Augustin, du maître. - CHAPITRE VI. SIGNES QUI SE DÉSIGNENT EUX-MÊMES.

CHAPITRE VI. SIGNES QUI SE DÉSIGNENT EUX-MÊMES.


17. Aug. Allons plus loin et dis-moi si à tes yeux tous les noms sont des mots et tous les mots des noms, comme toutes les paroles sont des noms et tous les noms des paroles? - Ad. Réellement je ne vois pas qu'il y ait entre eux d'autre différence que la différence de son. - Auq. Pour le moment je suis de ton avis, quoique plusieurs voient aussi une différence dans la signification. Maintenant il n'est pas besoin d'examiner ce sentiment. Tu remarques sans doute que nous sommes arrivés aux signes qui se désignent mutuellement, sans autre différence que celle du son, et qui se désignent eux-mêmes avec toutes les autres parties du discours. - Ad. Je ne comprends point. - Auq. Tu ne comprends pas que le mot désigne le nom et que le nom désigne le mot, et qu'il n'y a entre eux que la différence de son, quand le nom est pris dans un sens général? car le nom est pris dans un sens particulier quand on le considère comme une des huit parties du discours, à l'exclusion des sept autres. - Ad. Je comprends. - Aug. Mais c'est ce que j'ai dit en affirmant que le mot et le nom se désignent réciproquement.


18. Ad. J'y suis. Mais qu'as-tu voulu faire entendre ici: Car ils se désignent aussi eux-mêmes avec les autres parties du discours? - Aug. N'avons-nous point vu précédemment que toutes les parties du discours peuvent s'appeler des mots et des noms, c'est-à-dire être désignées par le nom et par le mot? - Ad. Oui. - Aug. Et si je te demande comment tu appelles le nom lui-même, c'est-à-dire le son produit par cette syllabe, ne pourras-tu me répondre: le nom?- Ad. C'est juste.- Aug. Est-ce ainsi que se désigne lui-même cet autre signe que nous exprimons par ces quatre syllabes: Conjonction? car ce nom ne figure point au nombre des mots qu'il désigne. - Ad. C'est exact. - Auq. J'ai donc eu raison de dire que le nom se désigne lui-même avec tous les autres noms qu'il comprend; et tu peux sans moi en dire autant de tout mot. - Ad. C'est désormais chose facile. Mais il me vient à l'esprit que le nom se prend en général et en particulier, tandis que le mot ne se prend point pour l'une des huit parties du discours. Voilà entre eux une différence nouvelle et autre que la différence de son.

Aug. Crois-tu que nom et voix aient entre eux d'autre différence que la différence du son propre à chaque langue, à la nôtre et à la langue grecque? - Ad. Ici, je n'en vois point d'autre. - Aug. Nous voici donc arrivés à des signes qui se désignent eux-mêmes, et qui ont entre eux une signification différente, et qui: ont aussi entre eux la même signification, et qui enfin ne diffèrent que par le son; car nous venons de découvrir ce quatrième signe, il s'agit dans les trois autres du nom et de la parole. - Ad. Nous y voilà bien arrivés.



CHAPITRE VII. RÉSUMÉ DES CHAPITRES PRÉCÉDENTS.


19. Aug. Veux-tu résumer ce que nous avons découvert dans cet entretien? - Ad. Je le ferai autant que je le pourrai. Je me souviens d'abord que nous avons recherché pourquoi le langage, et nous sommes convenus qu'il est destiné à instruire ou à rappeler des souvenirs. En effet, lorsque nous interrogeons quelqu'un, notre unique but est de lui faire connaître ce que nous désirons savoir. Quant au chant, il paraît provoqué par le plaisir, et n'est pas un langage proprement dit. Comme nous ne pouvons avoir l'idée d'apprendre ni de rappeler à Dieu quoi que ce soit, lorsque nous le prions, nos paroles n'ont d'autre but que de nous exciter nous-mêmes, d'exciter ou d'enseigner autrui.

Après qu'ensuite il a été constaté que les paroles ne sont que des signes, et qu'il ne peut y avoir de signe dans ce qui ne désigne rien, tu m'as proposé de travailler à montrer ce que signifie chacune des paroles du vers suivant: Si nihil ex tanta superis placet urbe relinqui

Quoique le second mot de ce vers soit très (194) usité et très-clair, nous ne découvrions pas quelle en est la signification. Il me semblait que nous n'employons pas inutilement cette expression dans le discours, qu'elle doit apprendre quelque chose. à qui l'entend et qu'elle indique peut-être l'impression d'une âme qui découvre ou croit avoir découvert que ce qu'elle cherche n'existe pas. Tu m'as répondu alors; mais par plaisanterie, et comme pour éviter je ne sais quelle profonde question, tu en as remis l'éclaircissement ù un autre moment. Ne crois pas que j'oublie non plus cet engagement contracté.

J'ai essayé ensuite d'expliquer le troisième mot du vers; tu m'as pressé alors de ne pas substituer à ce terme un terme d'égale valeur, mais de montrer plutôt la chose même que signifient ces paroles. J'ai répondu que cela était impossible parle discours, et nous en sommes venus à parler des réponses qui se font par l'indication du doigt. Je pensais que tout ce qui est corps pouvait ainsi se montrer au doigt, mais nous avons découvert qu'il n'y a que les objets -visibles: de là, je ne sais comment, nous avons parlé des sourds et des histrions qui montrent sans parler, et du geste seulement, presque toutes les choses dont on peut parler, aussi bien que les objets visibles. Nous avons reconnu toutefois que leurs gestes sont des signes.

Nous avons recommencé alors à examiner comment nous pourrions montrer, sans employer de signes, les choses mêmes que rappellent les signes. Il était manifesce qu'on montrait par quelque signe cette muraille, la couleur et toutes les choses visibles qui peuvent s'indiquer du doigt. Je disais donc, par erreur, qu'il est impossible de rencontrer rien de semblable; mais nous avons fini par tomber d'accord qu'on peut désigner, sans signe, ce que nous ne faisons point quand on nous interrogé, pourvu que nous le puissions faire après la question, excepté toutefois la nature du langage; car si on nous demande, au moment où nous parlons, ce que c'est que le langage, il est clair que nous pouvons le définir par le langage même.


20. Par là, nous avons compris que l'on montre par signes: soit ce qui est signe, soit ce qui ire l'est point; et que l'on fait connaître, même sans signe, ce que l'on peut faire après avoir été questionné. De ces trois propositions, nous avons entrepris d'étudier et de discuter la première, avec un soin particulier. Nous avons reconnu alors qu'il y a des signes qui ne peuvent compter parmi les signes qu'ils désignent eux-mêmes; tel est le quadrisyllabe conjonction: et qu'il y a des signes qui le peuvent. ainsi, en disant: le signe, nous désignons aussi la parole, et en disant la parole, nous comprenons en même temps le signe; car le signe et la parole sont à la fois deux signes et deux paroles.

On a vu de plus que dans cette espèce de signes réciproques, il en est dont la signification est moins ou également étendue, d'autres encore qui ont la même signification. Ainsi ce dissyllabe, sine, comprend absolument tout ce qui peut désigner quoi que ce soit; mais la parole ne s'entend pas de tous les signes, elle se restreint à ceux que profère la voix articulée. Aussi est-il clair, quoique le signe désigne la parole et quoique la parole désigne le signe, c'est-à-dire quoique les deux syllabes de l'un de ces mots reportent la pensée vers les trois syllabes de l'autre, que le signe s'étend plus loin que la parole, que ces deux syllabes désignent plus d'objets que les trois. Mais la parole, prise en général, a le même sens que le nom, considéré aussi d'une manière générale. Car la raison nous a fait voir que toutes les parties du discours peuvent être des noms, puisqu'aux noms se joignent naturellement les pronoms, puisque toutes ces parties peuvent servir de nom à quelque chose et qu'il n'en est aucune quine puisse former avec le verbe une proposition complète.

Néanmoins, de ce que le nom et la parole ont une signification également étendue quand toutes les paroles sont considérées comme des noms, il ne s'ensuit pas que cette signification soit identique. Il nous a paru probable,.en effet, que des causes diverses ont fait appeler diversement le nom et la parole. La parole, avons-nous dit, affecte l'oreille, et le nom doit réveiller les souvenirs de l'esprit. On peut le prouver même par les phrases suivantes. Il est parfaitement correct de dire: Quel est le nom de cette chose, que l'on veut confier à la mémoire? mais on ne dit pas: Quelle est la parole de cet objet?

Parmi les signes dont la signification n'est pas seulement d'égale étendue, mais absolument la même, nous avons remarqué le nom et onoma. J'avais oublié, en parlant des signes qui se désignent réciproquement, que (195) nous n'en avons découvert aucun qui ne se désigne lui-même en désignant les autres. Voilà tout ce que j'ai pu me rappeler. J'en suis persuadé, tu n'as rien avancé dans cet entretien, que tu ne le saches avec certitude. Vois donc si j'ai fait un bon résumé.



CHAPITRE VIII. UTILITÉ DE CETTE DISCUSSION; IL FAUT, POUR RÉPONDRE, APPLIQUER L'ESPRIT A CE QUE RAPPELLE LE SIGNE.


21. Augustin. Ta mémoire a reproduit assez fidèlement tout ce que je demandais; et pour te l'avouer, je vois à l'heure qu'il est ces distinctions beaucoup plus clairement qu'au moment où, dans le travail de la discussion, nous les tirions ensemble de je ne sais quelles retraites obscures. Mais où doivent nous conduire tant de laborieux détours? Il est difficile de le dire ici. Peut-être penses-tu que nous jouons et que nous détournons l'esprit des choses sérieuses pour l'appliquer à des questions d'enfants, ou bien que nous n'avons en vue que de légers et médiocres avantages; peut-être encore, si tu soupçonnes que nous devons arriver à quelque résultat considérable, aspires-tu à le voir ou au moins à l'apprendre au plus tôt. Crois-le bien; nous jouons peut-être, mais il ne faut pas apprécier ce que nous faisons, à la manière des enfants, car je n'ai pas établi dans cet entretien des divertissements futiles, et les avantages que j'en attends ne sont ni légers ni médiocres. Si néanmoins je te disais que c'est à cette vie bienheureuse et en même temps éternelle que je désire, sous la conduite de Dieu, c'est-à-dire de la vérité même, que nous parvenions en faisant ces petits pas proportionnés à notre faiblesse; peut-être te semblerais je ridicule et tu demanderais pourquoi je n'étudie pas les choses plutôt que les signes en entrant dans cette voie royale. Tu me pardonneras donc de préluder avec toi, non pour jouer, mais pour exercer les forces et la pénétration de l'esprit: nous en avons besoin pour soutenir, pour aimer la lumière et la chaleur de ces régions célestes, où réside la vie bienheureuse.- Ad. Continue plutôt comme tu as commencé. Dieu me garde à jamais de juger méprisable ce que tu estimes devoir dire ou faire!


22. Aug. Eh bien! considérons maintenant les signes qui désignent non pas d'autres signes, mais les choses que nous avons appelées signifiables. Dis-moi d'abord si un homme est un homme. - Ad. Pour le coup, je me demande si tu ne joues pas. - Aug. Pourquoi? - Ad. Parce que tu crois devoir me demander si un homme est autre chose qu'un homme. - Aug. Ainsi tu croirais que je me joue de toi si je te faisais encore cette question: La première syllabe de ce nom est-elle autre que hom, et la seconde autre que me? - Ad. Sans aucun doute. - Aug. Mais en réunissant ces deux syllabes on a homme: le nieras-tu? - Ad. Qui le nierait? - Aug. Ecoute donc: Es-tu toi-même ces deux syllabes réunies? - Ad. Nullement. Mais je vois où tu veux en venir. - Aug. Dis-le, mais ne crois pas que je veuille t'outrager. - Ad. Tu veux conclure que je ne suis pas un homme. - Aug. Et après avoir reconnu la vérité de tout ce qui prépare cette conclusion, tu n'as point la même idée? - Ad. Je ne te ferai pas d'abord connaître mon idée, il faut que j'apprenne auparavant dans quel sens tu m'as demandé si un homme est un homme. Parlais-tu des deux syllabes du mot ou de ce qu'elles signifient? - Aug. Réponds plutôt dans quel sens tu as entendu ma question: si elle est équivoque, tu as dû le remarquer et ne pas me répondre avant d'être sûr du sens que je lui donnais. - Ad. Que m'importait cette équivoque? J'ai répondu dans les deux acceptions. Un homme est réellement un homme: car ces deux syllabes ne sont autre chose que ces deux syllabes, et ce qu'elles signifient n'est autre chose que ce qui est.

Aug. Voilà qui est bien pensé. Mais pourquoi n'as-tu pris dans deux sens que le mot homme? Pourquoi n'as-tu point entendu de la même manière tout ce que nous avons dit d'ailleurs? - Ad. Aussi bien comment prouves-tu que je n'ai pas pris le reste également dans deux sens? - Aug. Pour ne point parler d'autre chose, si tu n'avais vu que des syllabes dans toute cette première question, tu ne m'aurais rien répondu, et j'aurais pu paraître ne t'avoir pas interrogé. Mais après m'avoir entendu prononcer les trois mots et répéter le mot homme en disant: Si un homme est un homme, tu as vu dans les deux autres non pas les signes, mais la signification: ce qui le prouve c'est qu'aussitôt tu as cru devoir répondre à ma question avec certitude et confiance. - Ad. (196) C'est vrai. - Auq. Comment donc t'es-tu avisé de ne considérer que dans l'un. de ces mots tout à la fois le son et le sens? - Ad. Désormais je ne vois plus que le sens dans la phrase entière, et je conviens avec toi qu'il est impassible de discourir si en écoutant les paroles l'esprit ne se porte à ce qu'elles signifient. Montre-moi donc maintenant comment je me suis laissé prendre à ce raisonnement, dont la conclusion est que je ne suis pas un homme. - Auq. Je t'adresserai plutôt les mêmes questions et tu verras toi-même comment tu t'es trompé. - Ad. C'est bien.


23. Auq. Je ne renouvellerai pas ma première question, puisque tu l'as résolue. Examine donc avec plus d'attention si la première syllabe hom n'est autre chose que hom et si la seconde me n'est réellement que me. - Ad. Je t'assure que je n'y vois rien autre. - Auq. Vois encore si en les réunissant on n'a pas homme. - Ad. Jamais je ne l'avouerai; car nous sommes convenus, et avec raison, qu'à la vue du signe on doit s'appliquer à ce qu'il signifie pour ensuite accorder ou nier. Et ces deux syllabes énoncées séparément ne signifiant absolument rien, ne sont autre chose, avons-nous dit, que le son rendu par elles. - Aug. Tu le crois donc volontiers et tu en es intimement persuadé: on ne doit répondre qu'au sens indiqué par les paroles des questions. - Ad. Je ne comprends pas comment on ne le croirait pas pourvu que ce soient réellement des paroles.

Auq. Je serais curieux de savoir comment tu répondrais à cet homme spirituel dont on nous parle en riant. Il prouva, nous dit-on, qu'un lion était sorti de la bouche de son interlocuteur. Il lui avait demandé si ce que nous disons sort de notre bouche, et l'autre n'avait pu le nier. Alors, comme il était facile, il l'amena à prononcer le nom de lion, et aussitôt plaisantant sur son compte: Tu as avoué, s'écria-t-il, que tout ce que nous disons sort de notre bouche; de plus, tu ne saurais nier que tu as parlé d'un lion; donc, ô bon homme, regarde, tu viens de vomir cette grande bête. - Ad. Il n'était point difficile de se défendre contre ce plaisant. Pour moi, je n'accorderais point que tout ce que nous disons sort de notre bouche. En effet, parler c'est exprimer le signe de ce que nous disons; et ce qui sort alors de notre bouche, ce n'est pas la chose même, c'est le signe qui l'exprime. Il y a exception pour l'espèce de signes qui désignent d'autres signes et dont nous avons parlé tout à l'heure. 24. Auq. Je le vois, tu serais bien armé contre cet adversaire. Cependant si je te demande L'homme est-il un nom, que me répondras-tu? - Ad. Mais que c'est un nom! - Aug. Comment! Quand je te vois, c'est un nom que je vois? - Ad. Non pas.- Aug. Veux-tu donc que je tire la conséquence? - Ad. De grâce, ne la tire pas. Je déclare moi-même que je ne suis pas un homme. Quand tu m'as demandé si l'homme est un nom, comment ai-je pu répondre qu'il en est un? Car dès ce moment il était convenu que pour dire oui ou non il faut faire attention au sens des paroles.

Auq. Il me semble toutefois qu'il ne te sera point inutile d'être tombé dans cette fausse conclusion; car c'est la loi de raison gravée dans nos âmes qui a triomphé de ta vigilance. En effet, si je te demandais: qu'est-ce que l'homme? tu pourrais répondre: un animal. Mais si j'ajoutais: quelle partie du discours est l'homme? tu ne pourrais répondre convenablement qu'en disant: le nom. Ainsi; l'homme étant à la fois un nom et un animal, c'est en tant que signe qu'il est un nom, et en tant que chose exprimée par le signe qu'il est un animal. Quand donc on me demande si l'homme est un nom, je dois répondre simplement que oui; car on me fait suffisamment entendre qu'on le considère alors en tant que signe. Et quand on me demande: est-il un animal? je dois l'affirmer avec beaucoup plus d'empressement encore. Pourquoi? parce que si l'on ne prononçait alors ni le mot de nom ni celui d'animal, et que l'on demandât seulement: qu'est-ce que l'homme? conformément à la règle naturelle, l'esprit s'attacherait au sens même des deux syllabes; il répondrait l'homme est un animal; il pourrait même donner la définition complète et dire: l'homme est un animal raisonnable et mortel. N'est-ce pas la vérité? - Ad. Je le crois parfaitement. Mais après avoir accordé que l'homme est un nom, comment échapper à cette outrageuse conclusion, que nous ne sommes pas des hommes? - Auq. Comment! n'est-ce pas en faisant observer qu'elle n'est pas tirée dans le sens attribué par nous à la question, quand nous y avons répondu affirmativement? et si le questionneur assure qu'il donne à sa conclusion le même sens, ne le craignons point. Qu'y a-t-il de redoutable à avouer que je ne suis pas un homme, c'est-à-dire deux syllabes? (197) - Ad. Rien n'est plus vrai. Mais si rien n'est plus vrai, comme il résulte de ce que nous avons admis, pourquoi m'offenser quand on me dit: tu n'es donc pas un homme? - Auq. Parce qu'en entendant ces deux syllabes je ne puis me défendre d'attacher à cette conclusion le sens qu'elles expriment. J'obéis alors à cette règle puissante et naturelle qui commande de se reporter vers le sens exprimé, quand on entend les signes qui l'expriment. - Ad. J'aime ce que tu dis.



CHAPITRE IX. DOIT-ON PRÉFÉRER LA CHOSE OU SA CONNAISSANCE AUX SIGNES QUI L'EXPRIMENT?


25. Auq. Comprends donc maintenant que les choses désignées par les signes sont préférables aux signes. Car les moyens sont toujours et nécessairement moins estimables que la fin. Penserais-tu différemment? - Ad. Je crois devoir ici ne point acquiescer légèrement. En effet le nom de boue me paraît bien supérieur à ce qu'il signifie; et ce qui nous répugne en l'entendant prononcer, n'est pas le son produit par ce terme; changes-y une lettre, au lieu de coenam écris coelum, et la boue devient le ciel. Pourtant quelle distance de l'une à l'autre! Ce n'est donc pas au signe que j'attribuerai ce qui me répugne dans la chose, et j'ai raison de préférer le signe à la réalité. Il nous est plus agréable d'entendre l'un que de toucher l'autre.- Aug. Sage observation! Il est donc faux que toutes les choses désignées par des signes soient préférables aux signes? - Ad. Je le crois.

Auq. Dis-moi donc ce qui a guidé ceux qui ont donné à cette boue sale et repoussante le nom qu'elle porte; je voudrais savoir si tu les approuves ou si tu les désapprouves. - Ad. Je n'ose faire ni l'un ni l'autre, et j'ignore ce qui les a guidés. - Auq. Peux-tu savoir au moins ce que tu veux lorsque tu prononces ce nom? - Ad. Parfaitement: je veux donner un signe qui fasse connaître ou indique la boue à qui je juge nécessaire d'en savoir la nature ou la présence. - Aug. Mais ne doit-on pas préférer au nom lui-même l'enseignement que ce nom te sert à donner ou à recevoir? - Ad. Je conviens que la connaissance obtenue par ce signe est préférable au signe; mais je n'en dis point autant de la boue elle-même.


26. Auq. Il est donc faux, comme nous l'avançions, que toutes les réalités soient plus estimables que leurs signes; mais il n'est pas faux que tous les moyens soient au-dessous de la fin. Car la connaissance de la boue, que l'on obtient au moyen du nom, est préférable à ce nom que nous avons estimé au-dessus de la boue désignée par lui; et si cette connaissance l'emporte sur le signe dont il est question entre nous, c'est uniquement parce qu'elle est le terme, au lieu que le signe est le moyen d'y arriver. C'est ce qui explique la réponse suivante faite à un glouton.

Cet adorateur de son ventre, comme parle l'Apôtre (1),disait qu'il vivait pour manger. Un homme frugal, qui l'entendait, ne put tolérer ce langage: «Ne serait-il pas beaucoup mieux, lui dit-il, de manger pour vivre?» Si le premier fut blâmé parce qu'en déclarant qu'il vivait pour manger il mettait sa propre vie au-dessous du plaisir de la bouche; et si le second est digne d'éloges, c'est uniquement parce que, distinguant la fin des moyens, mettant les moyens au-dessous de la fin, il rappela que nous devons manger pour vivre, plutôt que de vivre pour manger. C'est ainsi, vraisemblablement, que toi-même, ou tout autre sage appréciateur, répondrais à un bavard, à un grand parleur. S'il disait: J'enseigne pour parler, ne répliquerait-on point Mon ami, pourquoi de préférence, ne parles-tu point pour enseigner?

Si tout cela est vrai, comme tu en es certain, tu vois sans doute combien les paroles sont au-dessous du but que nous nous proposons en les employant. Car l'emploi des paroles l'emporte déjà sur les paroles mêmes, puisque les paroles sont destinées à être employées par nous, et nous les employons pour instruire. Autant donc l'instruction est préférable au langage, autant le langage est préférable aux mots; ce qui élève l'instruction bien au-dessus des mots. Je voudrais savoir ce que tu pourrais objecter.


27. Ad. Je conviens que la doctrine est supérieure aux paroles. Mais j'ignore s'il n'est rien qu'on puisse objecter à la règle. qui subordonne les moyens à la fin. - Auq. Dans une occasion meilleure, nous examinerons cette question avec plus de soin. Pour le moment, ce que tu m'accordes suffit au but que je poursuis. Tu avoues en effet que nous devons


1. Rm 16,18

198

préférer aux signes la connaissance des choses. N'en résulte-t-il pas, à tes yeux, qu'on doit préférer aussi la connaissance des choses à la connaissance des signes?- Ad. Suis-je convenu que la connaissance des choses l'emporte sur la connaissance des signes? N'ai-je pas dit simplement qu'elle l'emporte sur les signes eux-mêmes? Je crains donc ici d'accepter, ce que tu dis. Ne pourrait-on pas observer que comme le nom de la boue est plus noble que la boue elle-même; ainsi la connaissance de ce nom l'emporte sur la connaissance de la boue, quoique le noie soit par lui-même inférieur à cette connaissance? Il y a ici quatre choses: le nom et la boue, la connaissance du nom et la connaissance de la boue. Pourquoi la connaissance du nom ne prévaudrait-elle point sur la connaissance de la boue, comme le nom l'emporte sur la boue? Pour empêcher la première de ces connaissances de primer l'autre, faut-il la lui subordonner?


28. Auq. J'admire de tout coeur comment tu expliques ta pensée sans rétracter ce que tu as accordé. Tu le crois sans doute aussi, ce nom de deux syllabes, vice, vaut mieux que ce qu'il signifie, quoique la connaissance du nom soit bien moins utile que la connaissance des vices. Tu peux encore distinguer ici et considérer ces quatre choses: le nom et le -vice, la connaissance du nom et la connaissance du vice. Nous pouvons sûrement préférer le nom au vice dans ce vers de Perse: «Il s'étonne du vice (1),» le nom du vice est plutôt un ornement qu'un défaut, quoique le vice même soit blâmable dans tout homme vicieux. Mais il n'en est pas ainsi de la connaissance des vices; elle est bien préférable à la connaissance du nom.

Ad. Tu la crois préférable lors même qu'elle rend si malheureux? N'est-il pas vrai qu'au dessus de toutes les peines imaginées par la cruauté et infligées par la passion des tyrans, le même poète place le supplice des misérables, forcés de reconnaître les vices qu'ils ne sauraient éviter? - Aug. Tu peux, sous ce rapport, nier aussi qu'on doive préférer la connaissance de la vertu à la connaissance de son nom; puisque voir la vertu, sans la posséder, est un supplice que ce satirique appelle sur la tête des tyrans (2). - Ad. Dieu me préserve de cette folie! Je comprends en effet qu'il ne faut point accuser les connaissances dont la meilleure éducation


1. Perse, Satire 3,v. 32. - 2. Ibid. v. 35-38.

enrichit l'esprit. Cependant on doit considérer, comme Perse, je crois, l'a fait, que les plus malheureux d'entre les mortels sont ceux que ce puissant remède de la connaissance ne saurait guérir. - Aug. C'est bien: mais quel que soit le sentiment de Perse, que nous importe? Ce n'est pas à l'autorité de ces profanes que nous sommes assujétis en de telles matières. De plus, s'il faut préférer une connaissance à une autre, il n'est pas facile de l'expliquer ici. Je me contente de ce qui est convenu, savoir que si la connaissance des choses ne prime pas la connaissance des signes, elle prime sûrement les signes eux-mêmes.

Examinons donc avec un soin nouveau quelles sont les choses dont nous avons dit qu'on les montre par elles-mêmes et sans l'emploi. d'aucun signe, comme parler, marcher, s'asseoir, être couché et d'autres de ce genre. - Ad. Je me rappelle ce que tu dis.



CHAPITRE X. PEUT-ON ENSEIGNER SANS SIGNES? - LES MOTS NE DONNENT PAS LA CONNAISSANCE.


29. Auq. Crois-tu que nous puissions montrer sans signés absolument tout ce que nous pouvons faire aussitôt qu'on nous interroge? Signales-tu quelque exception? - Ad. Après avoir considéré à plusieurs reprises toutes ces sortes de choses, je n'en trouve encore aucune qu'il soit possible de montrer sans signe. Je ne ferai peut-être d'exception que pour le langage, et lorsqu'on est prié d'expliquer ce que l'on entend par instruire. En effet, quoi que je fasse, après avoir été interrogé, pour enseigner celui qui m'a questionné, je vois clairement que la lumière ne lui viendra point de la chose même qu'il me prie de lui montrer. Supposons, comme il a été dit, que je suis arrêté ou que je suis occupé d'autre chose. On me demande ce que c'est que marcher; et marchant aussitôt j'essaye de l'apprendre, sans signe, à qui m'a questionné. Comment l'empêcher alors de croire que marcher c'est simplement marcher autant que j'ai marché? Et pourtant il sera trompé, s'il le croit; et s'il voit un homme marcher un peu plus ou un peu moins que je ne l'ai fait, il sera persuadé qu'il n'a point marché. Ce que j'ai dit de marcher s'étend à tout ce que j'avais accordé qu'on peut montrer (199) sans signe: je n'en excepte que les deux cas dont je viens de parler.


30. Aug. J'agrée ce que tu dis. Mais. ne te semble-t-il pas qu'autre chose est parler et autre chose instruire?- Ad. Il me semble assurément que c'est autre chose, sans quoi on n'enseignerait jamais qu'en parlant. Or, puisqu'on enseigne souvent avec d'autres signes que les paroles, qui doutera qu'il y ait une différence? - Aug. Mais entre instruire et désigner, y a-t-il, oui ou non, encore une différence? - Ad. Je crois qu'il n'y en a point.- Aug. Dire que nous désignons pour instruire, n'est-ce pas bien parler?- Ad. C'est très-bien parler. - Aug. Et si quelqu'un prétendait que nous instruisons pour désigner, ne serait-il point facile de le réfuter par cette réflexion que tu viens d'approuver? - Ad. Oui. - Aug. Si donc nous désignons pour instruire et si nous n'instruisons pas pour désigner, instruire est différent de désigner. - Ad. Tu dis vrai et j'ai eu tort de répondre que l'un est la même chose que l'autre.

Aug. Réponds maintenant à ceci: Peut-on enseigner autrement que par signe ce que c'est qu'enseigner? - Ad. Je ne vois pas de quelle autre manière on le pourrait. - Aug. Ce que tu as dit tout à l'heure est donc faux, savoir qu'on peut sans signes enseigner ce que c'est qu'enseigner lorsqu'on est interrogé sur ce point. Il est clair effectivement qu'on ne peut le faire sans recourir à des signes, puisque, de ton aveu, désigner est autre chose qu'enseigner. Et s'il y a différence entre ces deux termes, comme il est manifeste, si de plus, l'un ne s'éclaircit que par l'autre, il ne se fait point connaître par lui-même, ainsi que tu le croyais. C'est pourquoi, à l'exception du langage qui s'explique lui-même comme il explique le reste, nous n'avons encore rien découvert qu'on puisse montrer sans signe; et le langage lui-même étant un signe, il n'y a absolument rien, je crois, que fon puisse enseigner sans signes. - Ad. Je n'ai aucune raison de te contredire.


31. Aug. Il est donc prouvé qu'on n'enseigne rien sans signes, et que la connaissance nous doit être plus chère que les signes qui la communiquent. Il est possible néanmoins que tous les objets ne soient pas préférables à ce qui en est le signe. - Ad. Je le crois. - Aug. Mais par combien de circuits sommes-nous parvenus à un résultat si minime! T'en souvient-il? Depuis, et il y a longtemps, que nous combattons à coups de paroles, nous avons travaillé à résoudre trois questions: 1. S'il n'est rien qu'on puisse enseigner sans signes; 2. s'il est des signes qu'on doive préférer aux objets qu'ils rappellent; et 3. si la connaissance des choses l'emporte sur les signes.

Mais voici une quatrième question dont je voudrais apprendre de toi la solution en peu de mots: Crois-tu comprendre ces vérités au point de ne pouvoir plus en douter? - Ad. Je voudrais que par tant de circuits et de détours, on fût parvenu à la certitude. Mais je ne sais ce qui me préoccupe dans ta question et m'empêche d'y répondre affirmativement. Il est vraisemblable que tu ne me l'aurais point adressée, si tu n'avais quelque objection à élever contre elle. J'y vois une complication nui m'empêche de tout considérer et de répondre tranquillement; je crains qu'il n'y ait dans ses obscurs replis quelque chose qui échappe au regard de mon esprit. - Aug. Cette hésitation me plaît, elle prouve que tu n'es point téméraire, et il importe de ne l'être pas pour conserver la paix; car il nous est difficile,de ne point nous troubler lorsque dans le conflit de la discussion on ébranle, et on nous arrache en quelque sorte des mains les convictions que nous gardions avec bonheur. Autant donc il est juste de céder, quand où â bien considéré et bien compris les raisons; autant il est dangereux de prendre l'inconnu pour le connu. Si nous voyons tomber ce que nous regardions comme des vérités fermes et inébranlables,n'est-il pas à craindre que le contre-coup ne nous jette dans la haine ou la peur du raisonnement, et que nous ne refusions de croire aux vérités le mieux démontrées?


32. Revenons et examinons en peu de mots si ton doute est fondé. Supposons un homme qui ne sait comment les oiseaux se prennent aux roseaux et à la glu. Il rencontre un oiseleur qui, chargé de sou attirail, ne tend pas encore, mais chemine. A cette vue, il presse le pas; puis, étonné comme il doit l'être, il se demande pourquoi tout cet appareil. Frappé de l'attention qu'il porte sur lui, l'oiseleur, pour montrer son adresse, prépare ses roseaux, et apercevant quelque oiseau à sa portée, il le frappe d'un coup de flèche et d'épervier, le prend et l'enlève. Ne serait-ce point, sans employer aucun signe, montrer au spectateur, par la réalité même, ce que celui-ci désirait savoir?

Ad. Mais ne verrait-on pas ici ce que j'ai (200) remarqué de celui qui demande ce que l'on entend par marcher? Je le crains, car on n'a pas montré complètement, selon moi, en quoi consiste cette chasse aux oiseaux. - Auq. Il est facile de te délivrer de cette inquiétude. Je suppose donc encore que ce spectateur serait assez intelligent pour se faire une idée de tout cet art par ce qu'il en a vu. Il nous suffit en effet que sur un nombre limité de matières on puisse, sans aucun signe, instruire quelques hommes seulement. - Ad. Mais aussi je puis ajouter, de celui dont j'ai parlé, que s'il est bien intelligent, quelques pas suffiront pour lui faire comprendre ce que c'est que marcher.- Aug. Je te le permets, et loin de m'y opposer je t'y engage.

Tu vois en effet que tous deux nous arrivons à cette conclusion: Il est des choses que l'on peut enseigner sans employer des signes; et nous avons eu tort de croire, comme nous le faisions naguère, que rien absolument ne peut se montrer sans ce moyen. Je vois maintenant, non pas un ou deux, mais des milliers d'objets qui se révèlent par eux-mêmes et sans signes. Comment en douter, je te demande? Sans parler des hommes, de leurs théâtres et des spectacles sans nombre où ils montrent la réalité sans le recours à aucun signe, est-ce que Dieu, est-ce que la nature ne mettent pas sous nos yeux ce soleil et cette lumière qui éclairent et font tout briller dans l'univers, la lune et les astres, les terres et les mers et les êtres innombrables qu'elles produisent.


33. Mais en considérant avec une attention nouvelle, que trouveras-tu dont nous nous instruisions par signes? En vain on me fait un signe, il ne peut rien m'apprendre si j'ignore ce qu'il rappelle; et si je le sais, que m'apprend-il? Quand je lis: «Et leurs saraballes ne furent point altérées (1),» le mot ne me fait point voir l'objet dont il est question. Si ce nom désigne quelques ornements de tête, est-ce que j'apprends, quand on le prononce, ce que l'on entend par tète ou par ornements? Je le savais auparavant; et cette connaissance m'était venue, non en les entendant nommer par d'autres, mais en les voyant moi-même. La première fois que mes oreilles furent frappées du bruit de ce dissyllabe tête, j'étais aussi étranger à sa signification qu'en entendant ou en lisant pour la première fois le terme de saraballes. Mais à force d'entendre


1. Da 3,94

répéter le mot tête, je m'aperçus qu'il était le nom de ce que je connaissais parfaitement pour l'avoir vu. Ce n'était pour moi qu'un son avant cette remarque; je sus qu'il était un signe quand j'eus appris ce qu'il signifiait et ce que j'avais vu par moi-même, comme je l'ai dit. Ainsi le signe s'apprend plutôt après la chose qu'il ne l'apprend lui-même.


34. Afin de le comprendre plus clairement, suppose que pour la première fois nous entendons le mot tête. Nous ignorons si cette parole n'est qu'un son ou si de plus elle est un signe. Nous cherchons à connaître alors, non pas, qu'il t'en souvienne, la tête elle-même, mais le signe entendu; car nous ignorons ce signe tant que nous ne connaissons pas à quoi il se rapporte. Eh bien! si pour répondre à nos désirs on nous indique du doigt la tête elle-même, nous apprenons en la voyant la valeur du signe que nous avions entendu sans le comprendre.

Dans ce signe il y a deux choses: le son et la signification. La perception du son ne nous vient pas du signe, mais du son même qui frappe l'oreille. Quant à la signification, nous la connaissons en voyant son objet. En effet, cette indication de mon doigt ne peut désigner d'autre objet que celui vers lequel elle se dirige. Or elle se dirige vers la tête elle-même et non vers le signe qui la rappelle. Comment donc cette indication pourrait-elle me faire connaître soit la tête, puisque je la connaissais, soit son signe, puisque ce n'est pas vers lui que je dirige mon doigt? Et encore je m'inquiète assez peu de cette indication; car elle me semble rappeler plutôt que l'on montre, qu'elle ne montre l'objet lui-même. Ainsi en est-il de l'adverbe voilà. Si en le prononçant nous y joignons habituellement l'indication du doigt, c'est dans la crainte qu'un signe unique ne soit pas suffisant.

Et ce que je m'efforce surtout de te persuader, s'il est possible, c'est que nous n'apprenons rien par le moyen des signes nommés paroles; car comme je l'ai dit, ce n'est pas le signe qui nous donne la connaissance de la chose, mais plutôt la connaissance de la chose nous fait connaître la valeur du mot, c'est-à-dire le sens caché dans le son.


35. Je puis appliquer aux ornements et à une infinité d'autres objets ce que j'ai dit de la tête. Je connaissais ces ornements, mais j'ignorais jusqu'alors qu'on les désignât sous le nom de saraballes. Si on me les indique du geste, si on les peint, (201) si on me montre à quoi ils ressemblent, je ne dirai pas qu'on ne me les fait point connaître, et je le prouverai facilement en ajoutant quelques mots; je dis seulement qu'on ne me les fait point connaître par la parole. Mais si au moment où je suis appliqué à les regarder on me dit tout à coup: voilà des saraballes, j'apprendrai ce que je ne savais point encore; je l'apprendrai, non par les paroles qui me sont adressées, mais par la vue de l'objet; c'est cette vue en effet qui m'a fait comprendre la signification du nom de saraballes. Je ne l'ai pas connue sur le témoignage d'autrui, mais sur le témoignage de mes propres yeux; Le témoignage étranger a pu seulement éveiller mon attention, c'est-à-dire me porter à étudier du regard ce qui était devant moi.




Augustin, du maître. - CHAPITRE VI. SIGNES QUI SE DÉSIGNENT EUX-MÊMES.