Fr.de Sales: Notre Père - Sur ces paroles: Pardonnez-nous nos offenses comme nous les pardonnons à ceux qui nous ont offensés - Cinquième demande

Sur ces paroles: Pardonnez-nous nos offenses comme nous les pardonnons à ceux qui nous ont offensés - Cinquième demande

Père, nous sommes pauvres et pleins de dettes; vous, vous êtes riche et notre créancier; il faut que le riche remette au pauvre ses dettes : remettez-mous donc nos dettes. Père, faites miséricorde à votre enfant qui a contracté autant de dettes qu'il a commis de péchés. Quel est le père qui ne remettrait pas à son fils tombé en grande pauvreté n'importe quelle dette, si humblement il le lui demandait? Et qui donc, ô Père saint, est un fils plus pauvre et plus chargé de dettes que moi? Voici que, comme un autre publicain,(Lc 18,13) humblement je vous prie : remettez-moi tant de dettes de péchés par lesquels je vous ai offensé " O Dieu, dont le propre est de faire toujours miséricorde et de pardonner, " ayez pitié de ce pauvre enfant et remettez-moi toutes mes dettes; je reconnais, ô Père, que les dettes sont nombreuses (dix mille talents), (Mt 18,24)parce que j'ai péché contre toute votre loi; mais les richesses de votre miséricorde les surpassent infiniment. Souvenez-vous, ô Père, de vos miséricordes qui sont éternelles,(Ps 24,6) et de même que vous avez usé de miséricorde à l'égard de tant de vos serviteurs, daignez me remettre tous mes péchés.

Je me souviens, ô Père, de votre miséricorde à l'égard de votre ancien peuple à qui tant de fois vous pardonnâtes ses péchés. (2R 12,13)Je me rappelle, ô Père, que vous vous êtes souvenu de votre serviteur David et que vous lui avez pardonné sa grande faute. Je me souviens, ô Père, que votre bien aimé Fils, étant en ce monde, regarda d'un oeil de pitié son Apôtre quand il le renia et Madeleine quand elle se convertit, et enfin qu'il recevait tous les pêcheurs à pénitence et mangeait avec eux. (Lc 7,37 Lc 15,1 Lc 22,55) Vous n'êtes point changé; vous étiez autrefois le Dieu très miséricordieux, vous ne l'êtes pas moins maintenant; vous êtes le même Dieu que jadis, votre miséricorde n'est pas finie puisqu'elle est infinie; elle ne s'est point arrêtée puisqu'elle n'a point d'arrêts et que, plutôt, on fermerait le Ciel; elle n'a pas cessé, puisque de même que le feu opère toujours tant qu'il y a de la matière à consumer, ainsi votre miséricorde, tant qu'il y a des péchés à brûler et des dettes à remettre. Sa miséricorde s'étend d'âge en âge sur ceux qui le craignent (Lc 1,50): cantique de la très sainte Mère de votre Fils béni, Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui savait bien qu'elle était immense. Vous avez mis, Seigneur, des bornes à la mer, mais vous avez laissé sans bornes votre miséricorde, afin que toujours elle aille chercher les pécheurs chargés de dettes pour leur pardonner. Voilà, ô Père, que votre miséricorde se rencontre avec le plus grand pécheur entre tous les pécheurs, avec celui qui a plus de dettes qu'aucun autre enfant d'Adam: effacez mes péchés, remettez-moi la grande somme de mes dettes et passez toujours plus avant pour chercher les autres débiteurs. Un abîme appelle un autre abîme (Ps 41,8); le fils de la misère invoque (le Père des miséricordes.) Que l'abîme absorbe un autre abîme; que l'abîme, mes misères infinies, soit absorbé par l'abîme. Je sais, ô Père, que tous mes péchés, pour nombreux qu'ils soient, et tous ceux du monde entier, sont devant votre miséricorde comme un brin de paille en présence d'un grand feu. Enfin je vous prie, Père saint, par votre miséricorde infinie, par la vertu de cette Passion que votre Fils bien aimé endura sur le bois de la croix et par les mérites et l'intercession de la Bienheureuse Vierge et de tous les élus qui existent depuis le commencement du monde, de daigner nous remettre nos dettes.


Comme nous les remettons à ceux qui nous ont offensés

Je vous prie aussi, ô Père, de me donner assez de vertu et votre grâce pour que je puisse parfaitement pardonner à ceux qui m'ont offensé; et si vous trouvez dans mon coeur quelque reste d'imperfection contre ceux qui m'ont offensé, vous, Père, par le feu de votre charité, faites-le disparaître, brûlez-le, faites que nulle trace ni ombre de rancune demeure dans mon coeur, afin que je puisse dire en toute vérité: Pardonnez-nous nos offenses comme nous les pardonnons à ceux qui nous ont offensés.


Et ne nous induisez point en tentation

Nous sommes, ô Père, en un lieu de tentation. Notre adversaire, le diable, rôde autour de nous, cherchant qui dévorer.(1P 5,8) Donnez les moyens, portez secours, ô Père; les ennemis sont aussi nombreux que le sable de la mer et expérimentés dans le combat; mon âme est languissante, faible, impuissante si vous ne venez à son aide. Saisissez donc vos armes et votre bouclier, et levez-vous pour me secourir; tirez la lance et barrez le passage à mes persécuteurs (Ps 34,2); dites à mon âme: Je suis ton salut. O Seigneur, que cette pauvre âme a besoin de votre grâce, de votre secours, de votre assistance pour ne pas succomber aux tentations! Une petite brebis au milieu des loups se perd si le berger ne la sauve; ainsi, Père, cette âme au milieu de tant de loups qui l'assaillent dans un monde où elle est sollicitée par mille occasions de péchés, avec la chair qui continuellement la combat, que fera-t-elle sans votre secours?

Père saint, je lèverai mes yeux au Ciel d'où me viendra le secours; mon secours vient du Seigneur qui a fait le ciel et la terre. O Père des miséricordes et Dieu de toute consolation, venez à mon aide; Seigneur, hâtez-vous de me secourir. Père saint, quand donc ferez-vous justice de ceux qui me persécutent ?(Ps 120,1 2Co 1,3 Ps 69,2 Ps 118,84) Faites justice, Seigneur, de ceux qui cherchent la mort de mon âme, donnez-moi cependant votre aide pour ne point tomber, pour ne pas vous offenser. Je ne demande pas que vous me délivriez des tentations, ô Père, mais je vous demande la grâce et la force pour résister et combattre énergiquement. Par amour pour vous, je veux bien avoir des tribulations et des angoisses en ce monde, pourvu que dans les tribulations mon âme ne défaille pas. Faites, Seigneur, que, comme l'or dans la fournaise (Pr 17,3 Pr 27,21 Sg 3,6)devient plus beau, ainsi mon âme jetée dans la fournaise des tribulations, devienne plus pure, lumineuse et resplendissante. Qu'elle ne soit pas comme la paille qui, par manque de force, se laisse brûler et consumer par le feu. Que je sois plutôt comme vos Saints qui, en ce monde, jetés dans les flammes et le feu, restèrent forts et fermes, et ensuite, comme des pierres précieuses, en sortirent avec plus de splendeur et de lumière. Ne nous induisez donc pas en tentation, ô Père, afin que nous n'offensions pas une telle Majesté.


Mais délivrez-nous du mal. Ainsi soit-il

Père saint, je reconnais vos miséricordes sur moi, car vous m'avez préservé de beaucoup de maux que j'avais mérités par mes péchés; autant de fois que je péchai, autant de fois je méritai ce mal infini qui est la damnation éternelle. Qu'ils sont nombreux, Père, ceux qui ont encouru ce malheur! Ils avaient commis moins de péchés que moi; et combien, parce qu'il ne leur fut pas donné, comme à moi, le loisir de faire pénitence, moururent misérablement dans leurs péchés et se perdirent! Je vous en prie, ô Père, délivrez-moi désormais de toute faute, afin que j'échappe aux peines de l'enfer; faites, Seigneur, que je ne vous offense plus; vous avoir offensé dans le passé est bien suffisant. Que mes péchés, Seigneur, ne se multiplient pas comme le sable de la mer (Jb 6,3)et les étoiles du ciel; que l'enfer ne m'engloutisse pas et que la fosse ne se ferme pas sur moi. (Ps 68,16)

Vous m'avez délivré, ô Père, de beaucoup de maux qui sont en ce monde. Que d'aveugles, que de sourds, que de muets, que de paralytiques sont au nombre des enfants d'Adam! et vous, Seigneur, m'avez préservé de tous ces maux, bien que je fusse comme eux enfant d'Adam, et pécheur plus qu'eux tous; cependant, cela me servirait de peu de chose ou même de rien, si vous ne me délivriez du mal du péché. Donc, du péché, de la faute et de la peine due au péché, je demande d'être délivré . Mais délivrez-nous du mal.

Vous m'avez délivré, ô Père, des ténèbres et de l'aveuglement où se trouvent les Turcs, les Maures, les Juifs, les Gentils et payens, me faisant naître dans le sein de la sainte Eglise ; délivrez-moi, ô Père, des ténèbres et de l'aveuglement du péché, afin que je jouisse du sang et des mérites de votre Fils béni, Jésus-Christ mon Seigneur, et que je sois compté parmi vos enfants, qui sont les fils de la lumière (Lc 16,8 Ep 5,8 1Th 5,5) dans votre Royaume.

Père, je me rappelle cette bonne femme de Thécua qui, entrant chez le roi David, lui demanda pardon pour Absalon son fils; et ce bon roi, entendant que la demande avait été ordonnée par le capitaine Joab,(1Th 2) son bien aimé et son favori, aussitôt il lui accorda la grâce qu'elle implorait. Père, votre saint et bien aimé Fils Jésus-Christ m'a ordonné de faire cette prière et m'a envoyé à vous afin que je vous demande les grâces qui y sont contenues. Ne me regardez pas, ô Père, moi qui suis le plus grand de tous les pécheurs, mais regardez votre Fils très saint et béni, le plus grand de tous les Saints, voire le Sanctificateur d'eux tous(1Th 1); et par l'amour que vous lui portez, accordez-moi ce qu'il m'a ordonné de vous demander.

Je me souviens aussi, Père, qu'il n'était pas permis aux fils de Jacob de paraître une seconde fois en présence de Joseph s'ils ne conduisaient avec eux leur frère cadet Benjamin(Gn 42,20 Gn 43,3 Gn 44,23); et à nous il n'est pas permis de paraître en votre présence sans notre frère aîné, qui est votre Fils unique Jésus-Christ. Voilà donc, ô Père, je viens maintenant devant vous avec votre saint Fils, mon Seigneur Jésus. je vous le présente, et vous prie humblement que par ses mérites et par sa très sainte Mort et Passion vous daigniez m'accorder ce que lui-même, dans cette Oraison et cette requête qui sont siennes, m'a ordonné de vous demander, afin que mon âme soit toute vôtre et qu'elle vous loue et bénisse dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.







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