Pie XII 1958 - 1. SE PRÉPARER AU SACERDOCE SIGNIFIE SE FORMER UNE ÂME SACERDOTALE.


2. SE PRÉPARER AU SACERDOCE SIGNIFIE SE FAIRE DES INSTRUMENTS APPROPRIÉS ENTRE LES MAINS DE DIEU.



La bienveillance de Dieu est immense envers ceux qu'il choisit comme instruments de sa volonté de salut ! Dépositaire et dispensateur des moyens de salut, le prêtre ne peut en disposer de son propre arbitre, parce qu'il en est le « ministre », mais il maintient aussi pareillement intactes l'autonomie de sa personne, la liberté et la responsabilité de ses actes. Il est par conséquent un instrument conscient du Christ, qui, à la manière d'un sculpteur de génie, se sert de lui comme du ciseau pour modeler dans les âmes l'image divine. Malheur si l'instrument se refusait à suivre la main de l'artiste divin ; malheur s'il en déformait, à sa guise, le dessin ! L'oeuvre se révélerait bien médiocre si l'instrument était inapte, par sa propre faute ! Le but des Séminaires est précisément celui-ci : guider les jeunes séminaristes pour qu'ils deviennent des instruments du Christ parfaits, efficaces et dociles.



Le Sacerdoce, exigence de sainteté.

Avant tout parfaits, c'est-à-dire pourvus des qualités nécessaires à l'exercice du ministère sacré. Vous connaissez certainement ces qualités ; mais Nous voudrions que vous notiez que la perfection du prêtre n'est pas un fait isolé ; elle suit la perfection naturelle et humaine du sujet et s'y superpose. On ne devient pas un prêtre parfait si l'on n'est pas en quelque sorte un homme parfait. C'est de cette conception que semblent s'inspirer les saints canons, qui exigent chez celui qui doit être ordonné qu'il soit exempt de certains défauts et irrégularités.

t Cf. ibid., can. CIS 984 CIS 987.

Cette exigence est pour ainsi dire partagée par le peuple chrétien, qui a le vif désir de reconnaître en son pasteur un homme qui se distingue des autres par des qualités et vertus même naturelles, une « personne supérieure » par des dons intellectuels et moraux ; donc cultivé, intelligent, équilibré dans les jugements, sûr et calme dans l'action, impartial et ordonné, généreux et prompt au pardon, ami de la concorde et ennemi de l'oisiveté, en un mot le perfectus homo Dei (2Tm 3,17). Pour le prêtre, les vertus dites naturelles sont également des exigences de l'apostolat, parce que sans elles il en arriverait à offenser ou à repousser les autres. A cette perfection déjà acquise, aussi bien que possible, doit s'ajouter la perfection même de l'état sacerdotal, ¦c'est-à-dire la sainteté. Dans Notre Exhortation déjà citée, Nous avons largement illustré l'équivalence et pour ainsi dire la synonymie entre Sacerdoce et Sainteté. C'est là le premier élément qui fait du prêtre un instrument parfait du Christ, parce que l'instrument est d'autant plus parfait et efficace qu'il est plus étroitement uni à la cause principale, qui est le Christ.



La nécessité d'une solide formation théologique.

Son efficacité est, en outre, assurée par sa science, particulièrement théologique. Mais Nous Nous sommes occupé de la formation scientifique du clergé à plusieurs reprises en d'autres circonstances et aussi dans de solennels documents 8.

Soyez profondément persuadés que l'on ne peut être un instrument efficace pour l'Eglise si l'on ne s'est pas donné une culture proportionnée aux temps présents. Dans de nombreux cas ni l'ardeur de ses propres convictions, ni le zèle de la charité pour conquérir les âmes ne peuvent suffire. Le peuple a raison quand il réclame des prêtres « saints et instruits ». Que l'étude soit donc votre ascèse, d'autant plus qu'elle a Dieu pour objet !

8 Discorsi e radiomessaggi, 1, pp. 211-228 et A. A. S., 31, 1939, pp. 245-251 ; Lettre encyclique Humani Generis, 12 août 1950, passim.




Mais si la perfection et l'efficacité de l'instrument dépendent de Dieu, la docilité dépend de la volonté humaine. Un instrument indocile, rebelle entre les mains de l'artiste, est inutile et périlleux. C'est plutôt un instrument de perdition. Mais Dieu peut tout faire avec un instrument bien disposé, même imparfait. En revanche, il ne peut rien avec un instrument rebelle. La docilité signifie obéissance, et encore plus, « disponibilité entre les mains de Dieu » pour n'importe quelle oeuvre, n'importe quel besoin, n'importe quel changement. La vraie disponibilité s'obtient par le détachement de ses vues personnelles, de ses propres intérêts et même des plus saintes entreprises. Ce détachement est fondé sur cette humble vérité enseignée par le Seigneur : « Quand vous aurez fait tout ce qui vous est commandé, dites : Nous sommes des serviteurs inutiles ! » (Lc 17,10). Ceci bien sûr n'implique pas, comme Nous l'avons déjà remarqué, l'indifférence dans le travail imposé, ni l'absence de toute satisfaction légitime en voyant les résultats obtenus. La discipline que l'on vous impose au Séminaire avec une affection toute paternelle, n'a pas d'autre but que de vous éduquer pour rester parfaitement dociles envers le Christ et l'Eglise.

3. SE PRÉPARER À LA PERSÉVÉRANCE.

Tout semble facile, chers séminaristes, en ces années de préparation dont vous garderez un doux souvenir et un peu de nostalgie. Votre enthousiasme actuel, les intentions droites qui vous animent, l'élan vers la perfection que vous recherchez, tout cela vous laisse présager un ministère sacerdotal fécond et tranquille dont la sérénité ne sera même pas troublée par la lutte contre les ennemis de Dieu. Nous vous le souhaitons de tout cceur ; mais Nous ne devons pas passer sous silence la réalité. Jusqu'ici vous vous êtes préparés à souffrir les difficultés de chaque jour en vous exerçant à la vigilance et à la persévérance. Mais avec les années qui passent, les fatigues et les luttes qui se multiplient et l'amoindrissement naturel des forces physiques et psychiques, c'est tout à fait normal s'il survient en votre esprit quelque crise profonde qui semble submerger tout idéal et éteindre le zèle le plus enflammé. Dans des crises semblables, accompagnées parfois par le déchaînement imprévu des passions, on doit reconnaître l'oubli de la prudence la plus élémentaire et parfois l'oubli des devoirs les plus impérieux. Mais parfois aussi, et ce n'est pas rare, la crise s'élève comme un typhon imprévu sur une mer tranquille. Le rythme fébrile de la vie moderne qui empêche l'esprit de réfléchir, les mille embûches que l'on trouve sur son chemin de chaque jour, le trouble plus ou moins conscient des esprits, tout cela concourt à créer ces difficultés intérieures. Le prêtre, qui était jusqu'alors un « homme supérieur », finit par se trouver au même rang que ceux que l'on appelle ordinairement des « énervés et excités », incapables de reprendre les rênes de leur vie et la domination de soi. Si cela arrivait, nul ne pourrait prévoir l'évolution d'une vocation jusqu'alors sereine et féconde. Nous vous encourageons, chers séminaristes, à vous exercer désormais à une telle éventualité en la prévoyant et en vous préparant. Avant tout, mesurez vos forces, mais en faisant entrer en une somme unique celles que Dieu vous donnera ; et faites tout pour les conserver intactes, pour les accroître, en adoptant les précautions et les ressources qui vous sont largement offertes par l'Eglise. Dans l'exercice de la persévérance, vous devez attendre beaucoup de la sage orientation des directeurs spirituels et, en outre, de la correction ininterrompue de vos moeurs, de l'ordre de vos horaires, de la modération dans l'entreprise et dans l'accomplissement des activités extérieures. C'est à une sublime dignité que Dieu vous appelle, et les secours salutaires à votre disposition sont nombreux et immédiats ; mais tout pourrait aboutir à une douloureuse désillusion, si vous ne vous appliquiez pas, comme les vierges sages, à veiller et à persévérer. Au clergé âgé, Nous voudrions recommander : ne décevez pas le jeune prêtre. Sans doute les désillusions sont inévitables, qu'elles résultent soit des conditions humaines générales, soit de motifs locaux particuliers ; mais elles ne doivent pas être la conséquence de ce que des prêtres plus âgés, peut-être découragés par les déceptions de la vie réelle, engourdissent les vives énergies du jeune clergé. Où l'expérience mûrie n'exige pas un non résolu, laissez-lui faire des projets, laissez-le essayer, et si tout ne réussit pas, réconfortez-le et encouragez-le à de nouvelles entreprises.

Voilà, chers séminaristes, les pensées que Nous désirions vous confier en cette heureuse circonstance. En attendant, c'est à vous, les Supérieurs, que Nous confions cette insigne phalange d'âmes jeunes, pures et ferventes, dont vous pourrez tout obtenir, avec l'aide de la grâce divine, si, à votre tour, vous vous laissez guider par les enseignements de l'Eglise. Concourez de toutes vos forces à ce qu'elles deviennent vraiment des âmes sacerdotales selon le coeur de Dieu, des apôtres efficaces pour le salut et la sanctification des chères populations des Pouilles, des continuateurs des glorieuses traditions de vos diocèses. Que le saint Pontife Pie X intercède auprès du trône de Dieu et de sa sainte Mère, afin que s'accomplisse son voeu qui est également le Nôtre.



TEXTE POSTHUME SUR LA PERSONNE, LA PENSÉE ET LES OEUVRES DU PAPE BENOIT XIV



(préparé pour la première quinzaine de novembre 1958) 1





Dans la première quinzaine de novembre 1958, le Pape Pie XII, de vénérable mémoire, voulait marquer le IIe centenaire de la mort de Benoît XIV, l'un des plus glorieux pontifes du Siège de Pierre. Il avait, dans cette intention, préparé entièrement un important discours, qui aurait sans doute rencontré un large écho, surtout auprès des intellectuels, et qui clôt dignement l'enseignement magistral du Saint-Père regretté.

Voici la traduction de ce texte rédigé en italien :

Le IIe centenaire de la mort du Pape Benoît XIV vous a réunis ici, Vénérables Frères et très chers fils, dans la louable intention de témoigner votre admiration et votre gratitude à la mémoire de ce Pontife, le plus grand de son siècle, à qui l'histoire de l'Eglise continuera à assigner un poste de choix parmi les plus insignes successeurs de Pierre.

1 D'après le texte italien de VOsservatore Romano du 9 avril 1959 ; traduction française de la Documentation Catholique, t. LVI. col. 593 et suiv.

Les sous-titres en italique sont de la Documentation Catholique.




Si les peuples civilisés n'ont jamais eu l'habitude de considérer comme vain le fait de maintenir bien vivant le souvenir des grands hommes et de leurs oeuvres, en les soustrayant, à l'aide de leurs écrits et de leurs monuments, à l'inévitable loi de l'oubli, combien plus juste et fécond est le souci avec lequel, en tous temps, l'Eglise a entendu conserver intacte la mémoire de ses fils les plus illustres, attendu que l'oeuvre est à la fois unique et commune, qui occupe toutes les générations chrétiennes et chacune d'elles séparément, à l'édification du

Corps du Christ (cf. Eph. Ep 4,12) dans le temps pour l'éternité. Aussi est-il difficile de trouver une institution qui, comme l'Eglise, n'entende rien perdre de l'héritage spirituel du passé, qui, avec un empressement plus grand, tienne en grand honneur les études historiques et qui, dans la propre richesse de ses traditions et des monuments ainsi que par le culte rendu à ses saints, sache rendre vivant et agissant ce qui fut, en le tressant, comme la trame logique d'un dessin unitaire, avec ce qui est et sera.

Nous avons désiré commencer notre propos par ces considérations, non pas tant pour justifier la commémoration d'un Pontife, disparu de la scène de ce monde depuis deux siècles, que pour mettre tout de suite en relief le suprême mérite et le trait caractéristique de la personne et de l'oeuvre de celui-ci, considéré comme maître et ordonnateur des procès de béatification et de canonisation, dont l'institution, résultat d'un lent travail depuis les débuts de l'Eglise, se propose de désigner à l'imitation des générations futures des hommes parfaits dans leur vie et dans leurs oeuvres, témoignages concrets de ce que l'Esprit de Dieu est à même de réaliser dans le monde.




I

L'HOMME ET LE PONTIFE



Comme il semble que ce soit le propre de l'action de Dieu de préparer par des dons et des moyens adéquats les hommes choisis par lui pour occuper d'importantes fonctions, il ne sera pas déplacé ici d'accorder tout d'abord un regard à la personne de Benoît XIV, avant même de considérer son activité de canoniste et de législateur, bien persuadé que Nous sommes qu'une enquête quelle qu'elle soit sur l'oeuvre d'un homme ne peut négliger son caractère personnel pas plus que les circonstances extérieures, qui donnent au jugement d'ensemble un relief plus accentué et une plus exacte valeur. Ainsi serait-il impossible de scruter la personne et l'oeuvre même du Pape Lam-bertini, en faisant abstraction de son époque, le XVIIIe siècle européen, avec son arrière-plan d'activité joyeuse, mais souvent stérile, d'où émerge, en un vif contraste, sa figure à lui, d'homme extraordinaire, par la richesse de la nature, la plé-



nitude de la vie, le sérieux des études et la fertilité de l'action. Malheureusement il ne lui arriva que rarement, à lui qui était doté d'une extraordinaire sensibilité dans tous les domaines de la culture, véritable modèle de vocation à la recherche du mieux, munificent mécène, de rencontrer sur sa route des hommes comme il les aurait souhaités. Son rêve ne se réalisa qu'en partie, comme il en fit part, alors qu'il était évêque d'Ancône, à l'archéologue Giovanni Bottari, en lui disant : « Le devoir d'un cardinal, le meilleur service qu'il puisse rendre au Saint-Siège, c'est d'amener à Rome des hommes savants et honnêtes. » 2 Prospero Lambertini tenait du xvme siècle la meilleure part des qualités naturelles et acquises, tandis que, dans le domaine des études et des fonctions, il surpassait nettement son époque et, en quelque sorte, il fut le précurseur des siècles suivants.

2 Cf. L. v. Pastor, Ceschichte der Pâpste, t. XVI, 1, p. 129.




Dès la première rencontre, aussi bien avant qu'après son élévation au suprême pontificat, on s'apercevait que l'on avait en face de soi un homme au caractère ouvert et simple, marqué du plus franc naturel, ignorant toute feinte et tout mensonge. Les sévères études auxquelles il se consacra dès sa prime jeunesse ne lui enlevèrent pas le sens aigu qu'il avait des choses pratiques de la vie et dont il témoigna en toute circonstance, pas plus que les nobles charges du pouvoir, avec leurs immanquables soucis et leurs inévitables épreuves, n'arrivèrent à transformer son état d'esprit naturellement débonnaire, affable et jovial. Sa volumineuse correspondance personnelle est le miroir fidèle de la tournure de son esprit, incliné à juger avec bienveillance les hommes et leurs oeuvres, sans cependant s'écarter de la vérité qu'il ne savait cacher ni à lui-même ni aux autres. Il savait affronter l'épreuve avec un calme contrôle de ses facultés et n'hésitait pas à recourir souvent aux plaisanteries de bon ton, dont certaines sont encore rappelées aujourd'hui, dans un esprit de sympathie envers leur auteur. Il possédait à un haut point ce que l'on a coutume d'appeler la sana ratio, un jugement sain et raisonnable, qui lui venait d'un puissant sentiment de justice, d'équité et de considération à l'égard de tous et en face de chacun. Cette note caractéristique de son esprit, on peut la découvrir dans son exercice du pouvoir, mais aussi et surtout lorsque, dans ses dissertations, il traite des questions complexes et délicates qui exigent que les divers éléments soient parfaitement discriminés et les jugements définis sans équivoque. Sincère et loyal, Benoît XIV n'hésitait pas, de ce fait, à proclamer ouvertement et librement sa façon de penser, tout en étant tout disposé à accueillir en même temps les conseils prudents et les critiques fondées.



La question du culte du Sacré-Coeur

Il a déjà été dit3 que, en 1727, Lambertini, alors promoteur de la foi auprès de la Sacrée Congrégation des Rites, fit preuve d'une « fière opposition » à la concession de l'Office et de la messe propre en l'honneur du Sacré-Coeur de Notre-Seigneur Jésus-Christ, et que les efforts déployés pour « fléchir l'inflexible promoteur » furent vains. On sait cependant que le rôle du promoteur de la foi consiste précisément à faire voir, en temps opportun, toutes les difficultés, ce qui fit dire à Lambertini au sujet de ses Animadversiones dans l'affaire ci-dessus eas omnes exaratas a se fuisse, ut munus sibi commissum adimpleret. Ces mêmes difficultés avaient déjà été présentées, trente années plus tôt par son prédécesseur dans cet office, Mgr Bottini, dans le voeu exprimé par lui et dont Lambertini, sans toutefois le mentionner, fit siens quelques arguments. Du reste, comme lui-même le rapporte 4, lorsque la Sacrée Congrégation des Rites, en 1729, répondit finalement Ne-gative, il avait déjà quitté l'office de promoteur. Il semble donc que la conduite de Lambertini ne fut pas même en cette circonstance, contraire aux règles de la prudence et de la justice. Devenu Pape, il ne se montra pas davantage opposé au culte du Sacré-Coeur de Jésus, bien entendu : tout au contraire, il accorda des privilèges à la confraternité de Rome et à beaucoup d'autres confraternités du Sacré-Coeur.

Un esprit large et généreux

3 Cf. La Civiltà Cattolica, 7 septembre 1918, p. 419.
4 Benedicti XIV Pont. Opt. Max. Opera omnia in tomos XVII distributa, Prati, in typographia Aldina 1839-1856, t. IV, p. 705.




Sa propension fondamentale à concilier les antagonismes lui interdisait d'adopter des positions extrêmes : « Ab extremis, quae semper vitiosa sunt, longe se abstineant. Que l'on se tienne éloigné des extrêmes qui sont toujours défectueux », avertissait-il, à propos de la question de l'interdiction du prêt à intérêt5, et également à propos de la question des théâtres dont il écrivait, le 6 octobre 1753, à son ami le marquis Sci-pione Maffei à Vérone : « ... Nous n'avons pas pensé et Nous ne penserons jamais à proscrire toutes les comédies et tragédies, mais Nous Nous sommes évertué à faire en sorte que les comédies et les tragédies représentées soient en tout point honnêtes et probes. » 6.

Cette largeur et cet équilibre de vue l'accompagnèrent jusque sur le trône pontifical. Dans les querelles théologiques, Benoît XIV faisait clairement la distinction entre la doctrine de la foi et les opinions laissées à la liberté des diverses écoles ; il écrivait en effet : « Dans les choses non définies par l'Eglise, chacun peut suivre les suggestions de sa raison. » 7 De même pour la censure des livres, il ne voulait pas que l'un d'eux fût condamné avant d'avoir été soigneusement examiné. Il disait : « Nous avons toujours répondu et Nous ne cesserons de répondre que Nous n'avons souci que de la vérité et de la justice, et que, si Nous n'accepterions pas qu'une oeuvre quelconque soit condamnée sans examen préalable, à plus forte raison sommes-Nous obligé d'agir de même lorsqu'il s'agit d'une oeuvre composée à Rome et approuvée par des personnes vivantes, d'un haut mérite et d'un grand savoir... Que l'on dise donc une bonne fois ce que l'on veut ou ce que l'on ne veut pas, et qu'on le dise dans les formes voulues ; et alors Nous serons coupable si Nous ne prenons pas les mesures nécessaires pour que justice soit rendue, espérant fermement toutefois n'être coupable ni devant Dieu, ni devant les hommes épris de justice, si Nous refusons, ou mieux, si Nous négligeons, de condamner une oeuvre sur la suggestion d'autrui et sans l'examen préalable de celle-ci, non plus que de la plaidoirie de l'auteur pour la défendre » 8

5 Vix Pervenit, ier novembre 1745, g 8, dans Benedicti XIV Opera omnia, t. XV, P- 593-
6 Benedicti XIV Acta sive nondum sive sparsim edita, nunc primum collecta cura Raphaelis de Martinis, vol. II, Napoli 1895, p. 159.
7 Lettre au cardinal de Tencin, 7 septembre 1742, Archives secrètes du Vatican, Miscell. arm. XV, No 154, f. 25.
8 Ibid., p. 155, f. 630.




Largeur et générosité, tels furent les traits caractéristiques de son caractère et de sa conduite, tandis qu'il se complaisait dans une austérité de vie immuable. Il savait compatir aux fautes des inférieurs et corriger d'un coeur paternel, mais sa droiture ne tolérait pas les chasseurs de place, les « arrivistes », qu'il accablait de son mépris, entièrement justifié de la part de celui qui n'avait jamais rien demandé pour lui, à qui ne pouvait être reproché la moindre note de népotisme, pas plus que la plus légère démarche, le moindre geste, pour attirer sur lui l'attention des électeurs au cours du long conclave où il fut élu Pape.

Dans l'exercice de la générosité, il se montra grandiose pendant la guerre qui dévasta le territoire pontifical, l'abreuvant d'indicibles amertumes. L'austérité de la vie était entretenue chez lui par l'ardent amour de l'étude, dont lui aidaient à supporter les fatigues une résistance exceptionnelle ainsi qu'une application qui suscitait l'admiration. Il s'adonnait aux devoirs de gouvernement avec le même zèle, avec la rare conscience qui lui faisait considérer le moindre espace de temps comme un trésor. Déjà l'auteur des Vitae et Res gestae Romanorum Pontificum, Roma 1751, contemporain de Benoît XIV (Marius Guarnacci), le qualifiait (t. II, COL 492) de rigidus exactor temporis ; définition qu'une femme écrivain de notre siècle renforce ainsi : « Son horaire était écrasant. » 9

9 E. Morelli, Tre Profili, Roma 1955, p. 14, Cahiers du Risorgimento, No 9.


Son sens de la modération et de la piété, toutefois, lui faisait trouver le temps de se rendre, sur le soir, dans quelque église pour adorer le Saint Sacrement et de « cheminer à pied à travers la ville, de préférence dans le Trastevere, vers le Tibre, pour l'indicible consolation des pauvres gens » 10. L'équilibre qui émane de la personne et de la conduite de Benoît XIV est tel qu'il serait difficile d'arriver à distinguer les dons naturels des vertus acquises, axées sur une vie ascétique, aussi profonde que cachée et spontanée. On peut toutefois affirmer que son sens religieux animait positivement chez lui étude et travail, au point de transformer ces activités en une véritable ascèse. Parlant de ses études, il confiait, en effet, dans une lettre à son ami Galli : « Je me sentais intérieurement appelé par la religion elle-même à travailler à la magnifier... La religion, en me donnant les couleurs et le pinceau, m'a mis en état de peindre de façon durable. » Et, passant à ses écrits confiés à la presse, il ajoutait : « Ils me sont chers, non parce qu'ils émanent de mon cerveau, mais parce que, comme je l'espère, ils seront mes intercesseurs auprès de Dieu, afin qu'il me pardonne mes manquements et mes péchés. » 11

10 Cf. Lettre de Benoît XIV au cardinal de Tencin, 25 octobre 1743, Archives secrètes du Vatican, Misceïi. arm. XV, No 154, f. 151.
11 Pastor, ibid., pp. 19-20.

L'érudit

Alors que, dès le matin du 17 août 1740, le nom de Prospero Lambertini commença à se répandre dans les rues de Rome, puis sur les chemins d'Europe, vers les chancelleries des Chefs d'Etat, uni à celui de Benoît XIV, il était pour ainsi dire précédé par sa renommée justement méritée d'homme droit et probe ou, comme l'avait décrit à Vienne l'ambassadeur Santa Croce, « particulièrement capable et fameux par sa connaissance du droit canon et de l'histoire, par ses attitudes diplomatiques et par sa franche justice ; c'est le meilleur prêtre que l'on puisse souhaiter ». La principale notoriété de Benoît XIV parmi ses contemporains lui venait de son immense érudition. Sa renommée comme savant était si largement répandue et acceptée que Montesquieu lui-même, écrivant à un de ses amis agrégé par le Pontife à l'Académie d'histoire romaine, pouvait dire : « Il est heureux pour vous d'avoir paru avec honneur devant le Pape ; c'est le Pape des savants. »la

12 OEuvres de Monsieur de Montesquieu, 2e éd., 1792, t. VII, pp. 341-342.


En fait, Benoît XIV était un des grands savants de son siècle, écrivain extraordinairement erudit et fécond, ami sincère de la science, des arts, des livres. Il possédait une bibliothèque très riche d'oeuvres de choix, dont il céda les plus rares à la Vaticane, à laquelle, en même temps qu'aux archives romaines, il témoignait les attentions les plus vives, l'enrichissant de précieux fonds, comme la bibliothèque Ottoboni avec ses collections de codes grecs, latins et hébreux. Pensant qu'il n'avait plus beaucoup de temps à vivre, il envoya à Bologne sa bibliothèque privée, à laquelle il joignit celle fondée par l'Institut des sciences. Bologne « la savante » ne pouvait pas prétendre à un cadeau plus digne de la part du plus savant de ses fils. On pouvait également s'attendre à ce qu'un homme qui avait consacré toute sa vie à l'étude, une fois Pontife suprême, se fît le promoteur des sciences, spécialement de celles qui lui étaient les plus chères, celle de l'histoire ecclésiastique et celle de la liturgie, pour lesquelles il créa des chaires speciales, soit à l'Université de Coïmbre13, soit au collège romain, et érigea les quatre Académies : des Conciles, d'Histoire ecclésiastique pontificale, de Liturgie et de l'Histoire et Antiquité romaines 14. Le Pape Lambertini donna le départ aux sciences mathématiques, physiques, à l'anatomie, ou tout au moins les renouvela. Il est significatif, de sa part, qu'il n'ait pas refusé son consentement à l'Université de Bologne, qui entendait avoir recours à l'enseignement de deux femmes érudites : la célèbre mathématicienne Maria Gaetana Agnesi, qui toutefois refusa l'invitation, et Laura Caterina Bassi, renommée comme philosophe. Il désirait que dans les quatre Académies ci-dessus, auxquelles devait venir se joindre celle de physique, réformée par lui sous le nom de Nuovi Lincei, se groupassent les noms les plus insignes de la culture. Lui-même parfois prenait part à leurs sessions, éprouvant un plaisir particulier à s'entourer de savants. Avec nombre d'entre eux, dont Rome pouvait alors se glorifier, ainsi qu'avec d'autres qui habitaient hors de la ville, il entretenait des rapports personnels d'amitié. Parmi ceux-ci, mérite une particulière mention le « père de l'historiographie italienne », Ludovico Antonio Muratori, pour qui Benoît XIV nourrissait une profonde estime.

13 Pastor, ibid., p. 138, note 4.
14 Notice des Académies érigées à Rome sur ordre de la Sainteté de Notre-Seigneur, Pape Benoit XIV, Roma, 1740.
15 Perfecit Benedictus XIV, Pon. Max.
18 Franz Xaver Kraus, Briefe Benedikts XIV an den Canonicus Trancesco Peggi in Bologna, 1729-1758, 2e éd., Freiburg i. B. 1885, p. 13.


Quant à son activité artistique, ce n'est pas par hasard que le nom de Benoît XIV se lit sur la frise qui surmonte les colonnes corinthiennes de la fontaine de Trévi15, ni uniquement parce que cette si fameuse architecture fut achevée sous son pontifical, mais également parce qu'elle exprime avec éloquence combien il s'est distingué dans la tradition artistique de la papauté. Il suffira, à ce propos, de rappeler seulement deux de ses grands mérites : avoir sauvé le Colisée de l'abandon et de la dévastation, et avoir restauré et enrichi le musée du Capitole. Dans la Rome, que nous révèlent les gravures de Vasi, et plus encore celles de Piranesi, documents expressifs de la vie de la société de ce temps-là, Benoît XIV nous apparaît sous la figure d'homme, de prince et de mécène. Un historien connu pouvait affirmer qu'aucun Pape n'incarnait comme lui l'esprit italien, dans ce qu'il avait de meilleur et de plus aimable 16.

Le sens pratique et la sagacité dans les résolutions faisaient certainement partie du riche matériel moral qu'il utilisa dans l'exercice du gouvernement suprême de l'Eglise. Benoît XIV resta toujours dans la ligne du Concile de Trente, travaillant sans relâche à réaliser à fond les réformes souhaitées par ce dernier, comme, du reste, il l'avait fait alors qu'il était évêque d'Ancône et de Bologne. A Rome, il s'occupa en particulier de la réforme des tribunaux civils et criminels, édictant de nombreuses ordonnances 17. Sur le terrain strictement ecclésiastique, il se préoccupait au plus haut point de la bonne formation du clergé, du choix d'excellents évêques, de la collaboration confiante des évêques avec le Saint-Siège. Dans le domaine de l'administration financière, il agit avec énergie selon des principes sains, justes et équitables.


Fut-il trop conciliant avec les rois ?

Les rapports avec les princes chrétiens, en ce siècle d'absolutisme, n'étaient pas faciles. Personne toutefois ne refusera de reconnaître que Benoît XIV fut très avisé dans ses jugements des événements généraux comme des conditions particulières qu'il devait affronter. Il faut cependant admettre qu'en général, dans les questions politico-ecclésiastiques, le Pape Lambertini se laissait souvent guider par son penchant naturel à l'accommodement, comme on l'avait déjà noté, sous le pontificat de Benoît XIII, dans la question de la monarchie sicilienne. Tandis que dans la difficile controverse surgie dès le début de son pontificat à l'occasion de l'élection impériale de Charles VII et de François Ier, époux de l'impératrice Marie-Thérèse, sa conduite put être donnée comme modèle de sagesse, on n'en put vraiment dire autant, tout au moins d'un accord unanime, à propos des Concordats passés avec les cours de Sardaigne-Piémont, de Naples et d'Espagne ainsi que pour ce qui est des grands ménagements qu'il eut face aux exigences du roi Frédéric II de Prusse. On peut se demander s'il n'a pas été trop conciliant et trop malléable en face des prétentions brutales et exorbitantes des cours séculières. Les historiens, pas plus d'ailleurs que les contemporains, ne sont d'accord sur ce point : certains approuvent, d'autres critiquent. Sa complaisance envers le roi de Prusse peut s'expliquer par l'objectif supérieur qui était le sien, de ne pas aggraver davantage la condition des catholiques dans ce pays. Quant aux concessions faites dans les Concordats cités plus haut, en faveur des puissances du siècle, elles apparaissent vraiment extraordinaires et allant au-delà de toutes les traditions. Le Pape lui-même se rendait parfaitement compte du risque qu'elles représentaient pour l'Eglise ; il estimait toutefois que ce n'était qu'au prix d'habiles accommodements et de complaisances bien étudiées qu'il lui serait possible de conduire la nef de l'Eglise au milieu des insidieux écueils de l'absolutisme d'Etat et du rationalisme qui s'était infiltré dans les cours et les hautes sphères des nations chrétiennes.

La conduite de Benoît XIV se comprend mieux, vue à la lumière des pontificats suivants jusqu'au crépuscule du XVIIIe siècle. Son successeur, Clément XIII, bien qu'il eût résisté magnifiquement et avec une héroïque fermeté aux pressions des cours, en dominant sa douceur naturelle, ne réussit pas à faire prévaloir le respect de la liberté ecclésiastique. C'était toute une époque et une société qui succombaient à l'opprimante atmosphère de l'absolutisme d'Etat et des équivoques nées du mouvement rationaliste. Le concept de l'indépendance de l'Eglise, à la fin du xvine siècle, ne trouvait pas de place dans les cours des princes catholiques eux-mêmes.



II

LE CANONISTE ET LE LÉGISLATEUR

Mais votre noble assemblée, Vénérables Frères et très chers fils, se plaît, à juste titre, à admirer dans le Pape Lambertini, tout d'abord le canoniste et le législateur : deux traits essentiels de sa figure et solide fondement de sa célébrité. Ses mérites, en tant que canoniste par excellence, maître et créateur du droit canon, reconnus unanimement de son vivant, bien loin de pâlir avec la fuite du temps, se sont vus toujours confirmés et par le développement des études historico-juridiques, auxquelles son génie avait ouvert de nouvelles voies, et par celui des réalisations concrètes qui en découlèrent, et dont il fut le précurseur. Nous entendons Nous référer ici principalement à l'arâuum sane munus du Codex Iuris Canonici, devenu une heureuse réalité de nos jours, après des siècles d'attente, mais qui a de nombreuses racines dans la vaste oeuvre de Benoît XIV. Par une coïncidence de noms, qui n'est pas privée de sens, le Codex, gloire du pontificat de Pie X, fut promulgué par un Pontife qui avait occupé le même siège épiscopal que Lamber-tini à Bologne et pris le même nom que lui, Benoît XV.

La renommée de Prospero Lambertini demeure indissolublement liée à ses oeuvres, nombreuses et hautement précieuses, pivots solides des sciences juridico-ecclésiatiques, pierres mil-liaires sur la voie de leur progession. L'impression d'ensemble que chacun recueille d'une première rencontre avec les écrits de Benoît XIV, n'est pas substantiellement différente du sens de noble admiration envers l'auteur que lui témoignait déjà le P. Emmanuel de Azevedo avec des expressions qui, à première vue, pourraient sembler des lieux communs tombés d'une plume du xvme siècle, trop entraînée à broder les fleurs de la flatterie ou bien témoigner de la compréhensible bienveillance de celui qui, comme Azevedo en avait soigné la publication, après en avoir traduit en latin quelques parties. Celui-ci, en effet, dans la préface Dedicatio praefixa Romanae Omnium Operum edi-tioni, présente la première collection des douze volumes de Benoît XIV en ces termes : Mirum est unum hominem aut scientia comprehendere, aut memoria retinere, aut scripto complecti tantus res, tam varias, tantis difficultatibus atque obscuritate et dissentione Auctorum impeditas potuisse : unum tot vetusta et posteriorum aetatum monumenta inspicere, scriptores legere, libros diversi adeo argumenti, exterarum linguarum, editis re-motissimis regionibus, nosse, solerter examinare ; quae scitu utilia proponebantur amplecti, respuere ac refutare contraria. Atque eum quidem hominem, qui aliarum omnino rerum curis fuerit semper implicitus ; gravissimis periculosissimisque muneribus occupatus...18

18 Opera omnia, t. I. p. X.


Des canonistes, parmi les plus fameux, même non catholiques, n'hésitent pas à considérer Benoît XIV comme l'un des plus grands qui se soient distingués dans la science du droit canon. L'un d'eux loue « la richesse matérielle et l'historique fondement » des Constitutions de Benoît XIV et ajoute : « S'il est vrai que ce maître canoniste, dans son activité de législateur, n'a pas manqué d'avoir recours au trésor rassemblé par l'Eglise romaine, depuis des siècles, trésor fait d'expérience et de sagesse, il n'en reste pas moins qu'une foule de magnifiques considérations et de sages décisions, contenues dans son Bulla-rium, lui sont directement personnelles. »19 Les mérites du Bullarium, cités plus haut, notamment l'heureuse union de la rigoureuse documentation historique de la matière et la sagesse des décisions — cette dernière étant le fruit de la longue expérience d'une vie entièrement consacrée aux importants offices de Curie et au gouvernement universel de l'Eglise — se retrouvent également dans ses autres oeuvres canoniques, qui sont comme empreintes de sa personnalité au point de pouvoir dire que, chez Benoît XIV, l'homme de science et le législateur vont toujours de pair, comme s'ils se tenaient par la main 20. Les oeuvres canoniques du Pape Lambertini ont également d'autres mérites, qui se rencontrent rarement dans la littérature juridique du temps ; aux dires concordants des experts, on y trouve le soin scrupuleux avec lequel l'auteur traite les questions les plus disparates et les plus ardues, le parfait accord avec les sciences théologique et historique, la précision dans les solutions et les réponses aux questions posées et finalement le style simple et d'une intelligence facile.

19 Hugo Laemmer, Zur Codification des canonischen Rechts, Freiburg i. B., pp. 27 et 36.
20 Cf. aussi Joh. Fr. Schulte, Die Geschichte der Quelien und Literatur des Canonischen Rechts, t. III, 1, Stuttgart, 1880, p. 505.


Mais le plus grand mérite de Lambertini, canoniste et législateur, est d'avoir préparé la route à l'unification de la procédure juridique ecclésiastique, qui prit sa forme définitive dans le Code de droit canon. Le premier pas vers cette unification, dont on ressentait depuis des siècles la nécessité, mais qui semblait une entreprise presque impossible, fut fait sous la poussée des deux grandes oeuvres scientifiques de Benoît XIV : le Thesaurus Resolutionum Sacrae Congregationis Concilii et le De Synodo Dioecesano. La première, née, peut-on dire, occasionnellement, du passage de Lambertini au poste de secrétaire de la Sacrée Congrégation du Concile, comprend quatre volumes, rédigés par lui-même, avec un soin extrême. Ce recueil systématique de sentences qui, après lui, fut continué jusqu'à l'aube du siècle présent, portant à la connaissance des tribunaux ecclésiastiques des différentes régions du monde des coutumes et la sagesse de la jurisprudence romaine, amènent presque insensiblement les courants disparates et les différentes écoles dans le lit de l'unité romaine. L'autre ouvrage, au contraire, De Synodo Dioecesana, fut conçu dans le but de promouvoir l'unification du droit et de l'administration. Le patient et laborieux travail de nombreuses années s'est traduit par un authentique chef-d'oeuvre dans son genre, ein Meisterwerk, comme le définit le même Schulte 21, où a été mis à profit tout le matériel des sources. Le De Synodo est une oeuvre magistrale par la hardiesse des matières pouvant faire l'objet d'un synode diocésain, par la façon définitive dont elles ont été traitées et présentées, au point qu'il est difficile d'y découvrir des lacunes, par l'objectivité rigoureuse et la lumineuse clarté de l'exposition.

21 Op. cit., p. ;o;.


L'aride champ juridique n'épuisa toutefois pas le puissant génie de Benoît XIV qui, comme on le sait, eut à cultiver également avec son application coutumière et un plein succès les études liturgiques. On connaît l'éloge décerné par l'illustre Dom Guéranger à ses écrits liturgiques : « ... Le grand pontife Benoît XIV, dont le nom seul rappelle la plus vaste science liturgique dont jamais un homme ait été orné. » 22 II est vrai qu'un critique moderne a fait quelque réserve touchant cet éloge, notant que l'oeuvre de Lambertini dans ce domaine, tout en étant excellente du point de vue juridique et pratique, néglige les aspects historique et scientifique de la liturgie23. Que cette critique soit plus ou moins justifiée, il convient toutefois de ne pas oublier, pour la justification de Lambertini, que la recherche scientifique des institutions liturgiques de l'antique Eglise marqua ses grandes conquêtes au cours des deux derniers siècles, après le pontificat de Benoît XIV.

22 p. Guéranger, Institutions liturgiques, 2, Paris, 18S0, p. 494.
23 Sic, par exemple, Cabrol, dans le Dictionnaire d'archéologie chrétienne et de liturgie, t. II, I p., col. 771-775.


Pie XII 1958 - 1. SE PRÉPARER AU SACERDOCE SIGNIFIE SE FORMER UNE ÂME SACERDOTALE.