Chrysostome sur Eph 2404

2404 4. Quand donc vous trouverez dans l'Ecriture « Qu'il avait fermé son sein ; et que sa rivale la persécutait »,songez que Dieu voulait par là montrer la sagesse d'Anne. Voyez plutôt, son mari lui était attaché, il lui disait : « Ne suis-je pas bon pour toi plus que dix enfants ? Et sa rivale la persécutait » ; elle l'injuriait, l'insultait. Et jamais Anne ne répondit aux mauvais procédés de cette femme, jamais elle ne proféra d'imprécation contre elle, jamais elle ne dit : Ma rivale m'outrage, venge-moi. Cette rivale avait des enfants . mais elle avait, elle, pour compensation l'amour de son mari. C'est par là qu'il la consolait, disant: « Ne suis-je pas bon pour toi plus que dix enfants? » Mais considérons encore la sagesse d'Anne. «Et Héli crut qu'elle était ivre ». Voyez maintenant sa réponse : « Ne croyez pas que votre servante soit comme une fille de Bélial ; car il n'y a que l'excès de ma douleur et de mon affliction qui m'ait fait parler jusqu'à cette heure ».Voilà qui marque véritablement un coeur contrit : ne pas s'irriter ou s'offenser des injures, se justifier seulement. Rien n'affermit un coeur dans la sagesse, comme. l'affliction; rien n'est doux comme la douleur selon Dieu. « Il n'y a que l'excès de ma douleur et de mon affliction qui m'ait fait parler jusqu'à cette heure ». Imitons-la, tous tant que nous sommes. Ecoutez, vous toutes qui êtes stériles, vous toutes qui désirez des enfants, écoutez, hommes et femmes. Car souvent les hommes se joignent à ces supplications. Ecoutez ce que dit l'Ecriture : « Et Isaac priait au sujet de Rébecca, sa femme, parce qu'elle était stérile ». (Gn 25,21) Grand est le pouvoir de la prière.

« En toute instance et supplication pour a tous les saints, et pour moi ». Il se nomme en dernier lieu. Que fais-tu, bienheureux Paul? Tu te places au dernier rang? Oui, dit-il : « Afin que, lorsque j'ouvrirai la bouche, des paroles me soient données pour annoncer avec assurance le mystère de l'Evangile, dont j'exerce la légation dans les chaînes ». Auprès de qui exerces-tu cette légation ? Auprès des hommes. O bonté de Dieu ! Il a envoyé du ciel des ambassadeurs en son nom, au nom de la paix : et les hommes les ont pris et enchaînés, sang même observer cette loi du droit des gens ; que la personne d'un ambassadeur est inviolable: Néanmoins j'exerce ma légation dans les chaînes. La captivité m'empêche de parler librement : mais votre prière m'ouvrira la bouche, afin que je puisse dire avec assurance ce que je dois dire : en d'autres tenues, afin que je dise tout ce que j'ai été chargé de dire. « Et pour que vous sachiez les circonstances où je me trouve, et ce que je fais, Tychique, notre frère, et fidèle ministre du Seigneur, vous apprendra toutes choses ». S'il est fidèle, il ne mentira pas, il ne dira que la vérité. «Lequel j'ai envoyé vers nous exprès pour que vous sachiez ce qui nous concerne, et qu'il console vos coeurs ». Ah ! quel amour ! Il veut dire : afin que ceux qui voudraient vous effrayer ne le puissent pas : les Ephésiens devaient être en effet dans les angoisses : cela résulte de ces mots : « Afin qu'il console vos coeurs »: Afin qu'il vous empêche de tomber dans le découragement. « Paix à nos frères et charité avec la foi, par Dieu le Père et par le Seigneur Jésus-Christ». Il leur souhaite la paix et la charité avec la foi. Sage précaution : car il ne veut pas que leur charité soit sans discernement, qu'ils se mêlent aux infidèles. Voilà ce qu'il veut dire ou bien il s'exprime ainsi pour qu'ils aient foi, pour qu'ils aient bonne espérance au sujet des biens futurs. La paix vis-à-vis de Dieu est en même temps la charité. En effet, s'il y a paix, il y aura charité; s'il y a charité, il y (569) aura paix. « Avec la foi ». La charité n'est bonne à rien, sans la foi : ou plutôt, sans la foi, la charité est impossible. « Et que la grâce a soit avec tous ceux qui aiment Notre-Seigneur Jésus-Christ dans l'incorruptibilité. Ainsi soit-il ». Ici il distingue et met à part ces deux choses, la paix et la grâce. « Dans l'incorruptibilité. Ainsi soit-il ». Qu'est-ce à dire, « Dans l'incorruptibilité? » Cela signifie ou avec sagesse, ou encore pour les choses incorruptibles : et non pour l'argent et la gloire. « Dans », c'est; par. « Par incorruptibilité », c'est-à-dire par vertu. Car tout péché est une corruption : et si l'on emploie ce mot en parlant d'une vierge séduite, on peut aussi l'appliquer à l'âme. C'est pour cela que Paul a dit : « Que vos pensées ne soient jamais corrompues », et ailleurs : « L'incorruptibilité dans la doctrine ».

2405 5. Qu'est-ce, en effet, dites-moi, que la corruption du corps? N'est-ce pas une dissolution générale qui en atteint jusqu'à la charpente? La même chose arrive pour l'âme, une fois que le péché s'y est introduit. La beauté de l'âme, c'est la chasteté, la justice ; la santé de l'âme, c'est le courage, la sagesse. La laideur est le partage du débauché, de l'avare, de celui qui fait le mal : le pusillanime, le lâche, sont des infirmes, des malades. On voit donc clairement par là que les péchés engendrent la corruption, puisqu'ils nous rendent laids, infirmes, et ébranlent notre santé. Si nous employons justement le même mot en parlant d'une vierge séduite, ce n'est pas seulement en vue de l'atteinte qu'a reçue sa personne, c'est encore en vue de la faute commise : car il né s'agit que d'une union charnelle : et si ce fait constituait une corruption, il faudrait voir une corruption dans le mariage. Ce n'est donc pas le rapprochement des sexes qui fait la corruption, mais bien le péché : car, en péchant, la tille s'est déshonorée. Considérons encore les choses par un autre côté : Pour une maison, la corruption, la perte, qu'est-ce autre chose que la ruine? En toutes choses la corruption consiste dans le passage à un état pire qui se substitue à l'état précédent et n'en laisse subsister aucune trace. Ecoutez plutôt ce que dit l'Ecriture : « Toute chair a corrompu sa voie » (Gn 6,12); et ailleurs: «.Dans une corruption insupportable » ; et encore : « Des hommes d'un esprit corrompu ».. (2Tm 3,8) Notre corps est périssable, mais notre âme est immortelle de sa nature. N'allons donc pas la corrompre, elle aussi. La mort du corps est l'effet de l'ancien péché : mais les péchés commis après le baptême ont le pouvoir de gâter l'âme elle-même, et de la mettre à la merci du ver immortel, qui né la toucherait point, si elle n'était tombée en corruption. Le ver ne s'attaque point au diamant : quand bien même il y toucherait, ce serait en pure perte. Gardez-vous donc de corrompre votre âme : car la corruption produit l'infection. Ecoutez plutôt le prophète : « Mes plaies ont été remplies d'infection et de pourriture, à cause de ma folie ». (Ps 37,6) Or une de ces corruptions revêtira l'incorruptibilité, l'autre, non (car l'incorruptibilité ne sera que l'incorruptibilité d'une corruption). Il y a donc une corruption incorruptible, c'est-à-dire sans fin, il y a une mort immortelle; ce qui serait le cas, si le corps demeurait immortel. Si donc, quand nous quittons la terre, nous portons en nous la corruption, cette corruption sera incorruptible et sans fin. En effet, brûler et n'être point consumé, être dévoré éternellement par un ver, c'est une corruption incorruptible. Une chose analogue arriva pour le bienheureux Job : il était en corruption et ne périssait pas : quand il se grattait, il sortait de la poussière avec du pus de son corps, et cela pendant longtemps. C'est un supplice analogue que l'âme endurera alors, assaillie et rongée par les vers, non pendant deux années, ni trois, ni dix, ni cent, ni dix mille, mais durant un temps infini. « Leur ver ne périra point, est-il écrit ». (Mc 9,45)

Craignons, redoutons ces paroles, je vous en conjure, afin de ne pas les voir se réaliser pour notre malheur. C'est une corruption que l'avarice, une corruption pire que toute autre, qui conduit à l'idolâtrie. Fuyons la corruption, visons à l'incorruptibilité. Vous. avez fait tort à un tel? Ce tort est passager, mais l'avarice demeure; la corruption devient un principe d'incorruptibilité; la jouissance passe, mais le péché reste incorruptible. C'est un terrible malheur que de ne pas se purifier complètement dans la vie présente : c'est une grande infortune que de partir pour l'autre vie tout chargé de péchés. « Dans l'enfer, qui vous confessera? » (Ps 6,6) Au jour du jugement, il n'est plus temps de se repentir. Quels (570) gémissements n'a point poussés le mauvais riche? mais ce fut en vain. Que ne disent pas ceux qui n'ont pas nourri Jésus-Christ? Néanmoins ils sont précipités dans le feu éternel. Que ne disent point alors ceux qui ont commis l'iniquité? «Seigneur, n'avons-nous point prophétisé en votre nom? n'avons-nous pas en votre nom chassé les démons? » Néanmoins ils ne sont pas reconnus. Toutes ces choses sont alors inutiles, si l'on n'a point fait ici-bas ce qu'il fallait faire. Craignons donc d'avoir à dire alors : « Seigneur, quand vous avons-nous vu affamé, et ne vous avons-nous pas, nourri,? » Nourrissons-le maintenant, non pas un joui?, ni deux, ni trois; car il est écrit : « Que la miséricorde et la vérité ne vous abandonnent point ». L'Ecriture ne dit pas : Agissez ainsi une fois ou deux . car les vierges aussi: avaient eu de l'huile, mais elles ne surent pas la conserver. Ainsi donc nous avons besoin de beaucoup d'huile, et il faut que nous soyons comme un olivier fertile dans la maison de Dieu. Que chacun de nous songe aux péchés dont il est chargé, et les compense par des charités, ou plutôt fasse bien plus que les compenser, afin que non-seulement nos péchés soient effacés, mais que de plus nos bonnes couvres nous soient imputées à justification. Car si nos bonnes actions ne sont pas assez nombreuses pour nous décharger, d'une part, de nos fautes, et de l'autre, offrir un excédant qui nous soit compté à justification, personne ne nous préservera du supplice: auquel puissions-nous tous échapper par la grâce et la charité de Notre-Seigneur Jésus-Christ, avec qui gloire, puissance, honneur, au Père et au Saint-Esprit, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

Traduit par M. X…

FIN DE L’ÉPÎTRE AUX ÉPHÉSIENS (1).

1 Les difficultés que Savilius et les récents éditeurs d'Oxford ont rencontrées dans la constitution du texte souvent si difficile et si défiguré de ce commentaire, nous les avons éprouvées, nous aussi, et à plus forte raison, en le traduisant. Nous ne nous flattons nullement d'avoir éclairci partout ce que l'état actuel du texte rend incompréhensible en plusieurs endroits, indépendamment de la difficulté de la matière : et nous sommes forcé, en finissant ce pénible travail, de répéter, pour notre compte, l'aveu de Savilius, dont les derniers éditeurs disent dans leur préface (page 3) : Neque tamen posuit, ut ipse fatetur, in libro tam mendoso, quod voluit, praestore. (Sancti Joannis Chrysostomi Interpretatio omnium Epistolarum Paulinarum, tom. IV; Oxonii, apud J. H. Parker). La traduction latine d'Hervet à laquelle nous avons souvent recouru, est d'ailleurs très-éloignée de la perfection : mais la perfection, en pareil cas, c'est l'impossible.





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