Augustin, lettres - LETTRE XXV. (Année 394)

LETTRE 26. (Année 395)

On se souvient de Licentius, qui avait été un des disciples de saint Augustin dans la retraite de Cassiacum, aux environs de Milan (1); ce noble et docte jeune homme ne marchait pas comme son maître l'aurait souhaité; saint Augustin l'exhorte au mépris du monde et lui remet sous les yeux une pièce de vers qu'il avait précédemment reçue de ce jeune ami qui s'égarait. Saint Augustin est éloquent et touchant dans ses conseils et ses tendres inquiétudes.

1. Voyez les chapitres 3 et IV de notre Histoire de saint Augustin.

AUGUSTIN A LICENTIUS.

1. J'ai trouvé à grand'peine une occasion pour vous écrire; qui le croirait? mais il faut que Licentius me croie cependant. Je ne veux pas en chercher ici les causes et les raisons; et lors même que je pourrais vous les rapporter, je ne devrais pas le faim, parce que votre foi en moi n'en a pas besoin. Je niai pas reçu vos lettres par ceux à qui j'aurais pu vous adresser mes réponses. Ce que vous avez désiré que jé demande, je l'ai sollicité par une lettre autant que cela m'a paru bon; vous verrez le résultat. Si rien n'est encore fait, j'agirai avec des, instances nouvelles dès que je le saurai par` moi-même, ou bien dès que vous m'aurez de nouveau averti. Jusqu'ici je ne vous ai parlé que des choses qui sont comme le bruit des chaînes de cette vie; écoutez maintenant, en peu de mots, les inquiétudes de mon coeur sur votre espérance éternelle, et voyons quel chemin peut s'ouvrir pour vous vers Dieu.

2. Mon cher Licentius, pendant que vous repoussez et que vous redoutez les chaînes de la sagesse, je crains bien que vous ne soyez fortement et déplorablement enchaîné par les choses mortelles. Car ceux que la sagesse a mis d'abord dans ses liens et domptés par certains travaux qui sont une utile préparation, voient ensuite tomber leurs fers, et la sagesse se livre à eux avec toutes ses jouissances; et ceux qu'elle a d'abord formés par des noeuds de courte durée, elle les enlace après dans des embrassements éternels: on ne saurait rien imaginer de plus doux ni de plus fort que de pareilles chaînes. J'avoue que les premières sont un peu dures, mais les dernières ne le sont pas, car rien n'égale leur douceur; elles ne sont pas légères, car rien n'égale leur force. Qu'est-ce que c'est donc, si ce n'est ce qui surpasse toute parole, mais ce qu'on peut croire, espérer et aimer? Les chaînes de ce mande ont une dureté véritable, une fausse douceur; des douleurs certaines, des plaisirs incertains; un pénible travail, un repos troublé: elles sont une chose pleine de misère, une espérance vide de bonheur. N'y mettez-vous pas le cou, les mains et les pieds, quand vous aspirez à vous courber sous le poids des honneurs du. mande et que vos efforts pour y parvenir vous paraissent seuls profitables, et que vous courez où vous ne devriez pas aller, non-seulement par une invitation, mais encore par la (550) vioente? Peut-être me répondrez-vous ici avec l'esclave de Térence: «Oh! çà! vous répandez ici des paroles de sagesse! (1)»

Saisissez-vous donc de ces paroles, pour qu'elles ne tombent pas par terre. Et s'il arrive que, pendant que je chante, vous dansiez sur un autre air, je n'en aurai pas pour cela du regret; car on se plaît à l'air qu'on chante, lors même qu'on verrait immobile l'ami pour qui on le fait entendre avec grande affection. Certains mots dans vos lettres m'ont ému, mais je n'ai pas cri convenable de m'y arrêter, quand vos actions et votre vie tout entière sont devenues pour moi un souci cuisant (2).

4. Si votre vers péchait par le désordre, ou manquait aux règles, ou offensait les oreilles de l'auditeur par des mesures inégales, vous en auriez honte certainement, et vous ne vous donneriez aucun repos avant d'avoir arrangé, corrigé, réparé, avant d'avoir rendu au vers sa mesure, n'épargnant ni étude ni travail pour bien faire selon les règles de l'art: et quand c'est vous-même que le désordre pervertit, quand vous méconnaissez les lois de votre Dieu et que vous n'êtes plus d'accord ni avec les veaux honnêtes de vos amis, ni avec vos propres lumières, vous croyez que cela n'en vaut pas la peine, qu'il ne faut pas vous en inquiéter! Vous vous estimez moins que le son de vos paroles; il

1. Adelphes. - 2. Nous trouvons ici une pièce de vers, en forme d'épître, écrite de Rome par Licentius à son maître Augustin. Malgré l'intérêt qui se mêle pour nous au souvenir de ce jeune ami du fils de Monique, nous ne traduirons pas en entier ce petit poème, pour épargner à nos lecteurs d'inutiles et sonores amplifications chargées de mythologie. Nous nous bornerons à reproduire le sens de la pièce de vers et les parties qui peignent Licentius et touchent à son maître.Le jeune homme commence par se plaindre de ne pouvoir suivre Varron dans ses secrètes profondeurs et de ne pouvoir lire depuis qu'Augustin ne lui tend plus la main. n a des peines, cherche pour son âme de douces consolations, et les réponses de Varron lui demeurent cachées. Il demande que son maître vienne à son aide et n'abandonne pas ses faiblesses. Le temps passe, la vieillesse arrivera. Il loue le génie d'Augustin qui avait à peine vingt ans quand il laissait déjà voir tous les trésors de la raison et pénétrait toute chose. Il lui dit de continuer sa route, trouvant toujours de nouveaux sommets, et de se souvenir de lui. Il regrette les jours passés avec lui en Italie, ces jours si studieux et si pleins. Il voudrait le suivre partout.«O mon docte ami, dit-il à Augustin, croyez à mes maux et à a ma véritable douleur; sans vous il n'est aucun port que la voile puisse me promettre, et j'erre au loin sur les flots orageux de la vie... En repassant dans mon esprit vos beaux discours, ô mon maître, je reste persuadé qu'il vaut mieux vous croire lorsque vous dites qu'il y a de l'imposture dans les choses humaines, qu'elles trompent, qu'elles tendent des filets à nos âmes!... Hélas! où irai-je? d'où pourrai je vous ouvrir mon coeur?»Licentius n'oubliera jamais les bienfaits d'Augustin: «L'amitié nous lie, lui dit-il, c'est le goût de l'honnête qui en a fait le noeud. C'est ici que l'amitié règne dans sa beauté après la fuite de l'ennemi. Nos âmes ne se sont point rencontrées pour amasser des richesses qui ont la fragilité du verre, pour gagner de l'or si rebelle à la poursuite de l'homme; nous ne sommes pas de ceux que la bonne fortune rapproche, que la mauvaise sépare.»L'union de Licentius et d'Augustin est née de plus nobles et de plus hautes inspirations. Le disciple, retenu loin du maître, essaye d'énumérer les exemples de séparation qui ont été l'oeuvre du destin et de la nature, et ajoute ensuite en terminant son poème: «Je ne dis rien de nous deux, sortis de la même ville, de la même maison, du même sang, unis par une même foi chrétienne, et qu'une immense distance sépare et que retient sur la rive l'étendue de la mer: l'amitié se joue de nous. Mais, dédaignant les a joies des yeux, on peut toujours jouir d'un ami absent; on le sent a au plus profond de son cour; il nourrit la fibre de l'âme. Pendant ce temps, me viendront de vous de nouveaux écrits fertiles a en salutaires pensées; ils égaleront en suavité vos précédents ouvrages médités dans votre coeur et changés en miel plus doux que le nectar, après avoir été conçus dans la lumière; ils vous rendront présent pour moi. Si vous avez égard à ma fantaisie, vous m'enverrez les livres où la musique se penche mollement sur vous, car je suis tout feu pour les lire. Consentez-y, et qu'ainsi la vérité se découvre à moi par la raison, qu'elle coule plus que l'Eridan, et que e le souffle impur du monde n'arrive pas jusqu'à mon champêtre asile.».

vous paraît que c'est une chose plus légère d'offenser les oreilles de Dieu par des moeurs déréglées, que d'armer contre sous l'autorité des grammairiens pour des syllabes mal arrangées! Vous m'écrivez: «Oh! s'ils pouvaient revenir, ces jours heureux de liberté et de pieuse occupation où nous étions ensemble en Italie, au milieu des monts (1)! Ni les rigueurs et la neige de l'hiver, ni les orages, ni les sifflements de l'aquilon, ne m'empêcheraient de vous suivre. Vous n'avez qu'à ordonner.»

Malheur à moi si je n'ordonne pas, si je ne force pas et ne commande pas, si je ne prie et ne supplie pas! Mais si vos oreilles sont fermées à mes paroles, qu'elles s'ouvrent aux vôtres, qu'elles s'ouvrent à vos vers; écoutez-vous vous-même, ô le plus dur, le plus cruel, le plus sourd des hommes! Qu'ai-je besoin de votre langue d'or si vous avez un coeur de fer? Ce ne sont point des chants, mais des gémissements que m'inspirent ces vers où je vois quelle âme, quel esprit il ne m'est pas permis de gagner pour en faire un sacrifice à notre Dieu! Vous attendez que je vous commande d'être bon, d'être en repos, d'être heureux, comme s'il pouvait m'arriver quelque chose de plus doux dans ma vie que de jouir de votre esprit dans le Seigneur, ou comme si vous ne saviez pas combien j'ai faim et soif de vous, ou comme si votre poésie elle-même ne

1. Montesque per altos. Licentius désigne par ces mots le site même de Cassiacum, aujourd'hui Cassago di Brianza, à sept ou huit lieues de Milan, à un quart de lieue au nord de Monza. Les collines que la poésie appelle de hautes montagnes et au milieu desquelles est situé Cassiacum, ce sont les monts Gregorio, Baciolago, San Salvatore, Monticello, les monts di Barzano et di Sirtori. La maison de Vérécundus occupait le sommet de la colline de Cassiacum, où s'élève aujourd'hui l'ancien palais des ducs Visconti di Modrone. Tous les détails de la solitude de Cassiacum, indiqués par saint Augustin dans le livre de l'Ordre ont été reconnus et retrouvés par l'abbé Luigi Biraghi (de Milan), dont nous avons eu déjà occasion de signaler les habiles et exactes recherches.

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le disait pas? Souvenez-vous de ce que vous éprouviez en m'écrivant ces choses, et dites-moi encore: «Vous n'avez qu'à ordonner.» Voici mes ordres: donnez-vous à moi, si c'est là tout ce que vous demandez, donnez-vous à mon Maître, qui est le maître de nous tous, et qui vous a donné ce génie. Et moi, que suis-je, si ce n'est votre serviteur par lui et son serviteur comme vous?

5. Ne l'ordonne-t-il pas lui-même? Ecoutez l'Evangile: «Jésus, dit l'Evangile, était debout et criait: Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et qui êtes chargés, et je vous soulagerai. Prenez mon joug sur vous et apprenez de moi que je suis doux et humble de coeur, et vous trouverez le repos pour vos âmes. Car mon joug est doux, et mon fardeau est léger. (1)» Si ces choses-là ne sont pas entendues, ou si elles s'arrêtent aux oreilles, attendez-vous, Licentius, qu'Augustin commande à un serviteur comme lui, et qu'il ne gémisse pas plutôt de ce que son Maître donne des ordres inutiles! Et ce ne sont pas même des ordres que donne le Seigneur: il invite, il prie en quelque sorte pour que ceux qui souffrent soient soulagés par lui. Peut-être qu'un cou aussi fort et aussi fier que le vôtre trouve le joug du monde plus doux que le joug du Christ; mais si le Christ nous imposait de force son joug, voyez donc quel est celui qui forcerait, et pour quelle récompense! Allez en Campanie, apprenez de Paulin, cet illustre et saint serviteur de Dieu, de quel grand faste du siècle il a dépouillé sa tête, aussi humble qu'illustre, pour la soumettre au joug du Christ; il est maintenant dans la paix et met sa joie à se laisser conduire par son divin guide. Allez., apprenez de quelle richesse d'esprit il fait à Dieu des sacrifices de louange, lui rapportant ce qu'il en a reçu de bon, de peur de tout perdre s'il ne le rend pas à celui de qui il le tient.

6. Pourquoi tant d'agitation et tant d'incertitudes? Pourquoi prêtez-vous l'oreille aux accents des voluptés qui sont mortelles, et la détournez-vous de mes discours? Elles mentent, elles meurent et entraînent à la mort. Elles mentent, Licentius. «Que le vrai, comme vous le souhaitez dans vos vers, se découvre ainsi à nous par la raison; qu'il coule ainsi, plus que l'Eridan.» Le vrai n'est dit que par la Vérité; le Christ est la vérité; allons à lui de

1. Saint Jean, 7,37; Saint Matthieu, 11,28, 30.

peur que la fatigue ne nous accable. Prenons son joug sur nous pour qu'il nous soulage, et apprenons de lui qu'il est doux et humble de coeur, et nous trouverons le repos pour nos âmes. Car son joug est doux et son fardeau est léger. Le démon cherche à faire de vous sa parure. Si vous trouviez un calice d'or, vous le donneriez à l'Eglise de Dieu. Vous avez reçu de Dieu un génie d'or, et vous le faites servir aux passions, et c'est en lui que vous vous donnez vous-même à Satan. Ne le veuillez pas, je vous en supplie; puissiez-vous sentir avec quel coeur malheureux et digne de pitié je voies écris ceci! Et si vous n'êtes plus rien à vos propres yeux, ayez au moins compassion de moi!




LETTRE 26I. (Au commencement de l'année 395)

Saint Augustin met tout le parfum de son âme et de son génie dans cette réponse à saint Paulin. Il lui parle de trois de ses meilleurs amis: Romanien, Alype et Licentius. Saint Augustin est toujours charmant et touchant, quand l'amitié l'inspire.

AUGUSTIN A SON SEIGNEUR VÉRITABLEMENT SAINT ET VÉNÉRABLE ET TRÈS-DIGNE DES PLUS HAUTES LOUANGES, A SON FRÈRE PAULIN, SALUT DANS LE SEIGNEUR.

1. O homme bon et bon frère, vous étiez inconnu à mon âme, je lui dis de supporter que vous soyez encore inconnu à mes yeux, et c'est à peine si elle m'obéit, ou plutôt elle ne m'obéit pas. S'y résigne-t-elle, puisque je suis tourmenté par le désir de vous voir? Si j'éprouvais des souffrances corporelles sans en être intérieurement ému, je pourrais dire à bon droit que je les supporte; mais je ne subis pas avec un esprit tranquille la douleur de ne point vous voir; il ne m'est pas permis de parler ici de ma patience. Mais ne serait-ce point intolérable qu'on se résignât à vivre loin d'un homme comme vous? Il est donc bien que je le supporte mal: sans cela je ne serais pas supportable. Ce qui m'arrive est étrange et cependant bien vrai: je souffre de ne pas vous voir, et ma douleur elle-même me console. Je n'aime pas le courage qui fait supporter aisément l'absence de ceux qui sont lions comme vous. Nous désirons la Jérusalem future, et nous la désirons avec d'autant plus d'impatience que nous endurons plus patiemment (552) tout pour elle. Qui pourrait n'être pas dans la joie en vous voyant, ni dans la douleur, en ne vous voyant pas? Je ne puis donc ni l'un ni l'autre; et comme je me trouverais dur de le pouvoir, j'aime à ne le pouvoir pas, et ceci est pour moi un soulagement. Ce n'est pas en souffrant moins, c'est en considérant ma douleur que je me console. Ne me blâmez pas, je vous prie, avec cette sainte gravité qui vous élève au-dessus des autres, et ne dites pas que je m'afflige à tort de ne pas vous connaître encore, puisque vous m'avez laissé voir votre esprit qui est l'intérieur de vous-même. Mais si je me trouvais dans un endroit où vous seriez, dans votre terrestre cité ou partout ailleurs, vous que je saurais mon frère et mon ami, vous si grand dans le Seigneur et d'un si haut mérite, pensez-vous que je ne sentirais aucune douleur de ne pas découvrir votre demeure? Comment ne m'affligerais-je donc pas de ne point avoir vu encore votre visage, la demeure même de votre âme que je connais comme la mienne?

2. Car j'ai lu votre lettre où coulent le lait et le miel, où se révèle cette simplicité de coeur avec laquelle vous cherchez le Seigneur dont vous sentez la bonté, et où tout concourt à rendre à Dieu honneur et gloire. Nos frères l'ont lue aussi, et se réjouissent des dons si abondants et si excellents que Dieu a répandus sur vous. Tous ceux qui l'ont lue me l'enlèvent, parce qu'elle les enlève chaque fois qu'ils la lisent. On ne saurait dire la suave odeur du Christ qui s'en échappe; plus elle vous révèle à nous, plus elle nous excite à vous chercher, "car elle vous rend bien digne qu'on vous regarde et qu'on vous désire. Et comme cette lettre nous fait sentir votre présence, votre absence n'en devient que plus malaisée à supporter. Tous vous aiment dans cet écrit, et veulent être aimés de vous. On y loue et on y bénit Dieu qui vous a fait tel que vous êtes;. on y réveille le Christ pour qu'il daigne calmer les vents et tes mers et vous permettre d'arriver à son repos. On y voit une femme (1) qui ne mène pas son époux à la mollesse, mais qui revient à la force en revenant aux os de son mari. Elle s'est fondue en vous et vous est unie par des liens spirituels d'autant plus forts qu'ils sont plus chastes, et nous la saluons en vous encor: aune fois pour remplir tous nos devoirs envers votre sainteté. Là les cèdres du

1. Thérasie.

Liban, couchés par terre et devenus une arche par le travail de la charité, fendent les flots de ce monde sans craindre la corruption. Là on méprise la gloire pour l'acquérir, et on délaisse le monde pour en être l'héritier (1). Là sont écrasés contre la pierre (2) les petits enfants de Babylone et même ceux qui sont un peu grands, c'est-à-dire les vices de la confusion et de l'orgueil du siècle.

3. Voilà les sacrés et doux spectacles que votre lettre nous donne, cette lettre d'une foi véritable, d'une bonne espérance, d'une pure charité. Comme elle nous fait respirer votre soif, votre désir des tabernacles du Seigneur et les saintes langueurs de votre âme! Comme on y sent le souffle du saint amour et les brûlants trésors d'un coeur sincère! Quelles grâces elle rend à Dieu et quelles grâces elle en obtient! On ne sait si elle est plus suave qu'ardente, plus lumineuse que féconde; car elle caresse notre âme autant qu'elle l'embrase, elle verse autant de rosée qu'elle a de purs rayons. Comment vous la payer, je vous prie, sinon en me donnant tout entier à vous en Celui à qui vous vous êtes tout entier donné? Si c'est peu, je n'ai rien de plus. Vous avez si bien fait que cela ne saurait me paraître peu de chose, à moi que vous avez daigné combler de louanges dans votre lettre; et quand. je me donne à vous, si j'estimais que c'est peu, je serais forcé d'avouer que je ne vous crois pas. J'ai honte de croire tout le bien que vous dites de moi, mais j'aurais encore plus de honte de ne pas vous croire. Voici ce que je ferai: je ne me jugerai pas tel que vous me jugez, parce que je ne me reconnais pas dans vos louanges; et je penserai que vous m'aimez, parce que. je le sens et je le vois; par là je ne serai ni téméraire envers moi, ni ingrat envers vous. Et quand je m'offre à vous tout entier, ce n'est pas peu: car j'offre celui que vous aimez vivement; et j'offre à vous, sinon celui qui est tel que vous le pensez, au moins celui qui vous demande de prier Dieu de le rendre tel. Je vous conjure de le faire, de peur que vos souhaits pour ce qui me manque ne soient moins vifs, pensant que je suis déjà ce que je ne suis pas.

4. Celui qui remettra cette lettre à votre excellence et à votre éminente charité est un de mes amis les plus chers depuis mon jeune âge. Son nom (3) est dans ce livre de la Religion

1. Rm 4,13. - 2. Ps 136,12. - 3. Romanien, père de Licentius. C'est à lui qu'est adressé le livre Sur la vraie religion. - Voyez l'Histoire de saint Augustin, chap. IX.

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que votre sainteté a lu avec plaisir, comme vous me le marquez dans votre lettre; le mérite de ce livre s'est accru de la recommandation de celui qui vous l'a envoyé. Gardez-vous de croire tout le bien que mon ami vous dira peut-être de moi. J'ai reconnu souvent que, sans vouloir mentir, mais par entraînement de coeur, il se trompait dans son jugement et qu'il me croyait en possession de certains dons qui me manquent, et pour lesquels mes prières et mes soupirs montent vers Dieu. Et s'il a pu dire cela devant moi, que ne se permettra-t-il pas lorsque, en mon absence, sa joie répandra plus de louanges que de vérités? Dans son zèle admirable, il vous donnera tous mes ouvrages; je ne sais pas s'il y a un seul de mes livres qu'il ne possède, soit contre ceux qui sont hors de l'Eglise de Dieu, soit à l'adresse de nos frères. Mais vous, mon cher saint Paulin, quand vous me lisez, que les choses que la Vérité fait entendre par ma faiblesse ne vous ravissent pas au point de prendre moins garde à ce que je dis moi-même, de peur que, pendant que vous jouissez de ce qu'elle a donné de bon et de juste à son ministre, vous n'imploriez pas la miséricorde de Dieu pour les péchés et les erreurs que je commets. Si vous y portez une attention sérieuse, c'est dans ce qui vous déplaira que je me reconnaîtrai; mais pour ce qui vous plaira, à l'aide du don de l'Esprit-Saint que vous avez reçu, il faudra aimer et louer Celui-là seul qui est la source de vie et dans la lumière de qui nous verrons la lumière sans énigme, mais face à face, car maintenant nous voyons en énigme (1). Lorsque relisant mes ouvrages, je reconnais ce que j'ai tiré du vieux levain, je me juge avec douleur; et lorsque je rencontre ce que j'ai dit par le don de Dieu, après l'avoir puisé dans l'azyme de la sincérité et de la vérité, je me réjouis avec crainte. Qu'avons-nous que nous n'ayons reçu (2)? On dit que celui-là est meilleur qui a reçu un plus grand don de Dieu. Qui le nie? Mais aussi mieux vaut rendre grâces à Dieu d'un petit don, que de s'enorgueillir d'un plus grand. Priez pour moi, frère, afin que ce sentiment soit toujours le mien, et que mon coeur ne soit pas en désaccord avec ma langue. Priez, je vous le demande, pour que, repoussant toute louange, j'invoque le Seigneur en ne louant que lui seul: c'est alors que je serai sauvé de mes ennemis.

1. Ps 36,10 1Co 13,12. - 2. 1Co 4,7.

5. Il y a encore un motif qui doit vous faire aimer ce frère, c'est sa parenté avec le vénérable et vraiment saint Alype que vous aimez de tout coeur, et à bon droit, car en louant cet homme on ne fait que louer Dieu de sa grande miséricorde et de ses admirables faveurs.

En apprenant que vous désiriez connaître l'histoire de sa vie, il aurait voulu céder à vos vieux par affection pour vous, et ne l'aurait pas voulu par modestie; en le voyant flotter entre l'amitié et la honte, j'ai pris son fardeau sur mes épaules: il me l'avait demandé dans une lettre. Avec l'aide de Dieu, je mettrai donc bientôt Alype dans vos entrailles; et d'ailleurs j'aurais craint qu'il n'eût pas osé vous découvrir tout ce que le Seigneur a fait pour lui; pour des esprits de peu de pénétration (car d'autres que vous auraient lu sa lettre), il eût semblé, non pas rendre hommage aux grâces divines accordées aux hommes, mais se vanter lui-même; au milieu de ces convenables ménagements pour d'autres, vous, qui savez lire, vous auriez été privé de ce qui pouvait compléter une connaissance fraternelle. Je l'aurais déjà fait et vous l'auriez déjà lu (1), si ce frère n'avait pas voulu partir subitement. Je le recommande à votre coeur et à la confiante liberté de votre langage; montrez-vous aussi bon pour lui que si vous le connaissiez, non pas d'à présent, mais d'ancienne date comme moi. S'il ose s'ouvrir à vous, vous le guérirez en tout ou en partie par vos discours. Je veux qu'il soit vaincu par le plus grand nombre possible de ceux qui n'aiment. pas un ami à la façon du siècle.

6. Quand même Romanien ne serait pas allé vers vous, son fils, que j'aime comme s'il était le mien, et dont vous trouverez aussi le nom dans quelques-uns de mes livres, vous aurait porté des nouvelles de moi; j'avais résolu de vous l'adresser pour qu'il reçût des consolations, des avis et des leçons, moins par le son de votre voix que par la force de votre exemple. Je souhaite ardemment que, tandis qu'il est encore dans la verte saison, son ivraie se change en froment, et qu'il croie à l'expérience de

1. Nous n'avons pas la lettre où saint Augustin donnait à saint Paulin les détails qu'il lui avait promis sur saint Alype et qu'il dut lui transmettre plus tard. Ils auraient été curieux et l'histoire les aurait précieusement recueillis.

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ceux qui ont passé par les périls vers lesquels il désire s'élancer. Votre affectueuse et douce sagesse comprend, d'après le poème de ce jeune ami, accompagné de ma lettre, la peine, les craintes et les voeux dont il est l'objet dans mon coeur. J'espère que le Seigneur vous choisira pour me délivrer de mes vives inquiétudes. Comme vous devez lire plusieurs de mes écrits, votre amitié me sera douce, si juste et miséricordieux, vous me corrigez dans ce qui vous aura déplu et si vous me reprenez. Car vous, n'êtes pas. ce pécheur dont je dois craindre, que l'huile ne parfume et n'engraisse ma tête (1).

Nos frères, non-seulement ceux qui habitent avec nous et ceux qui servent Dieu en d'autres lieux, mais presque tous ceux qui nous connaissent dans le Christ, saluent, vénèrent, désirent votre fraternité, votre sainteté, votre bonté. Je n'ose pas vous le demander; mais si les fonctions ecclésiastiques vous laissaient du loisir, vous voyez de quoi l'Afrique a soif avec moi.

1. Psaume 140,6.




LETTRE 28. (394 ou 395)

Après quelques lignes d'un grand charme sur son ami Alype, saint Augustin, dans cette première lettre à saint Jérôme, regrette que l'illustre solitaire de Bethléem ait entrepris une nouvelle version des saintes Ecritures après la Septante; ses appréhensions à cet égard n'étaient pas justifiées. - On sait que les traductions de saint Jérôme sont connues et consacrées dans l'Eglise sous le nom de Vulgate, et que c'est le concile de Trente qui leur a donné ce nom. Nous avons raconté dans l'Histoire de saint Augustin la célèbre dispute du docteur d'Hippone avec le solitaire de la Palestine, au sujet d'un passage de l'Epître aux Galates; on trouvera ici le sentiment de saint Augustin sur cette question; la discussion se déroulera dans la suite des Lettres.

AUGUSTIN A SON TRÈS-CHER FRÈRE ET SEIGNEUR JÉRÔME, SON COLLÈGUE DANS LE SACERDOCE, TRÈS-DIGNE D'ÉTRE RESPECTÉ ET AIMÉ PAR LE PLUS SINCÈRE CULTE DE CHARITÉ.

1. Jamais visage ne s'est mieux retracé aux yeux d'un ami que je ne voie le paisible, le doux et noble travail de vos études dans le Seigneur. Au milieu de mon vif désir de vous connaître tout entier, il ne me manque pourtant que la moindre partie de vous-même; la présence de votre corps. Et même, après que notre frère Alype, alors déjà digne de l'épiscopat et aujourd'hui très-saint évêque, vit votre personne, ce qu'il m'en dit, à son retour, m'en imprima l'image dans l'esprit: pendant qu'il vous voyait, je vous voyais aussi, mais avec ses yeux. Quiconque nous connaît l'un et l'autre trouve que nous ne sommes deux que de corps, tant il y a entre lui et moi un même esprit, une union et une amitié parfaites! Nous sommes un en toutes choses, excepté en mérite, car il en a beaucoup plus que moi. Comme vous m'aimez d'abord par la communion spirituelle qui nous unit, ensuite par tout ce qu'Alype vous a dit de moi, ce ne sera pas mal agir, ni agir en inconnu, si je recommande à votre fraternité notre frère Profuturus qui, je l'espère, par mes efforts et votre secours, réussira, selon l'heureux présage de son nom. Tel est d'ailleurs son mérite, qu'il est plus capable de me recommander à vous que je ne le suis moi-même de vous le recommander. Je devrais peut-être m'arrêter ici, si je voulais m'en tenir aux habitudes des lettres de cérémonie; mais mon esprit a grande envie de se laisser aller en conversation avec vous sur nos études communes en Jésus-Christ Notre-Seigneur, qui a daigné nous donner, parle ministère de votre charité, tant d'utiles trésors et comme un viatique pour suivre le chemin qu'il nous a montré.

2. Nous vous demandons, et toute la studieuse société des Eglises d'Afrique demande avec nous, que vous ne craigniez pas de donner vos soins à traduire les ouvrages de ceux qui ont le mieux écrit en grec sur nos livres sacrés. Vous pouvez faire que nous possédions, nous aussi, ces grands hommes, celui surtout dont vous faites le plus volontiers retentir le nom dans vos lettres. Mais je ne voudrais pas vous voir appliqué à traduire en langue latine les saintes lettres canoniques, à moins de faire comme vous avez fait sur Job, en marquant par des signes chaque différence entre votre version et celle des Septante, qui garde jusqu'ici le plus d'autorité. Je ne puis assez m'étonner, s'il reste encore quelque chose à faire dans le texte hébreu, que cela ait échappé à tant d'habiles interprètes. Je ne dis rien des Septante, qui se sont montrés plus d'accord entre eux de sentiment et d'esprit qu'un seul homme- ne saurait l'être avec lui-même; je n'ose, sur ce point, prononcer un jugement, si ce n'est qu'on doit reconnaître sans discussion que l'autorité des Septante l'emporte sur toute autre. Ce que je ne m'explique pas, c'est le (555) travail des derniers commentateurs, si forts sur la langue et les locutions hébraïques, et qui non-seulement ne s'accordent pas dans leurs interprétations, mais encore ont laissé beaucoup de choses à découvrir et à mettre en lumière. Ou ces choses étaient obscures, ou bien elles ne l'étaient pas: dans le premier cas, vous aussi vous pourriez vous tromper; dans le second, on ne croira pas qu'ils aient pu se tromper eux-mêmes. Je supplie votre charité de m'éclairer là-dessus.

3. J'ai lu des écrits, qu'on dit être de vous, sur les Epîtres de l'apôtre Paul; il m'est tombé sous la main le passage de votre commentaire de l'Epître aux Galates, ou l'apôtre Pierre est repris d'une pernicieuse dissimulation. Je ne suis pas peu fâché, je l'avoue, de voir un homme comme vous, ou tout autre qui serait l'auteur de cet écrit, prendre fait et cause pour le mensonge, et cette peine durera jusqu'à ce que mes doutes sur la question soient éclaircis, si toutefois ils peuvent l'être. Rien ne nie paraît plus dangereux que de croire qu'il puisse exister un mensonge dans les livres saints; c'est-à-dire que les hommes dont Dieu s'est servi pour nous donner les Ecritures aient menti en quoi que ce soit. Autre chose est de savoir si, en certaines circonstances, un homme de bien peut user de mensonge; autre chose est de savoir s'il a fallu que l'écrivain des saints livres mentît: bien plus, ce n'est pas une tout autre question, mais il n'y a pas de question sur ce point. Lorsqu'il s'agit d'une telle autorité, il suffira d'admettre une seule fois quelque mensonge officieux pour qu'il ne reste rien des saintes Ecritures; toutes les fois qu'il se présente un précepte de pratique difficile ou un dogme peu croyable, on voudra y échapper en s'armant de la pernicieuse règle du mensonge officieux.

4. Si l'apôtre Paul mentait lorsque, blâmant l'apôtre Pierre, il disait: «Si vous qui êtes juif, vous vivez à la façon des Gentils et non à la façon des Juifs, comment forcez-vous les Gentils à judaïser(1);» si la conduite de Pierre lui paraissait bonne dans ce que ses paroles et ses écrits condamnaient, ne parlant ainsi que pour calmer les esprits, que répondrons-nous quand des hommes pervers, prédits par l'apôtre Paul lui-même (2), attaqueront le mariage, diront que les efforts de l'Apôtre pour en établir

1. Ga 2,14. - 2. 1Tm 4,3.

le droit sacré (1) n'ont été qu'un mensonge à l'adresse des hommes attachés à leurs femmes et qui auraient pu se révolter, et que l'Apôtre n'a pas parlé comme il pensait, mais uniquement pour apaiser une opposition? Il n'est pas besoin de multiplier les exemples. Les louanges de Dieu peuvent elles-mêmes passer pour des mensonges officieux, destinés à allumer le divin amour dans les coeurs froids et languissants: c'est ainsi que la vérité n'aura plus d'autorité certaine dans les livres saints. Avec quelle sollicitude le même apôtre ne nous recommande-t-il pas la vérité; lorsqu'il dit: «Si le Christ n'est pas ressuscité, notre prédication est vaine, et votre foi aussi; nous ne sommes plus que de faux témoins de Dieu, parce que nous aurons rendu ce témoignage contre Dieu même, en disant qu'il a ressuscité le Christ qu'il n'a pas ressuscité (2).» Si quelqu'un avait dit à Paul: Pourquoi ce mensonge vous inspire-t-il tant d'horreur, puisque, si ce que vous avez dit est faux, Dieu n'en reçoit pas moins une grande gloire? - L'Apôtre n'aurait-il pas détesté la folie d'un tel langage? n'aurait-il pas cherché, par toute parole possible, à mettre en lumière les plus profonds replis de son coeur, criant que ce n'est pas un moindre crime, mais un plus grand peut-être de louer Dieu par le mensonge que d'accuser la vérité? Il faut donc que tout homme qui aspire à connaître les divines Ecritures les juge si saintes et si vraies, qu'il ne se plaise jamais à y rencontrer des mensonges officieux, mais qu'il passe l'endroit comme ne le comprenant point, plutôt que de préférer son propre coeur à la vérité elle-même. Assurément, celui qui parle ainsi de ces mensonges officieux veut qu'on le croie,et il agit de façon à nous ôter toute croyance aux autorités des divines Ecritures.

5. Et quant à moi, dans la mesure des forces que le Seigneur m'a données, je montrerais que tous ces témoignages pour établir l'utilité du mensonge doivent être compris d'une autre manière: leur ferme vérité serait prouvée. Ces témoignages ne doivent pas plus être menteurs que favorables au mensonge. Mais je laisse cela à votre intelligence. Une lecture plus attentive vous le fera voir peut-être mieux que je ne le vois moi-même. Votre piété remarquera que l'autorité des divines Ecritures deviendrait incertaine, qu'on y croirait ce qu'on voudrait,

1. 1Co 7,10-16, - 2. 1Co 15,15.

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qu'on n'y croirait pas ce qu'on ne voudrait pas, s'il était reçu une seule fois que les hommes de la main de qui nous tenons les livres saints aient pu mentir officieusement: à moins que par hasard vous nous donniez certaines règles qui nous apprennent où il faut mentir, où il ne le faut pas. Si cela se peut, dites-le-nous, je vous prie, par des raisons où le faux et le douteux n'entrent pour rien. Ne m'accusez ni d'importunité ni d'audace, je vous le demande au nom de la vérité faite homme dans Notre-Seigneur; car une erreur de ma part qui profiterait à la vérité ne serait pas une grande faute, si on pouvait trouver bien que chez vous la vérité favorisât le mensonge.

6. Il y a beaucoup d'autres choses dont mon coeur aimerait à entretenir le vôtre; il me serait doux de conférer avec vous sur les études chrétiennes; mais il n'y a pas de lettre qui suffise à mon désir. Ces entretiens que je souhaite, je les obtiendrai avec des fruits plus abondants par l'intermédiaire du frère que je me réjouis de vous envoyer, et qui se nourrira de vos doux et utiles discours. Et cependant, s'il me permet de le dire, il n'en prendra peut-être pas autant que j'en voudrais, quoique je ne me mette en rien au-dessus de lui. Je m'avoue plus capable de contenir ce qui me viendrait de vous, mais, lui, je le vois de jour en jour avec la plénitude des meilleurs dons, et par là il me surpasse sans aucun doute. A son retour qui, Dieu aidant, je l'espère, sera heureux, lorsque je participerai aux trésors que votre coeur aura répandus dans le sien, il ne remplira pas pour cela tout le vide qui restera encore en moi, et ne rassasiera point mon esprit avide de vos pensées. Et je demeurerai ainsi plus pauvre et lui plus riche. Le même frère emporte quelques-uns de mes écrits; si vous daignez les lire, je vous prie de me traiter avec une sincère et fraternelle sévérité. Il est écrit: «Le juste me corrigera dans sa miséricorde, et me reprendra; mais que l'huile du pécheur ne touche point ma tête (1);» tout le sens de ces paroles (je ne les comprends pas autrement), c'est que celui qui reprend pour guérir nous aime mieux que celui qui parfume notre tête avec l'huile de la flatterie. Pour moi, il m'est difficile de bien juger ce que j'ai écrit; je le fais avec trop de défiance ou trop d'amour. Je vois quelquefois mes fautes, mais je préfère que de meilleurs que moi me les fassent apercevoir, voir, de peur que peut-être, après m'être repris avec raison moi-même, je ne vienne à me flatter encore, et que je ne sois tenté de croire que j'ai mis dans mon jugement plus de timidité que de justice.

1. Psaume 140,5.





Augustin, lettres - LETTRE XXV. (Année 394)