Augustin, de la Foi, Espérance et Charité - CHAPITRE LXXXV. DES AVORTONS.

CHAPITRE LXXXV. DES AVORTONS.

La première question est de savoir si les enfants qui ont vécu dans le sein maternel et qui naissent avant terme, pourront renaître. Si l'enfant était déjà formé, il ressuscitera; cette assertion ne saurait être infirmée dans sa généralité. S'il n'est encore qu'un embryon informe, n'est-il pas naturel de croire qu'il sera anéanti comme le sont tous les germes qui n'ont pas été fécondés? Toutefois, la résurrection n'aura-t-elle pas pour effet de compléter une organisation inachevée? Qui pourrait le nier, encore qu'il n'osât l'affirmer? S'il en est ainsi, les corps recevront le développement qui aurait été l'oeuvre du temps, de la même manière qu'ils n'auront plus les défauts qu'amène le temps: aucun être ne sera. privé des formes et des propriétés qu'une vie plus longue lui aurait fait acquérir, de même qu'il ne sera pas défiguré parle ravage des années l'organisation sera achevée, si elle était incomplète; renouvelée; si elle était altérée (1).




CHAPITRE LXXXVI. DE L'ÉPOQUE OU LA VIE COMMENCE DANS LE SEIN MATERNEL.

La science pourrait se poser ici une question et employer l'analyse la plus délicate pour l'examiner, si toutefois les investigations de l'esprit humain peuvent s'étendre aussi loin: je veux parler de l'époque où l'embryon commence à vivre: N'y aurait-il pas en lui une vie latente antérieurement aux mouvements qui la révèlent? On ne saurait, sans imprudence, nier que la vie ait animé les enfants dont on arrache les membres par lambeaux, de peur qu'ils ne fassent mourir la mère en restant dans ses entrailles. Or, dès que la vie a commencé, la mort devient possible: je ne vois donc pas à quel titre un fétus que la mort a frappé, serait exclu de la résurrection des morts.




CHAPITRE LXXXVII. DES MONSTRES: COMMENT RESSUSCITERONT-ILS?

Quant aux monstres qui vivent après leur naissance, ne fût-ce que quelques instants, on ne saurait dire qu'ils ne ressusciteront pas ou

1. Voir Cité de Dieu, liv. 22,ch. 12, 13.

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croire qu'ils ressusciteront sous leur forme étrange, sans avoir vu disparaître les défauts où les excès de leur organisation. Naguère il est né en Orient, comme l'assurent des témoins oculaires dignes de foi et comme le raconte dans ses lettres le prêtre Jérôme de sainte mémoire, un monstre à deux têtes et à quatre mains: loin de nous la pensée qu'il renaîtra avec ce double corps et que les organes destinés à former deux jumeaux ne composent pas deux êtres distincts! Ainsi donc les enfants qu'on appelle monstres parce qu'ils ont des organes incomplets ou superflus ou démesurément difformes, reprendront les justes proportions du corps humain: chaque âme aura un corps; tout corps double à sa naissance sera réduit à ses membres essentiels, et n'offrira plus que les organes nécessaires qui composent l'ensemble parfait et harmonieux du corps humain.




CHAPITRE LXXXVIII. LE CORPS SE RECOMPOSERA, QUELLE QUE SOIT LA MANIÈRE DONT LES ÉLÉMENTS AURONT DISPARU.

L'argile dont est formée la chair de l'homme ne s'anéantit jamais devant Dieu: qu'elle soit réduite en cendre ou en poussière, qu'elle se change en vapeurs et disparaisse dans les airs, qu'elle serve à former la substance d'autres corps ou même se décompose en ses éléments primitifs, enfin que devenue la nourriture des animaux et de l'homme lui-même, elle s'assimile avec leur chair, peu importe, elle retournera en un instant à l'âme qui l'avait animée d'abord, et avait présidé à la formation, à la vie, et au développement d'un être humain.




CHAPITRE LXXXIX. DES EXCROISSANCES DU CORPS: COMMENT SE RÉUNIRONT-ELLES A L'ORGANISME.

Du reste, la matière qui se change en cadavre après le départ de l'âme, recouvrera les éléments qu'elle avait perdus par dissolution et qui étaient passés en différents corps sous les formes les plus diverses, sans que ces éléments reprennent la place qu'ils occupaient dans le corps. Supposez que les cheveux tombés sous le ciseau se rajustent, que les parcelles d'ongles tant de fois coupés se réunissent, l'imagination ne conçoit plus que des formes sans mesure, sans grâce, et la résurrection entraîne, comme le veulent les incrédules, les proportions les plus choquantes. Qu'une statue de bronze ait été fondue, ou mise en pièces; ou réduite en une seule masse et qu'un artiste veuille la recomposer avec la même quantité de métal; quelle que soit la partie de matière employée pour refaire tel ou tel membre, la restauration ne serait pas moins complète, si tout le métal de la statue primitive entrait dans la statue nouvelle. De même Dieu, ce merveilleux et inimitable artiste, saura en un moment recomposer nos corps avec tous les éléments qui le constituaient, sans que son intégrité soit altérée parce que les cheveux, les ongles, au lieu de reparaître sous cette forme, se fondront dans l'ensemble en se combinant avec d'autres organes, par l'attention du divin artiste à ne laisser aucune disproportion dans ses ouvrages.




CHAPITRE XC. LA TAILLE, LES TRAITS N'OFFRIRONT PLUS D'IRRÉGULARITÉ.

Il ne serait pas moins illogique de prétendre que les hommes n'auront pas la même taille, parce qu'ils ont ici-bas une taille différente, ou qu'ils reprendront les uns leur embonpoint, les autres leur maigreur. S'il entre dans les desseins du Créateur que chaque personne, tout en gardant les traits originaux de sa figure, ait également part aux dons de la beauté physique, il saura bien modifier la matière dans chaque individu sans lui enlever la moindre parcelle, et sans qu'il lui en coûte pour la compléter, puisqu'il a créé de rien tout ce qu'il lui a plu.
Si, au contraire, chaque corps après la résurrection doit présenter des différentes sans irrégularité, à peu près comme les nuances de plusieurs voix qui forment une symphonie, sa substance servira à exprimer les belles formes qui le rendront digne d'entrer dans le choeur des anges et de leur plaire par un gracieux ensemble. Toute disproportion sera inconnue dans le ciel: il n'y aura pas de forme qui ne soit belle, parce que la beauté sera la condition même de son existence.

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CHAPITRE XCI. LE CORPS DES SAINTS RESSUSCITERA DANS SA SUBSTANCE, DÉSORMAIS INDÉFECTIBLE.

Le corps des saints ressuscitera donc sans défaut, sans disproportion: il sera dès lors soustrait à la corruption, à la pesanteur, à toute espèce d'entraves; son agilité n'aura d'égale que sa félicité. C'est à ce titre qu'il est appelé dans l'Ecriture spirituel, bien qu'il doive être un corps et non un pur esprit. De même qu'on dit maintenant du corps qu'il est animé, sans qu'il soit pour cela une âme; de même il sera alors spirituel, sans être pour cela immatériel. Quant à la corruption qui pèse sur l'âme (1), et aux passions qui soulèvent la chair contre l'esprit, elles disparaîtront: le corps rie sera plus charnel, et c'est en ce sens qu'il est appelé céleste. Aussi l'Apôtre dit-il: «La chair et le sang ne posséderont pas le royaume de Dieu»; et, pour expliquer nettement sa pensée, il ajoute: «La corruption ne participera pas à l'incorruptibilité (2)». L'expression de corruption est le commentaire des mots chair et sang: l'incorruptibilité est synonyme de royaume de Dieu. Comme substance, la chair ne disparaîtra pas. Le corps de Jésus-Christ est appelé chair, dans l'Evangile, après la résurrection (3). Et pourquoi l'Apôtre dit-il: «On sème un corps animal et il ressuscitera corps spirituel (4)?» C'est qu'entre l'esprit, principe de vie, dégagé de toute influence extérieure, et la chair obéissante et soumise, il régnera une harmonie si parfaite, que nous n'éprouverons plus de lutte en nous-mêmes; au dehors, comme au dedans, nous ne rencontrerons plus de forces antagonistes.




CHAPITRE XCII. ÉTAT DU CORPS DES DAMNÉS APRÈS LA RÉSURRECTION.

Les malheureux qui n'auront pas été soustraits par la grâce du Médiateur, à la condamnation universelle qu'a entraînée la faute du premier homme, reprendront sans doute leur corps, mais ils ne le reprendront que pour être punis avec Satan et ses anges. Ressusciteront-ils avec les défauts ou les difformités physiques qu'ils avaient de leur vivant? C'est là un problème dont il serait fort inutile de

1. Sg 9,15 - 2. 1Co 15,50 - 3. Lc 24,39 - 4. 1Co 15,44

chercher la solution. Il serait superflu de se préoccuper de la beauté ou de la laideur plus ou moins vraisemblable des corps voués à une éternité de peines trop réelles. Ne cherchons pas non plus comment leur corps sera à la fois incorruptible et capable de souffrir, ou corruptible et incapable de mourir: car, qu'est-ce que la vie sans le bonheur, et l'incorruptibilité sans une existence à l'abri de la douleur? Souffrir sans pouvoir mourir, c'est la mort elle-même, si j'ose ainsi parler, qui ne peut mourir: une douleur éternelle qui accable sans anéantir, n'est qu'une corruption sans fin. Voilà l'état que l'Ecriture appelle «une seconde mort (1)».



CHAPITRE XCIII. QUELS SERONT PARMI LES DAMNÉS CEUX QUI SOUFFRIRONT LE SUPPLICE LE PLUS DOUX.

Toutefois, la première mort, qui dégage l'âme du corps,serait aussi inconnue à l'homme que la seconde, qui attache l'âme au corps coupable, si personne n'avait péché. Ceux qui n'auront pas ajouté de faute au péché originel, subiront le supplice le plus léger; quant à ceux qui auront commis en outre des péchés actuels, la gravité de leur châtiment sera proportionnée à la gravité de leurs fautes.



CHAPITRE XCIV. A LA VUE DES CHATIMENTS DES RÉPROUVÉS, LES SAINTS APPRÉCIERONT MIEUX LEUR BONHEUR.


24. En voyant les mauvais anges et les réprouvés condamnés à un supplice éternel, les saints comprendront mieux les bienfaits dont la grâce de Dieu les a comblés. Ce spectacle leur montrera dans toute son évidence la vérité de ces mots du psalmiste: «Je chanterai, Seigneur, votre miséricorde et votre jugement (2)». On ne sera, effectivement, affranchi que par un effet de miséricorde toute gratuite, comme on ne sera condamné que par un jugement légitime.




CHAPITRE XCV. LES JUGEMENTS SECRETS DE DIEU DANS LE MYSTÈRE DE LA. PRÉDESTINATION, SERONT ALORS RÉVÉLÉS.

C'est alors que s'éclairciront des mystères, aujourd'hui impénétrables, savoir: pourquoi

1. Ap. 2,11,et 20,6,14. - 2. Psalm. C, 1.

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de deux nouveau-nés, l'un a été élu par un effet de miséricorde, l'autre, rejeté par arrêt divin, et l'enfant privilégié ne doit pas ignorer la peine qu'il aurait encourue si la grâce n'était venue à son secours; pourquoi donc l'un d'eux a été choisi de préférence, quand tous deux avaient les mêmes titres; pourquoi encore il y a des âmes qui n'ont point vu s'accomplir en leur faveur des prodiges dont elles auraient profité pour faire pénitence, tandis que ces miracles ont été accordés à d'autres sans les soustraire à leur incrédulité. Le Seigneur dit expressément: «Malheur à toi, Corosaïn, malheur à toi, Bethsaïde; car, si les miracles qui ont été faits au milieu de vous, avaient été faits dans Tyr et dans Sidon, il y a longtemps qu'elles auraient fait pénitence sous le cilice et dans la cendre (1)». Il ne faut pas croire que Dieu ait refusé injustement de les sauver: ils auraient pu se sauver, s'ils l'avaient voulu. Eclairés alors par la sagesse divine, nous comprendrons une vérité à laquelle s'attache la foi des chrétiens sans en avoir encore la pleine intelligence; nous verrons, dis-je, combien la volonté de Dieu est sûre, immuable et efficace, comment il ne veut pas tout ce qu'il pourrait, quoiqu'il ne veuille rien faire qu'il ne puisse l'accomplir; enfin nous sentirons la vérité de ces paroles «Notre Dieu habite les hauteurs du ciel; au ciel et sur la terre il fait tout ce qu'il veut (2)». Ces paroles ne seraient que mensonge, si la volonté de Dieu était parfois impuissante, ou, ce qui serait plus humiliant encore, si sa puissance trouvait dans la volonté humaine un obstacle à ses desseins. Il ne se fait rien en dehors de la volonté du Tout-Puissant; en tout, il agit ou permet d'agir.




CHAPITRE XCVI. DIEU FAIT LE BIEN, MÊME EN LAISSANT FAIRE LE MAL.

On ne saurait douter que Dieu n'agisse bien lors même qu'il laisse le mal s'accomplir car il ne le permet que dans un juste dessein, et sa bonté est inséparable de sa justice. Ainsi quoique le mal, en tant que mal, ne puisse être un bien, toutefois c'est un bien que le mal existe avec le bien. Car, s'il n'était pas bon que le mal existât, Dieu, le bien absolu, ne le permettrait pas, puisqu'il peut aussi aisément

1. Mt 11,21 - 2. Ps 113,11

empêcher ce qu'il ne veut pas, que faire ce qui lui plaît. Si l'on doute de cette vérité, on ébranle le symbole de la foi dès les premiers mots, puisqu'on y déclare qu'on croit en Dieu, «le Père tout-puissant» . La toute-puissance serait un vain mot, si Dieu ne pouvait pas exécuter tout ce qu'il veut, et que sa volonté fût bornée dans ses effets par la volonté d'un être créé.




CHAPITRE XCVII. LA VOLONTÉ DE L'HOMME PEUT-ELLE ENTRAVER LA VOLONTÉ DE DIEU QUAND IL A RÉSOLU DE SAUVER UNE AME?

Examinons donc comment ce principe se concilie avec cette parole infaillible de l'Apôtre: «Dieu veut le salut de tous les hommes (1)»; car, puisque les hommes ne sont pas tous sauvés et que les élus même sont en minorité, on pourrait croire que tous les desseins de Dieu ne sont pas remplis et que sa volonté est entravée par la volonté de l'homme. D'ordinaire, en effet, on dit que, si tous les hommes ne sont pas sauvés, c'est qu'ils ne le veulent pas. Cette explication ne saurait convenir aux nouveau-nés que nous venons de citer pour exemple, puisqu'ils sont incapables encore de vouloir ou de ne vouloir pas. S'il fallait prendre pour des actes volontaires les mouvements aveugles avec lesquels ils se débattent contre les cérémonies du baptême, il faudrait dire qu'on les sauve en dépit de leur volonté. Le Seigneur lui-même s'exprime plus clairement encore dans cette apostrophe à l'impie. Jérusalem: «Combien de fois ai-je voulu rassembler tes enfants comme une poule rassemble ses petits sous son aile, et tu ne l'as pas voulu (2)!» La volonté de Dieu serait-elle donc limitée par celle dès hommes, et la faiblesse serait-elle capable, par ses résistances, de tenir en échec la toute-puissance? Que devient alors, cette puissance infinie, qui fait tout ce qui lui plaît au ciel et sur la terre, si elle a voulu rassembler les enfants de Jérusalem sans pouvoir y réussir?, Ne faut-il pas plutôt admettre que Jérusalem, n'a pas voulu voir Dieu rassembler ses enfants et qu'il a, malgré elle, rassemblé tous ceux qu'il a bien voulu? «Au ciel et sur la terre» Dieu n'est pas tantôt maître de ses actes, tantôt

1. - 2. Mt 23,37

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impuissant à réaliser ses desseins. «il fait tout «ce qu'il veut».




CHAPITRE XCVIII. QUOIQUE DIEU PUISSE CONVERTIR TOUS LES HOMMES, IL N'EST PAS INJUSTE EN NE LES CONVERTISSANT PAS TOUS


25. Le délire de l'impiété peut-il aller jusqu'à dire que Dieu n'a pas le pouvoir de ramener au bien, quand et comme il lui plaît, les volontés perverses qu'il a résolu de changer? Lui plaît-il de le faire? il agit par miséricorde; ne le fait-il pas? il obéit à sa justice car, «il fait miséricorde à qui il veut et il «endurcit qui il lui plaît». L'Apôtre, en tenant ce langage, voulait faire sentir la puissance de la grâce; aussi avait-il déjà cité les deux enfants, conçus par Rébecca, à qui «avant leur naissance, sans qu'ils eussent fait ni bien ni mal, afin de montrer que le décret de l'élection gratuite de Dieu ne dépend point des oeuvres, mais de la volonté de Dieu qui appelle, il fut prédit: que l'aîné serait assujéti au plus jeune». Et il cite à l'appui de ces paroles le témoignage du prophète: «J'ai aimé Jacob et j'ai haï Esaü». Puis, s'aperçevant que ce langage pourrait déconcerter les esprits trop faibles pour pénétrer les profondeurs de la grâce, il ajoute: «Que dirons-nous donc? Est-ce qu'il y a en Dieu de l'injustice? point du tout». Il semble en effet injuste que Dieu aime l'un et haïsse l'autre, sans avoir égard à leurs actes bons ou mauvais. Et qu'on ne croie pas que l'Apôtre songe aux actes bons ou mauvais qu'ils devaient accomplir un jour et dont Dieu avait la prescience: car au lieu de dire que le choix de Dieu «ne dépend pas des oeuvres», il aurait parlé des oeuvres futures: c'eût été un moyen commode de résoudre le problème ou plutôt de le supprimer. Mais non; après avoir dit «qu'il n'y a pas d'injustice en Dieu», il le prouve en ajoutant: «Il a dit à Moïse: J'aurai pitié de qui le voudrai, et je ferai miséricorde, à qui il me plaira de faire miséricorde» . En effet, n'y . aurait-il pas folie à accuser Dieu d'injustice parce qu'il punit légitimement celui qui le mérite, ou qu'il fait grâce. à celui qui ne le mérite pas? L'Apôtre conclut donc, avec raison, «que les faveurs ne dépendent ni de la volonté, ni des efforts de l'homme, mais de la miséricorde de Dieu (1)». Ainsi les deux fils de Rébecca naissaient enfants de la colère, suite naturelle, non de leurs fautes personnelles, mais du péché d'Adam qui les avait enveloppés dans sa condamnation. Par conséquent Celui qui a dit: «J'aurai pitié de qui je voudrai», a aimé Jacob par un effet de miséricorde toute gratuite, et il a pris Esaü en haine par un arrêt de sa justice. Comme cet arrêt les atteignait tous deux, Jacob, en se comparant à Esaü, a reconnu que s'il avait échappé à la peine qu'il encourait pour la même faute, il le devait, non à quelque prérogative de mérite et de vertus, mais à la grâce toute pure de Dieu, parce que cette faveur dépendait «non de la volonté et des efforts de l'homme, mais de la miséricorde divine». Par un mystère aussi sublime que fécond dans la pratique, l'Ecriture, si l'on considère bien ses traits les plus généraux et, pour ainsi dire, sa physionomie, semble reproduire sans cesse cette vérité: «Que celui qui se glorifie, se glorifie dans le Seigneur (2)».




CHAPITRE XC9,DIEU FAIT GRACE PAR SA BONTÉ INFINIE, COMME IL ENDURCIT SANS INJUSTICE. - DU PRINCIPE QUI NOUS SÉPARE DE LUI.

Après avoir fait éclater la miséricorde de Dieu en ces termes: «La grâce ne dépend ni de la volonté, ni des efforts de l'homme, mais de la miséricorde de Dieu», l'Apôtre met sa justice en relief, et avec raison: car, l'injustice étant étrangère à Dieu, celui qui n'éprouve pas les effets de sa miséricorde, loin d'être victime d'une injustice, est l'objet de ses jugements. Il ajoute donc immédiatement: «Voici ce que l'Ecriture fait dire à Pharaon: Si je t'ai élevé sur le trône, c'est pour faire éclater ma puissance et rendre mon nom illustre dans toute la terre», Et il résume sa pensée dans cette conclusion où éclate le double effet de la miséricorde et de la justice «Il fait miséricorde à qui il veut, il endurcit qui il lui plaît». En d'autres termes, Dieu fait grâce par sa miséricorde infinie, et il endurcit sans être injuste; de sorce qu'on n'a point à se glorifier de ses mérites, si l'on est sauvé, et que, si l'on est damné, on doit regarder sa perte comme un juste châtiment, La grâce seule sépare les élus des damnés, puis-

1. Rm 9,11-16 - 2. 1Co 1,31

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qu'une faute commune, contractée en naissant, les avait tous indistinctement enveloppés dans la même condamnation.
Dirait-on: De quoi se plaint Dieu? Qui pourrait résister à sa volonté? Ira-t-on jusqu'à rejeter la responsabilité des crimes sur celui «qui fait miséricorde à qui il veut, «et qui endurcit qui il lui plaît?» Ne rougissons pas alors de faire la même réponse que l'Apôtre: «O homme! qui es-tu pour contester avec Dieu? Le vase d'argile dira-t-il à celui qui l'a pétri: Pourquoi m'as-tu formé ainsi? Le potier n'a-t-il pas tout pouvoir sur son «argile? ne peut-il pas former de la même «masse un vase d'honneur et un vase d'ignominie (1)?» Il y a des esprits insensés qui s'imaginent que l'Apôtre n'a pu trouver de réponse satisfaisante, et qu'à défaut d'arguments, il a fermé la bouche aux contradicteurs. Mais n'y a-t-il pas un argument victorieux dans ces paroles: «O homme! qui es-tu?» D'un seul mot, l'Apôtre invite l'homme à mesurer la portée de son intelligence dans ces redoutables problèmes, et donne une réponse péremptoire; car si l'homme ne peut comprendre ces vérités, que répondra-t-il à Dieu? et s'il les comprend, n'est-il pas également réduit au silence? Dans ce dernier cas, en effet, il voit clairement que le genre humain, séparé de Dieu dans sa source, a été condamné par un arrêt si équitable, que les hommes auraient pu être abandonnés en masse à leur sort, sans que Dieu eût à encourir le plus léger reproche d'injustice; il voit également que les élus devaient être affranchis de manière que le sort du plus grand nombre, abandonné à sa perte et à sa juste condamnation, fût une preuve éclatante du châtiment qu'avait mérité l'espèce entière, et que les élus même auraient subi légitimement sans le secours de la miséricorde divine à laquelle ils n'avaient aucun droit. Par là, quiconque voudrait se glorifier de ses mérites «a la bouche fermée (2)», et «quiconque se glorifie, doit se glorifier dans le Seigneur (3)».




CHAPITRE C. QU'AUCUN ÉVÉNEMENT N'A LIEU EN DEHORS DE LA VOLONTÉ DE DIEU, LORS MÊME QU'IL LA CONTREDIT.

26. Telles sont «les oeuvres sublimes du Seigneur, toujours proportionnées à ses

1. Rm 9,11-21 - 2. Rm 3,19 - 3. 1Co 1,31

Desseins (1)»; elles sont ordonnées avec une sagesse infinie; car, l'homme et:l'ange ayant péché, en d'autres termes, ayant mieux aimé suivre leur volonté que celle du Créateur, Dieu s'est servi de leur désobéissance même pour accomplir ses desseins. Dans sa bonté souveraine, il a tiré parti du mal en condamnant ceux que sa justice avait prédestinés au châtiment éternel, en sauvant ceux que sa miséricorde avait prédestinés aux faveurs de sa grâce. Autant qu'il a été en eux, ils ont résisté à sa volonté; mais sa toute-puissance a rendu leurs tentatives vaines; leur désobéissance même est devenue le mobile de sa volonté. «Voilà comment les oeuvres de Dieu sont grandes et proportionnées à ses desseins»; par une loi d'une profondeur incroyable, toute révolte contre sa volonté ne peut s'accomplir en dehors de sa volonté; car elle ne peut s'accomplir qu'autant qu'il le permet, et il ne le permet qu'autant qu'il le veut bien; d'ailleurs, sa bonté ne permettrait jamais le mal, si sa puissance ne tirait pas le bien du mal.




CHAPITRE CI. LA VOLONTÉ DE DIEU, TOUJOURS CONFORME AU BIEN, S'ACCOMPLIT PAR LES RÉSOLUTIONS BONNES OU MAUVAISES DES HOMMES.

Parfois une intention bonne entraîne l'homme à vouloir ce que Dieu ne veut pas par un motif infiniment plus élevé et plus pur: car la volonté divine est toujours conforme au bien. Par exemple, un bon fils peut désirer que son père vive, tandis que Dieu, dans un but excellent, ordonne qu'il meure. En revanche, l'homme peut concevoir, dans un but coupable, la résolution que Dieu a formée dans un but excellent . par exemple, un mauvais fils peut vouloir que son père meure en même temps que Dieu l'ordonne. Les désirs du premier ne s'accordent pas avec les desseins de Dieu; chez le second, il y a parfaite conformité: toutefois la tendresse du premier, quoique contraire aux décrets de Dieu, est plus conforme à la volonté sainte, que l'impiété du second, quoiqu'elle corresponde à ses desseins; tant est profonde la différence qui sépare nos résolutions des desseins de Dieu! tant il est vrai que le motif de nos actes en fait la bonté ou la malice! Souvent, en effet, Dieu emploie la volonté coupable des méchants pour exécuter ses

1. Psalm. C10,2.

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volontés toujours bonnes: c'est ainsi que la perfidie des Juifs a été l'instrument dont il s'est servi pour immoler Jésus-Christ et réaliser le plan de notre rédemption; et telle était la grandeur de ce bienfait, que l'apôtre Pierre, en voulant y mettre obstacle, fut appelé satan (1) par la victime même qui courait au sacrifice. Sans doute, les fidèles obéissaient aux motifs les plus nobles en conjurant Paul de ne point aller à Jérusalem et d'éviter les tourments que lui révélait le prophète Agabus (2). Cependant Dieu voulait que Paul endurât ces tourments pour publier la foi; il voulait mettre à l'épreuve le confesseur de Jésus-Christ, et il remplit ses desseins en employant, non la bonne volonté des fidèles, mais la volonté criminelle des Juifs. L'intention des fidèles, quoique opposée à ses desseins, lui plaisait mieux que celle des Juifs, qui agissaient conformément à sa volonté, parce qu'ils accomplissaient les décrets de sa bonté dans une intention coupable.




CHAPITRE CII. LA VOLONTÉ DE DIEU EST TOUTE PUISSANTE: IL NE FAIT JAMAIS LE MAL SOIT QU'IL FASSE MISÉRICORDE, SOIT QU'IL ENDURCISSE.

Quelque puissante que soit la volonté des anges et des hommes, des bons et des méchants, qu'elle s'accorde ou qu'elle ne s'accorde pas avec les desseins de Dieu, la volonté du Tout-Puissant est au-dessus de tous les obstacles; elle n'a jamais le mal pour but: car, en condamnant à souffrir, elle est juste, et la justice est incompatible avec le mal. Dieu donc, dans sa puissance absolue, fait miséricorde à qui il veut par un effet de sa grâce, ou endurcit qui il lui plaît en vertu d'un jugement équitable jamais il n'agit par injustice; jamais il ne fait rien sans le vouloir et il fait tout ce qui lui plaît.



CHAPITRE CIII. EXPLICATION DE CE PASSAGE DE L'ÉPÎTRE A TIMOTHÉE: DIEU VEUT LE SALUT DE TOUS LES HOMMES.


27. Quand nous entendons dire ou que nous lisons dans les saintes lettres «que Dieu veut «le salut de tous les hommes», quoique. nous ayons la certitude que le genre humain ne doit pas se sauver tout entier, prenons garde de rien retrancher à la toute-puissance de la

1. Mt 16,23 - 2. Ac 21,10-12

volonté divine; dans ces paroles: «Dieu veut le salut de tous les hommes», comprenons qu'il n'y aura de sauvés que ceux qu'il plaira à Dieu. Ce sens n'est pas qu'il n'y a personne que Dieu ne veuille sauver, mais que personne n'est sauvé sans que Dieu ne l'ait voulu; c'est à ce titre qu'il faut le prier de vouloir bien nous sauver, parce que sa volonté sera infailliblement accomplie. La prière, en effet, était l'objet des préceptes de l'Apôtre, quand il a prononcé cette parole. Nous devons entendre de la même manière ce passage de l'Evangile . «C'est lui qui éclaire tout homme (1)». Ces paroles ne signifient pas qu'il n'y a point d'homme qui ne soit éclairé de Dieu, mais que personne ne peut être éclairé sans sa lumière. On pourrait encore expliquer ce passage, sans admettre qu'il n'y -a personne que Dieu ne veuille sauver, erreur manifeste, puisque Dieu n'a pas voulu faire de miracles dans des villes qui, en les voyant, auraient fait pénitence; cette explication consisterait à entendre par «tous les «hommes» les différentes classes dont se compose le genre humain: les rois et les sujets, les nobles et les roturiers, les grands et les petits, les savants et les ignorants, les forts et les faibles, ceux qui sont ingénieux et ceux qui ont l'esprit lent ou grossier, les riches, les pauvres et les gens aisés, les hommes et les femmes, les nouveau-nés et les enfants, les adolescents et les jeunes gens, les vieillards jusqu'à l'âge le plus décrépit, les hommes enfin avec toutes les variétés qu'établissent entre eux la langue, les mœurs, les arts, les métiers, les goûts, les sentiments. Par quel motif, en effet, Dieu ne voudrait-il pas choisir ses élus chez tant de peuples divers et les sauver par les mérites de Jésus-Christ, son Fils unique, puisque, dans sa toute-puissance, il ne saurait rien vouloir sans l'exécuter? Telle est la pensée de l'Apôtre: car il venait de recommander à Timothée de prier pour tous les hommes, en désignant plus spécialement «les rois et ceux qui sont élevés en dignité», parce qu'il était naturel de croire que les pompes et les vanités du monde leur faisaient oublier l'humilité de la foi chrétienne. Après avoir dit que les prières adressées au ciel pour les grands «sont agréables à Dieu notre Sauveur», il ajoute aussitôt, pour prévenir le désespoir «Dieu veut que tous les hommes soient sauvés et arrivent à la connaissance de la vérité (2)».

1. Jn 1,9 - 2. 1Tm 2,1-4

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Dieu, en effet, a daigné dans sa sagesse accorder aux prières des petits le salut des grands, et nous voyons aujourd'hui son dessein accompli. D'ailleurs on retrouve cette manière de parler dans la bouche même du Seigneur, lorsqu'il dit aux Pharisiens: «Vous donnez le dixième de la mente, de la rue, et de tous les légumes»; apparemment, les pharisiens ne donnaient pas la dîme des légumes d'autrui ou des plantes exotiques. Si donc il faut entendre par «tous les légumes» les légumes de toutes sortes, nous pouvons ici regarder l'expression «tous les hommes», comme synonyme d'hommes de toute classe. On peut d'ailleurs adopter une autre interprétation, pourvu qu'elle n'entraîne pas la conséquence que le Dieu tout-puissant ait formé un dessein sans pouvoir le réaliser. «Celui qui, comme la vérité le déclare sans équivoque, a fait tout ce qu'il a voulu au ciel et sur la terre», n'a pas voulu faire, sans aucun doute, tout ce qui ne s'est pas fait.




CHAPITRE CIV. DESSEIN DE DIEU SUR ADAM, DONT IL PRÉVOYAIT LA FAUTE.


28. Dieu aurait-il voulu maintenir l'homme dans la perfection où il l'avait créé, et, après l'avoir vu devenir père, ne l'aurait-il pas appelé à des destinées plus hautes, au moment marqué dans ses desseins, sans le faire passer par la mort, en le transportant dans un séjour où il aurait été exempt, non-seulement du péché, mais de l'intention même de faire le mal? Oui, sans doute, s'il avait prévu que l'homme ne perdrait jamais la volonté de rester dans l'innocence, qui était le privilège de son origine. Mais comme il savait d'avance qu'il ferait un mauvais usage de la liberté, en d'autres termes, qu'il pécherait, il régla sa volonté sur sa prescience et résolut de tirer le bien du mal, afin que sa volonté toujours bonne fût exécutée, loin d'être réduite à l'impuissance par la volonté criminelle de l'homme.


CHAPITRE CV. DE LA LIBERTÉ DANS L'ÉTAT PRIMITIF ET DANS L'ÉTAT DE PERFECTION.

L'homme devait d'abord être créé avec la faculté de vouloir également le bien et le mal, à la condition d'en être récompensé ou puni; dans l'éternité, il sera incapable de vouloir le mal, sans perdre toutefois son libre arbitre. La liberté sera d'autant plus parfaite qu'elle sera affranchie du péché: car, faut-il déprécier la volonté, la nier, ou lui refuser l'indépendance, parce que nous avons un instinct si vif du bonheur, que, non-seulement nous ne voulons pas être malheureux, mais que nous sommes incapables de le vouloir? Eh bien 1 de même que notre âme ne peut aujourd'hui vouloir son malheur; de même alors elle ne pourra se résoudre au mal. Mais Dieu voulait, pour suivre une gradation légitime, montrer la grandeur d'un être raisonnable et libre d'éviter le péché, en face de l'impeccabilité qui est une perfection plus haute. Il en est de même dé l'immortalité: moins parfaite quoique réelle, lorsqu'elle n'excluait pas la mort, elle sera complète, lorsqu'elle n'entraînera plus la possibilité de mourir.




CHAPITRE CVI. NÉCESSITÉ DE LA GRACE DANS L'ÉTAT PRIMITIF COMME DANS L'ÉTAT ACTUEL.

La nature humaine a perdu, par sa libre volonté, cette immortalité primitive: quant à la seconde, qu'elle aurait conquise par ses mérites, si elle n'avait péché, elle la tiendra de la grâce: toutefois, même avant la chute, elle n'aurait pu mériter sans le concours de la grâce. Le péché, sans doute, ne dépendait que du libre arbitre: mais l'observation de la justice n'en dépendait pas entièrement; le secours divin était nécessaire pour mettre la liberté en communication avec le bien immuable. L'homme peut se détruire quand il lui plaît; il a mille moyens de s'ôter la vie, comme de se priver de nourriture, pour ne citer que ce moyen; mais il ne lui suffit pas de vouloir, pour conserver son existence; il faut qu'il ait recours aux aliments et à tous les moyens d'entretenir la vie. Telle était la condition de l'homme dans le paradis terrestre: il était libre de se suicider, en renonçant à la justice; mais, quand il fallait rester fidèle à cette justice, sa volonté devenait insuffisante et avait besoin d'être soutenue par le Créateur. Depuis 1a chute, la miséricorde de Dieu est plus nécessaire encore, puisqu'il faut dégager de la servitude la liberté elle-même, que domine le péché avec la mort sa compagne. Or, ce n'est point par ses propres forces, c'est par la (39) grâce toute pure de Dieu en Jésus-Christ, que l'homme reprend sa liberté: «Sa volonté, ainsi qu'il est écrit, doit être préparée par le Seigneur (1)», pour qu'il puisse recevoir tous les dons divins qui lui valent le don suprême de la vie éternelle.




CHAPITRE CVII. LA VIE ÉTERNELLE RÉCOMPENSE ET GRACE TOUT A LA FOIS.

C'est en ce sens que l'Apôtre appelle la vie éternelle, qui est le salaire des bonnes Couvres, le fruit de la grâce de Dieu. «La mort a été la solde du péché, dit-il; le fruit de la grâce de Dieu, c'est la vie éternelle en Notre-Seigneur Jésus-Christ (2)». La solde est pour le soldat le prix de ses services, ce n'est pas un don: en appelant la mort «la solde du péché», l'Apôtre nous fait sentir qu'elle est le châtiment nécessaire et comme le prix du péché. Quant à la grâce, elle ne serait qu'un vain mot, si elle n'était pas une faveur toute pure. Il faut donc admettre que les biens, même conquis par les mérites de l'homme, sont des dons de Dieu, et qu'en recevant la vie éternelle pour prix de ses mérites, on ne fait que recevoir «grâce pour grâce (3)». Ainsi l'homme a été créé avec un esprit droit, de telle manière qu'il avait besoin du secours de Dieu pour conserver cette droiture originelle, et qu'il pouvait fausser sa volonté en abusant de son libre arbitre. Quelque parti qu'il prît, il devait accomplir la volonté de Dieu ou la voir s'accomplir sur lui. Or, il aima mieux suivre sa volonté que celle de Dieu, et la volonté de Dieu s'accomplit sur lui. De la masse viciée qui est sortie de cette source, Dieu a formé tantôt un .vase d'honneur, tantôt un vase d'ignominie (4): d'honneur, par sa miséricorde, d'ignominie, par un effet de sa justice, afin qu'on ne vît plus dans l'homme et par conséquent en soi un sujet de se glorifier.




CHAPITRE CVIII. DIEU EST L'AUTEUR DE NOTRE SALUT.

Jésus-Christ même, le médiateur entre Dieu et l'homme, aurait été impuissant à nous délivrer, s'il n'avait été tout à la fois homme et Dieu. Lors de la création d'Adam, l'homme était droit et n'avait pas besoin d'un Médiateur;

1. Pr 8,35 - 2. Rm 6,23 - 3. Jn 1,16 - 4. Rm 9,21

mais quand le péché eut creusé un abîme entre Dieu et le genre humain, un Médiateur étranger au péché dut naître, vivre et s'immoler pour nous réconcilier avec lui, et nous mériter avec la résurrection de la chair la vie éternelle. Ainsi l'humilité d'un Dieu devait convaincre et guérir l'homme de son orgueil l'homme pourrait mesurer l'intervalle qui le séparait de Dieu, en voyant qu'il fallait pour le combler un Dieu incarné; un Dieu-homme donnant à l'homme rebelle. l'exemple de l'obéissance. Ainsi, en revêtant la forme d'un esclave jusque-là incapable de mérites, le Fils unique devint la source de la grâce; la résurrection du Rédempteur devint le gage de la résurrection de la chair promise à ceux qu'il rachetait; le démon fut vaincu par la nature humaine qu'il se flattait d'avoir séduite; et l'homme fut réduit à ne plus se glorifier, afin de prévenir ainsi le retour de l'orgueil. Voilà les conséquences de ce mystère auguste; et je ne parle pas de celles que peuvent découvrir et exprimer des âmes plus parfaites, ou que l'esprit contemple sans que le langage puisse les traduire.




CHAPITRE CIX. DU SÉJOUR DES AMES AVANT LA RÉSURRECTION.



Augustin, de la Foi, Espérance et Charité - CHAPITRE LXXXV. DES AVORTONS.