Augustin, du don de la persévérance. - CHAPITRE XVIII. LA PRESCIENCE ET LA PRÉDESTINATION.

CHAPITRE XVIII. LA PRESCIENCE ET LA PRÉDESTINATION.

C'est pour cela que cette même prédestination est quelquefois désignée sous le nom de prescience, comme dans ces paroles de l'Apôtre: «Dieu n'a point rejeté son peuple qu'il a connu dans sa prescience». Ici ces mots; «Qu'il a connu dans sa prescience», ne peuvent pas être interprétés autrement que dans ce sens: «Qu'il a prédestiné»; le contexte même le prouve d'ailleurs clairement, Saint Paul parlait des restes des Juifs qui furent sauvés, tandis que les autres périrent. Car il avait dit plus haut que le Prophète avait adressé à Israël ces paroles: «J'ai pendant tout le jour tendu les mains à ce peuple incrédule et contredisant»; et comme s'il eût été répondu à saint Paul: Où sont donc les promesses que Dieu a faites à Israël? il ajoute aussitôt: «Je dis donc: Est-ce que Dieu a rejeté son peuple? Non, certes; car moi-même je suis israélite, de la race d'Abraham, de la tribu de Benjamin»; comme s'il disait: Car moi aussi je suis de ce peuple même. Il ajoute ensuite ces paroles sur les quelles s'appuie notre argumentation. «Dieu n'a point rejeté son peuple, qu'il a connu dans sa prescience». Et pour montrer qui ces restes ont survécu par la grâce de Dieu, et non point par le mérite de leurs oeuvres personnelles, il continue en ces termes: «Ne savez-vous pas ce qui est dit d'Elie dans l'Ecriture; comment il demande justice à Dieu contre Israël?» etc. «Mais», ajoute-t-il, «qu'est-ce que Dieu lui répond? Je me sui réservé sept mille hommes qui n'ont point fléchi le genou devant Baal». Dieu ne dit point: «Sept mille hommes m'ont été réservés»; ni: «Sept mille hommes se sont réservés à moi»; mais il dit: «Je me les suis réservés». Saint Paul continue: «De même donc, en ce temps aussi, un reste a été sauvé par l'élection de la grâce. Mais si c'est par la grâce, ce n'est donc point par les oeuvres; autrement. la grâce ne serait plus une grâce». Puis, revenant à ce que j'ai rapporté tout à l'heure: «Qu'est-il dont arrivé?» dit-il, et il répond: «Ce qui cherchait Israël, il ne l'a point trouvé; ceux au contraire qui ont été choisis, l'ont trouvé; les autres ont été aveuglés (1)». Par


1. Rm 10,21 Rm 11,7

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cette élection donc, et par ces restes dont le salut a été l'effet de l'élection de la grâce, il a voulu faire entendre le peuple que Dieu n'a point rejeté, précisément parce qu'il l'a connu dans sa prescience. C'est là cette élection par laquelle Dieu a choisi ceux qu'il a voulu en Jésus-Christ avant la formation du monde, pour qu'ils fussent saints et sans tache en sa présence, dans la charité, les prédestinant à être adoptés pour ses enfants (1). Conséquemment, dès lors que l'on comprend ces paroles, il n'est plus permis de nier ou même de douter que saint Paul voulait parler de la prédestination, quand il disait: «Dieu n'a point rejeté son peuple, qu'il a connu dans sa prescience». Il a connu, en effet, dans sa prescience les restes qu'il devait se réserver selon l'élection de la grâce. Et voilà précisément en quoi consiste la prédestination: car sans aucun doute il a connu dans sa prescience, s'il a prédestiné; et avoir prédestiné, ce n'est pas autre chose qu'avoir connu dans sa prescience ce qu'il devait faire lui-même.



CHAPITRE XIX. LA PRÉDESTINATION ENSEIGNÉE PAR SAINT CYPRIEN, SAINT AMBROISE, SAINT GRÉGOIRE DE NAZIANZE.


48. Conséquemment, quand nous voyons dans les livres de quelques interprètes de la parole divine le mot de prescience de Dieu», et qu'il s'agit de la vocation des élus; ne pouvons-nous pas entendre par ces mots la prédestination elle-même? Peut-être, en effet, ont-ils mieux aimé se servir de cette expression dans cette circonstance, parce que d'une part elle est plus facilement comprise, et que d'autre part, loin d'être opposée, elle est tout à fait conforme au dogme de la prédestination de la grâce tel que l'enseigne l'Eglise. Personne, je le sais, n'a pu, si ce n'est par erreur, discuter contre la prédestination telle que nous la défendons en nous appuyant sur les saintes Ecritures. Mais je crois aussi que, pour ceux qui désirent connaître le sentiment des auteurs qui ont traité ce sujet, les témoignages si clairs que nous avons cités de Cyprien et d'Ambroise, doivent leur suffire; l'autorité de ces hommes dont la sainteté, la foi et la connaissance profonde du christianisme sont publiées par tout l'univers, doit suffire à leur persuader, d'une part, que leur


1. Ep 1,4-5

devoir est de croire et de prêcher d'une manière absolue la gratuité de la grâce divine, comme on doit réellement la croire et la prêcher; et d'autre part, qu'ils ne doivent point regarder cette prédication comme opposée à celle par laquelle nous stimulons les paresseux ou par laquelle nous réprimandons les méchants: car ces deux personnages prêchaient la grâce de Dieu, l'un en ces termes: «Nous ne devons nous glorifier en rien, puisque rien ne nous appartient (1)»; et l'autre en ceux-ci: «Notre coeur et nos pensées ne sont pas en notre pouvoir (2)»; et cependant, ils ne cessaient pas pour cela d'exhorter et de réprimander, dans le but (le faire observer les commandements de Dieu. Ils ne craignaient pas qu'on leur dît: Pourquoi nous exhortez-vous? pourquoi nous réprimandez-vous, s'il ne nous appartient pas de parvenir à aucun bien, et si notre coeur lui-même n'est pas en notre pouvoir? La crainte de s'entendre adresser ce reproche ne pouvait pas se présenter à leur esprit, parce qu'ils voyaient qu'il est donné seulement à un très-petit nombre de recevoir la doctrine du salut, de Dieu directement ou par le ministère d'un ange céleste, sans avoir entendu aucune prédication humaine; tandis qu'il est donné à un grand nombre de recevoir la foi divine par le ministère des hommes. Mais, de quelque manière que la parole de Dieu parvienne aux oreilles humaines, il est certain que c'est un don de Dieu de l'entendre de telle sorce qu'on y obéisse.


49. C'est pour cela que ces doctes interprètes de la parole divine, dont nous avons plus haut cité les noms, ont enseigné, comme on doit le croire, que la grâce de Dieu est une grâce véritable; en d'autres termes, qu'elle n'est prévenue par aucun mérite de l'homme; en même temps que, d'autre part, ils faisaient des exhortations pressantes en faveur de l'observation des préceptes divins, afin que ceux qui auraient reçu le don d'obéissance apprissent par ce moyen à quels ordres ils devaient obéir. Car s'il est Certain que la grâce n'est prévenue par aucun mérite de notre part, il est évident aussi que nos actions, nos paroles, nos pensées sont méritoires toutes les fois qu'elles sont inspirées par une volonté bonne; mais Cyprien a renfermé en


1. Cyprien à Quirinus, liv. 3,ch. IV. - 2. Ambr. De la Fuite du siècle, ch. I.

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deux mots tous les genres de mérites, quand il a dit: «Nous ne devons nous glorifier en rien, parce que rien ne nous appartient». Et en disant: «Notre coeur et nos pensées ne sont pas en notre pouvoir», Ambroise n'a point voulu exclure les actions et les paroles, car il n'y a aucune action ni aucune parole qui rie procède du coeur et de la pensée. Mais Cyprien, ce martyr si glorieux, ce docteur dont le langage répand tant de lumières, que pouvait-il ajouter encore, après nous avoir avertis que nous sommes obligés, quand nous récitons l'Oraison dominicale, dé prier même pour les ennemis de la foi chrétienne? Il montre aussi en cet endroit que, par rapport au commencement de la foi, sa pensée est que ce commencement est un don de Dieu; et, par rapport à la persévérance finale, il prouve que l'Eglise de Jésus-Christ prie tous les jours précisément parce que Dieu seul accorde ce don à ceux qui ont persévéré.

Le bienheureux Ambroise, expliquant ces paroles de l'Evangéliste saint Luc: «Il m'a paru, à moi aussi (1)», dit dans le même sens: «Ce que l'Evangéliste déclare avoir vu, peut n'avoir pas été vu par lui seul. Car cette vision n'a pas été seulement un acte de la volonté humaine, elle a été aussi un effet du bon plaisir de celui qui parle en nous, du Christ qui opère en nous, afin que ce qui est bon en soi nous paraisse bon aussi à nous-mêmes: car il appelle tous ceux dont il a compassion. C'est pourquoi celui qui suit le Christ, quand on lui demande pourquoi il a voulu être chrétien, peut répondre: Il m'a paru, à moi aussi. Et en s'exprimant ainsi, il ne nie point que Dieu ait vif la même chose; car c'est Dieu qui prépare la volonté des hommes (2)». C'est en effet par la grâce de Dieu, que Dieu est glorifié «par les saints (3)». Dans le même ouvrage, c'est-à-dire, dans l'explication du même Evangile, quand il fut arrivé à cet endroit où il est rapporté que les Samaritains ne voulurent pas recevoir le Seigneur allant à Jérusalem, il dit pareillement: «Apprenez encore ici que le Seigneur ne voulut pas être reçu par des hommes dont la conversion n'avait pas été faite avec une simplicité d'esprit véritable. Car, s'il l'avait voulu, il leur aurait donné là piété qu'ils n'avaient


1. Lc 1,3 - 2. Pr 8 suivant les Sept. - 3. Préface du Commentaire sur saint Luc.

pas. L'Evangéliste lui-même a d'ailleurs fait connaître la raison pour laquelle les Samaritains ne le reçurent point: «Ce fut», dit-il, «parce qu'il leur parut être un voyageur allant à Jérusalem (1). Les disciples, au contraire, désiraient ardemment être reçus dans la Samarie. Mais Dieu appelle ceux à qui il daigne accorder cette faveur, et il rend religieux ceux qu'il veut (2)». Que demanderons-nous de plus évident, de plus manifeste aux autres auteurs qui ont traité de la parole de Dieu, si nous avons le désir d'apprendre d'eux aussi les choses qui sont clairement contenues dans les Ecritures?

Mais aux témoignages de ces deux auteurs, qui ont dû être suffisants, ajoutons-en un troisième, celui de saint Grégoire, qui déclare que croire en Dieu et confesser cette foi, ce sont deux dons de Dieu: «Confessez, je vous prie», dit-il, «la Trinité en un seul Dieu, ou, si vous préférez ces autres expressions, dites que la Trinité existe en une seule nature divine; et des prières seront adressées à Dieu, afin que le Saint-Esprit vous donne de prononcer cette parole»; c'est-à-dire, des prières seront adressées à Dieu, afin que par lui le pouvoir vous soit donné de confesser de bouche ce qui fait l'objet de votre croyance. «Car il vous donnera ce pouvoir, j'en ai la certitude; après vous avoir donné la première chose, il vous donnera aussi la seconde (3)»; celui qui vous a donné de croire, vous donnera aussi de confesser votre croyance.


50. Ainsi, ces docteurs si grands et si saints disent qu'il n'y a aucune chose dont nous puissions nous glorifier comme nous appartenant en propre, et comme ne nous ayant pas été donnée par Dieu; que notre coeur lui. même et nos pensées ne sont pas en notre pouvoir: ils donnent tout à Dieu et confessent que nous recevons de lui la grâce de nous convertir à lui, de manière à persévérer dans cet état; ils confessent que nous recevons de lui la grâce de reconnaître comme bon ce qui est bon en soi et de le vouloir, la grâce de le glorifier lui-même et de recevoir le Christ, de devenir dévots et pieux, après avoir vécu sans dévotion; de croire à la Trinité, et de confesser de bouche ce que nous croyons; or, en parlant ainsi ils attribuent


1. Lc 9,53 - 2. Liv. VII sur saint Lc 1,27 - 3. Grég. de Naz. Disc. 44,sur la Pentecôte.

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par là même tout à Dieu, ils reconnaissent les dons de Dieu et attestent que ces dons nous viennent de lui et non pas de nous-mêmes. Qui pourra dire que ces docteurs, en même temps qu'ils confessaient ainsi la grâce de Dieu, osaient néanmoins nier la prescience divine qui est confessée non-seulement par les hommes instruits, mais même par les hommes les plus ignorants? Si donc ils savaient, d'une part, que ces dons viennent de Dieu, et si, d'autre part, ils n'ignoraient pas que Dieu a vu dans sa prescience qu'il devait les donner, et que ce même Dieu n'a pas pu ne pas connaître d'avance ceux qui devaient les recevoir, ils croyaient évidemment la doctrine de la prédestination telle qu'elle a été enseignée par les Apôtres, et telle que nous la défendons plus explicitement, et avec un soin plus minutieux contre de nouveaux hérétiques: et cependant, quand ils prêchaient l'obéissance, et qu'ils exhortaient à la pratique de cette vertu avec toute l'ardeur dont ils étaient capables, personne n'aurait eu le droit de leur dire: Si vous ne voulez pas que l'obéissance, à laquelle vous nous excitez d'une manière si chaleureuse, vienne à se refroidir dans notre coeur, ne nous prêchez point cette grâce divine par laquelle vous dites que Dieu donne les vertus que vous nous exhortez à pratiquer.


51. Conséquemment, si les Apôtres et les docteurs de l'Église qui leur ont succédé et les ont imités, ont tous fait l'une et l'autre chose, c'est-à-dire, s'ils ont prêché avec sincérité que la grâce de Dieu ne nous est pas donnée suivant nos mérites; et si en même temps ils ont travaillé à faire pratiquer avec piété l'obéissance aux préceptes du salut comment nos adversaires, obligés de se rendre intérieurement à la force irrésistible de la vérité, pensent-ils pouvoir nous dire intérieurement avec raison: «Quoique ce que l'on dit de la prédestination des bienfaits de Dieu, soit véritable, il ne faut pas cependant le prêcher aux peuples (1)». Il faut certainement le prêcher, afin que celui qui a des oreilles pour entendre, l'entende (2). Mais qui possède ces oreilles, s'il ne les a point reçues de Celui qui dit: «Je leur donnerai un coeur pour me connaître, et des oreilles qui entendront (3)?» Certes, celui qui ne les a point reçues, peut rejeter


1. Voir, tom. 3,les lettres de saint Hilaire et de saint Prosper. - 2. Lc 8,8 - 3. Ba 2,31

ce qu'il entend; mais celui qui comprend, doit recueillir ces paroles et s'en nourrir, il doit s'en nourrir et y puiser la vie. On doit prêcher la piété, afin que celui qui a des oreilles pour entendre, rende à Dieu le culte qui lui est dû; on doit prêcher la chasteté, afin que celui qui a des oreilles pour entendre, ne fasse servir ses membres à aucune action déshonnête; on doit prêcher la charité, afin que celui qui a des, oreilles pour entendre, aime Dieu et le prochain; mais il faut de même aussi prêcher la prédestination des bienfaits de Dieu, afin que celui qui a des oreilles pour entendre, ne se glorifie pas en lui-même, mais dans le Seigneur.



CHAPITRE XX. AVANT MÊME L'HÉRÉSIE DE PÉLAGE, AUGUSTIN ENSEIGNAIT LA PRÉDESTINATION.


52. Nos adversaires disent encore: «Il n'était pas nécessaire de jeter, par l'incertitude que fait naître une question de ce genre, le trouble dans le coeur d'une foule de personnes dont l'intelligence est bornée: car, sans cette doctrine de la prédestination, la foi catholique n'a pas été défendue avec moins d'avantages durant bien des années, contre tels ou tels hérétiques, mais surtout contre les Pélagiens, par cette multitude de livres qu'avaient écrits des hommes catholiques ou non catholiques, et par ceux que nous avions écrits à notre tour (1)». Je suis grandement étonné qu'ils tiennent un pareil langage: comment peuvent-ils perdre ainsi de vue, sans parler ici des autres, les livres que nous avons écrits nous-mêmes, et publiés avant que les Pélagiens eussent commencé à paraître? Comment ne voient-ils pas que dans beaucoup d'endroits de ces livres nous avons, sans même savoir qu'elle devait exister, porté des coups mortels à l'hérésie pélagienne, en prêchant la grâce par laquelle Dieu nous délivre de nos erreurs et de nos moeurs mauvaises, sans aucun mérite précédent de notre part, et seulement par un acte de sa miséricorde toute gratuite? C'est en effet ce que j'ai commencé à développer d'une manière plus complète, dans la discussion écrite que j'adressai à Simplicien, d'heureuse mémoire, évêque de l'Église de Milan; au commencement de mon épiscopat, quand j'eus appris que le commencement de la foi est un don


1. Voir, tom. 3,la lettre d'Hilaire, n. 8.

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de Dieu, et que je l'enseignais expressément.


53. Parmi mes opuscules, en est-il un seul qui ait pu être lu plus souvent et avec plus d'intérêt que les livres de mes Confessions? Quoique je les aie publiées avant la naissance de l'hérésie pélagienne, il est certain que j'y ai dit à notre Dieu, et que je le lui ai dit bien des fois: «Donnez ce que vous commandez, et commandez ce que vous voulez (1)». Ces paroles écrites de ma main, ayant été citées en présence de Pélage, à Rome, par un de mes frères, mon collègue dans l'épiscopat, Pélage ne put les supporter et il mit dans sa réplique une vivacité telle qu'il fut sur le point d'en venir aux mains avec celui qui les avait citées. Mais qu'est-ce que Dieu nous commande tout d'abord, et par dessus tout, sinon de croire en lui? C'est donc lui-même qui donne précisément cette grâce, si j'ai eu raison de lui dire: «Donnez ce que vous commandez». Et quand, dans ces mêmes livres encore, j'ai fait l'histoire de ma conversion (2), quand j'ai rapporté que j'avais été converti par Dieu à cette même foi contre laquelle je dirigeais auparavant les traits impuissants et sans cesse renouvelés de mon verbiage furibond, ne vous souvenez-vous pas que mon récit indiquait clairement que mon salut avait été accordé aux larmes sincères et quotidiennes de ma mère? Aux mêmes endroits aussi j'ai déclaré hautement que Dieu par sa grâce convertit à la vraie foi, non-seulement les volontés humaines qui sont éloignées, mais celles même qui sont ennemies de cette foi. Quant aux progrès dans la persévérance, vous savez, et, si vous le voulez, vous pouvez vous en convaincre de nouveau; vous savez, dis-je, comment j'ai prié Dieu de me les accorder. Ainsi tous les dons de Dieu qui ont été dans cet ouvrage l'objet de mes voeux ou de mes louanges, qui oserait, je ne dis pas nier, mais seulement douter que Dieu, dans sa prescience, ait su qu'il devait les donner, et qu'il n'ait jamais pu ne pas connaître ceux à qui il devait les donner? Or, telle est la prédestination manifeste et incontestable des saints: prédestination que nous avons été plus lard dans la nécessité de défendre d'une manière plus complète et avec plus de soin, dès que nous avons discuté contre les Pélagiens. Car


1. Liv. 10,chap. 19,XXX1,XXXVII. - 2. Liv. 3,chap. 11,XI1,et liv. 9,chap. VIII.

nous avons appris que chaque hérésie en particulier a fait naître au sein de l'Eglise des discussions spéciales dans lesquelles il fallait défendre les divines Ecritures avec plus de soin que si on n'avait pas été obligé de le faire par des motifs de ce genre. Et si nous avons été obligé de défendre, avec plus de développements et plus d'éclaircissements, dans le présent ouvrage, les passages des Ecritures où la prédestination est enseignée, n'est-ce pas précisément parce que les Pélagiens prétendent que la grâce de Dieu est donnée suivant nos mérites? doctrine qui évidemment n'est pas autre chose que la négation complète de la grâce.



CHAPITRE XXI. QU'ELLE INGRATITUDE DE NIER LA GRACE.


54. C'est donc pour détruire cette opinion contraire à la reconnaissance que nous devons à Dieu et ennemie des bienfaits gratuits par lesquels il nous délivre, c'est pour cela que, suivant les Ecritures où nous avons déjà puisé beaucoup de preuves, nous établissons que le commencement de la foi et la persévérance jusqu'à la fin dans la foi, sont des dons de Dieu. Car si nous disons que le commence. ment de la foi vient de nous, et que, parce commencement, nous méritons de recevoir les autres dons de Dieu, les Pélagiens concluent de là que la grâce de Dieu nous est donnée par suite de nos mérites: doctrine qui répugne tellement à la foi catholique, que Pélage l'a condamnée pour n'être pas condamné lui-même. Pareillement, si nous disons que notre persévérance nous vient de nous-mêmes, et non pas du Seigneur, ils répondent que le commencement de la foi vient de nous-mêmes aussi bien que la fin, et voici comment ils raisonnent pour le prouver: Si nous pouvons par nous-mêmes persévérer jusqu'à la fin dans la foi, à plus forte raison nous pouvons par nous-mêmes aussi commencer à croire, car il est plus difficile de donner à une chose sa dernière perfection que de la commencer: voilà comment parfois ils prétendent établir que la grâce de Dieu est donnée suivant nos mérites. Si, au con. traire, l'un et l'autre sont des dons de Dieu, et si Dieu a su dans sa prescience qu'il donnerait un jour ces dons qui lui appartiennent (qui oserait affirmer qu'il ne l'a pas su?), on (379) doit donc prêcher la prédestination, afin de pouvoir démontrer par des preuves inattaquables que la grâce de Dieu est une grâce véritable, c'est-à-dire qu'elle n'est pas donnée suivant nos mérites.


55. A la vérité, dans le livre qui a pour titre: De la Correction et de la Grâce, et dont les exemplaires n'ont pu suffire à tous nos amis, je crois avoir déclaré que la persévérance finale est un don de Dieu (1), en des termes plus explicites et plus clairs, si mes souvenirs ne me trompent, que dans aucun autre, ou du moins dans presque aucun autre de mes écrits antérieurs. Mais pour enseigner la même doctrine aujourd'hui, il me suffit de répéter ce que d'autres ont dit avant moi. Car, le bienheureux Cyprien expliquant, comme nous l'avons montré déjà, les demandes que nous faisons dans l'Oraison dominicale, a dit que, dans la première demande même, la persévérance est l'objet de notre prière; il a affirmé qu'en disant, après avoir été déjà sanctifiés dans le baptême: «Que votre nom soit sanctifié (2)», nous demandons précisément de persévérer dans ce que nous avons commencé d'être. Cependant, que ceux à qui je ne puis déplaire, parce qu'ils m'ont donné leur affection, et qui, comme vous me l'écrivez, font profession d'embrasser tous mes sentiments, même dans les choses étrangères à la question présente; que ceux-là, dis-je, voient si dans les dernières parties du premier des deux livres que j'ai écrits à Simplicien, évêque de Milan, au commencement de mon épiscopat, avant la naissance de l'hérésie pélagienne, il reste quelque passage où serait révoquée en doute la vérité de ce principe, que la grâce de Dieu n'est point donnée suivant nos mérites; qu'ils voient si je n'ai pas établi suffisamment en cet endroit, que le commencement de la foi est, lui aussi, un don de Dieu; si; quoique je ne l'aie pas dit en termes exprès, il ne ressort pas clairement de l'ensemble de mes paroles, que la persévérance finale est donnée par celui-là seul qui nous a prédestinés pour son royaume et pour sa gloire. De plus, la lettre même que j'ai écrite à saint Paulin, évêque de Nole, contre les Pélagiens, il est vrai, mais sans qu'elle ait été jusqu'à ces derniers temps l'objet d'aucune contradiction de la part de nos adversaires; cette lettre n'a-t-elle pas été


1. Ci-dessus, de la Correction et de la Grâce, n. 10. - 2. Mt 6,9

publiée par moi depuis plusieurs années? Qu'ils lisent aussi avec attention celle que j'adressai à Sixte, prêtre de l'Eglise romaine, au moment où la lutte entre les Pélagiens et moi était poussée avec le plus d'ardeur; et ils la trouveront semblable à celle qui fut adressée à Paulin. Ils reconnaîtront par là que ce qui, à mon grand étonnement, leur déplaît aujourd'hui, a été dit et mis par écrit depuis plusieurs années déjà contre l'hérésie pélagienne. Je ne prétends pas cependant que l'on doive embrasser tous mes sentiments et me prendre pour guide, même en dehors des choses où l'on reconnaît que je ne suis point dans l'erreur: car j'écris aujourd'hui des livres où j'ai entrepris de revoir mes faibles ouvrages, précisément afin de montrer que moi-même j'ai quelquefois varié dans mes enseignements. Je crois au contraire avoir, par la miséricorde de Dieu, fait des progrès en écrivant, mais non pas avoir commencé par la perfection; et il y aurait dans mes paroles plus de présomption que de vérité, si même aujourd'hui je disais que, dans cet âge avancé, je suis parvenu enfin à écrire d'une manière parfaite et sans aucune erreur. Ce qui est important au contraire, c'est de savoir jusqu'où va une erreur et en quoi elle consiste; c'est de savoir aussi avec quelle facilité telle ou telle personne corrige son erreur, ou avec quelle opiniâtreté elle s'efforce de la soutenir. Il y a, en effet, pour un homme que le dernier jour de sa vie trouve marchant dans la voie du progrès, tout lieu d'espérer que la mort lui donnera ce à quoi il n'était pas encore parvenu, malgré ses efforts, et que le jugement lui procure sa dernière perfection plutôt que son châtiment.


56. C'est pourquoi, si je ne consens pas à être ingrat à l'égard des hommes qui m'ont donné leur affection, parce que mes travaux ont été pour eux d'une certaine utilité: à combien plus forte raison ne serai-je pas ingrat vis-à-vis de Dieu, que nous n'aimerions pas, si lui-même ne nous avait aimés auparavant et ne nous avait donné la grâce de l'aimer? Car c'est de lui que vient la charité (1): comme il a été dit par des hommes à qui il a donné non-seulement d'avoir pour lui un amour ardent, mais encore d'être de grands prédicateurs de sa parole. Or, quelle ingratitude plus odieuse que de nier la grâce


1. 1Jn 4,7

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même de Dieu, en disant qu'elle est donnée suivant nos mérites? La foi catholique a repoussé avec horreur cette doctrine enseignée par les Pélagiens; elle en a fait contre Pélage le sujet d'une accusation capitale: Pélage lui-même l'a condamnée, non pas, il est vrai, par amour pour la vérité de Dieu, mais par la crainte de sa propre condamnation. Cependant, quiconque a, comme tout catholique fidèle, horreur de dire que la grâce de Dieu est donnée suivant nos mérites, ne doit pas non plus se dispenser de croire à la grâce de Dieu par laquelle il a obtenu miséricorde pour devenir fidèle; et de plus, il doit attribuer pareillement à la grâce de Dieu la persévérance finale par laquelle il obtient miséricorde pour ne pas être induit en tentation, comme il le demande chaque jour dans ses prières. D'autre part, les dons par lesquels nous menons une vie régulière et qui, de l'aveu même de nos adversaires, sont accordés gratuitement par Dieu à notre foi, ces dons sont comme des liens intermédiaires entre le commencement de la foi et la perfection de la persévérance. Or, Dieu a su, dans sa prescience, qu'il donnerait à ceux qui sont appelés par lui toutes ces choses, savoir, le commencement de la foi et les autres dons qu'il accorde jusqu'à la fin. C'est donc par une opiniâtreté incompréhensible que l'on ose contredire la doctrine de la prédestination, ou révoquer en doute une vérité aussi incontestable.



CHAPITRE XXII. MANIÈRE DE PRÊCHER AU PEUPLE LA PRÉDESTINATION.


57. Il ne faut pas cependant prêcher cette doctrine aux peuples, de telle sorte que, aux yeux de la foule ignorante ou dont l'intelligence est trop peu exercée, elle paraisse être opposée au but qu'elle a en vue, de même qu'on paraîtrait réfuter la doctrine de la prescience de Dieu (doctrine que nos adversaires ne peuvent certainement pas rejeter), si l'on disait aux hommes: «Soit que vous couriez, soit que vous demeuriez en repos, vous serez tels que vous avez été vus dans la prescience de celui qui ne peut se tromper». Il n'appartient qu'à un médecin fourbe ou ignorant de faire d'un remède utile par lui-même, une application telle qu'il ne serve de rien, ou même qu'il devienne nuisible. Voici au contraire le langage que l'on doit tenir: «Courez de telle sorte que vous a remportiez le prix (1)», et que par votre course même vous appreniez que vous avez été connus d'avance comme devant, la remplir avec succès; on peut également, en prêchant la prescience de Dieu, employer toute autre forme de langage, pourvu qu'on ne paraisse pas autoriser les hommes à demeurer oisifs et paresseux.


58. Ainsi, d'après les desseins bien arrêtés de la volonté divine par rapport à la prédestination, les uns doivent cesser un jour d'être infidèles, et, après avoir reçu la volonté d'obéir, se convertir à la foi, ou persévérer dans la foi; les autres, au contraire, retenus jusqu'à présent dans les délices coupables du péché, s'ils ont été, eux aussi, prédestinés, ne sont pas encore sortis de cet état par la raison que la grâce, en tant qu'elle fait miséricorde, ne les en a pas encore tirés. Car, si quelques-uns n'ont pas encore été appelés parmi ceux que Dieu par sa grâce a prédestinés pour être élus, ils recevront certainement cette même grâce qui leur donnera de vouloir être élus et de l'être réellement; si quelques autres, au contraire, obéissent, mais sans avoir été prédestinés pour le royaume de Dieu et pour sa gloire, leur fidélité n'est que temporaire, ils ne persévéreront pas jusqu'à la fin dans cette obéissance. Cependant, quoique tout cela soit véritable, il ne faut pas, quand on expose cette doctrine devant une foule d'auditeurs, s'adresser directement à ceux-ci et répéter devant eux ces paroles de nos adversaires, insérées par vous dans vos lettres, et que je viens de reproduire moi-même: «Les desseins bien arrêtés de la volonté divine par rapport à la prédestination, ont été que, parmi vous, les uns, cessant d'être infidèles et recevant en même temps la volonté d'obéir, vinssent à la foi». Qu'est-il besoin de dire: «Les uns parmi vous?» quand nous parlons à l'Église de Dieu; quand nous parlons à des croyants; à quoi bon, en disant qu'une partie d'entre eux sont venus à la foi, paraître faire injure aux autres; tandis que nous pouvons dire, sans offenser personne: Les desseins bien arrêtés de la volonté divine, par rapport à la prédestination, ont été que, cessant d'être infidèles, vous vinssiez à la foi après avoir reçu la volonté d'obéir; ces mêmes desseins


1. 1Co 9,24

381

sont aujourd'hui que vous demeuriez dans la foi et que vous receviez la persévérance?


59. De même, on doit toujours éviter de prononcer les paroles qui . suivent celles que nous venons de citer . «Vous, au contraire, qui êtes encore retenus dans les délices du péché, si jusqu'à présent vous n'êtes pas sortis de cet état, c'est parce que la grâce, en tant qu'elle fait miséricorde, ne vous en a pas encore tirés», tandis qu'on peut leur dire très-bien et en termes très-convenables: Si quelques-uns parmi vous sont encore retenus dans les délices coupables du péché, qu'ils embrassent un genre de vie salutaire; mais quand vous aurez fait cela, ne tirez point vanité de vos oeuvres, comme si elles vous appartenaient; ne vous en glorifiez point comme si elles n'étaient pas l'effet de la grâce que vous avez reçue; car c'est Dieu qui opère en vous le vouloir et le faire, selon sa bonne volonté (1); et vos pas sont dirigés par le Seigneur, afin que vous demeuriez toujours dans ses voies (2): par votre course même dans la voie du bien et de la justice, apprenez que vous appartenez à la prédestination de la grâce divine.


60. Il en est de même de ces paroles qui suivent: «Cependant, si quelques-uns parmi «vous, quoique Dieu par sa grâce les ait prédestinés pour être élus, n'ont pas jusqu'à présent été appelés, ils recevront la même grâce qui leur donnera de vouloir être élus et de l'être réellement» . Ces paroles nous paraîtront réellement d'une dureté excessive, si nous réfléchissons que nous ne parlons pas à des hommes quelconques, mais à l'Église du Christ. Pourquoi, en effet, ne pas s'exprimer plutôt ainsi: Si quelques-uns parmi vous ne sont pas encore appelés, prions pour eux afin qu'ils le soient? Il est possible qu'ils soient prédestinés de telle sorte que leur vocation sera accordée à nos prières, et qu'ils recevront par ce moyen cette grâce qui leur donnera de vouloir être élus et de le devenir réellement. Car, Dieu qui accomplit tout ce qu'il a décrété dans ses desseins éternels, nous a commandé de le prier même pour les ennemis de la foi, afin précisément de nous faire comprendre que c'est lui-même qui donne aux infidèles de croire, et qui leur fait vouloir ce qu'ils ne voulaient pas.


61. Quant aux paroles ajoutées à celles qui


1. Ph 2,13 - 2. Ps 36,23

précèdent, je me demande comment il peut se faire que dans le peuple chrétien il y ait un seul homme assez faible d'esprit pour entendre, sans en être indigné, un prédicateur disant publiquement: «Vous qui obéissez, si vous êtes prédestinés pour être rejetés, vous serez privés des forces nécessaires pour obéir, afin que vous cessiez de pratiquer l'obéissance». Un pareil langage semble-t-il être autre chose qu'une malédiction, ou, en un certain sens, une prédiction de malheurs? S'il plaît au prédicateur, ou même si le prédicateur se trouve obligé de dire quelque chose de ceux qui ne persévèrent point, pourquoi du moins ne s'exprimerait-il pas plutôt de la manière que j'indiquais tout à l'heure? D'abord, il ne doit pas appliquer ces paroles directement à une partie du peuple qui l'entend, il doit seulement les appliquer à d'autres devant eux; ainsi il ne doit pas dire: «Vous qui obéissez, si vous êtes prédestinés pour être rejetés», mais plutôt: «Ceux qui obéissent, s'ils sont prédestinés..... etc.», parlant à la troisième personne du verbe, et non pas à la seconde. Car il ne s'agit pas dans ces paroles d'une chose désirable, mais d'une chose abominable, et il est trop dur, il est trop odieux de les jeter comme un outrage à la face des auditeurs,en leur disant: «Vous qui peut-être obéissez, si vous êtes prédestinés pour être rejetés, vous serez privés des forces nécessaires pour obéir, et vous cesserez ainsi de pratiquer l'obéissance». En quoi la même pensée serait-elle affaiblie, si l'on disait: Ceux qui peut-être obéissent, mais qui n'ont pas été prédestinés pour le royaume de Dieu et pour sa gloire, n'ont qu'une fidélité temporaire, ils ne persévéreront pas jusqu'à la fin dans la même obéissance? On dit ainsi la même chose avec plus de vérité et en termes plus convenables, puisque non-seulement on ne paraît pas souhaiter de mal à ses auditeurs, mais on semble même adresser à d'autres ce qui sans cela exciterait leur indignation, et par ce moyen, au lieu de penser qu'ils sont eux-mêmes dans cet état, ils se bornent à espérer et à demander des choses meilleures. Si l'on voulait employer, par rapport à la prescience divine que nos adversaires ne peuvent certainement pas nier, la même forme de langage dont ils croient qu'on doit se servir par rapport à la prédestination; on pourrait exprimer (382) la même pensée presque dans les mêmes termes, et dire: «Vous qui peut-être obéissez, si vous avez été connus d'avance comme devant être rejetés, vous cesserez d'obéir». Ces paroles, dira-t-on, sont très-vraies; oui, assurément, mais elles sont très-regrettables, très-déplacées et tout à fait hors de propos; ce langage n'est pas contraire à la vérité, mais il n'est pas appliqué comme un remède propre à guérir l'homme de ses infirmités.


62. Je ne crois pas même que cette manière de s'exprimer dont nous avons dit qu'on devait se servir dans la prédication de la prédestination, puisse suffire à celui qui parle au peuple, à moins qu'il n'ajoute ceci ou quelque chose de semblable: Vous devez donc espérer aussi que la persévérance même dans l'obéissance vous sera donnée par le Père des lumières, de qui descend toute grâce excellente et tout don parfait (1); vous devez la lui demander chaque jour dans vos prières, et avoir la confiance, en agissant ainsi, que vous n'êtes pas exclus de la prédestination de son peuple; car c'est lui-même qui vous donne la grâce d'agir de cette manière. A Dieu rie plaise cependant que vous désespériez de vous-mêmes parce qu'on vous ordonne de placer votre espérance, non pas en vous, mais dans le Seigneur. Car, maudit soit quiconque place son espérance dans l'homme (2); il vaut mieux mettre sa confiance dans le Seigneur que de la mettre dans l'homme (3); bienheureux sont tous ceux qui se confient en lui. Vous affermissant dans cette espérance, servez le Seigneur avec crainte et réjouissez-vous en lui avec tremblement (4): par rapport à la vie éternelle promise avant tous les temps aux enfants de promission par Dieu qui ne ment point, personne ne peut avoir de sécurité à cet égard avant la consommation de la vie présente qui est une tentation sur la terre (5); mais celui à qui nous disons chaque jour: «Ne nous induisez point en tentation (6)», nous donnera de persévérer en lui jusqu'à la fin de cette vie. Quand nous tenons ce langage ou un langage à peu près semblable, soit devant un petit nombre de chrétiens, soit devant la multitude assemblée à l'Eglise, pourquoi craindrions-nous de prêcher que les sains sont prédestinés et que la grâce de Dieu est une grâce véritable, c'est-à-dire qu'elle n'est


1. Jc 1,17 - 2. Jr 17,5 - 3. Ps 117,8 - 4. Ps 2,11-13 - 5. Jb 7,1 - 6. Mt 6,13

point donnée suivant nos mérites, comme la sainte Ecriture l'enseigne expressément? Ou bien, doit-on craindre que l'homme ne désespère de lui-même, si on lui montre qu'il doit placer son espérance en Dieu, et croire que ce désespoir ne l'atteindrait pas, s'il était assez orgueilleux et assez malheureux pour placer cette espérance en lui-même?




Augustin, du don de la persévérance. - CHAPITRE XVIII. LA PRESCIENCE ET LA PRÉDESTINATION.