Pie XII 1958 - DISCOURS AUX DAMES DE LA COLONIE AMÉRICAINE DE ROME


DISCOURS A DES ÉTUDIANTS ALLEMANDS

(2 juin 1958) 1






Plus de 400 étudiants universitaires, membres de la « Katholische eutsche Studentenverbindung im CV Gothia », d'Erlangen, se sont endus en pèlerinage à Rome. Us furent reçus en audience spéciale par e Souverain Pontife, qui leur adressa un discours en allemand, dont oici la traduction :

Chers fils, Nous vous souhaitons une cordiale bienvenue. Vous faites partie de l'Association « Gothia » de la Confédération des étudiants catholiques allemands, dont la vie et l'activité nous sont bien connues depuis le moment où Nous étions Nonce apostolique en Allemagne. Nous eûmes même jadis la joie de compter parmi les membres d'honneur de votre Association. Vous n'êtes donc pas des inconnus pour Nous.

Après la dernière guerre mondiale, lorsqu'il s'est agi de repartir de zéro et de reconstruire, vous avez décidé de revenir aux anciennes traditions de la Confédération. Cette tradition vous engage. Les associations d'étudiants catholiques, dont la Confédération est la plus puissante, ont eu leur origine dans un puissant courant religieux-social des catholiques allemands, qu'elles ont, pour leur part, enrichi et développé. Comptez seulement les hommes qui, au cours du siècle dernier, sont sortis des rangs de votre Association et des Associations-soeurs pour occuper des postes de choix dans l'histoire de votre patrie. Ces hommes, comme aussi des milliers d'autres dont l'histoire n'a pas retenu les noms, furent des croyants dévots, qui se sentaient appelés, qui avaient nettement conscience d'avoir à faire prévaloir leur foi et la conception catholique de l'univers dans leurs activités professionnelles variées, pour le bien de la communauté et de sa vie publique tout entière.



Une religion intérieure, mais rayonnante.

Il va de soi que la religion doit toujours et d'abord être vécue intérieurement, sans quoi elle ne serait pas authentique. Elle ne le serait pas davantage (et l'histoire de l'Eglise catholique en Allemagne au cours du siècle dernier en est une preuve) si elle n'agissait pas dans le monde comme témoin de la vérité, comme exemple pour les autres, au service désintéressé de toutes les grandes causes, attendu que les fonctions auxquelles vous vous préparez au cours de vos années d'université sont des fonctions de direction, qui comportent une responsabilité considérablement plus grande que celle qui incombe aux simples citoyens.



Une science ouverte aux valeurs spirituelles.

Tel est le sens de la première parole de votre devise « Religion, science, amitié ». Aujourd'hui la parole « Religion » de même que la seconde « Science » est pour vous un avertissement d'avoir à vous opposer à ce que la vie s'enlise dans le matériel. Par enlisement dans le matériel, Nous entendons, ainsi que Nous le disions déjà dans Notre message du 16 août 1950 au « Katho-likentag » de Passau, le fait de n'accorder de valeur qu'à ce qui est confirmé par l'expérience, l'expérimentation des sens ; Nous entendons le culte de la matière, le culte du corps et des forces physiques, de l'argent et de la puissance ; la constante dépréciation du spirituel et du surnaturel, du transcendant et du religieux, allant jusqu'à l'athéisme proclamé. S'il est exact que les classes dirigeantes, la soi-disant « Intelligentia », aient été les principales responsables de la naissance et de l'extension de ce matérialisme, c'est à ces mêmes cercles, en retour, qu'il appartient comme un devoir d'élever une digue pour contenir son pouvoir. Mais seuls en sont capables les hommes qui possèdent une force de conviction comme celle qui animait les premiers chrétiens.





Une amitié sans égoïsme.

Un mot encore sur le troisième terme de votre devise : « Amitié ». L'amitié repose sur la réciprocité des relations ; les amis veulent se compléter, se rendre heureux et se perfectionner mutuellement. La véritable amitié exclut tout égoïsme, elle exige des hommes qu'ils se respectent, se contrôlent, qu'ils soient prêts à donner et à secourir, des hommes enfin aux sentiments nobles, des hommes de caractère, au sens le plus élevé du mot. Employez vos années de vie commune à l'université pour vous aider mutuellement à atteindre les sommets de la personnalité.

Nous formons les voeux les plus fervents pour le succès de vos études et pour votre avenir et vous donnons, comme gage des plus riches grâces divines, et en signe de paternelle affection, la Bénédiction apostolique.


PRIÈRE A LA « MADONE DU REPOS »

(2 juin 1958) 1






Le Souverain Pontife, répondant à une filiale sollicitation, a bien voulu composer en italien une prière spéciale pour la « Madone du Repos », dont l'image est vénérée dans la chapelle du quartier de « La Madonna dei Riposo », à Rome. Cette prière fut récitée pour la première fois, le 2 juin, fête de Sa Sainteté, lors de la bénédiction d'une inscription rappelant que le prêtre Eugène Pacelli célébra souvent, de 1903 à 1905, la sainte messe dans cette chapelle.

Voici la traduction de ce document pontifical :

Vierge bénie, qui sous le titre du repos nous rappelez la pitié secourable avec laquelle votre cceur maternel est ouvert à vos enfants, écoutez notre prière.

Que les esprits et les coeurs trouvent, ô Marie, par votre puissante intercession, le repos dans l'abandon à la volonté du Père céleste, dans la conscience de notre fragilité, dans la foi en les divines promesses, dans l'espérance des biens éternels, dans l'adhésion aimante à votre Jésus crucifié, qui fit siennes nos croix.

1 D'après' le texte italien de l'Osservatore Romano, éd. quot., du 5 juin 1958 ; traduction française de l'Osservatore Romano, éd. hebd., du 13 juin 1958.




Avec vous, ô Marie, le calme au milieu des agitations terrestres ne sera pas une vaine parole. Il sera le repos des forts, vigilants contre les forces hostiles. Il sera le repos des purs, loin de la corruption du monde. Et après avoir eu par vous la paix dans la vie présente, la paix que, à la fin de notre pèlerinage dans le temps, nous obtiendrons pour l'éternité sera aussi votre mérite. Ainsi soit-il.


CONSTITUTION APOSTOLIQUE «AD UBERRIMA» POUR L'ÉRECTION D'UN INSTITUT PONTIFICAL DE PASTORALE

(3 juin 1958) 1






Voici la traduction française, d'après le texte original latin, de la Constitution apostolique « Ad uberrima », par laquelle le Souverain Pontife a érigé un Institut pontifical de pastorale, auprès de l'Athénée théologique du Latran, à Rome :

Le devoir de guider le troupeau du Seigneur aux riches pâturages de vie a été confié à ceux que le Pasteur et Evêque de nos âmes (1P 11,25) choisit et constitua comme « ministres du Christ et dispensateurs des mystères de Dieu » (1Co 4,1), afin qu'ils soient les ambassadeurs du Christ (2Co 5,20). Les tâches et les devoirs de cette mission divine ne peuvent être accomplis que par « celui qui est un homme de Dieu parfait, prêt à toute bonne oeuvre » (2Tm 3,17) ; afin qu'il devienne ensuite un efficace héraut du Royaume de Dieu qui sache se faire « tout à tous » (1Co 9,22), « pour les gagner tous au Christ » (ibid.) — il est nécessaire qu'il apporte toute sa sollicitude à se révéler un ouvrier de Dieu, expérimenté et irréprochable, qui dispense comme il le faut la parole de vérité (2Tm 11,15). Chose que l'Eglise, Mère et Maîtresse des âmes, prescrit avec une insistance pressante en demandant qu'aux étudiants des sciences sacrées « des leçons de théologie pastorale soient également données, en y ajoutant des exercices pratiques, spécialement sur la manière de présenter la catéchèse





aux enfants et aux autres, sur le mode de confesser, de visiter les malades et d'assister les mourants » 2.



Le projet d'un Institut de pastorale répond pleinement aux voeux du Souverain Pontife.

2 C. 1. C, can. 1365, par. 3.

3 Le 2 avril 1949 ; Documents Pontificaux 1949, pp. 125-128.

4 Le 23 septembre 1950 ; Documents Pontificaux 1950, pp. 430-431.

5 Le 31 mai 1956 ; Documents Pontificaux 1956, p. 354.




Ces disciplines théoriques et pratiques abordées succinctement par les élèves avant l'ordination sacerdotale doivent être complétées ensuite, aussi bien sous l'aspect doctrinal que dans la pratique des jeunes ecclésiastiques, comme le réclame la nature même des choses et comme Nous en avons Nous-même donné l'avertissement de façon particulière, dans le Motu Proprio Quandoquidem3 et, peu après, l'Exhortation apostolique à tout le clergé Menti Nostrae 4 dans laquelle Nous avons, entre autres, écrit à Nos Vénérables Frères les évêques : « Le soin des nouveaux prêtres vous est particulièrement recommandé. Des périls peuvent se présenter pour les prêtres, au moment même où ils quittent le séminaire pour affronter les devoirs pastoraux, précisément parce qu'ils s'engagent dans le vaste champ de l'apostolat, s'ils n'ont pas été préparés à l'avance à cette nouvelle vie... Aussi approuvons-Nous volontiers que ces nouveaux prêtres, lorsque c'est possible, soient accueillis pour quelques années dans ces collèges spéciaux où, sous la direction d'hommes doués d'une vaste culture et d'expérience, ils soient perfectionnés plus convenablement dans la piété et dans les disciplines sacrées et, que selon les capacités et inclinations de chacun, ils soient préparés aux diverses tâches sacerdotales ». Dernièrement, dans la Constitution apostolique Sedes Sapientiae 5 Nous répétions amplement ces conceptions en déclarant : « ...pour ne pas manquer à Notre très haut devoir, Nous devons ajouter ici que pour accomplir convenablement les tâches du ministère apostolique dans le sacerdoce, il faut, outre la sainteté et la science voulue, une préparation pastorale soigneuse et complète, c'est-à-dire de nature à assurer une compétence et une capacité spécifiques pour affronter les responsabilités multiples de l'apostolat chrétien ».

Nous avons renouvelé, plus tard, des exhortations identiques dans l'allocution aux élèves du Collège ecclésiastique « San José Oriol » de Barcelone 6, en avertissant que « sont nécessaires des méthodes d'apostolat plus appropriées, mais qui soient vraiment scientifiques et étudiées avec une diligence attentive, de manière à éviter la superficialité dans l'action pastorale » et, en outre, que pour résoudre les problèmes toujours nouveaux et préoccupants « n'est pas requise une recherche anxieuse de nouveaux principes, mais une mise en pratique diligente de ceux qui, anciens et éternels, ont eu leur principale expression dans l'Evangile ».

C'est pour cela que l'on souhaitait depuis longtemps déjà un institut apte à la formation pastorale des jeunes prêtres résidant à Rome, au moyen de l'oeuvre vigilante de la S. Congrégation des Séminaires et des Universités et avec la coopération active du Directeur général de l'oeuvre nationale pour l'Assistance religieuse et morale des ouvriers. En outre, la Sacrée Congrégation des Religieux, conformément aux prescriptions de la Constitution apostolique Sedes Sapientiae, se mit avec acharnement à l'oeuvre pour faire surgir à Rome un Institut de Pastorale qui réponde aux nécessités des jeunes religieux. Toutes ces initiatives s'unifièrent peu à peu, grâce également à la vive sollicitude de la S. Congrégation du Concile — à laquelle revient la responsabilité de renseignement de la doctrine chrétienne — et à celle de Notre Vicariat de Rome.



Constitution officielle de l'Institut.

Le 14 juin 1957 ; Documents Pontificaux 1957, pp. 328-329.




Aussi, accueillant bien volontiers les voeux que les Sacrées Congrégations en question, et Notre Vicariat, Nous ont présentés, Nous constituons officiellement, avec Notre autorité, par la présente Constitution apostolique, l'Institut de Pastorale, pour lequel nous voulons le titre honorifique de Pontifical, auprès de l'athénée pontifical du Latran, sur le lieu de l'ancien Patriarcat, près de rarchibasilique du Saint-Sauveur, mère et tête de toutes les églises de Rome et du monde ; et que dans cet institut, sous la direction et la vigilance des Sacrées Congrégations citées et de Notre Vicariat de Rome, les prêtres de l'un et l'autre clergé s'instruisent dans toute science qui concerne le soin des âmes et apprennent 1'« art des arts » multiforme pour attirer et conduire les âmes au Christ. Nous voulons en outre que dans Notre Institut de Pastorale, en suivant soigneusement un programme d'études plus ample et complet, soient préparés ceux qui pourront être ensuite les enseignants des disciplines pastorales dans les Facultés ecclésiastiques, dans les séminaires et dans les autres écoles de l'Eglise, qui ont été instituées aussi bien pour les candidats au sacerdoce que pour les jeunes prêtres.

Valeur académique et programme des études.

Cet Institut de Pastorale pourvoira donc aussi bien à un cours commun de formation — de la durée d'au moins un an, où seront bien préparés les pasteurs des âmes, avant et après l'ordination sacerdotale —, qu'à un cours supérieur, de la durée d'au moins deux ans, dans lequel seront formés les futurs professeurs des disciplines pastorales. Nous décrétons aussi que les Facultés de Théologie sacrée existant à Rome doivent reconnaître la validité des deux années d'études accomplies dans cet Institut de Pastorale, pour obtenir auprès d'elles des diplômes académiques, et, en conséquence, qu'elles considèrent les matières étudiées par les élèves de l'Institut de Pastorale comme des disciplines auxiliaires et spéciales, conformément à l'art. 27 des Ordinations annexes à la Constitution apostolique Deus scientiarum Dominus. Nous décrétons pareillement que ces mêmes Facultés de Théologie pourront accorder le Doctorat en Théologie avec le titre de « spécialisation pour l'enseignement de la Pastorale » aux élèves qui auront suivi, au moins pendant deux ans, toutes les disciplines de cet Institut de Pastorale, selon les règles qui seront établies par la S. Congrégation des Séminaires et des Universités, si ces élèves se trouvent dans les conditions prescrites pour l'obtention des grades académiques.

Le même Institut de Pastorale doit également donner aux élèves des sciences sacrées les cours propédeutiques spéciaux déjà prescrits par le canon 1365 par. 3 du C.I.C. Cet Institut sera donc un complément réel et très approprié des Facultés, des séminaires et des collèges ecclésiastiques, ainsi que des maisons de formation des religions cléricales, soit pour préparer tous les prêtres à l'apostolat, soit pour étudier, promouvoir et enseigner la science multiforme de l'apostolat comme il apparaîtra de manière plus claire et plus complète dans les statuts qui seront publiés.

En ce qui concerne le programme des études, Nous décidons que, de la façon la plus opportune pour les deux cours — le supérieur ou biennal et l'ordinaire ou annuel — soient approfondis les divers secteurs de la Théologie et de la Règle pastorale, spécialement de la Catéchétique, de la Chérigmatique ou Homilétique, de l'Hodégétique, de la Liturgie pastorale, de la Sociologie religieuse et de ce qu'on appelle la « Statistique » pastorale, de la Direction spirituelle des individus et des associations, de la Pédagogie et Psychologie pédagogique et enfin de la Médecine et Psychiatrie pastorales. Enfin dans le même Institut doivent être organisées des « écoles d'application » spéciales, comme on a l'habitude de dire, c'est-à-dire des écoles grâce auxquelles soient efficacement formés des prêtres aptes à exercer l'apostolat dans les diverses oeuvres spécialisées, comme l'édition de livres et journaux, l'orientation de l'opinion publique, les spectacles, l'action sociale, les associations catholiques, l'assistance des diverses catégories de citoyens et spécialement des ouvriers, agriculteurs, bergers, navigateurs, militaires, membres des professions libérales, responsables de la vie sociale, artistes et d'autres similaires.



Le centre d'orientation et de coordination pastorale.

Afin aussi que le travail et l'étude de l'Institut de Pastorale apportent également des fruits abondants aux prêtres qui se livrent déjà au soin des âmes, Nous décrétons encore que, toujours sous l'autorité et la vigilance de la Sacrée Congrégation du Concile, ainsi que des Sacrées Congrégations des Religieux et des Séminaires et Universités, avec le conseil également de Notre Vicariat de Rome, s'unisse étroitement à l'Institut le « Centre d'orientation et de coordination pastorale », que Nous avons déjà plusieurs fois recommandé et, particulièrement, dans l'allocution du 14 septembre 1956, à l'occasion de la Sixième « Semaine de Pastorale » 7.

7 Documents Pontificaux 1956, pp. 527-539.

Notre Institut de Pastorale, en union avec le Centre d'Orientation et de Coordination Pastorale et avec tous les autres Instituts de la même nature qui pourront y être rattachés, se consacrera à l'explication, au développement et à l'emploi des disciplines ecclésiastiques comme « armes de lumière » (Rm 13,12), afin que, grâce à elles, le pasteur puisse avec davantage de fruit s'employer et se suremployer à attirer et unir au Christ et à l'Eglise catholique les esprits et les âmes de tous, fidèles et infidèles.

Afin que la grâce et la puissance de Dieu descendent en abondance sur Notre Institut de Pastorale, Nous le confions à la tutelle et au patronage de la Bienheureuse Vierge Marie « Reine des Apôtres » et de Nos saints prédécesseurs qui se distinguèrent particulièrement par l'activité et la science pastorales : c'est-à-dire saint Grégoire le Grand et saint Pie X.

Nous voulons et ordonnons que tout ce qui a été établi de Notre autorité par la présente Constitution apostolique soit retenu valide et efficient, nonobstant toute chose contraire, même digne de mention particulière.

Nous voulons en outre que les copies et les extraits de cette Constitution apostolique, même s'ils sont imprimés, pourvu qu'ils soient authentifiés par un officier public, et munis du sceau de l'Autorité ecclésiastique, aient la même valeur que l'on attribuerait au texte de la présente Lettre.




LETTRE DE LA SECRÉTAIRERIE D'ÉTAT AUX JOURNÉES INTERNATIONALES D'ÉTUDES SUR LE CINÉMA

(6 juin 1958) 1






Par une lettre de S. Exc. Mgr Dell'Aequa, Substitut de la Secrétairerie d'Etat, le Souverain Pontife a fait parvenir ses directives aux fournées internationales d'études sur le cinéma, qui se sont déroulées dit 16 au 19 juin à Paris. Voici le document pontifical rédigé en français, et adressé à M. le chanoine Jean Bernard, président de l'Office catholique international du cinéma (O. ) :

L'Office catholique international du cinéma accomplit une oeuvre de grand mérite en s'appliquant — comme il le fait depuis plusieurs années déjà — à promouvoir une action persévérante et coordonnée des catholiques en faveur d'un art cinématographique respectueux des valeurs religieuses et morales. Aussi suis-je heureux de me faire à nouveau l'interprète des paternels encouragements du Souverain Pontife, à l'occasion des prochaines Journées internationales d'études, qui se tiendront à Paris sous la haute présidence de Son Eminence le Cardinal Feltin et avec la participation de la Commission pontificale pour le cinéma, la radio et la télévision.

La promotion des bons films dans le grand public : tel sera le thème des travaux, et plusieurs circonstances en mettent en relief l'intérêt.





L'intérêt du thème choisi.

Il existe tout d'abord, d'une assemblée de l'O.C.I.C. à l'autre, une continuité de la recherche qui confère à vos discussions une valeur particulière. C'est ainsi qu'après avoir analysé l'influence des groupements de culture cinématographique, vous vous tournez cette année vers le problème du grand public. Et la question est d'importance car, pour assurer le succès d'un film moralement sain et donc pour encourager les producteurs dans cette voie, il ne suffit pas que ce film soit apprécié d'une élite ; il faut que l'opinion se déclare en sa faveur et qu'il soit goûté des foules qui chaque jour se pressent dans les salles de cinéma.

Un fait nouveau accroît encore l'opportunité de votre sujet. Le développement rapide de la télévision en de nombreux pays risque de créer dans l'industrie du cinéma une crise qui préoccupe déjà les producteurs. Les symptômes en auraient, dit-on, été observés ici ou là, et il est normal que les responsables s'interrogent sur la meilleure façon de conserver au cinéma la vaste clientèle qui en fit rapidement l'une des industries les plus prospères du monde moderne. Sur quelles voies le cinéma s'engagera-t-il pour garder la confiance du grand public ?



A la lumière de l'encyclique « Miranda prorsus ».

Enfin, pour les fils de l'Eglise, les Journées internationales de Paris auront l'avantage d'être la première assemblée de l'O.C.I.C. qui bénéficiera des enseignements de l'encyclique Miranda prorsus. Cette condition privilégiée en facilitera les travaux, car les directives du document pontifical sont claires, précises et fermes ; mais elle créera en même temps aux membres de l'assemblée des devoirs nouveaux, car l'encyclique trace la voie à suivre, elle invite à l'action et dicte à chacun son devoir. Le Saint-Père aime à penser que les Journées de Paris serviront utilement à faire pénétrer dans tous les milieux intéressés la lumière des enseignements chrétiens et à y susciter les redressements nécessaires.

Il s'agit bien, en effet, d'une situation à redresser. Pour qui considère les conditions de l'accueil fait par le grand public à un film nouveau, il semble au premier regard, qu'une influence réciproque, et presque irrésistible, s'exerce entre l'opi-


JOURNÉES D'ÉTUDES SUR LE CINÉMA 289

nion qui sanctionne la production et la production qui flatte l'opinion. Comment rompre ce cercle ? Comment agir sur la promotion des bons films ? Ce sera le sens de vos débats. L'industrie du cinéma, comme en général celle de toutes les techniques de diffusion, ne peut pas être abandonnée aux seules lois du marché, car le film « n'est pas une simple marchandise, mais plutôt une nourriture intellectuelle et une école de formation spirituelle et morale » 2 ; pour la même raison, cette industrie ne peut être liée à une publicité souvent superficielle, quand elle n'est pas, hélas, « insidieuse ou indécente » 3. C'est dans le respect des normes morales, dans l'appel aux ressources de l'art, dans la mise en valeur des richesses les plus authentiques de l'humanité, que le cinéma verra s'ouvrir devant lui « les voies nouvelles et lumineuses » dont parle le Souverain Pontife dans sa récente encyclique4.



L'indispensable éducation des spectateurs.

2 Encyclique Miranda prorsus ; A. A. S., XXXXIX, p. 789, cf. Documents Pontificaux i957, p. 473.

3 Ibid., p. 788, resp. p. 472.

4 Ibid., p. 791, resp. p. 475.

5 Ibid., p. 785, resp. p. 470.




Que tous ceux qui participent à la production des films fassent donc confiance aux réactions saines du grand public. Plus qu'on n'affecte de le croire, celui-ci est capable de soutenir de sa faveur des films de tous genres « qui, par leur beauté et la noblesse de leur présentation sont de nature à exercer une influence vraiment éducative »5. Mais cette réaction saine, cette possibilité d'accueil aux bons films, il faut la préparer par l'éducation des spectateurs, leur apprenant à goûter les vraies valeurs qui s'expriment dans le langage propre du cinéma. Il faut la préserver contre les influences délétères d'une certaine propagande qui flatte les passions et les curiosités malsaines. Il faut la former par une large diffusion et une présentation judicieuse de la cotation morale des films ; et c'est là l'une des tâches capitales de l'Office national catholique du cinéma en chaque pays. Il faut enfin souhaiter que cette faveur du public soit soutenue par l'intérêt et la valeur artistique des films qu'on recommande à son appréciation, comme aussi par les prix et autres marques d'honneur décernés aux oeuvres cinématographiques qui se distinguent par leur valeur morale et spirituelle.

Le Saint-Père ne doute pas qu'un effort conjugué en ce sens, de la part de ceux qui agissent sur la production comme aussi de ceux qui influencent l'opinion, n'obtienne d'heureux et prompts résultats en vue du redressement souhaité, et II recommande une fois de plus aux spectateurs, « qui avec chaque billet d'entrée comme avec un bulletin de vote font un choix entre le bon et le mauvais cinéma » 6, de prendre conscience de leur grave responsabilité.

6 Ibid., p. 787, resp. p. 472.




En gage de l'effusion de grâces divines sur les Journées internationales de Paris, Sa Sainteté accorde de grand coeur à tous ceux qui y participeront, et à vous-même en premier lieu, qui avez eu le mérite de les préparer malgré votre récente épreuve de santé, la faveur d'une spéciale et très paternelle Bénédiction apostolique.




DISCOURS A DES MÉDECINS ESPAGNOLS

(8 juin 1958) 1






Plusieurs médecins espagnols, anciens élèves de la Faculté de Barcelone, s'étaient rendus à Rome en un pèlerinage spécial, pour fêter le 25e anniversaire de leur doctorat. Ils furent reçus en audience par le Saint-Père qui leur adressa un discours en espagnol, dont voici la traduction :

Si c'est toujours une chose agréable de remonter par l'imagination le cours des années pour revivre le temps si serein que fut celui de la jeunesse, combien ne le sera-t-il pas davantage — très chers fils, médecins barcelonais, qui célébrez les noces d'argent de votre profession — quand il s'agit d'évoquer les journées passées dans les assemblées universitaires, dans ces salles et études, qui vous souriaient pleines de promesses ?

Félicitations, très chers fils, en cette heureuse occasion, et mille fois merci pour ce geste si filial d'avoir voulu venir célébrer cet anniversaire autour de votre Père commun, manifestant une fois de plus la foi profonde, qui vous a éclairés au cours des lustres passés, qui vous réjouit dans le moment présent et qui vous promet son aide puissante pour l'avenir.



Vingt-cinq ans de médecine à la lumière de la foi.

1. — Que la foi ait été une lumière de votre vie pendant les vingt-cinq années qui viennent de passer, vous le savez très bien vous-mêmes, médecins catholiques, pour qui l'exercice de votre profession aura été une occasion de constater la nécessité de coordonner les progrès de votre science avec les principes inaltérables de la morale chrétienne. Nous-même, plus d'une fois, à la demande de vos insignes collègues, Nous avons précisé les termes de cette coordination. Aujourd'hui, Nous désirons simplement faire appel à votre témoignage et vous demander s'il n'est pas certain que, sans cette morale, votre mission sera dans l'impossibilité de conserver cette dignité, cet honneur et cette estime, qu'elle a besoin de posséder pour obtenir de vos clients une juste confiance qui facilitera tant votre travail.

La foi est donc une lumière qui délimite pour vous le domaine du licite et de l'illicite. Mais aussi une lumière qui vous fait voir dans les malades un corps, qui est la demeure d'une âme ; qui vous présente vos semblables comme des fils d'un même Père céleste et, par conséquent, comme vos frères ; qui allume dans vos coeurs la sainte flamme de la charité, pour soigner non seulement par devoir, mais principalement par amour ; qui vous rappelle que vous pouvez quelque chose, mais en tant que vous êtes des instruments de Celui qui est le seul capable de guérir les corps et les âmes ; enfin qui vous fait voir la valeur et la grandeur des sacrifices que votre travail vous impose.

De tout cceur, Nous rendons grâces au Seigneur pour toute la lumière qu'il a bien voulu jusqu'à présent répandre sur vous le long du chemin de votre vie.



La conscience du devoir accompli, source de joie pour le présent...

2. — Mais Nous vous regardons dans les yeux, très chers médecins, et il Nous semble voir vos âmes débordant de contentement qui ne s'explique pas seulement par la joie de l'heure présente, mais que Nous désirons bien plus interpréter comme la satisfaction légitime de celui qui, regardant derrière lui, sent que, grâce à sa foi, il a toujours accompli son devoir.

Oh ! oui, une foi bénie, qui en ce moment vous permet de vous présenter devant votre Père avec des yeux limpides ; une foi bénie, qui vous donne comme juste récompense cette tranquillité de conscience, qui est sans prix dans le monde ; une foi bénie, qui vous fait aller à la rencontre de vos malades ou les recevoir dans vos cliniques ou dans vos cabinets de consultation, le front haut ; une foi bénie, qui vous permet de vous placer en présence de Dieu sans crainte et de lui adresser vos supplications sans embarras ni remords !



Faire une pause dans la vie est une chose à la portée de beaucoup ; sentir en la faisant que s'accumulent dans le souvenir joies et douleurs, heures heureuses et heures tristes, mémoires sereines et évocations angoissées, est une chose qui peut arriver à plus d'un ; mais obtenir que, par-dessus tout, — comme un soleil qui resplendit au-dessus d'un champ de nuages — domine un sentiment de douce consolation et d'aimable paix dans le Seigneur, est une chose réservée aux âmes, qui ont su vivre leur foi et ne jamais abandonner le droit chemin.



. .. et de confiance dans l'avenir.

3. — Cependant il convient de ne pas s'arrêter, car la vie presse et il faut aller de l'avant, sans hésiter. Vingt-cinq années derrière soi sont comme la préparation de beaucoup d'autres qui se présentent devant vous peut-être pleines d'inconnues et de problèmes, non seulement sous l'aspect purement humain mais aussi dans un sens professionnel, sur votre terrain, où les énormes progrès et avancements de la science et de la technique ne sont pas toujours contrebalancés par un développement parallèle dans le domaine religieux et moral, au détriment évident de l'harmonie vitale de l'ensemble. Un peu comme si l'on habitait dans un palais imposant qui, pour avoir été agrandi sans harmonie et de façon disproportionnée, pourrait d'un moment à l'autre s'écrouler sur vos têtes.

Nolite timere, très chers fils, ne craignez point, vous qui jusqu'à présent avez su vivre de foi. Il est certain que l'horizon se présente chargé d'épais nuages et que, de tous côtés, il semble que menace l'ouragan ; il est vrai que le matérialisme et l'égoïsme s'insinuent partout avec tant d'insistance et tant de malice que l'on ne sait comment les contenir ; mais celui qui vit de foi, celui qui jusqu'à présent a su y trouver les remèdes nécessaires, peut être certain que, dans les années à venir, elle lui offrira également son appui et sa force, sa stabilité et sa sécurité, son secours et son aide, à condition que vous-mêmes vous n'abandonniez pas ces sources de grâce — prière, sacrements, mortification chrétienne — par lesquelles elle s'accroît elle-même et se consolide.

Médecins barcelonnais : vous devez aspirer à beaucoup comme médecins, si vous voulez répondre à la renommée mondiale que votre ville a atteinte, surtout dans certaines spécialités, comme l'ophtalmologie ; mais c'est beaucoup plus que Nous attendons de vous, comme chrétiens, si vous voulez être de dignes fils de votre peuple, de votre région et de votre patrie. Que Dieu les bénisse de façon toute spéciale et avec eux vous-mêmes, les membres de vos familles présents et absents, vos malades et votre travail, et tout ce que vous portez en ce moment dans votre pensée et dans votre cceur.


MESSAGE

AU CONGRÈS MONDIAL DE LA FAMILLE



(10 juin 1958) 1





Le premier congrès mondial de l'Union internationale des organismes familiaux a eu lieu à Paris du 16 au 23 juin. Lors d'une cérémonie célébrée avant l'ouverture des travaux, lecture fut donnée du Message suivant, en français, de Sa Sainteté Pie Xli :

Dans cette basilique du Sacré-Coeur de Montmartre, dressée au-dessus de la grande cité parisienne comme un symbole de prière ardente et incessante, vous voici assemblés, chers fils et chères filles, qui êtes venus de nations différentes pour contribuer par vos travaux au bien de la famille dans le monde. Votre première démarche fut de monter vers ce sanctuaire de l'adoration eucharistique afin d'y méditer ensemble les vérités de foi d'où procède votre action et d'y implorer l'assistance de la grâce divine sur vos labeurs. De coeur Nous sommes au milieu de vous : que ce message vous soit le gage de Notre sollicitude et de l'importance capitale que revêt à Nos yeux la cause familiale que vous servez.

Quiconque veut construire sur des bases fortes et stables l'édifice civique et social doit le fonder sur une conception du mariage et de la famille conforme à l'ordre établi par Dieu. Gardienne des vérités du droit naturel, en même temps qu'interprète de la révélation divine qui les confirme et les prolonge, l'Eglise a donné sur ces questions des enseignements précis d'une valeur permanente. Nous-même en maintes circonstances avons rappelé les principes intangibles qui concernent l'indissolubilité du mariage, ses fins essentielles, le caractère sacré de la vie et tant d'autres points de morale trop souvent battus en brèche de nos jours. Puisez, chers fils, aux sources claires et pures de la vérité. Recueillez sous la conduite du magistère les paroles divines qui ne passent point. Elevez vos coeurs et vos pensées durant cette veillée de prières !

Car c'est de ces sommets d'une doctrine sûre et immuable que vous découvrirez les vraies perspectives d'où il vous sera possible d'éclairer bien des problèmes actuels relatifs à la famille dans le monde. Pour de multiples causes, la stabilité des foyers est souvent compromise ; leurs conditions d'existence en bien des cas sont difficiles ; la magnifique mission des époux, qui n'est pas exempte de sacrifices, est loin d'être comprise par tous ; et les enfants sont hélas les premières victimes de cet état de choses. Vous prierez et vous travaillerez, chers fils, pour que soient tracées les voies et offertes les possibilités qui permettent au plus grand nombre une union saine et féconde, une vie familiale honnête et heureuse, où les exigences de la morale ne sont pas sacrifiées aux satisfactions du plaisir individuel ni aux jouissances du bien-être. Et vous-mêmes aurez à coeur d'être des exemples de fidélité à cet idéal chrétien.

Plaise à Dieu que tant d'hommes de bonne volonté qui désirent servir les véritables intérêts de la famille dans le monde, apportent à celle-ci le soutien d'une atmosphère publique et d'une législation qui lui soient propices ! Là où l'institution familiale est encore honorée et prospère, qu'elle soit protégée contre toute entreprise dissolvante. Si les circonstances l'ont dangereusement ébranlée, qu'elle soit rétablie dans ses droits et dans ses justes fonctions. Et que partout où les difficultés de la vie contemporaine risquent de nuire à son équilibre, qu'elle soit opportunément soutenue par les pouvoirs publics pour le bien même de la société, mais dans le respect toutefois du vrai caractère de cette institution naturelle, élevée par Notre Seigneur à la dignité de sacrement.

A cette tâche commune, pères et mères de famille catholiques, militants des organismes familiaux dans vos pays respectifs, vous apporterez une efficace contribution. Heureux de savoir que c'est dans la méditation des richesses du Coeur de Jésus, « source de vie et de sainteté », que vous vous préparez, en cette solennité de la fête du Sacré-Coeur, à mieux servir la cause de la famille, Nous vous accordons à tous Notre très paternelle Bénédiction apostolique.


Pie XII 1958 - DISCOURS AUX DAMES DE LA COLONIE AMÉRICAINE DE ROME