Chrysostome, Psaumes 135

PSAUME 136 (Vulgate 135)

135 Ps 136 NV

"Louez le Seigneur, car Il est bon, car éternelle est sa Miséricorde." Ps 136,1.

1. Après avoir raconté les Bienfaits de Dieu envers les hommes, le psalmiste célèbre la grandeur de sa Miséricorde. Il n'entreprend pas de la mesurer (cela est impossible), mais il veut faire comprendre son étendue par son éternité, et il invite tous les hommes à chanter la Gloire de Dieu: "Louez le Seigneur," c'est-à-dire, rendez-Lui des actions de grâces, célébrez ses louanges, "parce que sa Miséricorde est éternelle." Que signifient ces paroles: "Est éternelle ?" C'est-à-dire qu'en Dieu on ne voit point l'oubli succéder à la bienfaisance, l'indifférence à la miséricorde, comme il arrive trop souvent parmi les hommes que leurs passions dominent, que leur condition enchaîne, que leur état dé dépendance arrête, et à qui les événements ne permettent pas d'agir comme ils le voudraient. Telle n'est point la Conduite de Dieu, jamais Il n'interrompt le cours de sa Miséricorde, jamais Il ne cesse de l'exercer, par des moyens variés à l'infini. Il est donc toujours miséricordieux et Il ne cesse de répandre ses Bienfaits sur les hommes. Après avoir proclamé que sa Miséricorde est éternelle, le prophète donne les preuves de son éternelle durée, et les emprunte au spectacle des choses visibles. Comme son dessein est d'inspirer l'autour de la vraie religion, il établit de nouveau une comparaison entre Dieu et les dieux des gentils, pour l'accommoder à la portée de ceux auxquels il s'adresse: "Louez le Dieu des dieux, s'écrie-t-il," (Ps 136,2), et il ajoute à chaque verset: "Parce que sa miséricorde est éternelle." Et encore: "Louez le Seigneur des seigneurs." (Ps 136,3). Dans le psaume précédent il avait enseigné qu'il était au-dessus de tous les autres dieux; (Ps 134,5); ici, il va plus loin et le proclame le Maître et le Seigneur des idoles, ou si vous le voulez, des démons. Eu effet, quoique les démons se soient couverts d'opprobre par leur révolte contre Dieu, ils ne laissent pas d'être ses serviteurs et ses sujets. Célébrez donc la Gloire de votre Dieu, s'écrie-t-il, parce qu'il est le Dieu souverain qui n'a point d'égal, et qui est le Maître et le Seigneur de tout ce qui existe. Or, Dieu S'appelle aussi le Dieu de ceux qui lui sont agréables, comme lorsqu'Il dit: "Je suis le Dieu d'Abraham, le Dieu d'Isaac et le Dieu de Jacob." Comment donc le proclame-t-on ici le Dieu des démons? Il est le Dieu des uns et des autres, mais d'une manière différente. Il est le Dieu des justes en ce sens qu'il leur est uni par les liens de l'amour le plus intime, il est le Dieu des démons, parce qu'Il est infiniment au-dessus d'eux.
"C'est Lui qui fait seul de grands prodiges, parce que sa Miséricorde est éternelle." (Ps 136,4). Il prouve maintenant ce qu'il vient d'avancer, que Dieu est le Maître et le Seigneur des dieux, et il démontre cette vérité, comme il l'a déjà fait, par les effets de sa Puissance, or, il ne dit pas: Qui a fait; mais "qui fait," parce que Dieu ne cesse de répandre ses grâces et d'opérer des prodiges qui surpassent l'intelligence humaine. Le prophète fait surtout ressortir ces deux caractères de l'opération divine: Dieu agit et Il agit seul, ou plutôt Il donne quatre caractères de sa supériorité: Dieu agit, Il fait des prodiges, ce sont de grands prodiges, et Il est le seul pour les opérer. Gardons-nous de croire que le prophète veuille ici rabaisser le Fils, son dessein est de montrer la distance infinie qui sépare Dieu des démons. Voyons maintenant quels sont ces prodiges extraordinaires qui sont du domaine exclusif de Dieu. En commençant ce psaume il n'était question, ce semble, que de la Bonté de Dieu, et non de sa Puissance: "Louez le Seigneur parce qu'il est bon." Pourquoi donc parler maintenant de sa puissance? Parce que ces prodiges étaient à la fois des effets de sa Puissance et de sa Miséricorde. Quels sont ces prodiges? les voici: "Qui a fait les cieux avec intelligence? Qui a affermi la terre sur les eaux ?" Un autre interprète traduit: "Qui a condensé la terre dans les eaux? Qui a fait seul de grands luminaires, le soleil pour présider au jour, et la lune et les étoiles pour présider à la nuit." (Ps 136,5-9). Ce sont là des actes de sa Puissance et de sa Sagesse, mais ce sont aussi des témoignages de sa Bonté. La grandeur, l'éclat, la stabilité de ces oeuvres divines proclament la Puissance et la Sagesse de leur Créateur, mais la destination que Dieu leur a donnée d'être à notre service, témoigne de son Amour et de son éternelle Bonté. Vous comprenez comment sa Miséricorde est éternelle; la durée de ses oeuvres n'est pas limitée à dix, vingt, cent, deux cent mille années, elle est égale à la durée de l'existence de l'homme sur la terre. Voilà pourquoi le psalmiste termine chaque verset en répétant: "Parce que sa miséricorde est éternelle." Prodige vraiment admirable. Dieu est l'auteur de ces merveilles; après les avoir créées, Il les a consacrées au service de l'homme, après son péché même il ne l'en a point dépossédé; Il lui a laissé après sa désobéissance, la jouissance des biens qu'Il lui avait donnés auparavant, et Il ne lui en a point retiré l'usage après un si grand crime. Et ce ciel visible n'est point le seul qu'il ait fait, Il en a créé un autre pour nous apprendre dès le commencement du monde qu'Il ne nous laisserait pas sur la terre, mais qu'Il nous transporterait dans cet autre ciel qu'il nous destine. Car si nous ne devions pas l'habiter un jour, pourquoi l'avoir créé? Dieu n'en a que faire, il n'a besoin de rien; si donc il a préparé cette demeure, c'est pour nous y établir lorsque nous quitterons la terre.

13502 2. Aussi, le prophète à qui Dieu a révélé ce secret, est saisi d'admiration et répète après chaque verset: "Parce que sa Miséricorde est éternelle." "Il a affermi la terre sur les eaux." Voici un nouveau témoignage de sa Bonté. Après que nous sommes devenus mortels et soumis à mille nécessités, Dieu ne nous a pas abandonnés, Il nous a donné eu attendant une demeure convenable, et Il a rempli la terre de tant témoignages de son Amour, que la parole est impuissante à les redire. Voilà pourquoi, le prophète à la vue de cet abîme de bienfaits et de cette mer sans rivages, s'écrie à haute voix: "Que tes oeuvres sont grandes, ô Seigneur, tu as fait toutes choses avec sagesse." (Ps 103,24). Considérez encore le soleil, la lune, la succession des saisons, et vous aurez une nouvelle preuve de son infinie Bonté. En effet, ces éléments flous sont de la plus grande utilité pour l'ornement et pour le soutien de notre vie. Ils donnent la sève et la maturité aux fruits qui sont les aliments nécessaires de la vie, ils délimitent les saisons, marquent les heures, déterminent la durée du jour et de la nuit, sont les guides des voyageurs sur terre et sur mer, et nous rendent encore mille autres services. Voyez-vous comment la Miséricorde de Dieu est éternelle, et que c'est avec raison que le psalmiste proclame cette vérité après chaque verset? Un autre interprète au lieu de: "Pour présider au jour," traduit: "Pour dominer sur le jour." Un autre, au lieu de: "Pour présider à la nuit," traduit: "Pour exercer sa Puissance dans la nuit."
"Qui a frappé l'Égypte avec ses premiers-nés? Qui a fait sortir Israël du milieu d'eux? Avec une main puissante et un bras élevé." (Ps 136,10-12). Il revient continuellement sur les prodiges qui eurent lieu en Égypte, à cause de l'ingratitude des Juifs qui les oubliaient sans cesse, bien qu'on les rappelât continuellement à leur esprit. Vous avez ici un signe éclatant de la Miséricorde divine, qui par ce prodige, les a délivrés de la servitude, et a ménagé à leurs descendants la connaissance du vrai Dieu. Il y a encore ici un autre enseignement. Quel est-il? C'est qu'après la plaie des premiers-nés, Dieu a fait éclater sa Puissance en rompant les chaînes de leur esclavage, en frappant d'épouvante les Égyptiens et en les ensevelissant dans la mer. or, le psalmiste rappelle cette circonstance pour prévenir l'interprétation irréfléchie de ceux qui verraient un acte de faiblesse dans le commandement fait aux Israélites de prendre l'or et les vases d'argent des Égyptiens. Dieu en agit ainsi pour Se rendre terrible à ses ennemis par tous les moyens, et les convaincre que toutes ses actions portent le caractère de sa Puissance et de sou Autorité, et qu'Il était aussi en son Pouvoir de les faire tomber dans le piège qu'Il leur tendait. Lorsqu'il agit ouvertement, ce n'est point qu'Il ne pût séduire et tromper ses ennemis; et s'Il leur tendit des pièges, ce n'était point par impuissance d'agir ouvertement, car d'un côté comme de l'autre, Il fait éclater également sa Puissance. Voulez-vous savoir l'effroi que cet événement inspira aux étrangers? Écoutez ce que dirent plus tard les devins d'Azot: "C'est là ce Dieu terrible qui a frappé l'Égypte, et qui, après s'être joué de ses habitants, a délivré les Israélites." (1S 6,6). Vous voyez que la crainte de ces peuples a pour cause le vol, la tromperie dont les Égyptiens ont été victimes, et leur entière destruction. "Qui a divisé en deux parties la mer Rouge." (Ps 136,13). Suivant une autre version: "En deux sections." Suivant une autre: "En plusieurs ouvertures," Quelques interprètes en effet, affirment que la mer, en se divisant, ne laissa pas seulement une route unique, mais qu'elle ménagea autant de passages qu'il y avait de tribus. Tous ces prodiges n'avaient pas seulement pour but de faire éclater la Puissance de Dieu, sa Grandeur, et de montrer combien Il était redoutable. Ils étaient encore autant de preuves de son infinie Bonté non seulement pour ceux en faveur desquels Il opérait ces prodiges, mais aussi pour ses ennemis, s'ils avaient voulu se rendre attentifs. Si Dieu en effet, les ensevelit dans la mer, ce n'est pas sans raison, c'est lorsqu'après tant de miracles, ils poussent l'audace jusqu'à vouloir affronter la fureur des flots. Fussent-ils dépourvus de toute intelligence, leur devoir était, au souvenir des prodiges qui avaient précédé, et à la vue de ce qui s'accomplissait sous leurs yeux, d'admirer avec crainte, d'adorer la Puissance de Dieu, et de mettre fin à une lutte aussi déplacée. Loin de là, ils ont vu tous les éléments se transformer sous la Main de Dieu, au gré de sa Volonté, pour leur faire la guerre, et rien n'a pu triompher de leur opiniâtreté. Que dis-je? ils sont témoins d'un prodige qui dépasse toute pensée humaine, et ils osent s'engager dans une route si nouvelle, si extraordinaire pour eux. Voilà pourquoi la mer devint leur tombeau. Ce n'était point là un effet des lois naturelles, le coup partait du ciel; aussi les phénomènes les plus opposés se produisent presqu'en même temps, et la mer se divise de manière à offrir non un seul passage, mais autant de routes qu'il y avait de tribus.
Or, la miséricorde se trouve mêlée à chacun de ces prodiges. En effet, comme Dieu se servait des éléments pour les opérer, il n'avait rien tant à coeur que de prévenir l'opinion qui les aurait regardés comme des oeuvres purement naturelles, et de leur imprimer le caractère de cette puissance céleste à qui seule il appartient de faire des miracles supérieurs aux lois de la nature. C'est ce qu'il fit alors dans la mer Rouge, et la preuve manifeste, c'est que jamais on ne vit un prodige semblable; tandis que les phénomènes naturels se reproduisent fréquemment et à des époques réglées. "Qui a fait passer Israël par le milieu de cette mer, parce que sa Miséricorde est éternelle." (Ps 136,14).

13503 3. C'est donc à juste titre que le prophète répète après chaque verset: "Parce que sa Miséricorde est éternelle." Car ces prodiges sont un témoignage frappant de cette providence dont l'action ne s'épuise jamais. Ces événements sont passés, il est vrai, mais le souvenir en est resté, et a été pour les descendants des Israélites un moyen puissant d'arriver à la connaissance de Dieu. Ils étaient racontés de génération en génération, et inspiraient l'amour de la vraie sagesse. Ne croyons pas toutefois que l'action de cette providence paternelle se soit bornée à ces événements, et que la Bonté de Dieu pour son peuple ne se soit manifestée que dans les prodiges de l'Égypte; chaque époque, chaque période de l'histoire des Juifs a vu s'étendre jusqu'à elle les effets sensibles de la Bonté divine. C'est en admirant cette suite non interrompue de bienfaits que le prophète ne cesse de répéter: "Parce que sa Miséricorde est éternelle." Il ajoute avec raison: "Il a fait passer Israël par le milieu de cette mer;" car, c'est là encore un acte de sa Puissance. Il ne suffisait pas en effet que la mer se retirât et qu'elle offrît aux Israélites un passage facile. La vue de ce prodige inouï les aurait bien plutôt frappés d'étonnement, de crainte et d'épouvante et jamais ils n'auraient osé s'engager dans cette voie. Dieu donc manifesta sa Puissance, après que la mer se fut retirée, en leur inspirant le courage et la résolution nécessaires pour traverser une route aussi nouvelle, aussi extraordinaire pour eux. Les eaux se tenaient des deux côtés, comme deux montagnes élevées, il leur fallait donc avoir autant d'intrépidité que de courage pour oser traverser cette route sans craindre que ces deux montagnes d'eau ne vinssent à retomber sur eux, et à ensevelir l'armée tout entière. "Il a secoué Pharaon avec son armée dans la mer Rouge;" (Ps 136,15); expression qui nous fait comprendre avec quelle facilité ils ont été engloutis dans les flots. Considérez encore comment Dieu avec sa Puissance et sa juste Colère, manifeste également sa Patience. Il ne les a pas exterminés tout d'abord, malgré leur impudence et leur opiniâtreté; c'est d'eux-mêmes et de leur plein gré qu'ils se sont précipités dans l'abîme. C'est avec justice que l'armée elle-même fut détruite, elle avait participé aux crimes des princes et à la persécution du peuple de Dieu, elle devait également prendre part au châtiment et au supplice.
"Qui a conduit son peuple dans le désert, parce que sa Miséricorde est éternelle." (Ps 136,16). Ce prodige n'est pas moins surprenant que le passage de la mer Rouge. Ils étaient sur la terre ferme, il est vrai, et pouvaient y établir leurs campements; mais cependant que de difficultés, que de pénibles épreuves, capables de les faire périr de la mort la plus cruelle: la faim, l'épuisement, la soif, les rayons d'un soleil qui les dévorait, la multitude des bêtes féroces, et la privation absolue des choses nécessaires. Or, vous savez de combien d'éléments l'homme a besoin pour soutenir son existence. Tout leur manquait à la fois, aucun toit pour les abriter, point d'aliments, point de vêtements, point de chaussures, ni rien de ce que nous avons d'ordinaire; ils marchaient à travers la solitude, comme ceux qui exécutent des choeurs de danse au milieu des cités, or, remarquez combien de miracles opérés dans le désert, combien d'années de leur gouvernement le psalmiste passe sous silence. Il se borne à deux prodiges qui éclatèrent dans la guerre qu'ils soutinrent contre deux rois; il ne nous décrit ni cet aliment nouveau, ni cette tente merveilleuse, ni cette lumière qui ne cessait de briller, ni leurs vêtements qui duraient toujours, ni leurs chaussures qui ne s'usaient pas, ni les sources qui jaillirent des rochers, ni tant d'autres prodiges non moins nouveaux et non moins admirables qui avaient pour but d'aplanir pour eux les difficultés du voyage. Il n'en choisit que deux et rappelle comment Dieu extermina les rois barbares et fit remporter sur eux à son peuple de glorieuses victoires. Pour les autres prodiges, il laisse à ses auditeurs le soin de les recueillir en leur mémoire. "Il a frappé de grands rois. Il a fait mourir des rois puissants, Sehon, roi des Amorrhéens, et Og, roi de Basan." (Ps 136,17-20). Et le psalmiste ajoute à chaque victoire: "Parce que sa Miséricorde est éternelle,") pour montrer que les ennemis avaient beau se succéder sans interruption, ils ne pouvaient triompher du peuple de Dieu, parce que la Bonté de Dieu ne cessait de le défendre. C'est le sens de ces paroles qu'il rappelle continuellement: "Parce que sa Miséricorde est éternelle."
"Et il leur a donné leur terre en héritage; en héritage à Israël." (Ps 136,21-22). Il y a ici un double bienfait, ils triomphent de leurs ennemis, et ils s'emparent de leurs biens. Il fallait en effet, une puissance extraordinaire, non seulement pour expulser les habitants de cette contrée, mais pour s'emparer et se rendre maîtres d'un pays étranger. Le prophète met ensuite dans un plus grand jour cette vérité qu'ils sont redevables de ces bienfaits non point à leurs mérites, mais à la Bonté de Dieu. "Le Seigneur s'est souvenu de nous dans notre affliction. " (Ps 136,23). Ce ne sont donc point nos bonnes oeuvres, ce n'est point la prospérité, c'est l'affliction qui nous a mérité le souvenir de Dieu; c'est-à-dire, la vue de nos malheurs et de nos souffrances a suffi pour Le fléchir. En effet, lorsque Dieu voulut les délivrer de la servitude de l'Égypte, Il ne dit pas: J'ai vu qu'ils étaient revenus à de meilleurs sentiments, mais: "J'ai vu l'affliction de mon peuple dans l'Égypte." (Ex 3,7). "Et Il nous a délivrés de nos ennemis." (Ps 136,24). Son dessein n'est pas de faire une énumération détaillée des guerres, des attaques, des victimes, des trophées du peuple de Dieu; il résume en un seul mot la longue suite de leurs triomphes, passe sous silence les bienfaits particuliers aux Juifs, et finit par un trait de la Providence générale de Dieu sur le monde: "Il donne la nourriture à toute chair." Une autre version porte: "Qui donne le pain. Une autre: "Donnant le pain." Le principe producteur des fruits n'est donc ni la terre, ni les pluies, ni l'air, ni le soleil, ni quelqu'autre élément créé, c'est à Dieu seul qu'il faut tout rapporter. Admirez encore ici non seulement sa Puissance, mais sa Bonté ineffable. Car ces paroles du prophète: "Il donne la nourriture à toute chair," expriment la même pensée que celles du Sauveur: "Il fait lever son soleil sur les bons et sur les méchants, et pleuvoir sur les justes et sur les injustes." (Mt 5,45). C'est-à-dire, qu'Il donne la nourriture non seulement aux hommes justes et vertueux, mais aux pécheurs et aux impies, et à la nature humaine tout entière, en un mot, à tous les hommes, ce qui proclame hautement le souverain domaine de Dieu. Voyez-vous comment l'ensemble et le détail de ce psaume a surtout pour but de nous amener à la connaissance de Dieu? Le prophète a débuté et il finit aussi par des considérations générales. Il nous a décrit le soleil, la lune, les éclairs, la pluie, qui ne sont pas restreints à une seule partie de l'univers, et en terminant il parle de la nourriture commune de tous les êtres. Puis, lorsqu'il a ainsi établi par ces faits l'action générale de la Providence, il ajoute: "Louez le Dieu du ciel, parce que sa Miséricorde est éternelle." Rien ne prouve aussi plus clairement qu'Il est le Dieu des régions inférieures, comme des régions célestes, et que sa Providence et sa Sollicitude s'étendent à toutes les parties de la création. Offrons-Lui donc nos actions de grâces, pour les bienfaits communs, comme pour ceux qui nous sont particuliers, afin de reconnaître sa Bonté, son Amour, sa Puissance, sa Sollicitude. Soyons toujours fidèles à ce devoir, comme le psalmiste nous y engage: "Louez le Seigneur, parce que sa Miséricorde est éternelle." C'est là le vrai sacrifice, la véritable offrande; voilà ce qui nous rend Dieu propice, et nous assure sa Bienveillance.
Puissions-nous tous l'obtenir par la Grâce et la Bonté de notre Seigneur Jésus Christ, à qui soit la gloire et le règne dans les siècles des siècles. Amen.




PSAUME 137 (Vulgate 136)

136Ps 137 NV

"Nous nous sommes assis sur le bord des fleuves de Babylone, et là nous avons pleuré au souvenir de Sion." v.1.

1. Quels vifs regrets de la cité qu'ils ont perdue, et quel ardent désir d'y rentrer ! Tant qu'ils furent heureux, on ne voyait en eux que dédain et insolence, mais lorsqu'ils furent dépouillés de tous leurs biens, ils se prirent à les désirer. C'était, du reste, pour réveiller ce désir, que Dieu les avait bannis de leur patrie. C'est la conduite qu'il tient ordinairement. Lorsque nous vivons dans l'abondance des biens qu'Il nous donne, nous y sommes comme insensibles. Que fait Dieu? Il nous les retire, pour que cette privation nous rende plus sages, et nous les fasse rechercher de nouveau. Mais pourquoi les Israélites étaient-ils assis sur les bords des fleuves? Parce qu'ils étaient captifs, renfermés dans un pays étranger, et qu'ils habitaient hors des murs des villes. "Aux saules de leur rivage, nous avons suspendu nos instruments." (Ps 2). Une autre version porte: "Nos harpes;" une autre: "Nos lyres." Pour quelle raison, en partant pour la captivité, emportèrent-ils avec eux ces instruments, dont ils ne devaient plus se servir? C'était par un dessein providentiel de Dieu qui voulait, jusque dans ces contrées étrangères, leur mettre devant les yeux les souvenirs de leurs premières institutions, et réveiller leurs regrets par la vue de ces instruments, symboles de leurs cérémonies religieuses. "Là, ceux qui nous ont emmenés captifs, nous dirent de chanter, et ceux qui nous avaient arrachés de la patrie, nous ont dit: Chantez-nous des cantiques de Sion." (Ps 3). Ces instances des barbares qui désiraient entendre leurs cantiques avaient pour eux un immense avantage. Jugez de là, combien la captivité leur fut utile. Ils s'étaient joués de leurs rites sacrés, ils avaient renié leur religion, foulé aux pieds leur loi en mille manières. Et voici que dans une terre étrangère, ils portent la fidélité jusqu'à résister aux instances, aux menaces mêmes des barbares qui les entourent et qui désiraient les entendre. Ils refusent d'accéder à leurs désirs et préfèrent observer exactement leur loi. Au lieu de "ceux qui nous ont emmenés," un autre interprète traduit: "ceux qui nous traitaient insolemment." Tel serait donc le sens de ces paroles: Ceux qui s'emportaient contre nous, et qui nous opprimaient, sont devenus avec le temps si bons, si doux, si faciles, qu'ils désirent entendre nos cantiques. Et cependant les Israélites résistèrent. Voyez-vous quelle force leur donne l'affliction, quelle componction elle leur inspire, comme elle brise leur âme par le repentir? Ils pleuraient et ils restaient fidèles à leur loi. Ils se riaient autrefois, ils se jouaient des larmes des prophètes, ils insultaient à leur douleur; et maintenant sans que personne les y excite, ils se livrent aux pleurs et aux gémissements. Ce spectacle avait pour leurs ennemis eux-mêmes de précieux avantages. Ils pouvaient se convaincre que ce n'était ni le joug de la captivité ni le poids de la servitude, ni le séjour dans une terre étrangère qui faisait couler leurs larmes, mais la privation du culte qu'ils rendaient à Dieu. Voilà pourquoi le prophète ajoute: "Au souvenir de Sion." Leurs gémissements ne sont pas sans motif, leur plus fréquente occupation était de verser des larmes. Voilà pourquoi ces expressions du prophète: "Nous nous sommes assis et nous avons pleuré;" c'est-à-dire qu'ils s'étaient assis pour se livrer aux gémissements et aux pleurs. Mais pourquoi leur était-il défendu de chanter dans une terre étrangère? parce que des oreilles profanes n'étaient pas dignes d'entendre ces chants mystérieux. "Comment, hélas, chanterions-nous les cantiques de l'Éternel dans une terre étrangère ?" (Ps 4). Ce qui veut dire: il ne nous est pas permis de chanter. Nous avons, il est vrai, perdu notre patrie, mais nous restons inviolablement fidèles à notre loi, et nous l'observons avec une exactitude scrupuleuse. Aussi, bien que vous soyez les maîtres de nos corps, vous ne triompherez jamais des résolutions de notre âme. Voilà quelle sagesse l'affliction leur inspire, et comme leur âme est devenue supérieure à toutes les épreuves."
"Si je t'oublie, ô Jérusalem, que ma droite soit elle-même oubliée. (Ps 5). Que ma langue s'attache à mon palais." Quel admirable changement s'est encore opéré en eux ! Chaque jour ils entendaient avec une profonde indifférence les prophéties qui leur prédisaient qu'ils seraient chassés de leur cité; et aujourd'hui ils se dévouent aux plus grands malheurs, s'ils viennent à en perdre le souvenir. Or, que signifient ces paroles: "Que ma droite soit oubliée ?" Que ma force et ma puissance m'échappent, et que je demeure sans voix devant l'excès de mes maux. "Si j'oublie ton souvenir, si je ne mets Jérusalem la première dans mes cantiques de joie." (Ps 6). Qu'est-ce à dire, "Si je ne mets Jérusalem la première ?" Ce n'est pas seulement dans d'autres circonstances ordinaires, mais dans mes hymnes et dans mes cantiques que je me souviendrai de toi. Ces paroles: "Si je ne mets Jérusalem la première," signifient: "Si elle n'est pas le premier objet de mes cantiques," et c'est là l'expression d'une âme qui désire vivement, ou plutôt qui est embrasée d'un amour ardent. Soyons ici attentifs et instruisons-nous. Les Israélites se sentirent enflammés de vifs désirs pour Jérusalem, lorsqu'ils en furent bannis. Plusieurs d'entre nous éprouveront un jour les mêmes sentiments lorsqu'ils se verront exclus de la Jérusalem céleste. Mais les Israélites avaient du moins l'espérance de retourner dans leur patrie; pour nous, au contraire, quel espoir de rentrer dans la céleste patrie que nous aurons perdue? "Le ver qui les ronge ne mourra pas, et le feu qui les brûle ne s'éteindra pas." (Mc 9,43). Veillons donc avec le plus grand soin sur toutes nos actions, et réglons ici-bas toute notre vie de manière à éviter la captivité, et à ne pas être exclus comme des étrangers de cette cité céleste. "Souviens-Toi, Seigneur, des enfants d'Edom au jour de Jérusalem, lorsqu'ils s'écriaient: "Détruisez, détruisez jusqu'à ses fondements." Une autre version porte: "Pour les enfants d'Edom." On reconnaît encore à ce langage le désir brûlant de leur patrie. Or voici le sens de ces paroles: Appesantissez votre bras sur ceux qui non contents de s'être emparés de la ville sainte, et de l'avoir renversée, poussaient plus loin leur fureur et disaient: "Creusez, détruisez-la jusque dans ses fondations." Ils voulaient détruire jusqu'aux appuis de la cité et arracher jusqu'à ses fondements.

13602 2. Ces fils d'Édom étaient des Arabes qui s'étaient réunis aux Babyloniens pour attaquer les Juifs, et il en est souvent question dans les psaumes. Le prophète leur fait ici de violents reproches de ce que, malgré la parenté qui les unissait aux Israélites, ils ont été pour eux plus cruels que leurs ennemis. "Fille de Babylone, malheur à toi !" Une autre version porte: "Qui est dévastée; " une autre: "Qui sera dévastée." Nous voyons ici la Puissance de Dieu se manifester, non pas en délivrant son peuple de ses calamités, mais en exerçant sa juste Vengeance sur ses ennemis. Le prophète prédit donc les malheurs dont Babylone était menacée, et il la proclame misérable à cause des maux qui devaient fondre sur elle. C'est ainsi qu'il instruit les Juifs et montre que la Puissance de Dieu s'étend à toute la terre. "Heureux celui qui te rendra les maux que tu nous as fait souffrir." Suivant une autre version: "Ce que tu nous as fait." (Mc 8). "Heureux celui qui saisira tes enfants, et qui les brisera contre la pierre." (Mc 9). Ces paroles sont pleines de colère, et font appel à des châtiments, à des supplices cruels. C'est un langage inspiré par la souffrance à ces malheureux captifs qui demandent à Dieu une vengeance rigoureuse, un supplice d'un genre nouveau et tout à fait extraordinaire. En effet, les prophètes n'expriment pas toujours leurs sentiments personnels, mais se rendent souvent les interprètes des impressions des autres. Si vous voulez connaître les véritables sentiments du psalmiste, écoutez-le vous dire: "Si j'ai rendu le mal à ceux qui m'en ont fait," (Ps 7,5), et aller ainsi bien au delà des prescriptions de la loi. Mais quand il exprime les sentiments des autres, il décrit leur colère, leur douleur; c'est ce qu'il fait ici en reproduisant l'esprit de vengeance qui animait les Juifs, et l'excès d'une colère qui n'épargnait même pas l'enfance. Tel n'est pas l'esprit de la nouvelle alliance, elle nous ordonne d'apaiser la soif de nos ennemis, de les nourrir et de prier pour ceux qui nous ont fait du mal. En agissant ainsi, nous obéissons à la loi qui nous est donnée. Quelle est cette loi? "Si votre justice n'est pas plus parfaite que celle des Scribes et des Pharisiens, vous montrerez pas dans le royaume des cieux." (Mt 5,20). Appliquons-nous donc avec zèle à l'observation exacte de cette loi, nous deviendrons par là dès cette vie, habitants du ciel, nous ferons partie des choeurs des anges, et nous nous rendrons dignes des biens éternels.
Puissions-nous tous les obtenir par la Grâce et la Miséricorde de notre Seigneur Jésus Christ, à qui appartient la gloire et la puissance dans les siècles des siècles. Amen.



PSAUME 138 (Vulgate 137)

137Ps 138 NV


"Je Te louerai, Seigneur, de tout mon coeur."

1. Je vous ai souvent expliqué ces paroles; laissons-les donc pour nous arrêter à celles qui suivent. Que veut dire le prophète:
"Je célébrerai ta Gloire en présence des anges ?" Un autre interprète traduit: "Je chanterai ta Gloire avec confiance;" un autre: "Je célébrerai ta Gloire en présence des dieux." S'il est ici question des anges qui sont dans le ciel, le prophète veut dire: Je m'efforcerai de chanter avec les anges, de rivaliser de zèle avec eux, et de m'unir aux choeurs des puissances célestes. Je suis d'une nature différente, il est vrai, mais je m'efforcerai de les égaler par l'ardeur de mes désirs et de prendre place parmi eux. Si au contraire, nous préférons l'autre interprétation, il faut appliquer aux prêtres ce que le prophète dit ici des dieux. En effet, c'est la coutume de l'Écriture, de donner aux prêtres le nom d'ange et celui même de dieu; ainsi, tantôt elle dit: "Vous ne parlerez point mal des dieux, et vous ne maudirez point le prince de votre peuple;" (Ex 22,28); tantôt: "Les lèvres du prêtre garderont la science, et l'on recherchera la loi de sa bouche, parce qu'il est l'ange du Seigneur des armées. Si nous adoptons cette interprétation, voici donc quel sera le sens de ces paroles: C'est aux prêtres qu'il appartient de commencer à chanter les louanges de Dieu; quant à moi, je les suivrai et j'unirai mes chants aux leurs. "Parce que vous avez écouté les paroles de ma bouche." Voyez quelle vive reconnaissance, quelle attention soutenue dans la prière? Le psalmiste ne ressemble pas à ces chrétiens sans force et sans énergie, qui avant d'être exaucés, paraissent pleins d'ardeur, et qui retombent dans leur tiédeur habituelle, lorsqu'ils ont obtenu ce qu'ils demandent. La même ferveur qui lui dicte sa prière, lui inspire aussi l'hymne de la reconnaissance. La preuve de la pureté, de l'excellence de ses prières, c'est que Dieu les a exaucées; car le succès de nos prières est assuré, lorsqu'elles sont agréables à Dieu.
Il dépend donc de nous d'être exaucés; demandons à Dieu des choses dignes de sa souveraine Majesté, prions-Le avec ferveur, rendons-nous dignes d'obtenir ce que nous demandons, et Dieu répondra à notre appel, et Se rendra à nos désirs.
"Je me prosternerai dans ton saint temple." C'est encore le signe d'une vertu éminente de pouvoir entrer dans le saint lieu et d'y venir pour y offrir à Dieu l'adoration d'un coeur pur. Ce que Dieu demande en effet, ce n'est point de fléchir les genoux, d'entrer simplement dans son temple, mais d'y venir avec une âme pleine de ferveur et de recueillement, d'y être présent non seulement de corps, mais d'esprit, et c'est aussi un privilège glorieux pour nous de pouvoir L'adorer d'une manière digne de Lui. On regarde comme un grand honneur d'approcher des rois de la terre; que sera-ce d'être admis en présence du Dieu du ciel et de la terre? "Et je rendrai gloire à ton Nom à cause de ta Miséricorde et de ta Vérité." Que signifient ces paroles? Je Te rendrai grâces du soin miséricordieux, que Tu as pris de moi. Car ce n'est point à mes propres mérites que je dois d'être rentré dans ma patrie, et de voir de nouveau le temple saint, mais à ta Miséricorde et à ta Bonté. Je T'adorerai donc, je Te louerai, parce que Tu T'es empressé de me ramener de la captivité, moi qui n'étais digne que de châtiment et qui méritais de passer ma vie entière dans une terre étrangère. "Car Tu as élevé au-dessus de tout ton saint Nom." (Ps 138,2). C'est-à-dire, je ne Te rendrai pas grâces seulement de tes Bienfaits, mais aussi de ta Gloire ineffable, de ta Grandeur infinie et de ta Nature, qu'aucune parole humaine ne peut exprimer, "Tu as élevé, dit-il, au-dessus de tout, ton saint Nom." Comment? Par tes Bienfaits, par les éléments, par tout ce qui existe dans le ciel et sur la terre, par les effets de votre Justice, par ta Conduite si différente envers tes ennemis et à l'égard de tes amis. Il n'est point en effet de créature, si petite qu'elle soit dans le ciel et sur la terre, qui ne proclame la grandeur de ton Nom d'une voix plus éclatante que la trompette. Parcourez successivement les anges, les archanges, les démons, les créatures inanimées, les pierres, les semences, le soleil, la lune, la terre, les mers, les poissons, les oiseaux, les lacs, les fontaines, les fleuves, vous verrez la grandeur de son Nom éclater dans chacune de ces créatures. Une autre version porte au lieu de: "Tu as élevé au-dessus de tout ton saint Nom," "Tu as élevé au-dessus de tous les noms ta Parole." Une autre: "Tes Oracles. En quelque jour que je T'invoque, hâte-Toi de m'exaucer." suivant une autre version: "En quelque jour que je T'aie invoqué, Tu m'as exaucé." C'est la promesse que Dieu avait faite par son prophète: "En quelque jour que vous m'invoquiez, je vous exaucerai et à votre premier cri, je dirai: Me voici." (Is 58,9). C'est ce que demande le prophète, telles sont en effet les âmes que la douleur accable, elles veulent en être délivrées au plus tôt. "Tu augmenteras la force de mon âme." (Is 3). Un autre interprète traduit: "Tu as établi les vertus dans mon âme," parce qu'au lieu de: "Exauce-moi," il avait traduit précédemment: "Tu m'as exaucé." Que signifient ces paroles? Les Grecs donnent aux phénomènes qui se passent dans les régions supérieures le nom de météores, du verbe airesqai, élever; voilà pourquoi les flots soulevés s'appellent aussi metewrismoi élévations, de même verbe airaiqai. L'expression poluwrhseiv équivaut donc à celle-ci: "Tu m'exalteras, Tu m'éleveras." Le psalmiste s'est servi ailleurs de la même expression: "Tu as élevé (epolumrusav) les enfants des hommes en proportion de ta Grandeur." Le verbe poluwrhseiv a ici le même sens et il signifie: Tu me combleras de joie, Tu élèveras mon âme, et ce qui est bien plus désirable, Tu ne permettras pas que cette élévation, que cette joie soit passagère, Tu lui donneras de la force, de la puissance, la fermeté, Tu la rendras inébranlable. Tel est le sens de ces paroles: "Tu élèveras mon âme par ta Vertu."

13702 2. Or, le prophète veut dire: Ta Puissance m'élèvera, ta Force m'exaltera, et Tu viendras à mon secours. Un autre interprète exprime la même pensée en traduisant: "Tu as établies les vertus dans mon âme." Remarquez cette expression: "Dans mon âme," parce qu'en effet, c'est le propre de Dieu de ranimer les âmes brisées par les tribulations, comme Il le fit pour les apôtres. Ils avaient été battus de verges, et ils s'en revenaient pleins de joie, tant leur âme était élevée au-dessus de la terre. (Ac 5,41). L'oeuvre particulière de la Puissance de Dieu, ce qui fait surtout éclater sa Force toute divine, c'est qu'au milieu des plus grandes épreuves, Il ne nous laisse pas tomber dans le découragement. "Que tous les rois de la terre Te louent, Seigneur, parce qu'ils ont entendu les paroles de ta Bouche." (Ac 4). Voyez quel profond sentiment de gratitude dans le prophète. Il ne lui suffit pas de rendre grâces à Dieu en son Nom, il invite les puissants de la terre, ceux qui portent le diadème, à venir s'associer à sa reconnaissance, Leur puissance est grande, il est vrai, semble-t-il dire, mais ils Te doivent cependant des actions de grâces pour les bienfaits que Tu as accordés aux autres hommes. C'est pour cela qu'il ajoute: "Parce qu'ils ont entendu toutes les paroles de ta Bouche," si donc ils accomplissent fidèlement ce devoir de la reconnaissance, ils en recueilleront les plus grands avantages, les fruits les plus précieux. En effet, la nature propice de tes grâces ô mon Dieu, est qu'elles sont offertes à tous les hommes, et que tous, s'ils le veulent, peuvent entrer en participation de vos Dons et en jouir. Jamais leur puissance royale ne leur procurera d'avantages comparables à celui d'entendre tes paroles. Voilà ce qui leur assurera tout à la fois de la sécurité de la force, de l'éclat, de la gloire. Voilà pour eux la vraie royauté; voilà ce qui donnera à leur autorité, autant de splendeur que de puissance. "Et qu'ils chantent dans les voies du Seigneur. ." Suivant une autre version: "Et qu'ils chantent les voies du Seigneur,". D'après la première version: "Dans tes voies," ces paroles signifient: conformément à tes lois, à tes ordres; d'après la seconde: "Tes voies," qu'ils proclament, qu'ils célèbrent, qu'ils annoncent tes oeuvres admirables, car tel est le sens de cette expression: "Qu'ils chantent, parce que la Gloire du Seigneur est grande." (Ac 5). C'est-à-dire, elle est manifeste, elle a un caractère d'évidence qui la rend sensible à tous les regards, elle est prête à répandre ses bienfaits sur tous les hommes, et tous lui doivent le tribut de leur reconnaissance. "Le Seigneur, est très élevé, et Il considère ce qui est humble." (Ac 6). Il est élevé par sa Nature, Il est élevé par son Essence. Le psalmiste se sert de ce langage figuré pour s'accommoder au culte des juifs et il le modifie dans ce qui suit, pour inspirer aux esprits humbles et petits des idées plus hautes. Mais que signifient ces paroles: "Il connaît de loin les choses élevées ?" Il veut parler de la Prescience qui est un des attributs particuliers de la Puissance divine; voilà pourquoi Dieu, par la bouche des prophètes, reproche si souvent leur erreur aux adorateurs des idoles. Un autre interprète traduit: "Et il connaît de loin ce qui est élevé;" un autre: "ce qui est sublime." Après avoir dit: "Le Seigneur est élevé, et Ii considère ce qui est humble," le psalmiste ajoute: "Et Il connaît de loin les choses hautes," pour nous apprendre que non seulement Dieu connait ces choses, mais qu'Ii les connaît longtemps d'avance, avant qu'elles arrivent, avant qu'elles s'accomplissent, avant qu'elles reçoivent leur exécution.
"Quand je marcherai au milieu des tribulations, Tu me sauveras la vie." (Ac 7). Il ne dit point: Tu éloigneras la tribulation, mais Tu me conserveras la vie au milieu même des plus rudes épreuves; c'est-à-dire, quand même je tomberais dans les plus grands dangers, Tu es assez puissant pour me sauver. Or, ce qui est vraiment admirable, ce qui surpasse toute pensée humaine, c'est que malgré les calamités et les ennemis qui m'assiègent de toutes parts, Tu me donne une sécurité parfaite. "Tu as étendu ta Main contre la fureur de mes ennemis." Voyez vous cette double preuve de la Puissance de Dieu? Tu me sauveras, lui dit-il, au milieu des maux dont je suis environné; et en même temps Tu humilieras, Tu comprimeras la fureur, la rage de mes ennemis qui ne respirent que le feu de la vengeance. "Et ta Droite m'a sauvé," c'est-à-dire, tu Puissance, ta Force.
Dieu en effet, est riche en expédients, Il a des ressources à l'infini, et il peut nous sauver au milieu des situations les plus désespérées. "Le Seigneur paiera pour moi." Une autre version porte: "Il agira." Une autre: "Il achèvera." C'est-à-dire, Il me vengera de mes ennemis; cependant il ne dit point: "Il me vengera," mais: "Il paiera pour moi", pour m'apprendre que dans sa Bonté il paiera et acquittera les dettes que j'aurai contractées, on peut appliquer ces paroles à ce que Jésus- Christ a fait pour nous, car Il a payé ce que nous devions. "Seigneur, ta Miséricorde est éternelle, ne délaisse point l'oeuvre de tes Mains." Le prophète fait valoir ici deux titres à la Clémence de Dieu; le premier, c'est qu'Il est bon et miséricordieux, que l'action de sa Miséricorde est incessante et que sa Bonté ne se relâche et ne se ralentit jamais; le second, c'est qu'Il est notre Créateur et que c'est Lui qui nous a tirés du néant. Mais si nous voulons ressentir les effets de sa Miséricorde, efforçons-nous de nous en rendre dignes. "Je ferai miséricorde, nous dit-Il, à qui Il me plaira de faire miséricorde." (Ex 33,19 Rm 9,15). En effet, la Miséricorde de Dieu ne se répand pas indistinctement, elle agit avec une espèce de discernement. Si elle se faisait sentir à tous, sans distinction, aucun coupable ne serait puni. Ce n'est donc point seulement pour obtenir miséricorde qu'il nous faut faire le bien, mais aussi parce que nous sommes les créatures de Dieu. Celui que Dieu a tiré du néant et qui est l'ouvrage d'un si grand Artisan, d'un si puissant Roi, doit rendre sa vie digne de la Providence paternelle et de la Sollicitude de Dieu. Si telle est notre conduite, nous mériterons les biens éternels. Puissent-ils être un jour notre partage, par la Grâce et la Bonté de notre- Seigneur Jésus Christ, à qui soient la gloire et la puissance dans les siècles des siècles.



Chrysostome, Psaumes 135