Chrysostome, Psaumes 145

PSAUME 146 (Vulgate 145)

145Ps 146 NV

"Mon âme loue le Seigneur. Je louerai le Seigneur durant ma vie; je chanterai mon Dieu tant que je resterai sur la terre." Ps 146,2.

1. Il commence encore comme il avait fini, par la louange. Au fond, rien ne saurait mieux purifier le coeur. Mais la louange dont il parle, est celle que les actes font éclater, comme je me plais à le redire. C'est bien celle que le Christ voulait aussi. "Que votre lumière brille aux yeux des hommes, afin qu'ils voient vos bonnes oeuvres et qu'ils glorifient votre Père qui est dans les cieux." (Mt 5,16). Paul dit à son tour: "Glorifiez Dieu dans votre corps et dans votre âme." (1Co 6,20). Dans le psaume précédent le saint roi disait: "Je Te bénirai chaque jour de ma vie;" et maintenant il dit: "Je chanterai mon Dieu tant que je resterai sur la terre." Après cela, poussé par le désir de voir encore une fois tous les hommes participer à ses hommages, il entre dans le détail des Miséricordes du Seigneur; le feu dont il est enflammé lui fait parcourir l'univers entier pour les entraîner tous dans ses pieux cantiques, on ne saurait offrir à Dieu de plus magnifiques louanges, ni mieux le glorifier, qu'en cherchant de la sorte à sauver avec soi le plus d'hommes possible. "Ne mettez pas votre confiance dans les puissants, dans les enfants des hommes; en eux n'est pas le salut." (1Co 3). Une autre version porte: "En celui qui ne peut pas sauver." Qu'ils écoutent ce conseil, qu'ils profitent de cette leçon, ceux dont les regards s'attachent aux secours humains, si vains et si fragiles.
Que signifient ces mots: "En eux n'est pas le salut ?" Il n'est pas en leur pouvoir de se sauver eux-mêmes, ils n'ont pas la force de se défendre; sitôt que la mort survient, les voilà gisant plus muets que les pierres. Le prophète exprime cette pensée quand il ajoute: "L'esprit de l'homme s'évanouira, et lui-même retournera dans la terre. En ce jour périront toutes ses pensées," ou bien, d'après une autre version, "tous ses projets." Or, voici la portée de ce langage: Celui qui ne peut pas se défendre lui-même, combien pourrait-il arracher les autres au danger? Rien n'est faible, rien n'est dénué de fondement comme une telle espérance. Nous le voyons par la nature même des choses. C'est pour cela que Paul disait de l'espérance qui repose sur Dieu: "Et l'espérance ne confond pas." (Rm 5,5). Mais ainsi ne vont pas les choses humaines; elles n'ont pas plus de consistance qu'une ombre.
Ne me dites donc pas: C'est un homme puissant. - Celui qui commande n'a rien de plus que le dernier des sujets; sa condition n'est pas moins incertaine, Devrais-je même vous étonner, j'ajoute que c'est précisément à cause de ce haut rang. que vous ne devez pas reposer en lui vos espérances. De telles positions sont toujours les plus périlleuses. Supposez que cet homme n'éprouve aucun revers, peut-être est-il sujet à la colère, peut-être aussi son pouvoir le rendra-t-il ingrat et lui fera-t-il perdre la mémoire des services qui lui furent rendus. S'il est juste et reconnaissant, il court par là-même plus de dangers qu'un simple particulier, il est entouré de pièges plus nombreux et plus funestes; sa défaite et sa chute sont d'autant plus probables qu'il a plus d'envieux. Que signifient donc les gardes qui l'entourent, tant de précautions pour sauvegarder sa vie? Comment un homme qui n'a pas de sécurité dans un peuple où règnent cependant l'ordre et les lois, qui vit au milieu de ses concitoyens comme au milieu des ennemis, toujours en sollicitude pour lui-même, pourrait-il sauver les autres? Comment un homme qui dans la paix éprouve de plus fortes terreurs qu'on n'en éprouve dans la guerre, pourrait-il mettre en sûreté l'existence d'autrui, la délivrer du danger? Beaucoup qui par eux-mêmes eussent pu couler des jours calmes et tranquilles, ont été pris comme dans un piège en se reposant sur de tels appuis: ils sont tombés en même temps que tombaient leurs protecteurs, et c'étaient les gardes eux-mêmes qui souvent trahissaient ces derniers. Mais, plusieurs ayant le bonheur d'échapper à ces périls, le prophète laisse tout cela de côté pour rappeler une chose qui, celle-là, n'est pas douteuse, la mort. - Je veux que tout vous succède, que votre protecteur soit reconnaissant et généreux; s'il vient à mourir quand il n'a pas encore accompli ses promesses, c'est une cruelle déception qu'il vous a ménagée, du moment où la durée de sa vie n'était pas égale à l'étendue de ses voeux.
Puisqu'il en est ainsi et que cette disproportion n'est que trop évidente, avouez que vous avez mis votre espoir dans un bien faible auxiliaire. Ignorez-vous que beaucoup ont fait la triste expérience de cette vérité, que plus ils ont compté sur un secours aussi ruineux, plus leur chute a été désastreuse? Ai-je besoin de dire que les promesses s'en vont en fumée, lorsque celui qui les a faites et qui seul pouvait les accomplir a lui-même disparu? "Il retournera dans la terre d'où il est sorti." S'il périt, à plus forte raison tout le reste. Voilà pourquoi la parole qui suit: "En ce jour-là périront toutes leurs pensées;" ce qui signifie non seulement que les promesses seront sans effet, mais encore que l'auteur de ces promesses sera lui-même exterminé. Que fait après cela le prophète? Quand il nous a détournés des secours humains, il nous montre un port assuré, une tour inexpugnable, et nous conseille de nous y réfugier. On ne saurait imaginer de conseil plus salutaire: éloigner des choses faibles pour conduire à celles que rien ne peut ébranler, détruire les illusions pour établir la vérité, repousser ce qui trompe pour présenter ce qui sert. "Heureux celui dont le Dieu de Jacob est le soutien, et dont l'espoir repose sur le Seigneur son Dieu." (Rm 5). Quelle effusion de lumière et d'amour ! La béatitude renferme ici tous les biens, elle est l'objet d'une espérance inébranlable. Après avoir proclamé heureux celui qui met son espoir dans le Seigneur, il dit la puissance d'un tel auxiliaire: d'un côté, c'est un homme de l'autre, c'est Dieu: celui-là va disparaître; celui-ci demeure à jamais. Il ne se borne pas à parler de Dieu, il nous donne encore ses oeuvres pour garant de notre espoir: "Qui a fait le ciel, la terre, la mer, et tout ce qu'ils renferment." (Rm 6).
Si les oeuvres de Dieu sont permanentes, à plus forte raison L'est-Il Lui-même, aussi bien que sa Puissance; et c'est par ses Oeuvres qu'il Se montre à nous sous ce même rapport. S'il a pour Lui la durée et la puissance, n'aurait-il pas la volonté? C'est ce que beaucoup d'insensés osent dire. Mais voyez comme le prophète dissipe ce soupçon. A peine a-t-il dit: "Qui a fait le ciel, la terre, la mer et tout ce qu'ils renferment," qu'il ajoute: "Qui maintient la vérité dans tous les siècles, et rend justice aux opprimés." (Rm 7). Voici le sens de ces paroles: II appartient à Dieu, c'est son Oeuvre par excellence, de venir au secours des opprimés, de ne pas oublier ceux qu'on persécute, de tendre la main à ceux qui sont entourés de pièges, et cela, pour toujours. C'est ce que signifie l'expression: "Dans tous les siècles."
Voici maintenant la suite du psaume: "Il donne la nourriture à ceux qui ont faim. Le Seigneur délie ceux qui sont chargés de fers, le Seigneur rend sages les aveugles." Une autre version dit:
"Illumine. Le Seigneur relève ceux qui sont tombés, le Seigneur aime les justes, le Seigneur protège les étrangers, Il prendra la veuve et l'orphelin sous sa défense, il bouleversera la route des pécheurs." (Rm 7-9). Avez-vous remarqué d'abord comme le prophète nous montre la divine Providence s'étendant à tout, mais s'appliquant en particulier à secourir les malheureux, à soulager la faim, à briser les chaînes? Tout cela cependant, les hommes le peuvent dans une certaine mesure; mais il n'en est plus ainsi de ce qui vient après: Il corrige les vices de la nature elle-même, Il relève ceux qui se sont brisés dans leur chute, Il glorifie ceux qui brillent par leur vertu, il sauve les malheureux qu'on délaisse, Il essuie les larmes et calme les douleurs des orphelins et des veuves. Eu ajoutant après cela: "Il aime les justes," le prophète nous fait voir que le Seigneur a porté secours aux autres uniquement à raison de leur malheur: ceux qu'Il nourrit, Il les nourrit parce qu'ils ont faim, ce qui certes n'a pas de rapport avec la vertu; Il délivre les captifs parce qu'Il a pitié de leurs chaînes, ce qui ne tient pas non plus à la vertu, mais à l'infortune; s'Il éclaire les aveugles, c'est encore pour guérir leur infirmité, non pour récompenser leurs bonnes oeuvres. Il en est de même de l'homme brisé par sa chute, de l'étranger, de l'orphelin et de la veuve. Or, si Dieu vient au secours des infortunés, à plus forte raison des amis de la vertu.
S'il est donc vrai que sa Bienveillance égale son Pouvoir, des tout est permanent en Lui, qu'Il accueille favorablement la vertu, qu'Il a pitié de l'infortune, pourquoi ne laissez-vous pas de côté l'être faible et sujet à la mort, pour chercher un asile auprès de Celui qui possède une force invincible, qui ne repousse jamais le malheur, qui le relève au contraire, qui peut tout ce qu'Il veut? Examinez la fin de ce cantique, et voyez quelle en est la précision. Il ne dit pas que Dieu dispersera les pécheurs, mais bien qu'Il dissipera leurs voies, c'est-à-dire leurs actes. Ce n'est pas la nature, en effet, c'est le vice qu'Il a en horreur. "Le Seigneur régnera dans tous les siècles; ton Dieu régnera, ô Sion, d'âge en âge." La perpétuité de son règne, aussi bien que de son Existence, ne saurait être révoquée en doute; et, s'Il n'accorde pas ici-bas la récompense, Il la réserve pour un monde meilleur.
Ne nous laissons donc pas abattre et troubler dans les épreuves, quand nous n'en voyons pas de sitôt la fin; reposons-nous sur le Seigneur du soin de les terminer. Si nous faisons quelque bien, ne demandons pas aussitôt notre récompense; encore en cela conformons-nous au bon Plaisir de Dieu: plus il diffère, plus Il donne avec magnificence. En toute occasion rendons-Lui grâces et ne cessons de Le louer. Ainsi nous passerons avec une pleine sécurité le temps de la vie présente, et nous acquerrons les biens ineffables de l'éternité, par la Grâce et l'Amour de notre Seigneur Jésus Christ, à qui gloire et puissance, en même temps qu'au Père, principe sans principe, et au saint Esprit, source de vie, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Amen.



PSAUME 147,1-11 (Vulgate 146)

146Ps 147,1-11 NV


"Louez le Seigneur, parce qu'il fait bon Le louer." (Ps 147,1).

1. Plus haut, dans le cent quarante-quatrième psaume, le prophète a dit: "Grand est le Seigneur et digne de louanges infinies;" puis il a beaucoup parlé de la Gloire de Dieu. Ici, c'est l'acte même de la louange qu'il proclame un bien, c'est le psaume qu'il nous montre comme une source intarissable de grâces. Il détache l'âme de la terre, il lui donne des ailes embrasées, il la tient à d'incomparables hauteurs. Voilà pourquoi Paul disait: "Chantez dans vos coeurs des hymnes et des psaumes au Seigneur." (Ep 5,19). "Que la louange soit agréable à votre Dieu." Une autre version porte: "Alléluia, parce qu'il est bon de chanter Dieu." Pourquoi cette parole: "Que la louange soit agréable à votre Dieu ?" - Qu'elle soit favorablement accueillie; mais pour cela, pour que la louange soit réellement agréable à Dieu, il ne suffit pas que la voix chante, il y faut aussi la vie, la prière, la vigilance et l'amour. - Pour moi, j'ai la pensée que ce psaume s'applique au retour de la captivité; c'est ce que me paraissent montrer les paroles qui suivent: "C'est le Seigneur qui relève les murs, de Jérusalem, Il réunira les restes dispersés d'Israël." (Ps 146,2). C'est bien Cyrus qui les renvoya dans leur patrie, mais sans avoir conscience de ce qu'il faisait; tout arrivait par la Volonté divine. Un autre interprète dit simplement: "Le Seigneur bâtira...," et remplace ensuite l'idée de dispersion par celle d'expulsion. Tout cela s'explique: ils ne furent pas tous ramenés à la fois; après l'ordre du retour, ils se réunirent peu à peu.
"C'est Lui qui guérit ceux dont le coeur est broyé et qui bande leurs blessures." (Ps 3). Une autre version: "Toutes leurs fractures." Comme le prophète connaissait la fragilité de la vie, l'image du malheur et celle de la divine Miséricorde sont invoquées de nouveau par lui. C'est en quelque sorte la fonction propre de Dieu de consoler ceux qui sont humiliés; Paul le désigne comme étant celui "qui vivifie les morts," (Rm 4,17), et qui de plus appelle les choses qui ne sont pas, comme celles qui sont." C'est encore la fonction propre de Dieu qu'il désigne, comme le prophète quand il disait: "Qui guérit ceux dont le coeur est broyé," nous montrant par là que, malgré notre indignité, du moment où nous sommes son oeuvre, Dieu n'abandonnera pas ce qu'Il a lui-même créé et sera toujours semblable à Lui-même. Paul dit aussi: "Celui qui console les humbles, nous a consolés." (2Co 7,6). Isaïe avait dit avant lui: "C'est Lui qui donne la confiance à ceux dont l'âme est affaiblie." (Is 57,15). David lui-même s'exprime ailleurs en ces termes: "Dieu ne méprisera pas un coeur contrit et humilié." (Ps 50,19). Voulez-vous obtenir les divines consolations, humiliez-vous, courbez votre intelligence.
Ce qui précède regarde la Bienveillance de Dieu, sa Libéralité, son Amour pour les hommes; nous y voyons que c'est comme la fonction de sa Providence de secourir ceux qui sont dans le malheur. Ce qui suit regarde sa Puissance. "Il compte la multitude des astres;" (Ps 146,4); Il en sait le nombre. Comme il s'agissait d'une multitude dispersée et qui ne paraissait nulle part, c'est avec à-propos que l'auteur sacré choisit cet exemple, son intention étant de montrer que Dieu pouvait réunir sans peine son peuple dispersé, Lui qui relève et console les affligés, Lui qui compte exactement l'innombrable multitude des étoiles. Il pourra donc aussi nous ramener et nous réunir tous, quoique nous devions égaler ce nombre, selon qu'Il nous l'a promis. "Il leur donne à tous un nom." Une autre version supprime le mot "leur." Une autre encore porte: "Il les appellera tous par leur nom." J'ai la conviction qu'il parle là des Israélites, et que le Roi-prophète exprime la même pensée qu'exprimera plus tard Isaïe: "Ne crains pas, Israël. Je t'ai appelé des antres de la terre, et Je t'ai dit: Tu es mon enfant." (Ps 41,9). Que signifie cette parole: "Il les appellera tous par leur nom ?" - Aucun d'eux ne périra, Il les ramènera tous jusqu'au dernier, comme lorsqu'on fait un appel nominal.
"Grand est le Seigneur que nous avons, grande est sa Puissance." (Ps 5). Il venait de dire une chose étonnante, à savoir que Dieu réunirait de nouveau tant de milliers d'hommes dispersés sur la surface de la terre; il parle donc maintenant de sa Puissance, afin de créer cette conviction dans l'âme des Juifs, que tout cela remplissait de trouble. "Et sa Sagesse est au-dessus de toute pensée." Ne demandez donc pas comment et par quels moyens Il agit; car sa Grandeur est infinie. C'est l'expression même d'un autre psaume: "Sa grandeur n'a pas de bornes." (Ps 144,3).
Sa Sagesse n'est pas moins infinie que sa Grandeur. C'est pour cela qu'après avoir dit: "Grand est le Seigneur que nous avons," le prophète ajoute: "Et sa Sagesse est au-dessus de toute pensée." Sa Science est également admirable; et de là cette expression: "La connaissance que Tu as de moi m'étonne; elle me domine, et je n'y puis résister." (Ps 138,6). Ses Jugements aussi sont insondables; David le disait ailleurs: "Tes Jugements sont un abîme sans fond." (Ps 35,7) .

14602 2. En présence de cette grandeur, de cette puissance et de cette sagesse, ne cherchez donc pas comment s'accompliront ses dessins. "Le Seigneur accueille les hommes humbles et doux, il abaisse les pécheurs jusqu'à terre." (Ps 146,6). Pour que les insensés n'eussent pas à dire: Que nous importe à nous qu'il connaisse parfaitement tous les astres? le prophète expose à nos yeux le soin que Dieu prend des hommes. Il ne dit même pas: Le Seigneur vient en aide aux hommes humbles et doux; il dit quelque chose de bien plus fort: "Il les accueille;" Il les reçoit; c'est comme s'il parlait d'un tendre père; j'insiste sur cette expression: Il les réchauffe, Il les porte dans ses Bras. Voyez-vous, encore une fois, combien sa Puissance se montre irrésistible sous ce double aspect, et quand il s'agit d'élever les humbles, et quand il s'agit d'abaisser les superbes? Il humilie ces derniers, non d'une manière quelconque, mais au suprême degré, "jusqu'à terre," selon l'expression du psalmiste. "Chantez au Seigneur un cantique de louanges." (Ps 7). Une autre version dit: "Racontez ses louanges." Après avoir donc signalé les Oeuvres de Dieu, le prophète nous appelle de nouveau à célébrer sa Gloire: "Chantez au Seigneur un cantique de louanges," dans une sainte ardeur, avec des transports de reconnaissance. "Chantez notre Dieu sur la cithare" D'après une autre version: "Sur la lyre." l"C'est Lui qui couvre le ciel de nuées et qui prépare la pluie pour la terre." (Ps 8). L'auteur sacré n'a pas voulu qu'un insensé pût dire: Que me fait à moi ce qui se passe dans les régions célestes? Il se hâte donc d'ajouter ce qui touche à l'intérêt des hommes, en disant la raison pour laquelle Dieu couvre le ciel de nuées. - C'est pour toi, semble-t-il me dire, c'est pour te donner la pluie; car la pluie est bien pour toi, elle enrichit tes prairies. - Remarquez encore sa Sagesse: Il nous parle là des biens communs, de ceux qu'il donne à tous, et dont l'abondance doit certes fermer la bouche de l'impie. Or, s'il se montre aussi magnifique envers les infidèles, si pour eux il rassemble les nuées, fait tomber la pluie et féconde la terre, que ne fera-t-Il pas pour vous, son peuple particulier? "Il produit le foin sur les montagnes." Remarquez une fois de plus l'étendue de sa Providence: ce n'est pas seulement dans les terres cultivées, c'est encore sur les montagnes qu'il dispose une table abondante pour les animaux destinés au service de l'homme. Voilà pourquoi le prophète ajoute: "Il donne leur nourriture aux bêtes de somme ainsi qu'aux petits des corbeaux, qui L'invoquent." (Ps 9). Nous apercevons ici la Magnificence divine sous un autre aspect: ce n'est pas seulement aux animaux domestiques, à ces utiles serviteurs de l'homme; c'est encore aux bêtes sauvages que la nourriture est donnée: "Ainsi qu'aux petits des corbeaux, qui L'invoquent." Si la Providence étend ses soins sur tous les animaux, sans en excepter ceux qui vivent loin de l'homme et qui ne lui sont d'aucun secours, combien plus n'aura-t-elle pas soin des hommes eux-mêmes, et particulièrement des hommes qui louent et chantent le Seigneur, et qui par là-même sont appelés son peuple spécial, la portion de son héritage? Puis, comme le prophète parlait à des êtres faibles et désarmés, dénués de tout appui, voyez de quelle manière il les prémunit contre le trouble qui devait les saisir, et contre leur faiblesse même.
"Le Seigneur dédaigne celui qui se confie dans la force de son cheval ou dans la vitesse de ses pieds. Le Seigneur met sa complaisance en ceux qui Le craignent, en ceux qui comptent sur sa Miséricorde." ou bien, d'après une autre version: "Qui attendent sa Miséricorde." (Ps 10,11). Si vous avez ces deux choses, dit-il, la crainte et l'espérance selon Dieu, vous obtiendrez sa Bienveillance; et, cette bienveillance vous étant acquise, vous l'emporterez sur tous ceux qui possèdent des chevaux et des armes. Ce qu'on exige de vous, c'est que vous ne tombiez ni dans l'abattement, ni dans le trouble, et que vous espériez en sa Miséricorde; la véritable espérance consiste à ne pas se déconcerter, à ne pas se décourager, quand le secours se fait attendre. - C'est avec raison qu'il dit: "Sur sa Miséricorde;" car ils ne pouvaient pas compter sur leurs propres actions.- Quoique vous n'ayez donc pas de bonnes oeuvres à faire valoir, si vous espérez seulement en sa Miséricorde, vous serez l'objet de sa sollicitude et de sa protection.
Puissions-nous tous obtenir cette faveur, par la Grâce et l'Amour de notre Seigneur Jésus Christ, à qui gloire et puissance, dans les siècles des siècles. Amen.



PSAUME 147,12-20 (Vulgate 147)

147Ps 147,12-20

"Jérusalem, loue le Seigneur; Sion, loue ton Dieu." (Ps 147,12 NV).

"Ce n'est pas à la ville, c'est aux habitants que le prophète adresse évidemment la parole, agissant ici comme dans tout le reste de son livre. Il les conjure donc et les presse de rendre grâces à Dieu pour les bienfaits qu'ils ont reçus, et de mettre leur confiance, non dans la hauteur de leurs murailles ni dans la solidité de leurs bastions, mais dans sa prévoyante bonté. Ce principe posé, il poursuit en ces termes: "Car Il a consolidé les serrures de tes portes, Il a béni tes fils dans ton enceinte." (Ps 2). Que signifie cette expression: "Il a consolidé les serrures ?" Il t'a mise en sûreté, il t'a faite inexpugnable. "Il a béni tes fils," Il les a multipliés d'une manière admirable. Voilà un premier bienfait; en voici maintenant un second: "En toi, dans ton enceinte." Ils ne sont ni divisés, ni dispersés, veut-il dire, c'est dans ton sein, sans s'éloigner de toi, qu'ils se sont ainsi multipliés.
Vient après cela une autre manifestation de la divine Providence:
"Il t'a donné la paix pour frontières." (Ps 3). Il serait possible qu'ils eussent la sécurité au dedans et qu'ils fussent en aussi grand nombre, tandis qu'ils auraient à supporter la guerre. Eh bien, non; il déclare qu'ils seront à l'abri de tels dangers, que la ville n'en sera pas seule délivrée, que les frontières elles-mêmes en seront exemptes. Voyez déjà que de bienfaits. Le premier de tous et le plus grand, se trouve renfermé dans cette parole: "Ton Dieu." Cela dit tout en quelque sorte: Il t'a mise dans son intimité, Il t'assure son héritage, et lui, Seigneur de tous les êtres sans exception, II veut être par excellence le tien; et c'est là, certes, la source de tous les biens. Celui qui vient immédiatement après, c'est la sécurité de la ville. Le troisième, c'est leur prodigieux accroissement. Le quatrième, c'est que non seulement la ville, mais encore la nation tout entière soit à l'abri des guerres et des séditions; et ce n'est pas dans une circonstance ou dans une autre que ce bienfait est accordé, il dure sans cesse, comme l'indique assez le temps du verbe, qui est au présent, pour marquer une action permanente. Si parfois ce peuple eut des guerres à subir, ce n'est pas que Dieu l'eût abandonné, c'est que lui-même s'était éloigné de Dieu; car la divine Providence veillait constamment sur lui pour le protéger et le défendre, pour éloigner de lui toute division intestine et toute guerre étrangère. A ce dernier bienfait le prophète en joint un autre, l'abondance des fruits de la terre, en saisissant encore cette occasion pour enseigner aux hommes qu'ils doivent attribuer cette abondance, non à la fécondité de la terre elle-même, ni à l'influence naturelle de l'air, mais à la prévoyante Bonté du Créateur. 0ù voyons-nous briller cette bonté? Dans les mots qui suivent: "Il te rassasie de la graisse du froment." Remarquez cette expression. Il ne se borne pas à dire: Du froment; il ajoute à ce mot celui de graisse, pour mieux montrer la prospérité dont ils jouiront. En disant la graisse du froment, c'est le choix qu'il veut dire, ce qu'il y a de plus pur et de plus parfait; car telle est la nature des dons de Dieu. Il leur promet donc qu'ils auront en abondance le meilleur froment: Dieu ne se contentera pas de le leur donner, Il les en rassasiera.
"Il répand sa Parole sur la terre," (Ps 4). Selon sa coutume, le prophète passe des faveurs particulières aux bienfaits généraux, et réciproquement des bienfaits généraux aux faveurs particulières. Comme il avait dit: "Loue ton Dieu," pour que la folie ne pût pas en induire qu'Il était le Dieu des Juifs seuls, il se hâte de montrer comme le Dieu de l'univers, dont la providence s'étend à toutes les contrées de la terre; et c'est pour cela que le chantre inspiré passe du particulier au général et célèbre cette providence universelle. A peine a-t-il dit: "Il répand sa Parole sur toute la terre," qu'il ajoute: "Et sa Parole court avec rapidité." N'est-ce pas là nous apprendre que Dieu veille, non sur une seule contrée, mais sur la terre entière? La parole est prise ici pour la volonté même, pour l'action providentielle. Il en fait après cela ressortir la promptitude et l'énergie en nous la représentant avec des ailes rapides; et c'est d'une manière formelle qu'il parle de cette rapidité. Voici le sens de ce verset: Tout ce qu'Il ordonne s'accomplit avec une merveilleuse célérité. Or Il commande à toutes les créatures. Et que commande-t-Il? Tout ce qui concourt à la conservation de notre vie, et, par conséquent, tout ce qui concerne l'heureuse disposition de l'air, la succession régulière des saisons.
Aussi poursuit-il en ces termes: "Il répand la neige comme des flocons de laine, et les frimas comme la cendre." (Ps 5). Un autre interprète dit: "La rosée condensée." L'hébreu porte Chephor, Chaëpher. David continue: "Il accumule la glace comme les pains entassés. Qui se soutiendra devant le froid qu'Il excite ?" Dans une autre version, le chaud remplace ici le froid. "Il enverra sa Parole, et les glaces se fondront; son Esprit soufflera, et les eaux couleront." (Ps 5-7). Je vois là l'irrésistible, l'infinie Puissance du Seigneur, puisqu'Il crée ce qui n'existe pas encore et qu'Il transforme à son gré les oeuvres de ses Mains.

14702 2. Un autre prophète exprime formellement cette même pensée: "Il crée toutes choses et les transforme." (Am 5,8). Quoique chaque chose soit renfermée dans les inflexibles limites de sa nature, quand il plaît à Dieu, ces limites sont renversées; tout cède à sa volonté. Parfois Il change les substances elles-mêmes; parfois, laissant intacte la substance, Il change simplement l'opération, de telle sorte que cette substance est dépouillée pour un instant des effets qui lui sont propres, et qu'elle produit des effets opposés. C'est ce que Dieu fit dans la fournaise de Babylone: il y avait là du feu, mais un feu qui ne brûlait pas, et qui semblait la plus douce rosée à ceux qu'on avait jetés dans la fournaise. C'était bien la mer que les Hébreux traversaient; mais, au lieu de les engloutir, les ondes se tenaient plus solides que la pierre. C'était bien la terre que foulaient Dathan et Abiron, et cependant elle ne soutint pas le poids de leurs corps, elle les engloutit avec plus de facilité que la mer elle-même. La verge d'Aaron n'était plus qu'un bois sec, et voilà qu'elle produisit un fruit beaucoup plus beau que tous ceux qu'on pouvait voir sur les arbres. L'ânesse de Balaam était par sa nature le plus stupide des animaux, et cela ne l'empêcha pas de se défendre avec plus de raison que n'aurait pu le faire l'homme le plus éclairé, auprès de celui qui la frappait. Daniel était entouré de lions, et ces lions se montrèrent aussi doux que des brebis, non que leur nature fût détruite, mais parce que leurs instincts étaient comprimés.
Nous voyons dans les créatures beaucoup d'autres changements non moins merveilleux. Parce qu'un prodige se reproduit tous les ans et s'offre communément à nos regards, n'allez pas le dédaigner. Quelle merveille n'est-ce pas, si vous savez le comprendre, qu'une même chose soit tantôt de la glace et tantôt de l'eau, que de telles transformations s'accomplissent d'une manière aussi rapide? Ne voulant pas que l'ignorance puisse les attribuer à la force naturelle des éléments et n'y voir que l'action des causes matérielles, le prophète élève notre pensée vers Celui qui les prescrit, et son cantique dès lors nous manifeste la volonté supérieure à laquelle tout obéit: "Il enverra sa Parole, et la glace se fondra." Sa Parole, encore une fois, c'est l'expression de sa Volonté; le vent n'est donc que l'instrument, et Dieu, le Créateur des vents, est l'Auteur du phénomène. S'il parle des éléments et des changements qu'ils subissent, c'est pour apprendre aux Juifs, dont l'esprit grossier avait besoin d'être frappé par des objets sensibles, à remonter des phénomènes que la nature nous présente chaque année, à la Puissance même de Dieu, qui peut avec tant de facilité modifier à son gré la forme des créatures et les faire passer d'un extrême à l'autre. De même que, la tempête étant déchaînée et les frimas sévissant avec fureur, Il peut aisément ramener le calme et radoucir la température; de même Il peut sans effort rendre la paix à ceux qui sont tourmentés par la guerre et rendre à leur patrie, comme à leur ancienne prospérité, ceux qui gémissaient dans les fers. Là ne s'arrête pas la portée de ce texte; il renferme de plus un sens caché. Quel est-il? C'est que les malheurs arrivés à ce peuple tournèrent à son avantage, furent pour lui la source d'un grand bien, comme les phénomènes dont nous parlons, tout pénibles qu'ils peuvent être, contribuent cependant au bonheur de notre vie. Le prophète ne s'appesantit pas même sur ces tristes images, il les tempère par de plus douces idées. Que signifieraient autrement les expressions qu'il emploie? Au lieu de dire simplement: "Il répand la neige," voilà qu'il ajoute: "Comme des flocons de laine." Il ne dit pas non plus: "Et les frimas," sans ajouter: "Comme la cendre." Il ne se borne pas à dire enfin:
"II accumule la glace," puisqu'il complète ainsi sa pensée: "Comme les pains entassés." C'est la facilité de l'action divine et le but qu'elle poursuit que j'aperçois dans de semblables expressions.
"Il annonce sa doctrine à Jacob." Un autre dit: "Ses décrets;" un autre encore: "Ses ordres." - "Ses Justices et ses Jugements à Israël. Il n'a pas agi de même (ou bien: Il n'a pas fait la même chose) envers les autres nations; Il ne leur a pas manifesté ses Jugements." (Am 8,9). Voyez comme des dispositions générales de la Providence, il revient à ce qui regarde spécialement les Juifs, voulant ranimer ainsi leur zèle. Au commencement du psaume il a parlé des biens qui tombent sous les sens et qui servent à notre vie corporelle, tels que la sécurité, l'abondance, la paix: ici sa parole prend un tout autre essor, il touche à l'établissement de la loi, et par là même au plus grand de tous les bienfaits, puisqu'il a pour objet d'éloigner du vice, de conduire à la vertu, d'illuminer l'intelligence. C'est ce qui faisait dire à Moïse, dont le regard avait fouillé ce sujet dans tous les sens: "Quel est le peuple comparable à celui-ci? Quelle est la nation assez grande pour avoir un Dieu. qui vive au milieu d'elle, comme le Seigneur notre Dieu, dans toutes les circonstances où nous L'invoquons ?" (Dt 4,7). David dit à son tour: "Le Seigneur fait miséricorde et rend justice aux opprimés. Il a fait connaître ses Voies à Moïse, ses Volontés aux enfants d'Israël." (Ps 103,6-7). Voici comment parle Jérémie: "Celui-là est notre Dieu, et nul autre à part Lui ne sera compté pour rien. Il a découvert toutes les voies de la sagesse, et Il les a transmises à Jacob son fils, à Israël son bien-aimé. (Ba 3,36-37) .
Quelqu'un dira peut-être: Mais puisqu'Il ne les a pas révélées aux autres hommes, comment ceux-ci sont-ils punis? - A la vérité, que Dieu juge les hommes mêmes qui vécurent. avant la loi et ceux qui pèchent n'importe dans quelle contrée de la terre, les Paroles de Jésus-Christ ne nous permettent pas d'en douter: "La reine du Midi se lèvera, et condamnera cette génération." Il venait de dire: "Les.hommes de Ninive se lèveront, et condamneront cette génération." (Mt 12,41-42). C'est bien nous dire ouvertement qu'eux aussi seront jugés, et qu'ils le seront pour leur gloire, tandis que d'autres trouveront là leur châtiment. Or, s'ils n'avaient pas appris les devoirs imposés aux hommes, comment pourraient-ils condamner les prévaricateurs? Comment le Sauveur aurait-il dit encore: "Le sang sera vengé, depuis le sang du juste Abel jusqu'au sang de Zacharie ?" (Mt 23,35). Et dans une autre circonstance: "Le sort des habitants de Sodome et de Gomorrhe sera moins intolérable ?" (Mt 11,24). Ce qui veut dire évidemment qu'ils auront un supplice à subir, mais un supplice moins terrible que celui dont il s'agit. Ceux-là furent néanmoins assez fortement châtiés: que deviendront alors les autres ?

14703 3. Nous avons encore l'exemple des hommes engloutis par le déluge, et beaucoup d'autres, sans compter celui de Caïn. Paul enseigne ainsi la même doctrine: "La colère de Dieu éclate du haut du ciel sur toute impiété et sur l'iniquité des hommes qui retiennent la vérité dans l'injustice; car ce qu'on peut connaître de Dieu, ils le voient en eux-mêmes. Dieu le leur a manifesté. Ce qu'il y a d'invisible en Lui se révèle à notre intelligence par le spectacle de la création, qui est son oeuvre; là rayonnent son éternelle Puissance et sa Divinité, de telle sorte que ces hommes sont inexcusables." (Rm 1,18-20). Il en vient ensuite à caractériser leur vie, montrant encore là le compte rigoureux qu'ils auront à rendre; puis il poursuit: "Comme ils ont connu la justice de Dieu, ceux qui commettent de telles choses sont dignes de mort; et non seulement ceux qui les commettent, mais encore ceux qui donnent leur approbation aux coupables. Pensez-vous donc, ô homme, vous qui condamnez ceux qui se rendent ainsi coupables, et qui cependant commettez les mêmes actions, que vous échapperez au jugement de Dieu? Méprisez-vous les richesses de sa Bonté, de sa Patience et de sa Mansuétude, au point d'ignorer que la Clémence de Dieu vous invite à faire pénitence? Par votre insensibilité et par l'impénitence de votre coeur, vous amassez sur votre tête un trésor de colère pour le jour de la colère et de la manifestation du juste Jugement de Dieu, qui rendra à chacun selon ses oeuvres: la vie éternelle à ceux qui par la persévérance dans les bonnes oeuvres cherchent la gloire, l'honneur et l'immortalité; et quant à ceux qui par esprit de contradiction n'obéissent pas à la vérité, mais se laissent guider par l'injustice, Il réserve sa colère et son indignation. Tribulation et angoisse sur l'âme de tout homme qui fait le mal, du Juif d'abord, du gentil ensuite." (Rm 2,3-9) .
Tout cela nous montre clairement que tous les hommes qui furent jamais, même avant la loi, ont subi la peine de leurs péchés, et que tous ceux qui vécurent dans l'amour de la vertu et dans la fuite de l'impiété ont acquis la vraie béatitude. Or, comment ces deux choses auraient-elles été s'ils avaient ignoré quelles étaient leurs obligations? - Et s'ils les connaissaient, m'objectera-t-on peut-être, d'où vient qu'il est dit: "Il n'a pas agi de même envers tontes les nations, et Il ne leur a pas manifesté ses Jugements ?" - Voulez-vous comprendre le sens de ces paroles, savoir ce que le Prophète a voulu dire, écoutez: Il n'a donné de loi écrite à aucun autre peuple; mais tous avaient la loi naturelle gravée au-dedans d'eux-mêmes et qui leur faisait connaître le bien et le mal. En effet, au moment même où Dieu créa l'homme, Il lui donna ce jugement incorruptible, cette lumière de la conscience qui doit guider la vie de chacun. Pour les Juifs, Il leur donna de plus, les distinguant ainsi du reste des hommes, cette loi morale qui mettait sous leurs yeux les préceptes que tous avaient dans leur coeur. Aussi le Prophète ne dit-il pas que Dieu n'ait rien fait pour les autres nations; il dit seulement qu'Il n'a rien fait de pareil: Il ne leur a pas donné les tables de la loi, des livres inspirés, un législateur comme Moïse, ni les autres choses qui s'accomplirent sur le mont Sinaï; les Juifs seuls en furent favorisés par un heureux privilège; le reste du genre humain dut se contenter des prescriptions dictées par la conscience. C'est ce que Paul déclare également en ces termes: "Comme les nations n'ayant pas la loi font par l'impulsion de la nature ce que la loi prescrit, les hommes privés de ce secours sont eux-mêmes leur loi." (Rm 2,14). Voilà pourquoi les Juifs devront subir une plus grave condamnation, puisqu'en méconnaissant la loi naturelle, ils ont encore violé la loi écrite; et ce bienfait si grand que Dieu leur avait accordé est devenu pour eux, à cause de leur négligence, l'occasion d'un plus terrible châtiment.
Nous en avons assez dit sur le sens littéral du psaume; si quelqu'un maintenant en désire l'explication anagogique, nous ne refusons pas d'entrer dans cette nouvelle voie, non certes pour ébranler la vérité historique, loin de nous cette pensée,mais pour offrir aux âmes zélées ce précieux avantage, autant du moins que le texte peut le comporter. "Jérusalem, loue le Seigneur; loue ton Dieu, Sion." Paul connaît la Jérusalem céleste, puisqu'il dit: "La Jérusalem qui est là-haut possède la vraie liberté, elle est notre mère." (Ga 4,26). Il sait aussi que l'Église est la véritable Sion; écoutez ses paroles: "Vous ne vous êtes pas approchés de la montagne visible que couvrent des tourbillons de feu et de fumée, qu'enveloppent le tonnerre et les éclairs; mais vous êtes venus à la cité de Sion, à l'Église des premiers-nés, dont les. noms sont inscrits dans les cieux." (He 12,18) On peut donc, dans le sens anagogique, dire à celle-ci: "Jérusalem, loue le Seigneur, loue ton Dieu, Sion; car Il a consolidé les serrures de tes portes, Il a béni tes enfants en toi." Il a fortifié l'Église bien mieux qu'Il n'avait fortifié Jérusalem; et ce n'est pas avec des portes et des verrous, c'est avec sa Croix elle-même, et par la manifestation de sa propre puissance. Voilà le rempart qu'Il élève. autour de la cité sainte, ce qui Lui fait dire: "Les portes de l'enfer ne prévaudront pas contre elle."( Mt 16,18).

14704 4. Au commencement, tous les monarques, les peuples et les cités, les phalanges des démons et le tyran des enfers à leur tête, mille autres ennemis se déchaînaient contre l'Église; mais tous s'y brisèrent et périrent, tandis qu'elle n'a cessé de grandir au point de dépasser la hauteur même des cieux. "Il a béni tes enfants en toi." De même que cette parole prononcée dès l'origine: "Croissez, multipliez-vous et remplissez la terre," (Gn 1,28), a parcouru l'univers pour le féconder, de même en a-t-il été de celle-ci: "Allez, instruisez toutes les nations, " (Mt 28,19), et de cette autre: "Cet évangile sera prêché dans le monde entier." (Mt 26,13). En effet, dans un très petit espace de temps, l'ordre s'est accompli jusqu'aux derniers confins de la terre. C'est dans cette vue que le Sauveur disait encore: "Si le grain de froment ne tombe pas dans la terre et n'y meurt pas, il reste seul; s'il meurt, au contraire, il produit des fruits abondants." (Jn 12,24). Il ajoutait: "Quand je serai élevé au dessus de la terre, j'attirerai tout à moi." (Jn 32). Tous les hommes sont primitivement venus d'un seul, et, la population augmentant selon les lois de la nature, ce fut l'affaire d'un grand nombre de siècles: au temps des apôtres, la multitude augmentait, non d'après les lois de la nature, mais selon le pouvoir de la grâce. Aussi, dans un jour trois.mille, une autre fois cinq mille, puis des foules innombrables, et puis encore l'univers entier reçurent la vie nouvelle et formèrent une immense famille par cette merveilleuse régénération; c'est par les faits que se manifestait la bénédiction qui leur avait été donnée: ils étaient nés de la grâce divine, "non du sang et par la volonté de la chair."
"Il t'a donné la paix pour frontière." C'est là surtout ce qu'on peut dire de l'Église. Chose qui frappe d'étonnement, elle jouissait de la paix au sein même de la guerre; entourée d'embûches, elle vivait dans la sécurité. Voilà pourquoi Jésus disait: "Je vous laisse ma paix, Je vous donne ma paix." (Jn 14,27). "Il te nourrit de la graisse du froment." En appliquant le psaume à l'Église, on peut entendre cette parole de l'aliment spirituel que nous y trouvons, du pain de vie qui nous est donné. "Il envoie sa Parole sur la terre, et sa Parole court avec rapidité." Quelle est la parole dont il est ici question, je vous le demande? Celle dont les apôtres furent les ministres et qui parcourait l'univers comme portée sur des ailes rapides. C'est ce que David annonçait dans un autre psaume, quand il disait: "Le Seigneur donnera la parole aux infatigables messagers de la bonne nouvelle." (Ps 67,12). Si quelqu'un était assez insensé pour révoquer en doute une telle interprétation, qu'il examine ce qui se passe dans les éléments: il verra comment la neige s'entasse avec rapidité, couvre la terre en quelques instants et dérobe subitement à nos regards tous les objets qui nous entourent. Éclairé qu'il était de l'esprit prophétique et cherchant dans la nature un terme de comparaison pour mettre dans tout son jour le sens anagogique de sa prophétie, il devait insister sur ces phénomènes naturels.
Voici donc ce qu'il a voulu dire: Il arrivera que la terre entière soit inondée par la Parole de Dieu, mais de la manière la plus rapide, dans un temps extrêmement court. - Après cela, comme la seule nation des Juifs, à laquelle avaient été consacrés tant de soins et pendant tant de siècles, n'en était pas devenue meilleure, le prophète veut répondre à la difficulté qui pourrait naître d'une telle considération: pour montrer comment les habitants de la terre entière seront en peu de temps ramenés au bien, il prend des exemples dans les choses de l'ordre naturel, la neige, les nuées, la glace, si remarquables par la promptitude avec laquelle elles viennent. Ne refusez donc pas de croire, bien qu'on vous annonce un si rapide changement dans les esprits. - Mais il en est beaucoup qui résisteront? - Ceux-là même finiront par céder et laisseront le champ libre à la pensée divine. On peut bien supporter un froid léger; mais, s'il acquiert un certain degré d'intensité, nul n'y résiste, tous sont domptés: à plus forte raison toutes les résistances devront-elles succomber devant la Parole et l'ordre de Dieu. Il dépend de lui de changer les substances, d'en produire de nouvelles, de communiquer une telle force aux éléments que toute résistance devienne impossible. "Il annonce sa Parole à Jacob, ses Justices et ses Jugements à Israël." Vous ne vous trompez pas non plus, en interprétant dans un sens spirituel ces noms de Jacob et d'Israël; entendez ce que dit l'Apôtre: "La paix sur vous et sur l'Israël de Dieu," (Ga 6,16), à qui gloire dans les siècles des siècles. Amen.




Chrysostome, Psaumes 145