Augustin, lettres - LETTRE LXIV. (401)

LETTRE LXV. ( Au commencement de l'année 402)

Un prêtre interdit par saint Augustin.

AUGUSTIN AU PRIMAT XANTIPPE, SON BIENHEUREUX SEIGNEUR, VÉNÉRABLE ET AIMABLE PÈRE ET COLLÈGUE DANS L'ÉPISCOPAT, SALUT DANS LE SEIGNEUR.

1. Après avoir rempli tous mes devoirs envers vos mérites, en saluant votre dignité et en me recommandant beaucoup à vos prières, je confie à votre sagesse qu'un certain Abondantius, de la terre de Strabonia, dont je suis chargé, a été ordonné prêtre; comme il ne marchait pas dans les voies des serviteurs de Dieu, il avait commencé à ne plus avoir une bonne réputation; effrayé, ne voulant rien croire témérairement, mais au fond très-inquiet, je cherchai si par quelque moyen je ne pouvais point parvenir à des preuves certaines d'une mauvaise conduite. Je découvris d'abord qu'il avait détourné une somme d'argent remise, comme un dépôt sacré, entre ses mains par un paysan, et qu'il n'avait pu en rendre un compte tant soit peu vraisemblable. De plus il a été convaincu, et nous avons son aveu, d'avoir, la veille de Noël, jour de jeûne pour l'Eglise de Gippis comme pour toutes les autres, pris congé vers les cinq heures, de son collègue le prêtre de Gippis, comme pour s'acheminer vers son église, de s'être arrêté dans ce même lieu sans qu'aucun clerc l'accompagnât, d'avoir dîné et soupé chez une femme de mauvaise réputation et d'être resté dans sa maison. Déjà un de nos clercs d'Hippone avait été éloigné pour avoir logé chez elle. Abondantius savait très-bien cela et n'a pas pu le nier. Quant à ce qu'il a nié, je l'ai laissé à Dieu, ne jugeant que les choses qu'il n'a pas été permis de cacher. J'ai craint de lui confier une église, surtout une église placée au milieu de la rage et des aboiements des hérétiques. Il m'a demandé une lettre pour le prêtre du village d'Armeman, situé dans le territoire de Bulle, d'où il est venu vers nous; il désirait qu'il y fût fait mention de ce dont on l'accusait, de peur qu'on ne le soupçonnât de quelque chose de plus horrible; il espérait vivre dans ce coin de terre, mais sans remplir de fonction ecclésiastique, et vivre plus régulièrement; touché de compassion, je ne lui ai pas refusé cette lettre. Il fallait vous donner tous ces détails, pour vous mettre en garde contre toute tentative de mensonge.

2. J'ai entendu la cause d'Abondantius cent jours avant Pâques, qui doit être le huitième des ides d'avril. C'est à cause du concile que je vous dis cela; je ne lui ai pas caché à lui-même, mais je lui ai fait connaître sincèrement, comme il a été ordonné alors, que s'il voulait en appeler pour sa cause, il devrait le faire avant un an, sans quoi il ne serait plus entendu. Quant à nous, bienheureux seigneur et vénérable père, si nous ne croyons pas devoir punir, d'après les décrets du concile, des désordres ainsi prouvés, surtout quand ils se mêlent à une réputation déjà mauvaise, nous serons forcés d'examiner ce qu'on ne peut pas constater, de condamner ce qui n'est pas certain, ou de passer sur ce qu'on ne connaît pas. Pour moi, j'ai cru devoir éloigner des fonctions sacerdotales un prêtre qui, en un jour de jeûne, jeûne observé par l'église du lieu où il était, prenant congé du prêtre du lieu, n'ayant aucun clerc avec lui, a osé s'arrêter, dîner, souper et dormir dans la maison d'une femme perdue d'honneur: j'ai craint de lui confier une église de Dieu. Si par hasard des juges ecclésiastiques voient autrement, par la raison qu'il faut, d'après le décret du concile (1), six évêques pour juger un prêtre, confie, qui veut, à un tel prêtre une église de sa juridiction; à Dieu ne plaise que je laisse à de pareils pasteurs une portion quelconque de mon troupeau, surtout lorsque nulle bonne renommée ne convie à oublier leurs fautes! S'il venait à éclater quelque chose de pis, je me l'imputerais et j'en serais malheureux.

1. Concile de Carthage, en 318.




LETTRE LXVI. (Année 398)

Indignation pieuse de saint Augustin contre l'évêque donatiste de Calame qui avait osé rebaptiser de pauvres catholiques d'un village qui lui appartenait.

AUGUSTIN A L'ÉVÊQUE DONATISTE CRISPINUS, A CALAME (2).

1. Vous auriez dû craindre Dieu; mais puisque, en rebaptisant les gens de Mappale, vous avez voulu vous faire craindre comme homme, pourquoi l'autorité du souverain ne vaudrait-elle pas dans une province autant qu'une

2. Aujourd'hui Ghelma.

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autorité de province dans un village? Si vous comparez les personnes, vous êtes propriétaire, lui est empereur; si vous comparez les lieux, vous êtes le maître d'un fonds de terre, il est le maître d'un royaume; si vous comparez les causes, lui veut que la division cesse, vous voulez, vous, que l'unité soit divisée. Mais ce n'est pas de l'homme que nous voulons vous faire peur, car nous pourrions vous obliger à payer dix livres d'or, conformément aux ordres de l'empereur. Diriez-vous qu'il vous est impossible de payer ce à quoi sont condamnés les rebaptiseurs, car vous dépensez beaucoup pour acheter ceux que vous rebaptisez? Mais, je vous l'ai fait observer, ce n'est pas de l'homme que nous voulons vous faire peur; que. le Christ plutôt vous épouvante. Je voudrais savoir ce que vous lui répondriez, s'il vous disait: «Crispin, tu as payé cher pour acheter «la peur des gens de Mappale, et n'est-elle d'aucun prix, ma mort, pour acheter l'amour de toutes les nations? est-ce que ce que tu as compté de ton sac pour rebaptiser tes paysans vaut plus que ce qui a coulé de mon côté pour baptiser mes peuples?» Je sais que vous entendrez beaucoup de choses si vous prêtez l'oreille au Christ, et que votre héritage même vous avertira de l'impiété de vos discours contre le Christ. Car, si par le droit humain, vous vous croyez le solide possesseur de ce que vous avez acheté avec votre argent, combien plus le Christ possède-t-il, par le droit divin, ce qu'il a acheté avec son sang! Oui, il possédera fermement tout ce qu'il a acheté, celui dont il est dit: «Il dominera d'une mer à l'autre, et depuis le fleuve jusqu'aux extrémités de la terre (1).» Mais comment espérez-vous ne pas perdre ce que vous croyez avoir acheté en Afrique, vous qui dites que le Christ, après avoir perdu le monde entier, est réduit à l'Afrique seule?

2. Quoi de plus? si c'est de leur propre mouvement que les gens de Mappale ont passé dans votre communion, qu'ils nous entendent tous les deux; on écrira ce que nous dirons, nous le signerons, on le traduira en langue punique, et les Mappaliens, délivrés de toute contrainte, feront librement leur choix. D'après ce que nous dirons, on verra si c'est la compression qui les retient dans l'erreur, ou si c'est de leur pleine volonté qu'ils ont embrassé la vérité. Et s'ils ne comprennent pas

1. Ps 71,8.

ces choses, par quelle témérité avez-vous fait changer de foi religieuse à des gens qui ne comprennent pas? et s'ils comprennent, qu'ils nous entendent tous les deux, comme je l'ai déjà dit, et qu'ils fassent ce qu'ils voudront. Et si vous pensez que l'autorité des maîtres ait forcé ceux des vôtres qui sont revenus à nous, faisons à leur égard la même chose qu'ils nous entendent tous les deux, et qu'ils choisissent ensuite le parti qui leur plaira. Si vous refusez ce que je vous propose, qui pourra ne pas reconnaître que vous ne vous croyez pas sûr d'avoir avec vous la vérité? mais prenez garde à la colère de Dieu, ici et dans la vie future. Je vous adjure par le Christ de me répondre.





LETTRE LXVII. (Année 492)

Saint Augustin assure à saint Jérôme qu'il n'est pas vrai qu'il ait écrit un livre contre lui, comme on l'en a accusé. - Vif et affectueux désir d'obtenir quelque chose du solitaire de Bethléem.

AUGUSTIN A SON TRÈS-CHER ET TRÈS-DÉSIRÉ SEIGNEUR JÉRÔME, SON TRÈS-HONORABLE FRÈRE EN JÉSUS-CHRIST ET SON COLLÈGUE DANS LE SACERDOCE, SALUT DANS LE SEIGNEUR.

1. J'ai su que ma lettre vous était parvenue; jusqu'ici je n'ai pas mérité que vous y ayez répondu, mais je ne l'impute pas à votre charité: quelque chose sans doute vous en a empêché. Je dois plutôt reconnaître qu'il faut que je prie le Seigneur de donner à votre bonne volonté le moyen de m'envoyer ce que vous m'avez écrit, car le moyen de m'écrire, il vous l'a déjà donné: vous n'avez qu'à vouloir pour faire aisément.

2. On m'a rapporté une chose que j'hésite à croire, mais dont je n'hésite pas à vous parler il vous aurait été dit, dernièrement, par je ne sais quels frères, que j'ai écrit un livre contre vous, et que je l'ai envoyé à Rome. Sachez que cela est faux; je prends notre Dieu à témoin que je n'ai rien fait de pareil. Si, par hasard, on trouve dans quelques-uns de mes écrits quelque chose de contraire à vos sentiments, vous devez savoir que cela n'a pas été dit contre vous, mais que j'ai tout simplement écrit ce qui m'a semblé bon; si vous ne pouvez le savoir, vous devez le croire. En vous parlant de la sorte, non-seulement je suis (82) très-disposé, si quelque chose vous a ému dans mes livres, à recevoir vos fraternelles observations et à me réjouir de ma propre correction ou des marques de votre bienveillance, mais encore je vous demande cela et vous le redemande avec instance.

3. Oh! que ne m'est-il permis, sinon d'habiter avec vous, au moins de vivre dans votre voisinage, pour jouir dans le Seigneur de vos fréquents et doux entretiens! Mais puisque cette joie ne m'est pas donnée, je demande que vous cherchiez à conserver, à accroître, à perfectionner notre seul moyen d'être ensemble dans le Seigneur, et que vous ne dédaigniez pas mes lettres, quoique rares. Saluez avec respect de ma part le saint frère Paulinien (1), et tous les frères qui se réjouissent avec vous et de vous dans le Seigneur. Souvenez-vous de nous, et soyez exaucé dans tous vos saints désirs, cher et très-désiré seigneur et honorable frère dans le Christ.

1. C'était le frère de saint Jérôme.




LETTRE LXVIII. (Année 402)

Saint Jérôme répond à la précédente lettre de saint Augustin et parle de celle où l'évêque d'Hippone l'invitait à chanter la palinodie sur un passage de l'Epître aux Galates; malgré de pieux efforts pour se retenir, on reconnaît aisément un homme blessé dans le langage du solitaire de Bethléem.

JÉRÔME AU SEIGNEUR VRAIMENT SAINT, AU BIENHEUREUX PAPE AUGUSTIN, SALUT DANS LE CHRIST.
1. Au moment même du départ de notre saint fils, le sous-diacre Astérius mon ami, j'ai reçu la lettre de votre béatitude, par laquelle vous m'assurez que vous n'avez pas envoyé de livre à Rome contre moi. Je n'avais pas entendu dire que vous l'eussiez fait; mais il était arrivé ici, par notre frère, le sous-diacre Sysinnius, copie d'une certaine lettre qui semblait m'être adressée. Vous m'y exhortez à chanter la palmodie sur un passage de l'Apôtre et à imiter Stésichore, dénigrant et louant tour à tour Hélène, et qui recouvra par des hommages la vue qu'il avait perdue par des vers injurieux (2). Quoique j'aie cru reconnaître dans la lettre votre style et votre raisonnement, je vous avoue cependant, en toute simplicité, que j'ai été d'avis de ne pas vous l'attribuer témérairement, de peur que si je venais à vous blesser en vous répondant, vous n'eussiez le droit de dire que j'aurais dû auparavant prouver que cette lettre était de vous. D'ailleurs la longue maladie de la sainte et vénérable Paula a encore retardé ma réponse. Durant nos

2. C'est Platon qui a ainsi expliqué la cécité et la guérison du poète Stésichore.

longs jours d'assiduité auprès de la malade, j'ai presque oublié votre lettre ou la lettre de celui qui avait écrit sous votre nom; je me rappelais ce verset de l'Ecclésiastique: «Un discours importun, c'est de la musique dans le deuil (1).» Si donc la lettre est de vous, écrivez-le-moi franchement, ou bien envoyez-moi une copie plus exacte, afin que nous disputions sans aigreur sur les Ecritures, et que je me corrige ou que je montre qu'on m'a repris à tort.

2. A Dieu ne plaise que j'ose toucher à quelque chose dans les livres de votre béatitude! j'ai bien assez de revoir les miens, sans aller censurer ceux d'autrui. Au reste, votre sagesse sait très-bien que chacun abonde dans son sens, et qu'il n'appartient qu'à de vaniteux adolescents de chercher de la renommée pour leur nom en attaquant des hommes illustres. Je ne suis pas assez insensé pour me croire offensé de la différence de nos interprétations, car vous ne serez pas blessé vous-même de mes sentiments qui seraient contraires aux vôtres. Mais la vraie manière de nous reprendre entre amis, c'est de ne voir pas notre besace, comme dit Perse, pour considérer la besace où sont les défauts d'autrui (2). Aimez celui qui vous aime, et, jeune, ne provoquez pas un vieillard dans le champ des Ecritures. J'ai eu aussi mon temps, et j'ai couru autant que j'ai pu. Maintenant, pendant que vous courez et que vous franchissez de longs espaces, un peu de repos m'est dû; et si vous me permettez de le dire sans manquer au respect qui vous est dû, pour que vous ne soyez pas seul à me citer quelque chose des poètes, souvenez-vous de Darès et d'Entelle, et du proverbe qui dit que le boeuf fatigué n'en est que plus ferme sur ses pieds. J'ai dicté ceci avec tristesse. Plût à Dieu que je méritasse vos embrassements et que nous pussions, en de mutuels entretiens, apprendre quelque chose l'un de l'autre!

Calphurnius, surnommé Lanarius (3), m'a envoyé ses outrages avec son audace accoutumée; j'ai su que, par ses soins, cet écrit injurieux était parvenu en Afrique. J'ai brièvement répondu à une partie du libelle, et je vous ai envoyé une copie de cette réponse, me réservant de vous adresser un travail plus étendu quand j'aurai le loisir de m'y mettre. J'ai pris garde de blesser en quoi que ce soit sa réputation de chrétien, et me suis uniquement attaché à réfuter ses mensonges et les sottises de cet homme extravagant et ignorant. Souvenez-vous de moi, saint et vénérable pape. Voyez combien je vous aime, puisque, provoqué par vous, je ne veux pas vous répondre, ni vous attribuer ce que j'aurais peut-être blâmé dans un autre. Notre frère commun vous salue humblement.

1. Ecclési. 22,6. - 2. Ce sont les deux besaces dont parle Esope et qui ont fait dire à Perse: Ut nemo in sese tentat descendere, nemo; Sed praecedenti spectatur mantica tergo. - 3. C'est son adversaire Ruffin que saint Jérôme désigne sous ce nom.

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LETTRE LXIX. (A la fin de l'année 389)

Deux frères avaient passé du parti de Donat à l'unité catholique; l'un d'eux était évêque, et, pour l'amour de la paix, avait déposé le fardeau de l'épiscopat; c'est au frère de celui-ci que saint Augustin écrit la lettre qu'on va lire; il désire le voir se retirer du monde et succéder à celui qui vient de donner l'exemple d'une piété généreuse et d'une profonde humilité.

ALYPE ET AUGUSTIN A LEUR TRÈS-CHER SEIGNEUR ET HONORABLE ET AIMABLE FILS CASTORIUS, SALUT DANS LE SEIGNEUR.

1. L'ennemi des chrétiens s'est efforcé, par le moyen de notre très-cher et très-doux fils votre frère, d'exciter un dangereux scandale dans l'Eglise catholique qui vous a maternellement reçus lorsque, vous enfuyant de la portion retranchée et déshéritée, vous êtes rentrés dans l'héritage du Christ; il aurait désiré obscurcir d'une tristesse humiliante la sérénité de la joie que nous avait causée votre retour religieux. Mais si le Seigneur notre Dieu, miséricordieux et compatissant, consolateur des affligés, ce Dieu qui nourrit les petits et guérit les infirmes, a permis un peu de mal, c'était pour que nous eussions plus de contentement à voir la chose réparée, que nous n'avions eu d'affliction à la voir compromise. Il est plus glorieux de déposer le fardeau de l'épiscopat pour épargner des maux à l'Eglise, que de l'avoir accepté pour gouverner. Si l'intérêt de la paix vient à le demander, on montre bien qu'on était digne d'être évêque quand on ne fait rien d'indigne pour défendre ce qu'on a reçu. Dieu a voulu faire voir aux ennemis de son Eglise, par votre frère, notre fils Maximien, que ceux-là sont bien dans ses entrailles qui cherchent, non pas leurs intérêts, mais ceux de Jésus-Christ. Ce n'est point par un calcul de cupidité temporelle que Maximien a renoncé à la dispensation des mystères de Dieu, mais par un sentiment de paix, et, de peur qu'une honteuse et funeste division n'éclatât parmi les membres du Christ. En effet, rien ne serait plus aveugle et plus exécrable que de quitter le schisme par amour pour la paix de l'Eglise catholique, et de troubler ensuite cette même paix catholique au profit d'une dignité dans laquelle on prétendait se maintenir. Et aussi, lorsqu'on s'est séparé de l'orgueil furieux des donatistes, rien n'est plus louable et plus conforme à la charité chrétienne que de s'attacher à l'héritage du Christ, au point de prouver son amour de l'unité par un grand témoignage d'humilité. De même que nous nous réjouissons d'avoir trouvé votre frère tel que la tempête de la tentation n'ait pu renverser dans son coeur ce que la divine parole y avait édifié, ainsi nous souhaitons, et nous demandons au Seigneur qu'il fasse voir de plus en plus, par sa vie et ses moeurs, combien il aurait rempli dignement les devoirs qu'il aurait acceptés s'il l'avait fallu. Qu'il reçoive l'éternelle paix promise à l'Eglise, lui qui a compris que ce qui ne convenait pas à la paix de l'Eglise ne pouvait lui convenir.

2. Mais vous, très-cher fils, qui n'êtes point pour nous une petite joie, vous que des motifs pareils n'empêchent point de recevoir l'épiscopat, il convient à votre caractère de consacrer au Christ ce qu'il vous a donné; car votre esprit, votre sagesse, votre éloquence, votre gravité, votre tempérance, et les autres vertus qui font l'ornement de votre vie, sont des dons de Dieu. A qui peuvent-ils mieux servir qu'à celui qui les accorde? Ils seront ainsi conservés, développés, achevés et récompensés. Ah! que ces dons ne se mettent point au service de ce monde, de peur qu'ils ne s'évanouissent et ne périssent avec lui. Nous savons qu'avec vous il n'est pas besoin de beaucoup insister sur ce point; vous connaissez la vanité des espérances de l'homme, l'insatiabilité de ses désirs, l'incertitude de la vie. Chassez donc de votre coeur tout ce qu'il aurait pu concevoir de faux espoir de bonheur sur la terre; travaillez dans le champ du Seigneur, où les fruits sont certains, où déjà tant de promesses ont été accomplies qu'il faudrait être insensé pour désespérer de l'accomplissement de ce qui reste. Nous vous conjurons, par la divinité et l'humanité du Christ, par -la paix de cette céleste cité dont l'éternel repos nous est donné après les labeurs du pèlerinage, nous vous conjurons de succéder, dans l'épiscopat de Vagine, à votre frère, qui n'en est pas déchu avec ignominie,mais qui s'en est démis avec gloire. Que ce peuple, pour qui nous espérons de votre esprit et de votre parole, enrichie des dons de Dieu, tant de fruits abondants, comprenne par vous que votre frère a fait ce qu'il a fait dans des pensées de paix, et non pas afin de se dérober au poids du travail. Nous avons (84) donné ordre que cette lettre ne vous soit lue que quand ceux à qui vous êtes nécessaire vous tiendront. Car nous vous tenons déjà par le lien de l'amour spirituel, parce que vous êtes très-nécessaire à nôtre collège épiscopal. Vous saurez, plus tard, pourquoi nous ne sommes pas allé vers vous.




LETTRE LXX. (A la fin de Vannée 389)

On oppose aux donatistes leur propre conduite.

ALYPE ET AUGUSTIN A LEUR TRÈS-CHER ET HONORABLE SEIGNEUR ET FRÈRE NOCELLION.

1. Après que vous nous avez rapporté la réponse de votre père Clarentius au sujet de Félicien, évêque de Musti, qu'il avouait avoir été condamné par les donatistes et puis reçu parmi eux dans sa dignité, mais condamné injustement puisqu'il était absent et prouva son absence, nous vous disons, et que Clarentius y réponde, qu'il n'était pas permis de condamner, sans l'avoir entendu, cet évêque réputé innocent par ceux-là même qui l'ont condamné. Innocent, il n'aurait pas dû être condamné, coupable il n'aurait pas dû être rétabli. S'il a été reçu parce qu'il était innocent, il était innocent lorsqu'on l'a condamné; et s'il était coupable lorsqu'on l'a condamné, il était également coupable lorsqu'on l'a rétabli. Si ceux qui l'ont condamné ignoraient son innocence, ils furent bien téméraires d'oser condamner, sans l'entendre, un innocent qu'ils ne connaissaient pas, et nous comprenons ainsi avec quelle témérité furent jugés précédemment ceux à qui ils imputèrent le crime d'avoir livré les saintes Écritures. S'ils ont pu condamner un innocent, ils ont pu de même appeler traditeurs ceux qui ne l'étaient pas.

2. De plus, ce même Félicien, après sa condamnation, est resté longtemps en communion avec Maximien; s'il était innocent quand on l'a condamné, pourquoi, communiquant avec un homme aussi souillé que Maximien, a-t-il plusieurs fois conféré le baptême hors de la communion des donatistes? Ils en sont eux-mêmes témoins, eux qui agirent auprès du proconsul pour expulser de son Église Félicien, comme faisant cause commune avec Maximien. C'était peu d'avoir condamné un absent, d'avoir condamné sans entendre, d'avoir condamné, comme ils disent, un innocent; il fallait de plus solliciter l'intervention du proconsul pour le chasser de l'Église. Lorsqu'ils le poursuivaient de la sorte, ils avouent au moins qu'ils le comptaient parmi les condamnés, parmi les pervers, parmi les maximianistes enfin. Et quand il baptisait, en communiquant avec Maximien, conférait-il un baptême vrai ou faux? Si en communiquant avec Maximien il donnait le vrai baptême, pourquoi accuser le baptême de toute la terre? et s'il donnait un faux baptême lorsqu'il était en communion avec Maximien, pourquoi a-t-on reçu avec lui ceux qu'il a baptisés dans le schisme de Maximien, et pourquoi personne d'entre vous ne les a-t-il rebaptisés?




LETTRE LXXI. (Année 407)

Sur les traductions de saint Jérôme. - Tumulte dans une église catholique à l'occasion d'un passage de l'Écriture dont la traduction différait du sens accoutumé.

AUGUSTIN A SON VÉNÉRABLE SEIGNEUR JÉRÔME, SON DÉSIRABLE ET SAINT FRÈRE ET COLLÈGUE DANS LE SACERDOCE, SALUT DANS LE SEIGNEUR.

1. Depuis que j'ai commencé à vous écrire et à désirer que vous m'écriviez, jamais il ne s'est offert à moi une meilleure occasion que celle de mon très-cher fils le diacre Cyprien, serviteur de Dieu, et son très-fidèle ministre, qui vous portera cette lettre. J'espère si fort recevoir par lui une lettre de vous, que je ne puis en chose pareille rien espérer de plus certain. Il ne lui manquera ni le zèle pour solliciter une réponse, ni la grâce pour l'obtenir, ni le soin pour la conserver, ni la promptitude pour la rapporter, ni l'exactitude pour la remettre: seulement, si je la mérite de quelque manière, que le Seigneur soit dans votre coeur comme dans mon désir, et qu'il fasse que votre fraternelle volonté ne soit empêchée par nulle autre volonté plus impérieuse.

2. Les deux lettres que je vous ai envoyées étant restées sans réponse, je crains qu'elles ne vous soient point parvenues et je vous en transmets une copie. Quand même elles seraient arrivées jusqu'à vous et que par hasard votre réponse n'aurait pas pu arriver encore jusqu'à moi, envoyez-moi une seconde fois ce que vous m'auriez déjà envoyé, si tant est que vous en (85) ayez gardé la copie; sinon, écrivez-moi encore une fois, pourvu cependant que vous puissiez sans trop de dérangement faire la réponse que j'attends depuis si longtemps. Je vous avais écrit une première lettre quand je n'étais encore que prêtre; elle devait vous être portée par notre frère Profuturus, mais il ne le put parce que, près de partir, il fut fait évêque et bientôt après il mourut: je vous envoie aussi cette première lettre pour que vous sachiez depuis combien de temps je soupire ardemment après vos entretiens, et combien je souffre de ce grand éloignement qui ne permet pas à mon esprit de converser avec le vôtre, ô mon très-doux frère et si digne d'être honoré parmi les membres du Seigneur!

3. J'ajouterai ici que, depuis ce temps, nous avons appris que vous aviez traduit Job sur l'hébreu; nous possédions déjà de vous une traduction du même prophète, du grec en latin, où vous avez marqué par des astérisques ce qui est dans l'hébreu et ce qui manque au grec, et par des obélisques (1) ce qui se trouve dans le grec et ne se trouve pas dans l'hébreu: vous l'avez fait avec un soin si admirable qu'en certains endroits nous voyons à tous les mots. des étoiles qui nous avertissent que ces mots sont dans l'hébreu et pas dans le grec. Or, votre dernière traduction faite sur l'hébreu ne présente pas la même fidélité dans les mots; on se demande avec inquiétude pourquoi, dans cette première traduction, les astérisques sont posés avec tant de soin qu'ils marquent les plus petites particules du discours qui manquent aux manuscrits grecs et se trouvent dans les manuscrits hébreux, et pourquoi, dans cette autre version sur l'hébreu, cela a été fait trop peu soigneusement pour qu'on puisse trouver les mêmes particules à leurs places. J'avais songé à vous en citer des exemples, mais je n'ai pas eu sous la main la version sur l'hébreu. Toutefois votre génie vole au devant non-seulement de ce que je dis, mais encore de ce que je veux dire, et vous me comprenez assez, je pense, pour que vous dissipiez mes doutes.

4. Pour moi, j'aimerais mieux que vous traduisissiez les écritures grecques canoniques connues sous le nom des Septante. Car si votre traduction sur l'hébreu commence à être lue habituellement en plusieurs églises, il sera fâcheux que des différences se rencontrent entre les Eglises latines et les Eglises grecques, sur

1. Des obèles, du mot grec obelos qui signifie broche.

tout parce qu'on répond plus aisément aux contradicteurs avec la langue grecque, qui est très-connue. Au contraire, si quelqu'un est troublé par quelque chose de nouveau dans la version sur l'hébreu, et prétend qu'il y a eu crime de falsification, il sera très-difficile où même impossible de recourir aux témoignages hébreux pour repousser son sentiment. Et si l'on y parvient, qui souffrira que l'on condamne tant d'autorités latines et grecques? Ce qui augmentera l'embarras c'est que les hébreux consultés pourront exprimer un avis différent; vous seul alors paraîtrez nécessaire et capable de les convaincre; mais en présence de quel juge?je doute que vous puissiez en trouver un seul.

5. Voici un fait qui semble le prouver. Un de nos collègues avait établi la lecture de votre version dans l'Eglise dont il est le chef; on lisait le prophète Jonas et tout à coup on reconnut dans votre traduction (1) quelque chose de très-différent du texte accoutumé qui était dans le coeur et la mémoire de tous, et qui se chantait depuis tant de générations. Le tumulte fut si grand dans le peuple, surtout parmi les grecs, qui criaient à la falsification, que l'évêque (c'était dans la ville d'Oëa), se trouva forcé d'interroger le témoignage des juifs du lieu. Ceux-ci, soit malice, soit ignorance, répondirent que le texte des grecs et des latins, en cet endroit, était conforme au texte hébreu. Quoi de plus? L'évêque se vit contraint de corriger le passage comme si c'eût été une faute, ne voulant pas, après ce grand péril, rester sans peuple. Il nous a paru, d'après cela, que peut-être vous avez pu vous tromper quelquefois. Et voyez quelles suites fâcheuses, quand il s'agit de textes qu'on ne peut corriger par les témoignages comparés des langues en usage!

6. Aussi pour ce qui est de votre version de l'Evangile sur le grec, nous en rendons à Dieu de grandes actions de grâce, car, en la confrontant avec le grec, nous n'y trouvons presque rien à dire (2). Si quelqu'un, favorable aux anciennes inexactitudes latines, nous cherche querelle, il est aisément convaincu ou réfuté par la lecture et la comparaison des textes; et si de rares endroits laissent quelques regrets, qui donc serait assez difficile pour ne pas le pardonner à un si utile travail, au-dessus de

1. Jonas, 4,6. - 2. Ce passage suffirait pour répondre à ceux qui ont soutenu que saint Augustin ne savait pas le grec.

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toute louange? Au reste, daignez nous dire ce que vous pensez des nombreuses différences entre le texte hébreu et le texte grec des Septante; cette dernière version n'est pas d'un petit poids, puisqu'elle a mérité d'être ainsi répandue et que les apôtres s'en sont servis ce qui est évident, et je me souviens que vous l'avez attesté vous-même. Vous feriez donc une oeuvre grandement utile en traduisant exactement en latin le texte grec des Septante; les traductions latines varient si fréquemment dans les divers manuscrits que c'est à peine supportable, et comme on craint toujours qu'il y ait autre chose dans le grec, on n'ose y prendre ni citations ni preuves.

Je croyais que cette lettre serait courte, mais je ne sais comment j'ai senti en la poursuivant la même douceur que si j'avais parlé avec vous. Je vous en conjure par le Seigneur, répondez à tout, accordez-moi votre présence autant que vous le pouvez si loin de moi.



LETTRE LXXII. (Année 404)

Des paroles dites avec trop de confiance, des malentendus et, par-dessus tout, des commentaires peu charitables, avaient mis au coeur de saint Jérôme une certaine amertume; elle s'épanche avec assez de liberté dans les pages qu'on va lire.

JÉRÔME AU SEIGNEUR VRAIMENT SAINT ET BIENHEUREUX PAPE AUGUSTIN, SALUT DANS LE SEIGNEUR.

1. Vous m'écrivez souvent et vous me pressez de répondre à une certaine lettre dont une copie, sans votre signature, m'était parvenue par notre frère le diacre Sysinnius, comme je vous l'ai déjà mandé, et que vous nous dites avoir été d'abord confiée à notre frère Profuturus, ensuite à un autre; que Profuturus, nommé évêque au moment de son départ, ne s'était pas mis en route et avait été bientôt après retiré de ce monde; et que cet autre, dont vous taisez le nom, avait craint les périls de la mer et n'avait pas voulu s'embarquer. Cela étant, je ne puis assez m'étonner que cette lettre soit, dit-on, dans beaucoup de mains à Rome et en Italie, et que moi seul ne l'aie point reçue, moi à qui seul elle était adressée. J'ai d'autant plus lieu d'être surpris que le même frère Sysinnius assure avoir trouvé, il y a environ cinq ans, cette lettre parmi d'autres ouvrages de vous, non pas en Afrique, non pas chez vous, mais dans une île de l'Adriatique.

2. il ne faut laisser à l'amitié aucun soupçon; on doit parler avec un ami comme avec soi-même. Quelques-uns de mes amis, vases du Christ, comme on en rencontre beaucoup à Jérusalem et dans les saints lieux, me faisaient entendre que vous n'aviez point agi en toute simplicité de coeur, mais pour grandir à mes dépens, pour chercher la louange, faire un peu de bruit et gagner un peu de gloire aux yeux du peuple: vous me provoquiez et vous laissiez croire que je redoutais un rival tel que vous: vous vous posiez comme un docte écrivain, et je me taisais comme un ignorant, et j'avais enfin trouvé quelqu'un pour me rabattre le caquet. Quant à moi, je l'avoue franchement, je n'ai pas voulu d'abord répondre à votre Grandeur, parce que je ne croyais pas que cette lettre fût de vous, et, comme dit le proverbe, que vous eussiez frotté votre épée avec du miel. Je craignais aussi de paraître répondre irrespectueusement à un évêque de ma communion et d'avoir à censurer quelque chose dans la lettre de mon censeur, d'autant plus que certains endroits me semblaient hérétiques.

3. Enfin je ne voulais pas vous donner le droit de dire: «Quoi donc? aviez-vous vu ma lettre, aviez-vous bien reconnu la signature, pour blesser si facilement un ami, et rejeter injurieusement sur moi la malice d'autrui?» Donc, comme je vous l'ai déjà écrit, envoyez-moi cette même lettre signée de votre main, ou bien cessez de provoquer un vieillard caché dans une cellule. Mais si vous voulez exercer ou étaler votre savoir, cherchez des hommes jeunes, éloquents et illustres, comme on dit qu'il y en a beaucoup à Rome, qui puissent et osent combattre avec vous, et, dans la discussion des saintes Ecritures, marcher de pair avec un évêque. Pour moi, jadis soldat, aujourd'hui vétéran, il me faut célébrer vos triomphes et les triomphes des autres, et non pas retourner au combat avec un corps épuisé; si vous me pressiez trop de vous répondre, je pourrais bien me souvenir de Quintus Maximus qui, par sa patience, brisa l'orgueil du jeune Annibal (1).

«Le temps emporte tout, même l'esprit. Je me rappelle avoir passé, dans ma jeunesse, des journées entières à chanter; maintenant j'ai oublié tous ces chants; Moeris n'a même plus de voix (2).»

Et, pour m'en tenir aux saintes Ecritures, Berzellai, de Galaad, laissant à son fils qui était jeune toutes les grâces et toutes les délices offertes par le roi David (3), a montré qu'il n'appartenait pas à la vieillesse de souhaiter ni d'accepter de tels biens.

4. Vous jurez que vous n'avez pas écrit dé livre contre moi, et que, n'ayant riels écrit, vous n'avez rien envoyé à Rome; vous me dites que s'il se rencontre dans vos ouvrages quelque chose qui diffère de mon sentiment, je ne dois pas me croire blessé par vous, mais que vous avez tout simplement écrit ce qui vous a semblé vrai. Ecoutez-moi avec patience, je vous prie.

Vous n'avez pas écrit de livre! mais comment ai-je reçu par d'autres les ouvrages où vous m'avez repris? Comment l'Italie a-t-elle ce que vous n'avez point écrit? Comment demandez-vous que je réponde à ce que vous dites n'avoir pas fait? Pourtant, je ne suis pas assez dépourvu de sens pour

1. Tite Liv. Décati. 3,liv. 2. - 2. Virgile, égl.IX. - 3. 2S 19,32-37

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me croire blessé de la différence de vos opinions. Mais si vous reprenez mes paroles, si vous me demandez raison de mes écrits, si vous exigez que je me corrige, si vous me provoquez à une palinodie et que vous prétendiez me rendre la vue; c'est alors que l'amitié est offensée et tous ses droits violés. Je vous écris ainsi pour que nous n'ayons pas l'air de nous battre comme des enfants, pour ne pas donner matière à dispute à nos amis ou à nos détracteurs, et parce que je désire vous aimer sincèrement et chrétiennement, et ne rien garder dans mon coeur qui ne soit sur mes lèvres. Il ne me convient pas, à moi qui ai vécu laborieusement avec de saints frères en un coin de monastère, depuis ma jeunesse jusqu'à ce jour, d'écrire quoi que ce soit contre un évêque de ma communion, ni d'attaquer ce même évêque que j'ai commencé à aimer avant de commencer à le connaître, qui le premier m'avait convié à l'amitié, et que je me suis réjoui de voir se lever après moi dans la science des Ecritures. Désavouez donc ce livre si par hasard il n'est pas de vous, et cessez de demander que je réponde à ce que vous niez avoir écrit; ou bien si le livre est de vous, avouez-le tout simplement, afin que, si j'écris pour ma défense, la responsabilité en retombe sur vous qui m'aurez provoqué, et non pas sur moi, qui aurai été forcé de répondre.

5. Vous ajoutez que, si quelque chose me choque dans vos ouvrages, vous êtes prêt à recevoir fraternellement mes observations, que non-seulement vous les accueillerez avec joie, comme des témoignages de ma bienveillance envers vous, mais que vous me les demandez comme une grâce. Je vous le répète: vous provoquez un vieillard, vous excitez celui qui ne demande qu'à se taire, vous semblez faire parade de votre savoir. Il n'appartiendrait pas à mon âge de prendre des airs de malveillance à l'égard d'un homme pour qui je dois plutôt me montrer favorable; et si des gens pervers trouvent de quoi blâmer dans les Evangiles et les prophètes, seriez-vous surpris qu'on trouvât aussi à redire dans vos livres, surtout en ce qui touche l'explication des Ecritures où se rencontrent tant d'obscurités? Je vous parle ainsi, non pas que je juge qu'il y ait dans vos ouvrages quelque chose à reprendre, car je ne les ai jamais lus, et les copies en sont rares ici, excepté vos Soliloques et quelques commentaires sur les psaumes. Si je voulais examiner ces commentaires, je montrerais que vous n'êtes pas d'accord, je ne dis pas avec moi qui ne suis rien, mais avec les anciens interprètes grecs. Adieu, mon très-cher ami, mon fils par l'âge, mon père par la dignité; ne manquez pas, je vous en prie, pour tout ce que vous m'écrirez, de faire en sorte que je le reçoive le premier.





Augustin, lettres - LETTRE LXIV. (401)