Chrysostome T4 Lettres 252

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LETTRE CXCIV. GÉMELLUS.

Cucuse, 404.

Le lieu que nous habitons, Crieuse, est un désert, et le plus désert qui soit au monde. Mais fussions-nous relégué aux confins de la terre, nous ne pourrions oublier votre charité. Sur cette terre étrangère, dans cette solitude où nous vivons, traînant encore avec nous des restes de maladie, assiégé des alarmes que nous causent les brigands (les Isauriens ne cessent d'intercepter les routes et de promener partout le carnage), nous vous portons constamment dans notre pensée, nous ne cessons de nous représenter votre courage, votre franchise, votre douceur et la générosité de votre caractère, et de nous complaire dans ces idées, dans ces souvenirs. Mais vous,de votre côté,écrivez-nous fréquemment, vénérable maître,parlez-nous de votre santé, dites-nous quel effet les eaux chaudes ont produit sur vous, et où en sont vos affaires: afin que, en dépit de notre éloignement, nous soyons aussi bien au fait de tout ce qui vous intéresse que ceux même qui ne vous ont jamais quitté. Vous savez quel prix nous attachons à être informé de votre santé, à cause de l'affection et de l'étroit attachement qui nous unit à votre magnificence.



LETTRE CXCV. A CLAUDIEN

De 404 à 407..

Qu'est-ce à dire? cet ami si zélé, si passionné pour nous, cet objet de toute notre tendresse, d'un attachement constant et partagé, n'a pas daigné nous écrire une fois depuis si longtemps? Vous avez pu garder avec nous un silence aussi prolongé? Quel en est donc le motif? Est-ce qu'après notre départ vous nous avez chassé de votre coeur ? Est-ce qu'alors vous êtes devenu plus indifférent à notre affection ? Je ne le pense pas. A Dieu ne plaise, qu'une âme aussi aimante, aussi dévouée, ait subi un pareil changement? Serait-ce la maladie qui vous a retenu? Mais ce n'était pas une raison qui vous empêchât d'écrire. Nous ne savons que penser. Ainsi donc, en même temps que vous romprez ce silence, faites-nous-en savoir la cause, et adressez-nous au plus tôt une lettre qui nous rassure au sujet de votre santé. Car le plus grand plaisir que vous puissiez nous faire, le plus grand allégement que vous puissiez apporter à notre solitude, c'est de nous envoyer une lettre pareille. Mais plus de négligence: autrement, si après cette lettre vous persistez dans votre silence, vous n'avez plus de pardon à espérer de nous, nous vous accuserons de la plus profonde ingratitude. Or, je sais que tous les châtiments vous sembleraient plus doux qu'un tel reproche.


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LETTRE CXCVI. A AÉTIUS

Cucuse, 404.

Il nous est impossible d'oublier jamais votre affection si dévouée, si profonde, si vive, si parfaite, si sincère, nous vous portons constamment dans notre pensée, vous êtes gravé dans notre coeur. Nous voudrions vous voir sans cesse; mais puisque, à l'heure qu'il est, c'est chose impossible, nous avons recours aux lettres pour contenter notre désir en saluant votre piété ainsi que nous le devons, et nous vous exhortons à nous écrire fréquemment de votre côté. Nous avons beau vivre dans une solitude profonde, être assiégé par les alarmes que nous causent les brigands, être en proie à la maladie; si nous recevons de votre générosité des lettres qui nous rassurent au sujet de votre santé, ce sera pour nous, surtout dans notre isolement actuel, une grande consolation. Sachant donc quel plaisir vous nous ferez, quel contentement nous vous devrons, ne nous refusez pas une joie si vive, et tâchez de-nous écrire plus fréquemment, ce sera pour nous un grand sujet d'allégresse.


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LETTRE CXCVII. A STUDIUS, PRÉFET DE LA VILLE.

Cucuse, 404.

Doué comme vous l'êtes, d'une haute sagesse, vous n'avez pas besoin de mes paroles pour supporter avec résignation le départ de votre frère; je dis départ, parce que je ne veux pas dire mort. Cependant, pour acquitter ma dette, j'exhorte votre excellence, honorable seigneur, à se montrer, dans cette circonstance, digne d'elle-même; non que vous deviez vous interdire toute affliction : vous ne le pourriez pas, car vous êtes homme, votre âme habite un corps, et vous venez de perdre le meilleur des frères; mais votre douleur doit avoir des bornes. Vous savez, en effet, l'instabilité des choses humaines qui passent comme l'eau des fleuves, en sorte que ceux-là seuls doivent être réputés heureux qui ont fini dans une bonne espérance cette triste vie. Ce n'est pas vers la mort qu'ils s'acheminent, mais vers la récompense après le combat, vers la couronne après la lutte, vers le port après la tempête. Que ces pensées soutiennent votre courage ! Nous, dans notre douleur qui n'est pas légère, nous songeons aux vertus de cet homme de bien. Leur souvenir qui nous console doit être un grand adoucissement à votre peine. Si celui qui nous a quittés eût été un méchant couvert de crimes, il faudrait pleurer et se lamenter; mais tel qu'il était et que toute la ville l'a connu, modeste, doux, rigide observateur de la justice, d'une franchise et d'une loyauté parfaite, d'une âme grande et forte, plein de dédain pour les choses d'ici-bas, il faut vous réjouir et vous féliciter vous-même d'être précédé dans une vie meilleure par un frère comme celui-là, qui a placé dans un asile sûr et inviolable les biens qu'il possédait au sortir de ce monde. Gardez-vous donc, seigneur bien-aimé, de vous laisser abattre par votre deuil. Ne soyez pas inférieur à vous-même, et daignez m'apprendre que ma lettre vous a fait du bien, afin que moi-même, à la distance où je suis de vous, je sois fier d'avoir pu, par une simple lettre, adoucir sensiblement cette douleur.


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LETTRE CXCVIII. A HÉSYCHIUS.

Cucuse, 404.

Qu'est-ce à dire? Vous qui nous aimez si tendrement (je m'en suis bien aperçu, une vive tendresse ne saurait échapper à la vue de celui qui en est l'objet), vous n'avez pas daigné nous écrire, vous avez pu condamner cette tendresse au silence? Quel en est le motif? Je ne saurais le dire : c'est à vous qu'il appartient., une fois le silence rompu, de m'en faire connaître la cause. Si nous nous sommes hâté de prendre les devants pour écrire à votre générosité, c'est afin qu'il ne reste aucun recours. Ecrivez-nous donc assidûment, très-honoré et très-noble maître, et contentez notre désir. En effet, une fois captivé par votre seule réputation, et uni d'amitié à votre générosité, nous ne saurions ni nous résigner nous-même au silence, ni vous le pardonner; et nous ne cesserons de vous persécuter, si vous ne nous adressez pas lettre sur lettre, afin de produire sur nous, par la fréquence de vos messages, la douce illusion de votre présence.



LETTRE CXCIX. AU PRÊTRE DANIEL.

Cucuse, 401

Béni soit Dieu, qui fait nos consolations plus grandes que nos épreuves, et qui nous donne assez de patience pour supporter, même avec une joie profonde, les sujets de chagrin qui nous arrivent! Voilà qui double, et c'est le principal, notre récompense : nous résigner, et nous résigner avec joie. Mais ce qui nous procure aussi de grandes consolations, c'est d'entendre vanter votre courage, votre indépendance, votre fermeté, votre constance, votre résignation, votre patience, votre zèle plus brûlant que la flamme. Aussi, bien que relégué dans un désert, assiégé par les alarmes que nous causent les brigands, et désormais en butte aux rigueurs de l'hiver, nous sommes insensible à tout, grâce à votre excellente réputation ; que dis-je? nous sommes transporté (521) d'allégresse, heureux et fier de votre rare courage, mais pour que la joie que me causent ces nouvelles soit une joie continue, écrivez-moi assidûment et sans relâche, tant à ce sujet que pour me rassurer sur votre santé. Vous ne sauriez me causer plus de plaisir et de satisfaction.


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LETTRE CC. A CALLISTRATE, ÉVÊQUE D'ISAURIE.

Cucuse, 404.

Je désirerais voir ici même votre piété, afin de jouir de votre commerce et de goûter les charmes de votre profonde et vive affection mais puisque c'est chose impossible, à l'heure qu'il est, et à cause de la saison, et à cause de la longueur du voyage, je vous offre dans cette lettre la salutation qui vous est due, et je remercie votre piété d'avoir pris les devants pour m'écrire; car c'est le fait d'une vive et profonde amitié ; et cet empressement n'est pas seulement naturel, il est encore tout à fait séant à votre caractère. Continuez donc à nous octroyer cette grâce, et donnez nous fréquemment des nouvelles de votre santé. Et s'il devient possible à votre piété de braver la fatigue pour nous rendre visite, vous nous ferez le plus grand plaisir, et vous nous remplirez d'une joie bien vive. Dites-vous donc bien que nous désirons, nous aussi, voir votre piété, que d'ailleurs l'entreprise n'est pas extrêmement pénible, pour peu que le temps soit propice aux voyages, et ne nous privez point de votre société. En attendant daignez, par la fréquence de vos lettres, produire en nous l'agréable illusion de votre présence.

LETTRE CCI. A HERCULIUS.

De 404 à 407.

Ce n'est pas la peine de chercher des excuses à votre silence, et d'alléguer la rareté des courriers, très-honorable et très-magnifique seigneur. Que vous écriviez ou que vous vous taisiez, rien ne peut réformer le jugement que j'ai porté sur votre amitié. Vous l'avez assez prouvée par les faits, et toute la ville sait quel amour ardent et passionné vous professez pour moi. Je désire cependant recevoir de votre excellence quelques détails sur votre santé. Si être assuré de la mienne est pour vous, comme vous le dites, un grand dédommagement de notre séparation, vous devez comprendre de quel prix est une pareille assurance pour un homme qui sait aimer, vous qui aimez si tôt. Aussi n'ai-je rien tant à coeur. Accordez-moi donc cette grâce : ce sera dans mon triste exil une grande consolation.

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LETTRE CCII. A L'ÉVÊQUE CYRIAQUE.

Cucuse, 404.

Comment supporter cela? Est-ce tolérable? Aurez-vous l'ombre d'une excuse à fournir? Privé de vous depuis si longtemps, je vis dans un abîme de chagrins, de troubles, de tourments, de tribulations, de misères, et vous n'avez pas daigné m'écrire une fois ! Moi, je vous ai adressé une, deux lettres et plus : elles sont toujours demeurées sans réponse, et vous pensez n'avoir qu'une petite faute à vous reprocher quand vous poussez l'ingratitude si loin ! Vous me causez une vive perplexité par votre silence que je ne m'explique pas, lorsque je pense à cette affection si sincère et si vive dont vous m'avez constamment donné des preuves. Je ne peux accuser votre paresse, car je connais votre activité; ni la peur, car je sais votre courage; ni la négligence, car je sais que vous ne vous endormez point; ni la maladie, car d'abord elle ne suffirait pas à vous arrêter; et j'ai appris d'ailleurs par des gens qui arrivent de là-bas, que vous jouissez d'une santé parfaite. Qu'est-ce donc? Je ne puis le dire; je sais seulement que je souffre de votre silence. Mettez donc tout en oeuvre pour me tirer de ce chagrin et de cette perplexité : car, après cette lettre reçue, ne pas vous hâter de m'écrire, ce serait me causer une douleur et une affliction que vous aurez ensuite beaucoup de peine à soulager.


LETTRE CCIII. AU PRÊTRE SALLUSTE.

Cucune, 401.

Je n'ai pas été médiocrement affligé d'apprendre que le prêtre Théophile et vous, vous vous relâchiez. Je sais en effet que l'un de vous n'a fait que cinq homélies jusqu'au mois d'octobre, l'autre aucune; et cette nouvelle m'a été plus douloureuse que mon isolement. Si je suis mal informé, veuillez donc me détromper. Si la chose est vraie, portez-y remède. Réveillez mutuellement votre zèle, ou vous me causeriez une grande douleur, quoique j'éprouve pour vous une vive affection. Mais ce qui est autrement grave, c'est que la nonchalance où vous vivez, votre négligence à vous acquitter de vos fonctions appellent sur vos têtes le jugement de Dieu. Et qui donc pourrait vous excuser, vous, si, tandis que les autres sont persécutés, exilés, proscrits, vous abandonnez à lui-même ce peuple battu de la tempête, sans songer à lui donner l'assistance ni l'instruction que vous lui devez?


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LETTRE CCIV. A PAENIUS

Cucuse, 404.

Lorsque vous venez à songer, mon très honoré maître, ô vous qui m'êtes plus doux que le miel, au chagrin d'être séparé de nous, songez aux affaires dont vous êtes chargé, à cette ville entière que vous administrez, ou plutôt à cet univers entier que vous gouvernez en la gouvernant; et alors livrez-vous à la joie, à l'allégresse. En effet, ce n'est pas de l'avantage seulement, c'est encore du plaisir que vous pouvez retirer de vos fonctions. Des hommes occupés à amasser des biens périssables et pernicieux, trouvent dans leurs affaires un plaisir enivrant, alors même qu'ils sont séparés pour longtemps de leur maison, de leur femme, de leurs enfants, de tous leurs proches; or, qui pourrait exprimer par des paroles les charmes, le prix du trésor que vous recueillez chaque jour par l'effet. de votre seule présence? Je ne dis point cela pour vous flatter, comme le savent bien ceux qui nous entendent dire la même chose en ton absence, je le dis sous l'impression de la joie, de l'allégresse, qui m'agitent de leurs. transports. Oui, il suffit de Votre présence pour corriger beaucoup de ceux qui sont là-bas, les fortifier, les rendre plus fermes et plus dispos. Je connais mon héros, je sais les nobles qualités que vous déployez là-bas, votre zèle, votre vigilance, votre activité, la persévérance de votre âme, votre franchise, la liberté avec laquelle vous avez résisté même aux évêques lorsqu'il l'a fallu, tout en gardant la mesure convenable. Je vous admirais pour votre conduite, mais je vous admire encore bien plus aujourd'hui que, privé de tout auxiliaire, quand les uns sont en fuite, d'autres persécutés, que d'autres enfin se cachent, vous restez seul à votre rang, occupé à aligner le front de bataille, à empêcher les désertions, que dis-je? à faire chaque jour par votre adresse de nouvelles recrues dans le camp des ennemis. Et ce n'est pas seulement pour ces motifs que je vous admire, c'est encore parce que, du lieu où vous êtes fixé, votre sollicitude déborde sur tout l'univers, sur la Palestine, la Phénicie, la Cilicie; sujets particulièrement dignes de vous occuper. En effet, les Palestins et les Phéniciens, je le sais de bonne source, n'ont pas reçu l'ambassadeur que leur ont envoyé les ennemis, et n'ont pas même daigné lui répondre; l'évêque d'Ages, au contraire, et celui de Tarse se rangent parmi nos adversaires, je le sais; et celui de Castabale a fait savoir ici, à un de nos amis, que les gens de Constantinople contraignent ceux du pays d'adhérer à leur conspiration; que d'ailleurs ils tiennent bon jusqu'à présent. Vous avez donc besoin d'une grande sollicitude, d'une grande vigilance, pour guérir cette partie-là, en écrivant à mon maître, votre cousin, le seigneur évêque Théodore. Quant à Pharétrius, les choses vont mal et d'une manière affligeante. D'ailleurs, puisque ses prêtres n'ont pas encore, selon vous, conféré avec nos adversaires, qu'ils ne prennent point parti pour eux, et prétendent encore rester fidèles à notre cause, ne leur communiquez rien de cela; en ce qui concerne Pharétrius, sa conduite est tout à fait impardonnable. Cependant tout son clergé était dans la peine, dans l'affliction, dans le deuil, et, de coeur, tout avec nous. Mais pour ne pas les détacher brusquement, les aigrir, les renseignements (523) pris auprès des gens de la province, gardez-les pour vous, et traitez cette affaire avec une grande douceur; je connais votre industrie; dites à Pharétrius que nous avons appris nous-même qu'il était vivement affligé de ce qui s'était passé, qu'il était prêt à tout endurer pour réparer tous les attentats commis. Notre corps est en parfaite santé, et nous avons secoué les restes de notre maladie; d'ailleurs, quand nous songeons combien cela vous intéresse, ce n'est point pour nous une médiocre raison de nous bien porter que la vivacité de votre affection. Que Dieu vous donne la récompense de tant de zèle, de charité, de sollicitude, de vigilance, et dans cette vie et dans l'éternité ! qu'il vous protège, vous garde, vous conserve, et daigne vous octroyer les biens ineffables du Ciel! Et puisse-t-il nous accorder à nous là grâce de revoir bientôt votre visage chéri, de jouir de votre douceur, de célébrer une si belle fête! Car vous ne l'ignorez pas, ce serait pour nous une fête et une occasion d'allégresse que d'être admis encore à goûter les charmes de votre commerce et à en recueillir les fruits si précieux.



LETTRE CCV. A ANATOLIE, EX-PRÉFET.

Cucuse, 405.

C'est tard et brièvement, ou plutôt lentement que j'écris à votre générosité. D'ailleurs, la cause de mon silence n'est point la paresse, mais bien une longue maladie; car notre attachement est inébranlable à votre égard : nous connaissons trop la sincérité de votre affection, la noblesse, la candeur, la pureté de votre âme. Et nous n'avons point cessé de proclamer devant tout le monde les sentiments que votre générosité nous a constamment témoignés, non-seulement en notre présence, mais encore quand nous étions absent. Nous n'ignorons pas, en effet, quel zèle, après notre départ, vous avez déployé en paroles et en actions pour notre cause. Que Dieu vous accorde la récompense d'un si beau dévouement, ici-bas et dans la vie future. Mais, afin d'ajouter à la joie que nous éprouvons à vous écrire, celle de recevoir des lettres de votre grâce, daignez nous écrire et nous rassurer sur votre santé : dans l'exil où nous sommes relégué, ce sera pour nous une grande consolation. Oui, une lettre de votre charité, qui nous apprendrait que vous vous portez bien et nous instruirait de toutes les choses qui vous intéressent, nous ferait éprouver un grand soulagement jusque sur la terre étrangère où nous vivons.


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LETTRE CCVI. AU DIACRE THÉODULE.

Cucuse, 404.

Quelle que soit la fureur de la tempête et le soulèvement des vagues, quels que soient les efforts, les démarches, les intrigues de ceux qui veulent ébranler les Eglises de Gothie, vous du moins ne cessez pas de payer votre tribut. Quand bien même votre zèle n'aboutirait à rien, ce que je ne puis croire, en tous cas la bonté de Dieu vous prépare la récompense de vos sentiments et de vos intentions. Ne vous lassez donc point, mon bien-aimé, de faire tous vos efforts, de prodiguer vos soins et votre sollicitude, tant en personne que par le ministère de ceux que vous pourrez employer, pour qu'il n'arrive là-bas ni troubles, ni désordres. Avant toute chose, priez, et ne cessez pas d'invoquer, avec la ferveur et le zèle qui vous conviennent, la bonté divine, afin quelle mette un terme à vos épreuves présentes, et qu'elle procure à l'Eglise une paix complète et profonde. Jusque-là, ainsi que, je vous l'ai dit en commençant, employez tous les moyens pour gagner du temps; et vous, écrivez-moi assidûment tant que vous serez là-bas.



LETTRE. CCVII. AUX MOINES GOTHS DU PAYS DE PROMOTE.

Cucuse, 404.

Je savais, avant même d'avoir reçu votre lettre, à quelles tribulations vous êtes en butte, à quels complots, à quelles tentations, à quelles hostilités; et c'est pour cette raison surtout que je vous félicite, en songeant aux couronnes, aux prix, aux palmes que ces luttes vous promettent. En effet, si vos ennemis, si vos persécuteurs appellent sur eux-mêmes un (524) jugement terrible et accumulent sur leur tête le bûcher de la géhenne, vous, leurs victimes, vous serez amplement dédommagés et récompensés. N'allez donc point vous alarmer, vous troubler pour cela; au contraire, réjouissez-vous et tressaillez d'allégresse, conformément aux sentiments de l'Apôtre : Maintenant, je me réjouis au sein de mes souffrances. (Col. I, 24.) Et ailleurs : Outre cela, nous nous glorifions encore dans les tribulations, sachant que la tribulation produit la patience, et la patience l'épreuve. (Rm. V, 3 et 4.) Ainsi, plus éprouvés désormais, plus riches en trésors célestes, quand bien même vous auriez encore davantage à souffrir, vous ne devez éprouver que plus de joie. En effet : Les souffrances du temps présent ne comptent pas, au prix de la gloire future qui sera révélée en nous. (Rm. VIII, 18.) Nous n'ignorons pas votre résignation, votre courage, votre patience, votre sincère et ardente affection, l'inflexible et inébranlable fermeté de votre âme; nous vous en exprimons toute notre reconnaissance. Nous restons uni de tueur à vous pour jamais, et la distance des lieux ne nous rend pas plus tiède à l'égard de votre charité. Je vous remercie aussi des peines due vous avez prises pour empêcher tout désordre dans l'église des Goths et pour gagner du temps. Et, loin que je vous reproche de n'avoir envoyé personne, je vous en loue, au contraire, et vous approuve; car il vaut bien mieux que vous vous consacriez tous à cette tâche. Ne cessez donc pas de faire tout ce qui vous sera possible, tant en personne que par le ministère de ceux que vous pourrez employer, afin d'obtenir du répit. Que vous réussissiez ou non, vous n'êtes pas moins assurés d'obtenir la récompense de votre zèle et de vos bonnes intentions.


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LETTRE CCVIII. AU PRÊTRE ACACIUS

De 404 à 417.

Ami si zélé pour nous, si attaché à notre personne, eh quoi! pas même une lettre de votre main. Pourtant nous vous avons écrit une et deux fois; mais votre diligence, à vous, se ralentit. Songez donc au plaisir que vous nous causez en nous faisant connaître l’état de votre santé. Et hâtez-vous, je vous en prie, de nous écrire. Car c'est pour nous une grande consolation, que d'avoir des nouvelles suivies de votre santé, à vous tous qui nous aimez.



LETTRE CCIX. A SALVION.

De 404 à 407.

Vous nous aimez, je le sais bien, soit que vous nous écriviez ou que vous restiez muet. Comment ignorer la vive affection que vous avez pour nous ? Tout le monde la célèbre, et plusieurs visiteurs me parlent de l'ardente et profonde tendresse que nous vous inspirons. Mais nous voudrions de plus recevoir de votre générosité des lettres fréquentes qui nous donnassent des nouvelles de votre santé, de votre femme, de toute votre maison; car vous savez combien cela nous intéresse. Je le sais, mon très-honoré maître, ce que nous vous demandons devient difficile, tant à cause de la saison, qu'à raison du petit nombre des voyageurs qui viennent dans ce pays; néanmoins, instruit de notre désir, lorsque vous le pourrez, ne manquez pas de nous écrire, et de nous donner les renseignements que nous réclamons. Votre santé, votre sécurité, c'est pour nous un trésor, un bonheur, un grand contentement. Ainsi donc, ne nous privez point d'un si doux plaisir,et soyez assez bon pour consoler ceux qui vous aiment bien par de semblables nouvelles qui nous procureront un grand soulagement.


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LETTRE CCX. A THÉODORE.

Cucuse, 404.

Je m'étonne d'avoir été instruit par d'autres de la négligence du prêtre Salluste. Il m'a été déclaré qu'il avait à peine prononcé cinq homélies jusqu'au mois d'octobre, et que le prêtre Théophile et lui, l'un par insouciance, l'autre par crainte, ne viennent point à la réunion des fidèles. J'ai écrit à Théophile une lettre sévère où je le réprimande; en ce qui concerne Salluste, je m'adresse à votre excellence, parce que je sais qu'il vous inspire une vive affection, (525) ce dont je me réjouis. Mais je me plains à votre excellence de n'avoir pas été averti par vous-même de ces désordres que, pour bien agir, vous deviez réprimer : mais vous n'en avez rien fait. Aujourd'hui du moins, et c'est un grand service que je vous rends comme à moi-même, je vous exhorte à réveiller, à stimuler Salluste, à ne pas souffrir qu'il s'endorme, ni qu'il reste oisif. En effet, si aujourd'hui, au milieu de la tempête et des orages actuels, il ne montre pas le courage qui convient, quand retrouvera-t-il une pareille occasion de nous être utile? Est-ce quand le calme et la paix seront revenus? Je vous y exhorte donc ; en faisant vous-même votre devoir excitez ce prêtre et les autres à secourir de tout leur zèle ce peuple en butte à l'orage ; je sais d'ailleurs, qu'en ce qui vous concerne, vous n'avez pas attendu notre lettre, pour faire tout ce qui est en votre pouvoir.



LETTRE CCXI. AU PRÊTRE TIMOTHÉE.

Cucuse, 404.

Nous vous avons écrit une première fois, il y a peu de temps, ainsi qu'à mon seigneur le très-honoré tribun Marcion ; cependant vous ne nous avez fait parvenir aucune lettre de lui, et nous n'en avons pas non plus reçu de votre main. Pourtant fidèle à notre habitude, nous ne cessons pas de songer à vous, et nous vous écrivons, dès qu'il nous est possible. Ainsi faisons-nous, encore aujourd'hui, en vous rendant mille grâces pour le zèle que vous avez montré, pour les périls que vous avez bravés, et en vous félicitant. Car vous ne vous préparez point de petites couronnes, vous qui, par des souffrances d'un moment, vous assurez dans les cieux d'éternelles récompenses, ample dédommagement de vos sueurs : Les souffrances du temps présent ne comptent pas au prix de la gloire future qui sera révélée en nous. (Rm. VIII, 18.)


261

LETTRE CCXII. AU PRÊTRE THÉOPHILE.

Cucuse, 401.

J'ai été bien chagrin d'apprendre que le prêtre Salluste et vous, vous n'allez pas assidûment à la réunion des fidèles : cela m'a causé une vive affliction. Je vous invite donc, si j'ai été induit en erreur, à me démontrer qu'il y a eu calomnie; si c'est la vérité, à vous guérir d'une pareille négligence. — En effet, si nue récompense éminente vous est réservée, à condition que vous montriez do courage, surtout dans les circonstances présentes; attendez-vous à une condamnation exceptionnelle, si vous vous ralentissez, si vous faiblissez, si vous ne payez pas votre tribut. Vous savez comment fut puni celui qui avait enfoui son talent : sans qu'il y eût contre lui aucun autre grief, pour cette faute seule il fut châtié et subit une peine irrémissible. Hâtez-vous donc de me tirer d'inquiétude. De même que c'est pour moi un grand soulagement, une grande consolation d'apprendre que vous consacrez tout votre zèle à comprimer l'orage parmi le peuple et à prévenir les divisions : de même, si je viens à apprendre que quelques-uns se relâchent, j'éprouve de, vives alarmes pour les coupables eux-mêmes. Ce beau troupeau, c'est la grâce de Dieu qui chaque jour le maintient dans l'union, comme les événements mêmes vous l'ont fait assez voir : mais ceux qui par mollesse négligent leurs fonctions, appellent sur eux, par cette mollesse, un jugement redoutable.



LETTRE CCXIII. AU PRÊTRE PHILIPPE.

Cucuse, 404.

Je suis étonné que vous ne nous ayez pas écrit depuis si longtemps; si vous continuez à faire preuve en notre absence d'une vive affection pour nous, vous êtes bien avare de votre écriture. Ne tardez plus à nous écrire, à nous informer de votre santé : votre silence ne nous empêche pas de nous inquiéter de ce qui vous concerne, et nous avons appris que vous aviez (526) été chassé de votre école (1) pour avoir montré l'indépendance qui sied à votre caractère. Prenez cela comme une récompense, un marché avec le ciel, une immortelle couronne, un prix magnifique: et supportez bravement l'adversité. — Dieu saura bien mettre un terme à ces tentations, ramener promptement le calme et vous récompenser amplement dans la vie future, de votre résignation.


262

LETTRE CCXIV. AU PRÊTRE SÉBASTIEN.

De 404 à 407.

Si de corps, nous sommes séparé de votre révérence, de coeur nous lui restons attaché; nous promenons votre amitié dans notre mémoire, en quelque endroit que nous soyons, fussions-nous relégué aux confins de la terre. Que votre souvenir nous est également fidèle, c'est ce dont il ne faut filas douter, je pense. Je connais la sincérité de votre affection, la solidité de votre attachement, la constance de votre âme. Nous vous prions donc de nous écrire fréquemment et de nous rassurer au sujet de votre santé. Car nous tenons beaucoup à en avoir des nouvelles : et une lettre qui nous en apporterait serait reçue comme une consolation dans l'isolement auquel nous sommes condamné.

LETTRE CCXV. PRÊTRE PÉLAGE.

Cucuse, 404.

Je connais votre douceur, votre sagesse, votre bonté, votre amitié, l'ardeur de votre affection, la sincérité de votre tendresse à notre égard. Je salue donc avec un vif empressement votre révérence, et je vous fais savoir, que je vous porte dans ma pensée, en quelque lieu que je me trouve. Ecoutez donc ma prière, pour ajouter à la joie que j'éprouve à vous écrire, celle que me causeront des nouvelles de votre santé, il faut m'en rendre compte assidûment. — Car, dussions-nous être transporté dans une solitude plus triste que celle-ci, recevoir

1. On ne sait pas au juste à quoi S. Jean Chrysostome fait allusion dans ce passage.

de pareilles lettres de ceux qui nous aiment, sera toujours pour nous un grand plaisir.


263

LETTRE CCXVI. A MUSONIUS.

Cucuse, 404.

Nous avons déjà écrit à votre générosité, mon très-honoré ei très-religieux maître, et aujourd'hui nous recommençons, sans avoir reçu une seule lettre de vous. Nous ne cesserons point pour cela de vous écrire fréquemment, et de nous acquitter de nos obligations. Nous voudrions même le faire plus souvent mais nous vivons ici dans mie complète solitude, les incursions des brigands menacent la ville, l'hiver ferme les routes, et tout cela fait qu'il ne vient pas ici beaucoup de voyageurs : du moins, quand la chose est possible, et que nous trouvons des courriers, nous offrons à votre piété le salut que nous lui devons. Nous connaissons assez la sincérité de votre attachement, la vivacité de votre affection, la constance, la noblesse, la franchise de votre âme. Aussi vous promenons-nous constamment dans notre souvenir, en quelque lieu que nous soyons, et ne pouvons-nous oublier votre grâce. Mais ce n'est pas tout que d'écrire : nous voudrions, pour que notre joie fût complète, recevoir des lettres, des nouvelles de votre santé accordez-nous donc fréquemment cette faveur. Par là, dans l'éloignement où nous sommes, nous goûterons une précieuse consolation en apprenant que vous, nos amis si tendres et si dévoués, vous vivez en joie et en sécurité.



LETTRE CCXVII. A VALENTIN.

Cucuse, 404 ou 405.

Je connais la générosité de votre âme, l’ardente charité que vous apportez à soulager les pauvres, la passion avec laquelle vous vous consacrez à cette belle oeuvre : vous donnez et vous donnez avec joie : vous doublez la couronne de votre bonté, vous en rehaussez l'éclat, en ajoutant au mérite de votre libéralité celui des sentiments qui vous l'inspirent. En (527) conséquence, instruits par le très-révérend prêtre Domitien, qui est chargé là-bas du soin des veuves et des vierges, que la faim menace ses ouailles, nous nous réfugions dans vos bras comme dans un port, afin que vous portiez remède à cette calamité de la famine. Je vous en prie, je vous en conjure, mandez ce prêtre, et daignez lui venir en aide autant qu'il vous sera possible. Aucune aumône ne pourrait être récompensée comme celle que vous êtes appelé à faire aujourd'hui : tant est furieuse la tempête déchaînée contre ceux qui vous implorent, privés maintenant de leurs ressources ordinaires. Réfléchissez donc tant au bénéfice attaché aux actions de ce genre, qu'au surcroît de gain que vous offrent les circonstances, et daignez faire tout ce qui sera en votre pouvoir. Il n'y a pas besoin d'en dire davantage, lorsqu'on s'adresse à une âme aussi charitable, aussi compatissante. Vous savez que vous nous devez des honoraires : nous vous libérons de votre dette en faveur de cette bonne oeuvre. Daignez nous écrire que vous avez fait droit à notre demande, en nous donnant de bonnes nouvelles au sujet de votre santé et de toute votre maison que Dieu bénit.


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LETTRE CCXVIII. AU PRETRE EUTHYMIUS.

Cucuse, 404.

Ne vous affligez nullement d'avoir été chassé de votre école; songez au bénéfice que vous retirez de cette tribulation, et combien l'éclat de vos couronnes s'en trouve rehaussé ; réjouissez-vous donc et tressaillez d'allégresse à cause de ces souffrances et de ces attaques. Elles augmentent votre trésor céleste, elles ajoutent à votre gloire, elles doublent vos récompenses. — Car c'est une route étroite et resserrée qui mène à la vie éternelle. Et vous, ne vous refusez point à nous donner souvent des nouvelles de votre santé. Vous savez quel est l'attachement qui nous unit à vous, et comment, quelque part que nous soyons, nous vous portons dans notre pensée, comment nous avons toujours eu pour vous une ardente affection : et elle est bien plus ardente aujourd'hui, que vous êtes embelli par la souffrance.



LETTRE CCXIX. A SÉVÉRINE ET A ROMULE.

Cucuse, 401.

Si je ne connaissais pas bien votre sincère affection, et le zèle que vous avez toujours montré pour nous, je trouverais un motif d'accuser votre négligence dans ce long silence que vous avez gardé, et cela, quand vous recevez de nous des lettres si fréquentes et si multipliées. Mais je sais que, silencieuses ou diligentes à nous écrire, les mêmes sentiments vous animent toujours à noire égard : aussi je n'ai pas le courage de vous reprocher votre silence, quel que soit mon désir de recevoir de vous des lettres fréquentes, de fréquentes nouvelles de votre santé. Car vous ne pouvez alléguer la rareté des courriers : mon bien-aimé, mon aimable et cher Salluste, je le sais, aurait pu vous en tenir lieu. Néanmoins, non, je ne vous reproche rien, tant je suis sûr de votre attachement. Quant à moi, toutes les fois que je le pourrai, je ne manquerai pas de vous écrire car je connais la sincérité et l'ardeur de votre affection.



Chrysostome T4 Lettres 252