie, les promesses, le Règne, le Mystère de Jésus de Nazareth, Fils de Dieu, ne sont pas annoncés».[325]

Le fait que l’annonce de la Parole de Dieu demande le témoignage de la vie personnelle est bien présent dans la conscience chrétienne depuis l’origine. Le Christ lui-même est le témoin fidèle et vrai (cf.
Ap 1,5 Ap 3,14), témoin de la vérité (cf. Jn 18,37). Je voudrais ici me faire le porte-parole des innombrables témoignages que nous avons eu la grâce d’entendre durant l’Assemblée synodale. Nous avons été profondément touchés par les récits de ceux qui ont su vivre leur foi et donner un témoignage lumineux de l’Évangile y compris sous des régimes hostiles au Christianisme ou dans des situations de persécution.

Tout ceci ne doit pas nous faire peur. Jésus a dit lui-même à ses disciples «Le serviteur n’est pas plus grand que son maître. Si l’on m’a persécuté, on vous persécutera, vous aussi» (Jn 15,20). Je désire donc élever vers Dieu avec toute l’Église un hymne de louange pour le témoignage de tant de frères et soeurs qui, encore à notre époque, ont donné leur vie pour communiquer la vérité de l’amour de Dieu révélé dans le Christ crucifié et ressuscité. J’exprime également la gratitude de toute l’Église aux Chrétiens qui ne capitulent pas devant les obstacles et les persécutions à cause de l’Évangile. En même temps, nous nous tournons avec une affection profonde et solidaire vers les fidèles de toutes ces communautés chrétiennes, en Asie et en Afrique en particulier, qui, aujourd’hui, risquent leur vie ou la marginalisation sociale à cause de la foi. Nous voyons ainsi réalisé l’esprit des Béatitudes de l’Évangile pour ceux qui sont persécutés à cause du Seigneur Jésus (cf. Mt 5,11). En même temps, nous ne cessons pas d’élever notre voix pour que les gouvernants des nations garantissent à tous la liberté de conscience et de religion, tout comme celle de pouvoir témoigner publiquement de sa propre foi.[326]

[325] Paul VI, Exhort. apost. Evangelii nuntiandi (8 décembre 1975), n. EN 22: AAS 68 (1976), p. 20.
[326] Cf. Conc. OEcum. Vat. II, Déclaration sur la liberté religieuse Dignitatis humanae, nn. DH 2 DH 7.

Parole de Dieu et engagement dans le monde

Servir Jésus dans ces «petits qui sont ses frères»

(cf. Mt 25,40)

99 La Parole divine éclaire l’existence humaine et appelle la conscience de chacun à revoir en profondeur sa propre vie, car toute l’histoire de l’humanité est soumise au jugement de Dieu: «Quand le Fils de l’homme viendra dans sa gloire, et tous les anges avec lui, alors il siégera sur son trône de gloire. Toutes les nations seront rassemblées devant lui» (Mt 25,31-32). À notre époque, nous considérons souvent, de manière superficielle, la valeur de l’instant qui passe, comme s’il était sans importance pour l’avenir. Au contraire, l’Évangile nous rappelle que chaque instant de notre existence est important et doit être vécu avec intensité, sachant que chacun devra rendre compte de sa propre vie. Au chapitre 25 de l’Évangile de Matthieu, le Fils de l’Homme juge comme fait ou comme n’étant pas fait envers lui, ce que nous aurons fait ou n’aurons pas fait à un seul de ces «petits qui sont mes frères» (Mt 25,40 Mt 25,45): «J’avais faim, et vous m’avez donné à manger; j’avais soif, et vous m’avez donné à boire; j’étais étranger, et vous m’avez accueilli; j’étais nu, et vous m’avez habillé; j’étais malade, et vous m’avez visité; j’étais en prison, et vous êtes venus jusqu’à moi» (Mt 25,35-36). C’est donc la Parole de Dieu elle-même qui nous rappelle la nécessité de notre engagement dans le monde et notre responsabilité face au Christ, Seigneur de l’Histoire. En annonçant l’Évangile, encourageons-nous les uns les autres à accomplir le bien et à agir pour la justice, la réconciliation et la paix.

La Parole de Dieu et l’engagement dans la société en faveur de la justice

100 La Parole de Dieu pousse l’homme à des relations animées par la droiture et par la justice; elle atteste la valeur précieuse, face à Dieu, de tous les efforts de l’homme pour rendre le monde plus juste et plus habitable.[327] C’est la Parole de Dieu elle-même qui dénonce sans ambiguïté les injustices et qui promeut la solidarité et l’égalité.[328] À la lumière des paroles du Seigneur, reconnaissons donc «les signes des temps» présents dans l’histoire, ne refusons pas de nous engager en faveur de ceux qui souffrent et sont victimes de l’égoïsme. Le Synode a rappelé que s’engager pour la justice et la transformation du monde est une exigence constitutive de l’Évangélisation. Comme le disait le Pape Paul VI, il s’agit «d’atteindre et comme de bouleverser par la force de l’Évangile les critères de jugement, les valeurs déterminantes, les points d’intérêt, les lignes de pensée, les sources inspiratrices et les modèles de vie de l’humanité, qui sont en opposition avec la Parole de Dieu et le dessein du salut».[329]

Dans ce but, les Pères synodaux ont eu une pensée particulière pour ceux qui sont engagés dans la vie politique et sociale. L’Évangélisation et la diffusion de la Parole de Dieu doivent inspirer leur action dans le monde à la recherche du véritable bien de tous, dans le respect et dans la promotion de la dignité de toutes les personnes. Certes, l’Église n’a pas directement pour mission de créer une société plus juste, même s’il lui revient le droit et le devoir d’intervenir sur les questions éthiques et morales qui concernent le bien des personnes et des peuples. C’est surtout les fidèles laïcs, formés à l’école de l’Évangile, qui ont la tâche d’intervenir directement dans l’action sociale et politique. C’est pourquoi le Synode recommande de promouvoir une formation adéquate selon les principes de la Doctrine sociale de l’Église.[330]

[327] Cf. Proposition 39.
[328] Cf. Benoît XVI, Message pour la Journée Mondiale de la Paix 2009; L’ORf, 16 décembre 2008, pp. 3-4.
[329] Exhort. apost. Evangelii nuntiandi (8 décembre 1975), n.
EN 19 : AAS 68 (1976), p. 18.
[330] Cf. Proposition 39.

101 De plus, je désire attirer à nouveau l’attention de tous sur l’importance de défendre et de promouvoir les droits humains de toutes les personnes, fondés sur la loi naturelle inscrite dans le coeur de l’homme et qui, comme tels, sont «universels, inviolables, inaliénables».[331] L’Église souhaite qu’à travers l’affirmation de ces droits, la dignité humaine soit plus efficacement reconnue et universellement promue,[332] comme un trait imprimé par Dieu créateur sur sa créature que Jésus-Christ a pris sur lui et rachetée par son Incarnation, sa mort et sa Résurrection. C’est pourquoi la diffusion de la Parole de Dieu ne peut que renforcer l’affirmation et le respect des droits humains de toutes les personnes.[333]

[331] Jean XXIII, Lett. enc. Pacem in terris (11 avril 1963), n. 1: AAS 55 (1963), p.
PT 259.
[332] Cf. Jean-Paul II, Lett. enc. Centesimus annus (1er mai 1991), n. CA 47: AAS 83 (1991), pp. 851-852; Id., Discours à l’Assemblée générale des Nations Unies (2 octobre 1979), n. 13: AAS71 (1979), pp. 1152-1153.
[333] Cf. Abrégé de la doctrine sociale de l’Église, nn. 152-159.

L’annonce de la Parole de Dieu, la réconciliation et la paix entre les peuples

102 Parmi les nombreux chantiers où s’engager, le Synode a vivement recommandé la promotion de la réconciliation et de la paix. Dans le contexte actuel, il est plus que jamais nécessaire de redécouvrir la Parole de Dieu comme source de réconciliation et de paix car, par elle, Dieu réconcilie toutes choses en lui (cf. 2Co 5,18-20 Ep 1,10): le Christ «est notre paix» (Ep 2,14), c’est lui qui abat les murs de séparation. Au Synode, de nombreux témoignages ont évoqué les conflits, graves et sanglants, et les tensions présents sur notre planète. Parfois ces hostilités semblent se présenter sous l’aspect d’un conflit interreligieux. Encore une fois, je désire répéter que la religion ne peut jamais justifier les intolérances ou les guerres. On ne peut pas utiliser la violence au nom de Dieu![334]Toutes les religions devraient inciter à un usage correct de la raison et promouvoir des valeurs éthiques qui construisent la coexistence civile.

Fidèles à l’oeuvre de réconciliation accomplie par Dieu en Jésus-Christ, crucifié et ressuscité, les Catholiques et tous les hommes de bonne volonté doivent s’engager à donner des exemples de récon
ciliation pour construire une société juste et pacifiée.[335] N’oublions jamais que «là où les paroles humaines deviennent impuissantes, car domine le fracas tragique de la violence et des armes, la force prophétique de la Parole de Dieu est présente et nous répète que la paix est possible, et que nous devons être des instruments de réconciliation et de paix».[336]

[334] Cf. Benoît XVI, Message pour la célébration de la Journée mondiale de la Paix 2007:ORf 19-26 décembre 2006, p. 3.
[335] Cf. Proposition 8.
[336] Benoît XVI, Homélie à l’occasion de la clôture de la Semaine de prière pour l’unité des Chrétiens à Saint-Paul-hors-les-Murs (25 janvier 2009): L’ORf, 27 janvier 2009, p. 24.

La Parole de Dieu et la charité agissante

103 L’engagement pour la justice, la réconciliation et la paix trouve sa racine ultime et son accomplissement dans l’amour qui nous a été révélé dans le Christ. En écoutant les témoignages présentés au Synode, nous sommes devenus plus attentifs au lien qui existe entre l’écoute bienveillante de la Parole de Dieu et le service désintéressé des frères; tous les croyants doivent comprendre la nécessité «de traduire en gestes d’amour la parole écoutée, car ainsi seulement l’annonce de l’Évangile devient crédible, malgré les fragilités humaines qui marquent les personnes».[337] Jésus est passé en ce monde en faisant le bien (cf. Ac 10,38). La Parole de Dieu écoutée avec disponibilité dans l’Église, éveille «la charité et la justice envers tous, surtout envers les pauvres».[338] Il ne faut jamais oublier que «l’amour – caritas – sera toujours nécessaire, même dans la société la plus juste [...]. Celui qui veut s’affranchir de l’amour se prépare à s’affranchir de l’homme en tant qu’homme».[339] J’encourage donc tous les fidèles à méditer fréquemment l’hymne à la charité que l’Apôtre Paul a écrit, et à se laisser inspirer par lui: «L’amour prend patience; l’amour rend service; l’amour ne jalouse pas; il ne se vante pas, ne se gonfle pas d’orgueil; il ne fait rien de malhonnête; il ne cherche pas son intérêt; il ne s’emporte pas; il n’entretient pas de rancune; il ne se réjouit pas de ce qui est mal, mais il trouve sa joie dans ce qui est vrai; il supporte tout, il fait confiance en tout, il espère tout, il endure tout. L’amour ne passera jamais» (1Co 13,4-8).

L’amour du prochain, enraciné dans l’amour de Dieu, implique donc que nous soyons constamment engagés en tant que personnes et en tant que communauté ecclésiale, locale et universelle. Saint Augustin affirme: «Il est fondamental de comprendre que la plénitude de la Loi, comme de toutes les Écritures divines, c’est l’amour […]. Par conséquent, ceux qui croient avoir compris les Écritures, ou au moins une partie quelconque de celles-ci, sans s’engager à construire, à travers leur intelligence, ce double amour de Dieu et du prochain, démontrent qu’ils ne les ont pas encore comprises».[340]

[337] Id. Homélie à l’occasion de la clôture de la XIIe Assemblée générale ordinaire du Synode des Évêques (26 octobre 2008): AAS 100 (2008), p. 779; L’ORf, 28 octobre 2008, p. 3.
[338] Proposition 11.
[339] Benoît XVI, Lett. enc. Deux caritas est (25 décembre 2005), n. : AAS 98 (2006), p. 240.
[340] De doctrina christiana, I, XXXVI, 40: PL 34, 34.

L’annonce de la Parole de Dieu et les jeunes

104 Le Synode a réservé une attention particulière à l’annonce de la Parole divine aux nouvelles générations. Les jeunes sont dès à présent des membres actifs de l’Église et ils en représentent l’avenir. En eux, nous trouvons souvent une ouverture spontanée à l’écoute de la Parole de Dieu et undésir sincère de connaître Jésus. C’est durant la période de la jeunesse, en effet, qu’émergent de façon irrépressible et sincère les questions sur le sens de la vie personnelle et sur l’orientation à donner à sa propre existence. Seul Dieu sait apporter une véritable réponse à ces questions. Cette attention au monde des jeunes implique le courage d’une annonce claire; nous devons aider les jeunes à acquérir une intimité et une familiarité avec la Sainte Écriture, pour qu’elle soit comme une boussole qui leur indique la route à suivre.[341] C’est pourquoi ils ont besoin de témoins et de maîtres, qui marchent avec eux et qui les forment à aimer et à communiquer à leur tour l’Évangile surtout aux jeunes de leur âge, devenant ainsi eux-mêmes des annonciateurs authentiques et crédibles.[342]

Il faut que la Parole divine soit aussi présentée dans ses implications vocationnelles afin qu’elle aide et oriente les jeunes dans leurs choix de vie, y compris vers la consécration totale.[343] D’authentiques vocations à la Vie consacrée et au sacerdoce trouvent un terrain propice dans le contact régulier avec la Parole de Dieu. Je répète encore aujourd’hui l’invitation, faite au début de mon pontificat, à ouvrir les portes au Christ: «Celui qui fait entrer le Christ, ne perd rien, rien – absolument rien de ce qui rend la vie libre, belle et grande. Non! Dans cette amitié seulement, s’ouvrent largement les portes de la vie. Dans cette amitié seulement, se libèrent réellement les grandes potentialités de la condition humaine. […] Chers jeunes: n’ayez pas peur du Christ! Il n’enlève rien, et il donne tout. Celui qui se donne à lui, reçoit le centuple. Oui, ouvrez, ouvrez tout grand les portes au Christ – et vous trouverez la vraie vie».[344]

[341] Cf. Benoît XVI, Message pour la XXIe Journée Mondiale de la Jeunesse 2006: AAS 98 (2006), pp. 282-286; La DC n. 2355, pp. 307-309.
[342] Cf. Proposition 34.
[343] Cf. Ibidem.
[344] Benoît XVI, Homélie pour la messe inaugurale du Pontificat (24 avril 2005): AAS 97 (2005), p. 712; La DC n. 2337, p. 549.

L’annonce de la Parole de Dieu et les migrants

105 La Parole de Dieu nous rend attentifs à l’histoire et à tout ce qui naît en elle de nouveau. C’est pourquoi le Synode, au sujet de la mission évangélisatrice de l’Église, a voulu aussi porter son attention sur le phénomène complexe des mouvements migratoires, qui ont pris ces dernières années des proportions inédites. Surgissent ici des questions très délicates au sujet de la sécuritédes nations et de l’accueil à réserver à ceux qui cherchent un refuge, de meilleures conditions de vie, la santé et un travail. De très nombreuses personnes, qui ne connaissent pas le Christ ou qui en ont une image erronée, s’installent dans des pays de tradition chrétienne. Dans le même temps, des personnes appartenant à des peuples profondément imprégnés par la foi chrétienne émigrent vers des pays où l’annonce du Christ et une Nouvelle Évangélisation sont nécessaires. Ces situations offrent de nouvelles possibilités pour la diffusion de la Parole de Dieu. À ce propos, les Pères synodaux ont affirmé que les migrants ont le droit d’entendre le kérygme, qui leur est proposé et non imposé. S’ils sont chrétiens, ils ont besoin d’une assistance pastorale adéquate pour renforcer leur foi et être eux-mêmes porteurs de l’annonce évangélique. Conscients de la complexité du phénomène, il est nécessaire que tous les diocèses intéressés se mobilisent afin que les mouvements migratoires soient aussi considérés comme une occasion de découvrir de nouvelles modalités de présence et d’annonce. Ils doivent pourvoir, selon leurs possibilités, à une animation et à un accueil adaptés de ces frères, pour que touchés par la Bonne Nouvelle, ils deviennent eux-mêmes des messagers de la Parole de Dieu et des témoins de Jésus Ressuscité, espérance du monde.[345]

[345] Cf. Proposition 38.

L’annonce de la Parole de Dieu et les personnes qui souffrent

106 Durant les travaux synodaux, l’attention des Pères s’est souvent portée sur la nécessité d’annoncer la Parole de Dieu à tous ceux qui se trouvent également dans un état de souffrance physique, psychique ou spirituelle. En effet, c’est lorsqu’il connaît la douleur que naissent de manière plus aiguë dans le coeur de l’homme les questions ultimes sur le sens de sa propre vie. Si la parole de l’homme semble devenir muette devant le Mystère du mal et de la souffrance et si notre société semble n’accorder de valeur à l’existence que si elle correspond à certains niveaux d’efficacité et de bien-être, la Parole nous révèle que ces circonstances sont aussi mystérieusement «embrassées» par la tendresse de Dieu. La foi, qui naît de la rencontre avec la Parole divine, nous aide à considérer la vie humaine comme digne d’être pleinement vécue même lorsqu’elle est brisée par le mal. Dieu a créé l’homme pour le bonheur et pour la vie, tandis que la maladie et la mort sont entrées dans le monde comme conséquence du péché (cf. Sg 2,23-24). Mais le Père de la vie est le médecin par excellence de l’homme et il ne cesse de se pencher avec tendresse sur l’humanité souffrante. Nous contemplons le sommet de la proximité de Dieu avec la souffrance de l’homme en Jésus lui-même qui est la «Parole incarnée. Il a souffert avec nous et il est mort. Par sa passion et sa mort, il a assumé en lui et a transformé jusqu’au bout notre faiblesse».[346]

La proximité de Jésus à l’égard des personnes qui souffrent ne s’est pas interrompue: elle se prolonge dans le temps grâce à l’action de l’Esprit Saint dans la mission de l’Église, dans la Parole et dans les Sacrements, dans les hommes de bonne volonté, dans les activités d’assistance que les communautés promeuvent dans la charité fraternelle, en dévoilant ainsi le vrai visage de Dieu et son amour. Le Synode rend grâce à Dieu pour le témoignage lumineux, et souvent caché, de nombreux Chrétiens – prêtres, religieux et laïcs – qui ont prêté et continuent de prêter leurs mains, leurs yeux et leur coeur au Christ, véritable médecin des corps et des âmes! Il exhorte encore à continuer à avoir soin des personnes malades en leur apportant la présence vivifiante du Seigneur Jésus, dans la Parole et dans l’Eucharistie. Qu’elles soient aidées à lire l’Écriture et à découvrir que, dans leur condition, elles peuvent participer d’une façon particulière aux souffrances rédemptrices du Christ pour le salut du monde (cf. 2Co 4,8-11 2Co 4,14)![347]

[346] Cf. Benoît XVI, Homélie à l’occasion de la XVIIe Journée Mondiale des Malades (11 février 2009): L’ORf, 10 février 2009, p. 4.
[347] Cf. Proposition 35.

L’annonce de la Parole de Dieu et les pauvres

107 La Sainte Écriture révèle la prédilection de Dieu pour les pauvres et les nécessiteux (cf. Mt 25,31-46). Souvent, les Pères synodaux ont rappelé la nécessité que l’annonce évangélique, l’engagement des Pasteurs et des communautés soient orientés vers ces frères. En effet, «les premiers à avoir droit à l’annonce de l’Évangile sont précisément les pauvres, qui ont besoin non seulement de pain, mais aussi de paroles de vie».[348] La diaconie de l’amour, qui ne doit jamais faire défaut dans nos Églises, doit toujours être unie à l’annonce de la Parole et à la célébration des saints Mystères.[349] En même temps, il faut reconnaître et valoriser le fait que les pauvres eux-mêmes sont aussi des agents d’Évangélisation. Dans la Bible, le véritable pauvre est celui qui s’en remet totalement à Dieu et Jésus lui-même ,dans l’Évangile, appelle bienheureux ceux à qui «appartient le Royaume des Cieux» (Mt 5,3 cf. Lc 6,20). Le Seigneur exalte la simplicité de coeur de celui qui reconnaît en Dieu sa vraie richesse, qui met en lui, et non dans les biens de ce monde, son espérance. L’Église ne peut décevoir les pauvres: «Les Pasteurs sont appelés à les écouter, à apprendre d’eux, à les guider dans leur foi et à les motiver pour qu’ils soient des artisans de leur propre histoire».[350]

L’Église sait aussi qu’il existe une pauvreté qui est vertu, à cultiver et à choisir librement, comme l’ont fait de nombreux saints, et qu’il existe une misère qui est souvent le résultat d’injustices, qui est provoquée par l’égoïsme, qui a pour symptôme l’indigence et la faim et qui alimente les conflits. Quand l’Église annonce la Parole de Dieu, elle sait qu’il faut favoriser un «cercle vertueux» entre la pauvreté «à choisir» et la pauvreté «à combattre», redécouvrant «la sobriété et la solidarité, comme valeurs évangéliques et, en même temps, universelles[…] Ce qui comporte des choix de justice et de sobriété».[351]

[348] Proposition 11.
[349] Cf. Benoît XVI, Lett. enc. Deus caritas est (25 décembre 2005), n. : AAS 98 (2006), pp. 236-237.
[350] Proposition 11.
[351] Benoît XVI, Homélie (1er janvier 2009): L’ORf, 6 janvier 2009, p. 12.

La Parole de Dieu et la sauvegarde de la création

108 L’engagement dans le monde, que requiert la Parole divine, nous pousse à regarder avec des yeux nouveaux le cosmos tout entier, créé par Dieu et qui porte déjà en lui les traces du Verbe, par lequel tout a été fait (cf. Jn 1,2). En effet, nous avons aussi, comme Chrétiens et messagers de l’Évangile une responsabilité vis-à-vis de la création. Si, d’un côté, la Révélation nous fait connaître le dessein de Dieu sur le cosmos, de l’autre, elle nous amène aussi à dénoncer les attitudes erronées de l’homme, quand il ne reconnaît pas toutes les choses comme l’empreinte du Créateur, mais comme une simple matière à manipuler sans scrupules. De cette manière, l’homme manque de l’humilité essentielle qui lui permet de reconnaître la création comme un don de Dieu qu’il doit accueillir et utiliser selon son dessein. Au contraire, l’arrogance de l’homme qui vit ‘comme si Dieu n’existait pas’, le porte à exploiter et à défigurer la nature, en ne reconnaissant pas en elle une oeuvre de la Parole créatrice. À partir de cette vision théologique, je désire répéter les affirmations des Pères synodaux, qui ont rappelé «qu’accueillir la Parole de Dieu témoignée dans l’Écriture Sainte et dans la Tradition vivante de l’Église, engendre une nouvelle manière de voir les choses, en promouvant une authentique écologie, qui plonge sa racine la plus profonde dans l’obéissance de la foi […], en développant une sensibilité théologique renouvelée à la bonté de toutes les choses créées dans le Christ».[352]L’homme a besoin d’être à nouveau éduqué à l’émerveillement et à reconnaître la beauté authentique qui se manifeste dans les choses créées.[353]

[352] Proposition 54.
[353] Cf. Benoît XVI, Exhort. apost. post-synodale Sacramentum caritatis (22 février 2007), n. 92: AAS 99 (2007), pp. 176-177.

La Parole de Dieu et la culture

La valeur de la culture pour la vie de l’homme

109 L’annonce johannique concernant l’Incarnation du Verbe révèle le lien indissoluble qui existe entre la Parole divine et les paroles humaines, à travers lesquelles elle se communique à nous. C’est à partir de cette considération que le Synode des Évêques s’est arrêté sur le rapport entre la Parole de Dieu et la culture. En effet, Dieu ne se révèle pas à l’homme de façon abstraite, mais en assumant des langages, des images et des expressions liés aux différentes cultures. Il s’agit d’un rapport fécond amplement attesté dans l’histoire de l’Église. Aujourd’hui, ce rapport entre dans une nouvelle phase due à l’extension et à l’enracinement de l’Évangélisation au sein des différentes cultures et aux développements les plus récents de la culture occidentale. Ceci implique avant tout la reconnaissance de l’importance de la culture comme telle dans la vie de tout homme. Le phénomène de la culture dans ses multiples aspects se présente, en effet, comme un élément constitutif de l’expérience humaine: «L’homme vit toujours selon une culture qui lui est propre, et qui, à son tour, crée entre les hommes un lien qui leur est propre lui aussi, en déterminant le caractère inter-humain et social de l’existence humaine».[354]

La Parole de Dieu a inspiré tout au long des siècles les différentes cultures en engendrant des valeurs morales fondamentales, des expressions artistiques de choix et des styles de vie exemplaires.[355]C’est pourquoi, dans la perspective d’une rencontre renouvelée entre la Bible et les cultures, je voudrais répéter à tous les acteurs du monde culturel qu’ils n’ont pas à craindre de s’ouvrir à la Parole de Dieu, qui ne détruit jamais la vraie culture, mais qui constitue un stimulant constant dans la recherche d’expressions humaines toujours plus appropriées et significatives. Toute culture authentique, pour être véritablement en faveur de l’homme, doit être ouverte à la transcendance, et finalement à Dieu.

[354] Jean-Paul II, Discours à l’UNESCO (2 juin 1980), n. 6: AAS 72 (1980), p. 738; La DC, n. 1788, p. 604.
[355] Cf. Proposition 41.

La Bible, un grand trésor pour les cultures

110 Les Pères synodaux ont souligné combien il importe de favoriser chez les hommes de culture une juste connaissance de la Bible, y compris dans les milieux sécularisés et parmi les non-croyants;[356] l’Écriture Sainte contient des valeurs anthropologiques et philosophiques qui ont influencé positivement l’humanité entière.[357] Il faut pleinement retrouver le sens de la Bible comme un grand trésor pour les cultures.

[356] Cf. Ibidem.
[357] Cf. Jean-Paul II, Lett. enc. Fides et ratio (14 septembre 1998), n.
FR 80: AAS 91 (1999), pp. 67-68.

La connaissance de la Bible dans les écoles et les universités

111 L’école et l’université constituent un cadre singulier de la rencontre entre la Parole de Dieu et les cultures. Que les Pasteurs aient une attention particulière à ces milieux, en promouvant une connaissance profonde de la Bible de telle façon que les fécondes implications culturelles, y compris pour notre temps, puissent être saisies! Que les centres d’études dépendant des entités catholiques apportent une contribution originale – qui doit être reconnue – à la promotion de la culture et de l’instruction! Il ne faut pas non plus négliger l’enseignement de la religion, en formant avec soin les enseignants. Dans de nombreux cas, celui-ci représente pour les étudiants une occasion unique de contact avec le message de la foi. Il est bon que, dans cet enseignement, soit promue la connaissance de l’Écriture Sainte, dissipant les préjugés, anciens et nouveaux, et cherchant à faire connaître sa vérité.[358]

[358] Cf. Lineamenta n. 23.

La Sainte Écriture à travers les différentes expressions artistiques

112 La relation entre Parole de Dieu et cultures a trouvé une expression concrète dans différents cadres, en particulier dans le monde de l’art. C’est pourquoi la grande Tradition de l’Orient et de l’Occident a toujours estimé les manifestations artistiques inspirées de l’Écriture Sainte, telles que par exemple les arts figuratifs, ou encore l’architecture, la littérature et la musique. Je pense aussi à l’antique langage exprimé par les icônes qui, à partir de la Tradition orientale, se diffuse progres-
sivement partout dans le monde. Avec les Pères synodaux, toute l’Église exprime sa considération, son estime et son admiration envers les artistes «épris de la beauté», qui se sont laissés inspirer par des textes sacrés; ils ont contribué à la décoration de nos églises, à la célébration de notre foi, à l’enrichissement de notre liturgie et, en même temps, beaucoup d’entre eux ont aidé à rendre de quelque façon perceptibles, dans le temps et dans l’espace, les réalités invisibles et éternelles.[359]J’exhorte les organismes compétents à promouvoir dans l’Église une solide formation des artistes à l’égard de l’Écriture Sainte à la lumière de la Tradition vivante de l’Église et du Magistère.

[359] Cf. Proposition 40.

La Parole de Dieu et les moyens de communication sociale

113 Au rapport entre Parole de Dieu et cultures, est liée aussi l’importance de l’utilisation attentive et intelligente des moyens de communication sociale, anciens et nouveaux. Les Pères synodaux ont recommandé une connaissance appropriée de ces instruments, en prêtant attention à leur développement rapide et à leurs différents niveaux d’interaction et en investissant plus d’énergies pour acquérir une compétence dans les différents secteurs, en particulier dans ce que l’on appelle les nouveaux médias, comme par exemple internet. Il existe déjà une présence significative de l’Église dans le monde de la communication de masse et le Magistère ecclésial s’est aussi exprimé à plusieurs reprises sur ce thème depuis le Concile Vatican II.[360] L’acquisition de nouvelles méthodes pour transmettre le message évangélique fait partie de la tension évangélisatrice permanente des croyants et, aujourd’hui, la communication étend un réseau qui enveloppe tout le globe, donnant un sens renouvelé à l’appel du Christ: «Ce que je vous dis dans l’ombre, dites-le au grand jour; ce que vous entendez dans le creux de l’oreille, proclamez-le sur les toits» (Mt 10,27). La Parole divine, outre sa forme imprimée, doit résonner aussi à travers les autres formes de communication.[361] C’est pourquoi, avec les Pères synodaux, je désire remercier les catholiques qui s’engagent avec compétence en vue d’une présence significative dans le monde des médias, en souhaitant un engagement encore plus large et plus qualifié.[362]

Parmi les formes nouvelles de communication de masse, un rôle croissant est aujourd’hui reconnu à internet qui constitue un nouveau forum sur lequel il faut faire résonner l’Évangile, avec la conscience, toutefois, que le monde virtuel ne pourra jamais remplacer le monde réel et que l’Évangélisation ne pourra profiter de la virtualité offerte par les nouveaux médias pour instaurer des relations significatives que si l’on arrive à un contact personnel qui demeure irremplaçable. Dans le monde d’internet, qui permet à des milliards d’images d’apparaître sur des millions d’écrans dans le monde, devra apparaître le visage du Christ ainsi que la possibilité d’entendre Sa voix, car «s’il n’y a pas de place pour le Christ, il n’y a pas de place pour l’homme».[363]

[360] Cf. Conc. OEcum. Vat. II, Décret sur les moyens de communication sociale Inter mirifica; Conseil Pontifical pour les Communications Sociales, Instr. pastorale Communio et progressio sur les moyens de communication sociale publiée selon les dispositions du Concile OEcuménique Vatican II (23 mai 1971): AAS 63 (1971), pp. 593-656; Jean-Paul II, Lett. apost. Le développement rapide des technologies dans le domaine des médias (24 janvier 2005): AAS 97 (2005), pp. 265-274; La DC, n. 2333, pp. 315-320; Conseil Pontifical pour les Communications Sociales, Instr. pastorale sur les communications sociales pour le 20e anniversaire de ‘Communio et progressioAetatis novae (22 février 1992): AAS 84 (1992), pp. 447-468; idem, L’Église en internet (22 février 2002): Ench. Vat. 66-95; idem, Étique en internet (22 février 2002): Ench. Vat. 21, n. 96-127.
[361] Cf. Message final, n. 11; Benoît XVI, Message pour la XLIIIe Journée mondiale des Communications sociales 2009; La DC, n. 2418, pp. 168-170.
[362] Cf. Proposition 44.
[363] Jean-Paul II, Message pour la XXXVIe Journée mondiale des Communications sociales 2002, n. 6; La DC, n. 2265, p. 203.


Verbum Domini FR 97