F. de Sales, Lettres 2014

LETTRE DCCCXXXY, A UNE DEMOISELLE qui avait quitté le dessein de se marier

2014
Le Saint exhorte une demoiselle à se donner toute à Dieu, et à se réjouir de ce que, quittant le dessein qu'elle avait eu de se marier, elle veut entrer en religion. Conditions requises pour se donner à Dieu. La voie des croix est plus assurée que celle des consolations. La vocation et la conduite de Dieu sont préférables à nos idées. Heureux échange d'un mariage terrestre pour un mariage spirituel (cf.
2013 .

J'ai donc appris par la bouche de la chère cousine en combien de façons notre Seigneur avait tâté votre coeur et essayé votre fermeté, ma très-chère fille. Or sus, il se faut saintement animer et renforcer entre toutes ces vagues. Béni soit le vent d'où qu'il vienne, puisqu'il nous fera surgir à bon port.

Voilà, ma très-chère fille, les conditions avec lesquelles nous nous devons donner à Dieu ; c'est que soudain il fasse sa volonté de nous, de nos affaires et de nos desseins, et qu'il rompe et défasse la nôtre ainsi qu'il lui plaira. O qu'heureux sont ceux que Dieu manie à son gré, et qu'il réduit sous son bon plaisir, ou par tribulation, ou par consolation ! mais pourtant les vrais serviteurs de Dieu ont toujours plus estimé le chemin de l'adversité, comme plus conforme à celui de notre chef, qui ne voulut réussir de notre salut et de la gloire de son nom que par la croix et les opprobres.

Mais, ma très-chère fille, connaissez-vous bien en votre coeur ce que vous m'écrivez, que Dieu par des voies épineuses vous conduit à une condition qui vous avait été offerte par des moyens plus faciles? Car si vous aviez cette connaissance vous caresseriez infiniment cette condition que Dieu a choisie pour vous, et l'aimeriez d'autant plus que non-seulement il l'a choisie, mais il vous y conduit lui-même et par un chemin par lequel il a conduit tous ses plus chers et grands serviteurs. Suppliez-le que ce sentiment qu'il vous donne ne périsse point, mais qu'il croisse jusqu'à la parfaite maturité; Pour moi, je bénis Votre chère âme, que notre Seigneur veut pour soi, et ai pour vous tout le saint amour qui se peut dire. La chère cousine est tendre en cette affection, et a un coeur parfaitement vôtre.

Cet époux de Cana en Galilée fait le festin de ses noces, et croit d'être l'époux ; mais il est trop plus heureux; car notre Seigneur lui donne le change, et convertissant son eau en très-bon vin, il se rend époux lui-même, et fait l'âme de ce pauvre premier époux son épouse ; car soit que ce fût saint Jean l'Évangéliste ou quelque autre, étant non à la veille, mais au jour de son mariage, notre Seigneur l'emporte à sa suite, il ravit à soi sa chaste âme, et le rend son disciple ; et l'épouse voyant que ce Sauveur pouvait avoir plusieurs épouses, voulut être du nombre, et pour une seule noce du vin failli, en voilà deux excellentes: car les âmes, tant de l'un que de l'autre; s'épousent à Jésus-Christ.

C'est ainsi qu'on lit cet Évangile (Jn 2,1-10); et il m'est venu au coeur de vous dire cette pensée : Bienheureux sont ceux qui changent ainsi leurs eaux en vin : mais il faut que ce sôit par l'entremise de la très-sainte Mère. Je la supplie de vous donner à jamais sa douce et maternelle protection. Je suis eu elle, etc.




LETTRE DCCCXXXV1.

S. FRANÇOIS DE SALES, A UNE DAME

Qui était sur le point de se faire religieuse : le Saint l'encourage à exécuter ce pieux dessein.

Que de joie, ma très-chère fille, que mon coeur reçoit, de voir la franchise et rondeur du vôtre à ce commencement. Ne vous étonnez point de ces larmes, car bien qu'elles ne soient pas bonnes, elles viennent néanmoins de bon lieu. Si nos résolutions étaient petites et révocables, nous n'aurions pas ces sentiments eu ces abnégations et hautes conclusions que nous avons prises. David pleura tant sur Saùl mort, quoique ce fût son plus grand ennemi ; pleurons un peu sur ce inonde qui meurt, ains qui est mort pour nous et auquel nous voulons à jamais mourir.

O ma fille, ma bonne fille, que je suis aise de vous voir un peu travaillée de ce mal d'enfant ? Non, jamais nulle aine n'enfanta Jésus-Christ saus douleurs, sinon la sainte Vierge à laquelle en contr'échange il en donna de grandes en mourant. Mais, ma fille, vous verrez qu'après ces tranchées de coeur, vous aurez mille sortes de consolations. Et moi, ne croyez-vous pas que mon coeur s'attendrisse sur le vôtre ? Si fait, je vous assure, mais d'un attendrissement doux et suave, pour, voir que vos douleurs sont des présages de plusieurs faveurs que Dieu vous fera, si constamment et fidèlement vous persévérez en cette entreprise, la plus digne, la plus généreuse, la plus utile que vous pourriez jamais faire.

Or poursuivez donc, ma très-chère fille : tenez bien votre coeur ouvert. Pour moi, ne doutez nullement de ma fidélité : confiez-vous en moi, sans crainte, sans réserve et sans exception : car Dieu qui l'a voulu, me tiendra de sa sainte main, afin que je vous serve bien.

Ce même Dieu sait que sur votre départ il me mit en la pensée de vous dire qu'il fallait retrancher le musc et les senteurs ; mais je me retins i sur ma méthode, qui est suave, délaisser lieu au mouvement que petit à petit les exercices spirituels ont accoutumé de faire dans les âmes qui se consacrent entièrement à sa divine bonté. Car vraiment mon esprit est extrêmement ami de la simplicité; mais la serpe avec laquelle on retranche ces inutiles rejetons, je la laisse ordinairement es mains de Dieu : et voilà, ma très-chère fille, qu'il vous en va donner un coup, pour ces poudres, pour ces papiers dorés. Qu'à jamais sa miséricorde soit bénie ; car elle est miséricordieuse, je le vois bien.

Oui, donnez ces poudres et ces papiers dorés à quelque dame du monde, qui soit néanmoins de telle confiance, que vous lui puissiez marquer le sujet de ce petit renoncement ; et ne doutez point que cela scandalise : au contraire, cela édifiera son âme, puisque je présuppose que ce soit une dame qui en ait une bonne. Vous avez raison, ma très-chère fille, de renoncera tout cela : croyez-moi, ces petites abnégations seront fort agréables, à Dieu.

Vraiment il faut que je vous dise ceci, puisque j'ai commencé à vous communiquer mon âme avec naïveté. Je n'ai jamais seulement voulu porter de bas d'estame, ni jamais de gants ni lavés ni musqués, dès que je me suis voué à Dieu, ni jamais papier doré, ni poudres ; ce sont des mignardises trop menues et vaines. O Dieu ! quel coeur que vous me donnez en votre endroit, marchant de si bon pied !

Hélas! ma très-chère fille, il est certes vrai : ces éternels et irrévocables renoncements, ces adieux immortels que nous avons dits au monde et à ses amitiés, font quelque attendrissement à notre coeur. Et qui ne se mouvrait à ces coups de rasoir qui séparent et divisent l'âme d'avec l'esprit, et le coeur de chair d'avec le coeur divin; et nous-mêmes d'avec nous-mêmes? Mais, vive Dieu, ces coups sont donnés, c'en est fait. Non jamais plus il n'y aura réunion de l'un à l'autre, moyennant la grâce de celui, pour auquel nous unir inséparablement, nous nous sommes séparés pour jamais de toute autre chose:

Laissez absolument toutes ces guérisons par paroles; ce sont niaiseries que cela, que je permettrais à une âme moins résignée que la vôtre : mais à la vôtre, ma fille, je dis hautement : laissez ces enfances et bagatelles, lesquelles, si elles ne sont pas péchés, sont des amusements inutiles, tendants à la superstition.

O Dieu ! ma fille, à toutes ces compagnies mondaines qui vous arriveront, il faut rendre une contenance doucement joyeuse. Mais afin que vous vous entreteniez de nouvelles réciproquement, entretenez-les comme venant de l'autre monde, et elles vous entretiendront comme venant du monde ; car si vous leur parlez le langage de leurs lieux, ce ne leur sera pas une grande nouvelle.

Je fus un mois après m'a consécration à l'évêché, que venant de ma confession générale, et d'emmi les anges et les saints, entre lesquels j'avais fait mes nouvelles résolutions, je ne parlais que comme un homme étranger du inonde, et il me semble que j'avais bonne grâce : et quoique le tracas ait inv peu alangouri ces bouillonnements de coeur, les résolutions, par la grâce divine, me sont demeurées.

Soyez courte là où vous ne profiterez pas. Ce grand Dieu agrandisse de plus en plus le règne de son saint amour en nous. Je suis en lui, mais d'une affection toute particulière, votre, etc.

Si j'avais davantage de loisir, je vous écrirais encore ; car je ne me lasse point en ce doux entretien de Dieu, de son amour de nos âmes. Demandez fort au petit Jésus naissant sa sainte nudité pour votre coeur, afin que nuement et purement il soit à lui.






LETTRE DCCCXXXVII.

S. FRANÇOIS DE SALES, A UN AUTEUR MAGISTRAT,

Qui lui avait envoyé un livre de poésies chrétiennes, et le félicite de son heureux talent et de l'emploi qu'il en fait. - Garnier lettre 202


Monsieur, ce m'a été un honneur extrêmement sensible d'avoir reçu de votre part ces riches et dévots théorèmes, que le révérend Père Ange Le Blanc; m'a remis ; et si j'avais le riche parfiimier, ou cabinet des onguents que cet ancien prince Alexandre-le-Grand destina pour la garde des livres et écrits d'Homère, je le destinerais aussi à la conservation.de ce beau présent, lequel m'est d'autant plus précieux, que je n'avais garde de l'oser, espérer, puisque je n'ai pas même pensé que vous eussiez su que je fusse au monde; où étant de vrai si peu de chose, confiné en ce recoin de nos montagnes, je me tiens pour invisible. Mais toutefois comme ce sont les grandes lumières qui découvrent les atomes, ainsi m'avez-vous pu voir.

Or, puisque non-seulement il vous a plu, monsieur, de jeter votre pensée, et ce qui est encore plus, votre bienveillance sur moi, je vous supplie très-humblement de me continuer cette grâce par la même courtoisie et bonté qui l'a fait naitre en votre âme, sans aucun mérite de ma part : et si je ne puis par les effets, au moins par affection je m'essaierai de correspondre à cette faveur, vous portant à jamais, un honneur, oui même, si vous me permettez ce mot, un amour très-particulier ; à quoi je suis encore attiré par cette savante piété qui vous fait si heureusement transformer les muses païennes en chrétiennes pour les ôter de ce vieux profane Parnasse, et les placer sur le nouveau sacré Calvaire.

Et plût à Dieu que tant de poètes chrétiens qui ont en notre âge si dignement témoigné, comme vous, monsieur, la beauté de leur esprit, eussent aussi, comme vous, fait paraitre la bonté de-leur jugement au choix des sujets de leurs poèmes, la corruption des moeurs ne serait pas si grande, car c'est merveille combien les discours resserrés dans les lois des versont de pouvoir pour pénétrer les coeurs et assujettir la mémoire! Dieu leur veuille pardonner l'abus qu'ils ont fait de leur érudition. Et vous, monsieur, usez, ains jouissez toujours ainsi saintement de ce beau, riche et bon esprit que la divine majesté vous a conféré en cette vie temporelle, afin que vous vous réjouissiez à jamais, contemplant et chantant glorieusement les mêmes mystères en la vie éternelle.

Je suis de tout mon coeur, votre, etc.



LETTRE DÇCCXXXVIlI, A UNE DE SES NIÈCES.

Le Saint l'engage à servir Dieu avec fidélité, et lui marque sa joie de nommer un enfant avec elle.

Or je ne doute point de cela, ma très-chère fille ma nièce, que ce même Sauveur qui vous a prise par la main, ne vous conduise jusqu'à la perfection de son saint amour : car j'espère que vous ne vous secouerez point d'une si douce et suave conduite, et n'abandonnerez pas celui qui, par son infinie bonté, n'abandonne jamais ceux qui ne veulent pas l'abandonner. Vrai Dieu ! que nous serons heureux si nous sommes fidèles à cette immense douceur qui nous attire!

Madame de Lenugeon me pria, il y a bien sept mois, de lui tenir ce dernier enfant qu'elle a fait, et je le pris à fort grand honneur: mais je le trouvé encore plus grand et plus agréable, puisque c'est avec cette heureuse rencontre que vous le devez tenir avec moi, ce que je prends à présage qu'un jour je pourrai bien avoir la consolation d'en tenir un des vôtres. Mais en tout événement nous nous, entretiendrons l'un l'autre par la sainte dilection qui me fera toujours être, etc.

Ces paroles sont en marge de l'original :

J'ai annoncé la fête de la Pentecôte à M. Favre, qui l'attend en dévotion, et vous toutes.




LETTRE DCCCXXXIX.

S. FRANÇOIS DE SALES, A UNE DE SES SOEURS.

Le Saint l'exhorte à vivre dans une conformité avec notre Seigneur. - Garnier lettre 204


Ma très-chère soeur, ce n'est que justement pour vous donner le bonsoir que je vous écris, et vons- tenir assurée que je ne cesse point de vous souhaiter mille et mille bénédictions du ciel, et à monsieur mon frère; mais particulièrement celle d'être toujours transfigurée en notre Seigneur. O ! que sa face est belle, et que ses yeux sont doux et émerveillables en suavité, et que c'est chose bonne d'être auprès de lui en la montagne de la gloire ! C'est là, ma chère soeur, ma fille, où nous devons loger nos désirs et nos affections, non en cette terre, où il n'y a que des vaines beautés, et belles vanités. Or sus, grâce à ce Sauveur, nous sommes à la montée du mont Tabor, puisque nous avons des fermes résolutions de bien servir et aimer sa divine bonté ; il nous faut doue encourager à une sainte espérance.

Montons toujours, ma très-chère soeur, montons sans nous lasser à cette céleste vision du Sauveur; éloignons-nous petit à petit des affections terrestres et basses, et aspirons au bonheur qui nous est préparé.

Je vous conjure, ma chère fille, de bien prier notre Seigneur pour moi, et qu'il me tienne dorénavant dans les sentiers de sa volonté, afin que je le serve en sincérité et fidélité. Voyez-vous, ma très-chère fille, je désire ou de mourir, ou d'aimer Dieu; ou la mort ou l'amour : car la vie qui est sans cet amour, est tout-à-fait pire que la mort. Mon Dieu! ma très-chère fille, que nous serons heureux, si nous aimons bien cette souveraine bonté, qui nous prépare tant de faveurs et bénédictions!

Soyons bien tout à elle, ma très-chère fille, parmi tant de tracas que la diversité-des choses mondaines nous présente. Comme voulons-nous mieux témoigner notre fidélité qu'entre les contrariétés ! Hélas! ma très-chère fille, ma soeur, la solitude a ses assauts, le monde a ses tracas : partout il faut avoir bon courage, puisque partout le secours du ciel est prêt à ceux qui ont confiance eh Dieu, et qui avec humilité et douceur implorent sa paternelle assistance.

Gardez bien de laisser convertir votre soin en troublement et inquiétude ; et toute embarquée que vous êtes sur les vagues et parmi les vents de plusieurs tracas, regardez toujours au ciel, et dites à notre Seigneur: 0 Dieu! c'est pour vous que je vogue et navigue, soyez mon guide et mon nocher; et puis consolez-vous, que quand nous serons au port, les douceurs que nous y aurons, effaceront les travaux pris pour y aller. Or nous y allons parmi tous ces orages, pourvu que nous ayons le coeur droit, l'intention bonne, le courage ferme, l'oeil en Dieu, et en lui toute notre confiance.

Que si la force de la tempête nous émeut quelquefois un peu l'estomac, et nous fait un petit tourner la tête, ne nous étonnons point; mais, soudain que nous pourrons, reprenons haleine, et nous animons a mieux faire. Vous marchez toujours entre nos saintes résolutions, je m'en assure. Ne vous fâchez donc point de ces petits assauts d'inquiétude et chagrins que la multiplicité des affaires domestiques vous donne ; non, ma très-chère fille, car cela vous sert d'exercice à pratiquer les plus chères et aimables vertus que notre Seigneur nous ait recommandées. Croyez-moi,- la vraie vertu ne se nourrit pas dans le repos extérieur, non plus que les bons poissons dans les eaux croupissantes des marais. Vive Jésus.




LETTRE DCCCXL.

S. FRANÇOIS DE SALES, A UNE DE SES SOEURS.

Le Saint l'exhorte à communier souvent, et à s'abandonner à la Providence dans les persécutions. - Garnier lettre 205

Notre Sauveur vous arrache le coeur comme il fit à la dévote sainte Catherine de Sienne de laquelle nous faisons aujourd'hui (1) la fête, pour vous donner le sien très-divin, par lequel vous vivez toute de son saint amour. Quel bonheur, ma très-chère soeur, si quelque jour, au sortir de la sainte communion, je trouvais mon chétif et misérable coeur hors de ma poitrine, et qu'en sa place fût établi le précieux coeur de mon Dieu ! Mais, ma très-chère fille, puisque nous ne devons pas désirer des choses si extraordinaires, au moins souhaité-je que nos pauvres coeurs ne vivent plus désormais que sous l'obéissance et les commandements du Seigneur : ce sera bien assez, ma chère soeur, pour, en ce fait, imiter utilement sainte Catherine, et en cette sorte nous serons doux, humbles et charitables, puisque le coeur de notre Sauveur n'a point de lois plus affectionnées que celles de la douceur, humilité et charité.

Vous serez bien heureuse, ma très - chère soeur ma fille, si parmi toutes ces fadaises de partialité vous vivez toute en vous-même pour Dieu, qui seul aussi mérite d'être servi et suivi avec passion : car ainsi faisant, ma chère soeur, vous donnerez bon exemple à toutes, et gagnerez la sainte paix et tranquillité pour vous-même. Laissez, je vous supplie, philosopher les autres sur le sujet que vous avez de communier : car il suffit que votre conscience, que vous et moi sachions que cette diligence de revoir et de réparer souvent votre âme, est grandement requise pour la conservation d'icelle ; et si vous en voulez rendre compte à quelqu'une, vous lui pourrez bien dire que vous avez besoin de manger si souvent "cette divine viande, parce que vous êtes fort faible, et que, sans ce renforcement, votre esprit se dissiperait aisément; Cependant estimez, ma très-chère soeur,- à bien serrer ce cher Sauveur sur votre poitrine. Faites "qu'il soit lé beau et le suave bouquet sur votre coeur, en sorte que quiconque vous approché sente que vous êtes parfumée, et commisse que vôtre odeur est l'odeur de la myrrhe.

I (-1) Le 30 avril.



Tenez votre esprit cri paix, nonobstant cet embarrassement qui est autour. Remettez à la plus secrète providence de Dieu ce que vous trouverez de, malaisé, et croyez fermement qu'il fera une douce conduite de vous, de votre vie, et de toutes vos affaires.

Savez-vous ce que font les bergers en Arabie, quand ils voient éclairer, tonner, et l'air chargé de foudres ? Ils se retirent sous les lauriers, et eux, et leurs troupeaux. Quand nous voyons que les persécutions ou contradictions nous menacent de quelques grands déplaisirs, il nous faut retirer, et nous, et nos affections, sous la sainte croix, par une vraie confiance que tout reviendra au profit de ceux qui aiment Dieu.

Or sus, ma très-chère fille ma sçeur, tenez bien votre coeur ramassé ; gardez-vous fort des empressements; jetez souvent votre confiance en la providence de notre Seigneur. Soyez toute assurée que plutôt le ciel et la terre passeront, que notre Seigneur manque à votre protection tandis que vous serez sa fille obéissante, ou au moins désireuse d'obéir. Deux ou trois fois le jour pensez si votre coeur est point inquiété de quelque chose ; et trouvant qu'il l'est, tâchez soudain à le remettre en repos.

Adieu, ma très-chère fille.

Dieu soit à jamais au milieu de votre coeur. Amen.




LETTRE DCCCXLI.

S. FBANÇOIS DE SALES, A UNE DE SES NIÈCES.

Le Saint l'exhorte à conformer toujours sa volonté à celle de Dieu, et à mortifier son coeur. - Garnier lettre 206


Ma chère nièce, je vous écrivis l'autre jour : mais mon coeur, qui vous chérit tendrement, ne se peut assouvir de vous en rendre au moins ce faible témoignage, de vous écrire le plus souvent que je puis.

Vivez toute en notre Seigneur, ma très-chère fille ; que ce soit l'eau dans laquelle votre coeur nage: et comme ceux qui cheminent sur la corde tiennent toujours en leurs mains le bâton de contrepoids, pour balancer leurs corps justement, en la variété des mouvements qu'ils ont à faire sur un si dangereux plancher, vous devez aussi fermement tenir la sainte croix de notre Seigneur, afin de marcher assurément parmi les périls que la variété des rencontres et conversations pourront apporter à vos affections ; en sorte que tous vos mouvements soient balancés au contrepoids de l'unique et très-aimable volonté de celui auquel vous avez voué tout votre corps et tout votre coeur.

Conservez-le bien, ce coeur pour lequel le coeur do Dieu fut triste jusqu'à la mort, et après la mort transpercé par le fer; afin que le vôtre vive après la mort, et soit joyeux toute sa vie. Mortifiez-le bien en ses joies, et le réjouissez en ses mortifications, et allez, chère nièce, je veux dire, cheminez toujours courageusement de vertu en vertu, jusqu'à coque vous ayez atteint le souverain degré de l'amour divin ; mais jamais vous ne l'atteindrez, puisque cet amour sacré n'est non plus fini que son objet, qui est la souveraine bonté.

Adieu ; très-chère nièce; aimez-moi toujours constamment en qualité de l'homme du monde qui vous désire le plus de vraies et solides consolations ; oui, ma fille, je vous souhaite l'abondance de l'amour divin, qui est et sera éternellement l'unique bien de nos coeurs, qui ne nous * ont été donnés que pour celui qui nous a donné tout le sien. Je suis très-sincèrement tout vôtre, ma chère nièce ma fille.




LETTRE DCCCXLII.

S. FRANÇOIS DE SALES, A UNE DE SES SOEURS.

Le Saint lui recommande la douceur et la paix dans les contretemps de cette vie.



Ma très-chère soeur ma fille ; je suis marri que je n'ai plus tôt reçu la salutation que maître Constantin m'avait apportée de votre part; car j'eusse eu plus de loisir de vous écrire selon mon coeur, qui est si plein d'affection pour vous, et vous chérit si fort, qu'il ne peut se contenter de vous entretenir pour un peu. Je vis avec beaucoup de contentement de savoir que votre âme est toute dédiée à l'amour de Dieu, auquel vous prétendez de vous avancer petit à petit par toutes sortes de saints exercices. Mais je vous recommande toujours plus que tout celui de la sainte douceur et suavité, es rencontres que cette vie vous présente sans doute souventes fois. Demeurez tranquille et toute amiable avec notre Seigneur sur votre coeur. Que vous serez heureuse, très-chère soeur ma fille, si vous continuez de vous tenir à la main ;de sa divine majesté, entre le soin et le train de vos affaires, lesquelles réussiront bien plus à souhait, quand Dieu vous y assistera : et la moindre consolation que vous en aurez, sera meilleure que les plus grandes de celles que vous pourriez avoir de la terre.

.Oui, ma chère fille ma soeur, que je vous aime, et plus que vous ne sauriez croire : mais, principalement dès que j'ai vu en votre âme le digne et honorable désir de vouloir aimer notre Seigneur avec toute fidélité-et sincérité, à quoi je vous conjure de persévérer constamment, et de m'aimer toujours bien entièrement, puisque je suis d'un coeur tout entier et fidèle, ma très-chère fille, votre, etc.




LETTRE DCCCXLIII.

S. FRANÇOIS DE SALES, A UNE DE SES PARENTES.

Il lui souhaite l'amour de Dieu. - Garnier lettre 207



Madame ma chère cousine, je ne puis, mais je ne veux pas me contenir de vous écrire, ayant un porteur si assuré. Ce n'est pourtant que pour vous dire que je demande continuellement à la sainte messe beaucoup de grâces pour votre âme, mais surtout, et pour tout, l'amour divin; car aussi est-ce notre tout; c'est notre miel, ma chère cousine, dedans lequel et par lequel toutes les affections et toutes les actions de notre coeur doivent être confites et adoucies.

Mon Dieu, que le royaume intérieur est heureux, quand ce saint amour y règne! Que bienheureuses sont les puissances de notre âme qui obéissent à un roi si saint et si sage ! Non, ma chère cousine, sous son obéissance et dans cet état, il ne permet point que les grands péchés habitent, ni même aucune affection aux plus moindres! Il est vrai qu'il les laisse bien aborder les frontières, afin d'exercer les vertus intérieures à la guerre, et les rendre vaillantes, et permet que les espions, qui sont les péchés véniels et les imperfections, courent çà et là parmi son royaume ; mais ce n'est que pour faire connaitre que sans lui nous serions en-proie à tous nos ennemis.

Humilions-nous fort, ma chère cousine ma fille; avouons que si Dieu ne nous est cuirasse et bouclier, nous serons incontinent percés et transpercés de toutes sortes de péchés.- C'est pourquoi tenons-nous bien à Dieu par la continuation de nos exercices : que ce soit le gros de notre soin, et le reste des dépendances.

Au demeurant, il faut toujours avoir courage ; et s'il nous arrive quelque alanguissement, ou affaiblissement d'esprit, courons au pied de la croix, et nous mettons parmi ces saintes odeurs, parmi ces célestes parfums, et avigourés. Je présente tous les jours votre coeur au Père éternel avec celui de son Fils notre Sauveur en la sainte messe. Il ne les saurait refuser, à cause de cette union en vertu de laquelle je fais l'offre; mais je présuppose que vous en faites autant de votre côté. Qu'à jamais puissions-nous d'esprit, de coeur et de corps ; lui être en sacrifice et holocauste de louange. Vivez joyeuse et courageuse avec Jésus sur votre poitrine. Madame ma très-chère cousine, je suis celui qu'il a rendu votre serviteur et cousin, le etc.




LETTRE DCCCXLIV.

S. FRANÇOIS DE SALES, A UNE DE SES PARENTES.

Le Saint l'exhorte à être fidèle à Dieu. - Garnier lettre 208

Madame ma très-chère cousine, que vous faites bien de trouver Dieu bon, et de savourer sa paternelle sollicitude en votre endroit, de quoi étant maintenant en lieu où vous ne pouvez pas jouir du temps pour vous exercer à la méditation, il se présente en échange plus fréquemment à votre coeur, pour se fortifier de sa sacrée présence. Soyez fidèle à ce divin époux de votre aine; et de plus en plus vous verrez que par mille moyens il vous fera paraitre son cher amour envers vous.

Je ne m'ébahis donc pas, ma chère cousine; si Dieu vous donnant le goût de sa présence, vous va petit à petit dégoûtant du monde. Sans doute, ma fille, rien ne fait trouver le chicotin si amer que de se nourrir de miel. Quand nous savouc-rerons les choses divines, il ne sera plus possible que les mondaines nous reviennent donner appétit. Mais se pourrait-il bien faire qu'après avoir considéré la bonté, la fermeté, l'éternité de Dieu, nous puissions aimer cette misérable vanité du monde? Or sus, il nous faut supporter et tolérer cette vanité du monde ; mais il ne faut aimer ni affectionner que la vérité de notre bon Dieu, lequel soit à jamais loué de ce qu'il vous conduit à ce saint mépris des folies terrestres.

Hélas ! il est vrai, madame ma chère cousine, la pauvre madame de Moiron est trépassée : nous ne l'eussions pas dit le carême passé. Il est vrai, nous trépasserons aussi un jour à venir, lequel nous ignorons. Mon Dieu ! ma chère fille, ne serons-nous pas bienheureux, si nous mourons avec notre doux Sauveur au milieu de notre coeur? Or sus, il s'y faut donc bien tenir toujours, continuant nos exercices, nos désirs, nos résolutions, nos protestations. Il vaut mille fois mieux mourir avec notre Seigneur, que de vivre sans lui.

Vivons gaiement et courageusement en lui et pour lui, et ne nous étonnons point de la mort : je ne dis pas, ne la craignons point du tout; mais je dis, ne nous troublons point. Si la mort de notre Seigneur nous est propice, la nôtre nous sera bonne. C'est pourquoi pensons souvent à la sienne : chérissons bien sa croix et sa passion.

C'est bien dit, ma fille bien-aimée, quand nous verrons mourir nos amis, pleurons-les un peu; regrettons-les un peu par compassion et tendreté, mais avec tranquillité et patience ; et faisons valoir leur délogement pour nous préparer doucement et joyeusement au nôtre.

J'ai loué Dieu de quoi cette pauvre défunte s'était retirée, ce me semble, à la dévotion un peu plus cette année dernière ; car c'est un grand signe de la miséricorde de Dieu sur elle. Il y a justement une année qu'elle entra en nôtre confrérie, laquelle, aussi lui a bien rendu son devoir.



LETTRE DCCCXLV, A UNE DE SES PARENTES.

2018
Le Saint l'engage à entrer en religion. Le courage est préférable à la dévotion sensible, mais il ne doit point Être empressé - Garnier lettre 209

Ma très-chère soeur, ma cousine, et ma plus chère fille, Venez en la montagne que Dieu vous montrera (
Gn 22,2), pour y consacrer ces petits moments de vie qui vous restent, en faveur de la très-sainte éternité qui vous est préparée.

Ne vous mettez point en peine de quoi vous n'avez pas les sentiments de dévotion et consolation présentement ; car le courage fort que vous avez, vaut mieux que tout cela. Pensez vous pas que la pauvre, jeune, et belle Rébecca pleura bien fort lorsqu'elle se sépara de son père, sa mère et son pays ? Mais parmi tout cela elle ne laissa pas de dire courageusement : J’y irai (Gn 24,58); et elle fut digne d'être épouse d'Isaac. Quittez ces empressements, et achevez vos affaires en tranquillité, comme voyant notre Seigneur à votre côté, qui vous aide à les faire.

Je prierai, quoique indignement, pour N. N., et les servirai partout où je pourrai.

Dieu de sa main toute-puissante vous veuille retirer à soi, et Vous amener au lieu auquel il vous a appelée : l'ange qui vous a assistée en vos résolutions, soit lui-même votre guide en l'exécution. Je suis sans fin, etc.






LETTRE DCCCXLVI, A MADAME DE CORNILLON, SA SOEUR.

Le Saint l'encourage à prendre patience dans les contradictions qu'elle avait à souffrir de la part de son beau-père. - Garnier lettre 212

Il ne faut pas que le (dernier) premier mois de l'année passe, que je ne vous salue, ma très chère fille ma soeur, en vous assurant toujours du parfait amour que mon coeur porte au vôtre, auquel je ne cesse point de désirer toutes sortes de bénédictions ; mais aussi, ma chère soeur, je le vous recommande, votre pauvre coeur ; ayez bien soin de le rendre de plus en plus agréable à son Sauveur, et de faire que cette année soit-plus fertile que l'autre en toutes sortes de saintes actions ; car à mesure que les années s'en vont, et que l'éternité s'approche, il nous faut aussi redoubler le courage, et relever notre esprit en Dieu, le servant plus attentivement en tout ce que nos vocations et professions nous obligent.

Je voudrais bien pouvoir vous envoyer les livres que je vous ai promis, et à madame de Cornillon ma commère ; mais je ne m'en suis pas trouvé un seul : il faut avoir un peu de patience avec moi, comme avec un mauvais payeur. Cependant, chère soeur, prenez bien courage à faire votre enfant ; je dis celui du corps, et celui du coeur, mais surtout celui du coeur qui est notre Seigneur, lequel vous voulez, je m'assure, produire en votre vie, et en vous-même, beaucoup mieux dorénavant : mais c'est un enfant, lequel, au rebours des autres, soulage, nourrit et maintient sa mère. Aussi faut-il bien, ma fille, que vous mettiez toute votre espérance, votre amour et votre confiance en lui ; car en cette sorte vous vivrez toute joyeuse et contente.

J'ai appris que mon frère (l),- et vous, êtes toujours et de plus en plus exercés par les volontés de monsieur votre père (2). Ma fille, si vous savez bien prendre cette croix, vous serez bienheureuse ; car Dieu vous donnera en échange mille bénédictions, non-seulement en l'autre vie, mais même en celle-ci; mais il faut être courageuse et persévérante en douceur et patience.

Madame de Chantal se recommande mille fois très-affectionnément à vous, et vous souhaite continuellement accroissement de l'amour de Dieu. Bonjour, ma chère fille ma soeur, je suis votre frère tout vôtre. A Sales, d'où je pars vendredi pour aller à mon devoir en ces avents.

(1) C'est-à-dire beau-frère. C'est M. Cornillon.
(2) C'est-à-dire beau-père.




LETTRE DCCCXLVII.

S. FRANÇOIS DE SALES, A UNE DAME.

Avis pour la sainte communion, l'exercice de la douceur et la perfection chrétienne. - Garnier lettre 214



Je vous renvoie votre livre corrigé, ma très-chère fille : vous puisse-t-il être aussi utile que je souhaite !

Sans doute, il faut tant faire et refaire les résolutions de s'unir à Dieu, que nous y demeurions engagés.

Mais je désire qu'en vos ferveurs vous ne fassiez pas ces désirs de tentations ni occasions de mortifications; car, puisque par la grâce de Dieu elles ne vous manquent pas, il n'est pas besoin d'occuper votre coeur à les désirer; occupez-le plutôt à le préparer, et mettre en la posture requise pour les recevoir, non pas quand vous les voudrez, mais quand Dieu voudra vous les permettre.

D'avoir un peu de joie en la grâce divine, quand les rencontres nous succèdent bien, il n'y a point de mal, pourvu que nous les terminions en humilité.

De remédier aux occurrences qui ne vous regardent pas en particulier, mais votre maison, il le faut faire; avec cette remise néanmoins, de vouloir avec un coeur égal attendre l'événement que Dieu disposera pour le mieux.

Mais quant à cette sorte de plainte, que vous êtes misérable et infortunée ; mon Dieu! ma très-chère fille, il s'en faut garder en toute façon; car, outre que telles paroles sont déshonnêtes à une servante de Dieu, elles sortent d'un coeur trop abattu, et ne sont pas tant des impatiences que des courroux.

Voyez-vous, ma très-chère fille ! faites un particulier exercice de douceur et d'acquiescement à la volonté de Dieu, non point pour les choses extraordinaires seulement, mais principalement pour ces petites tricheries quotidiennes. Préparez-vous-y le matin, l'après dîner, en disant grâces, devant le souper, après le souper, et le soir, et faites-en votre prix fait pour un temps.

Mais faites cela avec un esprit tranquille et joyeux ; je veux dire ces exercices ; et s'il vous arrive des manquements, humiliez-vous, et recommencez.

C'est bien fait d'aspirer d'une générale aspiration à l'extrême perfection de la vie chrétienne ; mais il ne faut pas philosopher en particulier, sinon sur notre amendement et sur notre avancement, selon les occurrences quotidiennes de jour v en jour, remettant la conduite de notre souhait général à la providence de Dieu, et nous jetant pour ce regard en ses bras, comme un petit enfant qui, pour croître, mange de jour en jour ce que son père lui fournit, espérant qu'il lui fournira à proportion de son appétit et de sa nécessité.

Pour ces tentatives d'envie, pratiquez ce que je dis au livre, des mêmes tentations.

Puisque la communion vous est si profitable, fréquentez-la avec ferveur d'esprit et netteté de conscience. Vivez toujours joyeuse au travers de toutes vos tentations. Ne faites pas pour le présent d'autre pénitence, et rangez-vous de vous-même en esprit de douceur à supporter véritablement le prochain, visiter les malades, et ayez bon courage.

J'ai écrit depuis peu à notre bonne soeur ; c'est une fille que je chéris bien fort. La pauvrette a été tout plein troublée pour peu de chose ; mais c'est bon signe, car cela a produit de la crainte de Dieu : elle a été toute découragée, parce qu'elle croyait d'avoir offensé. O Dieu ! il faut plutôt mourir que l'offenser sciemment et délibérément ; mais quand nous tombons, il faut tout perdre plutôt que le courage, l'espérance et la résolution. Or, Dieu convertira le tout à son honneur.

Votre voisine peut fort louablement payer de rechef ce qu'elle ne doit pas, pour éviter le mal d'un procès ou d'une discorde à son mari, si la sommen'était pas fort importante; car si, pour se préserver d'une fièvre corporelle, elle peut bien à son insu employer de l'argent, pourquoi non pour divertir une fièvre spirituelle.

Bonsoir, madame ma très-chère commère, ma fille : votre coeur est à Dieu ; vivez heureuse d'être si bien logée. Je suis d'un coeur tout entier, votre, etc.




LETTRE DCCCXLVIII.

S. FRANÇOIS DE SALES, A UNE DAME

Que le Saint appelait sa mère. Dans cette lettre et les suivantes, il exhorte cette dame, qui était âgée et infirme, à porter ses désirs vers le ciel, à aimer les croix, à avoir de la patience et de la douceur envers les personnes qui la servaient, et à s'abstenir de plaintes et de censures. - Garnier lettre 219



Ma très-chère mère, que vous dirai-je? Rien qu'un mot, faute de temps.

Exercez fort votre coeur à la douceur intérieure et extérieure, et le tenez en tranquillité parmi la multiplicité des affaires qui se présentent à vous.

Gardez-vous bien fort des empressements, qui sont la peste de la sainte dévotion, et continuez à tenir votre âme en haut, ne regardant ce monde que pour le mépriser, ni le temps que pour aspirer à l'éternité.

Soumettez souvent votre volonté à celle de Dieu étant prête à l'adorer, autant quand elle vous enverra des tribulations, comme au temps des consolations.

Dieu soit toujours au milieu de nos coeurs, ma très-chère mère. Je suis en lui sans réserve et d'une affection toute filiale, votre, etc.




LETTRE DCCCXLIX.

S. FRANÇOIS DE SALES, A UNE DAME.

Le Saint l'exhorte à fortifier son coeur contre les langueurs que les maladies peuvent lui causer. - Garnier lettre 220



Bien que ce laquais aille exprès, ma chère mère, si est-ce qu'il part en un temps auquel je suis fort pressé. Cette bonne dame m'a dit de votre part ce que vous lui avez confié, et je loue Dieu qu'il vous ait donné de nouvelles affections avec cette nouvelle santé; mais il faut bien prendre garde, ma très-chère fille ma mère, que le corps et l'esprit vont souvent en contraire mouvement, et à mesure que l'un s'affaiblit, l'autre.se fortifie; et quand l'un se fortifie, l'autre s'affoiblit : mais puisque l'esprit doit régner, quand nous voyons qu'il a pris ses forces, il le faut tellement secourir et établir, qu'il demeure toujours le plus fort; sans doute, ma chère mère, puisque les maladies sont comme des coupelles (1), il faut bien que nôtre coeur en sorte plus pur, et que nous devenions plus forts parmi les infirmités. Or, quant à vous, je m'imagine que désormais l'âge et la petitesse de votre complexion vous tiendront souvent alangourie et faible : c'est pourquoi je vous conseille de vous fort exercer en l'amour de la très-aimable volonté de Dieu, et en l'abnégation des contentements extérieurs, et en la douceur parmi les amertumes. Ce sera le plus excellent sacrifice que vous puissiez faire. Tenez bon, et pratiquez non-seulement l'amour solide, mais l'amour tendre, doux et suave, envers ceux qui sont autour de vous: ce que je dis par l'expérience que j'ai, que l'infirmité ne nous ôtant pas la charité, nous ôte néanmoins la suavité envers le prochain, si nous ne sommes fort sur nos gardes.

Ma très-chère mère, je vous souhaite le comble de la sainte perfection es entrailles de Jésus-Christ.

Je demeure pour jamais, votre, etc.



(1) Espèce de creuset qui sert à purifier l'or et l'argent.



LETTRE DCCCL, A UNE DAME.

2016
F. de Sales, Lettres 2014