Augustin contre Fauste - CHAPITRE XCVIII. LES PATRIARCHES ET LES PROPHÈTES, FUSSENTILS AUSSI COUPABLES QUE LE VEUT FAUSTE, VAUDRAIENT ENCORE MIEUX QUE LE DIEU DES MANICHÉENS.



LIVRE VINGT-TROISIÈME. GÉNÉALOGIE SELON SAINTE MATTHIEU.

Fauste attaque la généalogie du Christ selon saint Matthieu. - Le Saint prouve que le Christ est tout a la fois Fils de Dieu et issu de la race de David par Marie et par Joseph son époux. - L'homme tout entier vient de Dieu. - Joachim, père de Marie. - Dieu est l'auteur de notre corps.



CHAPITRE PREMIER. IL Y A EU PLUSIEURS JÉSUS: DUQUEL S'AGIT-IL?

Fauste. Un jour que je disputais dans une nombreuse assemblée, un homme prit la parole et me dit: Admets-tu que Jésus soit né de Marie? - De quel Jésus parles-tu? répondis-je. Car il y a eu plusieurs Jésus dans la loi hébraïque: un, fils de Navé et disciple de Moïse (1); un autre, fils du grand-prêtre Josédech (2); un troisième, qu'on appelle fils de David (3); un autre encore qu'on appelle Fils de Dieu (4). Duquel des quatre me demandes-tu si je le crois fils de Marie? - Du Fils de Dieu, réplique-t-il. - Et sur quelle autorité, d'après quel maître l'admettrais-je? - D'après Matthieu. - Qu'a donc écrit Matthieu? - «Livre de la généalogie de Jésus-Christ, fils de David, fils d'Abraham, etc..... (5)» - Je pensais, repartis je, que tu allais dire: Livre de la généalogie de Jésus-Christ Fils de Dieu, et je me disposais à protester; mais comme tu as cité le texte si fidèlement, je n'ai qu'une observation à te faire: c'est de réfléchir à ce que tu viens de dire. Car ce n'est pas la généalogie du Fils de Dieu que Matthieu prétend s'être proposé d'écrire, mais celle du fils de David.


CHAPITRE II. SAINT MATTHIEU, SELON FAUSTE, NE DONNE JÉSUS POUR FILS DE DIEU QU'AU SORTIR DU BAPTÊME.

Jusque-là, à ajouter foi à ses paroles, l'enfant de Marie sera pour moi le fils de David; mais, dans toute cette généalogie, il n'est nulle part fait mention du Fils de Dieu, jusqu'à l'époque du baptême, et tu calomnies l'écrivain en pure perte, quand tu supposes qu'il a enfermé le Fils de Dieu dans le sein d'une femme. Mais Matthieu réclame, comme on le voit, dès la première ligne, il se justifie de cette imputation

1. Ex 33,11 Si 46,1 - 2. Agg. 1,1. - 3. Rm 1,1-3 - 4. Mc 1,1 - 5. Mt 1,1

sacrilège, attestant que c'est le fils de David, et non le Fils de Dieu qu'il fait sortir de cette suite de générations. Si tu consultes la pensée et le but de l'écrivain, il entend moins nous le donner comme né de Marie, que comme formé par le baptême dans l'eau du Jourdain. Il nous dit, en effet, que celui que Jean a baptisé, celui qu'il a, dès le début, désigné comme fils de David, est devenu, ce jour-là, Fils de Dieu (1), à un certain âge déjà, (environ trente ans, selon Luc), alors qu'on entendait une voix lui dire: «Tu es mon Fils; je t'ai engendré aujourd'hui (2)». Tu vois donc que ce qui était né de Marie, trente ans auparavant, selon Lc n'était point proprement le Fils de Dieu, mais ce qui a été fait par le baptême dans le Jourdain, c'est-à-dire un homme nouveau, tel qu'il se forme en nous quand nous passons des erreurs de la gentilité à la foi en Dieu. Et encore, je ne sais si la foi que, vous appelez catholique lui donne suffisamment cette qualité; mais, en tout cas, c'est l'opinion de Matthieu, si toutefois ces paroles sont de lui. Car nulle part on ne lit, à propos des enfantements de Marie, que ces paroles aient été prononcées: «Tu es mon Fils, je t'ai engendré aujourd'hui», ou: «Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j'ai mis mes complaisances». Cela n'a été dit que lors de l'expiation du Jourdain. Si tu crois à ces textes tels qu'ils sont écrits, tu seras un disciple de Matthieu (car c'est là le terme que je dois employer), mais point un catholique. Car nous connaissons la foi catholique, qui est aussi éloignée de la pensée, de Matthieu qu'elle l'est de la vérité. En effet, d'après votre symbole, vous croyez en Jésus-Christ Fils de Dieu, qui est né de la vierge Marie: par conséquent votre foi est que le Fils de Dieu, est venu par la vierge Marie; celle de Matthieu, qu'il est venu par le Jourdain; et la nôtre qu'il vient de Dieu, d'où il suit que Matthieu, en supposant le texte authentique, vous est aussi

1. Mt 3,16-17 - 2. Lc 3,22-23

367

opposé qu'à nous; sauf qu'il est un peu plus habile que vous en nommant ce qui est né d'une femme, fils de David, plutôt que le Fils de Dieu. Vous êtes donc forcés d'avouer de deux choses l'une: ou que ce n'est pas Matthieu qui a écrit cela, ou que vous n'avez pas la foi apostolique.

CHAPITRE 3. JÉSUS N'ÉTANT PAS FILS DE JOSEPH, N'EST POINT FILS DE DAVID.

Pour nous, bien que personne ne puisse nous faire renoncer à la croyance que le Fils de Dieu vient de Dieu, cependant s'il fallait faire une large concession à l'ignorance malhabile, et si nous devions absolument admettre des erreurs, nous aimerions mieux Jésus devenu Fils de Dieu dans le Jourdain que naissant Fils de Dieu du sein d'une femme. Du reste, l'enfant né de Marie, s'il en est né un, ne peut être nommé fils de David, à moins qu'il ne soit prouvé qu'il a Joseph pour vrai père. Or, c'est ce que vous n'accordez pas; il faut donc que vous renonciez à le dire fils de David. En effet, la généalogie descend d'Abraham à David, et de David à Joseph par tous les patriarches des Hébreux: mais Jésus n'étant point conçu de Joseph, comme on le lit, il n'est donc point fils de David: et Matthieu est véritablement fou de nous donner tout d'abord pour fils de David celui dont il va dire qu'il n'est point né de l'union de Joseph et de Marie. Ainsi donc, si le fils de Marie même ne peut être appelé fils de David, parce qu'il n'est pas le fils de Joseph, à combien plus forte raison ne peut-il être nommé le Fils de Dieu.


CHAPITRE IV. MARIE ELLE-MÊME NE DESCEND POINT DE DAVID, SELON FAUSTE.

De plus, la Vierge elle-même ne nous est point donnée comme issue de la tribu à laquelle appartenait certainement David, je veux dire la tribu de Juda, qui fournissait des rois aux Juifs; mais elle était de la tribu de Lévi, qui donnait les prêtres: ce qui est évident, puisqu'elle a eu pour père un certain prêtre du nom de Joachim, qui n'est mentionné nulle part dans la susdite généalogie. Comment donc rattachera-t-on Marie à la race de David, à laquelle ni son père ni son mari n'appartenaient? Par conséquent, tout ce qui a pu naître d'elle, n'est point fils de David, à moins qu'on ne la rapproche tellement de Joseph, qu'elle soit évidemment ou sa fille ou son épouse.


CHAPITRE V. FAUSTE RÉFUTÉ PAR LE TEXTE DE SAINT MATTHIEU.

Augustin. La foi catholique, et en même temps apostolique, est que Notre-Seigneur et Sauveur Jésus-Christ est Fils de Dieu selon la divinité, et fils de David selon la chair. Nous le démontrons par l'Evangile et par les lettres des Apôtres, de telle sorce qu'on ne peut contester nos preuves, à moins de rejeter ces parties de l'Ecriture. Nous ne procédons pas comme cet inconnu, que Fauste se donne pour adversaire, qui cite quelques mots, et n'a plus d'autres témoignages à opposer aux arguties de l'imposteur. Quand j'aurai produit ces témoignages, Fauste n'aura plus rien à répliquer; il ne lui restera d'autre ressource que de recourir au moyen par lequel il cherche à éluder les vérités les plus clairement exprimées dans les Ecritures, à savoir de prétendre qu'il y a eu des falsifications et des interpolations dans ces livres divins. J'ai déjà réfuté plus haut, autant que cela m'a paru nécessaire, et dans cet ouvrage même, cette folie, cette manie présomptueuse et cette audace; je n'ai donc pas besoin de répéter ce que j'ai dit, puisqu'enfin il faut songer à garder des bornes. A quoi bon rechercher et recueillir tous les témoignages dispersés dans toutes les Ecritures, pour prouver contre Fauste, par des livres d'une autorité incontestable et divine, que celui que nous appelons Fils unique de Dieu, Dieu en Dieu de toute éternité, est le même que nous appelons aussi fils de David, parce qu'il a pris la forme d'esclave de la Vierge Marie, épouse de Joseph? Mais comme Fauste discute ici sur Matthieu, et que je ne puis pas donner en entier le livre de cet évangéliste, chacun peut le lire et voir comment Matthieu suit jusqu'à sa passion et à sa résurrection celui qu'il nomme fils de David au moment de donner sa généalogie, et ne le distingue point de celui qu'il déclare conçu du Saint-Esprit et né de la Vierge Marie. Et il apporte en preuve ces paroles du Prophète: «Voilà que la Vierge concevra et enfantera un Fils et on le nommera Emmanuel, ce que l'on (368) interprète par, Dieu avec nous (1)». Il déclare que celui qui, étant baptisé par Jn entendit une voix du ciel dire: «Celui-ci est mon Fils «bien-aimé en qui j'ai mis mes complaisances (2)», est le même que celui qu'on appelle, à partir de l'enfantement de la Vierge: «Dieu avec nous». A moins que Fauste ne trouve que le nommer Dieu, soit moins que de l'appeler Fils de Dieu. Car pour prouver que Matthieu ne l'a cru Fils de Dieu qu'au sortir du baptême, il se base sur cette parole descendue du ciel: «Celui-ci est mon Fils»; tandis que l'Evangéliste a déjà cité le témoignage du Prophète inspiré d'en haut, où l'enfant même de la Vierge est appelé: «Dieu avec nous».


CHAPITRE VI. FAUSTE QUI A CALOMNIÉ ABRAHAM, ISAAC ET JACOB, ESSAIE D'ÉBRANLER L'AUTORITÉ DE SAINT MATTHIEU.

Nous devons ainsi observer et suivre pas à pas ce fou, ce misérable babillard qui ne manque jamais l'occasion de donner une apparence de fausseté aux textes de l'Ecriture dans l'esprit de ceux qui lisent ses sottises. C'est ainsi qu'il a dit qu'Abraham, lorsqu'il rendait mère sa servante, ne croyait point à la promesse que Dieu lui avait faite de lui donner un fils de Sara, tandis que l'Ecriture atteste que cette promesse n'a été faite que plus tard (3). C'est ainsi qu'il accuse le patriarche d'avoir menti en faisant passer Sara pour sa sueur, tandis qu'il n'a lu nulle part la généalogie de Sara dans les Ecritures, qui sont ici les seuls témoins à consulter (4). C'est ainsi qu'il accuse Isaac d'avoir aussi menti en donnant Rébecca pour sa sueur, alors que l'origine de celle-ci est clairement constatée dans l'Ecriture (5); qu'il fait un crime à Jacob, de ce qu'il y avait chaque jour contestation entre ses quatre femmes, à qui s'emparerait de lui pour la nuit, lorsqu'il rentrait de la campagne, quand on lui démontre qu'il n'a lu cela nulle part. Voilà l'homme qui se vante de haïr comme menteurs les auteurs des divines Ecritures; qui ose calomnier l'autorité de l'Evangile, si haute, si respectée du monde entier, jusqu'à chercher à faire croire que c'est un inconnu sous le nom de Matthieu (il n'ose dire Matthieu lui-même, pour ne pas être

1. Lc 7,14 Mt 1,23 - 2. Mt 3,17 - 3. Gn 16,4 Gn 17,17 - 4. Gn 12,13 Gn 20,2-12 - 5. Gn 26,7 Gn 14

écrasé sous le poids d'un nom d'apôtre), qui a écrit sur le Christ des choses qu'il ne veut pas croire, et qu'il essaie de réfuter par de calomnieux sophismes.


CHAPITRE VII. JÉSUS EST A LA FOIS FILS DE DIEU ET FILS DE DAVID.

Ces paroles: «Celui-ci est mon fils bien-aimé, en qui j'ai mis mes complaisances», qui ont été prononcées près des eaux du Jourdain, l'ont été également sur la montagne (1). Or, de ce que cette voix a retenti, ici aussi, du haut du ciel, il ne suit pas que Jésus n'ait pas été Fils de Dieu auparavant; puisque c'est du sein de la Vierge «qu'a pris la forme d'esclave Celui qui étant dans la forme de Dieu, n'a pas cru que ce fût une usurpation de se faire égal à Dieu (2)». Enfin, le même apôtre Paul dit ailleurs, dans le langage le plus clair «Mais lorsqu'est venue la plénitude des «temps, Dieu a envoyé son Fils formé d'une «femme, soumis à la loi (3)»; employant le mot femme dans le sens de la locution hébraïque (Mulier au lieu de Femina). Jésus est donc Fils de Dieu et Seigneur de David, selon la divinité, et en même temps fils de David, de la race de David, selon la chair. Et si ce point de notre croyance était inutile, l'Apôtre ne le recommanderait pas aussi vivement à Timothée, en disant: «Souvenez-vous que le Seigneur Jésus-Christ, de la race de David, est ressuscité d'entre les morts, selon mon Evangile (4)». Il a d'ailleurs soigneusement prévenu les fidèles que quiconque annonce un autre Evangile, doit être anathèmes.


CHAPITRE VIII. COMMENT LE CHRIST, MARIE ET JOSEPH SONT DE LA FAMILLE DE DAVID.

Qu'il y a-t-il donc de choquant, pour un disciple du saint Evangile, à ce que le Christ né de la Vierge sans la participation de Joseph, soit cependant appelé fils de David, quoique Matthieu l'Evangéliste fasse descendre sa généalogie, non pas jusqu'à Marie, mais jusqu'à Joseph? La première raison de cela, est qu'il fallait d'abord faire honneur à l'époux, à cause de son sexe: car, pour s'être abstenu

1. Mt 17,5 - 2. Ph 2,6-7 - 3. Ga 4,4 - 4. 2Tm 2,8 - 5. Ga 1,8-9

369

de son épouse, Joseph n'en est pas moins son époux, puisque le même Matthieu qui nous raconte que la Vierge avait conçu, non de son époux, mais du Saint-Esprit, nous dit aussi que l'Ange appela Marie épouse de Joseph. Et si ce n'est pas l'apôtre Matthieu qui a écrit ces vérités, mais, comme le pensent les Manichéens, quelque autre qui aurait écrit ces faussetés sous son nom, ce faussaire se serait-il contredit dans des choses si évidentes, si rapprochées, au point d'amener, sans raison aucune, jusqu'à Joseph, qu'il dit n'avoir point connu Marie, la généalogie de celui qu'il appelle Fils de David, né de la Vierge Marie sans la participation d'aucun homme, et cela, en donnant par ordre de générations tous les noms de ses ancêtres? Si, en effet, un homme énumérait les ancêtres du Christ, de David à Joseph, et l'appelait fils de David, et qu'un autre le déclarât né de la Vierge Marie, sans la participation d'aucun homme, mais ne l'appelât point fils de David: il ne faudrait pas pour cela conclure de leur contradiction que l'un du moins, sinon tous les deux, serait dans le faux. Nous devrions penser, au contraire, que tous les deux ont pu dire la vérité: à savoir que Joseph devait être nommé époux de Marie, chaste époux, non par le commerce charnel, mais par l'affection, non par l'union du corps, mais par celle, bien plus précieuse, de l'âme; que par conséquent l'époux de la Vierge mère du Christ n'a point dû être détaché de la suite des parents du Christ, et que Marie elle-même avait dans les veines quelques gouttes du sang de David, afin que la chair du Christ, quoique enfantée d'une Vierge, ne pût être étrangère à la race de David. Mais comme c'est un seul et même écrivain qui dit les deux choses, qui nous présente Joseph comme époux de Marie et la Vierge comme mère du Christ, le Christ comme issu de la race de David; et Joseph comme faisant partie de la généalogie du Christ, à partir de David: que reste-t-il à celui qui aime mieux croire à l'Evangile qu'aux fables des hérétiques, sinon d'admettre que Marie n'était point étrangère à la famille de David, qu'on ne l'a pas appelée, sans raison, épouse de Joseph, bien qu'il ne lui ait point été uni charnellement, mais par égard pour le rang dû au sexe, et à cause de l'union de leurs coeurs; que Joseph n'a point dû être détaché de l'arbre généalogique, à cause de sa dignité d'homme et pour ne pas paraître séparé de la femme à qui son affection l'unissait, et aussi pour que les disciples fidèles du Christ ne considérassent point l'union charnelle comme tellement essentielle au mariage, qu'on ne puisse être époux sans elle, mais qu'ils apprissent que des époux fidèles sont d'autant plus unis aux membres du Christ, qu'il imitent de plus près les parents du Christ.


CHAPITRE IX. JOACHIM, PÈRE DE MARIE, SELON UN LIVRE APOCRYPHE.

Nous croyons donc que Marie tenait aussi à la race de David, parce que nous croyons aux Ecritures qui affirment ces deux choses: que le Christ est de la race de David selon la chair (1), et que Marie est devenue sa mère, non par union charnelle avec aucun homme, mais en restant Vierge (2). Ainsi, quiconque nie que Marie ait été de la famille de David, résiste évidemment à l'autorité si respectable des Ecritures; il faut qu'il nous démontre le contraire, il faut qu'il le prouve, non par des écrits quelconques, mais par des Ecritures ecclésiastiques, canoniques, catholiques. Les autres sont pour nous, sous ce rapport, sans poids et sans autorité. Ce sont celles-là que reçoit et maintient l'Eglise, l'Eglise qu'elles ont prophétisée et qui existe telle qu'elle a été promise. Par conséquent, l'assertion de Fauste, que Marie aurait eu pour père un prêtre nommé Joachim, de la tribu de Lévi, ne reposant sur aucun témoignage canonique, je ne m'en embarrasse pas le moins du monde. Mais quand je l'admettrais, je pourrais m'en tirer encore en disant que ce Joachim devait tenir en quelque façon à la race de David et était passé par quelque adoption de la tribu de Juda à celle de Lévi, soit lui, soit un de ses aïeux; ou qu'il était né dans la tribu de Lévi, de manière à avoir des liens de consanguinité avec la race de David. C'est ainsi que Fauste lui-même avoue qu'il aurait pu se faire que Marie fût de la tribu de Lévi, bien qu'il soit constant qu'elle a été donnée à un homme de la race de David, c'est-à-dire de la tribu de Juda; il ajoute même qu'on aurait pu admettre le Christ comme un fils de David, si Marie avait été fille de Joseph. Par conséquent, si, étant fille de Joseph, elle s'était mariée dans

1. Rm 1,3 2Tm 2,8 - 2. Mt 1,18 Lc 1,27

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la tribu de Lévi, on serait autorisé à appeler fils de David tout enfant qui naîtrait d'elle, même dans la tribu de Lévi; de même si la mère de ce Joachim, que Fauste donne pour père à Marie, étant de la tribu de Juda et de la race de David, s'était mariée dans la tribu de Lévi, on pourrait en toute vérité dire que Joachim, Marie et son fils seraient de la race de David. Voilà ce que j'admettrais, ou quelque autre chose de ce genre, si j'attachais de la valeur à un livre apocryphe où on lit que Joachim fut père de Marie, plutôt que d'accuser de mensonge l'Evangile où il est écrit, tout à la fois que Jésus-Christ, Fils de Dieu, notre Sauveur, était, selon la chair, de la race de David, et qu'il est né de la Vierge Marie. Il nous suffit donc que les Ecritures qui affirment cela, et auxquelles nous croyons, ne puissent être convaincues de fausseté par ceux qui les combattent.


CHAPITRE X. COMMENT LE FILS DE DIEU A ÉTÉ ENFERMÉ DANS LE SEIN D'UNE VIERGE. APOSTROPHE AUX MANICHÉENS.

Que Fauste ne réplique pas: Si je ne puis prouver que Marie n'était pas de la race de David, c'est à toi à démontrer qu'elle en était. Car je le démontre par le document le plus clair, le plus irréfragable, puisque l'Ecriture, dont l'autorité ne saurait être ébranlée, affirme que le Christ est de la race de David et qu'il a eu pour mère la Vierge Marie sans la participation d'aucun homme. Mais quelle délicatesse dans Fauste, quelle sainte horreur pour tout ce qui blesse la décence, quand il nous dit: «Vous calomniez l'écrivain en pure perte, quand vous supposez qu'il a enfermé le Fils de Dieu dans le sein d'une femme!»

Assurément, la foi catholique, qui reconnaît que le Christ, Fils de Dieu, est né d'une vierge selon la chair, n'enferme pas ce même Fils de Dieu dans le sein d'une femme, de telle sorte qu'il ne soit plus dehors, qu'il ait cessé de gouverner le ciel et la terre, qu'il ait quitté le sein de son Père. Mais vous, Manichéens, dont l'intelligence ne saisit que des images matérielles, vous ne comprenez rien à ceci comment le Verbe de Dieu, vertu et sagesse de Dieu, subsistant en lui-même et dans son Père, gouvernant l'univers créé, atteint d'une extrémité à l'autre avec force et dispose toutes choses avec douceur (1). Dans cette merveilleuse et ineffable facilité de tout disposer, il s'est préparé une mère sur la terre; et, pour racheter ses serviteurs de la servitude de la corruption, il a pris en elle la forme d'un esclave, c'est-à-dire un corps mortel; après avoir pris ce corps, il l'a montré; après l'avoir montré, il l'a livré à la mort; après l'avoir livré à la mort, il l'a ressuscité, il l'a rebâti comme on relève un temple détruit. Mais vous qui repoussez ces croyances comme sacrilèges, vous enfermez votre dieu, non plus dans le sein d'une vierge, mais dans le ventre de toutes les femelles des animaux, depuis l'éléphant jusqu'à la mouche. Quoi! vous méprisez le vrai chrétien parce qu'il reconnaît que le Verbe s'est fait chair dans le sein d'une vierge, qu'il s'est fait de l'homme un temple, sans aucun changement dans sa nature propre, en conservant son immuable pureté; et votre dieu vous est cher parce qu'étant enchaîné par tant de liens charnels, souillé même dans la partie qui doit être clouée à notre globe, il demande en vain merci, ou même est tellement accablé, qu'il n'a pas seulement, la force de crier au secours!

1. Sg 8,1




LIVRE VINGT-QUATRIÈME. DIEU A CRÉÉ L'HOMME TOUT ENTIER.

Dieu, selon Fauste, n'a créé en nous que l'homme intérieur, et n'est point l'auteur de notre corps. - Dieu a fait l'homme tout entier.



CHAPITRE PREMIER. QUEL EST, D'APRÈS FAUSTE, L'HOMME QUE DIEU CRÉE EN NOUS. DIEU N'EST PAS L'AUTEUR DE NOTRE CORPS.

Fauste. Pourquoi niez-vous que l'homme soit créé de Dieu? - Nous ne nions pas absolument que l'homme soit créé de Dieu; nous demandons seulement quelle espèce d'homme, quand et comment il est créé. En effet, selon l'Apôtre, il y en a deux: l'un qu'il appelle parfois extérieur, plus souvent terrestre, ou encore vieil homme; l'autre qu'il appelle intérieur, céleste, nouveau (1). Nous demandons lequel de ces deux hommes est l'oeuvre de Dieu. Il y a aussi dans notre naissance deux époques: l'une, quand nous sommes enchaînés dans les liens de la chair et que la nature nous met au jour; l'autre, quand la vérité nous arrache à l'erreur et nous régénère, en nous initiant à la foi. C'est cette seconde naissance que Jésus désigne dans l'Evangile, quand il dit: «Si quelqu'un ne naît de nouveau, il ne peut voir le royaume de Dieu». Et comme Nicodème, comprenant mal et hésitant, demandait comment cela pouvait se faire, puisque le vieillard ne peut pas rentrer dans le sein de sa mère et naître une seconde fois, Jésus lui répondit et lui dit: «Si quelqu'un ne naît pas de l'eau et de l'Esprit-Saint, il ne peut voir le royaume de Dieu». Puis il continue: «Ce qui naît de la chair est chair, et ce qui naît de l'Esprit est esprit (2)». Si donc notre naissance corporelle n'est pas la seule, mais qu'il y en ait une autre par laquelle nous renaissons de l'Esprit, il n'est pas d'un médiocre intérêt de chercher de laquelle des deux Dieu est l'auteur. Il y a également deux manières de naître: l'une propre à la passion et à l'incontinence, par laquelle nous sommes engendrés d'une manière honteuse par des esclaves de la volupté; l'autre honnête et sainte, par laquelle nous sommes initiés à la foi, dans le Christ Jésus, par l'Esprit-Saint,

1. Rm 6,7 1Co 15 Ep 3,4 Col 3 - 2. Jn 3,3-6

sous l'enseignement des hommes de bien: ce qui fait que toute religion, et surtout la chrétienne, appelle au sacrement dès la première enfance. Tel est le sens de ces paroles de l'Apôtre: «Mes petits enfants, pour qui je sens de nouveau les douleurs de l'enfantement, jusqu'à ce que le Christ soit formé en vous (1)». Ainsi donc, il ne s'agit plus de savoir si Dieu fait l'homme; mais quand, quel et comment il le fait; car si Dieu nous fait à son image quand nous sommes formés dans le sein maternel, suivant l'opinion des Gentils, des Juifs et la vôtre, alors il nous fait vieil homme, il nous crée par le moyen de la passion et de la volupté, et je ne sais si cela est digne de sa divinité. Mais si, au contraire, nous sommes formés de Dieu quand nous croyons et que nous passons à un meilleur état de vie, ce qui est l'opinion du Christ, des Apôtres et la nôtre, alors Dieu nous fait évidemment hommes nouveaux, et il agit d'une manière convenable et pure: et quoi de plus raisonnable, et qui s'accorde mieux avec sa sainte et vénérable Majesté? Si vous ne dédaignez pas l'autorité de Paul, nous vous montrerons par lui quel est l'homme que Dieu fait, quand et comment il le fait. Il dit aux Ephésiens: «Afin que vous dépouilliez, par rapport à votre première vie, le vieil homme qui se corrompt par les désirs de l'erreur; renouvelez-vous dans l'esprit de votre âme, et revêtez-vous de l'homme nouveau, qui a été créé selon Dieu dans la justice et la sainteté de la vérité (2)». Tu vois donc quand l'homme est créé à l'image de Dieu; tu vois qu'on nous montre ici un autre homme, une autre naissance, une autre manière de naître. Car, quand l'Apôtre dit: Dépouillez-vous et revêtez-vous, il indique évidemment le moment de la conversion à la foi; et quand il atteste que Dieu crée un nouvel homme, il affirme par là même que le vieil homme ne vient pas de Dieu, n'est pas formé à son image. Et quand il continue en disant que l'homme

1. Ga 4,19 - 2. Ep 4,22-24

372

nouveau est créé dans la sainteté, la justice et la vérité, il indique, il signale par là l'autre espèce de naissance dont j'ai parié, très-différente de celle-ci qui a produit nos corps par l'union voluptueuse de nos parents; et en faisant voir que l'autre vient seule de Dieu, il démontre par le fait que celle-ci n'en vient pas. Il répète encore la même chose aux Colossiens: «Dépouillez le vieil homme avec ses oeuvres, et revêtez le nouveau qui se renouvelle dans la connaissance de Dieu, selon l'image de celui qui l'a créé en vous». Par là, non-seulement il nous montre que c'est l'homme nouveau que Dieu crée; mais encore il nous indique quand et de quelle manière il le forme, c'est-à-dire: «Dans la connaissance de Dieu», autrement: dans le moment de la conversion à la foi. Il ajoute encore: «Selon l'image du Dieu qui l'a créé», pour nous faire voir clairement que le vieil homme n'est point l'image de Dieu et n'a point été formé par lui. Et quand il ajoute ensuite: «Renouvellement où il n'y a plus ni homme ni femme, ni Juif, ni Grec, ni barbare ni Scythe (1)», il indique de plus en plus visiblement que l'autre naissance qui nous fait hommes et femmes, Grecs et Juifs, Scythes et barbares, n'est pas celle où Dieu opère, celle où il forme l'homme; mais bien celle-ci qui efface toute différence de nation, de sexe et de condition et fait de nous une seule chose, à l'exemple de celui qui est un, c'est-à-dire le Christ; comme le même Apôtre le répète encore ailleurs, quand il dit: «Tous ceux qui ont été baptisés dans le Christ, ont été revêtus du Christ; il n'y a plus ni juif ni Grec; plus d'homme, ni de femme; plus d'esclave ni de libre; mais tous sont une seule chose dans le Christ (2)». Donc, l'homme est formé de Dieu quand, de beaucoup, il devient un, et non quand d'un, il se divise en beaucoup. Or, la première naissance, c'est-à-dire la naissance corporelle, nous a divisés; la seconde, celle qui est spirituelle et divine, nous unit; et nous avons toute raison d'attribuer l'une à la nature du corps, et l'autre à la suprême majesté. C'est ce qui fait encore dire à l'Apôtre, écrivant aux Corinthiens: «C'est moi qui par l'Evangile, vous ai engendrés dans le Christ Jésus (3)»; et aux Galates, en parlant de lui-même: «Mais lorsqu'il plut à celui qui m'a choisi dans le sein de ma mère, de

1 Col 3,9-11 - 2. Ga 3,27-28 - 3. 1Co 4,15

me révéler son Fils pour que je l'annonçasse parmi les nations, aussitôt, sans acquiescer à la chair et au sang (1)...» Tu le vois donc partout affirmer que c'est dans l'autre naissance, dans la naissance spirituelle seulement, que nous sommes formés par Dieu; et non dans cette première naissance obscène, dégoûtante, par laquelle nous sommes conçus, formés et engendrés dans le sein maternel, d'une manière aussi ignoble, aussi impure que les autres animaux. Si vous voulez y faire attention, vous remarquerez que, là-dessus, nous ne différons pas tant de vous par le symbole que par le sens que nous y attachons. Il vous plaît d'attribuer à Dieu la formation du vieil homme, de l'homme extérieur et terrestre: nous lui attribuons au contraire celle de l'homme céleste, intérieur et nouveau; non sans raison et par conjecture, mais d'après les leçons du Christ et de ses Apôtres, qui ont évidemment enseigné les premiers cette doctrine dans le monde.


CHAPITRE II. RÉFUTATION DE L'OPINION DE FAUSTE. L'HOMME TOUT ENTIER VIENT DE DIEU.

Augustin. Sans doute, Paul veut qu'on entende que l'homme intérieur est dans l'esprit de l'âme, et l'homme extérieur dans le corps et dans cette vie mortelle; cependant, on ne lit nulle part dans ses lettres qu'il ait voulu parler de deux hommes distincts; il n'en nomme qu'un, que Dieu a fait tout entier, c'est-à-dire dans sa partie intérieure et dans sa partie extérieure; mais c'est dans la partie intérieure qu'il l'a fait à son image, en le créant, non-seulement incorporel, mais encore raisonnable, à la différence des animaux. Il n'a donc pas fait un homme à son image, et l'autre, non: mais comme l'intérieur et l'extérieur ne font qu'un seul homme, cet homme un, il l'a fait à son image, non quant au corps et à la vie corporelle, mais en tant qu'il a une âme raisonnable, capable de connaître Dieu, et qui le place, par le privilège même de sa raison, au-dessus de tous les êtres qui en sont privés. Or, Fauste convient que cet homme intérieur est formé par Dieu «quand il est renouvelé», nous dit-il, «dans la connaissance de Dieu, selon l'image de celui qui l'a créé». J'admets complètement cette

1. Ga 1,15-16

pensée de l'Apôtre (1), mais pourquoi Fauste n'admet-il pas l'autre: «Dieu a placé dans le corps chacun des membres, comme il l'a voulu (2)?» Voilà que le même Apôtre déclare Dieu créateur de l'homme extérieur: pourquoi notre adversaire choisit-il ce qu'il croit convenir à son système, et passe-t-il sous silence ou rejette-t-il ce qui sape par la base les fables de Manès? De même, quand Paul dissertait sur l'homme terrestre et l'homme céleste, distinguant entre l'homme mortel et l'homme immortel, c'est-à-dire entre ce que nous sommes dans Adam et ce que nous serons dans le Christ, il a tiré de la loi même, du livre même, du passage même, un témoignage en faveur du corps terrestre, c'est-à-dire animal, du passage, dis-je, où il est écrit que Dieu a créé aussi l'homme terrestre. Car, en traitant de la manière dont les morts ressusciteront, du corps avec lequel ils reviendront, il emprunte une comparaison à la semaille des grains, disant qu'on sème une simple graine, et que Dieu lui donne un corps comme il veut, à chaque semence son corps propre (en quoi il renverse l'erreur de Manès qui attribue, non à Dieu, mais au peuple des ténèbres la création des grains, des herbes, de toutes les racines et de tous les végétaux, et croit que Dieu est enchaîné dans ces formes et espèces d'êtres, plutôt que d'y agir en quoi que ce soit); et après avoir ainsi combattu les sacrilèges rêveries de Manès, il en vient aux différences des chairs: «Toute chair n'est pas la même chair», dit-il; puis il passe à la distinction des corps célestes et des corps terrestres, et ensuite au changement qui s'opérera dans notre corps et le rendra spirituel et céleste: «Il est semé», dit-il, «dans l'abjection, il ressuscitera dans la gloire; il est semé dans la faiblesse, il ressuscitera dans la force; il est semé corps animal, il ressuscitera corps spirituel». Et voulant, à cette occasion, montrer l'origine du corps animal «S'il y a», dit-il, «un corps animal, il y a aussi un corps spirituel; comme il est écrit Adam, le premier homme, a été fait âme vivantes (3)». Or, ceci est écrit dans la Genèse (4), où l'on raconte comment Dieu fit l'homme et anima le corps qu'il avait formé de terre. Mais par vieil homme, l'Apôtre n'entend pas autre chose que la vieille vie, la vie du péché, la vie selon Adam, dont il dit: «Le péché est

1. Col 3,10 - 2. 1Co 12,18 - 3. 1Co 15,35-45 - 4. Gn 2,7

entré dans le monde par un seul homme, et la mort par le péché; et ainsi, la mort a passé dans tous les hommes, par celui en qui tous ont péché (1)». Donc, l'homme tout entier, c'est-à-dire dans son intérieur et dans son extérieur, a vieilli à cause du péché et a été condamné à la mortalité; mais maintenant il est renouvelé selon l'homme intérieur, où il est de nouveau formé à l'image de son Créateur, en se dépouillant de l'injustice, c'est-à-dire du vieil homme, et en revêtant la justice, c'est-à-dire l'homme nouveau. Mais quand le corps, qui est semé animal, ressuscitera spirituel, alors l'homme extérieur participera à la dignité de l'état céleste, afin que tout ce qui a été créé soit recréé, que tout ce qui a été fait soit refait par Celui qui a créé et qui recrée, qui a fait et qui refait. C'est ce que l'Apôtre explique brièvement, quand il dit: «Le corps est mort par le péché, mais l'esprit vit par l'effet de la justification. Que si l'Esprit de Celui qui a ressuscité Jésus d'entre les morts habite en vous, Celui qui a ressuscité le Christ d'entre les morts, vivifiera aussi vos corps mortels par son Esprit qui habite en vous (2)». Et quel homme instruit de la vérité catholique ignore que les uns sont hommes, les autres femmes selon le corps, et non selon l'esprit de l'âme, dans lequel nous sommes renouvelés selon l'image de Dieu? Mais le même Apôtre atteste que Dieu a créé les deux sexes quand il dit: «Ni la femme n'est sans l'homme, ni l'homme sans la femme, dans le Seigneur: car comme la femme a été tirée de l'homme, ainsi l'homme est par la femme; mais tout vient de Dieu (3)». Mais que disent à cela ces hommes ineptes et trompeurs, entièrement éloignés de la vie de Dieu par l'ignorance qui est en eux, à cause de l'aveuglement de leur coeur (4), que disent-ils, sinon: ce qui nous accommode dans les lettres de l'Apôtre est vrai, ce qui ne nous accommode pas est faux? Voilà jusqu'où les Manichéens portent le délire; mais qu'ils reviennent à la raison, et qu'ils cessent d'être Manichéens. Ils avouent que l'homme intérieur est renouvelé à l'image de Dieu, et ils citent d'eux-mêmes le témoignage de l'Apôtre là-dessus; et Fauste dit que Dieu fait l'homme quand l'homme intérieur est renouvelé dans la connaissance de Dieu. Et

1. Rm 5,12 - 2. Rm 8,10-11 - 3. 1Co 3,11-12 - 4. Ep 4,18

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lorsqu'on leur demande si celui qui refait l'homme est le même qui l'a fait, si celui qui le renouvelle est celui qui l'a créé, ils répondent oui. Mais si, partant de cette réponse, nous insistons et leur demandons quand celui qui reforme l'homme maintenant, l'a formé, ils ne sauront à quel subterfuge recourir pour dissimuler la honte de leur fabuleux système. Car ils ne disent pas que l'homme a été formé ou créé, ou établi par Dieu, mais qu'il est une partie de la substance de Dieu envoyée contre les ennemis; ils ne veulent pas qu'il soit devenu vieil homme par le péché, mais qu'il ait subi le joug de la nécessité, qu'il ait été défiguré par les ennemis, et autres billevesées qu'il me répugne de redire. Là, en effet, ils parlent d'un premier homme, non de celui que l'Apôtre appelle terrestre, tiré de la terre (1), mais d'un je ne sais quoiqu'ils ont fabriqué et tiré de leur arsenal de mensonge. Sur ce point, Fauste garde un silence complet, bien qu'il se soit proposé de parler de l'homme.I1 craint de se démasquer par quelque côté aux yeux de ceux contre qui il dispute.

1. 1Co 15,47



Augustin contre Fauste - CHAPITRE XCVIII. LES PATRIARCHES ET LES PROPHÈTES, FUSSENTILS AUSSI COUPABLES QUE LE VEUT FAUSTE, VAUDRAIENT ENCORE MIEUX QUE LE DIEU DES MANICHÉENS.