Augustin, contre Donatistes - CHAPITRE 11. JÉRUSALEM, PAR OU, SELON LA PAROLE DU SAUVEUR, DOIT COMMENCER L'ÉGLISE, EST LA VILLE DE CE NOM; ET ON NE DOIT PAS L'ENTENDRE DANS UN SENS FIGURÉ.

CHAPITRE 11. JÉRUSALEM, PAR OU, SELON LA PAROLE DU SAUVEUR, DOIT COMMENCER L'ÉGLISE, EST LA VILLE DE CE NOM; ET ON NE DOIT PAS L'ENTENDRE DANS UN SENS FIGURÉ.

LES ACTES DES APÔTRES ET LES ÉPÎTRES MONTRENT L'ACCOMPLISSEMENT DE LA PRÉDICTION DE JÉSUS-CHRIST.


27. Nous n'avons rien dit du temps qu'il passa avec ses disciples, après s'être montré vivant à leurs yeux et s'être laissé toucher par leurs mains. Mais les Actes des Apôtres rappellent ces manifestations où la parole du Seigneur annonce par avance la diffusion de l'Église par tout l'univers. A moins de ne pas



1. Lc 24,48-53

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croire aux saintes Ecritures, il n'est plus permis de douter que cette Jérusalem visible ne fût la cité où devait commencer l'Eglise après la Résurrection et l'Ascension de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Oui, c'est bien elle qu'il a voulu montrer; c'est bien là que devait commencer l'Eglise pour se répandre ensuite en tous lieux. Voici ce que nous lisons dans les Actes des Apôtres: «Dans mon premier livre, ô Théophile, je vous ai parlé de ce que Jésus fit et enseigna jusqu'au jour où il choisit ses Apôtres par l'Esprit-Saint, leur a ordonnant de prêcher l'Evangile. Après sa passion il se manifesta à leurs regards par un grand nombre de prodiges, leur apparaissant pendant quarante jours et les entretenant du royaume de Dieu. Et en conversant avec eux il leur ordonna de ne point quitter Jérusalem, mais d'attendre l'accomplissement de sa promesse; promesse que vous avez entendue de ma propre bouche, leur dit-il. Car Jean a baptisé dans l'eau; pour vous, vous serez baptisés dans le Saint-Esprit que vous recevrez dans quelques jours. Mais eux, se rassemblant autour de lui, l'interrogeaient en disant: Seigneur, est-ce alors que vous rétablirez le royaume d'Israël? Il répondit: Il ne vous appartient pas de connaître le temps ou le moment que le Père a fixé dans sa puissance. Mais vous recevrez la force de l'Esprit-Saint qui a surviendra en vous, et vous me rendrez témoignage à Jérusalem et dans toute la Judée, et à Samarie et par toute la terre (1)». N'est-ce point dire bien clairement par où l'Eglise commencera et jusqu'où elle s'étendra?


28. Que répondront ceux qui dans leur orgueil se disent chrétiens et qui contredisent si ouvertement, Jésus-Christ? Pour nous, voilà l'Eglise à laquelle nous nous attachons, et contre ces divines paroles nous ne pouvons admettre aucune récrimination humaine. Ce qui nous décide surtout, c'est que Notre-Seigneur, à qui nous ne pouvons refuser de croire sans sacrilège et sans impiété, nous a laissé dans les dernières paroles qu'il prononça sur la terre, ces enseignements salutaires au sujet de l'Eglise primitive. Aussitôt après, en effet, il monta au ciel. Il voulut nous tenir en garde contre ceux qui devaient venir ensuite, selon qu'il l'avait annoncé, et qui devaient dire: «Le



1. Ac 1,1-8

Christ est ici; le Christ est là (1)» . II nous avertit de ne pas ajouter foi à leur parole. Et comment serions-nous excusables de nous en rapporter à eux contrairement à la voix de notre Pasteur, dont' les paroles sont tellement claires, tellement évidentes, que l'âme la moins intelligente, la moins sensible ne peut dire: Je n'ai pas compris? Comment en effet ne pas comprendre ce langage: «Il fallait que le Christ souffrit et qu'il ressuscitât le troisième jour, et qu'en son nom fussent prêchées la pénitence et la rémission des péchés parmi toutes les nations, à commencer par Jérusalem?» Comment ne pas comprendre ces autres paroles: «Vous me rendrez témoignage a à Jérusalem et dans toute la Judée, et à Samarie et jusqu'aux extrémités de la terre. Ayant ainsi parlé, il s'éleva dans les airs et une nuée l'enveloppa, et ils le virent montant vers les cieux?» Que signifie tout cela, je vous le demande? Quand on entend les dernières paroles d'un mourant, personne ne le traite de menteur; et on regarderait comme un impie l'héritier qui les mépriserait. Comment donc éviterons-nous la colère de Dieu, si nous refusons de croire, ou si nous méprisons en les rejetant les dernières paroles du Fils unique de Dieu, de Notre-Seigneur et Sauveur, sur le point de monter au ciel, d'où il verra ceux qui les négligent, ceux qui les observent, d'où il viendra pour juger les uns et les autres? J'entends la voix de mon Pasteur; elle me montre clairement l'Eglise; elle me l'indique sans aucun détour. Je ne puis m'en prendre qu'à moi seul, si je me laisse entraîner par les paroles des hommes loin de son troupeau qui est l'Eglise. Est-ce qu'il ne m'avertit pas en disant: «Mes brebis entendent ma voix et me suivent (2)?» Voilà certes une parole bien claire, bien aisée à entendre. Si, après l'avoir entendue, vous ne suivez pas Jésus-Christ, comment oserez-vous vous compter parmi ses brebis? Ne me dites point «Donat a dit ceci, Parménien, Pontius, ont dit cela». Il ne faut pas même s'en rapporter à des évêques catholiques, s'il leur arrive de se tromper au point de contredire les Ecritures canoniques. Mais si, tout en gardant le lien de l'unité et de la charité, ils tombent dans quelques erreurs, on verra se réaliser ce que dit l'Apôtre: «Si vous êtes d'un sentiment contraire, Dieu vous révélera la vérité (3)».



1. Mt 24,23 - 2. Jn 10,27 - 3. Ph 3,15

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Mais telle est la clarté des paroles divines au sujet de l'Église universelle, que les hérétiques seuls ont assez de perversité, de fureur et d'aveuglement pour aboyer contre elles.


29. Nous l'avons montré, le Verbe de Dieu, l'Époux de l'Église, a prédit soit dans la loi, soit par les Prophètes, soit par sa propre bouche, que l'Église commencerait par Jérusalem et s'étendrait jusqu'aux extrémités du monde. Comment elle a commencé par Jérusalem, comment ensuite elle s'est répandue par toutes les nations pour y porter des fruits de salut, la parole de Dieu nous le fait voir encore en nous racontant les travaux des Apôtres. Car c'est dans les actes des Apôtres que nous lisons les paroles de Jésus-Christ, rappelées tout à l'heure: «Vous me rendrez témoignage dans Jérusalem et dans toute la Judée, et dans Samarie et jusqu'aux extrémités de la terre». Et ensuite: «Lorsqu'il eut dit cela, il fut élevé sous leurs yeux, et une nuée le reçut et le déroba à leurs regards. Et comme ils le contemplaient montant vers le ciel, voici que deux hommes vêtus de blanc se présentèrent devant eux et leur dirent: Hommes de Galilée, pourquoi portez-vous ainsi vos regards vers le ciel? Ce Jésus qui vient de s'élever vers le ciel, viendra comme vous l'avez vu monter vers le ciel. Alors ils descendirent de la montagne qui s'appelle la montagne des Oliviers, et qui est éloignée de Jérusalem à la distance qu'il est permis de parcourir un jour de sabbat. Et lorsqu'ils furent entrés dans la ville, ils se rendirent dans les appartements supérieurs où habitaient Pierre et Jean Jacques et André, Philippe et Thomas, Barthélemy et Matthieu, Jacques fils d'Alphée, Simon, surnommé Zélotes, et Judas, fils de Jacques. Tous ensemble s'appliquaient à la prière avec les femmes, et Marie, Mère de Jésus, et ses frères. En ces jours-là Pierre se levant au milieu des disciples, dit; or, leur nombre s'élevait à cent vingt environ». Les Actes racontent ensuite, comment, après que Pierre eut parlé, Mathias fut élu pour prendre la place du traître Judas. Après avoir rapporté l'ordination de Mathias, l'Écriture ajoute: «Lorsque les jours de la Pentecôte furent accomplis, tous les Apôtres étaient rassemblés, et tout à coup il se fit un bruit venant du ciel; c'était comme le bruit d'un vent violent, et il remplit toute la maison où les Apôtres se tenaient renfermés; et ils virent comme des langues de feu se reposer sur chacun d'eux; et ils furent tous remplis du Saint-Esprit, et ils se mirent à parler diverses langues, selon que le Saint-Esprit les leur inspirait. Or, en ce moment se trouvaient à Jérusalem des Juifs, hommes religieux venus de toutes les nations qui sont sous le ciel. Et lorsqu'on eut entendu ce bruit, une grande multitude se rassembla, et ces hommes étaient stupéfaits en entendant chacun des Apôtres parler leur langue. Ils étaient donc remplis d'étonnement et d'admiration, et ils se disaient les uns aux autres: Est-ce que tous ceux qui nous parlent, ne sont pas des Galiléens? Comment se fait-il donc que chacun de nous les entende parler la langue dans laquelle nous sommes nés? Les Parthes et les Mèdes, et les Elamites, et les Juifs qui habitent la Mésopotamie et la Cappadoce, le Pont et l'Asie, la Phrygie et la Pamphylie, l'Égypte et les parties de la Lybie qui avoisinent Cyrène, les Romains, Juifs et étrangers, les Crétois et les Arabes, tous les entendaient raconter dans leurs langues les merveilles opérées par Dieu. Dans, leur stupéfaction ils ne savaient que penser et ils se disaient les uns aux autres: Qu'est-ce donc que cela? D'autres se moquaient en disant: Ils sont ivres. Pierre, se tenant debout avec les onze Apôtres, éleva la voix et prit la parole: Hommes de Judée, dit-il, et vous tous qui habitez Jérusalem, que ceci vous soit connu». Suit le discours par lequel il les exhorte à croire en Jésus-Christ. Après avoir rapporté ce discours, l'Écriture continue en ces termes: «Quand ils eurent entendu ces paroles, ils furent touchés dans leur coeur et dirent à Pierre et aux Apôtres: Que ferons-nous, mes frères? Montrez-le nous. Or, Pierre leur dit: Faites pénitence, et que chacun de vous soit baptisé au nom de Jésus-Christ pour la rémission des péchés, et vous recevrez la grâce du Saint-Esprit. C'est à vous que s'adresse la promesse de Dieu et à vos fils, et à tous ceux qui sont éloignés de lui, qu'il aura plu au Seigneur notre Dieu de rappeler. Et il les conjurait par toute sorte de paroles en disant: Sauvez-vous, en vous séparant de cette génération perverse. Pour eux, se rendant à sa parole, ils crurent et furent baptisés. Et environ trois mille âmes furent ajoutées (333) ce jour-là au nombre des fidèles (1)». C'est ainsi que l'Eglise commença par Jérusalem, pour se propager ensuite à travers toutes les langues; ce qui était figuré par ceux qui se trouvant à Jérusalem reçurent le Saint-Esprit et parlèrent toute sorte de langues.


30. Mais l'Eglise s'est répandue parmi les nations, ainsi que Pierre l'avait prédit dans les paroles suivantes: «C'est à vous que s'adressent les promesses de Dieu, et à vos fils et à tous ceux qui sont loin et qu'aura appelés le Seigneur notre Dieu». C'est cette diffusion de l'Eglise qu'il s'agit de considérer maintenant. L'Ecriture raconte en effet ce qui s'accomplit alors à Jérusalem, jusqu'au martyre du diacre Etienne, à la mort duquel Saul donna son consentement. Le récit achevé, les Actes ajoutent: «Il y eut en ces jours-là une grande persécution dans l'Eglise qui est à Jérusalem; et tous furent dispersés dans les provinces de la Judée et de Samarie, excepté les Apôtres qui restèrent à Jérusalem». Voyez se vérifier l'une après l'autre les prédictions du Seigneur: «Vous me rendrez témoignage à Jérusalem, dans toute la Judée, dans Samarie et jusqu'aux extrémités du monde». C'est ce qui était arrivé déjà à Jérusalem; c'est ce qui arrive bientôt dans la Judée et dans Samarie; et c'est pourquoi les fidèles sont dispersés dans la Judée et dans le pays de Samarie. Voici en effet ce que disent ensuite les Actes: «Or, ceux qui avaient été dispersés, traversant les villes et les bourgs, annonçaient la parole de Dieu». Que les Apôtres y soient allés eux-mêmes, après avoir appris que Samarie avait reçu la parole de Dieu, et qu'ils aient imposé les mains aux nouveaux chrétiens, l'Ecriture nous le dit en ces termes: «Or, Pierre et Jean ayant annoncé la parole de Dieu, revenaient à Jérusalem, et en passant ils prêchaient l'Evangile à un grand nombre de Samaritains». Vient ensuite la conversion de cet eunuque qui, s'en retournant de Jérusalem, fut baptisé par Philippe; et voici ce qui est raconté de Philippe lui-même: «L'Ange du Seigneur enleva Philippe, et l'eunuque ne le vit plus. Or, il continua sa route plein de joie. Pour Philippe, il fut transporté à Azotum. Ayant quitté cette ville, il annonça l'Evangile dans toutes les cités, jusqu'à ce qu'il fût arrivé à Césarée (2)».



1. Ac 1,2 - 2. Ac 7

Voilà donc l'Evangile prêché dans toutes les provinces de la Judée et du pays de Samarie. Il devait l'être ensuite successivement par toutes les nations, selon la parole du Seigneur: «Et jusqu'aux extrémités de la terre». Saul est donc appelé par une voix qui vient du ciel, de persécuteur il devient prédicateur de l'Evangile, et à son sujet le Seigneur dit à Ananie: «Va, car il est pour moi un vase d'élection, afin qu'il porte mon nom pour être glorifié devant les nations et les rois, et les fils d'Israël. Car je lui montrerai combien il aura à souffrir pour mon nom». L'Eglise, nous le voyons, est donc fondée à Jérusalem, elle est répandue dans toute la Judée et dans le pays de Samarie. C'est pourquoi un peu plus loin les Actes disent formellement: «Les églises jouissaient de la paix dans toute la Judée et la Galilée et le pays de Samarie; elles étaient entretenues et affermies dans la crainte de Dieu et remplies de la consolation de l'Esprit-Saint (1)». Bientôt après on trouve la conversion du centurion Corneille, qui fut baptisé avec tous les siens, gentils non circoncis. Avant cet événement, Pierre étant en prière, eut une vision: il vit le ciel ouvert, et un vase lié par les quatre extrémités et semblable à un linge bien blanc où se trouvait toute espèce de quadrupèdes, d'animaux et d'oiseaux. Et il entendait une voix qui lui disait: «Pierre, lève-toi, tue et mange». Mais Pierre répondit: «Je n'ai jamais rien mangé de commun ni d'impur». Et la même voix lui dit: «Ce que Dieu a purifié ne le regarde plus comme commun». Or, que cette vision signifie les nations qui doivent croire en Jésus-Christ, ce n'est pas de notre part une simple conjecture. Car l'Apôtre lui-même nous assure que tel est le sens de ce vase qui lui fut montré. En effet, lorsqu'il fut entré dans la maison où se trouvait Corneille, et qu'un grand nombre d'hommes s'y furent rassemblés, il leur dit: «Vous savez fort bien que c'est pour un juif un acte abominable que de s'unir à un étranger et de s'approcher de lui; mais Dieu m'a montré que nous ne devrions traiter personne de commun et de souillé (2)». C'est ainsi qu'il explique cette parole qui lui fut dite au sujet des animaux dont ce linge mystérieux était couvert: «Ce que Dieu a



1. Ac 9 - 2. Ac 10

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purifié ne l'appelle plus commun». Peut-on ne pas voir que ce vase est la figure de l'univers que remplissent toutes les nations? Aussi était-il attaché par les quatre coins pour désigner les quatre parties les plus célèbres: L'Orient et l'Occident, l'Auster et l'Aquilon, dont il est si souvent fait mention dans l'Ecriture. Quant à Paul, qui fut l'Apôtre des gentils, il serait trop long de rappeler les lieux qu'il parcourut, en prêchant l'Evangile et en confirmant dans la foi les églises naissantes. Quand les Juifs lui eurent résisté dans Antioche, voici ce qu'il leur dit, d'accord avec Barnabé: «C'est à vous qu'il fallait d'abord annoncer la parole de Dieu. Mais puisque vous l'avez repoussée et que vous vous êtes jugés indignes de la vie éternelle, nous nous tournons du côté des nations. Car tel est le commandement du Seigneur: Je t'ai établi pour être la lumière des nations, et leur salut jusqu'aux extrémités de la terre». Et il ajoute: «En l'entendant, les nations reçurent la parole de Dieu, et tous ceux qui étaient prédestinés à la vie éternelle crurent en Jésus-Christ (1)». Les Actes rappellent ici le témoignage d'Isaïe que nous avons cité, et d'après lequel le Christ doit être le salut du monde entier (2).



CHAPITRE XII. CONTINUATION DU MÊME SUJET.


31. Sans parler des nations qui depuis les Apôtres ont cru en Jésus-Christ, et se sont réunies à l'Eglise, dites-moi comment ont péri au milieu des troubles de l'Afrique celles-là seulement qui sont mentionnées dans les saints livres, dans les Actes, dans les Epîtres des Apôtres, dans (Apocalypse de saint Jean livres que nous admettons tous, et auxquels tous nous nous soumettons. Ces églises, nous en constatons l'existence non par des assemblées d'évêques en dispute, non par les actes des tribunaux ou des municipes, non par des discussions récentes, mais par les lettres canoniques elles-mêmes. L'Eglise d'Antioche, où pour la première fois les disciples reçurent le nom de chrétiens (3), comment les récriminations des Africains ont-elles pu la faire périr? Quel vent assez impétueux pour propager la peste dans des pays si lointains, dans des pays où l'on ne connaît même pas les noms de ceux



1. Ac 13,46-48 - 2 Is 49,6 - 3. Ac 11,26

qui ont donné lieu au mal, qui lui ont donné naissance; à Athènes, à Iconium, à Lystres? Quel vent a renversé les églises fondées par les travaux des Apôtres? et à la fin de son épître aux Romains, voici ce que dit l'Apôtre et le Docteur des nations: «Je vous ai écrit avec une certaine hardiesse, comme pour vous remettre tout cela en mémoire, à cause de la grâce que Dieu m'a faite d'être le ministre de Jésus-Christ parmi les nations, en prêchant l'Evangile de Dieu, afin que l'oblation des gentils soit agréable au Seigneur et sanctifiée dans l'Esprit-Saint. Je me fortifie donc en Jésus-Christ auprès de Dieu., Car je n'ose rien dire de mes o oeuvres: il n'en est aucune que Jésus-Christ n'ait accomplie par moi pour amener les gentils à l'obéissance, au moyen de la parole et des actions, par la puissance des miracles et des prodiges, par la vertu de l'Esprit-Saint; en sorte que j'ai annoncé l'Evangile du Christ depuis Jérusalem et les environs jusqu'en Illyrie (1)». Cherchez, ô Donatistes, si vous ne le savez pas, cherchez combien il y a de lieux où il faille séjourner depuis Jérusalem et ses environs, jusqu'en Illyrie, en voyageant par terre. Si ce sont autant d'églises distinctes, dites-moi comment les dissensions de l'Afrique ont pu les faire périr. Vous lisez les épîtres de l'Apôtre aux Corinthiens, aux Ephésiens, aux Philippiens, aux Thessaloniciens, mais vous vous en tenez là; nous, nous les, lisons, nous y croyons, nous restons en communion avec les Eglises auxquelles ces épîtres ont été adressées. Quant à la Galatie, ce n'est pas une seule Eglise, mais il y a des églises sans nombre en ce pays. Entendez aussi en quels termes saint Paul salue les Corinthiens: «Paul, apôtre de Jésus-Christ, par la volonté de Dieu, et Timothée, son frère, à l'Eglise de Dieu qui est à Corinthe, avec tous les saints qui sont dans l'Achaïe (2)». Combien, pensez-vous, l'Achaïe comprenait-elle d'Eglises? Peut-être ne savez-vous pas où se trouve l'Achaïe, et peut-être jugez-vous d'une province si peu connue de vous avec assez de témérité, pour dire que nos mutuelles récriminations l'ont fait périr. Et tous ces pays que nomme saint Pierre: le Pont, la Galatie, la Cappadoce, l'Asie, la Bithynie, ne sont-ils pas remplis d'Eglises florissantes? Saint Jean n'a-t-il pas écrit à



1. Rm 15,15-19 - 2. 2Co 1,1 - 3. 1P 1,1

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Smyrne, à Pergame, à Sardes, à Tiatyre, à Philadelphie, à Laodicée, qui sont autant d'Eglises (1)? Nous avons déjà parlé d'Ephèse. Dites-moi donc où ces villes sont situées, à quelle distance les unes des autres? Peut-être en êtes-vous encore à l'entendre dire ou à le lire dans quelque livre. Voyez donc par là même à quelle distance elles se trouvent de l'Afrique, et dites-nous pourquoi ces villes que vous ne connaissez pas, ces villes nommées dans les épîtres des Apôtres, vous avez la sacrilège témérité de les accuser, vous osez dans votre folie prétendre que nos disputes les ont anéanties! Enfin, je sais parfaitement ce que disent à leur sujet les livres canoniques; mais j'ignore ce que vous en dites vous-même: que ce soient là autant d'Eglises de Jésus-Christ, nous le lisons dans ces livres que vous vénérez comme nous; par ces mêmes livres que nous vénérons aussi, faites-nous donc voir que ces Eglises n'existent plus. Voudriez-vous, je vous le demande, que nous prêtions l'oreille à tout ce que peuvent dire les mauvaises langues contre ces églises que l'Esprit-Saint nous a recommandées, nous a appris à connaître dans les Ecritures, contre ces églises qui sont des membres de cette Eglise -universelle répandue dans le monde entier? Vous le voudriez, je le sais; mais nous ne le voulons point. De quel côté se rencontre la justice, vous n'en doutez pas; mais, vaincu par l'animosité, vous ne voulez pas vous laisser vaincre par la vérité. Je vous produis les saintes Ecritures, je vous y montre les Eglises, désignées en général comme remplissant le monde, exprimées chacune par son nom. Elles n'ont jamais su ce que vos ancêtres ont objecté à leurs collègues, elles n'ont point su non plus quels hommes ont été jugés dans cette cause comment donc ont-elles pu périr? Voilà les. Ecritures auxquelles je crois; voilà les Eglises avec lesquelles je suis en communion. Là où je vous montre leurs noms, faites-moi voir aussi leurs crimes.


32. Que si vos cris et vos paroles viennent d'autre part, pour nous, nous aimons mieux écouter la parole que notre Pasteur a prononcée par la bouche des Prophètes, par sa propre bouche et par celle des Evangélistes; les vôtres, nous n'en voulons point, nous n'y croyons point, nous ne les acceptons point.



1. Ap 1,11

«Mes brebis», nous dit le divin Pasteur, «écoutent ma voix et me suivent (1)». Or, cette voix qu'il fait entendre au sujet de son Eglise n'est point obscure. Si l'on ne veut s'égarer loin du troupeau, il faut écouter le Pasteur, il faut le suivre. Son fidèle ministre, le Docteur des nations dans la foi et dans la vérité (car c'est au nom de Jésus qu'il parlait), tient ce langage: «Je m'étonne que vous ayez si tôt abandonné celui qui vous a appelés dans la grâce du Christ pour suivre un autre évangile; ou plutôt, vous ne suivez pas un autre évangile, mais on vous jette dans le trouble, en voulant changer l'Evangile du Christ. Mais quand même nous vous annoncerions, quand même un ange du ciel vous annoncerait autre chose que ce que nous vous avons annoncé, qu'il soit anathème. Oui, je vous le répète, si quelqu'un vous prêche un autre évangile que celui que vous avez reçu, qu'il soit anathème (2)». Il nous est annoncé dans l'Evangile que l'Eglise existera par toute la terre. La loi, les Prophètes et les psaumes l'avaient prédit, au témoignage du Seigneur lui-même, annonçant à son tour que cette Eglise commencera par Jérusalem, pour se répandre ensuite dans toutes les nations, que ses Apôtres lui rendraient témoignage à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu'aux extrémités du monde: c'est ce qu'il prédit en montant au ciel. Ces paroles ne se sont-elles point réalisées? Comment elle a commencé par Jérusalem; comment elle s'est ensuite répandue dans la Judée et dans la Samarie pour remplir ensuite toute la terre où elle s'accroît tous les jours, pour occuper jusqu'à la fin toutes les nations où elle n'existe pas encore, les saintes Ecritures nous le montrent. Quiconque annonce un autre Evangile, qu'il soit anathème.



CHAPITRE XIII. RÉPONSE A CETTE OBJECTION DES DONATISTES «LES PROMESSES DIVINES SE SONT RÉALISÉES, L'ÉGLISE S'EST RÉPANDUE DANS LE MONDE, MAIS ENSUITE L'UNIVERS A APOSTASIÉ».

Or, dire que l'Eglise a péri dans le monde entier, qu'elle n'existe plus que dans l'Afrique et dans le parti de Donat, n'est-ce pas annoncer un autre évangile? Donc, anathème à ceux



1. Jn 10,27 - 2. Ga 1,6-9

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qui tiennent ce langage! Ou bien, qu'ils justifient leur assertion par les Ecritures, et alors l'anathème sera levé.


33. «Nous la justifierons», disent-ils. «Enoch fut le seul d'entre les hommes qui plût à Dieu, et il fut transporté loin de la terre (1); et ensuite, quand le déluge eut inondé la terre, Noé seul avec son épouse, ses fils et ses brus,.mérita d'être sauvé dans l'arche (2)». Ils ajoutent aussi que «Loth seul avec ses filles furent délivrés de l'embrasement de Sodome». Ils disent encore que «du temps d'Abraham, d'Isaac et de Jacob, un petit nombre seulement furent agréables à Dieu, quand la terre entière était asservie à l'idolâtrie». Ils rappellent enfin que «le peuple d'Israël s'étant multiplié, du temps des rois, dans cette terre promise distribuée a aux douze tribus, il y en eut dix qui se séparèrent et furent livrées au serviteur de Salomon; que deux seulement restèrent fidèles au fils de Salomon pour former le royaume de Jérusalem (3). De même en notre temps», disent-ils, «le monde tout entier a apostasié; a il n'y a que nous qui, comme les deux tribus, soyons restés dans le temple, c'est-à-dire dans l'Eglise. Et Notre-Seigneur Jésus-Christ n'était-il pas suivi d'un grand nombre de disciples? Soixante-douze le quittèrent, et les douze Apôtres seulement demeurèrent avec lui». C'est par ces exemples et d'autres semblables que les hérétiques s'efforcent de justifier leur petit nombre et qu'ils ne cessent de s'élever contre les saints qui sent dans l'Eglise, dans cette multitude répandue dans l'univers entier. Mais voici la question que je leur adresse: «Si (ce qu'à Dieu ne plaise) je ne voulais pas regarder comme vrais les exemples que vous me citez, comment me convaincriez-vous?» N'est-ce point par les Saintes Ecritures, où ces textes sont si clairs, qu'après avoir admis ces livres comme inspirés, il faut admettre aussi comme vrais tous ces passages? Or, si je suis forcé d'ajouter foi à ces faits parce qu'ils sont écrits dans des livres où je ne dois point trouver le mensonge, pourquoi ne croient-ils pas eux-mêmes à ces écrits, quand il s'agit de cette Eglise répandue par tout l'univers? Nous admettons tous les passages qu'ils nous citent. Qu'à leur tour ils croient ce que dit le Seigneur: «La pénitence a sera prêchée en mon noie, la rémission des



1. Gn 5,24 - 2. Gn 7,1 - 3. 1R 11,11-13

péchés sera annoncée par toute la terre, à commencer par Jérusalem». Qu'ils ajoutent foi aux paroles qu'il prononça en dernier lieu, au moment de monter au ciel: «Vous me rendrez témoignage à Jérusalem, et, dans toute la Judée, et dans la Samarie, et jusqu'aux extrémités de la terre (1)». Regardons comme vrais les passages qu'ils citent et ceux que nous citons, et il n'y aura plus entre nous aucune discussion. Car leurs textes ne contredisent point les nôtres, les nôtres ne contredisent point les leurs. «Nous nous en rapportons à vos textes», disent-ils, «nous reconnaissons qu'ils se sont vérifiés; mais ensuite l'univers a apostasié, et il n'est plus resté d'Eglise que la communion de Donat». Qu'ils nous le montrent donc dans les Ecritures, comme ils nous y montrent ce qui est raconté d'Enoch, de Noé, d'Abraham, d'Isaac et de Jacob, et de ces deux tribus qui seules demeurèrent fidèles après le schisme des dix autres, et des douze Apôtres qui n'imitèrent point l'apostasie des disciples; oui, qu'ils nous le montrent, et nous ne faisons plus aucune résistance. Mais si, au lieu de nous le montrer dans les livres saints, ils s'évertuent à nous le persuader par leurs chicanes, eh bien! je crois ce que je lis dans les Ecritures, et non pas ce que me disent des hérétiques sans autorité. Ils croient de voir se comparer aux deux tribus qui restèrent fidèles au fils de Salomon: qu'ils lisent, et ils se repentiront de l'avoir fait. Voici en effet comment l'Ecriture parle de ces deux peuples. Celui qui entoure Jérusalem est appelé Juda; celui, bien plus nombreux, qui s'est rallié au serviteur de Salomon, est nommé Israël. Que disent les Prophètes à leur sujet? Juda, selon eux, n'est-il point pire qu'Israël? Israël, disent-ils, qui a quitté le Seigneur, est justifié par les péchés de Juda qui a prévariqué (2); c'est-à-dire, Juda est si coupable, que l'on peut, en comparaison, donner à Israël le nom de juste, Toutefois, ni les péchés de l'un ni les péchés de l'autre n'ont pu nuire aux justes qui se trouvaient dans Israël ou dans Juda. Car dans ce peuple qu'ils citent comme un exemple de perdition, dans Israël, n'apercevons-nous pas de saints prophètes? C'est là que se trouvait l'illustre Elie, pour ne point parler des autres, Elie auquel il fut dit: «Je me suis réservé



1. Lc 24,44-51 Ac 1,8-9 - 2. Ez 16,51

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sept mille hommes qui n'ont point courbé le genou devant Baal (1)». Donc, cette portion du peuple ne doit point être traitée d'hérétique. Dieu, en effet, avait ordonné la séparation de ces tribus, non pour diviser la religion, mais pour diviser le royaume, et se venger ainsi du royaume de Juda. Or, Dieu n'ordonne jamais ni le schisme ni l'hérésie. Dans le monde, il est vrai, la plupart du temps les royaumes sont divisés; il n'en est pas ainsi de l'unité chrétienne, puisque dans l'une et l'autre partie du monde se trouve l'Eglise catholique.


34. Si j'ai cru devoir parler ici de Juda et d'Israël, c'est pour montrer aux Donatistes que les justes placés au milieu des impies sont à l'abri des reproches dirigés contre les peuples eux-mêmes à cause de la multitude des impies; qu'ils doivent par conséquent cesser de recueillir comme autant de témoignages en leur faveur, les menaces des Prophètes ou du Seigneur lui-même, ou des évangélistes contre la zizanie ou contre la paille répandue dans l'univers. La plupart du temps, en effet, la parole de Dieu s'adresse à ces sectes impies et tumultueuses, qui ne font pas même partie de l'Eglise, qui en conservent pourtant les sacrements et se donnent par là une apparence de piété, sans en avoir la réalité, comme dit l'Apôtre: «Ils ont l'apparente de la piété, mais ils en rejettent la vertu (2)»; elle blâme ces sectes, comme si tous les chrétiens en faisaient partie et que tous fussent corrompus. Dieu nous avertit par là qu'il a en vue le nombre des impies, quand il dit: «Tous»; qu'il veut parler de tous les fils de la géhenne, dont il a prévu le nombre. Ils sont donc bien maladroits ou bien perfides, en s'appuyant sur des textes de l'Ecriture qui ont rapport soit aux méchants mêlés avec les bons jusqu'à la fin, soit à la dévastation du pays des Juifs, et, en les appliquant à contre-sens à l'Eglise de Dieu, qui, à les entendre, aurait disparu de l'univers et se serait anéantie. Qu'ils cessent de mettre en avant de pareils textes, s'ils veulent répondre à cette lettre. En disant que l'Eglise est répandue dans tout l'univers, nous ne prétendons point que les bons participent seuls à ses sacrements, à l'exclusion des méchants; nous croyons même que les méchants sont en plus grand nombre, et que les justes sont peu



1. 1R 19,18 - 2. 2Tm 3,5

nombreux en comparaison, bien que, absolument parlant, ils forment à eux seuls un nombre considérable.



CHAPITRE XIV. LE MÉLANGE DES MÉCHANTS AVEC LES BONS NE DÉTRUIT PAS L'ÉGLISE. LES SAINTES ÉCRITURES NOUS L'ENSEIGNENT.


35. Nous avons d'innombrables témoignages, et du mélange des méchants avec les bons dans la participation aux sacrements, (dès le principe, en effet, Judas, le traître, fut mêlé avec les onze Apôtres fidèles), et du petit nombre des bons en comparaison de celui des méchants, et aussi de la multitude des bons considérée en elle-même. J'en cite quelques-uns seulement. Je lis dans le Cantique des cantiques ce texte qui, de l'aveu de tous les chrétiens, se rapporte à la sainte Eglise: «Comme le lis s'élève au milieu des épines, ainsi celle qui est proche de moi s'élève au milieu des filles (1)». Ces épines dont parle l'Ecriture, n'est-ce point la perversité de leurs moeurs? Et si elle emploie cette expression: «Les filles», n'est-ce point que les pécheurs participent aux mêmes sacrements? Le prophète Ezéchiel voit aussi certains hommes marqués au front, pour ne pas être enveloppés dans la ruine des méchants, et, à leur sujet, Dieu s'exprime en ces termes: «Ceux qui gémissent et s'affligent des péchés et des iniquités que mon peuple commet au milieu d'eux (2)». Il ne l'appellerait point son peuple, ce peuple qui, par son ordre, doit être bientôt anéanti, à la réserve d'un petit nombre, s'il n'était le dépositaire de ses promesses. Que dit encore le Seigneur au sujet de la zizanie que l'on a semée dans le champ du père de famille? «Laissez croître l'un et l'autre jusqu'à la moisson» . «L'un et l'autre», c'est-à-dire le froment et la zizanie. La moisson, ainsi que le Sauveur l'explique lui-même, c'est la fin des siècles; le champ où l'on a semé le froment et l'ivraie, c'est le monde. Il faut donc que l'un et l'autre croissent dans le monde jusqu'à la fin des siècles. Il ne leur est donc plus permis de supposer ni d'affirmer, comme ils le font, qu'il n'y a plus de justes dans le monde, et qu'il n'en reste que dans le seul parti de Donat. Ils s'insurgent, en effet, contre cette parole si claire du Sauveur: «Le



1. Ct 2,2 - 2. Ez 9,4

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champ, c'est le monde»; et contre cette autre parole: «Laissez-les croître l'un et l'autre jusqu'à la moisson»; et encore: «La moisson, c'est la fin des siècles». Voici une autre parabole qui nous fait comprendre très-bien aussi le mélange des bons et des méchants dans la participation aux mêmes sacrements; c'est le Seigneur lui-même qui l'énonce et qui l'explique: «Le royaume des cieux est semblable à un filet que l'on a jeté à la mer et qui a rassemblé toute sorte de poissons. Lorsqu'il a été rempli, les pécheurs l'ont retiré sur le rivage; et, s'étant assis, ils ont choisi les meilleurs qu'ils ont placés dans leurs vases; quant aux mauvais, ils les ont jetés hors du filet. Il en sera de même à la fin des siècles: les anges viendront, et ils sépareront les méchants d'avec les justes, et ils les jetteront dans la fournaise: là il y aura pleur et grincement de dents (1)». Les bons ne s'effraient donc point de leur mélange avec les méchants; ce n'est point pour eux un motif de rompre les filets, ni de sortir de l'unité; ils aiment mieux laisser participer aux mêmes sacrements des hommes qui n'appartiennent pas au royaume des cieux. Lorsqu'ils auront atteint le rivage, c'est-à-dire quand ils seront arrivés à la fin des siècles, alors se fera la séparation, et le juge sera non point l'homme avec sa témérité, mais Dieu lui-même avec son infaillible justice.


36. Quant au petit nombre des bons, le Seigneur en parle clairement dans ce passage: «Entrez par la porte étroite. Qu'elle est large, qu'elle est spacieuse la voie qui mène à la perdition! qu'elle est étroite la porte, qu'elle est resserrée la voie qui mène à la vie, et qu'il y en a peu qui y entrent (2)!» C'est nous qui sommes ce petit nombre, disent les Donatistes; l'univers entier a péri, seuls nous sommes restés dans ce petit nombre auquel le Seigneur adresse des éloges. S'ils se font gloire d'être peu nombreux, nous leur opposons les Rogatistes et les Maximianistes, qui se sont séparés d'eux et qui leur sont inférieurs en nombre. Mais en louant le petit nombre, le Seigneur a en vue de le comparer avec la multitude des méchants. L'Écriture ne parle-t-elle pas de la multitude des bons considérée en elle-même? - Qu'ils lisent les livres saints! Que de témoignages ne



1. Mt 13,21-30 - 2. Mt 7,11-13

trouveront-ils pas à l'appui de notre assertion! Pourquoi Dieu promet-il à Abraham une postérité aussi nombreuse que les étoiles du ciel et que les grains de sable de la mer (1)? N'est-ce pas pour faire entendre que cette postérité sera innombrable? L'Apôtre ne nous le dit-il pas en ces termes: «Il s'agit de la postérité d'Isaac; dans cette postérité ne sont point compris les enfants selon la chair, mais les fils de la promesse (2)?» Que signifient ces autres paroles: «Les fils de la femme abandonnée sont plus nombreux que ceux de la femme qui a un mari (3)?» Et celles-ci: «Beaucoup viendront de l'Orient et de l'Occident, et s'assiéront avec Abraham, Isaac et Jacob, dans le royaume des cieux; et les fils du royaume iront dans les ténèbres extérieures (4)?» Ce sont les Juifs impies. - Que signifient encore ces paroles de l'Apôtre: «Afin qu'il nous purifiât et se fît en nous un peuple riche, ardent à pratiquer les bonnes oeuvres (5)?» Pourquoi l'Apocalypse compte-t-elle par millions les justes de l'Église (6)? Vous le voyez donc, tour à tour il est parlé du grand nombre et du petit nombre des justes. C'est que considérés en eux-mêmes ils sont nombreux; en comparaison des impies, leur nombre est fort restreint.




Augustin, contre Donatistes - CHAPITRE 11. JÉRUSALEM, PAR OU, SELON LA PAROLE DU SAUVEUR, DOIT COMMENCER L'ÉGLISE, EST LA VILLE DE CE NOM; ET ON NE DOIT PAS L'ENTENDRE DANS UN SENS FIGURÉ.