Sales, Controverses 329


ARTICLE X

DE DEUX RAYSONS PRINCIPALES ET DU TEMOIGNAGE DES ETRANGERS POUR LE PURGATOIRE

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Voyci deux invincibles raysons du Purgatoire : d’abord, il y a des péchés légers et qui ne rendent pas l’homme coupable de l’Enfer; si donques l’homme meurt en cet état, que deviendra-t-il ? Le Paradis ne reçoit rien de souillé, l’Enfer est une peine trop criminelle, il n’est pas dû a rayson de son péché; il faut donques avouer quil restera en un Purgatoire, ou étant bien purifié, il ira par la suite au Ciel. Or quil y aÿe des péchés qui ne rendent pas l’homme coupable de l’Enfer, Nostre Seigneur le dict en saint Mathieu : " qui irascitur fratri suo, reus erit judicieux ; qui dixerit fratri suo racha, reus erit consilio; qui dixerit fatue, reus irit gehennae ignis. ". Qu’est-ce je vous prie, d’estre coupable de la géhenne du feu, sinon estre coupable de l’Enfer ? Or, ceste peine n’est due qu’a ceux qui appellent " fatue " : ceux qui montent en colère, ceux qui expriment leur colère par parole non injurieuse et diffamatoire, ne sont pas au mesme rang. Ainsi, l’un mérite le jugement, c’est a dire que sa colère soit mise en jugement, comme la parole oiseuse, de laquelle Nostre Seigneur dict quil faut rendre compte; l’autre mérite le Conseil, a savoir qu’on délibère s’il sera condamné ou non. Le 3ème seul est celuy-la qui sans doute infailliblement sera damné : donques, le 1er et le 2ème sont péchés qui ne rendent pas l’homme coupable de la mort éternelle, mays d’une correction temporelle; et partant, si l’homme meurt avec ces péchés, par accident ou autrement, il faut quil subisse le jugement d’une peine temporelle, moyennant laquelle son âme étant purgée il ira au Ciel avec les Bienheureux. De ces péchés parle le sage : car, le juste ne peut pécher, tant quil est juste, de péchés qui méritent la damnation. Il s’entend donques quil commet des péchés pour lesquels la damnation n’est pas due, que les catholiques appellent véniels, lesquels peuvent se purger en l’autre monde, au Purgatoire.

Ensuite, la rayson est qu’apres le pardon, demeure en partie, la peine due a celuy-ci, comme par exemple, le péché est pardonné au roi David, le Prophète lui disant " Deus quoque transtulit peccatum tuum, sed quia blasphemare fecisti inimicos nomen Domini, filius tuus morte morietur.

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