Augustin, de la nature et de la grâce - CHAPITRE XLIX. DIEU EST TOUT-PUISSANT, QUOIQU'IL NE PUISSE NI PÉCHER, NI MOURIR, NI SE SUICIDER.

CHAPITRE XLIX. DIEU EST TOUT-PUISSANT, QUOIQU'IL NE PUISSE NI PÉCHER, NI MOURIR, NI SE SUICIDER.


57. «Puisque», dit-il, «il dépend de nous de ne pas pécher, nous pouvons pécher et ne pas pécher». Que répondrait-il donc si quelqu'un venait lui dire: Puisqu'il dépend de nous de ne pas vouloir le malheur, nous pouvons ne pas le vouloir et le vouloir? Et cependant, il est certain que nous ne pouvons le vouloir. Et qui donc pourrait jamais vouloir être malheureux, quoiqu'il agisse peut-être de manière à se rendre malheureux sans le vouloir? Ensuite, comme il ne saurait être question de pécher quand on parle de Dieu, oserions-nous dire qu'il peut pécher et ne pas pécher? Loin de nous de dire que Dieu peut pécher! Ne serait-ce pas folie de penser que Dieu n'est pas tout-puissant s'il ne peut mourir, ni se nier lui-même (2)? Que vient donc nous dire cet auteur et par quelles règles du discours prétendrait-il nous persuader ce qu'il ne veut même pas examiner?

Il ajoute: «puisqu'il ne dépend pas de nous de pouvoir ne pas pécher, si nous voulons ne pouvoir pas ne pas pécher, nous ne pouvons ne pouvoir pas ne pas pécher». Une telle combinaison de mots rend la phrase à peu près incompréhensible. Il serait plus simple de dire: Puisqu'il ne dépend pas de nous de pouvoir ne pas pécher; soit que nous le voulions, soit que nous ne le voulions pas, nous pouvons ne pas pécher. Il ne dit pas: Soit que nous le voulions, soit que nous ne le voulions pas, nous ne péchons point; car assurément nous péchons si nous voulons; et cependant, que nous le voulions, ou que nous ne le voulions pas, nous avons, selon lui, la possibilité de ne pas pécher, car il affirme que cette possibilité est inhérente


1. 2Tm 2,18

à notre nature. S'il s'agissait d'un homme qui a les pieds valides, rien n'empêcherait de dire que, bon gré mal gré, il a la possibilité de marcher; tandis que si ses pieds sont broyés, il cesse, même malgré lui, de pouvoir marcher. Or, la nature dont ou nous parle est une nature déchue et viciée. Pourquoi s'enorgueillissent la terre et la cendre (1)? Elle est viciée, aussi implore-t-elle le médecin: «Sauvez-moi, Seigneur (2)», «guérissez mon âme», s'écrie-t-elle (3). Pourquoi étouffer ces cris et empêcher la guérison future, en soutenant la possibilité présente de ne pas pécher?



CHAPITRE L. LES SAINTS ET LES JUSTES RÉSISTENT A LA GRACE.


58. Voyez ce qu'il ajoute sous forme de preuve: «Aucune volonté ne peut détruire ce qui a été inséparablement gravé dans la nature». D'où vient donc cette parole; «Afin que vous ne fassiez pas ce que vous voulez (4)?» Et cette autre: «Je ne fais pas le bien que je veux, mais je fais le mal que je hais?» Qu'est devenue cette possibilité inséparablement gravée dans la nature? Voici que les hommes font ce qu'ils ne veulent pas; et c'est bien du péché qu'il s'agit, et non pas du pouvoir de s'élancer dans les airs; car l'Apôtre s'adressait à des hommes et non pas à des oiseaux. Voilà l'homme ne faisant pas le bien qu'il veut, et faisant le mal qu'il ne veut pas; car «il y a» en lui «la volonté de faire le bien, mais il n'a pas le moyen de l'accomplir (5)». Qu'est devenue cette possibilité inséparablement gravée dans la nature? Si vous niez que l'Apôtre ait pu dire cela de lui. même, peu importe du reste; car toujours est-il qu'il l'a dit de l'homme. Or, il refuse à la nature humaine cette inséparable possibilité de ne pas pécher. Tel est le sens immédiat de ces paroles, et si la portée de ces mots est ignorée de celui qui parle, elle ne l'est point de celui qui, s'adressant à des fidèles trop peu défiants, ne tend à rien moins qu'à détruire la grâce de Jésus-Christ, en proclamant que la nature humaine se suffit à elle-même pour posséder la justice.


1. Si 10,9 - 2. Ps 11,2 - 3. Ps 40,5 - 4. Ga 5,17 - 5. Rm 7,15-18

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CHAPITRE LI. QUEL SENS PÉLAGE RAPPORTE A LA GRACE DE DIEU LA POSSIBILITÉ DE NE PAS PÉCHER.


59. Devant un tel langage les chrétiens indignés et au nom de leur propre salut se récrient et demandent: Pourquoi donc dites-vous que sans le secours de la grâce de Dieu l'homme peut ne pas pécher? Et l'auteur, comme pour calmer cette trop juste indignation, leur répond: «La possibilité de ne pas pécher repose moins sur la puissance du, libre arbitre que sur une nécessité de la nature. Tout ce qui constitue l'essence de la nature remonte par là même à l'auteur de la nature, c'est-à-dire à Dieu. Comment donc, ajoute-t-il, ose-t-on nous accuser de soustraire la grâce de Dieu ce que je démontre au contraire se rapporter directement à Dieu? Ces paroles nous dévoilent enfin le fond de sa pensée qui jusque-là était restée pour nous un mystère. Il rapporte à la grâce de Dieu la possibilité de ne pas pécher en ce sens que Dieu est l'auteur de la nature de l'homme et que dans cette nature il a gravé inséparablement la possibilité de ne pas pécher. Par conséquent l'homme fait ce qu'il veut, puisqu'il n'agit pas quand il ne veut pas agir. Du moment qu'il est doué de cette inséparable possibilité, il ne saurait être question pour lui de faiblesse de volonté, ou plutôt de l'absence de volonté et de perfection.

Mais s'il en est ainsi, comment l'Apôtre peut-il dire: «Je trouve en moi la volonté de faire le bien, mais je ne trouve point le moyen de l'accomplir?» Si l'auteur que je réfute avait parlé de notre nature humaine telle qu'elle a été créée, c'est-à-dire dans toute sa force native et dans toute son innocence, nous pourrions accepter ses principes, en faisant nos réserves toutefois sur ce qu'il appelle une inséparable possibilité, qui a bien le sens d'une possibilité inamissible, possibilité qui en ce sens n'existait pas, puisque notre nature pouvait être viciée et avoir besoin d'un médecin qui guérît les yeux de aveugle et nous rendît cette possibilité de voir, qui nous avait été enlevée par l'aveuglement. Je suppose, en effet, que tout aveugle voudrait voir, mais qu'il ne le peut pas. Si donc il veut et ne peut pas, il a la volonté, mais la possibilité lui a été ravie.



CHAPITRE LII. CONTINUATION DU MÊME SUJET.


60. Voyez encore quels obstacles il essaie de franchir pour soutenir son opinion. Il se pose à lui-même cette question: «Mais, direz-vous, à en croire l'Apôtre, la chair nous est contraire (1)». Il répond: «Comment peut-il se faire que la chair soit contraire à un homme baptisé, puisque, selon le même Apôtre, l'homme baptisé n'est plus dans la chair?» Voici ses paroles: «Pour vous, vous n'êtes plus dans la chair (2)». L'auteur affirme donc d'une manière formelle que la chair ne peut être contraire à ceux qui sont baptisés, et nous jugerons de la vérité de cette proposition dans le chapitre suivant. Pour le moment, comme il ne peut complètement oublier qu'il est chrétien quoiqu'il n'en ait qu'un très-faible souvenir, il ne se fait plus, avec la même ardeur, le champion de la nature. Que devient donc notre inséparable possibilité? Est-ce que par hasard il n'y aurait pas encore de baptisés parmi les hommes? Qu'il y prenne garde et qu'il redouble d'attention.

«Comment», dit-il, «peut-il se faire que la chair soit contraire à un homme baptisé?» La chair ne peut donc pas lutter contre un homme baptisé. Nous demandons sur ce point des explications. Car ces hommes baptisés possèdent cette nature humaine dont il prend si chaudement la défense. Il admet donc que cette nature a été viciée, puisqu'il parle du baptême que je comparerais volontiers à cette hôtellerie de l'Evangile d'où l'on sort parfaitement guéri des blessures reçues, et où l'on ne séjourne que pour obtenir, à l'aide du bon Samaritain, une guérison complète (3). Or, s'il admet que dans ces hommes baptisés la chair fait la guerre, qu'il nous dise comment cela peut se faire, puisque la chair et l'esprit sont tous deux l'oeuvre d'un seul et même Créateur, et à ce titre au moins, oeuvre bonne et sainte. Ne faut-il pas que cette guerre ait pour cause un vice, fruit malheureux d'une volonté perverse? et pour que ce vice soit guéri, nous avons absolument besoin du concours de celui qui, après avoir été notre créateur, doit devenir notre sauveur. Ce concours, ce remède apporté par le Verbe fait chair afin d'habiter parmi nous (4), si nous


1. Ga 5,17 - 2. Rm 8,9 - 3. Lc 10,5-30 - 4. Jn 1,14

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confessons tous qu'il est nécessaire aux petits et aux grands, aux enfants comme aux vieillards, toute controverse cesse, la question est résolue.



CHAPITRE LIII. DE QUELLE GRACE DE DIEU PARLONS-NOUS?


61. Maintenant est-il vrai que nous lisions quelque part que dans les hommes baptisés la chair convoite contre l'esprit? Où donc et à qui l'Apôtre disait-il: «La chair convoite contre l'esprit et l'esprit contre la chair; ce sont là deux ennemis dont l'opposition vous empêche de faire ce que vous voulez (1)?» C'est aux Galates qu'il adresse ces paroles, et pourtant c'est à eux qu'il avait dit quelques instants auparavant: «Celui donc qui vous communique son esprit, et qui fait des miracles parmi vous, agit-il par les oeuvres de la loi ou par la foi que vous avez entendu prêcher (2)?» Il est clair que l'Apôtre parle à des chrétiens, à des hommes à qui Dieu avait accordé son esprit, par conséquent à des hommes baptisés. Voilà donc que, même dans des hommes baptisés, la chair se trouve contraire et qu'on ne retrouve plus cette possibilité que l'auteur nous présentait comme inséparablement gravée dans notre nature.

Que devient donc sa question: «Comment peut-il se faire que la chair soit contraire à un homme baptisé?» De quelque manière qu'il entende la chair, il est forcé d'avouer qu'elle ne désigne pas notre nature, car cette nature comme telle est bonne; par conséquent, il n'est question ici que des vices charnels de la chair. Quoi qu'il en soit, voici que la chair nous est désignée hautement comme contraire aux hommes baptisés, et comment leur est-elle contraire? En ce sens que ces hommes ne font pas ce qu'ils veulent. Je retrouve la volonté dans l'homme, mais qu'est devenue cette possibilité de la nature? Avouons donc la nécessité de la grâce et écrions-nous: «Malheureux homme que je suis, qui me délivrera de ce corps de mort?» Et qu'il nous soit répondu: «La grâce de Dieu, par Jésus-Christ Notre-Seigneur (3)».

62. Quand nous disons à nos adversaires: Pourquoi prétendez-vous que sans le secours de la grâce de Dieu l'homme peut être sans péché? la grâce dont nous parlons n'est pas


1. Ga 5,17 - 2. Ga 3,5 - 3. Rm 7,24-25

celle que Dieu nous a faite en nous créant, mais celle qu'il nous a faite en nous rachetant par Jésus-Christ Notre-Seigneur. En effet, que disent les fidèles dans leurs prières quotidiennes: «Ne nous laissez pas succomber à la tentation, mais délivrez-nous du mal (1)». S'ils possèdent la possibilité de ne pas pécher, pourquoi donc prient-ils? De quel mal surtout demandent-ils à être délivrés, si ce n'est surtout «de ce corps de mort» dont ils ne peuvent être délivrés que par «la grâce de Dieu en Jésus-Christ Notre-Seigneur». Il ne s'agit pas non plus de la substance du corps, car elle est bonne en elle-même, mais des vices charnels dont l'homme ne peut être délivré que par la grâce du Sauveur, alors même que par la mort corporelle l'âme se trouve séparée du corps.

Afin de rendre la conclusion plus évidente, l'Apôtre avait eu soin d'en poser un peu plus haut les principes. «Je sens», dit-il, «dans les membres de mon corps une autre loi qui combat contre la loi de mon esprit et qui me rend captif sous la loi du péché qui est dans les membres de mon corps (2)». Tel est le vice que la désobéissance de la volonté a infligé à la nature humaine. Qu'on nous laisse donc prier pour obtenir notre guérison. Mais enfin, sur quoi peut-on s'appuyer pour présumer ainsi de la possibilité qu'on suppose à notre nature? Elle est blessée, meurtrie, déchirée, perdue; ce dont elle a besoin ce n'est pas de panégyristes menteurs, mais d'un aveu libérateur. A quoi bon nous parler de la grâce de la création? Ce qu'il nous faut c'est la grâce de la réparation, et cependant, loin de juger cette grâce nécessaire, notre auteur ne daigne même pas nous en parler. Si pourtant il n'avait pas fait intervenir la grâce de Dieu dans le débat, s'il n'avait pas introduit la question de la grâce, nous aurions pu à notre tour garder le silence et supposer que sur ce point il avait des convictions chrétiennes. Mais c'est lui-même qui soulève cette question de la grâce, et il expose largement ses idées sur ce point. Maintenant la question est clairement posée, non pas comme nous l'aurions voulu, mais comme le voulaient les doutes que nous inspiraient ses opinions.


1. Mt 6,13 - 2. Rm 7,23

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CHAPITRE LIV. DIALOGISME.


63. Invoquant ensuite un grand nombre de passages de l'Apôtre, il s'efforce de montrer, ce qui n'est pas en question, que dans le langage apostolique la chair doit se prendre non pas comme substance, mais comme synonyme des oeuvres de la chair. Que nous importe d'ailleurs? Nous disons que les vices de la chair combattent la volonté de l'homme; nous n'accusons pas la nature en elle-même, mais nous réclamons un médecin pour guérir ces vices. Que signifie cette question qu'il se pose à lui-même: «Qui a créé l'esprit de l'homme?» Il répond aussitôt: «C'est a Dieu, sans aucun doute». Il demande encore: «Qui a créé la chair?» «C'est le a même Dieu», répond-il. - «Ce Dieu qui a créé la chair et l'esprit n'est-il pas essentiellement bon? Assurément. - Ce qu'il a créé dans sa bonté, n'est-il pas bon? - Nous ne pouvons en douter»: Il conclut: «Si donc l'esprit est bon et si la chair est bonne, comme ayant été créés par un Dieu bon, comment peut-il se faire que ces deux biens se combattent l'un l'autre?»

J'omets de dire que ces raisonnements ingénieux seraient promptement troublés si quelqu'un venait lui poser cette simple question: Qui a créé le froid et la chaleur? Il répondrait sans hésiter: c'est Dieu. Eh bien! sans l'interroger davantage, je lui demande de dire si le froid et la chaleur ne sont pas des biens, ou s'il n'est pas évident qu'ils se combattent l'un l'autre. Il répondra peut-être: le froid et la chaleur ne sont que des qualités et non pas des substances. C'est vrai, mais du moins ce sont des qualités naturelles appartenant sans aucun doute à une créature de Dieu. Or ce n'est point précisément par elles-mêmes, mais par leurs qualités, que les substances, comme l'eau et le feu, se combattent l'une l'autre. Et s'il en était ainsi de la chair et de l'esprit? et pourtant ce n'est pas là ce que nous affirmons, car pour renverser tous ses raisonnements, il nous suffit de dire que l'opposition que nous remarquons entre les créatures vient de leurs qualités et non pas de leur substance. D'ailleurs, des choses contraires peuvent ne pas se combattre, mais seulement se tempérer réciproquement et produire la santé, comme dans le corps la sécheresse et l'humidité, le froid et la chaleur; du mélange de ces qualités résulte un état tempéré qui produit la bonne santé. Mais s'il s'agit de la lutte engagée entre la chair et l'esprit, de telle sorte que nous ne fassions pas ce que nous voulons, c'est là un vice et non un état naturel; cherchons la grâce médicinale et finissons la controverse.


64. L'esprit et la chair sont deux biens créés par Dieu; d'après le raisonnement de l'auteur, ils devraient être d'accord: comment donc avoue-t-il qu'ils peuvent se combattre dans les infidèles? Va-t-il regretter d'avoir prononcé cette parole que lui a dictée sans doute un certain sentiment de la foi chrétienne? En disant: «Comment la chair peut-elle combattre dans un homme baptisé»? il avouait implicitement qu'elle peut combattre dans un infidèle. Autrement pourquoi cette distinction entre l'homme baptisé et l'infidèle, quand surtout cette distinction détruit par sa base tout son raisonnement?

J'invite donc ces infidèles en qui il croit possible la lutte de la chair contre l'esprit, à lui opposer ses propres raisonnements et à lui dire: Qui a créé l'esprit de l'homme; il répondra: c'est Dieu. Qui a créé la chair? il répondra: c'est Dieu. Celui qui a créé l'esprit et la chair est-il un Dieu bon? sans aucun doute, répondra-t-il. Enfin, ce qu'un Dieu bon a créé, est-il bon naturellement? Et il avouera que l'esprit et la chair sont bons. Mais alors, le perçant de son propre glaive, ils tourneront contre lui sa conclusion et lui diront: Si l'esprit est bon et si la chair est bonne, comme ayant été créés par un Dieu bon, comment peut-il se faire que deux biens se combattent l'un l'autre?

Il répondra peut-être: Pardonnez-moi, car je n'aurais pas dû dire que la chair ne saurait combattre un homme baptisé, ce qui était avouer qu'elle pouvait vous combattre vous-mêmes; je devrais affirmer d'une manière absolue que la chair n'est en lutte contre personne. Voilà cependant les piéges qu'il se tend à lui-même; voilà comment s'exprime celui qui ne veut pas s'écrier avec l'Apôtre: «Qui me délivrera de ce corps de mort? La grâce de Dieu par Jésus-Christ Notre-Seigneur». «Mais», répond-il, «pourquoi donc crierais-je, moi qui suis baptisé en Jésus-Christ? Ce cri ne convient qu'à ceux qui n'ont pas reçu le même bienfait, et dont l'Apôtre (212) s'appropriait la voix, supposé toutefois qu'ils jettent ce cri».

Mais tout son langage n'est qu'une justification de la nature, et les païens eux-mêmes n'ont pas, selon lui, à exhaler ces plaintes. On ne saurait prétendre que la nature est dans ceux qui sont baptisés, tandis qu'elle ne serait pas dans les infidèles. Ou bien, s'il concède que dans les infidèles la nature est viciée de telle sorte qu'ils aient sujet de s'écrier: «Malheureux homme que je suis, qui me délivrera de ce corps de mort? s'il avance qu'ils n'ont à espérer du secours que de la grâce de Dieu par Jésus-Christ Notre-Seigneur», qu'il confesse donc enfin que la nature humaine a besoin d'être guérie par Jésus-Christ.



CHAPITRE LV. NOTRE CORPS EST DIT UN CORPS DE MORT A CAUSE DU VICE DONT IL EST ATTEINT ET NON A CAUSE DE SA SUBSTANCE MÊME.


65. Je demande donc où la nature humaine a perdu cette liberté qu'elle redemande avec anxiété quand elle s'écrie: «Qui me délivrera?» Ce n'est certes pas la substance même de la chair que l'Apôtre accuse lorsqu'il demande à être délivré de ce corps de mort, car la substance du corps comme celle de l'âme est l'oeuvre d'un Dieu bon. Quand donc il gémit, ce ne peut être que des vices du corps. Quant au corps lui-même, la mort nous en sépare; quant aux vices qu'il a contractés, ils adhèrent à notre personnalité et méritent ces châtiments que le mauvais riche a trouvés dans l'enfer (1). Voilà ce dont ne pouvait se séparer celui qui s'écriait «Qui me délivrera de ce corps de mort?»

Cependant, quoique l'homme ait perdu cette liberté, il lui reste cette possibilité inséparable de la nature, dont nous parle l'auteur; il a le pouvoir d'agir par sa force naturelle, il a la puissance de vouloir par son libre arbitre; pourquoi donc demande-t-il le sacrement de Baptême? Est-ce à cause des péchés commis, de manière à en obtenir le pardon, quoiqu'ils ne puissent produire aucune solidarité? Laissez l'homme demander ce qu'il demandait. Ce qu'il désire, ce n'est pas seulement de ne point être puni pour ses péchés passés, mais aussi de ne plus se sentir si violemment entraîné


1. Lc 16,22-26

vers le mal. En effet, il se réjouit dans la loi de Dieu selon l'homme intérieur, mais il voit dans ses membres une autre loi qui combat la loi de son esprit; cette loi n'est pas pour lui un souvenir du passé, mais une chose actuelle et immédiate; c'est le présent qui l'accable, et non pas seulement le passé qui l'affecte.

Non-seulement il sent en lui-même ce com. bat, mais il se voit captif sous la loi du péché, et cette loi n'est pas un souvenir; car elle a toute la force de la réalité. De là ce cri: «Malheureux homme que je suis, qui me délivrera de ce corps de mort?» Laissez-le prier, laissez-le invoquer le secours de son médecin tout-puissant. D'où lui vient la contradiction? D'où lui vient le reproche? Est-il possible que ce soient des chrétiens qui l'empêchent dans sa misère d'implorer la miséricorde de Jésus-Christ? Ne marchaient-ils pas avec le Sauveur ceux qui empêchaient l'aveugle de demander par ses cris la lumière? Mais malgré le tumulte et l'opposition, Jésus-Christ a entendu sa prière (1). De là cette réponse: «La grâce de Dieu par Jésus-Christ Notre-Seigneur».


66. Or si nos adversaires nous concèdent, pour ceux qui ne sont pas encore baptisés, le droit d'implorer le secours de la grâce du Sauveur, n'est-ce point de leur part une contradiction flagrante avec cette doctrine tant de fois professée par eux de la suffisance de la nature et de la puissance du libre arbitre? Comment, en effet, peut-il se suffire à lui-même celui qui ne cesse de crier: «Malheureux homme que je suis, qui me délivrera?» Quand on demande à être délivré, peut-on s'entendre dire qu'on jouit d'une liberté parfaite?



CHAPITRE LVI. MÊME SUJET.

Voyons ensuite si ceux-là mêmes qui sont baptisés font le bien qu'ils veulent sans aucune répulsion de la concupiscence de la chair. Mais ce que nous pourrions dire se trouve résumé par notre auteur dans la conclusion même du passage que nous étudions. «Comme nous l'avons dit, conclut-il, ces paroles: La chair convoite contre l'esprit, doivent s'entendre non pas de la substance de la chair, mais des vices ou des oeuvres de la chair». Nous aussi nous parlons, non pas


1. Mc 10,46-52

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de la substance de la chair, mais des oeuvres qui viennent de la concupiscence charnelle, c'est-à-dire du péché contre lequel l'Apôtre nous adresse cette défense: «Que le péché ne règne point dans notre corps mortel, de telle sorte que nous obéissions à ses désirs (1)».



CHAPITRE LVII. QUEL EST CELUI QUI EST SOUS LA LOI?


67. Que l'auteur veuille bien remarquer que c'est aux hommes baptisés qu'il a été dit: «La chair convoite contre l'esprit et l'esprit contre la chair, de telle sorte que vous ne faites pas ce que vous voulez». Et dans la crainte que des lâches ne semblent s'autoriser de cette parole et se donner un prétexte de se laisser aller à leurs passions, l'Apôtre ajoute aussitôt: «Que si vous êtes conduits par l'esprit, vous n'êtes plus sous la loi (2)». Il est sous la loi celui qui, uniquement par la crainte du châtiment dont la loi le menace et non par l'amour de la justice, s'abstient de l'oeuvre du péché, quoiqu'il se sente encore sous le joug de la volonté de pécher. Cette volonté formelle suffit pour le rendre coupable, car s'il le pouvait, il détruirait tout motif de craindre, afin d'accomplir librement ce qu'il désire secrètement.

Donc, dit l'Apôtre, «si vous êtes conduits par l'esprit, vous n'êtes plus sous la loi», sous cette loi qui frappe de terreur et ne donne pas la charité, j'entends la charité de Dieu répandue dans nos coeurs, non point par la lettre, mais par le Saint-Esprit qui nous a été donné (3). Cette loi est donc la loi de la liberté il non de la servitude, parce que c'est la loi de charité et non de la crainte. C'est d'elle que l'apôtre saint Jacques a dit: «Celui qui tournera ses regards vers la loi parfaite de la liberté (4)». Voilà ce qui nous explique pourquoi saint Paul, au lieu de se laisser effrayer par la loi de Dieu comme un esclave, se complaisait dans cette loi selon l'homme intérieur, ce qui ne l'empêchait pas de voir dans ses membres une autre loi qui combattait la loi de son esprit. La même pensée se reproduit dans ces autres paroles: «Si vous êtes conduits par l'esprit, vous n'êtes plus sous la loi». Plus on est conduit par cet esprit, moins on est sous la loi, parce que plus on se plaît dans la loi de Dieu, moins on est


1. Rm 6,12 - 2. Ga 5,17-18 - 3. Rm 5,5 - 4. Jc 1,25

sous la crainte de la loi; la crainte est un tourment (1) et non pas un plaisir.



CHAPITRE LVIII. MÊME SUJET.


68. Si donc nous sentons le besoin de rendre grâces à Dieu de la guérison de certains membres, de même nous devons demander la guérison des autres, afin que, possédant tous une santé aussi parfaite que possible, nous jouissions en toute liberté de l'ineffable douceur de la charité divine. En effet, nous ne nions pas que la nature humaine puisse être sans péché, qu'elle puisse se perfectionner et qu'elle se perfectionne réellement; mais nous affirmons que rien de tout cela ne peut se faire sans la grâce de Dieu par Jésus-Christ Notre-Seigneur. Avec le secours de cette grâce, cette nature devient juste et heureuse, de telle sorte que c'est bien Dieu qui la relève comme c'est Dieu qui l'a créée.

Il est facile dès lors de réfuter l'objection que l'auteur se fait adresser: «Le démon combat contre nous». A cela nous répondons comme il a répondu lui-même: «Résistons-lui, et il fuira loin de nous. Résistez au démon, dit l'Apôtre, et il fuira loin de vous (2). «Ces paroles nous montrent comment le démon peut nuire à ceux qu'il fuit, ou quelle puissance peut posséder cet esprit mauvais qui ne saurait prévaloir que contre ceux qui ne lui résistent pas». J'approuve parfaitement ce langage, car on ne saurait mieux dire. Mais entre nous et les Pélagiens voici la différence: tout en résistant au démon, non-seulement les hommes peuvent mais ils doivent implorer le secours divin, c'est là ce que nous enseignons hautement; les Pélagiens, au contraire, attribuent toute cette résistance à la volonté humaine, de telle sorte que la prière n'est plus une partie nécessaire de la piété. C'est pour résister au démon et le chasser loin de nous, que nous adressons à Dieu cette prière: «Ne nous laissez point succomber à la tentation (3)». C'est également dans ce but que nous est adressé cet avertissement semblable à celui qu'un général adresserait à ses soldats: «Veillez et priez, afin que vous n'entriez pas en tentation (4)».


1. 1Jn 4,18 - 2. Jc 4,7 - 3. Mt 6,13 - 4. Mc 14,38

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CHAPITRE LIX. MÊME SUJET.


69. Quelques-uns disaient: «Qui donc ne voudrait être sans péché, si cet heureux état était en la puissance de l'homme?» L'au1eur répond avec beaucoup de justesse: «Cette objection prouve précisément la possibilité en question, car beaucoup d'hommes et même tous voudraient être sans péché». Il ne lui reste plus qu'un pas à faire, et nous aurons la paix; qu'il avoue ce qui peut nous rendre sans péché. C'est la grâce de Dieu par Jésus-Christ Notre-Seigneur; mais jusque-là il a refusé de dire que si nous pouvons être sans péché, c'est par le secours de cette grâce que nous implorons dans la prière. Il peut se faire qu'il soit intérieurement d'accord avec nous, mais jusqu'à preuve du contraire, qu'il nous permette d'en douter. Pourquoi donc sur une matière qui soulève contre lui une si grande réprobation, se donner le droit de confesser et de dire le contraire de ce qu'il pense? En le sommant de se prononcer, lui demandait-on un si grand sacrifice, puisque, prenant le rôle de ses adversaires, il se proposait de réfuter et de dévoiler l'erreur? Pourquoi tant d'efforts uniquement en faveur de la nature? Pourquoi soutenir qu'en vertu même de sa création l'homme pouvait ne pas pécher s'il l'eût voulu, de telle sorte que la possibilité de ne pas pécher découle pour l'homme uniquement et exclusivement du privilège et de la grâce de sa création? Par conséquent la grâce de Dieu par Jésus-Christ Notre-Seigneur n'a plus aucun caractère de nécessité soit pour guérir notre nature viciée, soit pour lui aider dans son insuffisance.



CHAPITRE LX. EST-IL UN SEUL HOMME SUR LA TERRE QUI SOIT SANS PÉCHÉ?


70. Entre des chrétiens réels et pieux, on peut se demander si dans cette vie il y a eu, s'il est ou s'il peut y avoir un homme vivant dans une justice si parfaite, qu'il ne soit capable d'aucun péché. Poser cette question à l'égard des hommes qui ont quitté la terre, ce serait le comble de la folie. Pour moi, je ne veux même pas établir cette question pour la vie présente. Ma conviction personnelle se trouve suffisamment formée par la clarté de ces paroles: «Aucun homme vivant ne sera justifié en votre présence (1)»; et combien d'autres témoignages semblables! Toutefois, je serais heureux que l'on pût me démontrer que ces passages peuvent être interprétés dans un sens plus favorable, et que cette justice pleine et parfaite à laquelle on ne pourrait rien ajouter s'est trouvée hier, se trouve aujourd'hui et se trouvera demain dans des hommes encore enveloppés de la misérable mortalité humaine; ma joie serait grande, lors même qu'on serait obligé d'ajouter que le plus grand nombre auront besoin, jusqu'au dernier jour de leur vie, de répéter sans cesse: «Pardonnez-nous nos offenses, comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés (2)», tout en faisant reposer sur le Christ et sur ses promesses leur espérance vraie, certaine et inébranlable. Toutefois, je ne laisse pas de déclarer que je ne puis regarder comme chrétien et traiter comme tel, celui qui soutiendrait que, sans la grâce du Sauveur Jésus crucifié et sans le don du Saint-Esprit, il est possible à l'homme d'arriver à une entière, Perfection, ou même à un degré quelconque d'une justice véritable et surnaturelle.



CHAPITRE LXI. LES PÉLAGIENS DÉNATURENT EN LEUR FAVEUR LA PENSÉE DES ÉCRIVAINS CATHOLIQUES.


71. L'auteur cite à l'appui de sa thèse un certain nombre de témoignages tirés, non pas de la sainte Ecriture, mais des écrivains catholiques, pour prouver qu'il n'est pas seul à suivre l'opinion qu'il professe. Mais ces témoignages sont de telle sorte, qu'ils ne contredisent ni none doctrine ni la sienne. Il a même cité quelques-unes de mes paroles, me jugeant digne de prendre plaise avec les auteurs qu'il a nommés. Je lui en témoigne toute ma gratitude, et l'honneur qu'il me fait est un nouveau motif qui me presse de demander que ses yeux s'ouvrent à la vérité.

Quant au premier auteur qu'il a cité (3), je n'ai pu vérifier les textes, car je n'ai pu les trouver dans ses ouvrages, soit qu'il n'ait pas écrit ce qu'on lui prête, soit que l'exemplaire que vous m'avez adressé ait été interpolé. Comme je ne me crois pas obligé d'accepter les paroles des écrivains avec la même soumission que je témoigne aux Ecritures canoniques,


1. Ps 141,2 - 2. Mt 6,12 - 3. Lactance.

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je ne me sens nullement ébranlé par cette proposition tirée des écrits de l'auteur dont je n'ai pas lu le nom: «Il a fallu que le maître et le docteur de la vertu fût en tout semblable à l'homme, afin qu'en triomphant du péché, il apprît à l'homme qu'il peut, lui aussi, vaincre le péché (1)». L'auteur seul de cette proposition pourrait en préciser le sens et la portée; toutefois, il est pour nous hors de doute que le Christ n'a pas eu en lui de péché à vaincre, car s'il est né dans la ressemblance de la chair de péché, il n'est pas né dans la chair de péché. Autre proposition du même auteur: «Et ensuite, afin qu'après avoir dompté les désirs de la chair, il nous apprît que le péché n'est point pour nous une nécessité, mais un acte libre et volontaire». Je puis supposer qu'il ne s'agit pas ici des désirs illégitimes de la chair, mais simplement des désirs naturels, comme la faim, la soif, la lassitude et autres besoins semblables. En effet, quoique la satisfaction de ces besoins soit légitime, cependant elle est pour plusieurs une occasion de péchés; or, c'est là assurément ce qui n'a pu arriver pour le Sauveur, quoiqu'il ait éprouvé ces besoins en vertu de cette ressemblance de la chair de péché, qui lui est attribuée dans l'Evangile.



CHAPITRE LXII. LE COMMENCEMENT ET LA PERFECTION DE LA JUSTICE.


72. Nous trouvons ensuite ces paroles du bienheureux Hilaire: «Quand nous serons arrivés à la perfection de l'esprit, et quand nous aurons revêtu l'immortalité, glorieux privilèges de ceux qui ont le coeur pur, alors seulement nous contemplerons ce qui est immortel en Dieu (2)». En quoi cette proposition aide-t-elle à notre auteur ou nous contredit-elle? Je l'ignore absolument, à moins qu'il n'y voie pour l'homme la possibilité d'avoir le coeur pur. Et qui de nous en a jamais douté, en admettant toutefois l'insuffisance du libre arbitre et l'absolue nécessité de la grâce de Dieu par Jésus-Christ Notre-Seigneur? Saint Hilaire aurait dit également: «Job avait lu ces lettres, qui lui avaient appris à s'abstenir de toute chose mauvaise; car il servait le Seigneur avec un esprit exempt


1. Lactance, Institut., liv. 4,ch. 24, 25.- 2. Hilaire, sur saint Matth., V.

de vices, et servir Dieu c'est la fonction spéciale de la justice».

Dans ces passages, saint Hilaire nous raconte ce que Job avait fait, mais il ne nous dit pas que ce patriarche fût arrivé à la perfection dans ce siècle, et surtout il est loin d'affirmer que tout ce que Job a fait ou parachevé, il l'ait fait ou parachevé sans la grâce du Sauveur, dont il a prophétisé la venue et les bienfaits. Celui-là s'abstient de toute chose mauvaise qui, tout en éprouvant le péché en lui-même, refuse de s'en rendre l'esclave et repousse toute pensée coupable qui ne lui permettrait pas de parvenir à la fin de son oeuvre. Mais autre chose est de ne pas avoir le péché, autre chose est de ne pas obéir à ses désirs. Autre chose est d'accomplir parfaitement ce grand précepte: «Vous ne convoiterez pas (1)»; autre chose est de faire effort de mortification pour réaliser en soi au moins cette autre parole: «N'allez pas à la suite de vos désirs (2)» . Et toutefois, dans ces deux cas, on ne doit pas oublier que l'on ne peut rien sans la grâce du Sauveur.

Pratiquer la justice, c'est dans le vrai culte de Dieu combattre par une lutte intérieure contre le mal intérieur de la concupiscence; et posséder la perfection de la justice, c'est ne plus avoir d'adversaire. Celui qui combat court toujours quelque danger, quelquefois même il est frappé, quoiqu'il ne soit pas renversé; pour celui qui n'a pas d'adversaire, il jouit d'une paix complète. Si l'on peut dire de quelqu'un, en toute vérité, qu'il est sans péché, c'est de celui en qui n'habite pas le péché, et non pas de celui qui, en s'abstenant des oeuvres mauvaises, est encore obligé de s'écrier: «Ce n'est pas moi qui fais cela, mais le péché qui habite en moi (3)».


73. Job lui-même ne garde pas le silence sur ses péchés, et votre ami s'applaudit avec raison de voir que l'humilité ne s'allie jamais avec l'erreur et le mensonge; d'où il suit que les aveux de Job sont inspirés par la vérité, puisqu'il est lui-même un véritable serviteur du Très-Haut.

Commentant ces paroles du psaume: «Vous avez méprisé tous ceux qui se sont éloignés de vos justices», saint Hilaire écrit: «Si Dieu méprisait les pécheurs, il mépriserait tous les hommes, car personne n'est sans péché. Ceux qu'il méprise, ce sont ceux qui se


1. Ex 20,16 - 2. Si 18,30 - 3. Rm 7,20

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séparent de lui et que nous nommons apostats (1)». Vous voyez que saint Hilaire ne se contente pas de dire au passé que personne n'a été sans péché; il affirme au présent que personne n'est sans péché; quant aux raisons, je n'ai pas à les examiner. Il me suffit de remarquer que celui qui refuse de croire au témoignage de l'apôtre saint Jean s'écriant «Si nous disons que nous sommes» et non pas seulement que nous avons été «sans péché (2)», refusera à plus forte raison de croire à la parole de saint Hilaire. Je défends donc la grâce de Jésus-Christ, sans laquelle personne n'est justifié, quelle que soit, du reste, la puissance du libre arbitre. Mais Jésus-Christ lui-même a mieux que tout autre affirmé la nécessité de sa grâce; acceptons donc cette solennelle parole: «Sans moi vous ne pouvez rien faire (3)».




Augustin, de la nature et de la grâce - CHAPITRE XLIX. DIEU EST TOUT-PUISSANT, QUOIQU'IL NE PUISSE NI PÉCHER, NI MOURIR, NI SE SUICIDER.