Augustin, Trinité 1213

CHAPITRE VIII. COMMENT S'EFFACE L'IMAGE DE DIEU.

1213 13. Donc on reconnaît que leurs âmes sont de même nature; mais on retrouve dans leurs corps la différence des emplois d'une seule et même âme. Aussi quand on monte intérieurement de quelques degrés de contemplation à travers les parties de l'âme, dès que l'on commence à rencontrer quelque chose qui ne nous soit plus commun avec les animaux, là commence la raison, là on peut déjà reconnaître l'homme intérieur. Que si, entraîné par cette raison à qui est déléguée l'administration des choses temporelles, il descend trop bas dans le monde extérieur, du consentement de sa tête, c'est-à-dire n'étant point cru pêché ni retenu par la partie qui est au poste du conseil et joue en quelque sorte le rôle de l'homme, il vieillit parmi ses ennemis (Ps 6,8), parmi les démons jaloux de sa vertu avec le diable leur chef; et la vision des choses éternelles est enlevée au chef même, qui a mangé avec sa femme du fruit défendu, en sorte que la lumière de ses yeux n'est plus avec lui (Ps 38,11). Ainsi nus et privés tous les deux de l'illumination de la vérité, les yeux de leur conscience s'ouvrant pour leur faire voir combien ils sont déshonorés et enlaidis, ils fabriquent un tissu de bonnes paroles sans le fruit des bonnes oeuvres, comme qui dirait des feuilles de fruits agréables au goût, mais sans les fruits, afin de couvrir sous un beau langage la honte de leur coupable conduite (Gn 3).

CHAPITRE IX. SUITE DU MÊME SUJET.

1214 14. En effet, l'âme éprise de sa propre puissance, quitte le rang qu'elle tient dans l'ordre universel pour s'attacher à des intérêts privés. Cédant à cet orgueil rebelle que l'Ecriture appelle «le commencement de tout péché (Si 10,15)», alors qu'elle aurait pu suivre, au sein de la création, le Dieu qui gouverne l'univers et être parfaitement dirigée par des lois, elle a ambitionné quelque chose de plus que l'univers même qu'elle s'est efforcée d'assujettir à sa volonté; et comme il n'y a rien de plus que l'univers, elle est refoulée dans un coin de l'espace et perd pour avoir trop désiré, ce qui a fait dire à l'Apôtre que l'avarice est «la racine de tous les maux (1Tm 6,5)»; et tout ce qu'elle fait, quand elle agit par un motif propre contre les lois qui régissent la création, elle le fait par l'entremise de son corps, qu'elle ne possède qu'en partie. Mettant ainsi sa complaisance dans les formes et les mouvements des corps et ne les possédant pas en elle-même, elle s'égare à travers leurs images fixées dans sa mémoire, se souille misérablement par une fornication imaginaire, dirige toutes ses fonctions vers ces fins, vers la recherche curieuse des choses matérielles et temporelles au moyen de ses sens; ou, bouffie d'orgueil, elle aspire à s'élever au-dessus des autres âmes, livrées comme elle à l'empire des (500) sens, ou enfin elle se plonge dans le sale bourbier de la volupté charnelle.

CHAPITRE X. ON NE DESCEND QUE PAR DEGRÉS DANS L'ABÎME DU VICE.

1215 15. Quand l'âme, dans son intérêt ou dans celui des autres, cherche avec bonne volonté les biens intérieurs et supérieurs, qui ne sont point le lot de quelques-uns, mais la propriété commune de tous ceux qui les aiment, et dont on jouit avec un chaste amour, sans sollicitude et sans jalousie; s'il lui arrive alors de se tromper par ignorance dans quelque opération relative aux choses passagères qu'elle administre dans le temps, et où elle n'a pas su garder la juste mesure, c'est là une tentation qui tient à l'humanité. Et c'est une grande chose de passer cette vie, qui n'est pour ainsi dire qu'une voie de retour, sans qu'il nous survienne autre chose que des tentations qui tiennent à l'humanité (1Co 10,13). Car c'est là une faute hors du corps, qui n'est point réputée fornication et par là même se pardonne très-facilement. Mais quand l'âme fait quelque chose pour acquérir ce qui excite les sensations du corps, dans le désir de les expérimenter, d'y exceller, de les toucher et d'y trouver comme le terme de son bonheur, quoi qu'elle fasse alors, elle pèche et se déshonore; elle commet la fornication en péchant contre son propre corps (1Co 6,18); puis important au dedans d'elle-même les simulacres trompeurs des objets corporels et bâtissant sur eux des rêves au point de ne plus rien voir de divin hors d'eux, avare égoïste elle se remplit d'erreurs, et prodigue égoïste elle se dépouille des vertus (Rétract., liv. 2,ch. 15,n. 3). Elle ne tombe pas tout d'un coup, il est vrai, dans une si honteuse et si misérable fornication, mais il est écrit: «Celui qui méprise les petites choses, tombera peu à peu (Si 19,1)».

CHAPITRE 11. L'IMAGE DE L'ANIMAL DANS L'HOMME.

1216 16. De même que le serpent ne marche pas à découvert, mais rampe par un jeu imperceptible de ses anneaux; ainsi le mouvement de déchéance commence par de faibles négligences, part d'une coupable ambition d'être comme un Dieu et aboutit à rendre semblable à l'animal. C'est ainsi que nos premiers parents, dépouillés de la robe primitive, furent condamnés à couvrir leurs corps mortels de tuniques de peau (Gn 3,21). Car le véritable honneur de l'homme c'est d'être à l'image et à la ressemblance de Dieu: image et ressemblance qui ne se conservent qu'en se maintenant unies à Celui qui les a gravées. Ainsi, moins l'homme s'aime lui-même, plus il s'attache à Dieu. Mais quand il cède au désir d'essayer sa propre puissance, il retombe, par l'effet de sa volonté, sur lui-même comme sur son centre. Ainsi pour vouloir être comme Dieu, libre de tout joug, il déchoit, par punition, de sa position moyenne, et est entraîné vers les choses inférieures, c'est-à-dire vers les jouissances des animaux. Son honneur étant de ressembler à Dieu, son déshonneur est de ressembler aux animaux: «Placé dans une situation honorable, l'homme n'a pas compris sa grandeur; il s'est assimilé aux animaux privés de raison et leur est devenu semblable (Ps 58,13)». Or comment, de si haut, tomberait-il si bas, sans passer par lui-même? En effet, quand, abandonnant l'amour de la sagesse qui reste toujours immuable, on ambitionne la science qui se fonde sur l'expérience des choses changeantes et passagères, cette science enfle et n'édifie pas (1Co 8,1); l'âme comme accablée de son propre poids est exclue de la béatitude, et, par l'expérience de sa propre médiocrité, elle apprend à ses dépens quelle distance il y a entre le bien qu'elle a perdu et le mal qu'elle a commis; et vu la dissémination et la perte de ses forces, elle ne peut plus revenir si la grâce de son Créateur ne l'appelle à la pénitence et ne lui remet ses péchés. Car qui délivrera l'âme malheureuse du corps de cette mort, sinon la grâce de Dieu par Jésus-Christ Notre-Seigneur (Rm 24,25)? Nous parlerons de cette grâce en temps et lieu, avec l'aide du Seigneur.

CHAPITRE XII. IL SE FAIT UN CERTAIN MARIAGE MYSTÉRIEUX DANS L'HOMME INTÉRIEUR. COMPLAISANCE DANS LES PENSÉES ILLICITES.

1217 17. Achevons maintenant, avec l'aide du Seigneur, de traiter de cette partie de la raison à laquelle appartient la science, c'est-à-dire la (501) connaissance des choses temporelles, acquise pour les opérations de cette vie. De même que, lors du mariage bien connu de nos premiers parents, le serpent ne mangea point du fruit défendu, mais détermina seulement à en manger; que, d'autre part, la femme n'en mangea pas seule, mais en donna à son mari et que tous deux en mangèrent, bien que la femme ait seule conversé avec le serpent et eût seule été séduite par lui (Gn 3,1-6);ainsi en est-il de ce qui se passe et se remarque dans l'homme seul; il est séparé de la raison de la sagesse par suite, d'un secret et mystérieux mariage avec le mouvement de l'âme sensuelle, le mouvement charnel ou, pour ainsi dire, la tendance vers les sens du corps qui nous est commune avec les animaux. En effet, c'est par le sens du corps que les choses matérielles se font sentir, et c'est par la raison de la sagesse que les choses spirituelles, éternelles et immuables sont comprises. Or, le goût de la science est voisin de la raison, puisque la science, qu'on appelle d'action, raisonne sur les objets matériels qui se font sentir par le sens du corps: et si elle en raisonne bien, c'est pour rapporter cette science à la fin ultérieure qui est le souverain bien; si elle en raisonne mal, c'est pour s'y délecter et y chercher le repos d'une félicité trompeuse.

Quant à cette intention de l'âme, raisonnant vivement et par besoin d'agir sur les choses temporelles et matérielles, le sens charnel ou animal insinue un certain attrait à jouir de soi, c'est-à-dire à user de soi comme d'un bien propre et privé, et non comme d'un bien public et commun qui est le bien immuable, alors c'est comme le serpent parlant à la femme. Or céder à cet attrait, c'est manger du fruit défendu: que si ce consentement se borne à la délectation de la pensée, et que l'autorité du conseil supérieur retienne les membres et les empêche de s'abandonner au péché comme des instruments d'iniquité (Rm 6,13); ce sera comme si la femme mangeait seule du fruit défendu. Mais si le consentement à mal user des choses qui se font sentir par le sens du corps, va jusqu'à décider que tout péché sera, autant que possible, complété par le corps, cette fois je me figure la femme donnant à son mari le fruit défendu pour qu'il en mange avec elle. Car il n'est pas possible de décider qu'on ne se contentera pas de se délecter dans la pensée du mal, mais qu'on passera à l'action, si la volonté de l'âme qui a le pouvoir de mettre les membres à l'oeuvre ou de les empêcher d'agir, ne consent pas et ne se prête pas à l'acte coupable.

1218 18. A coup sûr, par le seul fait que l'âme se complaît par la pensée dans des choses illicites, sans être décidée à les exécuter, mais retenant et méditant avec plaisir ce qu'elle devait repousser à la première apparition, par cela seul, dis-je, on ne peut nier qu'il y ait péché, mais un péché beaucoup moins grave que s'il y avait parti pris de passer à l'action. Il faut donc demander pardon pour des pensées de cette sorte, se frapper la poitrine, en disant: «Pardonnez-nous nos offenses», puis faire ce qui suit et ajouter dans la prière: «Comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés (Mt 6,12)». Car il n'en est pas ici, comme dans le cas de nos deux premiers parents, où chacun ne répondait que pour sa personne, tellement que si la femme seule eût mangé du fruit défendu, elle eût certainement seule été punie de mort. On ne peut pas dire que si, dans l'homme pris isolément, la pensée seule se complaît dans des choses illicites dont elle devait se détourner immédiatement, sans qu'il y ait d'ailleurs volonté d'exécuter le mal, mais seulement délectation causée par réminiscence, on ne peut pas, dis-je, prétendre que la pensée seule mérite punition, comme une femme sans mari: non, gardons-nous de le croire. Car ici il n'y a qu'une personne, il n'y a qu'un homme, et il sera condamné tout entier, à moins que ces péchés commis par la simple pensée, par la seule complaisance en des choses illicites, sans volonté de passer à l'exécution, ne soient remis par la grâce du Médiateur.

1219
19. Ainsi cette discussion dont le but était de chercher dans toute âme humaine un certain mariage rationnel entre la contemplation et l'action, avec distribution d'emplois, sans nuire à l'unité de l'âme, cette discussion, dis-je, à part ce que la divine Ecriture nous raconte en toute vérité des deux premiers hommes vivants, mari et femme, souche du genre humain, n'a pas d'autre but que d'expliquer comment l'Apôtre, en attribuant l'image de Dieu à l'homme et non à la femme, a voulu, dans la différence même du sexe, nous inviter à chercher quelque chose qui fût propre à chaque être humain, pris isolément. (502)

CHAPITRE XIII. OPINION DE CEUX QUI ONT VOULU REPRÉSENTER L'ÂME PAR L'HOMME ET LES SENS PAR LA FEMME.

1220 20. Je sais que, dans les temps qui nous ont précédés, d'excellents défenseurs de la foi catholique et commentateurs des divines Ecritures, en cherchant ces deux principes dans l'homme pris à part, et croyant voir une sorte de paradis dans son âme tout entière, ont pensé que l'homme représentait l'intelligence et la femme le sens du corps. En y réfléchissant sérieusement, tout semblerait s'accommoder parfaitement à cette hypothèse que l'homme est l'intelligence et la femme le sens corporel; si ce n'est qu'il est écrit que, parmi tous les animaux et tous les oiseaux, on ne trouva point d'aide semblable à l'homme, et qu'alors la femme fut tirée de son côté (Gn 2,20-27). Voilà pourquoi je n'admets pas que la femme représente le sens corporel, puisque nous voyons qu'il nous est commun avec les animaux; j'ai cherché quelque chose qui manquât à ceux-ci, et j'ai préféré voir le sens corporel représenté par le serpent qui nous est donné pour le plus rusé de toutes les bêtes de la terre (Gn 3,1). En effet, entre les biens naturels qui nous sont communs avec les animaux privés de raison, il possède à un haut degré une certaine vivacité de sens; non pas ce sens dont il est parlé dans ce passage de l'épître aux Hébreux: «C'est pour les parfaits qu'est la nourriture solide, pour ceux qui ont habituellement exercé leurs sens au discernement du bien et du mal (He 5,14)»; car ces sens de la nature raisonnable appartiennent à l'intelligence; mais ce sens quintuple, distribué en diverses parties du corps, et à l'aide duquel, non-seulement l'homme, mais les animaux perçoivent les figures et les mouvements.

1221 21. Du reste, de quelque manière qu'on interprète les paroles de l'Apôtre appelant l'homme l'image et la gloire de Dieu, et la femme la gloire de l'homme (1Co 11,7), il reste évident que, quand nous vivons selon Dieu, notre âme, attentive à ses perfections invisibles,.doit se former à son propre avantage sur son éternité, sa vérité, sa charité; mais qu'une partie de notre attention rationnelle, c'est-à-dire de notre âme, doit être appliquée à l'usage des choses changeantes et matérielles, sans lesquelles cette vie est impossible; et cela, non pour nous conformer à ce siècle (Rm 12,2), en établissant notre fin dans ces biens et en dirigeant vers eux le désir du bonheur, mais pour agir en vue d'acquérir les biens éternels, dans tout ce que nous faisons de raisonnable dans l'usage des biens temporels, prenant ceux-ci en passant et ne nous attachant qu'à ceux-là.

CHAPITRE XIV. DIFFÉRENCE ENTRE LA SAGESSE ET LA SCIENCE. LE CULTE DE DIEU CONSISTE DANS SON AMOUR. COMMENT LA SAGESSE DONNE LA CONNAISSANCE INTELLECTUELLE DES CHOSES ÉTERNELLES.


La science a aussi sa juste mesure: c'est quand ce qui enfle ou a coutume d'enfler en elle est dominé par la charité éternelle qui, elle, n'enfle pas, comme nous le savons, mais édifie (1Co 8,1). Sans la science, en effet, on ne saurait acquérir les vertus qui font la bonne conduite et guident à travers cette misérable vie, de manière à atteindre la vie éternelle, qui est proprement la vie heureuse.

1222 22. Cependant il y a une différence entre la contemplation des choses éternelles et l'action qui consiste dans l'usage des choses temporelles: la première est attribuée à la sagesse, la seconde à la science. Quoiqu'on puisse aussi donner à la sagesse proprement dite le nom de science, dans le sens où l'Apôtre dit «Maintenant je connais imparfaitement; mais alors je saurai aussi bien que je suis connu moi-même (1Co 13,12)» - et par science, il entend ici évidemment la contemplation de Dieu, qui est la sublime récompense des saints; -cependant quand le même Apôtre dit ailleurs: «A l'un est donnée par l'Esprit la parole de sa gesse, à un autre la parole de la science «selon le même Esprit (1Co 12,8), il distingue sans aucun doute entre ces deux choses, bien qu'il n'explique pas en quoi elles diffèrent ni à quel signe on peut les reconnaître. Mais en lisant et relisant les saintes Ecritures, j'ai trouvé, dans le livre de Job, ces paroles attribuées au saint homme: «La piété, voilà la sagesse; la fuite du mal, voilà la science (Jb 28,28)». Cette distinction fait comprendre que la sagesse appartient à la contemplation et la science à l'action. Par piété, Job entend ici le culte de Dieu, ce que les Grecs appellent (503) Theosebeia; car c'est là le terme qui se lit dans les exemplaires grecs.

Mais, dans les choses éternelles, qu'y a-t-il de plus grand que Dieu, dont la nature est la seule immuable? Et qu'est-ce que son culte, sinon son amour, qui nous fait désirer de le voir, et croire et espérer que nous le verrons? Or, en proportion de nos progrès, «nous voyons maintenant à travers un miroir en énigme, mais alors» nous le verrons dans sa manifestation. Car c'est ce que l'Apôtre veut dire par ces mots «face à face (1Co 13,12)», et aussi ce qu'exprime saint Jean en ces termes: «Mes bien-aimés, nous sommes maintenant enfants de Dieu, mais on ne voit pas encore ce que nous serons; nous savons que lorsqu'il apparaîtra, nous serons semblables à lui, parce que nous le verrons tel qu'il est (1Jn 3,2)». Dans ces passages et dans tous ceux de ce genre, il me semble qu'il est question de la sagesse; tandis que la fuite du mal, que Job appelle la science, appartient sans aucun doute à l'ordre temporel. Car c'est dans le temps que nous sommes sujets aux maux que nous devons éviter pour arriver aux biens éternels. Par conséquent tout ce que nous faisons avec prudence, force, tempérance et justice, appartient à cette science ou doctrine qui règle nos actions en vue d'éviter le mal et de nous procurer le bien. Il en est de même de tous les exemples à rejeter ou à imiter, et de tous les documents propres à éclairer notre conduite, qui nous sont fournis par la connaissance de l'histoire.

1223 23. Il me semble donc que tout ce qu'on dit là-dessus se rapporte à la science, et qu'il ne faut pas confondre ce langage avec celui qui a trait à la sagesse, à laquelle appartient, non ce qui a été ou ce qui sera, mais ce qui est: toutes les choses qui sont dites passées, présentes et futures à cause de l'éternité où elles existent, sans aucun changement dû au temps. Car elles n'ont pas été pour cesser d'être, ni elles ne laissent pas d'être à présent pour exister à l'avenir; mais l'être qu'elles ont aujourd'hui, elles l'ont toujours eu et l'auront à jamais. Or, leur existence n'est point locale, comme celle du corps; mais, dans leur nature immatérielle, elles sont aussi intelligibles et perceptibles pour le regard de l'intelligence, que les objets qui occupent l'esprit sont visibles ou palpables pour les sens du corps. Et non-seulement les raisons intellectuelles et immatérielles des choses sensibles occupant l'espace subsistent sans être dans l'espace; mais les raisons mêmes des mouvements passagers, intellectuelles, elles aussi, et non sensibles, subsistent en dehors du cours du temps. Il n'est donné qu'à un petit nombre de les atteindre par le regard de l'âme; et quand on y parvient - autant que cela est possible -l'esprit ne saurait s'y fixer; son regard est comme repoussé, il ne peut songer qu'en passant à des choses qui ne passent pas.

Cependant cette pensée, en passant par les enseignements que l'âme reçoit, tombe dans le domaine de la mémoire, où elle pourra du moins revenir, puisqu'elle ne peut pas s'y fixer. Et si elle ne revient pas à la mémoire, pour y retrouver ce qu'elle lui avait confié, alors, comme une ignorante, elle sera reconduite comme la première fois à la source où elle avait d'abord puisé, dans la vérité immatérielle, d'où le type serait de nouveau imprimé dans la mémoire. Si par exemple la raison d'un corps carré reste en elle-même immatérielle et immuable, la pensée de l'homme ne saurait cependant s'y fixer, à supposer qu'il puisse la concevoir en dehors de l'espace local. Ou encore si le rythme d'un son produit par l'art de la musique, en passant à travers le temps, peut être saisi, on peut aussi, en dehors du temps, dans un intime et profond silence, y penser au moins tant qu'on peut l'entendre chanter; cependant ce que le regard de l'âme en aura pris en passant et comme au vol, qu'elle aura ensuite savouré, digéré et mis en réserve dans sa mémoire, elle pourra le ruminer, pour ainsi dire en souvenir et faire passer dans ses connaissances acquises ce qu'elle aura ainsi appris. Que si l'oubli a tout effacé, l'enseignement peut ramener de nouveau ce qui était entièrement perdu et le faire retrouver tel qu'il était.

CHAPITRE XV. CONTRE LA RÉMINISCENCE DE PLATON ET DE PYTHAGORE. PYTHAGORE DE SAMOS. COMMENT IL FAUT CHERCHER LA TRINITÉ DANS LA SCIENCE DES CHOSES TEMPORELLES.

1224 24. Platon, cet illustre philosophe, est parti de ce point pour établir en principe que les âmes des hommes ont vécu ici-bas avant même (504) d'être unies à leurs corps; d'où il concluait qu'apprendre était moins acquérir une connaissance nouvelle que d'en rappeler une ancienne, Il apporte en preuve l'exemple de je ne sais quel enfant, qui, interrogé sur la géométrie, répondit comme un homme consommé dans cette science. Questionné graduellement et d'une manière capricieuse, il voyait ce qu'il fallait voir et disait ce qu'il avait vu. Mais si ce n'était là qu'une réminiscence de choses autrefois connues, tous ni même le plus grand nombre ne seraient pas capables de répondre à des interrogations de ce genre; car tous n'ont pas été géomètres dans leur vie antérieure, puisqu'il y a si peu de géomètres parmi les hommes qu'en trouver un est une rareté. Il faut plutôt croire que la nature de l'âme intelligente est telle que, d'après le dessein du Créateur, elle découvre tout ce qui se rattache naturellement aux choses intellectuelles, au moyen d'une certaine lumière immatérielle spéciale, sui generis, de la même manière que l'oeil de la chair voit ce qui l'entoure à l'aide de cette lumière matérielle qu'il peut recevoir et pour laquelle il a été organisé. Car s'il n'a pas besoin de maître pour distinguer le blanc et le noir, ce n'est pas parce qu'il les a connus avant d'être créé dans le corps. En outre, pourquoi est-ce seulement dans les choses intellectuelles qu'il arrive de voir quelqu'un répondre conformément à une science qu'il ignore? Pourquoi personne ne le peut-il pour les choses sensibles, à moins de les avoir vues de ses propres yeux, ou de s'en rapporter à ceux qui les ont connues et en ont écrit ou parlé?

Car il ne faut pas en croire ceux qui racontent que Pythagore de Samos se rappelait certaines choses qu'il aurait éprouvées, lorsqu'il habitait un autre corps sur cette terre: ce qu'on rapporte aussi de quelques autres qui auraient fait la même expérience. Ce sont là de fausses réminiscences, telles que nous en éprouvons dans les songes, quand il nous semble nous souvenir d'avoir fait ou vu ce que nous n'avons jamais fait ni vu. Ces sortes d'affections se produisent aussi, même en dehors du sommeil, sous l'influence des esprits méchants et trompeurs, qui s'attachent à affermir ou à créer des idées fausses sur les émigrations des âmes, afin de tromper les hommes. Et la preuve est que si c'étaient là de vrais souvenirs se rattachant à des sensations éprouvées dans d'autres corps, tous, ou à peu près tous, les auraient, puisque, dans cette opinion, on suppose un passage perpétuel de la vie à la mort et de la mort à la vie, comme de la veille au sommeil et du sommeil à la veille.

1225 25. Si donc la vraie différence entre la sagesse et la science consiste en ce que la connaissance des choses éternelles appartient à la première, tandis que la connaissance rationnelle des choses temporelles est du domaine de la seconde, il n'est pas difficile de juger à laquelle des deux il faut donner ou refuser la préférence. Mais s'il faut chercher un autre signe caractéristique pour discerner ces deux choses, entre lesquelles l'Apôtre reconnaît évidemment une différence, quand il dit: «A l'un est donnée par l'Esprit la parole de sa-«gesse; à un autre la parole de science par le même Esprit»; tout au moins entre les deux qui nous occupent la différence est parfaitement claire: l'une est la connaissance intellectuelle des choses éternelles; l'autre, la connaissance rationnelle des choses temporelles, et personne n'hésitera à mettre celle-là au-dessus de celle-ci. Ainsi donc quand, laissant de côté ce qui appartient à l'homme extérieur, nous aspirons à nous élever intérieurement au-dessus de tout ce qui nous est commun avec les animaux: avant de parvenir à la connaissance des choses intellectuelles et supérieures, qui sont éternelles, nous rencontrons la connaissance rationnelle des choses temporelles. Trouvons donc en celle-ci, si cela est possible, une espèce de trinité, comme nous en avons trouvé une dans les sens de notre corps et dans les images qui s'introduisent par leur entremise dans notre âme ou dans notre esprit: ainsi, en place des objets matériels perçus au dehors par le sens corporel, nous aurons intérieurement des ressemblances de corps imprimées dans la mémoire, desquelles la pensée se formera à l'aide d'un tiers, de la volonté qui saura les unir; tout comme le regard des yeux est aussi formé par la volonté qui l'applique à l'objet visible pour produire la vision, et les unit l'un à l'autre, en se posant elle-même en tiers.

Mais ne rattachons point à ce livre des idées trop succinctes sur ce sujet. Réservons-nous, si Dieu nous aide, de donner à ces recherches une étendue suffisante dans le livre suivant, et d'exposer le résultat de nos découvertes. (505)




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LIVRE TREIZIÈME: TRINITÉ DANS LA FOI.



Trinité dans la science. - Eloge de la foi chrétienne. - Comment la foi des croyants est individuelle. - Tous désirent le bonheur, et cependant tous n'ont pas la foi qui conduit au bonheur. Or cette foi ne se trouve que dans le Christ qui est ressuscité d'entre les morts; lui seul peut délivrer de l'esclavage du démon par la rémission des péchés. - Ce n'est point par la force, mais par la justice, que le Christ a dû vaincre le démon quand les paroles de la foi sont confiées à la mémoire, il se forme dans l'âme une sorte de trinité, puisque les sons des paroles sont dans la mémoire, même quand l'homme n'en forme aucune pensée; que, quand il y pense, la vision de la mémoire prend naissance, et qu'enfin la volonté unit le souvenir et la pensée.

CHAPITRE PREMIER. LES ATTRIBUTIONS DE LA SAGESSE ET DE LA SCIENCE, D'APRÈS LES ÉCRITURES.

1301 1. Dans le livre précédent, le douzième de l'ouvrage, nous avons suffisamment cherché à établir la différence entre la fonction de l'âme raisonnable agissant dans les choses temporelles, qui ne renferme pas seulement la connaissance, mais s'étend aussi à l'action; et l'autre fonction plus parfaite de la même âme consistant dans la contemplation des choses éternelles et se bornant à la connaissance. Il est à propos, ce me semble, de citer ici quelques passages des Ecritures, pour rendre cette distinction plus sensible.

1302 2. Saint Jean commence ainsi son évangile: «Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu et le Verbe était Dieu. C'est lui qui au commencement était en Dieu. Toutes choses ont été faites par lui, et sans lui rien n'a été fait. Ce qui a été fait, en lui était la vie, et la vie était la lumière des hommes, et la lumière luit dans les ténèbres, et les ténèbres ne l'ont pas comprise. Il y eut un homme envoyé de Dieu, dont le nom était Jean. Celui-ci vint comme témoin pour rendre témoignage à la lumière, afin que tous crussent par lui. Il n'était pas la lumière, mais il devait rendre témoignage à la lumière. Celui-là était la vraie lumière, qui illumine tout homme venant en ce monde. Il était dans le monde, et le monde a été fait par lui et le monde ne l'a pas connu. Il est venu chez lui, et les siens ne l'ont pas reçu. Mais il a donné le pouvoir d'être faits enfants de Dieu, à tous ceux qui l'ont reçu, à ceux qui croient en son nom; qui ne sont point nés du sang, ni de la volonté de la chair, ni de la volonté de l'homme, mais de Dieu. Et le Verbe a été fait chair, et il a habité parmi nous (et nous avons vu sa gloire comme la gloire qu'un fils unique reçoit de son père) plein de grâce et de vérité (Jn 1,1-4)».

La première partie de ce texte de l'Evangile que j'ai cité en entier se rapporte à ce qui est immuable et éternel et dont la contemplation nous rend heureux; dans ce qui suit, les choses éternelles se trouvent mêlées aux choses temporelles. Par conséquent certaines choses y ont trait à la science, et d'autres à la sagesse, suivant la distinction établie dans le douzième livre. En effet ces paroles: «Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu et le Verbe était Dieu; c'est lui qui au commencement était en Dieu. Toutes choses ont été faites par lui et sans lui rien n'a été fait. Ce qui a été fait, en lui était la vie, et la vie était la lumière des hommes, et la lumière luit dans les ténèbres, et les ténèbres ne l'ont pas comprise»; ces paroles, dis-je, se rapportent à la vie contemplative et présentent un objet qu'on ne peut voir que par l'âme intellectuelle. Et, là, il est hors de doute que plus on fera de progrès, plus on deviendra sage. Mais, d'après ce qui suit: «La lumière luit dans les ténèbres et les ténèbres ne l'ont pas comprise», la foi était évidemment nécessaire pour croire ce qu'on ne voyait pas. Par ténèbres, l'évangéliste entend ici les coeurs des hommes qui se détournent de cette lumière et sont incapables de la voir; c'est pourquoi il ajoute: «Il y eut un homme envoyé de Dieu, dont le nom était Jean; celui-ci vint comme témoin pour rendre témoignage à la lumière, afin que tous crussent par lui». Voici déjà qui s'est passé dans le temps et appartient à la science que procure la connaissance de l'histoire. Or, nous nous figurons Jean comme un homme, d'après la notion de la nature humaine imprimée en (506) notre mémoire. En ceci croyants et incrédules sont d'accord: car tous savent ce que c'est que l'homme, dont ils ont connu la partie extérieure, c'est-à-dire le corps, par les yeux du corps, et la partie intérieure, c'est-à-dire l'âme, par eux-mêmes, puisqu'ils sont hommes: connaissance qui s'entretient par leurs rapports avec l'humanité, en sorte qu'ils peuvent saisir le sens de ces expressions: «Il y eut un homme dont le nom était Jean», puisqu'ils connaissent des noms pour en avoir entendu et en avoir exprimé eux-mêmes. Quant à ce qu'on ajoute: «Envoyé de Dieu», les croyants l'admettent, les incrédules en doutent ou en rient. Néanmoins les uns et les autres, à moins d'être du nombre de ces insensés extravagants, qui disent en leur coeur: «Il n'y a point de Dieu (Ps 13,1)», tous en entendant ces paroles, ont la même pensée, savent ce que c'est que Dieu, ce que c'est que d'être envoyé par Dieu; et s'ils ne le savent pas exactement, ils en ont du moins une idée quelconque.

1303 3. Or, cette foi que chacun voit en son coeur, comme présente s'il est croyant, comme absente s'il est incrédule, nous la connaissons par un autre moyen que les sens. Il n'en est plus ici comme des corps que nous voyons de nos yeux corporels, et auxquels nous pouvons penser en dehors de leur présence, ou au moyen de leurs images imprimées en notre mémoire; ni comme des choses que nous n'avons pas vues, dont nous nous formons, d'après celles que nous avons vues, une idée quelconque que nous confions à notre mémoire pour y recourir à volonté, et voir ces choses, ou plutôt pour voir en souvenir leurs images que nous avons fixées plus ou moins exactement; ni comme d'un homme vivant, dont l'âme, bien que nous ne la voyions pas, nous est connue par la nôtre, dont les mouvements corporels attestent la vie à nos yeux, et que nous pouvons encore revoir par la pensée. Non: ce n'est pas ainsi que la foi se fait voir dans le coeur où elle habite, par celui qui la possède; mais il la connaît d'une science très-certaine et par le cri de sa conscience. Et bien que l'on nous ordonne de croire, précisément parce que nous ne pouvons voir ce que l'on nous ordonne de croire, néanmoins nous voyons cette foi en nous, quand elle y est: parce que la foi aux choses même absentes, est présente; parce que la foi aux choses extérieures, est intérieure; parce que la foi aux choses qui ne se voient pas, est visible, et qu'elle se forme dans le temps au coeur des hommes, et en disparaît quand de fidèles ils deviennent infidèles. Mais quelquefois on croit à des choses fausses; il est même reçu dans le langage de dire: On a ajouté foi à un tel, et il a trompé. C'est avec raison que cette sorte de foi - si elle mérite ce nom - disparaît du coeur, quand la vérité, une fois découverte, l'en expulse. Or il est désirable que la foi aux choses vraies devienne la réalité même. On ne peut pas dire en effet que la foi a disparu, quand on voit ce que l'on croyait. Mais peut-on encore lui conserver le nom de foi, après la définition que donne l'Apôtre dans l'Epître aux Hébreux, où il dit que la foi est la conviction des choses qu'on ne voit point (He 11,1)?

1304 4. Les paroles qui suivent: «Celui-ci vint comme témoin pour rendre témoignage à la lumière, afin que tous crussent par lui», se rapportent, comme nous l'avons dit, à l'action temporelle. En effet, c'est dans le temps qu'on rend témoignage de la chose éternelle, qui est la lumière des intelligences. C'est pour rendre témoignage de cette chose qu'est venu Jean qui «n'était point la lumière, mais pour rendre témoignage à la lumière». Car l'Evangéliste ajoute: «Celui-là était la vraie lumière, qui illumine tout homme venant en ce monde. Il était dans le monde, et le monde a été fait par lui, et le monde ne l'a pas connu. Il est venu chez lui, et les siens ne l'ont point reçu». Ceux qui savent notre langue comprennent toutes ces expressions d'après les choses qu'ils connaissent. De ces choses, les unes nous sont connues par les sens du corps, comme l'homme, par exemple, comme le monde, dont nous voyons si clairement l'étendue, comme les sons de ces paroles mêmes, car l'ouïe est aussi un sens; les autres ne sont comprises que par la raison de l'âme, comme celles-ci par exemple: «Et les siens ne l'ont pas reçu». Le sens est en effet: Ils n'ont pas cru en lui, et cette idée, ce n'est point par les sens du corps, mais par la raison de l'âme, qu'elle vient en nous. Quant aux paroles mêmes - je ne parle pas des sons, mais de leurs significations - nous les avons apprises en partie par le sens du corps, en partie par la raison de l'âme. Ce n'était pas pour la (507) première fois que nous les entendions, mais celles que nous avions entendues, - et non-seulement ces paroles, mais aussi leurs significations - nous les connaissions, nous les tenions dans notre mémoire, et nous n'avons fait que les reconnaître ici. Le dissyllabe «monde n, par exemple, en tant que son, est une chose matérielle et se perçoit par le corps, c'est-à-dire par l'oreille; mais ce qu'il signifie est aussi connu par le corps, c'est-à-dire par les yeux de la chair. En effet le monde, en tant qu'il est connu, est connu par la vue. Mais ce mot de quatre syllabes, crediderunt (ils ont cru), en tant que son, est aussi connu par l'oreille de la chair, puisqu'il est matériel; seulement ce n'est plus le sens du corps, mais la raison de l'âme, qui en fait connaître la signification. En effet, si nous ne connaissions pas par notre âme ce que signifie: Ils n'ont pas cru, nous ne saurions pas quelle est la chose que n'ont pas voulu faire ceux dont on dit: «Et les siens ne l'ont pas reçu». Le son du mot frappe donc extérieurement les oreilles du corps, et atteint le sens qu'on appelle l'ouïe. La forme de l'homme est également une connaissance imprimée en nous-mêmes, et extérieurement présente aux divers sens du corps: aux yeux, quand on le voit; aux oreilles, quand on l'entend; au toucher, quand on le tient et qu'on le touche; notre mémoire en garde même l'image, incorporelle il est vrai, mais semblable à un corps. Le monde enfin, cette merveilleuse beauté, est aussi extérieurement présent et à nos yeux, et à ce sens qu'on appelle le toucher, quand nous en touchons quelque chose; mais, au dedans de nous encore, notre mémoire en garde l'image à laquelle nous recourons par la pensée, quand nous sommes renfermés entre des murailles ou plongés dans les ténèbres. Du reste, nous nous sommes assez étendu, dans le onzième livre, sur ces images des choses matérielles, immatérielles elles-mêmes, mais semblables aux corps et appartenant à la vie de l'homme extérieur. Maintenant il s'agit de l'homme intérieur et de sa science des choses temporelles et changeantes. Quand, pour atteindre son but, cette science emprunte quelque chose à ce qui appartient à l'homme extérieur, ce doit être pour en tirer un enseignement à l'appui de la science rationnelle. C'est ainsi que l'usage rationnel de ce que nous avons de commun avec les animaux privés de raison, appartient à l'homme intérieur, et on ne peut dire qu'il nous soit commun avec les animaux privés de raison.


Augustin, Trinité 1213