Chrysostome Homélies 19700

19700

Septième homélie.

Traduit par M. C. PORTELETTE.




ANALYSE.

La septième et dernière homélie nous apprend que nous pouvons nous élever jusqu'à la vertu de Paul, puisqu'il. était homme comme nous; elle décrit ce zèle et cette assurance qu'il communiquait à ses disciples, et qui croissaient d'autant plus qu'on voulait les enchaîner, en retenant sa personne dans les fers; elle vante cette sainte hardiesse qui n'empêchait pas qu'il ne fût simple et docile, qu'il ne se- rendit à tous les conseils qu'on voulait lui donner pour le bien des fidèles.



Toutes les fois que ceux qui portent l'étendard impérial, précédés des trompettes qui les annoncent à grand bruit, et de nombreux soldats, font leur entrée dans les villes, tout le peuple accourt et pour entendre le fracas retentissant, et pour voir l'étendard si haut porté, et pour contempler le brave qui en est chargé. Eh bien! Paul fait son entrée aujourd'hui, non dans une cité, mais dans l'univers, accourons tous ensemble. Il porte l'étendard, non de quelque souverain de la terre, mais la croix de Celui qui règne en haut, la croix du Christ, et ce ne sont pas des hommes qui marchent devant lui, mais des anges, pour rendre honneur à l'étendard ainsi porté, et pour défendre celui qui le porte.

En effet si les simples citoyens qui n'ont aucune part aux affaires publiques, ont un ange gardien que le Seigneur et Maître de l'univers a chargé de leur défense, selon cette parole: L'ange qui m'a délivré dès ma jeunesse (Gn 48,7), à plus forte raison, ceux qui tiennent entre leurs mains toute la terre et qui portent un si lourd fardeau de grâces, ont-ils (362) pour les assister, les puissances d'en-haut. Parmi les gens du monde, ceux qui sont jugés dignes de l'honneur de commander aux autres, sont richement vêtus, parés d'un collier d'or, ils brillent de toutes parts; l'Apôtre a ses chaînes, au lieu d'or, pour parure, et ce qu'il porte, c'est la croix; l'Apôtre est persécuté; l'Apôtre est battu de verges, et souffre la faim. Ne vous affligez pas, mes frères; car cet ornement-là est plus beau que celui des rois, et plus brillant, et agréable à Dieu; aussi celui qui le porte ne se fatigue pas. Car voilà ce qui est admirable, avec ces liens, et ces coups de verges, et ces stigmates il était plus resplendissant que ceux qui portaient le diadème et la pourpre. Il était plus resplendissant; il n'y a pas là un étalage de paroles, et ses vêtements l'ont démontré. Mettez nombre de diadèmes, et entassez les vêtements de pourpre sur un malade, vous ne pourrez éteindre la moindre partie de la fièvre qui le brûle; les tabliers de l'Apôtre artisan touchent à peine les malades, que toute maladie a disparu. Ce qui se comprend: car si des voleurs, à la vue de l'étendard du prince, n'osent approcher, reculent et prennent la fuite, à bien plus forte raison, maladies et démons s'enfuient en voyant l'étendard du Christ. Et maintenant Paul a porté la croix, non qu'il voulut la porter lui tout seul, mais parce qu'il voulait nous apprendre, à tous, à la porter. Aussi disait-il: Soyez mes imitateurs, comme je le suis moi-même de Jésus-Christ; et encore Pratiquez ce que vous avez appris de moi, et ce que vous avez vu en moi; et encore: C'est une grâce qu'il vous a faite, non-seulement de ce que vous croyez en Jésus-Christ, mais encore de ce que vous soufrez pour lui. (Ph 3,17 Ph 4,9 Ph 1,29) C'est que les dignités de la vie présente paraissent, plus relevées quand on ne les voit que dans une seule personne; mais, pour les dons spirituels, c'est tout le contraire; les honneurs qui en dépendent, brillent surtout par le grand nombre de ceux qui les partagent, quand celui qui a reçu le don, ne demeure pas l'unique, mais s'associe des compagnons en foule, pour jouir des mêmes présents que lui. Ainsi, vous le voyez, tous portent l'étendard de Jésus-Christ; chacun le porte devant les nations et devant les rois; mais Paul le porte en face des tourments et des supplices. Toutefois il n'a pas donné aux autres l'ordre de faire comme lui, parce qu'ils auraient plié sous le fardeau.

Avez-vous vu de quelle vertu notre nature peut faire preuve? avez-vous vu qu'il n'y a rien de plus digne d'honneur que l'homme, tout mortel qu'il est, et demeure? Que pouvez-vous me montrer qui soit plus grand que Paul, ou qui l'égale? A quels anges, quels archanges, ne peut-on pas comparer celui qui a fait entendre ces paroles? Dans un corps mortel et corruptible, il a sacrifié pour le Christ tous les biens qui étaient en son pouvoir, disons mieux, ceux mêmes qu'il ne possédait pas; il a renoncé aux choses présentes, aux choses à venir, à tout ce qu'il y a de plus haut et de plus profond, à une autre existence; s'il eût été d'une nature incorporelle, que n'eût-il pas dit, que n'eût-il pas fait? Si j'admire les anges, c'est parce qu'ils ont été jugés dignes d'un si haut rang, et non, parce qu'ils sont des natures incorporelles; le démon aussi est incorporel et invisible, et cependant il est devenu la plus malheureuse de toutes les créatures, pour avoir désobéi à son créateur, à Dieu. C'est de la même cause que vient aussi le malheur des hommes; ce n'est pas de la chair, qui les recouvre à nos yeux, mais du mauvais usage qu'ils font de cette chair. Paul aussi avait un corps. D'où vient qu'il a été si grand? Il doit à ses propres, efforts, et à la grâce de Dieu, la vertu qu'il à montrée, et il la doit à la grâce de Dieu, parce qu'il la devait à ses propres efforts. Car Dieu ne fait point d'acception de personne. Mais, dites-vous, comment est-il possible de l'imiter? Ecoutez sa réponse: Soyez mes imitateurs comme je le suis moi-même de Jésus-Christ. (1Co 11,1) Il a su imiter Jésus-Christ, et vous ne sauriez imiter celui qui est un serviteur aussi bien que vous? Il a rivalisé avec son Seigneur, et vous ne sauriez rivaliser avec votre compagnon? Et que donnerez-vous pour votre excuse? Eh bien, me dit-on, comment l'a-t-il imité? Observez l'imitation au commencement de la conversion de l'Apôtre, dans ses préludes. Il puisa dans les eaux du baptême un zèle si ardent qu'il n'attendit pas l'enseignement d'un maître; il n'attendit pas Pierre, il n'alla trouver ni Jacques, ni personne; emporté par son ardeur, il embrasa la cité au point de faire éclater contre lui une guerre terrible; cette ardeur lui était naturelle, car avant qu'il fût chrétien, il excédait déjà son pouvoir, emprisonnait, jetait dans les fers, confisquait. Ainsi faisait Moïse, sans avoir reçu d'autorité de personne, quand il repoussait la (363) violente injustice exercée par des barbares sur les hommes de sa nation.

Voilà la marque d'une âme généreuse et libre, qui ne supporte pas l'injustice en silence, quoique sans mission pour la combattre. Moïse avait eu raison de s'emparer de cette tâche, Dieu l'a fait voir en lui donnant plus tard l'autorité; c'est ce qu'il a fait voir également au sujet de Paul. Paul aussi avait noblement saisi la mission de la parole et de l'enseignement, et Dieu l'a montré, en se hâtant de l'instituer prédicateur et maître. Si un désir d'honneur et de préséance les avait poussés à s'occuper des affaires, s'ils n'avaient eu en vue que leurs intérêts, on aurait raison de les condamner; mais s'il est vrai qu'ils recherchaient les dangers, qu'ils affrontaient à chaque instant la mort, pour assurer le salut de tous, qui serait assez malheureux pour faire le procès à ce généreux zèle? Que le désir de sauver ceux qui périssaient fût le seul motif de leurs actions, c'est encore ce qu'a prouvé le décret. de Dieu, c'est ce qu'a prouvé la perte de ceux qu'égara une coupable ambition. En effet d'autres ont brigué le pouvoir, le commandement suprême; tous sont morts, les uns brûlés, les autres engloutis dans la terre entr'ouverte; c'est qu'ils ne se proposaient pas l'utilité publique, mais le plaisir d'être au premier rang. Ozias écouta son ambition imprudente (), il fut frappé de la lèpre; Simon en fit autant (Ac 8), il fut condamné, il faillit encourir les derniers supplices; Paul écouta son zèle, mais il fut couronné, car son zèle ne se proposait pas le pouvoir, l'honneur du sacerdoce, mais les charges, les fatigues, les dangers. Et c'est parce qu'un zèle ardent l'a précipité dans la carrière, c'est pour cette raison que son nom est glorieux, qu'il brille dès le début de sa prédication. Un magistrat, même régulièrement établi dans ses fonctions, s'il ne remplit pas ses devoirs, mérite un châtiment sévère; de même celui qui, sans avoir été régulièrement établi, remplit, comme il convient, tous les devoirs, soit du sacerdoce, soit de toute autre charge publique, a droit à toute espèce de récompense. Aussi ne se livra-t-il pas un seul jour au repos, ce saint plus ardent que le feu, à peine sorti de la source sacrée du baptême, enflammé, ne voyant ni les dangers, ni les mépris, ni les insultes, ni l'incrédulité des Juifs, insensible à toutes les choses humaines, il n'a plus les mêmes yeux, il ne voit que la charité; il n'a plus le même esprit, c'est un torrent impétueux qui renverse tout le judaïsme, l'Ecriture triomphe, la démonstration se fait, Jésus est le Christ. La grâce n'inondait pas encore l'Apôtre de ses dons, il n'avait pas encore la plénitude de l'Esprit-Saint, et cependant ce feu brûla tout à coup, déjà toutes ses actions partaient d'une âme préparée à la mort; on eût dit qu'il voulait réparer son passé, et il se jeta au plus fort de la mêlée où le combat présentait le plus de fatigues, de dangers et d'horreurs.

Et maintenant cet homme si hardi, si emporté par son zèle, qui respirait le feu, c'était la docilité, la douceur même, à ce point que dans sa plus grande fougue il ne se heurta jamais contre ceux qui avaient le droit d'enseigner. On le voyait bouillant, transporté d'ardeur, et, dans ce moment même, on lui disait d'aller à Tarse et à Césarée; il y consentait; on lui disait qu'il fallait descendre le long d'une muraille, il s'y résignait; on lui conseillait de se couper les cheveux, il ne faisait pas d'objection; on lui disait de ne pas se montrer dans l'assemblée du peuple, il obéissait; uniquement soucieux de l'utilité des fidèles, ne respirant que la paix, la concorde, toujours préparé à la prédication. Ainsi quand on vous dit qu'il envoie son neveu au tribun, pour se soustraire lui-même aux dangers, qu'il va en appeler à César, qu'il s'empresse de se rendre à Rome, ne voyez pas là des preuves d'un manque de courage. Comment celui qui gémissait de la nécessité de la vie présente n'aurait-il pas préféré de se trouver avec Jésus-Christ? Comment celui qui dédaignait le ciel, qui, pour Jésus-Christ, oubliait les anges, aurait-il pu tenir aux choses qui passent? Quelle était donc la raison de sa conduite? C'était pour prêcher plus longtemps l'Evangile, pour emmener avec lui, au jour de son départ, une foule d'hommes, tous couronnés comme lui. Car il craignait de se trouver pauvre, indigent, de n'avoir pas à emmener avec lui une multitude d'âmes sauvées, quand il quitterait la terre. De là ces paroles: Il est plus utile pour votre bien que je demeure encore en cette vie. (Ph 1,24) De là encore, à la vue d'un tribunal favorable, lorsque Festus (1) disait: Cet homme pouvait être renvoyé absous, s'il n'eût point appelé à César (Ac 26,32), de là, dis-je, la patience, avec laquelle il se 364 laissa enchaîner, conduire avec mille autres prisonniers, des criminels; il ne rougit pas de partager leurs fers; il eut grand soin de tous ceux qui faisaient la traversée avec lui; il était certes plein de confiance pour lui-même, il savait bien qu'il était en sûreté, et, tout chargé de chaînes, il parcourut un si grand espace de mer, avec autant de joie ques'il fût allé prendre possession d'un empire. En effet ce n'était pas une récompense vulgaire qui l'attendait, mais la conversion de Rome. Cependant il ne dédaigna pas ceux qui se trouvaient avec lui dans le vaisseau; il les rassura en leur racontant la vision qu'il avait eue, et qui leur apprenait que tous ceux qui naviguaient avec lui seraient sauvés, grâce à lui. Ce qu'il disait, non pour se glorifier, mais pour les rendre dociles à sa parole. Voilà pourquoi Dieu permit que la mer fût agitée, il voulait que par la résistance et aussi par la soumission de ceux qui entendaient Paul, il voulait que, par tous les moyens, la grâce de l'Apôtre fût manifestée. En effet, il avait donné le conseil de ne pas s'embarquer, on ne l'écouta pas, et l'on courut les plus grands dangers; même dans ces circonstances, il ne se livra pas à la colère; au contraire il eut pour l'équipage la prévoyance d'un père pour ses enfants, et il fit tout pour les sauver tous.

1 Ce n'est pas Festus, mais Agrippa qui dit ces paroles à Festus.

Arrivé à Rome, quelle douceur ne montra-t-il pas dans ses entretiens! avec quelle fermeté libre il ferma la bouche aux incrédules! Et il ne s'arrête pas à Rome, de là -il court en Espagne. Les dangers augmentaient sa confiance, son audace s'en accroissait, et non-seulement la sienne, mais celle de ses disciples qui s'exaltait par son exemple. S'ils l'avaient vu hésiter, faiblir, peut-être eux aussi se seraient-ils intimidés, de même en le voyant toujours animé d'un courage plus viril, toujours combattu, et toujours plus pressant, ils publiaient la parole en toute liberté. C'est ce qu'il déclare par ces paroles: Plusieurs de nos frères, se rassurant par mes liens, ont conçu une hardiesse nouvelle pour annoncer sans crainte la parole de Dieu. (Ph 1,14) En effet, quand un général a du courage ce n'est pas seulement lorsqu'il massacre ou qu'il tue, c'est aussi lorsqu'il est blessé lui-même qu'il inspire une nouvelle audace aux soldats sous- ses ordres, il les anime même plus en recevant qu'en faisant des blessures. Car ceux qui le voient couvert de sang, plusieurs fois blessé, et cependant tenant toujours tête aux ennemis, toujours debout, en brave, l'épée à la main, persistant dans l'attaque en dépit des douleurs qu'il endure, ceux-là combattent de leur côté avec une valeur qui va grandissant toujours. C'est ce qui est arrivé à Paul. Quand on le voyait chargé de chaînes, prêcher l'Evangile dans sa prison, quand on le voyait, battu de verges, entreprendre la conversion de ceux qui le battaient, la généreuse hardiesse croissait chez ceux qui contemplaient ce spectacle. Aussi l'Apôtre ne dit-il pas simplement: Se rassurant par mes liens, mais il ajoute: Ont conçu une hardiesse nouvelle pour annoncer sans crainte la parole de Dieu, ce qui veut dire: Nos frères ont témoigné plus de hardiesse en ces jours que quand j'étais libre. Et lui-même alors conçut plus d'ardeur, ses ennemis le trouvèrent encore plus impétueux, et le redoublement de ses persécutions ne fut que le redoublement de son intrépidité et l'occasion d'une plus ferme assurance. On le mit dans les fers, il y brilla d'un éclat si vif qu'il ébranla les fondements de sa prison, qu'il en ouvrit les portes, qu'il convertit le geôlier, presque le juge lui-même, au point que ce juge lui dit: Il ne s'en faut guère que vous ne me persuadiez d'être chrétien. (Ac 26,28) Autre preuve: il fut lapidé, et à son entrée dans cette ville qui le lapidait, il la convertit. Tantôt les Juifs, tantôt les Athéniens le citèrent pour le juger, et les juges devenaient ses disciples, ses accusateurs se soumettaient à lui. De même que le feu qui tombe sur des matériaux différents s'accroît trouvant des aliments nouveaux dans la matière qu'il dévore, de même l'éloquence de Paul s'emparait des âmes et les transformait; ses adversaires, pris par ses discours, servaient aussitôt d'aliment à ce feu spirituel, et, par leur moyen, l'Evangile se répandait et en gagnait d'autres. De là ses paroles: Je suis enchaîné, mais la parole de Dieu n'est pas enchaînée. (2Tm 2,9) On l'obligeait à prendre la fuite, c'était une persécution, mais la persécution devenait en réalité un apostolat, et ce qu'auraient pu faire des amis et des partisans du christianisme s'opérait par ses ennemis mêmes; en ne permettant pas à l'Apôtre de rester fixé dans aucun pays, en chassant de toutes parts le médecin des âmes, en le forçant à circuler, ils faisaient, par leurs mauvais desseins, par leurs persécutions, que tous entendaient ses discours. On l'enchaîna de nouveau, on ne fit qu'irriter l'ardeur des (365) disciples; en le bannissant on envoya un maître aux peuples qui n'en avaient pas; en le citant devant un tribunal plus auguste on ménagea en même temps à une auguste cité un grand bienfait. Aussi le chagrin des Juifs s'exprimait contre les apôtres en ces mots: Que ferons-nous d ces hommes-ci? (Ac 4,16) Ce qui veut dire: Quand nous voulons les abattre nous les relevons. Ils le livrèrent au geôlier pour le garder étroitement, mais le geôlier fut lié plus étroitement encore par Paul. Ils l'envoyèrent avec des prisonniers enchaînés pour qu'il ne pût s'enfuir, Paul instruisit les prisonniers; ils l'envoyèrent par mer afin que le voyage fût nécessairement plus court, et voilà un naufrage qui arrive et qui est une occasion de catéchiser l'équipage; ils le menacèrent de mille et mille supplices pour éteindre sa prédication, et sa prédication se répandit davantage. Et ils répétaient ce qu'ils avaient dit au sujet du Seigneur: Tuons-le, de peur que les Romains ne viennent et ne ruinent notre ville et notre nation (Jn 11,48), et il arriva le contraire de ce qu'ils avaient voulu, ils le tuèrent, et ce fut pour cette raison que les Romains ruinèrent et leur nation, et leur ville, et ce qu'ils regardaient comme des obstacles servit de secours à la prédication; de même pour la prédication de Paul, tous leurs efforts pour retarder ses progrès n'aboutirent qu'à les seconder, qu'à élever l'Apôtre à une gloire inexprimable. Bénissons donc, pour tous ces bienfaits, le Dieu plein de sagesse et d'habileté, célébrons le bonheur de Paul par qui s'opérèrent ces merveilles, prions pour entrer, nous aussi, en partage des mêmes biens, par la grâce et par la bonté de Notre. Seigneur Jésus-Christ, par qui et avec qui appartient la gloire au Père et au Saint-Esprit, dans tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il.


Traduit par M. C. PORTELETTE.





20000


HOMÉLIES SUR LES MACCHABÉES.



20100

Première homélie.


AVERTISSEMENT ET ANALYSE.

Ces discours ont été prononcés à Antioche; ils ne portent aucune date. La premier a pour objet principal de louer le courage et la fermeté d'âme de la mère des Macchabées. Le second est l'éloge du septième et plus jeune fils, et l'orateur y exalte aussi leur mère de temps en temps. Ce second discours est plus court que le premier: c'est afin, nous apprend Chrysostome, de laisser un champ plus vaste à leur maître commun, l'évêque Flavien, qui doit prendre la parole après Chrysostome. La dernière homélie, la plus courte des trois, est soupçonnée par quelques-uns de n'être pas authentique et ce n'est pas sans raison, car elle a certainement un autre cachet; le style en est maigre; tout y est dit comme en courant. Nous n'avons pourtant pas cru devoir la retrancher; il suffira d'avoir indiqué ces motifs de défiance pour qu'on ne la regarde pas comme une production certaine du saint docteur. Nous l'avons fait suivre d'un fragment de saint Jean Chrysostome sur les Macchabées, cité par Jean de Damas au livre 3e des Images, et qui ne se trouve dans aucune des trois homélies.


Les reliques des martyrs sont la terreur des démons. - C'est la grâce qui donne du courage aux martyrs. - Force d'âme de la mère des Macchabées; les mères chrétiennes doivent imiter cet exemple, et instruire leurs enfants dans ces principes. - La constance de cette sainte femme ne laisse aucune excuse aux hommes jeunes ou vieux qui manquent de courage en présence des épreuves de la persécution.



201011. Qu'elle est brillante et joyeuse, notre ville! Combien ce jour est plus éclatant que tous les autres jours de l'année! Non pas que le soleil envoie aujourd'hui sur la terre un rayon plus lumineux qu'à l'ordinaire; mais c'est que la splendeur des saints martyrs éclaire notre cité tout entière plus vivement que la foudre; car ils sont plus radieux que dix mille soleils, plus resplendissants que les grands luminaires. Grâce à eux la terre est aujourd'hui mieux décorée que le ciel. Ne me parlez pas de poussière, ne songez ni à la cendre, ni aux ossements consumés par le temps: non; mais ouvrez les yeux de la foi, et regardez la puissance divine siégeant auprès d'eux, la grâce du Saint-Esprit qui les environne, et la gloire de la lumière céleste dont ils sont revêtus. Les rayons que darde sur la terre le disque du soleil n'égalent point ces clartés, ces jets de flammes qui s'élancent de leurs corps bienheureux, et vont aveugler le démon lui-même. Lorsque des chefs de brigands, des spoliateurs de tombeaux aperçoivent, gisant à terre, de riches armes, une cuirasse, un bouclier, un



1. Ces homélies furent prononcées à Antioche, mais elles ne portent aucun indice de l'année où elles le furent.



casque, le tout étincelant d'or, soudain ils bondissent en arrière, et ils n'osent ni s'avancer ni toucher à ces objets, soupçonnant quelque grand danger s'ils avaient cette audace; de même les démons, qui sont les vrais chefs de brigands, quand ils voient exposés les corps des martyrs, reculent tout à coup et prennent aussitôt la fuite. Car ils ne considèrent pas la nature mortelle de ces dépouilles, mais la dignité cachée de Jésus-Christ, qui s'en est revêtu dans un temps. Ce n'est point un ange qui a été ceint de ces armes, ce n'est point un archange ni quelque autre puissance créée, mais le Maître. lui-même des anges. Et de même que saint Paul criait: Cherchez-vous une preuve du Christ qui parle en moi (
2Co 13,3)? de même ces saints martyrs peuvent s'écrier Cherchez-vous une preuve. du Christ qui a combattu en nous? En effet ces corps sont précieux, parce qu'ils ont reçu des coups pour leur Maître, parce qu'ils portent les stigmates pour Jésus-Christ. Et de même qu'une couronne royale ornée de mille pierres variées jette des feux de diverses nuances, ainsi les corps des saints martyrs, où sont incrustées comme autant de pierreries les blessures qu'ils (368) ont reçues pour Jésus-Christ, apparaissent plus précieux et plus respectables que tous les diadèmes des rois. Les présidents des jeux publics, lorsqu'ils organisent une fête, regardent comme la plus grande munificence d'introduire, pour les faire combattre dans l'arène, des athlètes jeunes et pleins de vigueur, de sorte qu'avant même le spectacle de la lutte, la beauté de leurs membres excite l'admiration des assistants: ici c'est tout le contraire. Le Christ ne nous donne pas un spectacle du même genre, mais un spectacle terrible et plein d'horreur; car ce n'est pas une lutte d'hommes à hommes, mais un combat des hommes contre les démons; pour ce spectacle il n'a pas amené dans la lice des athlètes jeunes et vigoureux, mais de tout jeunes adolescents, et avec eux un vieillard, Eléazar, puis une femme avancée en âge, la mère de ces jeunes gens. Qu'est-ce donc là, Seigneur? Vous amenez sur le champ de la lutte les âges qui ne sont bons à rien? Qui a jamais entendu dire qu'une femme eût lutté dans une vieillesse si avancée? Personne, nous répond le Seigneur; mais cette chose étrange, nouvelle, inouïe, je vous y ferai croire par des faits. Je ne suis pas de ces donneurs de jeux qui se reposent de tout sur la puissance des lutteurs; j'assiste mes athlètes moi-même, je leur viens en aide, je leur tends la main, et la plupart de leurs succès leur viennent de ma protection.

Lors donc que vous verrez une femme tremblante, âgée, courbée sur un bâton, se présenter au combat et terrasser la fureur d'un tyran, lorsque vous la verrez triompher des puissances invisibles, vaincre aisément le démon, briser sa force avec grande assurance, admirez la faveur que lui accorde le maître du combat, reconnaissez, pleins de saisissement, la puissance de Jésus-Christ! Ses athlètes n'ont point l'énergie de la chair, mais ils ont celle de la foi; leur nature est débile, mais la grâce qui les dispose au combat est puissante; leur corps est affaibli par les années, mais leur âme est fortifiée par les aspirations de la piété. Cette lutte ne tombe point sous les sens: vous ne sauriez donc au dehors reconnaître les athlètes; mais pénétrez dans leur âme par la pensée, et voyez en l'état florissant; constatez combien leur foi est robuste, afin de savoir que celui qui joute contre le démon n'a pas besoin d'une forte enveloppe matérielle, ni de la vigueur de l'âge, mais que, fût-il extrêmement jeune ou parvenu à la dernière vieillesse, si son âme est généreuse et bien trempée, son âge ne lui sera d'aucun préjudice pour le combat.

201022. Et pourquoi parler de vieillards et d'adolescents, quand des femmes se sont préparées pour la lutte et ont été glorieusement couronnées? Les arènes matérielles où il faut tenir compte de l'âge, du sexe et de la condition ferment leur porte aux esclaves, aux femmes, aux vieillards et aux enfants; mais ici le théâtre est ouvert en toute liberté à toutes les conditions, à tous les âges, à l'un et à l'autre sexe, pour que l'on puisse y constater la libéralité et la puissance ineffable de Celui qui préside à ces luttes, et y voir confirmer par des faits cette parole de l'Apôtre: Que sa puissance s'accomplit dans la faiblesse. (2Co 12,9) En effet, quand des enfants et des vieillards montrent des forces au-dessus de la nature, la grâce du Dieu qui opère en eux se manifeste d'une manière tout à fait. éclatante.

Et afin que vous compreniez que cette faiblesse matérielle des combattants ne fait que rendre plus glorieux ceux qui reçoivent la couronne, laissons de côté le vieillard et les enfants, et amenons sur la scène cette créature plus faible qu'eux, cette femme, cette vieille mère de sept fils, car les angoisses maternelles ne sont pas un médiocre obstacle dans de pareilles épreuves. Que faut-il donc le plus admirer en elle? est-ce la faiblesse de son sexe, ou son grand âge, ou la délicatesse de ses affections? Car ce sont là de fortes entraves pour une carrière qui demande tant de patience. Mais il y a encore quelque chose de plus grand qui nous fera voir dans leur entier et le courage de cette femme et la perfidie du démon. Qu'est-ce donc? Eh bien! voyez un peu la perversité de l'esprit malin: ce n'est pas elle qu'il a traînée la première sur l'arène, il ne l'a engagée dans la lutte qu'après ses fils. Et pourquoi? C'est afin d'ébranler son âme par les épreuves de ses sept enfants, c'est afin qu'ayant amolli ainsi la fermeté de ses résolutions, qu'ayant d'avance épuisé ses forces au spectacle du supplice des siens, il trouve en elle une créature affaiblie dont il puisse aisément triompher. Ne faites pas attention aux tourments que ceux-là ont acceptés, mais considérez qu'au supplice de chaque fils elle endurait de plus cruelles souffrances et qu'elle était comme égorgée successivement dans chacun d'eux (625). Et ce que je dis là, toutes les mères le savent bien. (369) Souvent une mère voyant son enfant brûlé par la fièvre souffrirait tout pour faire passer le feu de la maladie du corps de l'enfant dans le sien propre, tant il est vrai que les mères trouvent les maux de leurs enfants plus insupportables que ceux qu'elles ressentent personnellement! Et puisqu'il en est ainsi, cette mère était torturée dans le supplice de ses enfants plus cruellement qu'eux-mêmes, et le martyre était plus grand dans la mère que dans ses fils. En effet, si la nouvelle seule de la maladie d'un enfant suffit pour bouleverser les entrailles de celle qui lui a donné le jour, que n'a point dû souffrir la mère des Macchabées qui se vit privée, non pas d'un seul enfant, mais d'un groupe si nombreux d'enfants, cette mère qui ne connaissait pas seulement leurs souffrances par ouï-dire, mais qui les leur voyait endurer sous ses propres yeux? Comment ne fut-elle pas hors d'elle-même envoyant chacun d'eux périr lentement dans diverses tortures épouvantables? Comment son âme ne quitta-t-elle pas violemment son corps? Comment, dès la première vue, ne s'élança-t-elle pas sur le bûcher afin de se soustraire au reste du spectacle? Car bien que douée d'une haute sagesse, elle était mère pourtant; bien qu'elle aimât son Dieu, elle était revêtue de chair; quoique pleine de zèle, toutefois elle était femme, et quoiqu'embrasée d'une ardente piété elle était retenue par les liens de l'affection maternelle. Si nous autres hommes, à la vue d'un condamné qui traverse bâillonné la place publique et qu'on traîneaux gémonies, nous sommes émus rien qu'à cet aspect, sans avoir aucun motif d'amitié pour lui et bien que suffisamment rassurés par la perversité de cet homme contre la crainte pour nous-mêmes d'un pareil traitement, je vous le demande, que dut éprouver une femme à la vue, non pas d'un seul condamné que l'on emmène, mais de sept enfants à la fois que l'on fait périr le même jour, non par une prompte mort, mais par diverses cruautés? Quand elle eût été de marbre, quand même ses entrailles eussent eu la dureté du diamant, n'aurait-elle pas été troublée, n'aurait-elle pas ressenti quelque chose de ce qu'éprouve naturellement une femme et une mère? Voyez combien nous admirons le patriarche Abraham pour avoir attaché et placé sur l'autel ce fils qu'il offrait à Dieu, et comprenez par là combien fut grand le courage de cette femme. O spectacle à la fois plein d'amertume et de joie! plein d'amertume, vu la nature des événements; plein de joie, vu la disposition de celle qui en était témoin. Car elle ne voyait point leur sang qui coulait, mais les couronnes que Dieu tressait à leur justice; elle n'apercevait point leurs flancs déchirés, mais les tabernacles éternels qui s'élevaient pour eux; elle ne considérait point les bourreaux qui les assiégeaient, mais les anges groupés autour d'eux; elle oubliait ses angoisses de mère, elle ne tenait aucun compte de sa maternité, et peu lui importait son âge; non, elle ne tenait aucun compte de la maternité, cette chose tyrannique, de la maternité, qui triomphe ordinairement des bêtes mêmes. En effet, combien de bêtes sauvages se laissent prendre par tendresse pour leurs petits, et, sans nul souci de leur propre conservation, tombent sans précaution entre les mains des chasseurs. De plus, il n'est point d'animal si faible qui ne défende sa progéniture, il n'en est point de si doux qui n'entre en fureur quand on lui enlève ses enfants. Mais notre sainte martyre brisa le joug tyrannique de maternité que lui imposaient et les hommes doués de raison, et les bêtes qui en sont dépourvues; et non-seulement elle ne s'élança pas à la tête du tyran, non-seulement elle ne lui déchira pas le visage en voyant déchirer sa jeune postérité, mais elle poussa cette haute sagesse au point de préparer elle-même au tyran son barbare festin, et tandis que les premiers étaient encore à la torture, elle disposait les autres à souffrir les mêmes cruautés.

201033. Que les mères écoutent ce récit; qu'elles soient jalouses du courage de cette femme, et de sa tendresse maternelle; qu'elles élèvent ainsi leurs enfants; car ce n'est point l'enfantement qui fait la mère, c'est là un simple effet de la nature; ce qui constitue la mère, c'est d'élever ses enfants, car ceci est le fait du libre arbitre. Et si vous voulez comprendre que ce qui constitue la mère ce n'est point de mettre l'enfant au monde, mais de bien l'élever, écoutez saint Paul louant la veuve, non pas pour avoir donné le jour à ses enfants, mais pour les avoir élevés. Car après avoir dit: Qu'on choisisse une veuve figée d'au moins soixante ans, éprouvée pour ses bonnes oeuvres (1Tm 5,9 1Tm 5,10), il ajoute une parole qui montre quelle est l'oeuvre principale d'une femme. Et quelle est-elle? C'est, dit-il, si elle a élevé ses enfants. Il ne dit pas que c'est d'en avoir eu, mais de les avoir (370) élevés. Imaginons donc ce que doit avoir souffert cette femme, s'il faut l'appeler de ce nom, en voyant les doigts d'un de ses fils palpiter sur les charbons, sa tête bondir, une main de fer saisir la tête du second, en arracher la peau, et la victime encore debout et parlant au milieu de ce supplice. Comment put-elle ouvrir la bouche? comment put-elle remuer la langue? comment son âme ne s'envola-t-elle pas de son corps? Je vais vous le dire: c'est qu'elle ne regardait pas sur la terre, mais qu'elle préparait tout pour l'avenir; elle n'avait qu'une crainte, c'était que le tyran ne se modérât et ne terminât trop tôt la lutte, qu'il ne désunît ses enfants, et qu'il n'en restât quelqu'un sans couronne. Et la preuve qu'elle le craignait, c'est qu'elle saisit en quelque sorte le dernier de ses propres mains, pour le plonger dans la chaudière: seulement, au lieu de ses mains elle se servit de sa parole, l'exhortant et le conseillant. Nous autres, nous ne pouvons apprendre sans douleur les maux des étrangers, et elle, elle voyait sans douleur les maux des siens. N'écoutons pas à la légère des faits semblables, mais que chacun, dans cet auditoire, applique toute cette tragique histoire à ses propres enfants; représentez-vous leur vue si chère, retracez-vous par la pensée les êtres que vous aimez le plus, et supposez-leur les mêmes souffrances vous connaîtrez bien alors toute la portée des choses dont je vous entretiens. Que dis-je? même alors vous ne la connaîtrez pas; car tout discours est impuissant à dépeindre les souffrances de la nature; l'expérience seule nous en instruit. C'est bien le cas d'appliquer à cette mère, après le martyre de ses sept enfants, la parole du Prophète: Tu es comme un olivier chargé de fruits dans la demeure de Dieu. (Ps 51,10) Aux jeux olympiques, il entre souvent mille combattants, et la couronne reste à un seul; ici, il y a sept combattants, et tous les sept sont couronnés. Où me montreriez-vous une terre plus fertile? Où trouver des entrailles plus fécondes, et un enfantement plus heureux? La mère des apôtres fils de Zébédée ne donna le jour qu'à deux enfants; et je ne sache point d'autre femme que la mère des Macchabées qui ait donné naissance à sept martyrs, qui se soit elle-même ajoutée à leur nombre, l'augmentant ainsi non pas d'une seule martyre, mais pour ainsi dire de bien d'autres. Car ses enfants ne furent que sept martyrs; mais leur mère qui, selon la chair, ne fut qu'un martyr de plus, tint la place de deux fois sept martyrs, puisqu'elle fut martyre en chacun d'eux, et que c'est elle qui les rendit martyrs. Elle a donc enfanté pour nous une église tout entière de martyrs. Elle a eu sept fils, et elle n'en a enfanté aucun pour la terre, mais tous pour le ciel, ou plutôt pour le roi des cieux; elle les a tous enfantés pour la vie future. Le démon la fit entrer la dernière dans l'arène, afin, comme je l'ai déjà dit, que sa force étant épuisée d'avance au spectacle des épreuves, son ennemi pût facilement s'en rendre maître. S'il arrive souvent que des hommes, en voyant couler le sang, tombent en défaillance, et qu'il faut toutes sortes de soins pour rappeler en eux la vie qui leur échappe, et cette âme prête à fuir de leur corps, que n'a-t-elle pas eu à souffrir, quel trouble n'a-t-elle point ressenti en son âme, cette femme qui voyait tous ces flots de sang s'échapper non pas du corps d'un étranger, mais de la chair de ses propres fils? Ainsi donc, le démon la fit paraître sur l'arène après ses enfants, dans le but de l'affaiblir: mais il arriva tout le contraire; elle ne se présenta au combat qu'avec plus d'audace. Quelle en est la cause? Quel en est le motif? C'est qu'elle n'avait plus rien à craindre, c'est qu'il ne lui restait plus d'enfants ici-bas pour qui elle eût à redouter un acte de faiblesse qui les aurait privés de la couronne; c'est que les ayant tous mis en sûreté dans le ciel comme dans un asile inviolable, les ayant envoyés recevoir leur couronne céleste et jouir des biens immuables, elle s'armait pour la lutte avec une audace toute joyeuse. Ajoutant son propre corps à la troupe de ses enfants, comme à une couronne on ajoute une pierre d'un grand prix, elle s'en alla vers Jésus, l'objet de ses désirs, en nous laissant le plus grand des encouragements, le plus efficace des conseils, puisque sa conduite est une exhortation vivante à braver tous les supplices avec constance et grandeur d'âme. Quel homme, en effet, ou quelle femme, quel enfant ou quel vieillard sera désormais digne de pardon ou même d'excuse, s'il craint les dangers auxquels il serait exposé pour Jésus-Christ; puisqu'une femme avancée en âge, mère de tant d'enfants, a combattu de la sorte même avant le règne de la grâce, quand les portes de la mort étaient encore fermées, que le péché n'était pas encore effacé, ni la mort (371) terrassée, et qu'on voit cette femme supporter pour Dieu de pareils tourments, avec ce courage, avec cette ardeur? Pesons donc tout cela, hommes et femmes, jeunes gens et vieillards; inscrivons sur le registre de noire coeur ces combats et ces luttes, ayons sans cesse présente à notre âme comme une exhortation perpétuelle au mépris des souffrances, la fermeté de la mère des Macchabées, afin qu'après avoir imité ici-bas la vertu de nos saints martyrs, nous puissions dans le ciel avoir part aux mêmes couronnes. Autant ils ont montré de constance dans leurs épreuves, autant nous devons nous armer de courage dans nos luttes contre nos affections désordonnées, contre notre colère, contre notre avidité polir les richesses, pour les plaisirs du corps, pour la vaine gloire, et pour toutes les choses semblables. Car si nous venons à bout de cet embrasement de nos passions comme ces illustres martyrs ont triomphé du feu, il nous sera donné de nous placer à leurs côtés, et de jouir du même crédit auprès de Dieu; puissions-nous tous obtenir ce bonheur, par la grâce et la miséricorde de Notre-Seigneur Jésus-Christ, par lequel et avec lequel gloire au Père et au Saint-Esprit, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.



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Chrysostome Homélies 19700