Augustin, contre Donatistes - CHAPITRE XIX. LES ÉLOGES QUE SE DONNENT LES DONATISTES NE PROUVENT POINT QU'ILS SOIENT L'ÉGLISE DE JÉSUS-CHRIST. L'ÉGLISE N'EST POINT BORNÉE A UN COIN DE L'UNIVERS.

CHAPITRE XIX. LES ÉLOGES QUE SE DONNENT LES DONATISTES NE PROUVENT POINT QU'ILS SOIENT L'ÉGLISE DE JÉSUS-CHRIST. L'ÉGLISE N'EST POINT BORNÉE A UN COIN DE L'UNIVERS.

49. Quittez ces ambages et montrez-nous que l'Église ne doit se conserver que dans l'Afrique, à l'exclusion de toutes les autres nations, ou bien que par l'Afrique elle se rétablira, se complétera chez les autres peuples. Voilà ce que vous devez nous prouver, et encore ne vous contentez pas de dire: Cela est vrai, parce que je le dis ou parce que



1. Mt 7,24-27 - 2. Mt 13,30 - 3. Ct 2,2 - 4. Mt 13,47-48

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mon collègue ou mes collègues, ou ces évêques ou ces clercs, ou nos laïques l'ont dit; ou, cela est vrai, parce que Donat ou Pontius, ou un autre, ont fait telles et telles merveilles, ou parce que les hommes invoquent dans leurs prières les mémoires de nos morts et sont exaucés;;ou parce que telles et telles choses arrivent.; ou parce que notre frère ou notre sueur a eu telle vision pendant la veille, ou telle et telle vision dans son sommeil. Oui, rejetez ces fictions imaginées par des fourbes, ces prodiges, oeuvres des esprits trompeurs. Ou bien il n'y a rien de vrai dans ce que vous dites; ou bien, si les hérétiques accomplissent quelques actes surprenants, c'est une raison pour être plus sur nos gardes. Le Seigneur, en effet, après avoir dit qu'il y aurait des fourbes qui par leurs prodiges tromperaient même les élus, si cela se pouvait, ajouta cette pressante recommandation: «Voici que je vous l'ai dit par avance (1)». L'Apôtre nous prévient à son tour: «L'Esprit dit manifestement que dans les derniers temps plusieurs abandonneront la foi, pour suivre des esprits séducteurs et s'attacher aux doctrines des démons (2)». Si donc l'on est exaucé en invoquant dans sa prière la mémoire des hérétiques, ce n'est point en vertu du lieu où l'on prie, mais en vertu de son désir; et selon la nature de ce désir on reçoit du bien ou du mal. «Car l'Esprit de Dieu», comme il est écrit, «a rempli l'univers»; et encore: «L'oreille du zèle entend toutes choses (3)». Il en est beaucoup que Dieu exauce dans sa colère. C'est d'eux que parle l'Apôtre: «Dieu les a livrés aux convoitises de leurs coeurs (4)». Dieu dans sa miséricorde refuse souvent ce qu'on lui demande pour accorder ce qui est utile. Ecoutez ce que dit l'Apôtre de cet aiguillon de la chair, de cet ange de Satan qui lui a été donné pour le souffleter, de peur qu'il ne s'enorgueillît de la grandeur de ses révélations: «C'est pourquoi j'ai prié trois fois le Seigneur de m'en délivrer. Et il m'a dit: «Ma grâce te suffit: car la vertu se perfectionne dans l'infirmités». Ne lisons-nous pas que plusieurs furent exaucés par le Seigneur sur les hauts lieux de la Judée; et cependant ces hauts lieux déplaisaient à Dieu, puisqu'il blâmait ceux qui n'en détruisaient pas les



1. Mt 24,25 - 2. 1Tm 4,1 - 3. Sg 1,7 - 4. Rm 1,21 - 5. 2Co 12,7-9

autels, et louait ceux qui les renversaient? Vous le voyez donc, le sentiment qui anime la prière a plus d'efficacité que le lieu où elle se fait. Quant aux visions trompeuses, lisez ce qui est écrit: «Satan lui-même se transforme en ange de lumière (1)». Et encore: «Bien souvent les hommes ont été séduits par leurs songes (2)». Entendez ce que racontent les païens de leurs temples et de leurs dieux; ils parlent aussi de faits et de visions merveilleux; et cependant: «Les dieux des nations sont des démons; c'est le Seigneur qui a fait les cieux (3)». Ainsi donc on voit exaucées souvent et de mille manières les prières non-seulement des chrétiens catholiques, mais aussi des païens, des Juifs, des hérétiques, livrés à diverses erreurs et à diverses superstitions. Parfois ce sont les esprits séducteurs qui les exaucent; ils ne peuvent rien cependant, sans la permission de Dieu qui juge avec une sagesse sublime et ineffable ce qu'il faut accorder à chacun. Parfois c'est Dieu lui-même qui exauce, soit qu'il veuille punir le mal ou soulager l'affliction, ou rappeler que l'on doit travailler à son salut éternel. Mais pour arriver au salut éternel, il faut avoir Jésus-Christ pour chef. Or, on ne peut avoir Jésus-Christ pour chef sans faire partie de son corps qui est l'Eglise, et cette Eglise, nous devons la reconnaître aussi bien que son Chef, d'après les Ecritures canoniques, et non pas la chercher dans toutes sortes de rumeurs ou d'opinions, de faits, de paroles et de visions.


50. Donc ne m'alléguez plus rien de pareil, si vous voulez me répondre. Je ne vous dis pas: Croyez que la communion de Donat n'est pas l'Eglise, parce que certains évêques de son parti ont livré aux flammes les livres saints, comme on peut s'en convaincre par les actes ecclésiastiques, municipaux et judiciaires; ou bien parce que la sentence des évêques qu'ils avaient obtenue de l'empereur ne leur a pas donné gain de cause; ou bien parce que l'empereur auquel ils en avaient appelé, a prononcé tout autrement qu'ils ne s'y attendaient; ou bien parce que les circoncellions comptent des chefs parmi eux; ou bien parce que les circoncellions se livrent à de si déplorables excès; ou parce qu'on en voit dans ce parti se jeter dans les précipices oit dans les flammes qu'ils ont allumées eux-mêmes, ou contraindre par leurs menaces à leur donner



1. 2Co 11,14 - 2. Si 34,7 - 3. Ps 95,5

la mort, ou bien se faire mourir eux-mêmes comme des furieux, dans le seul but d'être honorés par les hommes; ou bien parce qu'autour de leurs sépulcres, comme des troupeaux errants, hommes et femmes plongés dans l'ivresse, se livrent ensemble nuit et jour à l'ivrognerie et aux désordres les plus honteux. Toute cette foule, je la regarde comme la paille des Donatistes; et je ne veux pas qu'elle nuise en rien au froment, si les Donatistes sont l'Eglise. Mais c'est là ce qu'ils doivent me prouver par les livres canoniques des divines Ecritures. Quand nous disons que nous faisons partie de l'Eglise du Christ, nous n'alléguons point pour preuve que notre Eglise a pour elle les suffrages d'Optat de Milève ou d'Ambroise de Milan, ou de tant d'autres évêques de notre communion; ni qu'elle a été reconnue par les conciles de nos collègues; nous ne disons pas que par tout l'univers, dans les lieux saints où nous nous rassemblons il se fait de grands miracles, que les nôtres y sont exaucés, recouvrent la santé; quelles corps de martyrs, si longtemps cachés, ont été révélés à Ambroise, ce que bien des gens peuvent leur apprendre; qu'auprès de ces corps un homme depuis longtemps aveugle et bien connu de toute la ville de Milan, a recouvré tout à coup la vue; nous ne disons pas: Un tel a eu une vision pendant son sommeil; cet autre â été ravi en esprit et a entendu une voix qui lui disait, ou de ne pas se rendre au parti de Donat, ou de s'en retirer. Les miracles qui ont lieu dans l'Eglise catholique, on doit les approuver parce qu'ils ont lieu dans l'Eglise catholique; mais elle n'est pas déclarée la véritable Eglise, parce que c'est chez elle qu'ils se produisent. Le Seigneur Jésus lui-même, après sa résurrection, ne se contente pas de s'offrir aux regards de ses disciples, de leur faire toucher son corps; mais pour leur ôter toute idée d'une supercherie, il juge à propos de confirmer leur foi par les témoignages de la loi, des Prophètes et des psaumes, et il leur montre s'accomplissant dans sa personne tout ce qui avait été prédit si longtemps à l'avance. C'est ainsi qu'il donne à tous aussi le moyen de reconnaître son Eglise: «En son nom la pénitence et la rémission des péchés seront prêchées par toutes les nations, à commencer par Jérusalem». Cela est écrit dans la loi, dans les Prophètes, dans les psaumes: il l'a déclaré lui-même (1), il a affirmé la même chose de sa propre bouche. Tels sont les documents de notre cause, tels sont les fondements, tels sont les appuis de notre foi.


51. Nous lisons dans les Actes des Apôtres qu'il a été dit de certains croyants qu'ils étudiaient chaque jour les saintes Ecritures pour connaître la vérité (2). Quelles étaient ces Ecritures, sinon les Ecritures canoniques de la loi et des Prophètes? A ces livres divins sont venus se joindre les Evangiles, les Epîtres, les Actes des Apôtres, l'Apocalypse de saint Jean.Voilà les textes qu'il faut pénétrer. Allez-y puiser des témoignages capables de nous démontrer que l'Eglise n'est restée que dans l'Afrique, ou bien que par l'Afrique se réalisera ce que dit le Seigneur: «Cet Evangile du royaume sera prêché dans tout l'univers en témoignage à toutes les nations; et alors viendra la fin (3)». Oui, citez-nous un texte qui n'ait pas besoin d'interprète, qui ne puisse s'entendre dans un autre sens, un texte auquel vous n'aurez pas besoin de faire violence pour vous le rendre favorable. Vous voyez le sort de celui que- vous aimez tant à nous citer: «Où vous paissez, où vous reposez au midi (4)»; quand on a bien étudié les expressions, il signifie tout autre chose que vous ne pensez. Et quand même il aurait le sens que vous dites, les Maximianistes en feraient usage contre vous. Car la Province, Byzacium et Tripolis, où ils habitent, sont plus au midi que la Numidie, où vous exercez votre influence. Ce sont eux qui peuvent vraiment et nettement se glorifier de cette expression: «Le midi»; et vous ne pouvez les tirer de leur erreur qu'en prenant ce texte dans le vrai sens.qui est le sens catholique, en leur montrant que, selon les quatre points cardinaux, le midi est du côté de l'Auster et non point du côté de l'Africus; que dans le langage figuré des Ecritures cette expression signifie la parfaite illumination de l'esprit et l'ardeur de la charité, comme il est écrit. «Et vos ténèbres seront comme le midi (5)». Citez-nous donc un texte que l'on ne puisse retourner contre vous, ou plutôt un texte qui n'ait pas besoin d'explication. Voici, par exemple, un texte clair: «En ta race seront bénies toutes les nations (6)». Cette postérité d'Abraham, c'est le Christ; ce n'est pas moi qui l'explique



1. Lc 24,44-17 - 2. Ac 17,11 - 3. Mt 24,14 - 4. Ct 1,6 - 5 Is 58,10 - 6. Gn 22,18

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ainsi, c'est l'Apôtre (1). En voici un autre: «Tu seras appelé ma volonté, et la terre sera appelée l'univers (2)». Ces paroles, à qui un chrétien les appliquerait-il, si ce n'est à l'Eglise du Christ? En voici un troisième: «Tous les peuples de la terre se ressouviendront et se convertiront au Seigneur, et toutes les nations adoreront en sa présence, car le royaume lui appartient et il dominera sur les nations (3)». Ce texte se trouve dans le psaume où, selon le témoignage de l'Evangile, est prédite la passion du Sauveur (4). Cet autre texte n'est pas moins clair: «Il fallait que le Christ souffrît et qu'il ressuscitât le troisième jour, et que la pénitence et la rémission des péchés fussent prêchées en son nom par toutes les nations, à commencer par Jérusalem (5)». Et celui-ci: «Vous me rendrez témoignage à Jérusalem, et dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu'aux extrémités de la terre (6)». Que l'Église ait commencé par Jérusalem, qu'elle se soit répandue dans la Judée, la Samarie et les autres nations, c'est ce qu'attestent les événements confirmés par les Ecritures canoniques. Cet autre texte a-t-il besoin d'explication: «Cet Evangile du royaume sera prêché par tout l'univers en témoignage à toutes les nations; et alors viendra la fin?» Interrogé sur cette fin des siècles, le Seigneur parla d'abord d'un commencement d'enfantement, et il ajouta: «Mais ce n'est pas encore la fin (7)». La fin, il annonça qu'elle arriverait après que l'Évangile aurait été prêché dans tout l'univers, à toutes les nations. Inutile encore d'expliquer le texte suivant: «Laissez croître l'un et l'autre jusqu'à la moisson». L'obscurité qu'il renferme a été enlevée par le Seigneur. L'explication qu'il nous en donne, personne ne peut la rejeter, surtout quand il s'agit d'une parabole qu'il a lui-même exposée. C'est lui qui nous le dit: «La bonne semence, ce sont les fils du royaume; le champ, c'est le monde; la moisson, c'est la fin des siècles (8)». Citez-nous donc des textes aussi clairs que ceux-là; citez-nous-en un seul où nous voyions l'Afrique demeurée seule fidèle, à l'exclusion de toutes les autres nations, seule réservée pour renouveler le monde et le remplir. Peut-on supposer que des saintes



1. Ga 3,16 - 2 Is 62,4 - 3. Ps 21,28-29 - 4. Mt 27,35 Jn 19,24 - 5. Lc 24,46-47 - 6. Ac 1,8 - 7. Mt 24,14 Mt 24,6-8 - 8. Mt 13,30-39

Ecritures aient parlé si souvent de ce qui devait si tôt périr; sans dire un mon de ce qui devait demeurer, de ce qui devait servir à tout renouveler et à tout remplir? Que si vous ne pouvez satisfaire à nos justes exigences, alors cédez à la force de la vérité, taisez-vous, plongez-vous dans le sommeil; et, quittant votre fureur, réveillez-vous pour opérer votre salut.


52. Direz-vous toujours: «Si l'Eglise est chez vous, pourquoi nous persécuter pour nous contraindre à être en paix avec elle? Si nous sommes des pervers, pourquoi nous rechercher? Si nous sommes l'ivraie, laissez-nous croître jusqu'à la moisson?» Mais faisons-nous autre chose que d'empêcher, comme nous pouvons, que l'ivraie ne soit séparée avant le temps, de peur que le froment lui-même ne soit arraché? Tous ceux qui doivent être bons dans l'éternité ne sont pas l'ivraie dans la prescience divine, mais le bon grain, quand même ils seraient pervers dans le temps. Vous nous reprochez de vous rechercher, malgré votre perversité. Eh! n'est-ce pas cette perversité qui vous a perdus? Et puisque vous êtes perdus, ne devons-nous pas vous chercher? Oui, nous vous cherchons, parce que vous êtes perdus, nous vous cherchons pour vous trouver, nous voulons vous trouver pour vous ramener, comme la brebis, dans l'Evangile, est cherchée par le bon Pasteur; comme la drachme est cherchée par la femme; nous voulons vous ramener comme le fils qui était mort et qui a recouvré la vie, qui était perdu et qui fut retrouvé (1). Celui qui vous cherche, c'est celui qui habite au milieu des saints: c'est lui qui nous ordonne de vous chercher.



CHAPITRE XX. LES DONATISTES NE DOIVENT PAS SE PLAINDRE DES PERSÉCUTIONS DIRIGÉES CONTRE EUX. ON RÉPRIME LES VIOLENCES DES LEURS, ON CHERCHE A LES TIRER DE L'ERREUR ET A LES RAMENER A LA VÉRITÉ.


53. Quant aux persécutions dirigées contre vous, vous cesserez de vous plaindre si vous songez; si vous comprenez d'abord que toute persécution n'est point coupable. Autrement on ne pourrait louer cette parole: «Je persécutais celui qui, en secret, calomniait son prochain (2)». Ne voyons-nous pas tous les



1. Lc 15 - 2. Ps 100,5

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jours le fils se plaindre d'un père qui le persécute; l'épouse, de son mari; l'esclave, de son maître; le colon, du propriétaire; l'accusé, du juge; le soldat, l'habitant de la province, de son général ou de son roi? Et cependant, tous ces supérieurs, quand ils veulent détourner leurs inférieurs de fautes gravement coupables, usent d'un pouvoir, très légitime, pour menacer de peines légères en comparaison; quand ils veulent, au contraire, forcer à quitter une vie réglée et à cesser les bonnes actions, ils ont recours aux menaces les plus sévères et aux supplices les plus cruels. Dans le premier cas, ils corrigent, ils sont de bons conseillers; dans le second, ils sont persécuteurs et oppresseurs. On blâme ceux mêmes qui, pour détourner du mal, emploient des moyens trop rigoureux. On devra blâmer aussi ceux qui, comme des furieux, se précipitent, pour les réformer, sur des hommes qui ne leur sont soumis à aucun titre.


54. C'est donc avec justice que nous blâmons la licence désordonnée de vos circoncellions et leur orgueilleuse démence, lors même que leur violence s'exerce contre des pervers: car, punir des fautes sans en.avoir le droit, détourner du mal par des moyens illicites, ce n'est pas bien agir. Mais quand, sans informations préalables, ils poursuivent des innocents des vexations les plus iniques, peut-on ne pas avoir horreur d'un tel brigandage? Vous avez pensé qu'il fallait réprimer par des lois la fureur des Maximianistes, que les ordres des juges, l'exécution des sentences, le secours des citoyens devaient les chasser des basiliques qu'ils occupaient, pour les forcer à considérer leurs crimes: nous ne vous en avons fait aucun reproche; nous disions seulement que vous aviez réprimé dans les autres des fautes dont vous vous étiez vous-mêmes rendus coupables, des fautes plus légères même que les vôtres. Eux, ils se sont insurgés, contre le parti de Donat; et vous, c'est contre l'univers entier, c'est contre les paroles de celui qui a montré son Eglise, commençant par Jérusalem et se répandant par toutes les nations, que vous avez élevé l'autel d'une dissension sacrilège! Or, si les Maximianistes osaient opposer une résistance illicite et furieuse aux sentences rendues contre eux par les juges, ne se condamneraient-ils point eux-mêmes? L'Apôtre ne dit-il pas: «Celui qui résiste au pouvoir résiste à l'ordre établi par Dieu; or, ceux qui résistent attirent sur eux la condamnation car les princes ne sont pas pour effrayer ceux qui font le hier, mais pour effrayer les méchants (1)?» Ils faisaient le mal: vous vouliez mettre un terme à leurs désordres, en appelant à votre aide les puissances légitimes; or, si pour se défendre ils ajoutaient à leurs crimes le crime plus grand encore de résister aux lois, qui serait cause du mal qui leur en arriverait? Serait-ce vous? Non, ce seraient eux-mêmes. Quiconque aurait osé blasphémer contre le Dieu de Sidrac, de Misach et d'Abdénago, était perdu, lui et toute sa maison ainsi l'avait décrété le roi (2). Ces maux, par qui étaient-ils infligés? Était-ce par ces trois. Hébreux, sauvés des flammes par un miracle qui avait touché l'âme du roi et lui avait fait porter ce décret? Était-ce par le roi? N'était-ce pas plutôt par le coupable? Ces quarante juifs qui voulaient tuer saint Paul, s'ils s'étaient jetés sur les soldats qu'on lui avait donnés pour escorte: est-ce Paul qui les aurait fait mourir, n'est-ce pas au contraire leur résistance aux puissances légitimement établies (3)?


55. Vous aussi, bannissez de votre âme le trouble, l'esprit de dispute, l'amertume de la haine, et considérez avec soin quelle est la cause des peines que vous infligent les princes de votre communion. Si vous venez à reconnaître que vous êtes dans l'Église du Christ, réjouissez-vous et tressaillez, parce que votre récompense sera abondante dans le ciel (4). Vous y serez couronnés comme martyrs; eux, au contraire, y seront jugés comme persécuteurs. Mais si, au contraire, la sainte Écriture vous convainc d'avoir élevé un autel contre l'Église du Christ, de vous être séparés par un schisme sacrilège de l'unité chrétienne répandue par tout l'univers, de faire la guerre au corps du Christ, à son Eglise, qui remplit le monde, en rebaptisant, en blasphémant, en l'attaquant de toutes manières; c'est vous qui êtes des impies et des sacrilèges; ceux au contraire qui, pour vous détourner d'un tel crime, emploient des peines si légères, vous enlèvent vos places, vos dignités, votre argent, pour vous amener à reconnaître la cause de vos maux, à confesser votre sacrilège et à le fuir; ceux-là, on doit



1. Rm 13,2-3 - 2. Da 3,96 - 3. Ac 23,12-33 - 4. Mt 5,12

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les regarder comme des guides pleins de prudence et des conseillers remplis de piété. Les empereurs chrétiens et catholiques vous doivent cette marque d'affection, de vous infliger, en vertu de la douceur chrétienne, des peines moindres que vous ne le méritez; et, en vertu de la sollicitude chrétienne, de ne pas laisser vos sacrilèges totalement impunis. C'est Dieu qui leur inspire cette conduite, Dieu dont vous ne voulez point voir la miséricorde dans ces peines qui excitent vos plaintes. Pour nous, autant que nous le pouvons, autant que Dieu nous le permet, nous n'avons pas même recours contre vous à la répression la plus douce, à moins que l'intérêt de l'Église catholique ne l'exige. Il faut la mettre à l'abri de vos menaces, afin que les faibles puissent choisir sans crainte le parti qu'ils doivent suivre et qu'ils doivent embrasser. Si les vôtres se rendent coupables de violence à notre égard, alors, vous qui êtes comme nos otages dans nos terres et dans nos cités, vous êtes jugés régulièrement, selon les lois, et l'on vous impose une amende, sans que vous ayez à souffrir aucune violence. Cela même peut vous paraître pénible: eh bien! ne nous faites plus de mal et tenez-vous en repos. Mais si les vôtres, ceux qui dépendent de vous ou qui sont de votre communion, ne restent point tranquilles et qu'ils sévissent contre nous, de quoi vous plaindriez-vous? Il dépend de vous et des vôtres de suivre vos erreurs sans avoir à souffrir aucun châtiment, pourvu que vous n'exerciez aucune violence contre l'Église catholique. Il s'est commis, dites-vous, des actes de violence malgré nous, malgré nos efforts pour les comprimer: alors, les châtiments infligés vous rappellent miséricordieusement et aussi avec justice qu'il se trouve parmi vous dés méchants dont le contact ne vous souille point; ils vous forcent à comprendre le peu de fondement de vos calomnies contre l'Église du Christ, répandue dans tout l'univers. Ne nous reprochez donc plus de vous persécuter ce reproche, adressez-le aux vôtres, s'ils aiment mieux agir avec violence contre nous et vous voir accabler par les lois de l'État, que de calmer leur fureur. S'il s'en trouve parmi nous qui, s'écartant des lois et des désirs de la charité chrétienne, vous font endurer d'odieux traitements, je n'hésite pas à le dire, ils ne sont pas des nôtres. Ils seront des nôtres s'ils se corrigent, ou bien, à la fin, ils seront séparés de nous s'ils persistent dans leur méchanceté. Mais nous ne romprons point nos filets sous prétexte qu'ils contiennent de mauvais poissons (1), et nous n'abandonnerons pas une grande maison, sous prétexte qu'il s'y trouve des vases faits pour la honte (2). Si c'est au même titre que les auteurs de ces violences contre l'Église catholique ne vous appartiennent pas, alors interrogez vos âmes, revenez de vos erreurs, embrassez l'unité de l'esprit dans le lien de la paix. Si les pervers qui se rencontrent chez vous ne vous souillent point par leur contact, ceux qui sont chez nous ne nous souillent pas davantage. Ne nous imputons point mutuellement les crimes des autres: nous sommes le froment: croissons ensemble dans une même charité; supportons la paille, jusqu'à ce que le van la sépare du bon grain.


56. Ainsi donc, nul besoin d'interprète pour expliquer les témoignages des Écritures canoniques, qui nous montrent l'Église comme la communion de l'univers entier; d'autre part, il vous est impossible de trouver dans ces mêmes livres aucun suffrage de ce genre en faveur de votre schisme, accompli au sein de l'Afrique; c'est injustement que vous vous plaignez d'être persécutés; l'Église catholique endure bien d'autres persécutions, étendue comme elle l'est dans le monde entier, et elle les supporte par la foi, l'espérance et la charité; elle n'est pas seulement en butte aux mauvais traitements que vos circoncellions et leurs pareils font souffrir à ses membres, mais encore à tous ces scandales dont mille iniquités remplissent le monde, et dont le Seigneur a dit: «Malheur au monde à cause des scandales (3)». Quand le fils se conduit mal et que le père le châtie, le père n'est-il pas persécuté plus que le fils? La servante, par son criminel orgueil, ne fit-elle pas souffrir Sara plus que celle-ci ne la fit souffrir par une juste discipline (4)? Ceux à l'occasion desquels il a été dit: «Le zèle de votre maison me dévore (5)», ne persécutaient-ils pas le Seigneur plutôt qu'il ne les persécuta lui-même en renversant leurs tables et en les chassant du temple avec un fouet (6)? Qu'avez-vous à dire encore?



1. Mt 13,47 - 2. 2Tm 2,20 - 3. Mt 18,7 - 4. Gn 16 - 5. Ps 68,10 - 6. Jn 4,15-20



CHAPITRE XXI. CONDITIONS AUXQUELLES LES DONATISTES SERONT REÇUS DANS L'ÉGLISE CATHOLIQUE.

LE BAPTÊME DE JÉSUS-CHRIST EST VALIDE, LORS MÊME QU'IL EST ADMINISTRÉ ET REÇU PAR DES HÉRÉTIQUES. MAIS, POUR ÊTRE SAUVÉ, IL FAUT, AU CARACTÈRE IMPRIMÉ PAR LE SACREMENT, JOINDRE LA FOI ET LA JUSTICE.


57. Voulez-vous que nous citions maintenant votre dernière objection? «C'est vous», disent les Donatistes, «qui possédez la véritable Eglise. A quelles conditions nous recevez-vous, si nous passons dans votre parti?» Je réponds en deux mots: Nous vous recevrons comme reçoit l'Eglise que nous retrouvons dans les saints livres canoniques. Mettez de côté cette animosité, cet esprit de contradiction dont sont remplis tous ceux qui ne veulent pas se laisser vaincre par la vérité et se laissent vaincre par leur méchanceté, et vous pourrez comprendre aisément que les sacrements divins sont dans les bons et dans les méchants; dans les bons, pour leur salut; dans les méchants, pour leur condamnation. Malgré la distance qui sépare ceux qui les reçoivent indignement de ceux qui les reçoivent dignement, les sacrements restent pourtant les mêmes seulement, ceux-ci les reçoivent pour leur salut, ceux-là pour leur condamnation.


58. Le Seigneur, est-il dit dans l'Evangile, baptisait plus de Juifs que Jean-Baptiste, et l'Evangile ajoute: «Toutefois ce n'était pas lui qui baptisait, mais ses disciples (1)». Assurément il y avait une grande différence entre Pierre et Judas; mais il n'y en avait aucune entre le baptême donné par Pierre et le baptême donné par Judas. C'était le même baptême qu'ils donnaient, quoiqu'ils ne se ressemblassent pas: ce baptême était le baptême du Christ; quant aux deux apôtres, l'un était un membre du Christ, l'autre appartenait au démon. Jean-Baptiste et l'apôtre Paul étaient tous deux les amis de l'Epoux, mais le baptême donné par Jean et celui que donnait l'Apôtre n'étaient pas le même, et c'est pourquoi Paul ordonna de baptiser du baptême du Christ ceux qui avaient reçu le baptême de Jean. Aussi ce baptême a-t-il été appelé baptême de Jean et celui que donnait saint Paul n'a pas été appelé le baptême de Paul. Mais,



1. Jn 4,1-2

dit l'Ecriture: «Il les fit baptiser dans le Christ (1)». Remarquez-le bien: Jean et Paul se ressemblent, et ils ne donnent pas le même baptême. Pierre et Judas ne se ressemblent pas, et ils donnent un même baptême. Quant à Pierre et à Paul, ils se ressemblent et donnent un même baptême. Abraham et Corneille justifiés par la foi sont un, et ils n'ont pas reçu le même sacrement; Corneille et Simon le Magicien ne se ressemblent point, et ils ont reçu le même sacrement; mais Corneille et cet eunuque que Philippe baptisa dans le chemin se ressemblent et ont reçu le même sacrement (2). Le sacrement est un; par conséquent, quelque différence que l'on remarque entre ceux qui le donnent, entre ceux qui le reçoivent, cette différence ne peut pas faire que ce qui est un ne soit plus un.


59. En attribuant aux hommes ce qui appartient à Jésus-Christ, ils soutiennent ce qu'il y a de plus Maux et de plus absurde; il y aurait, en effet, autant de baptêmes différents qu'il y a de ministres de ce sacrement. Le Seigneur a dit de l'homme et de son oeuvre: «Le bon arbre produit de bons fruits, le mauvais arbre produit de mauvais fruits (3)». Ce texte, ils veulent qu'on le prenne en ce sens que celui qui a été baptisé par un homme de bien est bon, et que celui qui a été baptisé par un pervers est lui-même pervers. Quelle est la conséquence? La voici, quand même ils ne le voudraient pas. Celui qui a été baptisé par un ministre meilleur est lui-même meilleur, et celui qui a été baptisé par un ministre d'un moindre mérite, participe de cette infériorité. Par conséquent, avant la passion du Sauveur, le baptême aurait communiqué un plus haut degré de sainteté si, au lieu d'être donné par les disciples de Jésus-Christ, il eût été donné par Jésus-Christ lui-même. Quelle distance, en effet, entre Jésus-Christ et ses disciples qui baptisaient! Donc Jésus, présent sur la terre, refusa ce degré plus élevé de sainteté à ces hommes qu'il aima mieux faire baptiser par ses disciples. Le croire, n'est-ce pas être insensé? Que s'est donc proposé le Seigneur? Qu'a-t-il donc daigné nous montrer par là? Il a voulu nous montrer que le sacrement est son oeuvre, quel qu'en soit le ministre; que lui-même baptisait, lui dont l'ami de l'Epoux avait dit: «Voilà celui qui



1. Ac 19,4-5 - 2. Ac 10,48 Ac 8,38 - 3. Mt 7,17

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baptise (1)»; qu'il baptisait celui qui croyait en lui, quelle que soit la main qui confère le baptême. Saint Paul dit à son tour: «Je rends grâces à Dieu de n'avoir baptisé personne d'entre vous, sinon Crispus et Gaïus; car on ne pourra dire que j'aie baptisé en mon propre nom (2)». Comment croire encore que l'Apôtre ait refusé aux hommes un plus haut degré de sainteté si, à raison de son mérite, il pouvait le communiquer à ceux qu'il aurait baptisés lui-même? Voyez au contraire l'intention, la vigilance de ce dispensateur prudent et fidèle: il ne veut pas que l'on se croie plus saint pour avoir été baptisé par un ministre plus saint, ni qu'on attribue au serviteur ce qui appartient au maître.


60. Ainsi donc, bons et méchants reçoivent le sacrement de baptême, et il n'y a que les bons qui soient régénérés spirituellement et qui prennent place dans le corps et parmi les membres de Jésus-Christ; par conséquent ce sont les bons qui forment cette Eglise à laquelle il est dit: «Comme le lis croît au milieu des épines, ainsi celle qui est proche de moi croît au milieu des filles (3)». Cette Eglise, elle se compose de ceux qui bâtissent sur la pierre, c'est-à-dire qui entendent les paroles du Christ et les mettent en pratique. Pierre confesse que Jésus est le Christ, Fils de Dieu; et le Sauveur lui dit: «Et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise (4)». Elle ne se compose donc point de ceux qui bâtissent sur le sable, c'est-à-dire de ceux qui entendent la parole de Dieu sans la, pratiquer. Car le Sauveur a dit: «Celui qui entend les paroles que je dis et les met en pratique, je le comparerai à un homme sage qui construit sa maison sur le roc». Et un peu plus loin: «Celui qui entend les paroles que je dis sans les pratiquer, je le comparerai à un insensé qui bâtit sa maison sur le sable (5)». Si donc par le lien de la charité on est incorporé à l'édifice bâti sur la pierre, au lis qui fleurit parmi les épines, on possédera le royaume des cieux. Mais si l'on construit sur le sable, si l'on fait partie des épines, qu'on le sache bien, on n'aura point le royaume des cieux. Alors le sacrement de baptême ne sert à rien. Mais si le fondement n'a pas de solidité, s'il n'est qu'une perversité stérile, est-ce une raison pour outrager le sacrement qui a été reçu?



1. Jn 1,33 - 2. 1Co 1,14-15 - 3. Ct 2,2 - 4. Mt 16,18 - 5. Mt 7,24-26



CHAPITRE XXII. CORRIGER CE QUI EST PERVERS, CONSERVER CE QUI EST BON.


61. Examinez sans esprit de parti le passage suivant de l'épître de saint Paul aux Galates, et vous verrez que, selon la foi, l'hérétique qui revient de son erreur, après avoir reçu déjà le sacrement qu'il a dû recevoir, doit se pourvoir de ce qui lui manquait sans rejeter, sans blasphémer ce qu'il avait déjà: Les oeuvres de la chair sont manifestes», dit l'Apôtre; «et ces oeuvres sont la fornication, l'impureté, la luxure, la servitude des idoles, les empoisonnements, les inimitiés, les disputes, les jalousies, les ressentiments, les dissensions, les hérésies, les haines, les excès dans le boire et dans le manger, et autres oeuvres de ce genre. Je vous l'annonce comme déjà je vous l'ai annoncé, ceux qui s'en rendent coupables ne posséderont point le royaume de Dieu (1)». Ces hommes-là ne font donc point partie du lis et ne sont point sur la pierre; or, parmi eux vous trouverez les hérétiques. Pourquoi donc, pour ne rien dire de plus, ne baptisez-vous pas de nouveau ceux qui, s'étant adonnés à l'ivrognerie, à la luxure, à la haine, ne posséderont point le royaume de Dieu, et par conséquent ne sont point sur la pierre, ni dans l'Eglise, par cela même qu'ils ne sont pas sur la pierre? Et pourquoi voulez-vous que nous baptisions de nouveau lest hérétiques qui sont comptés aussi parmi ces épines qui ne posséderont point le royaume de Dieu, et qui pourtant ont en eux-mêmes les sacrements, puisque ces sacrements sont toujours les mêmes? Ils ne servent à rien, je l'accorde, mais la raison en est que les sacrements sont saints, tandis que ceux qui les reçoivent sont pervers.


62. Considérez, pesez toutes ces réflexions sans vous obstiner, et vous comprendrez aisément qu'il faut corriger ce qui est mauvais et estimer ce qui est bon; qu'il faut donner ce qui manque et reconnaître ce qui existe. Un hérétique veut devenir catholique: qu'il abandonne ses erreurs et qu'il ne viole point le sacrement du Christ; qu'il reçoive le lien de la paix dont il était privé et sans lequel il ne pouvait tirer aucun avantage du baptême dont il possédait le caractère. Les deux choses sont nécessaires pour arriver au royaume de



1. Ga 5,19-21

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Dieu, le baptême et la justice. Or, dans un contempteur du baptême du Christ, la justice ne peut habiter; le baptême, au contraire, peut se trouver dans celui qui n'a pas la justice; il peut y être, mais il ne peut servir à rien. Si la Vérité même a dit: «Si l'on ne renaît de l'eau et de l'Esprit, on n'entrera pas dans le royaume des cieux (1)», elle a dit aussi: «Si votre justice n'est plus abondante que celle des scribes et des pharisiens, vous n'entrerez pas dans le royaume des cieux (2)». Ce n'est donc pas le baptême seul qui ouvre la porte du ciel, mais aussi la justice; l'un ou l'autre manque-t-il, on ne peut y parvenir. On dit aux hérétiques: Vous n'avez pas la justice, puisqu'on ne peut l'avoir sans la charité et le lien de la paix; vous avouez que beaucoup ont reçu le caractère du baptême sans posséder la justice; et ne l'avoueriez-vous pas, que la sainte Ecriture vous en convaincrait; après cela, ce qui m'étonne, c'est que les Donatistes pensent qu'en refusant de baptiser ceux qui ont déjà reçu, non pas leur baptême, mais le baptême du Christ, nous jugeons par là même que rien ne leur manque. On rie leur donne pas dans l'Eglise catholique un baptême dont on trouve en eux le caractère, et ils s'imaginent qu'ils ne reçoivent rien chez les catholiques, lorsque pourtant ils y reçoivent ce sans quoi le baptême qu'ils ont reçu tournerait à leur perte, bien loin de les sauver. S'ils s'obstinent à ne pas vouloir comprendre, il nous suffit à nous de posséder cette Eglise.que nous montrent tant de témoignages si manifestes des Ecritures saintes et canoniques.


63. Si donc l'hérétique me pose cette question: A quel titre me recevez-vous? je lui réponds aussitôt: Comme reçoit l'Eglise, à laquelle le Christ rend témoignage. Peux-tu savoir mieux toi-même comment tu dois être reçu, que notre Sauveur, le Médecin de tes plaies? - Tu ajouteras peut-être: Montre-moi donc dans les Ecritures comment le Christ a ordonné de recevoir ceux qui veulent passer de l'hérésie à l'Eglise? - Je ne puis te le montrer dans des textes formels, ni toi non plus. Si Jean-Baptiste était un hérétique et qu'il baptisât au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit, et qu'après ce baptême Paul ordonnât de baptiser de nouveau ceux qui l'auraient reçu, tu triompherais



1. Jn 3,5 - 2. Mt 5,20

et je n'aurais rien à répliquer. Que Pierre au contraire ait été baptisé par des hérétiques au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit, et que le Seigneur ait dit ensuite: Celui qui a été lavé n'a pas besoin d'être lavé de nouveau (1), c'est moi qui triompherais et tu n'aurais rien à répondre. Or, les Ecritures saintes ne nous montrent personne passant de l'hérésie à l'Eglise, ni qui agit été reçu comme tu le dis ou comme je le dis. Mais je suppose qu'il se soit trouvé quelque sage auquel Notre-Seigneur ait rendu témoignage, et que nous le consultions sur la question; devrions-nous hésiter à faire ce qu'il nous dirait? Ne pas le faire, ne serait-ce pas résister à ce sage lui-même et à Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui lui a rendu témoignage? Or, le Christ rend témoignage à son Eglise. Voici l'Evangile; lisez ce texte: «Il fallait que le Christ souffrît et qu'il ressuscitât le troisième jour, et qu'en son nom fussent prêchées la pénitence et la rémission des péchés parmi toutes les nations, à commencer par Jérusalem (2)». Donc tu seras reçu comme reçoit cette Eglise dans toutes les nations, à commencer par Jérusalem, et cette réponse dissipe toute obscurité et fait cesser toute hésitation. Si tu ne te rends pas, ce n'est pas à moi que tu résistes, ni à aucun de ceux qui veulent te recevoir de la sorte, c'est au Sauveur lui-même, et tu compromets ton salut en refusant de croire que tu dois être reçu comme reçoit cette Eglise, honorée d'un témoignage auquel, de ton propre aveu, c'est un crime de ne pas croire.




Augustin, contre Donatistes - CHAPITRE XIX. LES ÉLOGES QUE SE DONNENT LES DONATISTES NE PROUVENT POINT QU'ILS SOIENT L'ÉGLISE DE JÉSUS-CHRIST. L'ÉGLISE N'EST POINT BORNÉE A UN COIN DE L'UNIVERS.