Augustin, Cité de Dieu 2117

2117

CHAPITRE XVII.

DE CEUX QUI PENSENT QUE NUL HOMME N'AURA A SUBIR DES PEINES ÉTERNELLES.

Il me semble maintenant à propos de combattre avec douceur l'opinion de ceux (498) d'entre nous qui, par esprit de miséricorde, ne veulent pas croire au supplice éternel des damnés, et soutiennent qu'ils seront délivrés après un espace de temps plus ou moins long, selon la grandeur de leurs péchés. Les uns font cette grâce à tous les damnés, les autres la font seulement à quelques-uns. Origène est encore plus indulgent: il croit que le diable même et ses anges, après avoir longtemps souffert, seront à la fin délivrés de leurs tourments pour être associés aux saints anges. Mais l'Eglise l'a condamné justement pour cette erreur et pour d'autres encore, entre lesquelles je citerai surtout ces vicissitudes éternelles de félicité et de misère où il soumet les âmes, Eu cela, il se départ de cette compassion qu'il semble avoir pour les malheureux damnés, puisqu'il fait souffrir aux saints de véritables misères, en leur attribuant une béatitude où ils ne sont point assurés de posséder éternellement le bien qui les rend heureux 1. L'erreur de ceux qui restreignent aux damnés cette vicissitude et veulent que leurs supplices fassent place à une éternelle félicité est bien loin de celle d'Origène. Cependant, si leur opinion est tenue pour bonne et pour vraie, parce qu'elle est indulgente, elle sera d'autant meilleure et d'autant pins vraie qu'elle sera plus indulgente. Que cette source de bonté se répande donc jusque sur les anges réprouvés, au moins après plusieurs siècles de tortures. Pourquoi se répand-elle sur toute la nature humaine et vient-elle à tarir pour les auges? Mais non, cette pitié n'ose aller aussi loin et s'étendre jusqu'au diable. Et pourtant, si un de ces miséricordieux se risquait à aller jusque-là, sa bonté n'en serait-elle pas plus grande? mais aussi son erreur serait plus pernicieuse et plus opposée aux paroles de Dieu.

1. Sur les systèmes d'Origène, voyez Epiphane (Lettre à Jean de Jérusalem), saint Jérôme (Epist. LXI ad Pammachium et LXXV ad Vigilantium) et saint Augustin lui-même, Traité des hérésies, hér. XLIII. Saint Jérôme nous apprend aussi que les sentiments d'Origène furent condamnés par le pape Anastase. Ce ne fut qua plus tard, après la mort de saint Augustin, qu'Origène fut condamné sous le pape Virgile et l'empereur Justinien, au cinquième concile oecuménique. Voyez les actes, de ce concile (act. 4,cap. 11) et Nicéphore Calliste, Lb. 17,cap. 27, 28



2118

CHAPITRE XVIII.

DE CEUX QUI CROIENT QU'AUCUN HOMME NE SERA DAMNÉ AU DERNIER JUGEMENT, A CAUSE DE L'INTERCESSION DES SAINTS.

D'autres encore, comme j'ai pu m'en assurer dans la conversation, sous prétexte de respecter l'Ecriture, mais en effet dans leur propre intérêt, font Dieu encore plus indulgent envers les hommes. lis avouent bien que les méchants et les infidèles méritent d'être punis, comme l'Ecriture les en menace; mais ils soutiennent que lorsque le jour du jugement sera venu, la clémence l'emportera, et que Dieu, qui est bon, rendra tous les coupables aux prières et aux intercessions des saints. Car, si les saints priaient pour eux, quand ils en étaient persécutés, que ne feront-ils point, quand ils les verront abattus, humiliés et suppliants? Et comment croire que les saints perdent leurs entrailles dé miséricorde, surtout en cet état de vertu consommée qui les met à l'abri de toutes les passions? ou comment douter que Dieu ne les exauce, alors que leurs prières seront parfaitement pures? L'opinion précédente, qui veut que les méchants soient à la fin délivrés de leurs tourments, allègue en leur faveur ce passage du psaume: «Dieu oubliera-t-il sa clémence? et sa colère arrêtera-t-elle le cours de ses miséricordes 1?». Mais nos nouveaux adversaires soutiennent que ce même passage favorise bien mieux encore leur opinion. La colère de Dieu, disent-ils, veut que tous ceux qui sont indignes de la béatitude éternelle souffrent un supplice éternel, mais pour permettre qu'ils en souffrent un quelconque, si court qu'il soit, ne faut-il pas que sa colère arrête le cours de ses miséricordes? Et c'est pourtant ce que nie le Psalmiste. Car il ne dit pas: Sa colère arrêtera-t-elle longtemps le cours de ses miséricordes? mais il dit qu'elle ne l'arrêtera nullement.Si l'on répond qu'à ce compte les menaces de Dieu sont fausses, puisqu'il né condamnera personne, ils répliquent qu'elles né sont pas plus faussés que celle qu'il fit à Ninive de la détruire 2,ce qui pourtant n'arriva pas, bien qu'il l'en eût menacée sans condition. En effet, le Prophète ne dit pas: Ninive sera détruite, si elle ne se corrige et ne fait pénitence, mais il dit: «Encore quarante jours,

1. Ps 76,10 -2. Jon 3,4

(499)

et Ninive sera détruite». Cette menace était donc vraie, ajoutent-ils, puisque les Ninivites méritaient ce châtiment; mais Dieu ne l'exécuta point, parce que sa colère n'arrêta pas le cours de ses miséricordes, et qu'il se laisse fléchir à leurs cris et à leurs larmes. Si donc, disent-ils, il pardonna alors, bien que cela dût contrister son prophète, combien sera-t-il plus favorable encore, quand tous ses saints intercéderont pour des suppliants? Objecte-t-on que l'Ecriture n'a point parlé de ce pardon, c'est, à leur sens, afin d'effrayer un grand nombre de pécheurs par la crainte des supplices et de les obliger à se convertir, et aussi afin qu'il y en ait qui puissent prier pour ceux qui ne se convertiront pas. Ils ne prétendent pas néanmoins que l'Ecriture n'ait rien laissé entrevoir à ce sujet. Car à quoi s'applique, disent-ils, cette parole du psaume: «Seigneur, que la douceur que vous avez cachée à ceux qui vous craignent est grande et abondante 1!» Ne veut-elle pas nous faire entendre que cette douceur de la miséricorde de Dieu est cachée aux hommes pour les retenir dans la crainte? Ils ajoutent que c'est pour cela que l'Apôtre a dit: «Dieu a permis que tous tombassent dans l'infidélité, afin de faire grâce à tous 2»; montrant ainsi qu'il ne damnera personne. Toutefois ceux qui sont de cette opinion ne l'étendent pas jusqu'à Satan et à ses anges. Car ils ne sont touchés de compassion que pour leurs semblables; et en cela ils plaident principalement leur cause, parce que, comme ils vivent dans le désordre et dans l'impiété, ils se flattent de profiter de cette impunité générale qu'ils couvrent du nom de miséricorde. Mais ceux qui l'étendent même au prince des démons et à ses satellites portent encore plus haut qu'eux la miséricorde de Dieu 3.

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CHAPITRE XIX.

DE CEUX QUI PROMETTENT L'IMPUNITÉ DE TOUS LEURS PÉCHÉS, MÊME AUX HÉRÉTIQUES, A CAUSE DE LEUR PARTICIPATION AU CORPS DE JÉSUS-CHRIST.

Il y en a d'autres qui ne promettent pas à tous les hommes cette délivrance des supplices éternels, mais seulement à ceux qui, ayant reçu le baptême, participent au corps

1. Ps 30,20 –2. Rm 11,32 de Jésus-Christ, de quelque manière d'ailleurs qu'ils aient vécu, et en quelque hérésie, en quelque impiété qu'ils soient tombés. Et ils se fondent sur ce que le Sauveur a dit: «Voici le pain qui est descendu du ciel, afin que celui qui en mangera ne meure point. Je suis le pain descendu du ciel: si quelqu'un mange de ce pain, il vivra éternellement 1». Il faut donc nécessairement, disent-ils, qu'à ce prix les hérétiques soient délivrés de la mort éternelle, et qu'ils passent quelque jour à l'éternelle félicité.


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CHAPITRE XX.

DE CEUX QUI PROMETTENT L'INDULGENCE DE DIEU, NON A TOUS LES PÊCHEURS, MAIS A CEUX QUI SE SONT FAITS CATHOLIQUES, DANS QUELQUES CRIMES ET DANS QUELQUES ERREURS QU'ILS SOIENT TOMBÉS PAR LA SUITE.

Quelques-uns ne font pas cette promesse à tous ceux qui ont reçu le baptême de Jésus-Christ et participé au sacrement de son corps, mais aux seuls catholiques, alors même d'ailleurs qu'ils vivent mal. Ceux-là, disent-ils, sont établis corporellement en Jésus-Christ, ayant mangé son corps, non pas seulement en sacrement, mais en réalité. Et comme dit l'Apôtre: «Nous ne sommes tous ensemble qu'un même pain et qu'un même corps 2»; Or, bien que les catholiques tombent ensuite dans l'hérésie, ou même dans l'idolâtrie, par cela seul qu'ils ont reçu le baptême de Jésus-Christ étant dans son corps, c'est-à-dire dans l'Eglise catholique, et ayant mangé le corps du Sauveur, ils ne mourront point éternellement, mais ils jouiront quelque jour de l'éternelle félicité. Et la grandeur de leur impiété rendra sans doute leurs peines plus longues, mais elle ne les rendra pas éternelles.

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CHAPITRE XXI.

DE CEUX QUI CROIENT AU SALUT DES CATHOLIQUES QUI AURONT PERSÉVÉRÉ DANS LEUR FOI, BIEN QU'ILS AIENT TRÈS-MAL VÉCU ET MÉRITÉ PAR LÀ LE FEU DE L'ENFER.

Mais d'autres, considérant cette parole de l'Ecriture: «Celui qui persévérera jusqu'à la fin sera sauvé 3», ne promettent le salut qu'à ceux qui seront toujours demeurés dans l'Eglise catholique, quoiqu'ils aient d'ailleurs

1. Jn 6,50-52 -2. 1Co 10,17 - Mt 24,13

(500)

mal vécu. Ils disent qu'ils seront sauvés par l'épreuve du feu, en vertu de ce que ditl'Apôtre: «Personne ne peut établir d'autre fondement que celui qui est posé, savoir, Jésus-Christ. Or, on verra ce que chacun aura bâti sur ce fondement, si c'est de l'or, de l'argent et des pierres précieuses, ou du bois, du foin et de la paille; car le jour du Seigneur le manifestera, et le feu fera connaître quel est l'ouvrage de chacun: celui dont l'ouvrage demeurera en recevra la récompense; celui dont l'ouvrage sera brûlé en souffrira préjudice; il ne laissera pas pourtant d'être sauvé, mais par l'épreuve du feu 1», Ils disent donc qu'un chrétien catholique, quelque vie qu'il mène, a Jésus-Christ pour fondement, lequel manque à tout hérétique retranché de l'unité du corps; et dès lors, dans quelque désordre qu'il ait vécu,comme il aura bâti sur le fondement de Jésus-Christ, bois, foin ou paille, peu importe, ilsera sauvé par l'épreuve du feu, c'est-à-dire, après une peine passagère, délivré de ce feuéternel qui tourmentera les méchants au dernier jugement.


2122

CHAPITRE XXII.

DE CEUX QUI PENSENT QUE LES FAUTES RACHETÉES PAR DES AUMÔNES NE SERONT PAS COMPTÉES AU JOUR DU JUGEMENT.

J'en ai rencontré aussi plusieurs convaincus que les flammes éternelles ne seront que pour ceux qui négligent de racheter leurs péchés par des aumônes convenables, suivant cette parole de l'apôtre saint Jacques: «On jugera sans miséricorde celui qui aura été sans miséricorde». Celui donc, disent-ils, qui aura fait l'aumône, tout en menant une vie déréglée, sera jugé avec miséricorde, si bien qu'il ne sera point puni, ou qu'il sera finalement délivré; c'est pour cela, suivant eux, que le Juge même des vivants et des morts ne fait mention que des aumônes, lorsqu'il s'adresse à ceux qui sont à sa droite et à sa gauche 3. Ils prétendent aussi que cette demande que nous faisons tous les jours dans l'Oraison dominicale: «Remettez-nous nos offenses, comme nous les remettons à ceux qui nous ont offensés 2», doit être entendue dans le même sens. C'est faire l'aumône que

1. 1Co 3,10-15 -2. Jc 2,18 -3. Mt 25,33 et seq. -4. Mt 6,12

de pardonner une offense. Notre-Seigneur lui-même a donné un si haut prix au pardon des injures, qu'il a dit: «Si vous pardonnez à ceux qui vous offensent, votre Père vous pardonnera vos péchés; mais si vous ne leur pardonnez point, votre Père céleste ne vous pardonnera pas non plus 1». A cette sorte d'aumône se rapporte aussi ce qui a été cité de saint Jacques, que celui qui n'aura point fait miséricorde sera jugé sans miséricorde. Notre-Seigneur n'a point distingué les grands des petits péchés, mais il a dit généralement: «Votre Père vous remettra vos péchés, si vous remettez vos offenses». Ainsi, dans quelque désordre que vive un pécheur jusqu'à la mort, ils estiment que ses crimes lui sont remis tous les jours en vertu de cette oraison qu'il récite tous les jours, pourvu qu'il se souvienne de pardonner de bon coeur les offenses à qui lui en demande pardon. - Pour moi, je vais, avec l'aide de Dieu, réfuter toutes ces erreurs, et je mettrai fin à ce vingt-unième livre.

2123

CHAPITRE XXIII.

CONTRE CEUX QUI PRÉTENDENT QUE NI LES SUPPLICES DU DIABLE, NI CEUX DES HOMMES PERVERS NE SERONT ÉTERNELS.

Et premièrement, il faut s'enquérir et savoir pourquoi l'Eglise n'a pu souffrir l'opinion de ceux qui promettent au diable le pardon, même après de très grands et de très longs supplices. Car tant de saints si versés dans le Nouveau et dans l'Ancien Testament n'ont envié la béatitude à personne; mais c'est qu'ils ont vu qu'ils ne pouvaient anéantir ni infirmer cet arrêt que le Sauveur déclare qu'il prononcera au jour du jugement: «Retirez-vous de moi, maudits, et allez dans le feu éternel préparé pour le diable et pour ses anges 2». Ces paroles montrent clairement que le diable et ses anges brûleront dans le feu éternel, et c'est aussi ce qui résulte de ce passage de l'Apocalypse: «Le diable qui les séduisait fut jeté dans un étang de feu et de soufre, avec la bête et le faux prophète, et ils y seront tourmentés jour et nuit, dans les siècles des siècles 3». L'Ecriture disait tout à l'heure: «Le feu éternel»; elle dit maintenant: «Pendant les siècles des siècles»: expressions

1. Mt 6,14-15 -2. Mt 25,41 - Ap 20,9-10


(501)

synonymes pour désigner une durée sans fin. Il n'y a donc pas à chercher d'autre raison, de raison plus juste et plus évidente que celle-là de cette croyance fixe et immuable de la véritable piété, qu'il n'y aura plus- de retour à la justice et à la vie des saints pour le diable et -pour ses anges. Cela sera ainsi, parce que l'Ecriture. qui ne trompe personne, dit que Dieu nie les a point épargnés 1, mais qu'il les a jetés dans les ténébreuses prisons de l'enfer, pour y être gardés jusqu'au dernier jugement, après lequel ils seront précipités dans le feu éternel et tourmentés durant les siècles des siècles. Et maintenant, comment prétendre que tous les hommes, ou même quelques-uns, seront délivrés de cette éternité de peines, après quelques longues souffrances que ce puisse être, sans porter atteinte à la foi qui nous fait croire que le supplice des démons sera éternel? En effet, si parmi ceux à qui l'on dira: «Retirez-vous de moi, maudits, et allez au feu éternel préparé pour le diable et pour ses anges 2», il en est qui ne doivent pas toujours demeurer dans ce feu, pourquoi voudrait-on que le diable et sesanges y demeurassent éternellement? Est-ce que la sentence que Dieu prononcera contre les anges et contre les hommes -ne sera vraie que pour les anges? Oui, si les conjectures des hommes l'emportent sur la parole de Dieu. Mais comme cela est absurde, ceux qui veulent se garantir du supplice éternel ne doivent pas perdre leur temps à disputer contre Dieu, mais accomplir ses commandements, tandis qu'il en est encore temps. D'ailleurs, quelle apparence y a-t-il d'entendre par ces mots: Supplice éternel, un feu qui doit durer longtemps, et, par vie éternelle, une vie qui doit durer toujours, alors que Jésus-Christ, au même lieu, et sans distinction, ni intervalle, a dit: «Ceux-ci iront au supplice éternel, et les justes dans la vie éternelle 3». Si les deux destinées sont éternelles, on doit entendre ou que toutes deux dureront longtemps, mais pour finir un jour, ou que toutes deux dureront toujours, pour ne finir jamais. Car les deux choses sont corrélatives: d'un côté, le supplice éternel, de l'autre, la vie éternelle; de sorce qu'on ne peut prétendre sans absurdité qu'une seule et même expression caractérise une vie éternelle qui n'aurait point de fin, et un supplice éternel qui en aurait une. Puis donc que la vie éternelle des saints ne finira point, il en sera de même du supplice éternel des démons.

1. 2P 2,4 -2. Mt 25,41 -3. Mt 46


2124

CHAPITRE XXIV.

CONTRE CEUX QUI PENSENT QU'AU JOUR DU JUGEMENT DIEU PARDONNERA A TOUS LES MÉCHANTS SUR L'INTERCESSION DES SAINTS.

Or, ce raisonnement est aussi concluant contre ceux qui, dans leur propre intérêt, tâchent d'infirmer, les paroles de Dieu, sous prétexte d'une plus grande miséricorde, et qui prétendent que les paroles de l'Ecriture sont vraies, non parce que les hommes doivent souffrir les peines dont il les a menacés, mais parce qu'ils méritent de les souffrir. Dieu se laissera fléchir, disent-ils, à l'intercession des saints, qui, priant alors d'autant plus pour leurs ennemis que leur sainteté sera plus grande, en obtiendront plus aisément le pardon. - Mais pourquoi donc, si leurs prières sont si efficaces, ne les emploieraient-ils pas de même pour les anges à qui le feu éternel est préparé, afin que Dieu révoque son arrêt contre eux et les préserve de ces flammes? Quelqu'un sera-t-il assez hardi pour aller jusque-là et dire que les saints anges se joindront aux saints hommes, devenus égaux aux anges de Dieu, afin d'intercéder pour les anges et pour les hommes condamnés, et d'obtenir que la miséricorde de Dieu les dérobe aux vengeances de sa justice? Voilà ce qu'aucun catholique n'a dit et ne dira jamais. Autrement il n'y a plus de raison pour que l'Eglise ne prie pas même dès maintenant pour le diable et pour ses anges, puisque Dieu, qui est son maître, lui a commandé de prier pour ses ennemis. La même raison donc qui empêche maintenant l'Eglise de prier pour les mauvais anges qu'elle sait être ses ennemis, l'empêchera alors de prier pour les hommes destinés aux flammes éternelles. Car maintenant elle prie pour les hommes qui sont ses ennemis, parce que c'est encore, le temps d'une pénitence utile. En effet, que demande-t-elle à Dieu pour eux, sinon, comme dit l'Apôtre: «Qu'ils fassent pénitence et qu'ils sortent des pièges du diable qui les tient captifs et en dispose à son gré 1?» Que si l'Eglise connaissait ès à présent ceux qui sont prédestinés à aller avec le diable dans

1. 2Tm 2,25-26


(502)


le feu éternel, elle prierait aussi peu pour eux que pour lui. Mais, comme elle n'en est pas assurée, elle prie pour tous ses ennemis qui sont ici-bas, quoiqu'elle ne soit pas exaucée pour tous. Car elle n'est exaucée que pour ceux qui, bien que ses ennemis, sont prédestinés à devenir ses enfants par le moyen de ses prières. Mais prie-t-elle pour les âmes de ceux qui meurent dans l'obstination et qui n'entrent point dans son sein? Non, et pourquoi cela, sinon parce qu'elle compte déjà au nombre des complices du diable ceux qui pendant cette vie ne sont pas amis de Jésus-Christ?C'est donc, je le répète, la même raison qui empêche maintenant l'Eglise de prier pour les mauvais anges qui l'empêchera alors de prier pour les hommes destinés au feu éternel. Et c'est encore pour la même raison que tout en priant maintenant pour les morts en général, elle ne prie pas pourtant pour les méchants et les infidèles qui sont morts. Car, parmi les hommes qui meurent, il en est pour qui les prières de l'Eglise ou de quelques personnes pieuses sont exaucées; mais ce sont-ceux qui ayant été régénérés en Jésus-Christ, n'ont pas assez mal vécu pour qu'on les juge indignes de cette assistance, ni assez bien pour qu'elle ne leur soit pas nécessaire. Il s'en trouvera aussi, après la résurrection des morts, à qui Dieu fera miséricorde et qu'il n'enverra point dans le feu éternel, à condition qu'ils auront souffert les peines que souffrent les âmes des trépassés. Car il ne serait pas vrai de dire de quelques-uns, qu'il ne leur sera pardonné ni en cette vie, ni dans l'autre, s'il n'y en avait à qui Dieu ne pardonne point en cette vie, mais à qui il pardonnera dans l'autre. Donc, puisque le Juge des vivants et des morts a dit: «Venez, vous que mon Père a bénis, prenez possession du royaume qui vous a été préparé dès la naissance du monde»; et aux autres au contraire: «Retirez-vous de moi, maudits, et allez au feu éternel préparé pour le diable et ses anges»; et: «Ceux-ci iront au supplice éternel et les justes à la vie éternelle 1», il y a trop de présomption à prétendre que le supplice ne sera éternel pour aucun de ceux que Dieu envoie au supplice éternel, et ce serait donner lieu de désespérer ou de douter de la vie éternelle.Que personne n'explique donc ces paroles du

1. Mt 25,34 Mt 25,41-46


psaume: «Dieu oubliera-t-il sa clémence? et sa colère arrêtera-t-elle le cours de ses miséricordes 1?» comme si la sentence de Dieu était vraie à l'égard des bons et fausse à l'égard des méchants, ou vraie à l'égard des hommes de bien et des mauvais anges, et fausse à l'égard des hommes méchants. Ce que dit le psaume se rapporte aux vases de miséricorde et aux enfants de la promesse, du nombre desquels était ce prophète même qui, après avoir dit: «Dieu oubliera-t-il sa clémence? et sa colère arrêtera-t-elle le cours de ses miséricordes?» ajoute aussitôt: «Et j'ai dit: Je commence; ce changement est un coup de la droite du Très-Haut 2»; par où il explique sans doute ce qu'il venait de dire «Sa colère arrêtera-t-elle le cours de ses «miséricordes?» Car cette vie mortelle où l'homme est devenu semblable à la vanité, et où ses jours passent comme une ombre 3,est un effet de la colère de Dieu. Et cependant, malgré cette colère, il n'oublie pas de montrer sa miséricorde, en faisant lever son soleil sur les bons et sur les méchants, et pleuvoir sur les justes et sur les injustes 4. Ainsi sa colère n'arrête pas le cours de ses miséricordes, surtout en ses changements dont parle la suite du psaume: «Je commence; ce changement est un coup de la droite du Très-haut». Quelque misérable, en effet, que soit cette vie, Dieu ne laisse pas d'y changer en mieux les vases de miséricorde; non que sa colère ne subsiste toujours au milieu de cette malheureuse corruption, mais elle n'arrête pas le cours de sa bonté. Et puisque la vérité du divin cantique se trouve ainsi accomplie, il n'est pas besoin d'en étendre le sens au châtiment de ceux qui n'appartiennent pas à la Cité de Dieu. Si donc l'on persiste à l'interpréter de la sorte, qu'on fasse du moins consister la miséricorde divine, non à préserver les damnés de ces peines ou à les en délivrer, mais à les leur rendre plus légères qu'ils ne le méritent 5: sentiment que je ne prétends pas d'ailleurs établir, me bornant à ne le point rejeter.Quant à ceux qui ne voient qu'une menace au lieu d'un arrêt effectif dans ces paroles:«Retirez-vous de moi, maudits, et allez au

1. Ps 76,10 -2. Ps 11 -3. Ps 143,4 -4. Mt 5,45
2. C'est aussi le sentiment plusieurs fois exprimé par saint Jean Chrysostome, notamment dans son homélie XXXVII sur la Genèse, n. 3


(503)


«feu éternel»; et dans cet autre passage «Ceux-ci iront au supplice éternel 1»; et encore dans celui-ci: «Ils seront tourmentés dans les siècles des siècles 2»; et enfin dans cet endroit: «Leur ver ne mourra point, et le feu qui les brûlera ne s'éteindra point 3»; ce n'est pas moi qui les combats et qui les réfute, c'est l'Ecriture sainte. En effet, les Ninivites ont fait pénitence en cette vie 4; et cela leur a été utile, parce qu'ils ont semé dans ce champ où Dieu a voulu qu'on semât avec larmes pour y moissonner plus tard avec joie 5.Qui peut nier toutefois que la prédiction de Dieu n'ait été accomplie, à moins de ne pas considérer assez comment Dieu détruit les pécheurs non-seulement quand il est en colère contre eux, mais aussi quand il leur fait miséricorde? Il les détruit de deux manières: ou comme les habitants de Sodome, en punissant les hommes mêmes pour leurs péchés, ou comme les habitants de Ninive, en détruisant les péchés des hommes par la pénitence. Ce que Dieu avait annoncé est donc arrivé: la mauvaise Ninive a été renversée, et elle est devenue bonne, ce qu'elle n'était pas; et, bien que ses murs et ses maisons soient demeurés debout, elle a été ruinée dans ses mauvaises moeurs 6. Ainsi, quoique le Prophète ait été contristé de ce que les Ninivites n'avaient pas ressenti l'effet qu'ils appréhendaient de ses menaces et de ses prédictions 7,néanmoins ce que Dieu avait prévu arriva, parce qu'il savait bien que cette prédiction devait être accomplie dans un plus favorable sens.Mais afin que ceux que la miséricorde égare comprennent quelle est la portée de ces paroles de l'Ecriture: «Seigneur, que la douceur que vous avez cachée à ceux qui vous craignent est grande et abondante!»qu'ils lisent ce qui suit: «Mais vous l'avez consommée en ceux qui espèrent en vous 8». Qu'est-ce à dire sinon que la justice de Dieu n'est pas douce à ceux qui ne le servent que par la crainte du châtiment, comme font ceux qui veulent établir leur propre justice en la fondant sur la loi? Ne connaissant pas en effet la justice de Dieu, ils ne la peuvent goûter 9. Ils mettent leur espérance en eux-mêmes, au lieu de la mettre en lui; aussi

1. Mt 25,41-46 -2. Ap 20,10 -3. Is 66,24 -4. Jon 3,7 -5. Ps 125,6
6. Comp. saint Augustin, Enarrat. in Ps. 50, n. 11
7. Jon 4,1-3 -8. Ps 30,20 -9. Rm 10,3



l'abondance de la douceur de Dieu leur est cachée; parce que, s'ils craignent Dieu c'est de cette crainte servile qui n'est point accompagnée d'amour, car l'amour parfait bannit la crainte 1. Dieu a donc consommé sa douceur en ceux qui espèrent en lui; il l'a consommée en leur inspirant son amour, afin qu'étant remplis d'une crainte, chaste que l'amour ne bannit pas, mais qui demeure éternellement 2,ils ne s'en glorifient que dans le Seigneur. En effet, la justice de Dieu, c'est Jésus-Christ «qui nous a été donné de Dieu pour être notre sagesse, notre justice, notre sanctification et notre rédemption, afin que, comme il est écrit, celui qui se glorifie, se glorifie dans le Seigneur 3». Cette justice de Dieu, qui est un don de la grâce et non l'effet de nos mérites, n'est pas connue de ceux qui, voulant établir leur propre justice, ne sont point soumis à la justice de Dieu, qui est Jésus-Christ 4. C'est dans cette justice que se trouve l'abondance de la douceur de Dieu. De là vient cette parole du psaume: «Goûtez et voyez combien le Seigneur est doux 5!»En ce pèlerinage, nous le goûtons plutôt que nous ne pouvons nous en rassasier, ce qui excite plus fortement encore la faim et la soit que nous eu avons, jusqu'au jour où nous le verrons tel qu'il est 6, et où cette parole du psalmiste sera accomplie: «Je serai rassasié, quand votre gloire paraîtra 7». C'est ainsi que Jésus-Christ consomme l'abondance de sa douceur en ceux qui espèrent en lui. Or, si Dieu cache à ceux qui le craignent l'abondance de cette douceur dans le sens où l'entendent nos adversaires, c'est-à-dire afin que la peur d'être damnés engage les impies à bien vivre, de sorte qu'il puisse y avoir des fidèles qui prient pour leurs frères qui vivent mal, comment alors Dieu a-t-il consommé sa douceur en ceux qui espèrent en lui, puisque, selon ces rêveries, c'est par cette douceur même qu'il ne doit pas damner ceux qui n'espèrent pas en lui? Que le chrétien cherche donc cette douceur que Dieu consomme en ceux qui espèrent en lui, et non celle qu'on s'imagine qu'il consommera en ceux qui le méprisent et le blasphèment; car c'est en vain qu'on cherche en l'autre vie ce qu'on a négligé d'acquérir en celle-ci. Cette parole de l'Apôtre: «Dieu a permis

1. Jn 4,18 –2. Ps 18,10 –3. 1Co 1,30-31 –4. Rm 10,3 –5. Ps 32,9 –6. 1Jn 3,2 –7.

(504)

que tous tombassent dans l'infidélité, afin de faire miséricorde à tous», ne veut pas dire que Dieu ne damnera personne, et, après ce qui précède, le sens en est assez clair. Quand saint Paul écrit aux païens convertis, il leur dit, à propos des Juifs qui devaient se convertir dans la suite: «De même qu'autrefois vous n'aviez point foi en Dieu, et que maintenant vous avez obtenu miséricorde, tandis que les Juifs sont demeurés incrédules, ainsi les Juifs n'ont pas cru pendant que vous avez obtenu «miséricorde, afin qu'un jour ils l'obtiennent eux-mêmes 1». Puis il ajoute ces paroles, dont ceux-ci se servent pour le tromper: «Car Dieu a permis que tous tombassent dans l'infidélité, afin de faire grâce à tous». Qui donc tous, sinon ceux dont il parlait, c'est-à-dire vous et eux? Dieu a donc laissé tomber dans l'infidélité tous les Gentils et tous les Juifs qu'il a connus et prédestinés pour être conformes à l'image de son fils, afin que, se repentant de leur infidélité et ayant recours à la miséricorde de Dieu, ils pussent s'écrier comme le Psalmiste: «Seigneur, que la douceur que vous avez cachée à ceux qui vous «craignent est grande et abondante! mais «vous l'avez consommée en ceux qui espèrent», non en eux-mêmes, mais «en vous». Il fait donc miséricorde à tous les vases de miséricorde. Qu'est-ce à dire à tous? évidemment, à ceux qu'il a prédestinés, appelés, justifiés et glorifiés d'entre les Gentils et d'entre les Juifs; c'est de tous ces hommes, et non de tous les hommes, que nul ne sera damné.


2125

CHAPITRE XXV.

SI CEUX D'ENTRE LES HÉRÉTIQUES QUI ONT ÉTÉ BAPTISÉS, ET QUI SONT DEVENUS MAUVAIS PAR LA SUITE EN VIVANT DANS LE DÉSORDRE, ETCEUX QUI, RÉGÉNÉRÉS PAR LA FOI CATHOLIQUE, ONT PASSÉ ENSUITE A L'HÉRÉSIE ET AU SCHISME, ET ENFIN CEUX QUI, SANS RENIER LA FOI CATHOLIQUE, ONT PERSISTÉ DANS LE DÉSORDRE, SI TOUS CEUX-LA POURRONT ÉCHAPPER AU SUPPLICE ÉTERNEL PAR L'EFFET DES SACREMENTS.


Répondons maintenant à ceux qui promettent la remise du feu éternel, non au diable et à ses anges, non à tous les hommes, mais seulement à ceux qui, ayant reçu le baptême

1. Rm 11,31-32


de Jésus-Christ, ont participé à son corps et à son sang, de quelque manière qu'ils aient vécu, et en quelque hérésie, en quelque impiété qu'ils soient tombés1. L'Apôtre les réfute, lorsqu'il dit: «Les oeuvres de la chair sont aisées à connaître, comme la fornication, l'impureté, l'impudicité, l'idolâtrie, les empoisonnements, les inimitiés, les contentions, les jalousies, les animosités, les divisions, les hérésies, l'envie, l'ivrognerie, la débauche, et autres crimes, dont je vous ai déjà dit et dont je vous dis encore, que ceux qui les commettent ne posséderont «point le royaume de Dieu 2». Cette menace de saint Paul est vaine, si des hommes qui ont commis ces crimes possèdent le royaume de Dieu, quelques souffrances qu'ils aient pu endurer auparavant. Mais comme cette menace a pour fondement la vérité, il s'ensuit qu'ils ne le posséderont point. Or, s'ils ne possèdent jamais le royaume de Dieu, ils seront condamnés au supplice éternel; car il n'y a point de milieu entre le royaume de Dieu et l'enfer.Il faut donc voir comment on doit entendre ce que dit Notre-Seigneur: «Voici le pain qui est descendu du ciel, afin que quiconque en mange ne meure point. Je suis le pain vivant descendu du ciel: si quelqu'un mange de ce pain, il vivra éternellement 3». Les adversaires à qui nous aurons tout à l'heure à répondre, et qui ne promettent pas le pardon à tous ceux qui auront reçu le baptême et le corps de Jésus-Christ, mais seulement aux catholiques, quoiqu'ayant mal vécu, réfutent eux-mêmes ceux à qui nous répondons maintenant. Il ne suffit pas, disent-ils, pour être sauvé, d'avoir mangé le corps de Jésus-Christ sous la forme du sacrement, il faut l'avoir mangé en effet, il faut avoir été véritablement partie de son corps, dont l'Apôtre dit: «Nous ne sommes tous ensemble qu'un même pain et qu'un même corps 4». Il n'y a donc que celui qui est dans l'unité du corps de Jésus-Christ, de ce corps dont les fidèles ont coutume de recevoir le sacrement à l'autel, c'est-à-dire membre de l'Eglise, dont on puisse dire qu'il mange véritablement le corps de Jésus-Christ et qu'il boit son sang. Ainsi les hérétiques et les schismatiques qui sont séparés de l'unité de ce corps peuvent bien rece

1. Comp. ce chapitre avec le traité de saint Augustin De la foi et des oeuvres.
2. Ga 5,19-21 -3. Jn 6,50-52 -4. 1Co 10,17
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voir le même sacrement, mais sans fruit, et même avec dommage, pour être condamnés plus sévèrement, et non pour être un jour délivrés; car ils ne sont pas dans le lien de paix représenté par ce sacrement.Mais, d'autre part, ces derniers interprètes, qui ont raison de soutenir que celui-là qui ne mange pas le corps de Jésus-Christ n'est pas dans le corps de Jésus-Christ, ont tort de promettre la délivrance des peines éternelles à ceux qui sortent de l'unité de ce corps pour se jeter dans l'hérésie ou dans l'idolâtrie. D'abord, il n'est pas supportable que ceux qui, sortant de l'Eglise catholique, ont formé des hérésies détestables, soient dans une condition meilleure que ceux qui, n'ayant jamais été catholiques, sont tombés dans les piéges des hérésiarques. Un déserteur est un ennemi de la foi pire que celui qui ne l'a jamais abandonnée, ne l'ayant jamais reçue. En second lieu, l'Apôtre réfute cette opinion, lorsqu'après avoir énuméré les oeuvres de la chair, il ajoute: «Ceux qui commettent ces crimes ne posséderont pas le royaume de Dieu 1».C'est pourquoi ceux qui vivent dans le désordre, et qui, d'ailleurs, persévèrent dans la communion de l'Eglise, ne doivent pas se croire en sûreté, sous prétexte qu'il est dit «Celui qui persévérera jusqu'à la fin sera sauvé 2». Par leur mauvaise vie, en effet, ils abandonnent la justice qui donne la vie, et qui n'est autre que Jésus-Christ, soit en pratiquant la fornication, soit en déshonorant leur corps par d'autres impuretés que l'Apôtre n'a pas voulu nommer, soit enfin en commettant quelqu'une de ces oeuvres dont il est dit: «Ceux qui les commettront ne posséderont pas le royaume de Dieu». Or, ne devant pas être dans le royaume de Dieu, ils seront inévitablement dans le feu éternel. On ne peut pas dire, du moment qu'ils ont persévéré dans le désordre jusqu'à la fin de leur vie, qu'ils aient persévéré en Jésus-Christ jusqu'à la fin, puisque persévérer en Jésus-Christ, c'est persévérer dans la foi. Or, cette foi, selon la définition du même apôtre, opère par amour 3,et l'amour, comme il le dit encore ailleurs, ne fait point le mal 4. Il ne faut donc pas dire que ceux-ci même mangent le corps de Jésus-Christ, puisqu'ils ne doivent pas être comptés comme membres du corps

1. Ga 5,21 – 2. Mt 10,22 – 3. Ga 5,6 – 4. – 1Co 13,4 Rm 13,10


de Jésus-Christ. A part les autres raisons, ils ne sauraient être tout ensemble les membres de Jésus-Christ et les membres d'une prostituée 1. Enfin, lorsque Jésus-Christ lui-même dit: «Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi, et moi en lui 2», il fait bien voir ce que c'est que manger son corps et boire son sang en vérité, et non pas seulement sous la forme du sacrement c'est demeurer en Jésus-Christ, afin que Jésus-Christ demeure aussi en nous. Comme s'il disait: Que celui qui ne demeure point en moi, et en qui je ne demeure point, ne prétende pas manger mon corps, ni boire mon sang. Ceux-là donc ne demeurent point en Jésus-Christ qui ne sont pas ses membres: or, ceux-là ne sont pas ses membres qui se font les membres d'une prostituée, à moins qu'ils ne renoncent au mal par la pénitence, et qu'ils reviennent au bien par cette réconciliation.



Augustin, Cité de Dieu 2117