Chrysostome, Psaumes 119

PSAUME 120 (Vulgate 119)

119Ps 120 NV

Cantique des degrés; suivant une autre version: Chant de l'ascension,-
"J'ai crié vers le Seigneur dans ma détresse, et Il m'a exaucé.",v.1.

1. Tous les autres psaumes ont des titres particuliers, ici au contraire plusieurs psaumes se trouvent réunis sous un seul et même titre: "Cantique des degrés;" ou suivant une autre version: "Chant de l'ascension." Quelques interprètes leur donnent même nom le nom de degrés. Pourquoi cette dénomination? me demanderez-vous. A ne considérer que le point de vue historique, c'est parce qu'il est question dans ces psaumes du retour de Babylone et de la captivité du peuple de Dieu. Mais dans le sens anagogique ils sont ainsi appelés parce qu'ils conduisent dans le chemin de la vertu. C'est l'explication donnée par un grand nombre d'interprètes. En effet, le chemin qui mène à la vertu est semblable à des degrés qui élèvent peu à peu l'homme sage et vertueux jusqu'à ce qu'ils l'aient conduit jusqu'au ciel. D'autres, prétendent que ce titre fait allusion à l'échelle que Jacob vit en songe et dont une extrémité touchait aux cieux. C'est ainsi que les lieux trop élevés et qui sont inabordables deviennent accessibles au moyen de degrés et d'échelles. Mais ceux qui gravissent une côte élevée, arrivés à une certaine hauteur, sont ordinairement pris de vertige; il est donc nécessaire d'affermir non seulement ceux qui montent, mais ceux qui sont parvenus au sommet. Or, l'unique moyen de sécurité est de ne point considérer l'espace que nous avons franchi pour en concevoir de l'orgueil, mais de jeter les yeux sur celui qui nous reste à gravir, et de nous efforcer d'y arriver. C'est ce que saint Paul nous enseigne lorsqu'il disait: "Oubliant ce qui est derrière nous, et nous avançant vers ce qui est devant nous." (Ph 3,13). Telle est l'interprétation de ce titre dans le sens anagogique.
Revenons maintenant, si vous le voulez, au sens historique, il a pour objet ceux qui ont été délivrés de la captivité. Quelle a été la cause de cette délivrance? Le désir qu'ils avaient de revoir la ville de Jérusalem. Aussi pour ceux qui n'avaient pas ce même désir, la grâce de Dieu fut complètement inutile, ils passèrent le reste de leur vie et moururent dans la servitude, et le même sort nous attend si nous imitons leur conduite. Oui, si au lieu d'être enflammés d'amour pour la céleste Jérusalem, nous restons attachés étroitement à la vie présente, et plongés dans la fange des sollicitudes de la terre, nous ne pourrons jamais arriver à la patrie. "J'ai crié vers le Seigneur lorsque j'étais dans l'affliction, et Il m'a exaucé." Voyez vous à la fois l'avantage de l'affliction et la promptitude du secours de Dieu? L'avantage de l'affliction qui leur inspire de faire à Dieu de saintes prières, la promptitude avec laquelle Dieu vient à leur secours, puisqu'à peine L'ont-ils invoqué Il les exauce. C'est ce qu'il avait fait précédemment pour leurs ancêtres dans l'Egypte. "J'ai considéré attentivement, dit-Il, l'affliction de mon peuple, j'ai entendu ses gémissements, et Je suis descendu pour le délivrer." (Ex 3,7-8). Vous donc, mon très-cher frère, lorsque la tribulation vous atteint, ne vous laissez aller ni au désespoir ni à la négligence, mais redoublez bien plutôt de zèle, car c'est alors que vos prières sont plus pures et la bienveillance de Dieu pour vous plus grande. Faites en sorte que toute votre vie soit une vie laborieuse et pénible, et rappelez-vous que tous ceux qui veulent vivre avec piété en Jésus Christ seront persécutés. (2Tm 3,12), et que c'est par beaucoup de tribulations qu'il nous faut entrer dans le royaume de Dieu. (Ac 14,21). Ne désirez donc pas une vie molle et dissolue et ne cherchez pas à marcher par la voie large qui ne conduit pas au ciel, mais prenez bien plutôt la voie étroite et difficile. Voulez-vous parvenir dans les demeures célestes? fuyez les plaisirs, foulez aux pieds la pompe extérieure de cette vie, méprisez les richesses, la gloire et la puissance, attachez-vous au contraire à la pauvreté, à la componction du coeur, aux larmes, et à tous les moyens qui peuvent assurer votre salut. Ces dispositions vous inspireront une sécurité parfaite, et donneront des ailes à vos prières. Soyez animés de ces sentiments, invoquez Dieu dans cet esprit, et vous serez infailliblement exaucé. C'est ce qui fait dire au Prophète: "Lorsque j'étais dans l'affliction, j'ai crié vers Dieu et Il m'a exaucé." Il veut vous apprendre à vous élever peu à peu, à donner pour ainsi dire des ailes à vos prières, afin de ne point vous laisser abattre par les tribulations, et de vous les rendre au contraire utiles et profitables.
Le prophète Élisée, qui n'était qu'un homme, ne permit pas à son disciple de repousser une femme qui venait le trouver: "Laissez-la lui dit-il, car son âme est dans l'amertume." (2R 4,27). C'est-à-titre qu'aux yeux du prophète, son excuse et sa défense étaient son affliction. Comment donc supposer que Dieu vous repousse si vous vous approchez de Lui avec une âme plongée dans l'amertume? Voilà pourquoi Jésus Christ Lui-même proclame bienheureux ceux qui pleurent, et malheureux ceux qui sont dans la joie. (Lc 6,25). Aussi commence-t-il ses béatitudes par ces paroles: "Heureux ceux qui pleurent." (Mt 5,5). Si donc vous voulez monter ces degrés, retranchez de votre vie tout ce qui sent la mollesse et la nonchalance, astreignez-vous à un genre de vie sévère, séparez-vous de tous les soucis de la terre. C'est là le premier degré; car il est tout à fait impossible de franchir ce degré et de rester attaché à la terre.

11902 2. Vous voyez combien le ciel est élevé, vous connaissez la brièveté du temps, vous savez combien la mort est incertaine. Ne différez donc point, ne tardez point d'un seul instant, mais entreprenez ce voyage avec un zèle ardent, afin que vous puissiez monter deux, trois, dix et même vingt degrés dans un seul jour.
"Seigneur, délivrez mon âme des lèvres injustes et de la langue trompeuse." (
Mt 2). Voyez-vous ici la pratique évidente de ce précepte évangélique: "Priez, afin de ne point entrer en tentation?" (Lc 22,46). C'est qu'en effet, mon très-cher frère, il n'y a point de tentation plus dangereuse que d'être en butte aux attaques d'un homme trompeur. Un animal féroce est moins à craindre, car il se montre tel qu'il est, tandis que le trompeur cache si soigneusement son poison sous le voile de la douceur, qu'il est impossible de découvrir ses embûches, et que vous tombez sans défiance dans la fosse creusée sous vos pas. Aussi, le Roi-prophète ne cesse-t-il de prier Dieu de le délivrer de ces ennemis cachés. Or, s'il faut éviter les hommes fourbes et dissimulés, combien plus les trompeurs et ceux qui enseignent de fausses doctrines. Mais regardez surtout comme des lèvres trompeuses celles qui cherchent à attaquer la vertu et à entraîner dans le vice. Voilà pourquoi le Prophète demande à Dieu de délivrer son âme, car c'est contre elle que tous les traits sont dirigés. "Quel prix vous sera donné, quel fruit vous reviendra-t-il de votre langue trompeuse ?" (Lc 3). Une autre version porte: "Que vous donnera, que vous rapportera la langue trompeuse?" Une autre: "Que vous a donné, que vous a rapporté la langue qui est l'instrument de l'imposture ?" En s'exprimant de la sorte, le Roi-prophète veut nous montrer toute l'étendue, comme aussi toute la laideur de ce genre de méchanceté. Voyez en effet son indignation, sa colère même dans ces paroles: "Que recevrez-vous, et quel fruit vous reviendra-t-il de votre langue trompeuse ?" C'est-à-dire, quel supplice sera digne d'un tel crime? C'est le langage qu'lsaïe tenait aux Juifs: "Comment vous frapper encore davantage, vous qui ne cessez d'ajouter à vos, prévarications ?" (Is 1,5); paroles qui reviennent à celles du Prophète: "Que recevrez-vous, et quel fruit vous reviendra-t-il de votre langue trompeuse ?" ou bien encore il veut dire que l'homme fourbe trouve son supplice dans son crime et qu'il prévient le châtiment qui lui est réservé par là même qu'il engendre le vice de son propre fonds. Il n'y a point en effet de plus grand supplice pour l'âme que le vice, avant même qu'il soit puni. Quel châtiment donc -serait digne d'un tel crime? Il n'y en a point ici-bas, Dieu seul peut égaler ici le châtiment à la faute. L'homme resterait nécessairement en dessous, car ce genre de méchanceté est au-dessus de tout châtiment. Dieu seul peut le punir comme il le mérite, et c'est ce que le psalmiste veut faire entendre en ajoutant: "Des flèches aiguës, poussées par une main puissante, avec des charbons dévorants." (Is 4). Ces flèches sont ici le symbole du châtiment. Une autre version porte: "Les flèches du puissant sont aiguës avec des charbons amassés." Une autre: "Avec des charbons de genévrier," expressions métaphoriques qui ont pour but d'augmenter en nous la crainte du supplice. En effet, cette expression, "charbons amassés," et cette autre: "charbons de genévrier," ont le même sens. L'une fait ressortir la multitude des châtiments, et l'autre leur intensité. La traduction des Septante: "Avec des charbons dévorants," présente la même idée, c'est-à-dire avec des charbons qui dévastent, qui consument, qui anéantissent. Les saintes Écritures veulent nous représenter la Vengeance de Dieu sous ces images terribles pour nous, de flèches et de feu. Pour moi, il me semble voir ici une figure des peuples barbares, et c'est dans ce sens qu'un interprète a traduit: "Délivrez mon âme de la lèvre menteuse." Telles sont en effet leurs paroles, telles sont leurs rusés et leurs embûches, tout y respire la fourberie et le crime y abonde. "Malheur à moi, parce que mon exil s'est prolongé, j'ai habité sous les tentes de Cédar." (Is 5). Une autre version porte: "Malheur à moi parce que j'ai prolongé mon séjour," Une autre: "Malheur à moi d'avoir été si longtemps dans une terre étrangère." C'est le cri de douleur des captifs de Babylone, mais saint Paul parlant de l'exil qui se prolonge sur cette terre, s'écrie aussi: "Pendant que nous sommes dans ce corps comme dans une tente, nous gémissons sous sa pesanteur," (2Co 5,4). Et dans un autre endroit: "Non seulement les créatures gémissent, mais nous-mêmes qui possédons les prémices de l'Esprit, nous gémissons au dedans de nous." (Rm 8,23). Qu'est-ce en effet que la vie présente? un véritable exil. Et que dis-je, un exil? elle est mille fois plus triste qu'un exil. Aussi notre Seigneur Jésus Christ Lui-même l'appelle-t-il un chemin. "La porte de la vie est étroite, et le chemin qui y conduit est resserré," (Mt 7,14). La première chose confine la plus importante pour nous à savoir, c'est que nous ne sommes dans cette vie que des voyageurs. Les anciens patriarches le reconnaissaient hautement, et c'est ce qui les rend dignes de toute notre admiration. Vérité que saint Paul exprimait lorsqu'il disait: "C'est pour cette raison que Dieu ne rougit point d'être appelé leur Dieu," (He 11,16). Quelle est cette raison? Parce qu'ils ont confessé qu'ils étaient étrangers et voyageurs sur cette terre. (He 13). Voilà la racine et le fondement de toute vertu. Celui qui reste étranger au milieu des choses d'ici-bas, deviendra citoyen du ciel. Celui qui est étranger ici-bas ne mettra point sa joie dans les biens de ce monde, il n'aura aucun souci, ni de la maison qu'il habite, ni des richesses, ni des aliments nécessaires à la vie, ni d'autres choses semblables. Voyez ceux qui habitent un pays étranger, le but unique de toutes leurs pensées, de tous leurs efforts, c'est d'être rendus à leur patrie, et ils se hâtent chaque jour de se rapprocher de la terre qui les a vu naître.
Ainsi, celui qui est enflammé du désir des biens célestes ne se laisse ni abattre par les tribulations, ni enfler d'orgueil par les prospérités de la vie présente, il passe entre ces deux écueils comme celui qui ne songe qu'à continuer sa route. Voilà pourquoi notre Seigneur nous ordonne de dire dans vos prières: "Que ton règne arrive," (Mt 6,1 Lc 11,2). Il veut que nous ayons toujours dans le coeur le désir et l'amour de ce jour heureux, et que l'ayant sans cesse devant les yeux, nous n'arrêtions même plus nos regards sur les choses présentes. Eh quoi ! les Juifs, tant était grand leur désir de revoir Jérusalem, pleurent encore au souvenir du passé, même après leur délivrance, quelle sera donc notre excuse, quelle sera notre défense, si notre coeur n'est embrasé d'un ardent amour pour la Jérusalem céleste ?

11903 3. Voyez comment les Juifs eux-mêmes déplorent le malheur où ils sont réduits de vivre au milieu de leurs ennemis: "J'ai habité, disent-ils, sous les tentes de Cédar, trop longtemps j'ai demeuré en ces lieux." Ils ne gémissent pas seulement d'être retenus sur une terre étrangère, mais d'habiter au milieu de peuples barbares. C'est aussi ce que faisaient les prophètes dans leurs lamentations sur la vie présente. "Malheur à moi, disaient-ils, parce que le saint a disparu de la terre, et il n'y a plus de juste parmi les hommes." (Mi 7,1-2). Et le psalmiste lui-même s'écrie: "Sauvez-moi, Seigneur, parce qu'il n'y a plus d'homme saint sur la terre." (Ps 11,2). En effet, ce qui rend cette vie un fardeau accablant, ce ne sont point seulement les nombreuses vanités et les soucis multipliés dont elle est remplie, mais le grand nombre de méchants qu'on y rencontre. Rien n'est plus désagréable, rien n'est plus pénible que de vivre avec de tels hommes. Ni la fumée, ni la vapeur ne fatiguent autant les yeux que le commerce avec les hommes pervers ne porte la tristesse dans l'âme. N'entendez-vous pas notre Seigneur Jésus Christ Lui-même vous apprendre combien il est pénible de vivre avec les méchants? Lorsqu'Il s'écrie: "Jusques à quand serai-Je avec vous? jusques à quand vous supporterai-Je ?" (Mt 17,17), n'est-ce pas dire en termes équivalents: "J'ai habité sous les tentes de Cédar ?" Ces peuples barbares qui n'ont que des tentes ou des huttes pour habitation, traitent ceux qu'ils ont vaincus avec la cruauté des bêtes sauvages dont ils semblent avoir pris les instincts féroces. "Trop longtemps j'ai demeuré en ces lieux." Comment le peuple juif peut-il dire "trop longtemps," puisque la captivité ne dura que soixante-dix ans? Ce qui lui fait trouver long ce temps, ce n'est pas le nombre des années, mais les dures épreuves de l'exil. Le temps est court, il est vrai, mais il paraît long à ceux qui souffrent. Tels doivent être nos sentiments, et quelque courte que soit notre vie sur la terre, le désir des biens célestes doit nous la faire paraître bien longue. Si je parle de la sorte, ce n'est point pour accuser la vie présente, loin de moi cette pensée, car elle est l'oeuvre de Dieu; non, je voudrais seulement vous exciter à l'amour des biens éternels, détacher votre coeur des jouissances de la vie présente et l'affranchir de la servitude du corps. Je voudrais que vous ne soyez pas comme ces âmes basses et vulgaires qui regardent la vie la plus longue comme étant toujours trop courte. Quoi de plus déraisonnable? mais aussi quoi de plus grossier que ces hommes à qui l'on offre le ciel et tous ces biens "que l'oeil n'a point vus, que l'oreille n'a point entendus," (1Co 2,9), et qui soupirent ardemment après des ombres, et veulent traverser le détroit de cette vie, bien qu'ils soient continuellement le jouet des flots soulevés, des tempêtes et des naufrages? Que les sentiments d'un saint Paul étaient bien différents. Il se pressait, il se hâtait d'arriver au ciel, une seule chose le retenait, le salut des hommes.
"J'étais pacifique avec ceux qui haïssaient la paix; lorsque je leur parlais, ils s'élevaient contre moi sans sujet." (1Co 7). Voyez comme le prophète fait ressortir tout ce qu'une telle vie a de pénible. Il ne dit pas: J'étais pacifique avec ceux qui n'ont pas la paix, mais: "J'étais pacifique avec ceux qui haïssaient la paix." Voilà l'avantage de la tribulation, voilà les fruits de la captivité. Mais qui de nous aujourd'hui pourrait tenir ce langage? C'est beaucoup pour nous d'être pacifiques avec les amis de la paix, pour lui, il l'était avec ceux qui haïssaient la paix. Comment pourrons-nous arriver à ce degré de vertu, si nous vivons ici-bas comme des étrangers (car j'en reviens de nouveau à cette condition nécessaire, comme des voyageurs qui ne se laissent arrêter par aucune des choses qui se présentent à leurs regards? En effet, la cause principale des dissensions et des guerres, c'est l'amour des biens de la terre, la passion de la gloire, de l'argent et des plaisirs. Coupez tous ces liens, qu'aucun d'eux ne retienne votre âme enchaînée, vous verrez alors quel est le principe de ces guerres, et quel fondement il faut donner à la vertu. C'est pour cela que Jésus Christ nous recommande d'être comme des brebis au milieu des loups. (Mt 10,16). Il ne veut pas que vous puissiez dire: J'ai tant souffert, que mon caractère en est aigri. Vos souffrances fussent-elles mille fois plus nombreuses, vous dit-Il, conservez la douceur de la brebis, et vous triompherez facilement des loups. Vous êtes en lutte avec un homme pervers et corrompu, mais les forces dont vous disposez vous rendent supérieur à tous les efforts des méchants. Quoi de plus doux qu'une brebis? Quoi de plus féroce qu'un loup? Et cependant la brebis triomphe du loup, comme nous le voyons dans la personne des apôtres. Car rien n'égale la puissance de la douceur, ni la force de la patience. Et c'est pourquoi Jésus Christ veut que nous soyons comme des brebis au milieu des loups. Mais ce n'est pas assez de cette recommandation, et il semble que cette douceur de la brebis ne suffit pas à celui qui se déclare son disciple, il ajoute donc: "Soyez simple comme des colombes." C'est-à-dire qu'Il veut que nous réunissions la mansuétude des deux animaux les plus remarquables par leur douceur et leur simplicité, tant est grande la douceur dont nous devons faire preuve parmi les hommes d'un caractère violent. Ne dites donc pas: C'est un méchant homme, je ne puis le supporter; car s'il faut faire preuve de douceur, c'est surtout dans nos rapports avec les hommes sans humanité; c'est alors que cette vertu apparaît dans toute sa force, c'est alors qu'elle atteint son objet dans toute son étendue, et que ses fruits brillent de tout leur éclat. "Lorsque je leur parlais, ils s'élevaient contre moi sans raison." Une autre version porte: "Lorsque je leur parlais, ils me déclaraient la guerre" ou bien: "Lorsque, je leur parlais, ils combattaient contre moi;" c'est-à-dire, c'est au moment même que je m'entretenais avec eux, que je leur donnais des marques d'amitié, en leur adressant les paroles les plus bienveillantes, c'est alois qu'ils s'emportaient, et qu'ils ourdissaient leurs ruses, sans que rien fut capable de les arrêter. Et cependant en face de ces dispositions haineuses, ma douceur ne se démentait pas. Voilà quels doivent être nos sentiments; qu'ils ne répondent à notre amour que par des outrages et des mauvais traitements, qu'ils nous tendent des pièges, ne laissons pas de leur opposer la même vertu.,
Rappelons-nous la parabole qui nous commande d'être comme des brebis au milieu des loups, et nous leur inspirerons ainsi des sentiments plus doux, et nous mériterons les biens du ciel. Puissions-nous les posséder tous un jour, par la grâce et la miséricorde de notre Seigneur Jésus Christ à qui soit la gloire dans les siècles des siècles. Amen.



PSAUME 121 (Vulgate 120)

120Ps 121 NV


Cantique des degrés. Suivant une autre version: Cantique que l'on chantait lorsqu'on montait les degrés. - "J'ai levé les yeux vers les montagnes d'oit me viendra le secours." Suivant un autre interprète: "Je lève les yeux vers les montagnes d'où me viendra le secours." v,1.

1. Vous voyez une âme qui plongée dans un abîme de maux, sans trouver les moyens d'en sortir, jette ses regards vers Dieu pour qu'Il daigne la consoler. Voilà encore une fois les avantages et les précieux fruits des tribulations, elles tirent l'âme de son sommeil, elles lui donnent des ailes, elles lui font implorer le secours d'en haut, et la détachent de toutes les espérances de cette vie. Si les souffrances de la captivité ont rendu meilleurs les Juifs, et leur ont fait tourner leurs regards vers le ciel, malgré leurs inclinations grossières et leur attachement à la terre, n'est-il pas bien plus juste que nous imitions leur conduite en recourant à Dieu au milieu de nos malheurs, nous qui sommes tenus à une perfection beaucoup plus grande? Ils étaient alors au milieu de leurs ennemis, sans ville, sans forteresses, sans aucun secours du côté des hommes, sans argent, sans aucune autre ressource; ils vivaient comme des captifs, comme des esclaves au milieu de leurs traîtres et de leurs ennemis. C'est alors qu'écrasés sous le poids de leurs infortunes, ils recouraient à la Main invincible de Dieu, et que privés de tout secours humain, ils trouvaient dans ce délaissement universel un motif de s'élever à la plus haute sagesse.
Voilà ce qui leur dictait cette prière: "J'ai levé les yeux vers les montagnes, d'où me viendra le secours." Tout ce que nous pouvions attendre des hommes nous fait défaut, tout nous manque, tout nous échappe, nous n'avons plus qu'une seule espérance de salut, celle qui vient de Dieu.
"Mon secours me viendra du Seigneur qui a fait le ciel et la terre." (Ps 2). Voyez comme ils cherchent Dieu dans tous les objets créés: la terre, le ciel, les montagnes, les déserts, tout leur rappelle son souvenir. Voyez encore comme leur âme s'élève et proclame en toutes circonstances la souveraine providence de Dieu. Car ce n'est pas sans motif que le psalmiste ajoute: "Qui a fait le ciel et la terre ?" Voici le raisonnement que renferment ces paroles: Si Dieu a fait le ciel et la terre, Il peut donc venir à notre aide dans une terre étrangère, et jusque dans ce pays barbare, nous tendre une main secourable, et sauver de pauvres exilés. Une seule parole Lui a suffi pour créer les éléments, Il pourra donc à plus forte raison nous délivrer de ce peuple barbare. Vous voyez à quelle haute sagesse s'élèvent dans la terre d'exil ceux qui avaient moins d'intelligence que les pierres. Ce n'est plus le souvenir du temple, c'est la pensée du ciel et de la terre qui se présente à leur esprit. Les entendez-vous en effet proclamer le Dieu Créateur, sa Sagesse et sa Providence? Eux qui disaient auparavant au bois: "Vous êtes mon Dieu," et à la pierre: "Vous m'avez engendré;" (Jr 2,27), reconnaissant maintenant le Créateur de l'univers: "Mon secours me viendra du Seigneur," je ne l'attends ni des hommes, ni des chevaux, ni des richesses, ni des alliés, ni de la force des remparts. Notre secours viendra de Dieu; c'est un secours insurmontable, une protection invincible, et avec cela rien n'égale la facilité avec laquelle nous pouvons obtenir ce secours divin. Point de longs voyages à entreprendre, point de gardiens à flatter, point de dépenses à faire, point d'ambassadeurs à envoyer. Chacun peut sans sortir de chez soi se ménager ce secours, il suffit de se détacher de toutes les choses de la terre, d'être plein d'espérance, et de fixer constamment les yeux perçants de l'âme sur les hauteurs des cieux. Pourquoi l'homme est-il le seul parmi tous les êtres animés que Dieu ait créé droit, avec les yeux à la partie supérieure du corps? N'est-ce pas pour lui apprendre à s'élever au-dessus des choses sensibles et à regarder le ciel? L'homme seul a été créé de la sorte, tous les autres animaux marchent courbés, et leurs regards sont toujours fixés sui la terre. L'homme au contraire, porte la tête élevée vers le ciel, pour qu'il en fasse l'unique objet de ses pensées, de ses méditations, et qu'il exerce les yeux pénétrants de son âme à en contempler les richesses. C'est ce qui faisait dire à l'auteur du livre de la Sagesse: "Les yeux du sage sont à sa tête." (Qo 2,14). C'est-à-dire, il est affranchi de toutes les choses basses et terrestres, il parcourt les cieux pour en contempler les mystères sublimes.
"Ne laissez point ébranler votre pied, et que celui qui vous garde ne s'endorme point." (Qo 3). Voyez-vous la vigilance que ces paroles exigent de nous? Les Juifs désirent qu'on vienne à leur secours, ils implorent la protection divine, et le Roi-prophète leur enseigne à peu près en ces termes, la conduite qu'ils doivent tenir, pour arriver à ce but: Voulez-vous obtenir le secours du ciel? assurez-vous-le par vos propres efforts. Et que devons-nous faire pour cela? "Ne laissez pas ébranler votre pied," c'est-à-dire ne vous laissez ni renverser ni abattre, et alors Dieu vous tendra la main, et vous n'aurez à craindre ni qu'Il vous abandonne, ni qu'Il s'éloigne de vous. C'est donc à nous à commencer, et le succès est en notre pouvoir. Puisqu'il en est ainsi, lorsque nous voulons obtenir quelque faveur divine, il nous faut, telle est la Volonté de Dieu, prêter, notre concours, concours bien faible et bien petit, mais absolument nécessaire. Gardons-nous donc de rester plongés dans la négligence, dans l'engourdissement, dans un lâche sommeil et dans la mollesse, mais travaillons activement à notre salut. Voilà pourquoi le père de famille loue des ouvriers jusqu'à la onzième heure. (Mt 20,6). Cependant que pouvaient-ils faire à cette heure avancée? Tout simplement fournir à Dieu l'occasion et le motif de les récompenser. Voilà pourquoi David après avoir dit: "Ne laissez pas ébranler votre pied," ajoute; "Et celui qui vous garde ne s'endormira point," Faites tout ce qui dépend de vous, et Dieu fera le reste. Le psalmiste nous apprend encore que malgré tous nos efforts, nous avons besoin du secours de Dieu pour que notre tranquillité soit immuable et assurée.

12002 2. Mais quel est celui dont le pied se laisse ébranler? Celui qui se jette dans les choses passagères qui n'ont aucun fondement solide, comme l'amour des richesses et le désir des jouissances de la terre. Aussi, voit-on ces hommes chanceler et tomber et se créer les plus grands dangers; ces biens n'ont en effet rien de solide, rien de stable, ils sont sujets à des changement; à des mouvements continuels, ils sont plus agités que les flots, s'écoulent avec plus de rapidité que l'eau courante des fleuves, offrent moins de consistance et sont dispersées plus vite que le sable: "Non, il ne s'endormira pas, il ne sommeillera pas, celui qui garde Israël." (Ps 121,4) S'il vous trouve ainsi disposé, il ne dormira ni ne sommeillera; c'est-à-dire ne craignez de lui ni abandon, ni délaissement, il ne vous laissera point seul à la merci de vos ennemis. Et n'est-ce point ce qu'il veut vous apprendre, lorsqu'il ajoute: "Celui qui garde Israël ?" Que signifient ces paroles? Si depuis tant de siècles et dès le temps de vos ancêtres, tout son objet a été de veiller à votre sûreté, ne craignez pas de le voir jamais faillir à ce devoir, et cesser de veiller sur vous, à moins que vous ne laissiez ébranler votre pied. Que dis-je? non seulement Dieu ne vous abandonnera point, mais il vous assure une protection qui vous mettra à l'abri de tout danger. Entendez ce que vous dit le Roi-prophète: "Le Seigneur vous garde; le Seigneur est sur votre droite pour vous donner sa protection." (Ps 5). Une autre version porte: "II est à votre droite." Il sera votre défenseur, votre allié, votre secours. Remarquez de nouveau que Dieu exige ici vos propres efforts. Empruntant cette figure aux combattants, le psalmiste vous représente Dieu qui se tient à votre droite pour vous rendre invincible, doubler votre action, votre force, votre puissance, vous assurer la victoire et vous faire remporter un triomphe éclatant, parce que la main droite est l'instrument de toutes les actions marquantes que nous faisons. Non content de vous défendre et de vous porter secours, il vous couvrira encore de sa protection. Je le répète, le prophète se sert des choses qui nous sont connues, pour nous représenter le secours de Dieu; et cette droite et cette protection nous fait comprendre la garde rigoureuse et le secours toujours prochain que nous avons droit d'attendre de lui.
"Le soleil ne vous brûlera point durant le jour, ni la lune pendant la nuit." (Ps 6). Ce prodige eut lieu en faveur des Israélites après leur sortie d'Egypte et pendant leur séjour dans le désert; ces paroles sont le symbole d'une sécurité parfaite. Il est vraisemblable qu'à leur retour de la captivité, les Israélites furent l'objet d'un miracle analogue. Par ce langage figuré, le psalmiste veut nous montrer toute l'étendue de la Providence divine, qui non seulement sait délivrer de tous les maux, mais garantit encore ses enfants des incommodités auxquelles les hommes sont naturellement sujets. Dieu, en effet, nous donne sa Protection avec une générosité sans égale, avec une bonté que rien ne peut exprimer. Il ne se contente pas de proportionner son secours à nos besoins, il nous l'accorde avec une libéralité qui surpasse de beaucoup nos désirs. "Le Seigneur vous préservera de tout mal, le Seigneur gardera votre âme." (Ps 7). Puisqu'Il vous affranchit des moindre incommodités, et qu'Il étend jusque-là les soins de sa Providence, Il saura bien vous préserver de tous les autres maux qui peuvent vous menacer. Tout ce qui peut nous arriver de fâcheux cède et disparaît devant un signe de la Volonté de Dieu, ce qui n'est pas au pouvoir des hommes. Ils vous ont délivré d'une épreuve, mais ils n'ont pu vous sauver d'une autre; ou bien s'ils l'ont pu, ils ne l'ont point voulu. Il n'y a que la Main souveraine et toute-puissante de Dieu qui puisse repousser tous les maux qui nous accablent, quels qu'ils soient, et nous procurer une délivrance complète. "Dieu protégera votre sortie et votre rentrée, maintenant et à jamais." (Ps 8). Une autre version porte: "Votre approche." Vous voyez que la Protection de Dieu vous suit dans toutes les circonstances de la vie, à votre entrée comme à votre sortie. Que peut-on comparer à cette charité, à cette miséricorde? Les expressions dont se sert le psalmiste embrassent toute la vie, iront les deux termes extrêmes sont l'entrée et la sortie. Et pour exprimer plus clairement cette vérité, il ajoute: "Maintenant et à jamais." Il ne vous gardera pas seulement un, deux, trois, dix, vingt ou cent jours, mais toujours. Cette persévérance ne se rencontre pas chez les hommes, sujets à tant de retours, à tant de vicissitudes. Celui qui est aujourd'hui votre ami, devient demain votre ennemi, et celui qui vous prête secours en ce montent, vous abandonne l'instant d'après. Souvent même, non content de vous abandonner, il se déclare contre vous et devient un de vos ennemis les plus dangereux et les plus acharnés. Mais au contraire, les dons de Dieu sont immuables, sans interruption, immortels, stables, et n'ont d'autres limites que l'éternité. Faisons donc tous nos efforts pour obtenir ces biens, mériter cette paix assurée et ces jouissances éternelles en Jésus Christ notre Seigneur à qui soit la gloire dans les siècles des siècles. Amen.



PSAUME 122 (Vulgate 121)

121Ps 122 NV

"Je me suis réjoui de ce qui m'a été dit: Nous irons dans la maison du Seigneur." v. 1.

1. Voilà une parole qu'on n'aime guère à entendre aujourd'hui. Qu'on vous invite aux plaisirs du cirque ou au spectacle de l'iniquité, vous y courez en foule. Si ou vous appelle à la maison de la prière, c'est le petit nombre qui répond à cet appel. Les Juifs se conduisaient bien différemment, et quelle honte qu'ils soient ici plus zélés que les chrétiens ! Mais d'où leur venaient donc ces sentiments? Je le dis de nouveau, c'est la captivité qui les rendit meilleurs. Avant cette épreuve, ils n'affectaient que de l'indifférence et du dégoût pour le temple et pour la parole de Dieu, ils se répandaient sur les montagnes, dans les vallons, sur les collines, pour s'y livrer à toute sorte d'impiétés, et voici maintenant qu'ils renoncent à ce culte sacrilège et que cette promesse les enflamme, les ranime, les remplit de courage et de joie. (Am 8,11). Ils avaient souffert de la faim et de la soif, non pas de la faim du pain et de la soif de l'eau, mais de la faim et de la soif de la parole de Dieu; instruits par leurs propres châtiments, ils recherchent maintenant avec plus d'ardeur les biens qu'ils avaient perdus. Ils allaient même jusqu'à embrasser le sol en disant: "Vos serviteurs chérissent les pierres de Sion, ils pleurent sur sa poussière;" (Ps 101,11) Quand viendrai-je et quand paraîtrai-je devant la face de Dieu ?" et encore: "Je me souviendrai de vous dans la terre du Jourdain, et de la petite montagne d'Hermon;" et plus haut: "Je repassais ces paroles dans mon coeur, et je répandais mon âme en moi-même." (Ps 41,3 Ps 41,7 Ps 41,5). Mais quelles sont donc les choses qui se présentent à votre souvenir? "J'entrerai dans le lieu du tabernacle admirable, jusqu'à la maison de Dieu." (Ps 41,5). C'est-à-dire je ferai partie de ces choeurs nombreux, de ces grandes assemblées, qui rendent à Dieu le culte qui Lui est dû. "Nos pieds se sont autrefois arrêtés dans vos parvis, à Jérusalem.". (Ps 2). Une autre version porte: "Je me suis réjouis, lorsqu'ils me disaient: Nous sommes entrés dans la maison du Seigneur, nos pieds se sont arrêtés dans vos parvis, ô Jérusalem." Quelle joie extraordinaire ! Il semble qu'ils sont déjà en possession des biens qui leur sont promis, et cette seule promesse les remplit d'allégresse, tant est grand leur désir de revoir et d'embrasser le temple de Dieu et la ville sainte. Telle a toujours été la conduite de Dieu. Lorsque nous sommes insensibles aux biens que nous possédons, Il nous les arrache des mains, afin que la privation produise en nous ce que la jouissance n'a pu faire. C'est ce changement qui s'opère dans les Juifs, ils s'attachent étroitement à leur ville, à leur temple et rendent à Dieu d'éclatantes actions de grâces de ce qu'ils sont rentrés dans leur patrie.
"Jérusalem qui est bâtie comme une ville, et dont toutes les parties sont dans une parfaite union entre elles." (Ps 3). Ou ces paroles signifient d'après la version des Septante: Jérusalem sera bâtie comme une ville, et il s'agirait du temps qui a précédé sa construction; ou bien d'après une autre version: Nous sommes rentrés dans Jérusalem qui est bâtie comme une ville, ce qui doit s'entendre du temps qui a suivi la captivité. Jérusalem n'était alors qu'un vaste désert, et un amas de ruines, ses tours étaient abattues, ses murs renversés, tristes restes de l'ancienne patrie. A la vue de cette solitude, les Juifs revenant de la captivité, rappellent le souvenir de son ancienne prospérité et de son antique splendeur, et racontent comment cette ville dont la gloire était si éclatante, qui avait un temple, des princes, des rois et des pontifes, dont la richesse et la beauté étaient sans égales, est tombée dans un état aussi humiliant. Le texte même du psalmiste vient à l'appui de cette explication: "Jérusalem qui se bâtit comme une ville." Car alors ce n'était pas encore une ville. Ce qui suit confirme cette explication: "Dont toutes les parties sont dans une parfaite union entre elles." Il décrit ici ses nombreux édifices étroitement reliés entre eux sans la moindre interruption et se prêtant une sûreté mutuelle; partout des maisons compactes, parfaitement distribuées, unies entre elles et servant d'habitation à une population nombreuse. C'est cette idée que rend un autre interprète en traduisant: "Qui est parfaitement unie." A ce premier éloge, le Psalmiste en ajoute un autre: "C'est là que montaient toutes les tribus, les tribus du Seigneur, le témoignage d'Israël, pour y célébrer les louanges du nom du Seigneur." En effet, ce qui était le plus bel ornement de cette ville, c'était moins la grandeur et la magnificence de ces édifices, que la réunion de toutes les tribus qui s'y rendaient pour y tenir des conseils, des assemblées saintes, ou délibérer sur les intérêts du peuple de Dieu. C'est là en effet qu'était le temple et que s'accomplissaient toutes les cérémonies du culte divin. Là étaient les prêtres, les lévites, l'habitation royale, le sanctuaire, les portiques, les sacrifices, l'autel, les tètes et les assemblées solennelles, et pour tout dire en un mot, c'est là que se trouvaient le siège et la forme du gouvernement. Les tribus étaient obligées de s'y réunir trois fois dans l'année, aux fêtes publiques et solennelles de Pâques, de la Pentecôte, de la Scénopégie, ou de la fête des Tabernacles, car il leur était défendu de se réunir ailleurs. C'est donc pour relever cette glorieuse prérogative que le psalmiste dit: "C'est là que montaient les tribus." Une autre version porte: "C'est là que sont montés tous les sceptres;" il ne dit pas seulement les tribus, mais: "les tribus du Seigneur." Toutes les tribus appartenaient bien au Seigneur, mais il ne leur était pas permis d'accomplir ces grands actes de religion dans leur pays, c'était la métropole qui avait l'honneur et le privilège d'attirer et de réunir toutes les tribus dans son sein.

12102 2. Ces grandes réunions avaient pour but de donner aux Juifs la véritable connaissance de Dieu, car en se dispersant de côté et d'autre, ils eussent été exposés à se laisser entraîner au culte des idoles. Voilà pourquoi Dieu leur fit une loi de se rendre à Jérusalem pour y sacrifier, pour y prier, pour y célébrer les grands jours de fête; il voulait ainsi renfermer dans les limites de la ville sainte, arrêter et réprimer leur esprit toujours disposé à s'égarer et à se perdre dans les voies de l'impiété. C'est cette vérité que le prophète exprime, lorsqu'il dit: "Les tribus d'Israël, témoignage du Seigneur." Que veulent dire ces paroles: "Témoignage d'lsraël ?" C'est-à-dire que c'était le plus grand, la preuve et la démonstration la plus forte de la Providence de Dieu, qui ne laissaient aucune excuse aux Juifs prévaricateurs et déserteurs des autels du vrai Dieu pour embrasser le culte des idoles. Dieu ne pouvait donner une preuve plus grande de sa Providence, de sa Puissance, de sa Sagesse. C'est là en effet, qu'était lue cette loi qui contenait l'histoire des faits éclatants, accomplis dans les temps anciens. Ces réunions resserraient encore les liens de la charité, par les rapports mutuels qu'elles établissaient entre eux. Ces fêtes qui se célébraient à Jérusalem étaient une occasion pour les différentes tribus d'entretenir des relations entre elles, et ces réunions générales dans la ville sainte étaient pour tous la source d'une crainte de Dieu plus grande, d'une piété plus vive, et d'autres biens innombrables"Pour célébrer le temple du Seigneur," c'est-à-dire pour rendre grâces à Dieu, pour L'adorer, pour Le prier, Lui faire des offrandes et des sacrifices qui les portaient à la piété, et les affermissaient dans l'observation des pratiques de leur religion.
"Car c'est là qu'ont été dressés les trônes pour rendre la justice, les trônes pour la maison de David." (
Ps 5). Voici une autre prérogative de la ville sainte; c'est qu'elle était la ville royale, c'est le sens de ces paroles: "C'est là qu'ont été dressés les trônes pour rendre la justice, les trônes pour la maison de David." Suivant une autre version: "Les trônes de la maison de David." Jérusalem était en effet le siège d'une double souveraineté, la souveraineté des prêtres et celle des rois, unies entre elles par un lien étroit, et qui ornaient cette ville d'une double couronne et d'un double diadème. Là siégeaient les juges, à qui étaient déférées toutes les causes qui dépassaient la capacité des juges ordinaires. Ainsi, lorsqu'une sentence rendue dans les autres villes, soulevait quelque doute, la cause, comme cela se pratique dans les appels, était soumise à l'appréciation des juges qui siégeaient à Jérusalem, pour recevoir une solution définitive. Voilà ce qui existait dans les temps anciens; mais quel affligeant spectacle cette ville nous offre aujourd'hui. Une solitude profonde, un amas de ruines, quelques restes d'édifices échappés à la destruction et à l'incendie, et d'un aspect misérable, tristes et seuls vestiges qui peuvent à peine donner une faible idée de sa grandeur première. Aussi le psalmiste ne veut point que son discours se termine par un aussi triste tableau, et il donne aux Juifs des espérances plus consolantes.
"Demandez tout ce qui peut contribuer à la paix de Jérusalem." (Ps 6). Que signifient ces paroles: "Demandez tout ce qui peut contribuer à la paix de Jérusalem ?" ou si l'on veut, priez, implorez. Une autre version porte: "Aimez Jérusalem d'un amour tendre." C'est-à-dire, demandez qu'elle soit rétablie dans son ancienne prospérité, délivrée de ces guerres si fréquentes, et à l'abri de tout danger. Ces paroles sont donc une prière, ou si l'on aime mieux, une prédiction: "Demandez tout ce qui peut contribuer à la paix de Jérusalem," c'est-à-dire la paix sera désormais son partage. "Et que ceux qui vous aiment soient dans l'abondance." Une autre version porte: "Qu'ils jouissent du repos," Une autre: "Qu'ils soient heureux, ceux qui vous aiment." Voilà en effet le comble du bonheur, Jérusalem ne sera pas la seule à jouir de tant d'avantages, ils sont également assurés à tous ceux qui l'aiment. C'est ce qui ne se voyait pas autrefois, car ses ennemis acharnés qui lui déclaraient la guerre, avaient en partage la force, la puissance, la gloire, et la victoire suivait partout leurs pas. Maintenant au contraire, ceux qui vous aiment jouissent d'une tranquillité assurée, ils seront à l'abri des mêmes remparts. Le psalmiste veut parler ici ou de ceux qui devaient faire cause commune avec la ville de Jérusalem, ou de ses habitants eux-mêmes, "vue la paix soit dans votre force." Une autre version porte: "Dans vos remparts." Une autre: "Dans votre enceinte." Que signifient ces paroles: "Dans votre force ?" C'est-à-dire dans ce qui fait votre constitution, dans vos habitants, dans votre prospérité. La guerre est une chose funeste et elle avait été cause de sa ruine; voilà pourquoi il lui souhaite la paix. "Et que l'abondance soit dans vos tours." Un autre interprète traduit: "Dans vos palais." Un autre:
"Le bonheur". Un autre: "La tranquillité." Ce n'est pas seulement la délivrance de tous ses maux qu'il lui prédit, mais l'heureux assemblage de tous les biens, la paix, l'abondance, la fertilité. En effet, à quoi servirait la paix à ceux qui souffrent de la pauvreté, de l'indigence et de la faim? Et de quelle utilité serait l'abondance au milieu des horreurs de la guerre? Il lui prédit donc ces deux grands biens, l'abondance et la paix qui lui permettront d'en jouir. "C'est à cause de mes frères et de mes proches." (Ps 8). Ou il veut parler ici des peuples voisins qui avaient applaudi à la ruine de Jérusalem, et il demande à Dieu la paix, afin de les humilier et de leur faire connaître la Puissance de Dieu; ou bien ces frères sont les habitants de Jérusalem. C'est donc dans l'intérêt de mes frères et de mes proches que je demande la paix pour qu'ils respirent enfin, puisqu'ils ont profité des dures leçons de l'adversité: "J'ai parlé de paix, en parlant de toi." "A cause de la maison du Seigneur notre Dieu, je fais des voeux pour ton bonheur." (Ps 9). Une autre version porte: "Je parlerai de paix pour toi." Il vient de dire: "C'est à cause de mes frères et de mes proches." Mais ce n'est pas sur leurs mérites qu'il se fonde pour demander à Dieu la paix; il le prie de les combler de nouveaux bienfaits. C'est pour cela qu'il ajoute: "A cause de la maison du Seigneur notre Dieu;" c'est en vue de sa Gloire, c'est pour que son culte soit rétabli, et que ses divins enseignements se répandent de plus en plus. Parmi les Juifs en effet, les uns étaient nés pendant la captivité, les autres avaient été témoins du départ pour l'exil et du retour. Lors donc qu'ils avaient accompli leurs devoirs religieux, les anciens leur rappelaient les événements passés, leur prospérité, le cours fortuné de leurs entreprises, et la perte subite de tous ces avantages. Vous voyez comme il réprime en eux tout sentiment d'orgueil. Qu'ils ne s'imaginent pas que tant de biens sont comme la récompense des châtiments qu'ils ont soufferts pour leurs fautes, mais qu'ils sachent que la Gloire de Dieu est le seul motif de leur retour dans leur patrie, et que cette pensée soit à la fois pour eux un principe de sécurité parfaite, et un préservatif contre les crimes qui les exposeraient aux mêmes châtiment.s. Convaincus nous-mêmes de ces vérités, faisons tous nos efforts pour ne point faillir. Et s'il nous arrive de tomber dans le péché, hâtons-nous d'en sortir et de n'y plus retomber, pour ne point entendre ces paroles qui furent dites au paralytique: "Voilà que vous êtes guéri, ne péchez plus désormais, de peur qu'il ne vous arrive quelque chose de pis." (Jn 5,14). En parlant de la sorte, notre Seigneur a voulu apprendre aux bons à conserver avec le plus grand soin leur innocence, et à ceux qui ont été délivrés de leurs péchés à persévérer dans l'heureux changement qui s'est opéré en eux, afin que tous ensemble ils arrivent à la possession des biens éternels. Puissions-nous tous les obtenir par la grâce et la Bonté de notre Seigneur Jésus Christ, à qui soit la gloire et la puissance dans les siècles des siècles. Amen.





Chrysostome, Psaumes 119