Vies de saints - III. - LETTRE A BASSULA (belle-mère de Sulpice Sévère)

III. - LETTRE A BASSULA (belle-mère de Sulpice Sévère)

Derniers jours, mort et funérailles de saint Martin

Sulpice Sévère à Bassula sa mère vénérable, salut.

S'il était permis de citer ses parents en justice, je t'accuserais certainement de pillage et de larcin; dans mon juste ressentiment, je te traînerais devant le tribunal du préteur. Comment ne pas me plaindre, en effet, du tort que tu me fais? Tu ne m'as laissé chez moi aucun papier, aucun livre, aucune lettre: tu voles tout, tu publies tout. Ai-je écrit à un ami une lettre familière? Ai-je par hasard, en me jouant, dicté quelque chose que je voudrais cependant tenir secret? Tout cela te parvient, presque avant d'avoir été écrit ou dicté. Évidemment, tu as à tes gages mes copistes, qui te communiquent mes inepties pour les publier. Et pourtant, je ne puis me fâcher contre eux, s'ils t'obéissent. Ils sont à ma disposition, mais grâce surtout à ta libéralité; ils se souviennent qu'ils sont encore à toi plutôt qu'à moi. C'est toi seule que j'accuse; car toi seule es coupable, toi qui oses me tendre des pièges et circonvenir perfidement mes copistes, pour te faire livrer sans choix des lettres familières ou des pages négligées, que je n'ai pu travailler à la lumière ni polir.

En effet, pour ne pas parler du reste, je demande comment a pu sitôt te parvenir la lettre que j'avais écrite naguère au diacre Aurelius. Moi, je demeure à Toulouse; toi, tu es à Trèves. Étant si loin, arrachée à ta patrie par l'inquiétude que te causait un fils, dans quelles circonstances as-tu donc pu dérober cette lettre familière? En tout cas, j'ai reçu ton message. Tu m'écris que dans la lettre en question, où j'ai mentionné la mort de saint Martin, j'aurais dû raconter le trépas même du bienheureux. Comme si, moi, j'avais publié cette lettre pour la faire lire par un autre que le destinataire! Ou comme si, moi, j'étais voué à cette tâche écrasante d'écrire à moi seul, pour le faire connaître, tout ce qu'on doit connaître de Martin! Si tu désires te renseigner sur la mort du saint évêque, interroge plutôt ceux qui y ont assisté; moi, j'ai résolu de ne rien t'écrire, dans la crainte que tu ne me publies partout. Néanmoins, si tu donnes ta parole de ne lire ceci à personne, je puis, en quelques mots, satisfaire ton désir, et te communiquer à cette condition ce qui pour moi est avéré.

Donc Martin eut longtemps à l'avance le pressentiment de sa mort, et il dit aux frères que la dissolution de son corps était imminente. Sur ces entrefaites, il eut une raison d'aller visiter la paroisse de Condate. Les clercs de cette Église n'étant pas d'accord entre eux, il désirait y rétablir la paix. Il n'ignorait pas que la fin de ses jours approchait; cependant, il ne refusa pas pour cela de partir, estimant que ce serait un beau couronnement à sa vie de vertu, s'il rendait et léguait la paix à une Église. Il partit donc, accompagné, comme toujours, de très nombreux disciples qui formaient un saint cortège.

Sur le fleuve, il vit des plongeons poursuivre des poissons, saisir tout à coup leur proie, et s'en repaître avec rapacité. «Voilà, dit-il, une image des démons: ils guettent les imprudents, les saisissent par surprise, dévorent leurs victimes, ne peuvent se rassasier dans leur voracité». Puis, de son verbe puissant, il commanda aux oiseaux de quitter les eaux tourbillonnantes où ils plongeaient, de gagner des régions arides et désertes. Il s'adressait à ces oiseaux sur le ton impérieux dont il usait ordinairement pour mettre en fuite les démons. Alors, s'attroupant, tous les plongeons se réunirent; tous ensemble quittèrent le fleuve pour gagner les montagnes boisées, au grand étonnement de nombreux spectateurs, frappés de voir en Martin une puissance si grande qu'il commandait même aux oiseaux.

Il séjourna quelque temps dans le bourg ou dans l'église qu'il était allé visiter. La paix rétablie entre les clercs, il songeait à revenir au monastère, quand les forces de son corps commencèrent tout à coup à l'abandonner. Il convoqua les frères, et leur déclara qu'il allait mourir. Alors, chagrin et deuil de tous. D'une seule voix, on lui répondit en se lamentant: «Pourquoi nous abandonnes-tu, père? Et à qui nous laisses-tu, nous que tu veux quitter? Sur ton troupeau se jetteront des loups rapaces; qui nous préservera de leurs morsures, une fois notre pasteur frappé? Nous savons que tu désires aller vers le Christ: mais Il te réserve ta récompense, qui, pour être différée, n'en sera pas diminuée. Aie pitié de nous, que tu abandonnes». Ému par ces lamentations, et, comme toujours, tout entier dans le Seigneur, tout débordant de miséricorde, Martin pleura, dit-on. Puis, il se tourna vers le Seigneur, répondant seulement par ces mots à ceux qui se lamentaient: «Seigneur, si je suis encore nécessaire à ton peuple, je ne refuse pas de souffrir. Que ta Volonté soit faite!» Rien d'étonnant à ce qu'il ait presque hésité entre l'espérance et l'affliction: il ne savait que préférer, ne voulant ni abandonner ses fidèles, ni être séparé plus longtemps du Christ. Faisant abstraction de son désir, ne laissant rien à sa volonté, il s'en remit tout entier à la décision et à la Puissance du Seigneur. Il pria en ces termes: «Ils sont durs, Seigneur, les combats qu'il faut livrer dans son corps pour ton service; et j'ai assez des luttes que j'ai soutenues jusqu'ici. Mais, si Tu m'ordonnes de peiner encore pour monter la garde devant ton camp, je ne refuse pas, je n'alléguerai pas pour excuse l'épuisement de l'âge. Je me dévouerai à la tâche que Tu m'imposeras; sous tes étendards, aussi longtemps que Tu l'ordonneras Toi-même, je servirai. Sans doute, un vieillard souhaiterait son congé après une vie de labeur, mais l'âme est capable de vaincre les années et saura ne pas céder à la vieillesse. Si dès maintenant, Tu ménages mon grand âge, c'est un bien pour moi, Seigneur, que ta Volonté. Quant à ces fidèles, pour qui je crains, Tu sauras les garder Toi-même.»

Homme aux vertus ineffables, qui n'a pas été vaincu par la peine et ne pourrait être vaincu par la mort: il n'a pas voulu se laisser pencher d'aucun côté, ne craignant pas de mourir et ne refusant pas de vivre.

Déjà, depuis plusieurs jours, il était en proie à une fièvre ardente; et, cependant, il ne cessait pas de vaquer à l'oeuvre de Dieu. Il passait les nuits en prières et en veilles, forçant ses membres épuisés à servir son âme, couché sur son beau lit de cendre couvert d'un cilice. Ses disciples le priant de permettre que l'on glissât au moins sous lui de grossières couvertures: «Il ne convient pas, dit-il, qu'un chrétien meure autrement que sur la cendre. Moi, si je vous laissais un autre exemple, j'aurais péché». Cependant, les yeux et les mains toujours tendus vers le ciel, l'âme invincible, il priait sans relâche. Des prêtres qui alors étaient venus le voir, insistaient pour qu'il reposât son corps en changeant de côté: «Laissez-moi, dit-il, mes frères, laissez-moi regarder le ciel plutôt que la terre, pour mettre dès maintenant mon âme droit dans le chemin qui doit la conduire au Seigneur». Comme il venait de parler, il vit que le diable était debout près de lui: «Eh bien! dit-il, pourquoi te tiens-tu ici, bête sanguinaire? Tu ne trouveras rien en moi qui t'appartienne, maudit. C'est le sein d'Abraham qui va me recevoir.»

En disant ces mots, il rendit l'âme. Des gens qui étaient là m'ont attesté qu'ils avaient vu alors son visage transfiguré, comme le visage d'un ange. Ses membres semblaient blancs comme la neige, au point que l'on disait: «Croirait-on qu'il se soit jamais couvert d'un cilice et roulé dans la cendre?» En effet, tel était alors l'aspect de Martin, qu'il semblait se montrer dans la gloire de la résurrection future et d'une nature autre, avec une chair nouvelle.

Pour suivre le cortège des funérailles, accourut une multitude incroyable de personnes. Tout entière, au-devant du corps, se précipita la cité (de Tours). Tous les habitants des campagnes et des bourgs étaient là, même beaucoup de gens venus des villes voisines. Oh! combien grand était le deuil de tous! Et surtout, quelles lamentations des moines éplorés! Ce jour-là, dit-on, ils étaient venus près de deux mille, eux, la gloire spéciale de Martin: tant, à son exemple, pour le service du Seigneur, l'arbre planté par lui avait poussé de branches. Et le pasteur poussait devant lui ses troupeaux, la cohue pâle de cette sainte multitude, ces bataillons de gens en pallium, vétérans vieillis au service de Dieu ou conscrits récemment assermentés aux sacrements du Christ. Puis venait le choeur des vierges. Par pudeur, elle s'interdisaient de pleurer; mais comme, sous leur sainte allégresse, elles dissimulaient leur douleur! Si la foi les empêchait de pleurer, le regret leur arrachait des gémissements. En effet, autant étaient saints leurs transports de joie pour la gloire de leur évêque, autant était légitime le chagrin que leur causait sa mort. On pouvait pardonner à leurs larmes, on pouvait se réjouir avec elles de leur joie; car, si chacun avait le droit de pleurer pour soi, il avait le droit de se réjouir pour Martin.

Le corps du bienheureux fut accompagné solennellement, jusqu'au lieu de la sépulture, par cette foule qui chantait des hymnes célestes. Qu'à ce cortège on compare, si l'on veut, les fameuses pompes profanes, je ne dirai pas de funérailles, mais d'un triomphe: y trouvera-t-on rien de semblable aux obsèques de Martin? Ces triomphateurs peuvent conduire devant leurs chars les captifs les mains liées sur le dos: le corps de Martin est escorté par ceux qui, sous sa conduite, ont vaincu le monde. Ceux-là peuvent être honorés par les applaudissements confus de peuples en délire: Martin a pour applaudissements les psaumes de Dieu, Martin est honoré par le chant des hymnes du ciel. Ceux-là, après leurs triomphes, sont précipités dans l'horrible tartare: Martin est reçu rayonnant dans le sein d'Abraham. Martin, pauvre ici-bas et de fortune modeste, entre riche au ciel. De là, je l'espère, il nous protège et nous regarde tous deux: moi qui écris ceci, et toi qui le lis.



LA VIE DE SAINT PAISIOS LE GRAND

fêté le 19 Juin

Païsios le juste et ascète était originaire de l'Égypte. Il naquit vers l'an 300 après Jésus Christ, de parents pieux, vertueux et enrichis de moeurs bonnes et chrétiennes, qui avaient sept enfants, semblables à eux par leurs moeurs et leurs vertus. Leur richesse était assez grande, suffisant non seulement à leurs besoins, mais aussi pour aider les nécessiteux. En effet, plus ils donnaient aux pauvres ce qu'ils possédaient, plus Dieu le leur rendait et multipliait leurs biens. Son père mourut, et tout le souci des enfants et des biens revenait désormais à la mère; et surtout, c'est Païsios qui leur procurait le plus de souci, car il était le plus petit de tous les enfants.

La charge des enfants procurait souvent de la tristesse à la mère, jusqu'à ce qu'il lui apparaisse une nuit un ange du Seigneur qui lui dit: "Dieu, le Père des orphelins, m'a envoyé te dire: pourquoi t'attristes-tu autant pour la charge de tes enfants, comme si tu en avais toi seule le souci, et non pas Dieu? Ne sois donc pas triste, mais consacre à Dieu un de tes fils, par lequel sera glorifié son très saint Nom toujours glorifié." Ayant entendu cela, la femme lui dit: "Tous mes enfants sont à Dieu, qu'Il prenne celui qu'Il veut." Alors, tenant Païsios par la main, l'ange dit: "C'est celui-ci qui plaît à Dieu." Elle dit encore à l'ange: "Celui-ci n'est pas apte au service de Dieu; c'est pourquoi prends de préférence l'un des plus âgés, celui qui veut être apte." L'ange dit: "Toi, excellente femme, tu dis que Païsios n'est pas apte au service de Dieu, à cause de son bas âge; sache cependant que la Force de Dieu se manifeste habituellement aux faibles. Car celui-ci plus petit que les autres, est l'élu de Dieu et Lui plaira." Ayant dit cela, l'ange partit. Réveillé du sommeil et émerveillé de l'annonce divine, la femme glorifia Dieu, disant: "Seigneur, que ta Miséricorde soit sur nous, et sur ton serviteur Païsios." C'est en ces termes qu'elle priait, et remerciait Dieu. Ensuite, elle prit l'enfant et le consacra à Dieu.

Le divin Païsios, puisqu'il craignait Dieu, tout en grandissant en âge, grandissait aussi selon la divine grâce: son coeur fut blessé de l'Amour divin et il désira la vie monastique. Ayant donc atteint l'âge requis pour travailler aux commandements du Seigneur, il fut conduit par la grâce divine, comme un agneau innocent, en se rendant au désert vers le berger des brebis spirituelles, le divin Pambo. Ayant le don de clairvoyance, celui-ci connut d'avance l'avenir de Païsios et le recevant avec beaucoup de joie, il le revêtit du grand Schème monastique, puisqu'il était un vase d'élection de la divine grâce, Païsios était guidé par elle dans chaque vertu. Et tout d'abord, il réussit bien dans la lutte de l'obéissance et de la patience, et accomplissant tout ce que lui ordonnait son père spirituel. Ensuite, il se donna à plus d'austérité et d'ascèse, désirant atteindre le niveau des parfaits.

Notre divin père Pambo, voyant son désir d'exploits plus élevé lui dit: "Enfant Païsios, il n'est pas permis au lutteur débutant d'arrêter son regard sur le visage d'un homme, mais il doit toujours incliner la tête vers le bas, et avoir sans cesse son esprit tourné vers les choses célestes, imaginant les beautés et les merveilles de la Gloire indicible de Dieu, et par cette contemplation glorifier la toute-puissante Bonté de notre Dieu bienfaiteur." En entendant les paroles salutaires de son abbé, Païsios fut tout entier rempli de désir divin, d'où il mit en oeuvre le commandement, si bien qu'il passa trois ans sans jamais regarder un homme en face, mais se vouait tout entier à la lecture des divines Écritures et à l'étude des sens divins, comme de sources fraîches, il en abreuvait et rafraîchissait son âme. Et, pour mieux m'exprimer, comme dit le prophète David, il était "comme l'arbre planté près des eaux courantes qui donne sont fruit en son temps et dont jamais le feuillage ne tombe, et tout ce qu'il fait réussira." (Ps 1,3)

Il avait l'habitude de répéter souvent et avec beaucoup de désir ce verset de David: "Que tes paroles sont douces à mon palais, plus que le miel à ma bouche." (Ps 118,104)

Mais Païsios, priant ainsi sans cesse, selon l'Apôtre, affligeait et tourmentait son corps avec des jeûnes et des veilles, et il l'avait soumis aux volontés de l'âme. Et le divin Pambo, le voyant si enthousiaste pour l'ascèse spirituelle et les vertus, le traitait paternellement et le guidait attentivement à ce qui plaît à Dieu, ainsi le conduisant pieusement, il le révéla expérimenté et éprouvé aussi bien dans la pratique que dans la théorie. Puisque la fin de l'abbé arriva et qu'il était pressé désormais de parvenir aux biens célestes dont il désirait jouir depuis longtemps, il fut transporté de la terre vers les choses célestes, ayant béni Païsios avec beaucoup de souhaits, et dit beaucoup de prophéties à son sujet; ainsi, alors que Pambo partit pour jouir des douces espérances qu'il avait eues, moi, l'humble Jean, l'auteur du présent récit, je restai avec Païsios, ensemble dans la même cellule, tous deux ayant la même opinion, et ayant la même vie et le même régime, selon la règle que nous avions reçue de notre père spirituel, nous soutenant l'un l'autre dans la vertu et ayant tous deux soin du salut de notre âme.

Peu de temps après; réchauffé par la chaleur du saint Esprit, Païsios luttait avec une conduite plus élevée, et commença à jeûner toute la semaine, ne mangeant que le samedi un peu de pain et du sel. Les autres jours de la semaine, au lieu de se nourrir de pain matériel, il se contentait de pain spirituel, c'est-à-dire de la parole de Dieu. Il lisait souvent et méditait la prophétie du sublime Jérémie, qui lui apparut de nombreuses fois, comme on le dit, et lui expliquait les sens cachés de la prophétie, et avec cela l'incitait au désir et à l'amour des biens promis. Mais puisqu'il regardait toujours en avant, selon le divin Paul, c'est-à-dire qu'il était toujours pressé d'exerces aussi d'autres vertus et n'était pas satisfait des précédentes, il ajouta une autre semaine de jeûne à celle qu'il avait jusqu'alors. Il jeûnait deux semaines de suite, et le samedi, il mangeait la nourriture habituelle c'est-à-dire un peu de pain et du sel. Le plus merveilleux était que personne ne connaissait sa vie angélique, hormis Dieu qui voit dans le secret. D'où, capté par l'amour de la quiétude, il aimait seulement prier et converser toujours seul à seul avec Dieu, et, par les rayons qu'Il lui envoyait, s'approcher de la suprême Bonté, qui est le Dieu tout-parfait.

Sachant donc que le divin Païsios avait des pensées de se retirer seul, bien que sa séparation de moi était une chose insupportable, je fis une tentative pour savoir d'où venait ce mode de quiétude: de l'ordre de Dieu, ou de sa seule volonté? D'où je lui dis: "Frère Païsios, je vois que tu es animé par l'amour de la quiétude. Sache bien que j'ai moi aussi le même désir, mais je ne sais pas d'où nous est venue une telle pensée. Viens donc, demandons au Dieu miséricordieux de nous révéler sa sainte Volonté, et agissons selon sa Volonté: soit que nous nous retirons ensemble en un lieu, soit que nous nous séparons l'un de l'autre." Ayant entendu cela, Païsios répondit: "Tu as bien dit, mon bien-aimé Jean, faisons ainsi, afin que notre zèle pour la quiétude soit accepté par Dieu, et libre de tout doute.

Ayant dit cela, nous passâmes cette nuit-là à veiller et demander ardemment à Dieu de nous révéler sa Volonté. Le Dieu bon et compatissant exauça notre supplication et à l'heure des Matines, un ange divin nous apparut en disant: "Dieu ordonne que vous vous sépariez, et que vous ayez chacun une demeure à part. Toi, ô Jean, reste en ce lieu et deviens pour beaucoup un guide vers le salut; et toi, ô Païsios, serviteur du Christ, quitte ce lieu et avance vers le côté ouest du désert, où se rassemblera pour ta grâce une foule innombrable, dit le Seigneur; un monastère sera construit là et le Nom du Seigneur sera glorifié en ce lieu."

Ayant dit cela, l'ange disparut. Obéissant à son ordre, nous nous séparâmes l'un de l'autre, et je restai à cet endroit-là, alors que Païsios, partant vers l'ouest lima un rocher, et ayant fait une grotte, il s'y installa et il devint si familier et ami de Dieu par sa grande pureté et sa noble conduite, que le Christ Lui-même lui apparaissait souvent et le guidait vers les vertus comme le récit nous le révélera.

Un jour, alors que le divin Païsios était assis dans sa grotte et glorifiait Dieu, notre Sauveur lui apparut disant: "Paix à toi mon bien-aimé, serviteur Païsios." Se levant tout tremblant, celui-ci dit: "Voici ton serviteur, que désires-tu, Maître, et quelle est la raison de ta Condescendance envers moi?" Le Seigneur lui répondit: "Vois-tu ce désert, qui est si long et si large? Je le remplirai tout entier, par ton intermédiaire, d'ascètes glorifiant mon Nom." Tombant alors à terre, l'élu de Dieu Païsios dit: "ces choses que Tu dis, Maître Seigneur, sont soumises à ta Main puissante, d'où tu les obtiens dès que tu les désires; cependant je demande à ta Bonté, d'où les lutteurs dans ce désert auront-ils ce qui leur est nécessaire?" Le Sauveur répondit: "crois-moi, si ceux qui habiteront ici ont entre eux l'amour, la mère des vertus, et gardent mes commandements, je prendrai soin d'eux, et rien de nécessaire ne leur manquera." Ensuite, le divin Païsios lui dit: "Encore une fois j'ai quelque chose à demander à ta Bonté: "Comment pourront-ils vaincre facilement les pièges de l'ennemi et être délivrés des terribles tentations?" Le Sauveur dit:" S'ils gardent comme Je te l'ai dit, mes commandements avec douceur et un coeur humble, non seulement je les délivrerai des attaques de l'ennemi et de ses pièges fourbes, mais aussi Je les ferai héritiers du royaume des cieux." Ayant dit cela, le Sauveur monta aux cieux en gloire, et le divin Païsios servit Dieu avec plus de crainte, respectant la Condescendance du Sauveur envers lui.

Mais que prépare l'ennemi envieux? Voyant que le divin Païsios passait à travers ses pièges et restait indemne de ses attaques, il grinçait des dents, et ne pouvant pas l'approcher à cause de la force qu'il avait reçu de Dieu, il entreprit de le vaincre avec fourberie d'une autre manière: il voulut tenter de lui ôter la vertu de la déposition puis la divine grâce, et ainsi s'approcher de lui et le vaincre. D'où le malin se présenta à un certain riche d'Égypte apparaissant sous forme d'ange, et lui dit: "Va au désert, où tu trouvera un homme pauvre, du nom de Païsios, riche cependant et brillamment revêtu de vertus, et vase d'élection de la divine grâce; prosterne-toi devant lui en lui offrant avec largesse beaucoup d'argent, afin qu'il le distribue en aumône aux moines qui pratiquent l'ascèse dans ce lieu." Ne reconnaissant pas le piège du démon, le riche prit avec lui un chargement d'or et d'argent et alla trouver le saint.

Mais Dieu révéla à son serviteur l'attaque du démon, et le piège qu'il lui avait tendu à travers le cadeau du riche. D'où le saint se leva aussitôt et alla à la rencontre du riche. Alors, dès que celui-ci le vit, il lui demanda: "Qui est Païsios, et où se trouve-t-il ?" Païsios lui dit: "Que veux-tu de lui?" Le riche lui répondit: "je lui ai apporté de l'argent, pour qu'il le distribue en aumône aux moines." Le saint lui dit: "Pardonne-nous, ami du Christ, car nous n'avons aucun besoin d'argent quand nous voulons demeurer dans ce désert; seulement prends-le ,va en paix et ne t'attriste pas. Car Dieu acceptera ton offrande si cet argent que tu as apporté pour les moines, tu le distribue aux pauvres; car dans les régions de l'Égypte, il existe beaucoup d'indigents,de veuves et d'orphelins. Si tu veux t'occuper d'eux, Dieu multipliera ta récompense." Obéissant aux paroles du saint, le riche retourna en Égypte.

Quand Païsios retourna à sa grotte, le diable lui apparut et lui dit: " violence, je ne peux, Païsios, rien te faire, car tu as vaincu mes pièges; je te quitte donc et je vais en attaquer d'autres; à toi je ne reviens plus car j'ai été vaincu." Le saint le réprimanda disant: "Tais-toi, démon, car tu es plein de méchanceté." Il fut ainsi chassé avec mépris et n'osa plus s'approcher de lui. Le divin Païsios partit pour le désert intérieur, et, de corps il demeurait là menant une vie si dure et presque incorporelle. Il méditait sur les choses célestes et discourait avec le Christ. D'où l'Esprit divin qui demeurait en lui le rendit contemplatif des trésors célestes et de l'allégresse dont jouissent les justes.

Un jour, alors qu'il priait, il entra en extase, ravi au ciel. Tout d'abord, il contempla les beautés délicieuses du paradis, rempli de joie et d'allégresse; ensuite il vit aussi l'Église des premiers-nés, qui se trouve aux cieux, c'est-à-dire tous les saints. Participant à ce délice et cette jouissance immatérielle de cette vision, il reçut de Dieu le don de la tempérance et de l'abstinence: communiant aux immaculés mystères chaque dimanche, il restait à jeûn toute la semaine jusqu'au dimanche suivant, où il communiait à nouveau aux immaculés mystères. Il vivait seulement de la sainte communion, sans aucune autre nourriture. Que quiconque est convaincu de la parole divine, ne doute aucunement de la vérité de ce qui est dit, car tout est soumis à la Volonté divine; c'est avec les divins mystères, sans nourriture corporelle, qu'il passa soixante-dix années. Cela n'est cependant pas impossible à la puissance indicible de Dieu. En effet, la nourriture corporelle, la nature la recherche pour la constitution des corps, mais la puissance de Dieu, qui ne se soumet pas du tout aux lois de la nature, donne assurément ce charisme à ceux qui sont au-dessus de la nature, comme l'était ce divin Païsios. Ce charisme est au-dessus de la force et de la nature humaine. C'est de cette façon - au-dessus de toutes les lois de la nature - qu'il garde le prophète Elie sans nourriture jusqu'aujourd'hui, et qu'il le gardera jusqu'aux derniers temps. Voilà pour la démonstration de ce charisme surnaturel.

Une multitude innombrable de moines et de laïcs accouraient vers le divin Païsios, désirant demeurer avec lui, et qui, l'entourant tel les abeilles le miel, jouissaient insatiablement du miel spirituel et de son enseignement très doux, auquel ils prenaient plaisir et pour lequel ils quittaient le monde et les choses du monde, et chaque jour le nombre des moines augmentait. D'où à ceux qui désiraient se retirer seuls, il enseignait à parler avec Dieu par la prière; et à ceux qui voulait être sous la soumission et l'obéissance, il enseignait la vie bienheureuse en communauté, à vivre avec d'autres frères, donnant à chacun un travail qui lui convenait; d'une part pour qu'ils ne restent pas désoeuvrés, mais qu'il s'exercent, afin que leur corps soit apte aux labeurs des vertus, d'autre part pour qu'ils gagnent ce qui est nécessaire pour la vie terrestre aux pauvres. Par-dessus tout, il leur donna l'ordre sévère de ne rien faire, ni même la moindre chose, en suivant leur volonté propre, mais avec l'avis et la permission de leur père spirituel. C'est ainsi qu'il enseignait et avait soin des frères. Quant à l'ascèse qu'il pratiquait lui-même dans le silence et la solitude, qui peut la décrire avec exactitude?

Le divin Païsios partit un jour pour le lointain désert, et ayant trouvé là une grotte, il y demeura trois ans; puisque les cheveux de sa tête poussaient beaucoup, le bienheureux planta un piquet au fond de sa grotte et y attacha ses cheveux: ainsi il priait plus gravement et plus péniblement; et il s'adonnait à beaucoup d'autres luttes et peines nuit et jour, et, réchauffé par l'Amour du Christ, il considérait comme un repos ces luttes incessantes. C'est pourquoi notre Sauveur lui apparut, comme Il l'a promis dans le saint évangile. Un jour que Païsios priait, notre Sauveur se trouva devant lui, ce qui est le plus désiré parmi toute chose. Ne pouvant pas voir son divin Visage, le saint tomba à terre effrayé et tremblant? Le Sauveur - ô quel amour indicible, Christ-Roi, tu montres à tes serviteurs! - étendit sa Main, le releva et lui dit: "Paix à toi mon serviteur. ne crains pas, car ma Bonté se réjouit de tes oeuvres, et ta prière m'est particulièrement agréable; réjouis-toi donc et reçois une brillante récompense pour tes oeuvres? Voici que Je te donne ce charisme: tout ce que tu demanderas en mon Nom, tu le recevras; en outre, à tous les pécheurs pour qui tu intercéderas auprès de moi, que leurs péchés soient pardonnés.

Entendant ces paroles du Seigneur, saint Païsios dit: "Christ-Roi, puisse-je être digne, moi le misérable de recevoir ce charisme de ta Bonté, c'est-à-dire qu'il me soit donné la grâce de demander ce qui m'est nécessaire pour que je passe facilement sur les chemins salutaires de tes commandements, afin d'avoir une bonne fin, car sans ta Providence il ne nous est possible d'accomplir aucun bien; car si Toi, Tu as versé ton Sang vénérable pour notre salut, que Tu as accepté de subir la mort et le tombeau, et que par ta résurrection tu nous a donné la vie éternelle, combien de morts devons-nous subir pour ton Amour?" Quand Païsios dit cela, le Sauveur le bénit et remonta aux cieux. Le fait que le saint a véritablement reçu de Dieu un tel charisme, on en verra la preuve par le récit suivant .

Le disciple d'un certain vieillard mourut; égaré par le diable envieux, ce disciple se trouvait dans le péché de l'insoumission et de la désobéissance; le pire était qu'il avait commis un autre péché dont le malheureux ne s'était pas repenti. Son supérieur donc suppliait souvent Dieu de lui révéler où a abouti l'âme de son disciple négligent; d'où il lui apparut qu'il était châtié en enfer avec des tourments pénibles et durs. Alors, extrêmement blessé au coeur, il ne cessait pas de supplier Dieu pour lui, et ajoutant un autre jeûne à celui qu'il faisait déjà, il resta quarante jours à jeûn. Et alors il entendit une voix qui lui disait: "Cette âme pour laquelle tu supplies ardemment, doit être en enfer, jusqu'à ce que J'arrive avec les anges et les trompettes, et alors elle recevra ce qu'elle mérite pour ses oeuvres." Entendant cette décision, le vieillard s'affligea beaucoup et aux quarante jours il en ajouta encore quarante, jeûnant, se tourmentant et suppliant Dieu. mais il entendit à nouveau de la part de Dieu: "qu'il reste en enfer jusqu'à ce que J'arrive sur les nuées."

Donc, puisqu'il ne put pas persuader la Miséricorde divine de lui pardonner, il courut au désert plus profond vers Païsios, connaissant l'assurance que celui-ci avait auprès de Dieu, et espérant qu'il pourrait apaiser Dieu. Connaissant par la grâce divine l'arrivé de l'ancien, le saint sortit à sa rencontre, et après leur salutation, il lui dit: "Pourquoi, père, t'es-tu fatigué à venir à moi le misérable et pécheur?" Le vieillard lui raconta le malheur de son disciple, ses supplications à Dieu pour lui, la décision qu'il entendit, à savoir qu'il doit souffrir en enfer jusqu'à l'avènement du Seigneur, et lui dit: "Voilà pourquoi je suis venu supplier ta sainteté de compatir avec moi le misérable et de supplier Dieu pour mon malheureux disciple, car je crois que si tu Le supplies, Il t'écoutera; donc ne me laisse pas dans la douleur, mais supplie-Le, sinon je ne pars pas d'ici."

Ayant dit cela, ce bon vieillard persuada plus par ses larmes que par ses paroles le grand Païsios de prier Dieu et d'attirer sa Miséricorde. Le saint dit au vieillard: " vénérable, il ne m'est pas possible d'entreprendre une telle oeuvre; car c'est une oeuvre qui appartient à toi et à ton génie; mais si pour le moment Dieu ne t'écoute pas pour les raisons que Lui seul sait - car ses jugements sont un grand abîme - cependant pour que je ne désobéisse pas à ta demande, voici je supplie Dieu avec ta sainteté, et qu'il soit fait ce qui Lui plaît. Donc toi, reste dans ce lieu, prie Dieu, et moi j'avance dans le désert plus profond pour le prier. Comme le saint arriva à l'endroit voulu, il se mit en prière, et élevant les mains et l'esprit au ciel, il dit: "Créateur de toutes choses, penche-Toi sur les supplications de tes serviteurs indignes, et Toi qui es bon, délivre des liens de l'enfer l'âme du disciple du vieillard."

En priant Dieu de cette manière, il n'était pas possible qu'il ne fût pas écouté, selon la promesse qu'il avait reçue, mais aussitôt le Christ, qui est invisiblement partout présent, lui apparut et lui dit: "Que demandes-tu de toute ton âme, ô Païsios?" Celui-ci lui répondit: "Toi, Seigneur, qui sais toutes choses, Tu sais que je Te demande d'avoir pitié du disciple désobéissant et pécheur du vieillard, qui souffre, hélas! en enfer, le malheureux; donc je Te supplie, exauce-moi ton serviteur, et Toi qui es bon et très miséricordieux, délivre-le." Le Sauveur lui dit alors: "Moi J'ai décidé qu'il reste en enfer et qu'il souffre à cause de sa désobéissance et de son péché, jusqu'à ce que J'arrive sur les nuées avec les anges." L'élu de Dieu Païsios, priant plus ardemment le Sauveur, Lui dit: "Maître de toutes choses, il n'existe rien qui ne se soumette pas à ton ordre, quand Tu le veux; il T'est facile, à Toi le Maître des siècles et l'Auteur de tous les êtres de faire maintenant la même choses que lors de ton futur avènement."

Entendant cela, le Sauveur monta aux cieux. Ensuite Il descendit sur des nuées avec beaucoup de gloire, avec des anges, des archanges et des trompettes, avec les choeurs des justes et toutes ces puissances avec lesquelles Il viendra au dernier jour du jugement. Ensuite des trônes et des sièges redoutables se placèrent, puis fut appelée l'âme du disciple défunt, qui remonta de l'enfer et s'étant présentée au Juge fut remise aux mains de Païsios; ensuite elle fut remise à son supérieur, qui, à cet instant-là priait avec beaucoup d'ardeur ( comme ils s'étaient mis d'accord auparavant, à savoir qu'ils prieraient tous les deux ). Alors l'ancien entendit une voix d'en haut disant: "Reçois l'âme de ton disciple des mains de mon serviteur Païsios; elle a été délivrée de l'enfer et tu ne la verras plus dans les tourments mais dans le repos. Aussitôt arriva l'âme du disciple; elle se présenta devant le vieillard et confessa qu'elle avait beaucoup souffert des tourments de l'enfer à cause de la désobéissance, puisque c'est à cause de celle-ci qu'il tomba dans le péché et qu'il souffrit les malheurs de l'enfer; mais que le Dieu ami de l'homme l'avait prise en pitié par les prières du vieillard et du divin Païsios, et l'avait délivrée des liens de l'enfer, et que maintenant il se trouvait dans la demeure des justes.

Ces choses apparurent au vieillard au moment de sa prière; dès qu'il fut informé du salut de son disciple ils se rendit au grand Païsios, trouva celui-ci remerciant Dieu pour le salut du disciple défunt, et lui révéla sa vision. Païsios, lui, raconta à son tour au vieillard la redoutable venue du Seigneur et tout ce qu'il avait vu, et ils remercièrent ensemble Dieu, qui avait accomplit de telles merveilles. Ensuite le vieillard dit à Païsios: "Je te remercie beaucoup, divin Païsios, car par tes prières tu n'as pas seulement sauvé mon disciple en détresse, mais aussi mon âme qui risquait un grand malheur à cause de la tristesse. Aussi je te demande de me dire quelle est ton oeuvre admirable et quelles sont tes luttes, qui t'ont rendu digne de recevoir de tels charismes."

Alors le grand Païsios lui dit avec beaucoup d'humilité: "Pardonne-moi, vénérable père, il ne se trouve en moi le misérable, aucune oeuvre qui soit digne d'une telle grâce; mais la Providence divine, qui accorde de telles merveilles à ceux qui demandent de l'aide de tout leur âme, a exaucé tes supplications et ne s'est pas détournée du grand amour que tu as montré envers ton disciple, car tu as imité par tes oeuvres le Dieu Ami de l'homme, qui, pour nous hommes - exclus du paradis pour notre désobéissance et devenus ennemis de Dieu par l'égarement du malin - est né de la toujours Vierge Marie, a été élevé comme enfant, a souffert comme homme, et nous a délivrés par sa passion, nous montrant un si grand amour qu'Il a même montré en pratique qu'il n'existe aucune vertu aussi grande que l'amour véritable, qui fait qu'on sacrifie sa vie pour ses amis, comme tu l'as fait toi aussi, père, pour ton disciple, et c'est pourquoi le Seigneur a exaucé ta supplication et a sauvé celui-ci. Mais moi je suis un homme pécheur, et je ne vois en moi rien de bien, et c'est pourquoi je suis indigne des charismes de Dieu. Pardonne-moi donc, ô âme bénie, et viens avec moi rendre grâce et glorifier Dieu le seul compatissant et Ami de l'homme." Lorsqu'il eut dit cela avec humilité, ils glorifièrent ensemble Dieu le Donateur de tous les biens; ensuite se bénissant l'un l'autre et se saluant, chacun retourna dans sa demeure.

Notre père Païsios, oubliant ce qui est derrière, selon le divin Paul, et poursuivant ce qui est devant, s'adonna à des luttes plus durs et parcourait le désert aride, d'une part pour oublier les hommes, qu'ils ne voient pas ses luttes, d'autre part pour jouir, sans être dérangé, du miel de la quiétude. Cependant Dieu ne laissa pas au désert cette lanterne si lumineuse, mais voulant illuminer d'autres avec la lumière de son enseignement et les conduire au salut, Il lui ordonna de se rendre au désert extérieur afin qu'il affermisse les frères qui s'y trouvaient et qu'il leur enseigne à imiter sa vertu et aimer sa vie sainte et angélique. Le saint dit: " Quel gain recevrai-je, ô mon Seigneur, si je quitte le désert, ou je jouis avec joie de ma propre solitude, et que j'aille rendre visite aux autres sur lesquels je ne suis pas encore capable de veiller? car je crains, Maître, que si je suis chargé de leur direction, je ne puisse pas accomplir correctement tes commandements, et que je sois condamné, le misérable, pour ma négligence." Que lui répondit le Sauveur? "Non, lui dit-Il, tu n'auras pas la même récompense pour la peine que tu prendras en te soumettant pour le salut des autres, que pour la peine que tu prends ici au désert; mais tu recevras pour celle-là de multiples récompenses dans la Jérusalem d'en haut." Alors le divin Païsios descendit au désert extérieur, selon l'ordre reçu de Dieu. Apprenant sa venue, les frères accoururent à lui en grand nombre et écoutaient son doux enseignement; car en vérité son enseignement était une source intarissable, une eau d'immortalité qui jaillissait.

D'où, désirant moi aussi le voir (dit le vénérable Jean) - car je pouvais jouir de la divine grâce par sa seule contemplation- je me rendis chez lui, et avant de frapper à la porte de sa cellule, je l'entendis converser avec une autre homme. Alors n'osant pas frapper, je me tins à l'extérieur. Je fis cependant un peu de bruit, que le vénérable père entendit, et étant sorti, il me vit et nous nous embrassâmes tout joyeux. Ensuite entrant avec lui dans sa cellule et n'y voyant personne d'autre, je fus étonné et me demandais qui pouvait bien être celui qui parlait avec le saint un peu plus tôt. D'où je regardais de tous les côtés pour voir quelqu'un? Alors le saint me demanda: "Pourquoi regardes-tu ici et là et t'étonnes-tu comme si tu voyais quelque choses d'étrange?" Je lui répondis alors: "En vérité je vois une chose étrange et dans ma surprise je ne sais que dire. En effet, il y a quelques instants j'ai entendu la voix d'un autre homme qui discutait avec toi, et maintenant je ne vois personne d'autre; d'où cela vient, je ne le sais pas; je prie donc ta sainteté de me révéler ce mystère." Le divin père dit: " Jean, Dieu va te révéler aujourd'hui un mystère; moi je dois te révéler l'amour que sa Bonté a pour nous."

"Excellent ami, continua le divin Païsios, celui que tu as entendu parler avec moi était Constantin le Grand, le premier roi des chrétiens, qui descendit du ciel envoyé par Dieu, et qui me dit: 'Vous êtes bienheureux, vous qui avez été rendus dignes de suivre la vie monastique; car c'est véritablement à vous qu'appartient la divine béatitude du Sauveur.' Moi, je lui demandai: "Et qui es-tu, mon seigneur, toi qui dis ces choses et nous magnifies, nous les moines?" Il me répondit: "Moi, je suis Constantin le Grand, et je suis descendu des cieux pour te révéler la gloire dont jouissent les moines au ciel, de même que l'intimité et l'assurance qu'ils ont auprès du Christ; et d'une part je te magnifie, toi ô Païsios, car tu les incites à mener cette sainte ascèse, d'autre part je me blâme et m'accuse car j'ai manqué à ce grand ordre des moines, et je souffre du dommage que j'en ai reçu." Je lui dis alors: "Pourquoi, ô admirable, te condamnes-tu? N'as-tu pas obtenu, toi, cette gloire inouïe, et la divine lumière?" Il me répondit: "Si, je l'ai obtenue, mais je n'ai pas cette assurance des moines, ni le même honneur; car je voyais l'âme de certains moines qui, du corps, volaient comme des aigles, et montaient aux cieux avec beaucoup d'assurance, alors que l'armée des démons n'osait aucunement s'approcher d'elles. Ensuite, je voyais que les portes du ciel s'ouvraient à elles, et elles entraient et présentées devant le Roi céleste, elles se tenaient avec beaucoup d'assurance devant le trône de Dieu. C'est pour cette dignité que, vous admirant, vous les moines, je vous magnifie et me condamne, car je n'ai pas été digne de recevoir cette assurance. je serais bienheureux si, quittant le royaume temporel, la cape royale et la couronne, j'étais devenu pauvre, revêtant un sac, et acceptant toutes les autres choses que requiert la vie monastique."

Alors je lui dis à nouveau:"Tu dis tout bien, ô roi béni, et tu nous consoles avec tout cela. Cependant, tels doivent êtres les jugements de notre Dieu, et il n'est pas juste de dire autrement du juste jugement divin, car le juste Juge rend tout avec justice et selon les peines de chacun, il donne aussi la récompense, car ta vie n'avait pas les mêmes peines et ne ressemblait pas à celle des moines; car toi tu avais ta femme pour t'aider, tes enfants, tes serviteurs, les différentes jouissances et du repos. Les moines, eux, ayant méprisé tout les délices et les joies de cette vie, reçurent Dieu à la place de tous les biens du monde, et ils L'avaient comme joie et richesse, et le fait de pratiquer les oeuvres qui Lui plaisent, il le considéraient comme un délice et une grande jouissance; car ils étaient,selon l'Apôtre, privés, affligés, tourmentés; d'où ils t'est impossible, mon roi, d'avoir la même rétribution." Pendant que nous disions ces choses, tu es venu, mon frère Jean, et lui est aussitôt monté aux cieux. D'où, maintenant que tu as appris, à travers ce mystère, combien les peines de l'ascèse sont bienfaitsantes, affermis les frères."

Ayant entendu tout cela, moi Jean, je rendis grâce à Dieu. Ensuite, discutant suffisamment avec le divin Païsios, je retournai chez moi plein de joie et d'allégresse.

Maintenant le récit veut aussi montrer le grand zèle que le grand Païsios avait pour la foi.

Un certain ancien demeurant dans un village situé près des régions de l'Égypte, égaré par ignorance, disait que les chrétiens doivent vénérer et adorer seulement le Père et le Fils, mais que le saint Esprit, ils ne doivent L'adorer, ni appeler Dieu. Un grand nombre suivait cette erreur et ce mépris. Mais Dieu, qui ne voulait pas que les labeurs ascétiques et les sueurs du vieillard soient vains et disparaissent, révéla au saint ces idées blasphématoires, de même que le village où il demeurait. Aussitôt, après avoir fabriqué un grand nombre de paniers avec trois poignées, le divin Païsios le prit et se rendit chez ce vieillard. À ce moment-là se trouvaient là beaucoup de ceux qui acceptaient ce dogme blasphématoire. Voyant les cabas avec trois poignées et ne connaissant pas Païsios, ces hommes s'étonnèrent de la fabrication des paniers, et lui demandèrent ce que c'était et ce qu'il voulait en faire. Il leur dit: "Je veut les vendre." Alors ils lui demandèrent à nouveau: "Et pourquoi les as-tu fait avec trois poignées?" Le saint répondit: "Parce que je suis ami et amant de la sainte Trinité et je dois révéler par les oeuvres les trois personnes de la sainte Trinité, et la louer et la glorifier tri-hypostatique, en ayant en main les signes de la Trinité; car comme la sainte Trinité est une seule nature et a trois Personnes, si on la considère autrement, on est dans l'erreur, la même choses se passe avec ces cabas: chacun d'entre eux a une seule substance considérée en trois, puisque à chacune des trois poignées se trouve également toute la substance de la feuille de palmier. Ainsi de même la Nature immatérielle et la Divinité suressentielle se partage à égalité en trois personnes, en Père, en Fils, et en saint Esprit, et elle reste toute entière dans chacune des personnes. Aucune des personnes de la sainte trinité n'est plus grande que l'autre, ni plus petite, mais elles sont toutes égales, consubstantielles et indivisibles."

Le divin Païsios ayant dit cela en bref, le vieillard et tous ceux qui se trouvaient là reconnurent la vérité, et vénérant le saint, ils lui dirent: "Dis-nous, ô vénérable, encore d'autres paroles, plus pures, sur l'Orthodoxie, en utilisant d'autres preuves de telle sorte, car dès le début de tes paroles, tu nous as effrayés." Alors le divin Païsios, d'une voix plus audacieuse, détruisit toutes les paroles blasphématoires des hérétiques et prouva qu'elles étaient plus fragiles que la toile d'araignée. Quant à la foi orthodoxe, il la leur révéla plus vaste, et avec plusieurs exemples. Il l'imprima dans leur coeur et les amena à la connaissance véritable de la sainte Trinité, prouvant par de nombreux témoignages des saintes Écritures que le saint Esprit aussi est Dieu, tout comme le Père et le Fils. Ensuite, leur conseillant à tous de confesser leur ignorance et de se repentir de leur mauvaise opinion, il retourna au désert glorifiant et remerciant Dieu.

Dès qu'il arriva au désert, une lumière apparut soudain devant lui, et en la regardant, il y voyait des armées d'anges, qui remplissaient le désert; d'où, se demandant ce que pouvait être ce phénomène, il entendit de son ange gardien: "Que tu sois ici, Païsios, ou que tu sois absent, nous protégeons les moines qui habitent ce désert, comme le Dieu de toutes choses te l'a promis." Païsios, par des hymnes d'actions de grâces, glorifia Dieu qui a soin de tout. Voilà pour ce sujet-là. Quant au don de prophétie dont le grand Païsios fut rendu digne, il nous est révélé par le récit suivant.

Puisque la renommé du saint fut répandue presque dans le monde entier, et incitait les hommes vertueux à aller le voir et prendre sa bénédiction, saint Pasteur, le grand parmi les pères, jeune encore en ce temps-là, désirait ardemment le voir. Il se rendit chez saint Paul et le supplia d'aller avec lui à saint Païsios, car Paul était un ami de Païsios et il allait souvent le voir. Notre père Paul lui dit: "Je n'ose pas, mon enfant, t'amener à lui, car tu es jeune et lui est très vertueux, et on ne va pas à lui comme cela à tout hasard, mais avec beaucoup de réflexion et de piété, et nous ne lui rendons pas visite en tout temps, mais au moment opportun, en vue du profit de l'âme." Pasteur lui dit: "Mais moi, je resterai à l'extérieur de sa cellule quand nous irons, et si j'attends seulement sa divine voix, quand il parlera avec toi, je ressentirai une immense joie et je reconnaîtrai qu'il a un grand charisme. Et s'il m'est difficile même d'entendre sa voix, si je touche sa cellule, je serai sauvé; mais aussi quand tu sortiras de sa cellule, je baiserai tes pieds qui auront foulé ce sol que foulent les pieds bénis et avec cela je jouirai d'une grande bénédiction."

Pasteur ayant dit cela, saint Paul fut émerveillé de son humilité et de la grande foi qu'il avait en Païsios, et le prit avec lui pour l'amener. Quand ils arrivèrent à sa cellule, Paul entra seul à l'intérieur; le divin Païsios le reçut amicalement et paternellement et interrogea au sujet de Pasteur. Paul lui dit qu'il était resté dehors car il n'osait pas entrer. Alors celui-ci ordonna qu'il entrât et dit à Paul: "Il n'est pas bon que de tels hommes soient empêchés d'entrer et restent dehors, quand ils viennent à nous, car le Sauveur dit que ceux-ci vont facilement au ciel." Ayant dit cela, il embrassa le jeune homme et lui dit en le bénissant: "Tu te souviendras de moi, ô bien-aimé Paul, car ce jeune homme sauvera les âmes de beaucoup d'hommes, et beaucoup seront dignes grâce à lui de jouir du paradis; car la Main du Seigneur est avec lui, laquelle le protège et le guide vers les divins commandements." Ensuite il lui imposa ses mains, et l'ayant béni, il le renvoya avec Paul. Tous deux ayant obtenu leur désir glorifièrent Dieu.

Un jour, alors que Païsios avait jeûné vingt-et-un jour, le Christ lui apparut et lui dit: "Tu te tourmentes beaucoup pour Moi, ô mon élu Païsios." Celui-ci Lui dit: "Et quelle grande oeuvre est ma minime souffrance, ô mon bon Maître, surtout quand c'est ta Bonté qui me donne la force de la supporter?" Le Sauveur dit: "Chaque bonne oeuvre est acceptée par Moi et Je rendrai à ceux qui l'exercent selon leurs peines: donc suis-Moi." Païsios Le suivit jusqu'à ce qu'ils arrivassent à une grotte du désert. Alors le Sauveur lui dit: "Entre afin de voir un homme qui lutte en vérité." Entrant donc dans la grotte, Païsios vit un homme qui se roulait par terre, frottant sa bouche et son visage contre le sol. Étonné de cette extrême lutte de l'homme, il sortit pour demander à Jésus Christ de lui en apprendre la raison. Le Seigneur lui dit: "As-tu vu mon lutteur, quelles grandes peines il supporte pour Moi?"

"Je l'ai vu, Maître, dit Païsios, et j'ai été effrayé des labeurs de son combat, mais je supplie ta Bonté de me révéler comment il lutte autant." Alors le Sauveur lui dit: "Voilà seulement deux jours qu'il jeûne, et tu vois combien il est tourmenté par la faim et la soif." Ayant entendu cela, Païsios dit: "Comment alors, moi qui ai jeûné vingt-deux jours, je n'ai rien souffert de tel?" "Parce que toi, lui dit le Seigneur, tu es renforcé par ma grâce et tu jeûnes sans peines. Lui, en tant qu'athlète, il jeûne avec sa seule bonne volonté, avec beaucoup de peine, et brûlant du désir qu'il a pour Moi, il souffre et supporte tout au-dessus de sa force." Ensuite Païsios demanda au Seigneur quelle récompense il recevra par sa Bonté pour ces deux jours, et le Seigneur lui répondit: "Il recevra la même récompense pour les deux jours que toi pour les vingt-deux jours; et Je dirai également: 'Entre dans la joie de ton Maître,' à toi qui as reçu les cinq talents et à lui qui a reçu les deux, car vous avez également accomplit le bien, et vous avez été tous les deux zélés,selon votre force." Ayant dit cela le Sauveur disparut.

De retour à sa cellule, notre saint père Païsios ajouta d'autres labeurs, demandant à Dieu qu'il soit supérieur à la nourriture; comme nous l'avons dit, sa nourriture n'était rien d'autre que la communion au Corps immaculé et au Sang vénérable de notre Seigneur jésus Christ chaque dimanche. le Sauveur apparut encore à son serviteur Païsios et lui dit: "Que demandes-tu au sujet de la nourriture, puisque tu ne manges rien? si tu as besoin de quelque chose d'autre,demande." celui-ci lui dit: "Je Te demande mon Seigneur, quand je sors de ce désert et que je rends visite aux frères, que j'ai la permission de retourner au désert rapidement, car je ne supporte pas de tarder à la visite des autres et d'être privé de la tienne." le Seigneur lui dit: "Ne t'afflige pas pour cela car chaque fois que tu sors du désert, Moi Je ne M'éloigne pas de toi, mais je suis avec toi." Ensuite, Païsios lui dit: "Je Te supplie, mon Christ, délivre-moi de la colère." Et le Seigneur lui dit: "Si tu veux vaincre la colère, prends garde à ne réprimander, ni injurier, ni mépriser personne. Si tu gardes cela, tu ne te mettras pas en colère."

Païsios demanda encore au Seigneur: "Maître bon et longanime, si quelqu'un observe tes commandements et se rend chez ceux qui T'aiment pour les servir dans leurs besoins, en obtiendra-t-il du gain ou de la perte?" Le Seigneur lui répondit: "Comme celui qui travaille dans un certain champs reçoit le salaire du maître du champs, de même tous ceux qui font le bien, et aident ou enseignent les autres recevront au ciel de grandes récompenses. Ensuite Païsios Lui demanda encore: "Mon Seigneur, si quelqu'un lutte pour la vertu et sert les autres, et un autre lutte seul et ne sert pas les autres, (quelle est la différence entre les deux?)" Et le Seigneur lui répondit: "Celui qui lutte seulement pour lui-même est mon disciple; et celui qui lutte pour lui-même mais qui sert aussi les autres, celui-ci est mon fils et mon héritier." Païsios demanda encore: "Si quelqu'un travaille au service des autres, et lutte autant qu'il peut pour lui-même, mais que, empêché par le service des autres, il n'atteint pas les labeurs de ceux qui n'ont pas de tels empêchements, est-ce que celui-là aura la même récompense que ceux qui luttent plus?" "Oui, lui répondit le Sauveur, il aura la même récompense." Ayant dit cela, Il remonta aux cieux.

Dans les régions de la Syrie se trouvait un certain ascète, orné de diverses vertus. Un jour qu'il priait, il lui vint la pensée suivante: " Serais-je arrivé à ressembler à l'un de ceux qui ont plu à Dieu?" Alors qu'il réfléchissait à cela, il entendit une voix d'en haut lui disant: "Va au désert, et là tu trouveras un combattant de nom de Païsios, qui se sert de l'humilité et de l'amour pour Dieu de la même façon que toi." Alors ce vénérable ancien n'eût pas du tout peur de la longueur du chemin, et il se mit aussitôt en route pour l'Égypte, et arrivé à la montagne de Nitrie, il demanda où se trouvait Païsios. Comme le nom de Païsios était connu de tous, le vieillard apprit vite où il demeurait; mais l'arrivée du vieillard n'échappa pas non plus à Païsios, car comme le vieillard entra au désert et alla directement vers le saint, aussitôt celui-ci le rencontra en chemin, et se reconnaissant l'un l'autre par la grâce divine, ils s'embrassèrent avec joie; firent la salutation en Christ, et se rendirent à la cellule de Païsios où, après avoir prié, ils s'assirent.

Le vieillard se mit à parler au divin Païsios, dans le dialecte des Syriens, étant Égyptien, Païsios ne connaissant que le dialecte des Égyptiens; d'où très affligé de ne pas comprendre les paroles salutaires de l'ancien, il leva aux cieux les yeux de son esprit, soupira du fond du coeur et dit: "Fils de Dieu et Verbe, donne ta grâce, à moi ton serviteur, afin que je connaisse la force des paroles de l'ancien." Et, ô miracle, quelle rapide visite du Seigneur! Aussitôt il parla et comprit la langue des Syriens.

Discutant entre eux sur beaucoup de sujets, ils se racontaient l'un à l'autre les contemplations dont chacun avait été rendu digne de voir, et avec quels pères chacun avait discuté et était en communion, et quelles vertus avaient ces pères-là. Ils étaient tous deux comblés de joie par cette conversation. Au bout de six jours, quand ils avaient dit tout ce qu'ils avaient à dire, le vieillard allait retourner chez lui; alors Païsios appela ses disciples et leur dit: "Voici, enfants bien-aimés, un saint homme, parmi les plus parfaits dans la vertu, rempli de l'Esprit saint et des divines grâces. Recevez donc tous ses bénédictions afin qu'elles vous soient des remparts et des gardiens contre les ennemis." Aussitôt alors tous tombèrent à terre et se prosternant comme ils convenait devant ce saint vieillard, ils lui demandèrent ses prières et ses bénédictions. Disant une prière pour eux, celui-ci les bénit et, les ayant tous salués, il s'en alla.

Peu après, un anachorète arriva chez le grand Païsios. Les disciples du saint lui disaient: "Père, tu aurais obtenu un grand profit si tu étais venu un peu plus tôt, car un saint homme de Syrie est venu nous voir, à l'esprit et au coeur illuminés, et qui nous a affermis avec des paroles salutaires. Il vient de partir et si tu veux, rattrape-le car il ne doit pas être loin." Alors l'anachorète se mit à courir pour l'atteindre, mais le divin Païsios lui dit: "Arrête-toi, car celui-là a déjà parcouru une distance de dix-huit milles, transporté jusqu'à sa demeure sur un nuage." Ayant entendu cela, tous s'émerveillèrent et glorifièrent Dieu.

Un frère se rendit un jour chez le grand Païsios pour le voir, et le trouvant endormi et ayant un ange gardien très beau à ses côtés, il s'émerveilla et dit: "Vraiment Dieu protège ceux qui espèrent en Lui." Puis il partit de là en glorifiant Dieu qui glorifie ceux qui L'aiment.

Un certain moine, simple d'esprit, était disciple de saint Païsios, et obéissait bien à tous ses ordres. Un jour qu'il se rendait en Égypte pour vendre son travail manuel, il rencontra en chemin un Juif qui fit route avec lui. Comprenant la simplicité du moine, celui-ci lui versa le poison du serpent destructeur qu'il avait dans son coeur, en lui disant: " moine, pourquoi croyez-vous au Crucifié comme ça par hasard, alors qu'il n'est pas le messie attendu? Car un autre sera le messie, et non celui auquel vous croyez, vous les chrétiens." À cause de son innocence et de la simplicité de son coeur, le moine fut trompé et dit: "C'est peut-être comme tu le dis" et aussitôt - hélas pour le désastre que subit le malheureux! - il fut abandonné par la grâce du saint baptême, comme cela se révélera par ce qui suit; car quand il revint au désert et que le divin Païsios le vit, celui-ci ne le reçut aucunement, et ne voulait même pas le voir, ni l'approcher, ni lui parler, mais il s'en détournait.

Voyant son supérieur se détourner de lui, le disciple s'affligeait amèrement et s'en demandait la raison. D'où, se jetant à ses pieds il lui dit: "Pourquoi, père, te détournes-tu de moi, le malheureux, et ne veux-tu pas me voir? Mais tu es dégoûté de moi comme d'une choses abjecte, ce que tu n'as jamais fait auparavant." L'ancien lui dit: "Et qui es-tu toi? je ne te connais pas." Et le disciple répondit: "Que vois-tu en moi de si inhabituel, que tu ne me reconnais pas? Ne suis-je pas ton disciple un tel?" Le vieillard: "Le disciple-là était chrétien et avait le baptême, alors que toi tu n'es pas tel; mais si tu es ce disciple-là, sache que le baptême et les signes des chrétiens sont partis de toi; dis-moi, que t'est-il arrivé en chemin?" celui-ci répondit en gémissant: "Il ne m'est rien arrivé, père." L'ancien: "Va, enfant, loin de moi, car je ne supporte pas la voix d'un homme qui a renié le Christ; car si tu étais mon disciple dont tu parles, je te verrais comme tu étais auparavant."

Alors ce malheureux moine soupira, et, versant des larmes qui émurent le vieillard, il dit qu'il est le même disciple et non un autre, qu'il ne sait pas quel est son crime, et qu'il n'a fait aucun mal. Et le grand Païsios lui dit:
- Avec qui as-tu parlé en chemin?
- J'ai parlé avec un Juif, et personne d'autre.
- Que t'a dit ce Juif, et que lui as-tu répondu?
- Il ne m'a rien dit, sinon que le Christ n'est pas celui que nous les chrétiens nous adorons, c'est un autre qui doit venir. Et moi je lui ai dit: " C'est peut-être comme tu le dis."
- Malheureux, qu'y a-t-il de pire et de plus impur que ce que tu as dit? Avec cela tu as renié le Christ et tu t'es dépouillé du saint baptême! Donc, va et pleure sur toi-même autant que tu peux. Tu n'as plus aucun rapport avec moi car ton nom est écrit avec ceux qui ont renié le Christ, et tu vas être châtié avec eux."

Ayant entendu cela, le disciple soupira du fond de l'âme et pleura, puis dit en gémissant: "Aie pitié de moi, le malheureux, mon père, car j'ai enlevé le saint baptême et suis devenu la proie des démons. cependant c'est vers toi, après Dieu, que je me réfugie. Ne me méprise pas, le misérable.

Soupirant de la sorte, plus avec des larmes qu'avec des paroles, le disciple attira la compassion du vieillard, qui lui dit:
- "Prends patience, mon enfant, le temps que je supplie la Miséricorde et la Pitié du Dieu ami de l'homme, pour toi."

Ayant dit cela, il supplia Dieu ardemment et Lui demanda le pardon pour son disciple. Et Dieu ne tarda pas, mais pardonna aussitôt le péché de son disciple, le rendant digne de recevoir à nouveau la grâce du saint baptême. En effet, le divin Païsios vit l'Esprit saint comme une colombe entrer dans la bouche du disciple, et l'esprit de blasphème sortir comme une fumée et se dissiper dans l'air. C'est ainsi que le saint fut assuré que sa demande avait été exaucée, et se tournant vers son disciple, il lui dit: "Glorifie Dieu, mon enfant, et remercie-Le avec moi, car l'esprit impur du blasphème est sorti de toi, et à sa place est entré l'Esprit saint, et la grâce du baptême t'a été rendue. Donc, fais bien attention de ne plus tomber dans des pièges de l'impiété par mégarde et par négligence, ni de livrer ton âme, qu'elle ne brûle dans le feu de l'enfer à cause d'aucun autre péché." Et ainsi il corrigea le disciple.

Un jour, un certain ancien nommé Jean vint chez saint Païsios. Il avait marché de longs jours dans le désert, et étant extrêment épuisé, il avait besoin de nourriture et de repos pour son corps, d'où, après qu'il eu discuté assez longtemps avec lui, Païsios dit à son disciple de préparer la table et d'y mettre un repas, afin qu'il mange avec Jean. Le disciple fit selon l'ordre de l'ancien. Ensuite Païsios incita Jean à manger, car il était affamé à cause de sa grande tempérance. Jean lui dit: "Pardonne-moi, car aujourd'hui c'est jeûne et je dois jeûner pour mes nombreux péchés." D'où admirant l'endurance de Jean, Païsios se leva aussitôt et levant les yeux et l'esprit aux cieux, dit du fond du coeur: "Seigneur, visite ton serviteur Jean qui lutte excessivement pour ton saint Nom." Alors dès que Païsios eut fini sa prière, le Seigneur donna à jean un charisme merveilleux. En effet celui-ci tomba en extase et il lui parut voir un jeune homme tenant de la nourriture et de la boisson qu'il lui donnait. Ensuite, revenu à lui, Jean était rempli de joie, car il n'avait pas besoin de nourriture terrestre, étant rassasié de celle qui était angélique,; puis il se leva et remerciant Dieu et Païsios, il retourna au désert à jeûn, ajoutant d'autres jeûnes au premier, se disant: " Tu as mangé, Jean, satiété, donc tu dois jeûner avec beaucoup de zèle. " C'est ainsi que le courageux combattait et était vainqueur grâce à la prière de Païsios.

Un autre moine débutant habitait seul au désert, et étant très tourmenté par les pensées, il se rendit chez Païsios et lui dit: "Je demande à ta sainteté de prier pour moi le misérable, car je suis cruellement combattu par le démon." Le saint savait bien qu'il faisait sa propre volonté; suivant ainsi le démon très complexe de la fornication et de la vaine gloire, et, voulant l'empêcher de se comporter irrégulièrement et selon sa volonté, il lui dit: " Mon enfant, tu n'es pas combattu par les démons comme tu le penses, puisque ceux-là ne savent pas encore que tu es venu au désert, mais tu es combattu par tes propres pensées. Va et lutte de façon régulière, demandant à Dieu qu'Il te visite, car tu vas être tenté cruellement par les démons, et alors tu connaîtras bien leurs attaques et de quelle sorte de mal souffrent ceux qui sont combattus par eux.

Ayant dit cela, le saint renvoya le jeune moine chez lui. Ensuite, il supplia Dieu ardemment de le garder indemne. Alors le prince des démons, rugissant comme un lion, apparut visiblement au saint et lui dit: " violence! Qu'as-tu contre moi, Païsios, pour me détruire ainsi? Tu me fais beaucoup de tort, sans que je te combatte." Le saint lui dit: "Va-t-en loin du jeune moine et ne le tourmente plus avec les pensées malignes." Le démon lui répondit avec audace et orgueil: "Crois-moi, je ne savais pas que ce jeune moine était déjà au désert, et je ne l'ai aucunement tourmenté, mais il est attaqué par sa propre négligence. Cependant, à partir de maintenant, qu'il se prépare à éprouver mes tentations cruelles et les attaques que j'ai inventé pour le combattre." Le saint lui dit: "Que Dieu te blâme, ennemi de la vérité, et qu'Il te jette dans le feu de l'enfer qui ne s'éteind pas." À ces mots, le démon disparut. Cependant il ne cessa pas le mal, mais ce qu'il avait dit, il le fit aussi en oeuvre, et se mit à attaquer le jeune moine, utilisant toutes sortes de machinations de sa propre invention.

Donc, tenté par ces machinations de l'ennemi, et ne pouvant pas le supporter, ce jeune moine se réfugia encore auprès de la tour imprenable, le grand Païsios. Racontant les tentations de l'ennemi, il disait au saint qu'il ne pouvait pas supporter les maux qu'il lui procurait. Le saint lui dit:" Ne t'ai-je pas dit, mon enfant, que le démon n'as encore pas appris que tu es venu au désert?" Ensuite, l'ayant conseillé sur sa conduite, ils se mit en prière, disant: "Seigneur Jésus Christ, Fils et Verbe de Dieu le Père, ne laisse pas ta créature se perdre par l'ennemi, mais aide-la du haut du ciel; car ta Puissance est invincible et tout lui est soumis." Alors aussitôt un ange du Seigneur se tint devant le saint, tenant le démon lié avec des chaînes, et dit: "Prends ce coquin et examine-le comme tu le veux. Voici qu'il t'est donné lié, celui qui tient beaucoup d'hommes liés par ses diverses machinations." Le diable dit au divin Païsios: "Malheur à moi! Jusqu'à quand me tourmenteras-tu avec ta prière, protégeant grâce à elle tous ceux qui habitent ce désert? Je serai misérable et j'aurai à subir beaucoup de malheurs, si je continue à rester encore ici pour les observer; d'où, pour sûr, je vais partir loin d'ici." Le divin Païsios lui dit: "Apostat et ennemi du genre humain, dis-moi, pourquoi tourmentes-tu et tentes-tu le jeune moine en l'attaquant si cruellement? Pour quelle raison attaques-tu dès le début les lutteurs, avec une telle fureur et sauvagerie?"

Alors l'ennemi du genre humain, forcé par le saint, confessa la vérité en disant: "Moi, je ne m'approche pas des débutants quand ils commencent les combats de la vêrtu, car la grâce de Dieu ne me permet pas de les approcher, puisqu'alors ils luttent avec beaucoup d'ardeur. mais dès que la divine grâce les quitte à cause de leur négligence, alors je m'approche d'eux et je les gouverne comme une proie toute prête, et je m'en sers comme d'un jeu à ma volonté; mais je ne les attaque pas dès le début; d'une part parce que je suis brûlé par l'ardeur et le zèle qu'ils ont pour la vertu, et par la grâce divine; d'autre part parce que je les méprise, en attendant que cesse ce zèle et qu'ils tombent dans la négligence, et alors je les attaque, n'ayant plus aucun empêchement. Dès le début, dis-je, je ne les attaque pas, pour les raisons que j'ai citées; mais aussi quand je les vois plus ardents, plus zélés et progressant en avant, alors je ne les attaque pas non plus, afin qu'ils ne s'unissent pas à la grâce de Dieu, par le zèle incessant de la lutte et l'addition des bonnes oeuvres, et qu'ils ne deviennent pas invincibles et inattaquables." Ayant dit tout cela contre son gré, le diable s'en alla. Dès ce moment le moine fut libéré du tourment du démon, celui-ci ne pouvant plus l'attaquer. Mais affermis par les prières de saint Païsios, ce frère accomplit vertueusement sa vie ascétique et s'endormit en paix.

Vers cette période, je me rendis (dit saint Jean l'auteur de cette vie ) chez le divin Païsios pour l'entendre, et quelques moines y allèrent aussi et lui demandèrent de dire quelques paroles salutaires. Celui-ci leur dit: "Gardez la Tradition des pères, et ne cherchez pas à faire plus que ce qui est commandé." Les moines lui dirent: "Dis-nous encore une autre parole salutaire qui convient aux moines." Alors reconnaissant des ses yeux clairvoyants, leurs pensées et leurs réflexions, le divin Païsios dit à chacun sa pensée expliquant quelles étaient les bonnes et lesquelles étaient mauvaises, de même que la cause de telles pensées. Alors les moines émerveillés me dirent à part: "Vraiment, père Jean, toutes les passions de notre coeur, que seul Dieu connaît, il nous les a toutes révélées une par une." Je leur dis alors: "Croyez-moi, mes frères, tout ce que je pensais et faisais étant seul, il me l'a souvent révélé gracieusement, quand nous nous rencontrions, disant cela comme s'il avait été avec moi." Les moines s'en allèrent en disant: "Dieu est admirable dans ses saints."

Un certain frère qui suivait sa volonté propre et faisait tout selon son opinion abandonna le désert et alla habiter près d'une ville; mais puisqu'il se rendait souvent à la ville pour vendre son travail manuel, il rencontra une femme Juive qui brûlait d'une passion satanique pour ce moine. Égaré par ses pensées, le moine fut pris, sous l'influence du démon, hélas, dans les pièges de la Juive et tomba, et le pire est qu'il renia la foi chrétienne et accepta la religion juive et demeurant avec la femme juive suivit si docilement son opinion qu'il imita son impiété. Cette femme maudite s'enfonça dans un tel abîme de perdition et aboutit à une telle impudence qu'elle prenait souvent la tête de ce malheureux dans ses bras et ouvrant sa bouche elle raclait avec une petit bout de bois ses dents, de peur qu'il n'y restât- ô quelle impiété! - quelque perle de la sainte communion des immaculés Mystères. Je sais combien vous êtes tristes, frères, en entendant cela, de même que moi je suis ébahi par l'immense Patience et la Longanimité de Dieu. Cependant je vais vous raconter aussi le mystère qui a été accompli pour lui afin que vous admirez l'infinie Bonté de Dieu, et la visite divine qu'Il nous accorde d'en haut.

Cet homme qui, par la désobéissance se sépara des chrétiens avec son impiété, peu de temps après, fut illuminé par la Providence divine, revint lui-même et se repentit de toutes les iniquités qu'il avait commises. Certains moines de ceux qui habitaient au désert où lui-même avait mené son ascèse auparavant, se rendirent à cette ville pour une nécessité et passèrent par la demeure pécheresse de la femme juive. Alors en les voyant, ce moine eut le coeur blessé se rappelant cet ancien et saint cortège des moines, et il leur demanda d'où ils étaient, comment ils s'appelaient et pour quelle raison ils étaient venus à cette ville. Les moines lui répondirent qu'ils étaient de Nitrie, disciples du divin Païsios et qu'ils étaient venus à la ville pour quelque nécessité. Alors, il leur supplia ardemment de dire au divin Païsios de prier Dieu pour lui, afin qu'il lui soit propice grâce à ses prières et qu'Il le délivre des machinations du diable. Les moines lui promirent d'accomplir sa demande et de demander à Païsios de prier pour son salut.

Donc, quand ils retournèrent au désert, les moines révélèrent au divin Païsios les malheurs de ce misérable, et tout ce qu'il leur a transmis. Entendant cela, le saint soupira du fond du coeur et dit: "Hélas mes enfants bien-aimés! Combien de grands hommes à cause des femmes, sont-ils déchus de la divine grâce, hommes dont nous avons le témoignage dans l'Écriture divine par nos pères; car le diable ne peut pas utiliser un instrument plus adroit que la femme pour entraîner les hommes à la pièté; car c'est en se servant de cette arme (c'est-à-dire de la femme) qu'il a coutume de perdre les grands hommes. Comme vous le savez, c'est avec la femme qu'il vainquit le grand David, et ses pères et ses descendants. C'est pourquoi nous devons toujours prier Dieu qu'Il nous délivre de telles machinations de l'ennemi." Ayant dit cela, il se mit à prier ainsi pour le moine tombé. "Seigneur Jésus Christ, Fils et Verbe de Dieu le Père, ne laisse pas l'oeuvre de tes Mains se perdre à jamais, mais penche sur lui ton regard sans rancune du haut de tes demeures célestes, et reçois les prières que je T'offre pour celui qui T'a d'abord renié puis reconnu le mal qu'il a commis, et rappelle-le au repentir, j'en supplie ta Bonté."

Priant ainsi de longs jours et demandant les Miséricordes de Dieu pour sa créature, le Sauveur exauça sa supplication et lui apparaissant, Il lui demanda, Lui qui sait tout, pour qui il priait: "Mon serviteur Païsios supplie-t-il pour celui qui M'a faussé, est sorti de mon armée et s'est uni avec mes adversaires? Celui qui était chrétien puis est devenu juif?" "Oui, Seigneur, Ami de l'homme, lui répondit le saint, c'est pour lui que je prie, car je vise tes Miséricordes, car Tu appelles tous les hommes au repentir, et ne veux pas la mort du pécheur, mais attends son retour. C'est pourquoi j'ai osé supplier ta Bonté pour lui, je Te prie, exauce-moi, ton serviteur et sois propice, viens chercher ta brebis perdue." Le Sauveur lui dit: "Si tu veux que j'aie pitié de cet inique et cet apostat, et que je le rappelle au repentir, tu dois consentir à Me laisser prendre la plupart des récompenses et des salaires que tu as reçus pour tes luttes, et à leur place, je rendrai mon Amour de l'homme à celui est digne de mille châtiments.

Alors le vraiment grand Païsios répondit avec beaucoup d'enthousiasme: "Oui, Seigneur, j'y consens avec joie. Cependant je ne sais pas s'il se trouve en moi quelque oeuvre qui Te soit agréable, mais c'est plutôt ta Bonté qui me comble de bienfaits chaque jour et qui me fait reconnaître tes dons. À cause d'elle, accorde-lui ta Pitié, car moi je préfère être châtié à sa place, et que lui soit sauvé, plutôt que de jouir de tes Bienfaits et que lui aille en enfer. Alors le Sauveur dit: " Ton bon sentiment et ton amour sont digne d'admiration, Païsios, et tu as préféré être déchu de ta dignité pour le salut du pécheur, non seulement tu ne seras pas déchu de ta dignité mais aussi le pécheur sera sauvé, selon ta prière." Ayant dit cela, le Sauveur monta aux cieux. Quelque temps après, cette mauvaise femme mourut par la Colère divine, et Isaac (c'était le nom du moine tombé) retourna au désert et, catéchisé par le grand Païsios, il accepta sa foi chrétienne, et mena sa vie ascétique avec beaucoup d'empressement; passant le reste de sa vie dans l'obéissance, une conduite modeste et vertueuse, il s'endormit dans le Seigneur. C'est ainsi que d'une part il trouva le salut par les prières de saint Païsios, d'autre part, entendant les miracles du saint, nous devons glorifier et magnifier Dieu.

Au monastère du grand Païsios se trouvait un prêtre qui avait l'esprit mondain; quand les autres voulaient aller voir le saint pour écouter ses paroles salutaires, il allait aussi avec eux, écoutait les paroles divines du saint, mais n'en tirait aucun profit; car n'ayant ni une bonne intention, ni un coeur droit, non seulement il ne profitait pas, mais il se moquait des paroles du saint et les détruisait par des paroles mondaines. Indignés, les autres moines se rendirent chez un ancien qui aimait Dieu, et se plaignirent à lui contre ce prêtre. Le vieillard alla donc voir le grand Païsios avec eux. Or, le prêtre les suivit aussi. Mais le vieillard prit le saint à part et lui dit: "Sache, père que ce prêtre cause du mal et des scandales parmi les frères, et tu dois empêcher son élan désordonné et le corriger avec des reproches."

Ayant entendu cela, le grand Païsios dit au vieillard: "Depuis longtemps je voudrais faire ce que tu me dis si je savais qu'il en tirerait profit; car voici, le diable se tient prêt à l'entraîner à sa perte, et s'il entend de moi quelque parole sévère, il quittera la communauté des frères et retournera au monde; d'où je ne veux pas être l'auteur et la cause de sa perte parce que je n'ai pas pu supporter un frère qui est attaqué par la diable. Cependant nous devons prier Dieu qu'il le délivre d'une telle passion." Dès qu'il eut dit cela, il adressa une prière à Dieu pour le prêtre, et aussitôt il chassa de lui le démon de l'audace et de l'impudence. Alors celui-ci fut stimulé par les aiguillons du repentir, et ayant des remords de conscience il s'affligea profondément, confessa ses péchés plutôt avec des larmes qu'avec des paroles, demandant pardon pour tous ses péchés passés, promettant de s'éloigner du mal et de se corriger. Désormais, il devint chaste et doux, écoutant avec piété les paroles divines du saint et accomplissant ses commandements avec joie.

Nous avons à raconter maintenant un autre miracle terrible et étrange, et plus élevé que les autres récits.

Un jour que le divin Païsios priait dans sa cellule, le Christ lui apparut avec deux anges, comme Il avait apparu aussi au patriarche Abraham, et lui dit: "Salut, Païsios, aujourd'hui tu dois nous recevoir." Comme le patriarche, Païsios les reçut avec empressement, mais il ne s'appliqua pas à préparer de la nourriture et de la boisson, comme celui-ci, mais il accueillit Celui qui est partout présent, avec une pensée pure. Ensuite, ayant versé de l'eau dans le bassin, ô quelle condescendance du Seigneur! il lava ses Pieds immaculés. Pendant que Païsios prenait soin de l'hospitalité, le Sauveur lui montrait son grand Amour; puisque il n'y a rien de plus accueillant parmi les oeuvres de l'hospitalité que de laver les pieds de ceux qui viennent, saint Païsios l'accomplit aussi. Le Seigneur lui dit: "Paix à toi mon serviteur élu," et disparut. Enflammé de l'Amour divin par sa conversation avec Lui et imitant Cléopas qui avait lui aussi le coeur brûlant et se retenant difficilement, le divin Païsios courut vers cette eau qui restait du lavement de ses Pieds et en but avec empressement et désir, en en laissant un peu pour son disciple, qui s'absentait en Égypte.

Donc, quand ce disciple revint tout épuisé par le chemin, le saint lui dit: "Va, mon enfant, au bassin et bois l'eau qui s'y trouve, afin d'étancher la soif que tu as à cause de la brûlure du soleil." Le disciple dit qu'il ferait selon son ordre mais il se disait en lui-même: "Moi je suis venu si assoiffé et brûlé, et l'abbé au lieu de m'envoyer à la fontaine pour boire de l'eau fraîche et propre m'ordonne sans discernement de boire de l'eau du bassin qui est utilisée?" Le disciple pensait à cela et le saint lui dit encore: "Va mon enfant, au bassin et bois." Le disciple dit: "J'y vais" mais il n'obéit pas. Alors le saint lui dit: "Mon enfant, tu as reçu la rétribution pour ta désobéissance, car tu es privé des charismes divins." Ayant entendu cela, le disciple fut très triste, et courut vers le bassin, il n'y trouva rien, d'où il dit au vieillard: "Je n'ai pas trouvé, père, d'eau à boire dans le bassin." Le divin Païsios lui dit: "Comment est-il possible que tu en trouves, puisque tu t'en es rendu indigne? Car naturellement la désobéissance chasse du désobéissant la grâce tout comme l'obéissance l'apporte à l'obéissant."

Affligé de ce qu'il entendit, le disciple demanda quel était ce grand charisme dont il a été privé, et comment l'eau a disparut du bassin. Alors le saint lui raconta tout l'évènement comme nous l'avons raconté, et ajouta encore ceci: "Puisque tu restes dans la désobéissance et que tu n'as pas accepté de boire cette eau après en avoir reçu l'ordre trois fois, un ange du Seigneur descendit du ciel, prit avec beaucoup de vénération cette eau dans ses mains, et remonta au ciel." Le disciple frémit et trembla à l'écoute de ce récit et resta longtemps sans voix. Puis, revenu à lui-même, il pleurait et gémissait sur son sort en criant lamentablement: "Malheur à moi le misérable! Quel grand bien j'ai perdu! Quel démon envieux m'a empêché d'en jouir!" Ayant pleuré ainsi sur lui-même et fait pénitence, il demanda en larmes d'être pris en pitié. Le saint le prit en compassion et lui dit: "Mon enfant, c'est à cause de la désobéissance qu'Adam a été chassé du paradis, et au lieu de la vie éternelle, il reçut la mort étant indigne de cette gloire, et il fut exclu de ses biens. C'est la même chose pour toi: puisque tu as désobéi à mon ordre, tu as été déchu de la grâce dont tu devais jouir; mais puisque tu pleures amèrement et te repens, lève-toi de ta chute et obéis, apaise le Courroux de Dieu et demande avec ferveur son pardon, car Dieu a compassion des repentants et a pitié de ceux qui Le supplient. Ainsi le disciple fut consolé par les paroles de son abbé.

Plus tard, se souvenant du malheur qu'il avait subi, il s'affligeait excessivement et n'avait pas de consolation. D'où il alla voir son abbé et lui dit: "Père, je n'ai aucun repos à cause des pensées, et quand je me rappelle la grâce dont j'ai été privée, je pleure sans consolation sur mon infortune, et je ne sais que faire; car mes pensées m'enfoncent dans le désespoir. Laisse-moi seulement aller à un vieillard parfait, celui que tu juges le mieux, peut-être trouverai-je la délivrance des pensées et de mon affliction."

Le divin Païsios prit un peu de pain, le donna au disciple et lui dit: "Prends ce pain et va à telle ville. Près du rempart de cette ville, vers la droite, tu trouveras un pauvre assis sur le fumier, lapidé et moqué par les enfants. Donne-lui donc ce pain et il te dira comme il convient tout ce qui te concerne.

Prenant donc ce pain, le disciple se mit aussitôt en route, et arrivé dans ce lieu-là, il trouva cet homme divin. Alors que le moine attendait que les coups de pierres des enfants cessent pour pouvoir s'approcher de lui, celui-ci vit le moine et lui dit directement: "Approche-toi et donne-moi la bénédiction (c'est-à-dire le pain) que m'envoie ton abbé." Le disciple s'approcha alors et ce pauvre prit le pain, et en l'embrassant, il lui demanda: "Comment va le vénérable Païsios? Car je désirais beaucoup apprendre à son sujet. Et toi, mon enfant, pourquoi hésites-tu à tout ce qu'il dit, et n'admets-tu pas ses commandements? Ne sais-tu pas que c'est à cause de ta désobéissance que tu as été privé de cette eau divine et de la grâce que tu en aurais reçue? Mais toi, tu continues à lui désobéir et tu n'es pas persuadé de son conseil. Moi je te compare à celui qui tient dans ses mains de l'eau fraîche et pure et n'en bois pas, mais cherche ailleurs et demande de l'eau pour étancher sa soif. Va donc, et soumets-toi à ton abbé le grand Païsios, car quiconque ne lui fait pas confiance, ne se soumet pas non plus aux commandements de notre Sauveur le Christ." Ayant entendu cela, le disciple retourna en glorifiant Dieu, et gardant désormais l'obéissance avec empressement à tous les ordres du vénérable Païsios.

Peu de temps après, le disciple se ressouvint de la grâce dont il a été privé, et il pleurait son malheur. Il demanda alors à nouveau au grand Païsios de lui donner la permission de retourner à cet homme-là, car il était tourmenté par les pensées. Mais Païsios lui dit: " mon enfant, cet homme s'est endormi dans le Seigneur, mais puisque je vois que c'est seulement en lui que tu mets tes espoirs, et que tu n'as confiance qu'en ses conseils, je te donne la permission. Va au nord de la région, où tu trouveras un très grand tombeau. Entre-y, et tu trouveras là trois corps d'hommes saints qui ont été rendus dignes de charismes prophétiques et qui, connaissant à l'avance la fin de leur vie, se rendirent à ce tombeau et s'y allongèrent. Quand tu verras cela, dis à celui qui gît entre les deux autres: "Le serviteur du Christ, par la Puissance de Jésus Christ qui a ressuscité Lazare t'ordonne de ressusciter pour me dire ce qu'il faut, en ce qui me concerne." Courant avec enthousiasme, le disciple se rendit au nord de la région, et trouvant le tombeau, il y entra et dit au trépassé tout ce que son abbé lui avait commandé. Et, ô miracle! le mort ressuscita aussitôt et lui dit: "Pourquoi ne m'as-tu pas fait confiance quand je t'ai dit de te soumettre à ton abbé? Va donc, soumets-toi à lui sans hésitation et écoute ses paroles, si tu veux être sauvé; car quiconque ne fait pas confiance à ses paroles, en vérité, s'oppose aux commandements du Christ." Quand il eut dit cela, le mort se rendormit. Émerveillé, le disciple retourna chez le vénérable Païsios et lui raconta tout en détail. Dès lors, ses pensées s'apaisèrent et il était attentif à obtenir par l'obéissance les biens qu'il avait perdus par la maudite désobéissance, en progressant dans la vertu et la perfection.

Deux frères selon la chair se rendirent chez le grand Païsios et demeurèrent dans sa communauté. Après avoir passé assez de temps dans l'obéissance, ils demandaient souvent au saint de leur donner la permission d'habiter seuls dans le désert. Voyant leur bonne volonté, celui-ci leur donna le permission. Partis donc vers leur quiétude tant désirée, ils luttaient beaucoup dans l'ascèse, en chassant les assauts des ennemis. Mais le diable, ennemi du bien, complexe et très adroit, commença un guerre contre eux, par l'entremise d'autres moines. Sous l'insignation du malin, un certain voleur s'empara des affaires d'un de ceux qui habitaient au désert. Voulant chercher à apprendre qui était l'auteur du vol, celui-ci entendit qu'un certain ancien avait le don de clairvoyance et pouvait révéler le voleur. Il s'y rendit donc en lui demandant qui l'avait volé. Or, en vérité, ce vieillard-là n'était pas clairvoyant par la grâce divine, mais "prophétisait" par une énergie diabolique. D'où il dit à celui qui l'interrogait: "Ceux qui ont tes affaires, ce sont ces deux moines qui sont venus il y a peu de temps et se sont installés dans ce désert; donc ne les laisse pas, jusqu'à ce qu'ils te les donnent."

Ayant entendu cela, celui-ci alla trouver l'higoumène de la Laure et se rendit avec une escorte chez les deux frères, et les traitèrent à la Laure avec des coups. Ensuite ils les enfermèrent en prison comme malfaiteurs et voleurs et les condamnèrent à mort. Ayant connu par la grâce divine l'épreuve des deux frères, le divin Païsios se leva aussitôt et se rendit à la Laure. Apprenant cela, tous les pères allèrent à lui. Avec eux se trouvait aussi l'ancien illusionné que l'on croyait clairvoyant. Après les salutations habituelles, le saint leur demanda: "Qu'avez-vous fait, mes frères, de ces deux jeunes qui étaient au désert?" Ceux-ci luir répondirent: "Ce sont des voleurs, père, et pour cet acte illégal, ils ont été mis en prison." "Et qui vous a dit qu'ils sont voleurs?" demanda le saint. Ils dirent: "Ce vieillard clairvoyant nous l'a dit." Le saint demanda au vieillard si vraiment les deux frères étaient des voleurs, et celui-ci dit qu'ils l'étaient vraiment, car sa prophétie était divine. Alors le divin Païsios lui dit: "Si ton charisme de prophétie était de Dieu, et non une évidente illusion diabolique, on ne verrait pas le diable dans ta bouche."

À ces paroles, les pères se troublèrent beaucoup et furent effrayés car les paroles du vénérable Païsios étaient véritables et sincères. D'où, blâmant ce vieillard, ils l'incitèrent à demander pardon pour son péché. Pris de peur, celui-ci tomba aux pieds vénérables du saint et dit: "Pardonne-moi, père, et prie pour moi l'égaré." Alors le saint ayant prié Dieu pour lui, aussitôt le démon de la vaine gloire sortit de sa bouche, et apparut à tous comme un porc. Sortant avec grande colère et fureur, il se jeta contre le saint, voulant le déchirer avec ses dents. Mais notre père le blâma, l'envoya dans l'abîme et le fit disparaître. Et cet ancien illusionné, non seulement fut délivré du démon, mais il reconnut aussi son égarement, et, tout en s'accusant, il se repentit. Gémissant amèrement, et pleurant son péché, il demanda au saint de lui pardonner ses fautes passées dans lesquelles il était tombé à cause de son égarement. De même, les autres moines, qui avaient été égarés à cause de lui, demandèrent pardon en s'accusant. Ensuite, il appelèrent ces jeunes moines qu'ils avaient calomniés, et leur demandèrent pardon pour leur manque de respect et pour la punition qu'ils leur avaient infligée. Les prenant tous en pitié, le divin Païsios leur conseilla les choses nécessaires et convenables. Ensuite, appelant le supérieur à part, il lui révéla le lieu où se trouvaient les affaires volées de l'ermite, sans nommer le voleur. Après les avoir suffisamment enseignés, il retourna au désert.

Apprenant tout ce que Dieu a montré aux hommes par les prières de saint Paul, le divin Païsios alla le voir, et s'étant rencontré, il restaient inséparables, et en s'entraidant, ils étaient comme une forteresse puissante, et jouissaient avec joie des biens de la quiétude. Chaque jour, ils inventaient de nouveaux combats de l'ascèse et des actions plus élevées. Le vénérable Païsios étant alors un vieillard, et du même âge que le divin Paul, mais quant à son âme, il était très zélé. D'où il disait au divin Paul: luttons toujours et peinons, alors que nous avons encore le temps; car tant que nous vivons, notre Seigneur ne veut pas que nous nous reposions complètement de l'accomplissement des bonnes oeuvres; ce sont la peur et la honte qui nous attendent si nous nous trouvons négligents à l'heure de notre mort. Écoutant avec joie le divin conseil, le vénérable Paul disait: "Voici, ô excellent père, je suis ton bon conseil, car ayant confiance en tes prières, je crois que Dieu nous rendra dignes de finir cette vie dans les bonnes oeuvres." Tous deux étaient thaumaturges, médecins expérimentés des âmes et des corps, suppliant Dieu pour tous, et ils étaient cause de salut pour tous.

Mais les actions du divin Paul sont très nombreuses et nous laissons un autre les raconter. De même, celles du vénérable Païsios sont très nombreuses et inconcevables; nous en disons un peu parmi eux afin d'inciter les auditeurs à les imiter. Car il n'y a pas de paroles suffisantes pour révéler avec exactitude la conduite élevée du divin Païsios, et lui-même ne voulait pas que ses exploits soient connus, à cause de son immense humilité. À ceux qui lui demandaient quelles est la plus haute de toutes les vertus, il répondit que c'était celle qui s'accomplissait dans le secret. Une autre fois qu'on lui a demandé la même chose, il répondit: "La plus grande vertu est de suivre le conseil des autres et non sa propre volonté." Il exerçait en tout temps la vertu que ce soit dans la quiétude ou en compagnie des autres, car dans la quiétude il aimait l'intimité avec Dieu et l'élévation divine, et dans la compagnie, il désirait le salut des autres. Le plus admirable était qu'il ne laissa jamais personne comprendre sa conduite dans la communauté, mais quand il était sur le point d'être glorifié pour quelque oeuvre, il la laissait et en accomplissait une autre, afin que la précédente soit gardée indemne et ne disparaisse pas à cause des louanges. En effet, c'est un grand danger en vérité que la louange des hommes, et ceux qui luttent pour recevoir la louange n'y gagnent rien. C'est pourquoi le Seigneur nous commande: "Que ta main gauche ne sache pas ce que fait ta main droite." Mais il est temps de raconter aussi la fin bienheureuse du saint.

Ayant atteint une grande vieillesse et ayant resplendi par ses vertus comme un astre lumineux, ce grand homme de Dieu fut appelé par Dieu à la béatitude céleste. la multitude des moines enterrèrent son corps honorablement, alors que son âme monta vers la vie éternelle. Peu de temps après, le bienheureux Paul partit aussi vers cette vie éternelle et la splendeur des saints, étant dans l'ordre du divin Païsios, pour que leurs âmes jouissent ensemble de ce repos-là, tout comme durant la vie terrestre, ils avaient lutté ensemble dans les labeurs de l'ascèse. Non seulement leurs âmes sont unies au ciel mais aussi leurs corps, quoiqu'ils ont été enterrés séparément. Mais peu de temps après, ils furent réunis et enterrés dans le même lieu d'une manière vraiment miraculeuse.

Quand le divin Païsios s'endormit, le divin Paul se rendit au désert intérieur. Là, peu après, il s'endormit lui aussi et fut enterré avec piété et honneur. Ensuite, ayant appris la mort du grand Païsios, notre père Isidore s'embarqua et se rendit sur le lieu où se trouvait la relique de saint Païsios. La prenant avec beaucoup d'honneur et la vénérant, il la mit dans un coffret qu'il avait préparé, et le remporta avec lui sur le bateau afin d'en enrichir sa patrie la Pésidie. Alors qu'ils avaient avancé sur une assez grande distance en mer, avec des hymnes et une grande joie, ils arrivèrent vis-à-vis du désert où se trouvait la relique de saint Paul, et le bateau s'arrêta là et n'avançait plus, mais, comme s'il était vivant et animé, il se tourna vers une autre direction et s'élançait sans cesse vers le désert du divin Paul, puisque le vénérable Païsios voulait la compagnie habituelle de saint Paul.

S'éfforçant de diriger le bateau vers l'avant, et essayant tous les moyens pendant deux jours, les hommes de l'équipage n'y parvinrent pas. D'où il reconnurent que c'est par Dieu que le bateau était retenu, et non par aucune autre cause. Ne sachant que faire, ils se reposèrent et laissèrent le bateau sans pilote aller où il voulait; gouverné par une main invisible, celui-ci alla et se tint immobile sur la terre ferme et attendait de recevoir son vénérable chargement. Voyant cela, ceux qui étaient sur le bateau étaient très étonnés et attristés. Mais à ce moment-là, descendit sur le rivage un certain ancien parmi les pères le plus renommés de ce désert-là, appelé Jérémie, et qui leur dit: "Pourquoi, ô hommes, luttez-vous contre le miracle divin, alors que vous voyez qu'il est au-dessus de la nature? Le divin Païsios appelle son ami et compagnon d'ascèse le divin Paul et, voulant que sa vénérable relique soit transférée et enterrée avec la sienne, il a amené le bateau ici; d'où, débarquez au plus vite et demandez sa sainte relique, et dès que vous 'l'aurez reçu, prenez-la avec vous, afin que les reliques des deux saints soient ensemble.

Alors, parcourant ce désert-là, notre vénérable père Isidore et ses compagnons demandèrent la relique du divin Paul. L'ayant trouvé, ils la prirent et l'amenèrent sur le bateau, la considérant comme un trésor plus resplendissant que l'or et les pierres précieuses, et, ô miracle! ces deux pères, Paul et Païsios furent un vrai gouvernail, et dirigeant le bateau tout au long de ce voyage-là, ils le gardèrent de tout danger jusqu'à ce qu'ils le conduisirent indemne en Pésidie. Le grande Isidore apporta les reliques des saints avec des hymnes au monastère qu'il avait construit. Tous ceux qui étaient possédés des démons ou souffraient de quelque autre maladie accouraient vers les saintes reliques et guérissaient seulement en les touchant. Dès lors, tous les miracles que Dieu accomplit par leur entremise, il est impossible de les dénombrer, et moi, l'humble Jean je n'ai raconté que ce peu à la gloire du Père, du Fils et du saint Esprit, maintenant et toujours et aux siècles des siècles. Amen.



Vies de saints - III. - LETTRE A BASSULA (belle-mère de Sulpice Sévère)