Chrysostome T4 Lettres 238

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LETTRE CLXVI. AUX ÉVÊQUES VENUS AVEC CEUX D'OCCIDENT.

Probablement 406.

Vos révérences se sont déjà noblement signalées en manifestant la juste indignation que doivent leur inspirer les malheurs déchaînés sur tant d'Eglises, en y compatissant, en faisant plus, je veux dire en s'acquittant de leurs devoirs. Mais ce qui surpasse tout, c'est ce dernier trait de vos charités : avoir quitté vos demeures, vous être embarqués dans un si (509)

long voyage, vivre sur une terre étrangère, braver les fatigues d'une si longue route pour l'intérêt des Eglises. Cela fait que nous ne cessons de vous rendre grâces, de vous admirer, de vous proclamer bienheureux, en songeant aux récompenses que vous réserve la justice du Dieu de bonté. Et puisque l'exil où nous sommes retenu ne nous permet pas aujourd'hui de vous visiter, ni de vous écrire d'une manière suivie, à cause de la rareté des courriers (sans quoi nous vous écririons lettres sur lettres), nous avons encouragé un très-pieux et très-respectable prêtre, qui, de son propre mouvement allait partir, à se rendre auprès de vous, à voir vos religions, afin que vous le chargiez d'une lettre pour nous, et que lui-même ait le plaisir de considérer face à face vos charités. Accueillez-le donc ainsi qu'il vous sied de le faire; puis, dès que vous le pourrez, ne manquez pas de nous faire savoir si vous vous portez bien. Car nous tenons beaucoup à être éclairé sur ce point, et ce sera pour nous une grande consolation dans la solitude où nous sommes retenu.



LETTRE CLXVII. AUX MÊMES.

406.

Nous vous savons un gré infini de tant de fermeté, de zèle, de sollicitude, ainsi que de vos fatigues, de vos sueurs, et du long voyage que vous avez fait pour les intérêts de l'Eglise. Plus sera terrible la condamnation portée contre les auteurs de tous ces désordres, plus votre récompense sera magnifique, à vous qui déployez tant de zèle et de persévérance pour la guérison des maux causés par autrui. Nous voudrions être auprès de vous, et converser face à face avec vos piétés : mais notre exil nous le défend. Ce n'est que tard et avec peine que nous avons trouvé quelqu'un partant pour se rendre auprès de vous : par l'entremise de ce très-honoré et très-religieux prêtre, nous vous envoyons cette lettre pour vous rendre la salutation qui vous est due, et vous remercier pour le passé, pour le présent, pour toute votre conduite enfin dans la lutte que vous soutenez contre le mal. Quand bien même vous échoueriez, eh bien! vous aurez fait votre devoir. Comptez donc que la bonté divine vous récompensera de votre zèle, de vos efforts constants et continus pour remédier aux désordres.


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LETTRE CLXVIII. A PROBA, MATRONE ROMAINE.

406.

Bien que séparé de vous par une grande distance, nous avons pu faire de votre ardent et sincère attachement une aussi complète expérience que si nous étions là-bas, à même d'observer vos démarches, grâces aux personnes qui sont venues nous donner ici au sujet de votre grâce les renseignements les plus propres à combler nos désirs. Aussi notre reconnaissance est-elle grande et vive à votre égard; aussi tirons-nous honneur et vanité des sentiments de votre noblesse; nous recommandons aussi à votre sagesse, nos bien-aimés, le très-religieux prêtre Jean, et le très-révérend diacre Paul; en les remettant entre vos mains, nous croyons leur ouvrir un port. Daignez donc les envisager avec les yeux dont il sied de les voir, ma très-honorée et très-noble dame ; vous savez quel sera le prix de votre bonté. Et lorsqu'il vous sera possible, donnez-nous de plus fréquentes nouvelles de votre santé, dont nous tenons beaucoup à connaître l'état, car elle nous intéresse vivement.



LETTRE CLXIX. A JULIENNE ET AUX PERSONNES PE SON ENTOURAGE.

406.

Plus le jugement sera sévère contre les auteurs de pareils désordres, plus vous serez récompensées magnifiquement, vous qui avez travaillé à y mettre fin, et dépensé pour cette oeuvre tant de peines et d'efforts. Nous n'ignorons pas les bons offices de vos charités, le zèle que vous avez déployé pour parvenir à votre but, ainsi que pour bien accueillir ceux que nous avons envoyés auprès de vous. Nous sommes donc votre obligé, et nous vous conjurons de persévérer dans la même ardeur, de redoubler encore de courage et de fermeté. Vous appréciez la grandeur de l'oeuvre comme (510) la grandeur de la récompense qui vous est réservée, si vous conjurez, autant qu'il est en vous, de si graves désordres, une si redoutable tempête, et si vous contribuez pour votre part à la guérison des maux actuels.


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LETTRE CLXX. A ITALIQUE.

406.

En ce qui concerne les affaires du monde, la différence que la nature a mise entre les deux sexes, se retrouve dans leurs démarches, dans leur manière d'agir. L'usage prescrit à la femme de garder la maison, à l'homme de s'appliquer aux affaires de l'État et du dehors. Mais dès qu'il s'agit des combats auxquels Dieu préside et des épreuves à braver pour l'Église, cette différence n'existe plus, et la femme peut même déployer plus d'énergie que l'homme, dans ces épreuves, dans ces: combats. C'est ce que Paul fait entendre dans l'épître qu'il adresse aux gens de votre pays. (Rm. fin.) — Il fait l'éloge de plusieurs femmes comme ayant pris à coeur l'amendement et la conversion de leurs maris. Mais à quel propos ceci vient-il ? C'est afin. que vous ne considériez pas l'oeuvre du zèle comme vous étant étrangère, que vous ne vous croyiez pas dispensées de travailler pour votre part à la guérison de l'Église; c'est afin que, fidèles à votre devoir, vous contribuiez, avec toute l'activité requise, à procurer tant par vous-mêmes que par le ministère de ceux qui pourront vous servir, l'apaisement des troubles et des orages auxquels sont en proie toutes les Eglises d'Orient. En effet, plus la tempête est terrible, plus l'ouragan est affreux, plus aussi vous serez récompensées magnifiquement, vous qui vous serez montrées résolues à tout entreprendre et à tout endurer pour ramener le calme et la paix, et remettre dans l'état normal tout ce qui est actuellement troublé.

LETTRE CLXXI. A MONTIUS.

De 404 à 407.

Si notre corps est loin de vous, notre affection comble l'intervalle; nous sommes à vos cités, nous vous serrons chaque jour dans nos bras, en repassant dans notre pensée votre ardente amitié pour nous, votre hospitalité, votre bonté, tant de prévenance et l'empressement que vous n'avez cessé de nous témoigner, cri nous complaisant dans le souvenir de votre noblesse, en célébrant devant tous votre: pure et sincère affection. Aussi désirons-nous recevoir des lettres de votre noblesse et vous prions-nous de nous écrire fréquemment, de nous tranquilliser au sujet de votre santé, car ce sera pour nous uni grande consolation que d'apprendre que vous vous portez bien, et nous attachons un grand intérêt à le savoir. Daignez donc ne pas nous priver de cette joie; écrivez-nous toutes les fois qu'il vous sera possible, en nous donnant ces précieux renseignements.

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LETTRE CLXXII. A HELLADIUS.

Cucuse, 403.

Nous n'avons eu ensemble que peu d'entrevues; néanmoins j'ai fait de reste l'expérience de votre ardente et profonde affection ; car if ne faut qu'un instant aux nobles âmes pour conquérir ceux qui les approchent. C'est ce qui vous est arrivé à vous-même, qui, dans un temps si court nous avez inspiré une si vive tendresse pour votre générosité. Nous vous écrivons donc et vous faisons savoir, en ce qui nous concerne, que nous vivons ici dans une paix et une tranquillité profondes, objet des soins, des prévenances, de la bienveillance générale. Maintenant, pour que nous ayons a notre tour le plaisir d'are instruit de ce qui vous concerne, ne manquez pas de nous écrire fréquemment, et de nous mettre en repos au sujet de votre santé ; ce sera pour nous un grand sujet de consolation qu'un pareil message venant de votre générosité.

511



LETTRE CLXXIII. A ÉVÉTHIUS.

Cucuse, 404.

Bien que séparé corporellement de votre générosité, nous restons uni à vous par l'attachement du coeur, tant vous nous avez donné de gages de votre amitié, tant vous nous avez prodigué là-bas de soins et d'affection. Aussi, en quelque lieu que nous portions nos pas, nous ne cessons de nous proclamer les obligés de votre noblesse. — Maintenant, nous vous prions de nous écrire, vous aussi, fréquemment, et de nous mettre en repos sur le compte de votre santé. Pour nous, à la suite d'un long voyage, accompli sans obstacles et sans périls, nous voici rendus à Cucuse, où la tranquillité des lieux, l'absence de soucis, les égards, la bienveillance générale charment notre existence. — Mais réjouissez-nous à votre tour en nous apprenant que vous vous portez bien ; écrivez-nous fréquemment, sans relâche, donnez-nous de bonnes nouvelles de votre santé, de toute votre maison. Nous ne saurions goûter une plus précieuse consolation.SOIXANTE-HUIT LETTRES PUBLIÉES POUR LA PREMIÈRE FOIS EN 1613, D'APRÈS UN MANUSCRIT DU COLLÈGE D'ANVERS, DE LA SOCIÉTÉ DE JÉSUS.

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LETTRE CLXXIV. AUX ÉVÊQUES, PRÊTRES ET DIACRES, EMPRISONNÉS A CHALCÉDOINE.

Ecrite, à ce que l'on croit, l'an 404, lors du départ pour Cucuse.

Quel bonheur pour vous et d'être captifs, et de supporter dans de pareilles dispositions votre captivité, de déployer lit milieu de ces épreuves un courage d'apôtres ! Car les apôtres comme vous, battus de verges, persécutes, emprisonnés, supportaient ces tribulations avec une joie profonde: que dis-je? ils continuaient, jusque dans les fers, à remplir leur devoir et à veiller sur l'univers. Je conjure donc vos charités de ne pas se laisser abattre, de redoubler, au contraire, de zèle, à proportion que vos souffrances deviendront plus cruelles, de songer chaque jour au sort des Eglises de toute la terre, aux moyens propres à guérir leurs maux sans vous sentir découragés ni par votre petit nombre, ni par les persécutions qui vous assiègent de toutes parts. Car, puisque ces souffrances vous assurent un plus grand crédit auprès de Dieu, vos forces aussi ne peuvent manquer de s'accroître. Sachez donc déployer le zèle que réclament les circonstances; et tant par vous-mêmes, que par ceux dont vous pourrez employer le concours, efforcez-vous de parler et d'agir, de manière à calmer la tempête qui règne. Car rien n'est si capable que vos soins d'amener cet heureux effet : et d'ailleurs, dussiez-vous échouer, votre zèle et vos bonnes intentions obtiendront leur récompense de la bonté divine.


LETTRE CLXXV. A AGAPET.

Cucuse, probablement 401.

Mon maître, le très-pieux et très-honoré prêtre Elpidius, a prodigué constamment ses efforts et ses sueurs pour arracher au joug de l'impiété les habitants de la montagne, je veux dire de l'Amanum. Il a réussi, il les a tirés de l'erreur, il a élevé des églises, organisé des monastères; d'autres que moi pourront en instruire votre générosité. Comme je sais que vous aimez passionnément les hommes pieux et généreux, persuadé que je vous ferai plaisir en vous signalant l'auteur de tant de bonnes oeuvres, et cherchant d'ailleurs toutes les occasions de vous saluer, je vous adresse cette lettre, où je m'acquitte de la salutation qui vous est due, et recommande Elpidius à votre générosité. Voyez-le donc avec les yeux dont il vous convient de le voir, mon très-honoré et très-révérend maître, et témoignez-lui par votre conduite que ce n'est pas en vain qu'il est venu à vous chargé d'un message de notre part, et que cette lettre a eu le pouvoir de lui concilier beaucoup de bienveillance et d'affection. Nous saurons un gré infini à votre générosité, si nous voyons qu'à la distance où nous (513) sommes, il nous suffit d'une lettre pour assurer votre affection à ceux qui désirent vivement en jouir : car mon protégé est de ce nombre ; il aime passionnément votre sagesse : aussi est-ce avec beaucoup d'instances qu'il nous a demandé cette lettre.


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LETTRE CLXXVI. A HÉSYCHIUS.

Cucuse, 404.

Nous voudrions bien vous voir en réalité et jouir de votre aimable et charmant commerce. Mais comme cela nous est difficile, tant à cause des difficultés du voyage, que par suite de nos occupations et de nos infirmités, nous cherchons dans les lettres une consolation à laquelle ni la faiblesse de notre santé, ni les périls du chemin ne puissent susciter d'obstacles. Octroyez-nous donc cette faveur légère, peu onéreuse, et néanmoins bien propre à nous charmer, à soulager le chagrin que nous cause notre éloignement. Si cet adoucissement nous est accordé, nous croirons être près de votre révérence; et ne la quitter jamais. Sans doute l'affection que vous nous inspirez suffit pour cela: mais l'illusion gagne encore à être secondée par des lettres.


LETTRE CLXXVIII. A EUTHALIE.

Cucuse, 105.

Votre lettre est empreinte d'une affection bien profonde et bien vive, d'un pur et sincère attachement. Aussi vous rendons-nous mille actions de grâces, et pour nous avoir écrit, et pour nous avoir donné une grande marque de votre profonde amitié pour nous. Que Dieu récompense en vous de tels sentiments, tant ici-bas que dans la vie future; qu'il vous protége, qu'il veille sur vous, qu'il vous tienne à jamais en contentement et en sécurité ! Car vous savez de reste, ma très-honorée dame, que ce n'est pas pour nous un faible sujet de joie, surtout dans la solitude où nous sommes relégué, que d'apprendre par de fréquents messages que vos affaires vont selon vos souhaits. Ne manquez donc pas de nous en instruire assidûment, ne cessez pas de nous rassurer au sujet de votre santé, si vous voulez qu'au fond de notre désert nous goûtions une consolation précieuse.


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LETTRE CLXXVII. A ARTIMIDORE

Cucuse, probablement 404.

Mon maître Antiochus se flatte de rencontrer chez vous une grande bienveillance, s'il se présente devant votre grâce avec une lettre de notre main. Prouvez-lui donc, mon très-honoré maître, qu'il ne s'est pas abusé; daignez l'accueillir avec la bienveillance qui vous sied; et s'il a quelque prétention juste et raisonnable, montrez-vous disposé à la soutenir: faites-lui voir enfin par votre conduite, que ce n'est pas en vain qu'il s'est présenté chez vous, un message de notre part à la main, et que notre lettre n'a pas peu contribué à lui concilier une juste bienveillance, un équitable appui. Par là, en même temps que vous l'obligerez, vous me ferez honneur à moi-même, et par les mêmes moyens.



LETTRE CLXXIX. A ADOLIE.

Cucuse, 405.

Venir ici, peut-être est-ce difficile si votre santé s'y oppose: car il n'y a pas d'autre obstacle: toutes les alarmes que causaient les brigands sont apaisées. Mais écrire, est-ce donc si pénible ? encore un recours qui vous est fermé. Je dis cela parce que cette lettre est, si je compte bien, la sixième que je vous écris, tandis que j'en ai reçu deux seulement de votre générosité. D'ailleurs, que vous écriviez ou que vous gardiez le silence, nous restons de notre côté fidèle à notre rôle. Nous ne saurions perdre le souvenir d'une aussi ancienne, aussi profonde amitié ; nous la gardons toujours en fleur dans notre âme, et, dès qu'il nous est possible, nous vous écrivons. Mais à cause de la vive sollicitude que vous nous inspirez, nous désirons vivement aussi (514) recevoir de vous une lettre qui nous rassure au sujet de votre santé. Ne nous privez donc point de cette consolation : certaine du plaisir que vous nous ferez, si c'est pour vous une peine que d'écrire, prenez cette peine en faveur de nous qui vous aimons bien : faites-nous connaître l'état de votre santé; nous désirerions fort en avoir chaque jour des nouvelles.


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LETTRE CLXXX. AU PRÊTRE HYPATIUS.

Cucuse, 407.

Je ne cesserai pas de féliciter votre révérence de sa résignation, de son courage, de la patience à toute épreuve, que vous avez montrée, que vous montrez encore dans les tentations. Je vous ait dit aussi, déjà dans ma précédente lettre, comment une récompense double et triple vous est réservée, tant pour la fermeté que vous avez montrée vous-même, que pour les encouragements dont vous stimulez le zèle d'autrui, toujours plein d'ardeur, en dépit de votre âge avancé, pour les intérêts du peuple persécuté. Je voudrais écrire assidûment à votre révérence: mais, attendu que l'hiver, les alarmes causées par les brigands, l'isolement du lieu que j'habite, rendent cela malaisé, nous profitons de toutes les occasions qui nous sont offertes pour saluer votre religion, et vous prier de nous écrire fréquemment, de nous donner de bonnes nouvelles de votre santé car nous désirons fort être renseigné là-dessus. Nous félicitons en même temps vos compagnons d'épreuves, les très-honorés diacres Eusèbe et Lamprotatus. Vous savez quelles couronnes vous sont réservées en récompense, quel salaire, quel dédommagement. Dans cette espérance, demeurez fermes, inébranlables Dieu rémunérera magnifiquement votre patience, et mettra promptement un terme aux malheurs présents. Ecrivez-nous sans relâche, en nous rassurant sur votre santé, dont nous désirons bien vivement recevoir des nouvelles.



LETTRE CLXXXI. A DES ÉVÊQUES.

Probablement 406.

Si les désordres qui se sont emparés des Eglises d'Orient, ont été violents et multipliés, le zèle que votre religion a mis à les réprimer, a été grand et généreux. Que si le succès vous a manqué, nous plaignons les malades incurables dont l'infirmité a déjoué vos efforts, mais nous ne cessons point de vous admirer et de vous proclamer bienheureux, vous qui après un si long temps et tant de peines inutiles, loin de vous décourager, loin de vous laisser abattre, poursuivez votre ouvrage, et montrez la même ardeur à prodiguer votre dévouement, pour la condamnation de ceux qui ne veulent pas vous entendre, et pour le couronnement, l'ample rémunération de votre propre zèle. Aussi n'est-ce pas nous seulement, ce sont tous les habitants de la terre .qui vous célèbrent et vous glorifient, pour avoir conservé toute votre activité, en dépit de votre éloignement, en dépit des distances et du temps, pouravoir apporté à vous acquitter de votre devoir autant d'énergie et d'ardeur que si vous étiez voisins des faits, et témoins oculaires des attentats commis. Que si les premiers auteurs de ces calamités ne veulent pas renoncer encore à ces fatales disputes, à cette guerre insensée, il ne faut pas que cela vous trouble, ni vous précipite dans le découragement: car plus vous aurez eu de peine, plus votre couronne sera magnifique, quand Dieu décernera ces ineffables récompenses que la parole est impuissante à célébrer.

246

LETTRE CLXXXII. A VÉNÉRIUS, ÉVÊQUE DE MÉDIOLANUM.

406.

Votre courage, votre indépendance, la liberté de langage avec laquelle vous défendez la vérité étaient déjà choses connues de tous mais les circonstances présentes ont montré plus à découvert votre amour pour vos frères, votre charité, votre piété, votre profonde sympathie pour nous, votre sollicitude pour les (515) Eglises. C'est dans la tempêce qu'on reconnaît le mieux le pilote, c'est dans les plus cruelles maladies que se révèle le mieux le talent du médecin : de même celui qui veut vivre dans la piété et qu'un noble courage anime, se signale surtout dans les situations difficiles. C'est ce qui est arrivé pour vous-même : et autant qu'il a été en vous, tout a été réparé, rien n'a été négligé. Mais puisque les fauteurs passés et actuels des troubles en sont venus à ce point de démence que, loin de rougir de leurs actions précédentes, ils aspirent, au contraire, à y mettre le comble; je vous exhorte tous, tant que vous êtes, à déployer le zèle le plus énergique, à persévérer dans une si ardente sollicitude, et même à redoubler d'activité, quelques embarras qui puissent vous être suscités. En effet, ceux qui éprouvent de la peine et des difficultés à accomplir une grande et belle oeuvre, ceux-là recevront une plus ample récompense que ceux qui y réussissent aisément et sans effort. Car saint Paul a dit : Chacun recevra sa récompense, en proportion de sa fatigue. (I Cor. III, 8.) Que l'excès des épreuves ne vous précipite donc point dans le découragement; que cela redouble au contraire votre ardeur. — Car à tout surcroît de tentations est attaché un surcroît de couronnes : c'est autant d'ajouté aux prix qui vous sont réservés en récompense de ces nobles combats.



LETTRE CLXXXIII. A HÉSYCHIUS, ÉVÊQUE DE SALONE.

406.

Bien qu'une longue route nous sépare de votre révérence, et que nous soyons relégué aux confins de la terre, néanmoins grâce aux ailes de la charité qui nous portent, ailes agiles et propres à rendre faciles les voyages de ce genre, nous sommes auprès de vous, nous sommes avec vous, nous vous saluons par cette lettre ainsi que nous le devons, et nous vous exhortons à déployer en faveur des Eglises d'Orient le zèle qu'il vous appartient de montrer. Vous savez quelle récompense attend celui qui tend la main aux Eglises affligées, qui fait succéder le calme à de pareils orages, qui termine une guerre aussi violente. — Et si je vous adresse cette exhortation, ce n'est pas que je croie nécessaire de vous rappeler votre devoir : car vous avez prévenu ma lettre en faisant de vous-même tout ce qui était en vous mais puisque les orages, loin de toucher à leur fin, sont dans toute leur violence, nous vous supplions de ne pas vous laisser abattre ni décourager, et de continuer à appliquer les remèdes dont vous disposez, tint que subsistent les plaies qui affligent le corps de l'Eglise : en effet, plus vous aurez de peine à réussir dans votre entreprise, mieux vous serez récompensé dans l'avenir.


247

LETTRE CLXXXIV. A GAUDENCE, ÉVÊQUE DE BRESCIA.

Rien de ce qui vous intéresse n'est un secret pour nous : nous connaissons aussi bien que si nous étions auprès de vous votre zèle, votre vigilance, votre sollicitude, les peines, les fatigues que vous avez bravées pour la vérité, et nous vous rendons mille actions de grâces jusque dans la complète solitude où nous sommes retenu, c'est pour nous un bien grand soulagement que l'ardeur et la sincérité de votre affection : nous en avons fait ici même l'expérience, et nous savons que là-bas aussi elle persiste dans toute sa force, sans se laisser affaiblir ni par le temps écoulé, ni par la distance des lieux. Nous vous en savons beaucoup de gré, et nous vous prions de montrer toujours le même zèle. Vous savez de combien d'Eglises le salut est en jeu maintenant, et quel grand service il vous appartient de rendre. Pénétré de cette idée, mon très-honoré et très-religieux maître, daignez persévérer dans votre zèle. Car ainsi, par quelques fatigues, vous vous assurerez dans les cieux des palmes immortelles, prix de ces glorieux combats.


LETTRE CLXXXV. A LA DIACONESSE PENTADIE.

Probablement 405.

Vous avez gardé un bien long silence, malgré le grand nombre de voyageurs qui partent de chez vous pour venir ici. Quel peut en être (516) le motif? Le trouble des affaires? Loin de moi un tel propos : je sais la grandeur et l'élévation de votre âme, capable de surnager au plus fort de la tempête, et de jouir du calme au milieu des flots déchaînés. Et cela, votre conduite même l'a prouvé : la renommée a porté aux confins de la terre le bruit de vos bonnes oeuvres, et tous proclament que du lieu où est fixé votre séjour, vous savez réveiller, par un effet de votre religion, ceux qui sont le plus éloignés et ranimer leur ardeur. Quel est donc le motif de votre silence ? Quant à moi, je ne saurais le dire : et je prie votre grâce de recourir à la personne qui remettra ma lettre à votre piété pour nous faire savoir si vous vous portez bien, si vous vivez contente et en sûreté, vous et toute votre maison : à la distance où nous sommes, dans le pénible isolement où nous vivons, il suffirait d'un tel message pour nous procurer de grandes consolations.


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LETTRE CLXXXVI. A ALYPE.

Cucuse, 404.

Vous craignez d'encourir le reproche de précipitation en prenant les devants pour nous écrire : je cite vos propres paroles : quant à moi, je suis si loin de vous accuser à ce sujet que j'impute au contraire votre lenteur à la négligence, et que je vous ai loué plus que jamais lorsque vous m'avez eu devancé. Et j'appuie mon dire sur l'autorité de votre propre jugement. Vous me dites que c'est signe d'une affection particulière, que de parler même à qui se tait. Ainsi, puisque vous voilà délivré de cette crainte d'être indiscret que vous n'auriez pas dû concevoir, et que vous m'avez donné ce gage d'une amitié qui ne fait que s'accroître, adressez-nous désormais lettres sur lettres. Car vous savez quels sont, quels ont toujours été nos sentiments à l'égard de votre grâce. Même relégué dans ce pays désert, même confiné aux extrémités du monde, nous sommes incapable d'oublier jamais votre parfaite et sincère affection ; nous ne cessons de nous représenter chaque jour votre image, de repasser dans notre mémoire les vertus de votre âme. Nous voudrions vous écrire plus fréquemment; mais comme cela nous est difficile, à cause de notre éloignement, tandis que la même chose vous est aisée, nous vous prions de nous adresser souvent des nouvelles de votre santé et de toute votre maison. De cette manière, jusque dans notre exil, nous ne manquerons point des plus douces consolations.


LETTRE CLXXXVII. A PROCOPE.

De 401 à 407.

Nous n'avons eu là-bas avec vous qu'un petit nombre d'entretiens, mon très-révérend maître, mais nous avons fait complètement l'expérience de votre sincère affection, de la candeur de votre âme, de votre profonde et vive tendresse. Aussi, même relégué aux extrémités de la terre, même confiné dans le désert le plus reculé, votre souvenir présent à notre pensée partout où nous allons, et gravé dans notre mémoire, nous porte à vous écrire en dépit de la distance, et à nous acquitter de la salutation qui vous est due; de plus, nous supplions votre grâce, si ce n'est point la charger d'une corvée importune, de montrer, à votre tour, de l'obligeance à notre égard, et de nous rassurer au sujet de votre santé. Nous en sommes instruit sans doute, sans que vous ne nous écriviez, par les voyageurs que nous interrogeons, tant il nous importe de savoir ce qui intéresse votre santé et votre réputation ; mais nous voudrions entendre votre voix, lire les mêmes choses écrites de votre main, afin de goûter un double plaisir, celui de vous écrire, et celui de recevoir des lettres de votre générosité. Accordez-nous cette faveur, à la fois honnête et charmante, et qui nous comblerait de joie.


249

LETTRE CLXXXVIII. A MARCELLIN.

Cucuse, 401.

Le lieu où nous sommes relégué, Cucuse, est un désert qui n'a point son pareil : néanmoins, quand nous songeons à votre attachement, mes amis, nous goûtons la plus grande des consolations, et notre solitude nous semble un (517) palais. Car c'est un trésor que l'affection d'amis sincères. Aussi, bien qu'absent de corps, sommes-nous, de coeur, uni à vous par les liens du plus inébranlable attachement. C'est ce qui fait que nous vous écrivons en dépit de la distance, et que nous nous acquittons de la salutation qui vous est due. Que vous êtes inscrit au premier rang sur la liste de nos amis, vous le savez de reste, mon très-révérend maître. Maintenant soyez assez bon pour nous imiter, écrivez-nous fréquemment, rassurez-nous sur votre santé, afin que cet échange de lettres nous fasse goûter une foule de consolations et de plaisirs, et que nous trouvions du soulagement jusque dans notre solitude.



LETTRE CLXXXIX. A ANTIOCHUS.

Cucuse, 404.

Comment pourrions-nous jamais oublier votre douce et ardente affection, votre sincère et parfait attachement, la franchise et l'élévation de votre âme, l'intrépidité de votre caractère? Fussions-nous relégué aux extrémités de l'univers, votre souvenir nous suivrait partout, comme celui d'un ami dévoué, uni à notre personne par un attachement inébranlable. Voilà pourquoi, déporté dans la solitude la mieux nommée qui soit au monde, c'est Cucuse que je veux dire, et malgré la difficulté de mettre la main sur un porteur de messages, nous avons mis tout notre empressement à chercher, à trouver quelqu'un qui vous remît notre lettre, afin de saluer votre révérence, et de rendre à votre magnificence la salutation qui lui est due. Que vous-même, de votre côté, vous n'aurez pas besoin de mes avertissements pour m'écrire avec suite, et me rassurer sur votre santé, c'est ce que votre conduite passée ne me permet guère de mettre en doute. En effet, ce sera pour nous une grande consolation que de recevoir de ceux qui nous aiment bien, des lettres qui nous informent de votre santé, qui renouvellent sans cesse notre attachement par de nouveaux messages, qui nous donnent enfin l'illusion de votre présence, mes bons amis. — Car il suffit d'une correspondance assidue, entre amis sincèrement dévoués, pour leur procurer le plaisir qu'ils goûteraient étant réunis.


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LETTRE CXC. A BRISON.

404.

Qu'est-ce à dire ? quand nous étions là-bas; vous ne vous lassiez pas d'agir et de parler; toute la ville, que dis-je? tout l'univers est instruit de l'affection que vous témoignez pour nous, que vous ne pourriez taire ni cacher, que vous affichez partout dans votre conduite comme dans votre langage : et vous n'avez pas daigné nous écrire une fois, à nous qui avons soif de vos lettres, à nous qui brûlons de lire votre écriture? Ne savez-vous pas quelle consolation nous aurait fait goûter une lettre provenant d'une âme si généreuse, d'une si ardente amitié ? Et si je vous tiens ce langage, ce n'est pas pour vous accuser . que vous écriviez ou que vous gardiez le silence, je le sais, votre affection pour nous ne saurait s'altérer c'est que je soupire après des lettres de votre main. Dans votre silence, nous ne cessons d'interroger les voyageurs qui viennent de chez vous, pour savoir si vous êtes heureux et bien portant, et nous nous réjouissons fort d'en recevoir les réponses que nous désirons : mais nous voudrions que votre voix, que votre main nous rendît la même chose. Ainsi donc, si notre prière n'est point indiscrète, ne manquez pas désormais de nous accorder cette faveur qui aura tant de prix et de charme pour nous, et nous apportera tant de joie.


LETTRE A LA DIACONESSE AMPRUCLE.

Cucuse, 401.

J'ai reçu votre lettre qui est la seconde en date et non la première comme vous me l'écrivez, très-honorée et très-respectable dame. Je vous répète encore la même chose, n'appelez point indiscrétion l'empressement à prendre les devants pour m'écrire, et ne considérez point comme une faute ce qui mérite les plus grands éloges. Nous voyons là une (518) preuve d'ardente et vive affection, de profond et pur attachement, de brûlante amitié. Dans cette pensée, prodiguez-moi libéralement cette faveur, informez-moi de votre santé, adressez-moi lettres sur lettres pour m'en donner des nouvelles. Car si nous sommes rassurés sur le compte de ceux qui nous aiment, si nous vous savons en santé, en joie, en sécurité, ce sera pour nous un grand allégement aux souffrances de l'exil, une grande consolation jusqu'au fond du désert où nous sommes confiné. — Songez donc à la fête que vous pouvez nous donner, et ne nous refusez point un si vif plaisir : autant que vous le pourrez et qu'il sera en vous, ne cessez pas de nous rassurer au sujet de votre santé.


251

LETTRE CXCII. A ONÉSICRATIE.

Cucuse, peut-être 405.

Nous avons ressenti, nous aussi, une vive affliction, en apprenant la mort de votre sainte fille. Néanmoins, connaissant la sagesse de votre âme et l'élévation de vos sentiments, nous avons la ferme confiance que vous saurez tenir tête à un pareil orage. — Ne pas s'affliger est chose impossible: mais nous vous exhortons à modérer votre douleur en songeant combien les choses humaines sont fragiles, en vous répétant que ces épreuves sont communes à tous, qu'ainsi le veut une loi générale de la nature, un décret de Dieu, notre Maître à tous. — Non, ce n'est pas là mourir, c'est voyager, c'est quitter une vie inférieure pour une meilleure existence. — Pénétrée de ces réflexions, supportez noblement ce qui vous arrive, et rendez grâce au Dieu de bonté. Car si le coup a été d'autant plus rude qu'il en suivait de près un autre, la couronne réservée à votre patience n'en sera que plus éclatante, votre récompense que plus magnifique, si vous supportez votre malheur en remerciant et glorifiant Dieu. — Et pour que, nous aussi, nous ne soyons pas trop affligé, pour que nous soyons assuré que notre lettre vous a fait du bien, n'hésitez pas à nous en informer, à nous apprendre que le nuage de votre chagrin est dissipé, que la douleur causée par votre blessure est en grande partie soulagée. Une fois que nous en serons averti, nous ne cesserons plus de vous écrire lettre sur lettre; car nous n'avons pas une médiocre affection pour votre générosité ; ayant constamment rencontré chez votre sagesse les plus profonds et les plus purs sentiments de déférence, de respect et d'attachement. Ce souvenir, toujours vivant en nous, maintient dans toute sa force l'affection que vous nous inspirez à jamais quand nous devrions être exilé aux extrémités de la terre.



LETTRE CXCIII. A PAENIUS.

Cucuse, 404.

Vous m'avez rempli de courage et de joie, lorsque, après m'avoir annoncé de tristes nouvelles, vous avez ajouté ce mot qu'il faudrait avoir sans cesse à la bouche: Que Dieu soit glorifié en toutes choses! Ce mot porte au démon un coup terrible : dans quelque péril qu'on se trouve, il donne de la sécurité. Il suffit de le prononcer pour dissiper les nuages de la tristesse. Ne cessez donc de le redire vous-même, et de le recommander aux autres. Par là, la terrible tempête qui s'est déchaînée sur vous, fera place au calme, par là ceux qui sont en butte à l'orage recueilleront une plus belle récompense en même temps qu'ils seront arrachés au péril. Voilà ce qui valut à Job sa couronne, voilà la parole qui mit le diable en fuite, que le força de battre en retraite, honteux et confits, voilà le remède de toutes les agitations. Persistez donc à en user comme d'un charale contre tous les accidents. Quant à l'endroit que j'habite, qu'on cesse d'importuner qui que ce soit à ce sujet : Cucuse est un lieu désert, néanmoins nous y jouissons d'une tranquillité profonde, et la vie sédentaire que nous y menons constamment n'a pas peu contribué à la guérison de la maladie que nous avions contractée dans le voyage. Si vous vous avisez de nous contraindre à de nouveaux déplacements, vous nous causerez par là mille souffrances, surtout en ce moment, lorsque l'hiver est à nos portes. Que personne donc n'aille se rendre importun ni incommode à ce propos. Mais écrivez-nous souvent pour nous parler de votre santé, de la vie que vous menez là-bas, de votre réputation, de votre bonheur. Ce sera (519) pour nous, surtout dans l'isolement où s'écoulent nos journées, une précieuse consolation que de recevoir de pareilles lettres de votre révérence.



Chrysostome T4 Lettres 238