Pie XII 1958 - LE CANONISTE ET LE LÉGISLATEUR


III

LE « MAÎTRE » DANS LES PROCÈS DE BÉATIFICATION ET DE CANONISATION


Mais, Vénérables Frères et très chers fils, parmi les oeuvres scientifiques de Benoît XIV, trône, par son originalité et son fini, le très célèbre De Servorum Dei Beatificatione et Beatorum Canonizatione désigné unanimement par la critique comme fondamental et classique, monument durable et encore vivant du savant Pontife. Nous ne pourrions lui rendre hommage plus digne, en ce jour où nous fêtons son centenaire, que de mentionner particulièrement cet ouvrage, encore insurpassé.

L'oeuvre « maîtresse » de Benoît XIV, remise à l'imprimerie deux années avant son élection au souverain pontificat, se présente, dans sa masse imposante, comme une synthèse achevée de toute l'érudition que les nombreux siècles avaient accumulée sur ce sujet et dont Prospero Lambertini avait assimilé toute l'ampleur et la profondeur avec son application habituelle, au cours d'environ trente années d'étude et de pratique comme avocat consistorial, puis vingt ans durant, comme promoteur de la foi. Le premier mérite de l'ouvrage réside dans cette perfection de la documentation : rien de remarquable n'échappe à l'esprit investigateur de l'auteur, de ce que l'histoire a conservé touchant les matières hagiographiques et les procès de canonisation, depuis les siècles les plus reculés jusqu'au très riche matériel qui, depuis la moitié du XVIIe siècle faisait l'objet de publications successives utilisant des méthodes plus perfectionnées de critique, par les Bollandistes et dans les compilations des sources des Maurini. Lambertini se servit de tout et mit chaque pierre offerte par l'histoire de la Rédemption et de l'Eglise, et spécialement, comme il se doit, par l'hagiographie, la théologie, le droit canon et les sciences profanes, à la place voulue, dans un ensemble bien ordonné (bien qu'il semble à quelques-uns aujourd'hui, selon le goût moderne, quelque peu confus et formaliste), ne négligeant pas de décorer cet ensemble de nombreuses autres connaissances historiques et théologiques se rapportant au sujet. Cette oeuvre de Benoît XIV, en tant que synthèse de la pensée et de la pratique de l'Eglise catholique concernant le culte des saints, pourrait, en quelque manière, être comparée à la Somme de saint Thomas d'Aquin ; de même que celle-ci est un abrégé de ce que fut la doctrine sacrée depuis le début et aux différentes époques, l'oeuvre de Lambertini offre une vision achevée de la tradition ecclésiastique en matière de culte et de canonisation des saints, des critères et des modalités reconnus comme normes, depuis le début et au cours des époques successives, lors de la reconnaissance et de la proclamation, de quelqu'un comme saint. L'ouvrage de Benoît XIV a surtout un grand mérite, dans le domaine de la recherche et de la confirmation de ces critères, particulièrement la dissertation De virtute heroica24 dans laquelle l'auteur, faisant fond sur l'expérience et la pratique de l'Eglise, dépeint la figure du saint, fait voir en quoi consiste la sainteté, décrit l'idéal catholique de la sainteté, mettant au point une doctrine, qui quoique n'étant pas nouvelle dans sa substance, est cependant organique dans ses éléments, précise dans les termes et accessible à tous les esprits.

24 Lib. III. ch. XXI et s. Opera omnia, t. II, pp. 207 et suiv.
25 Opera omnia, t. III. pp. 195-207.


Un autre mérite, qui se confond presque avec le premier, consiste à avoir fait découler de la tradition ecclésiastique, avec précision et fidélité, les critères selon lesquels les faits et les oeuvres des saints, ainsi que le témoignage sanglant de leur foi, doivent être jugés. Dans ce domaine également, tellement délicat qu'il se prête par sa nature à des divergences de vues et des discussions, Lambertini se montre ouvert, objectif et loyal. A titre d'exemple, Nous citerons, dans le livre III, chapitre xx, la question du martyre en dehors de la vraie Eglise du Christ25. Après avoir discuté et résolu les cas des faux martyrs, il étudie celui de quiconque, de bonne foi en dehors de l'Eglise, immole sa vie pour une vérité enseignée également par l'Eglise, comme, par exemple, l'existence de Dieu ou la divinité du Christ. Benoît XIV accueille, en en exposant les motifs, la sentence habituelle des théologiens dans sa réponse : Eum mar-tyrem esse posse coram Deo, sed non coram Ecclesia (p. 198). C'est avec une semblable sérénité et en s'appuyant sur de pareils arguments qu'il examine les subtiles questions des limites entre vertus héroïques, et non héroïques, du péché dans la vie des saints, de la nota jactantiae et vanae gloriae et de quaedam extraordinariae actiones, quae a speciali Dei impulsu factae asgeruntur, toutes contenues dans le livre III, chapitres xxxix-xli 28.

Il convient de noter quelle position doit adopter celui qui juge les faits et les oeuvres des saints pour conclure à l'héroï-cité des vertus. Benoît XIV ne trace pas un cadre général de la virtus heroïca, par exemple de la foi et de l'humilité du saint, selon un schéma idéal, sur lequel doit venir se calquer, pour ainsi dire, le saint réel ; lors de l'examen critique, l'attention doit être immédiatement attirée sur les oeuvres des saints, qui témoignent de la virtus heroïca. Quand il est question d'établir le concept de cette dernière et de fixer les règles pour son exacte appréciation, Benoît XIV fait preuve de cette largeur de vues et de cette modération d'esprit, signalées plus haut déjà, qui, du reste, respectent la pratique qu'il connaissait bien, de la procédure romaine. D'une part, il exige de chaque saint une vie de vertu correspondant à son état particulier, et toujours de nouveau, une vertu supérieure à celle du chrétien ordinaire. Ne pourrait certainement pas se réclamer de lui quiconque tendrait à un adoucissement de la sainteté ou de l'effort fait vers elle. Mais, d'autre part, il repousse également cet étrange extrémisme qui trouvait des partisans aux xvne et xvine siècles, encore sous l'influence du jansénisme.


perfectibilité de la procédure établie par Benoit XIV...

Ceux qui, comme beaucoup d'entre vous, s'occupent des procès de béatification et de canonisation, considèrent à juste titre Benoît XIV comme le « maître », par excellence, de leurs dispositions. Nous savons toutefois que dans vos rangs on discute de savoir si les dispositions dictées par lui représentent le point d'arrivée dans la perfection du développement desdits procès, au-delà duquel il est impossible d'aller, ou si son oeuvre n'est qu'une étape avancée sur la voie d'un ultérieur perfectionnement. Etant bien entendu que la vision de la sainteté catholique, telle qu'elle est dépeinte par le Pape Lambertini, a et aura une valeur permanente, il est permis et même utile de discuter sur la perfectibilité de la pratique procédurale établie par lui, car Nous estimons que vouloir laisser la procédure dans la forme rigide qu'elle revêtait de son temps et telle qu'elle se présente dans son oeuvre, ne correspondrait ni à la pensée ni aux intentions de Benoît XIV lui-même. La loi du processus historique des institutions humaines pourrait imposer, même en cette matière, quelques renouvellements dans l'ordonnancement procédural, en vue de le rendre plus apte à remplir ses fonctions, devenues toujours plus complexes et plus nombreuses au cours des deux siècles derniers.


... par l'emploi des techniques modernes,

Dans ce cas, il y aurait lieu, avant tout, d'examiner s'il conviendrait d'adopter ces moyens purement techniques, dont on dispose aujourd'hui, et qui simplifieraient notablement ces procès. Pour n'en citer qu'un exemple, les documents dactylographiés ne sont pas admis actuellement, mais seulement des pièces manuscrites, alors que les premiers représenteraient un avantage considérable de temps, d'exactitude, de commodité de lecture, de facilité de copie. Un semblable recours aux moyens techniques modernes, loin d'offenser la tradition, la continue, attendu que, c'est un fait, le procès de béatification et de canonisation n'est pas resté immobile durant les deux derniers siècles, mais s'est perfectionné dans la mesure où se sont développées les sciences qu'il utilise. Cela s'est produit sur le terrain de la critique historique et de sa force probante. Loin de sous-estimer le sens critique de ce siècle des Mauristes et de la première période des Bollandistes, qui aussi représentait un progrès vis-à-vis du passé, il est cependant certain que ce n'est qu'au XIXe siècle et au xxe que la critique historique a connu le développement et le perfectionnement que lui confèrent la dignité de discipline scientifique, et la valeur de témoignage fidèle. C'est pourquoi Notre immédiat prédécesseur, le Pape Pie XI, remarquable adepte de ces disciplines, n'hésita pas à constituer pour ce qu'on appelle les « causes historiques », auprès de la Sacrée Congrégation des Rites, une « section historique » spéciale dont le rôle est d'examiner l'authenticité et la crédibilité du matériel historique du procès, ainsi que de rechercher elle-même de nouvelles sources de documents.


recours aux sciences médicales...

Une autre nouveauté notable qui s'est produite ces derniers temps concerne les disciplines médicales, auxquelles on doit recourir dans les procès de béatification et de canonisation, avant d'émettre quelque jugement que ce soit. Il est certain que l'état dans lequel elles se trouvaient il y a deux cents ans ne se peut comparer avec leur état présent. Sans s'éloigner du sujet, on peut en avoir une idée d'après l'oeuvre même de Benoît XIV, aux chapitres LI, LII et dernier du livre III28, où il disserte des visiones, apparitiones, revelationes, ou encore au livre IV, chapitre xxvi, n. 26 29, où il traite de différents phénomènes comme les hallucinations. Alors que l'ascétisme et la mystique étaient à même d'offrir un immense champ d'expériences à ce sujet, les connaissances en médecine, au contraire, apparaissent aujourd'hui rudimentaires et insuffisantes. Les procès de béatification et de canonisation ne pouvaient pas ignorer l'énorme développement accompli par les sciences médicale et psychologique depuis Benoît XIV.

28 Opera omnia, t. III. pp. 584-614.
29 Opera omnia, t. IV, pp. 308 et suiv.

Cela intervient dans le jugement qu'il convient de porter sur les précédents psycho-physiques et psychologiques dans la vie du serviteur de Dieu lui-même ; comme sur l'authenticité des miracles que l'on attribue à son intercession après sa mort. C'est pourquoi, en ce qui concerne le second point, Nous avons institué auprès de la Sacrée Congrégation des Rites une Commission médicale chargée d'examiner, dans les cas de guérison affirmée miraculeuse, s'il s'agit d'une véritable guérison d'une maladie déterminée et si cette guérison est inexplicable aux termes des lois naturelles.


par une critique plus sévère des témoignages

Certains ont également manifesté le désir de voir apporter un léger allégement en ce qui concerne les exigences procédurales, par exemple pour ce qui est de l'Office de Revisa et de la répétition des discussions sur le même sujet. D'autre part, à la tendance légitime, voire même louable, au perfectionnement des procès, qui ne retire rien aux mérites de Benoît XIV, ni à sa renommée de « maître », s'offre encore une importante question à résoudre, d'ordre juridique, qui tient à l'essence même de la forme procédurale établie par celui-ci. On sait que le procès, en la forme dans laquelle il l'a laissé, repose essentiellement sur les dépositions sous serment des témoins. L'issue d'un procès dépend donc presque entièrement de la personne des témoins, dont on s'assure des dispositions requises pour témoigner en toute vérité. On doit exiger d'eux qu'ils soient omni exceptione majores, homines bonae vitae et famae, tales, quod eorum dictis et attestationibus, in judicio et extra, plenaria ab omnibus venit fides adhibenda30. Si l'on a trouvé de telles dispositions chez les témoins, on peut estimer que leur déposition faite sous serment donne le maximum de garantie au procès. En théorie, il est impossible de demander davantage au témoignage humain, mais, en fait, quels moyens a-t-on pour établir la disposition subjective du témoin à mériter la plenaria fides ? Est-on toujours certain, au moins dans la mesure admise, que les dépositions sous serment de ces témoins donnent une certitude objective à la vérité ? L'enquête psychologique, aujourd'hui plus développée que par le passé, et l'expérience judiciaire dont on dispose, permettent les doutes et conseillent la prudence. Les réponses aux interrogatoires établis et aux questions particulières suffisent-elles pour se faire une idée complète et exacte de la personne dont il est question ? Ne serait-il pas opportun, comme contre-épreuve et complément d'enquête, de dresser un rapport récapitulatif de témoins qualifiés ou d'experts, spécialement si le procès concerne des personnages ayant eu un rôle en vue dans la vie publique ? Nous n'avons actuellement que l'intention de proposer ces questions à l'examen des hommes compétents, confiant qu'elles seront étudiées avec toute la largeur de vues, l'objectivité et l'équilibre qui ont caractérisé le grand esprit de Benoît XIV.

30 Lib. il, ch. L, n. 4, Opera omnia, t. II, p. 433. Cf. aussi Codex pro Postulatoribus, éd. 4, Roma 1929, pp. 128-129.


Vénérables Frères et chers fils ! Au moment de conclure Notre participation insuffisante, à vrai dire, à la commémoration du centenaire du plus grand Pape du xvnie siècle, Benoît XIV, il Nous revient en mémoire cette demande : en quoi et à quel point sa supériorité en tant que pontife, que législateur et que maître, a-t-elle exercé une influence sur la vie de l'Eglise et des fidèles des siècles suivants ? On peut tenter quelque réponse, qui ne prétend pas être cependant ici un jugement général porté sur les deux derniers siècles.

Comme Pontife, Benoît XIV, continuant à suivre la voie tracée par ses prédécesseurs, réaffirma et consolida, à l'aide des Concordats et malgré les larges concessions faites, la substantielle indépendance du Saint-Siège vis-à-vis des pouvoirs civils, et la conserva à l'abri des erreurs et des fausses directions suivies dans la seconde moitié du xvine siècle, dégageant ainsi sa responsabilité de ce qui survint de déplorable au cours des bouleversements de la fin du siècle. Si le pontificat romain sortit de cette tempête considérablement fortifié et se reprit à briller aux yeux des peuples d'une lumière plus éclatante, il le doit principalement au fait que, sur la Chaire de Pierre, s'étaient succédé des Pontifes comme Benoît XIV, aux moeurs irrépréhensibles, d'une loyauté à toute épreuve, et soucieux du bien spirituel des peuples, au-dessus de tout intérêt temporel.

En même temps, selon un clair dessein de la Providence, Benoît XIV, en tant qu'insigne législateur, prépara l'Eglise à affronter la grande crise du siècle, en amenant de bonne heure clergé et laïques à serrer les rangs par la réforme éclairée des lois. Que serait-il advenu, au contraire, si la tornade révolutionnaire avait surpris l'Eglise en train de se débattre dans l'incertitude de ses lois et dans le relâchement de sa discipline intérieure ?

Mais l'influence de Benoît XIV est encore plus nette, en tant que maître, dans le sens que Nous avons dit, et, au moins indirectement, comme divulgateur de la sainteté parmi les membres du Corps mystique du Christ. Il est difficile de dire si le catholicisme du xviii6 siècle jugeait vraisemblable le retour de l'époque des martyrs au centre même de l'Europe. La réalité est qu'il sut donner, et en grand nombre, des martyrs dignes des premiers jours de l'Eglise, tandis que, depuis lors, se sont surtout multipliés les saints confesseurs dignes des honneurs des autels, dont Dieu seul connaît le nombre qui est plus grand. L'Esprit divin souffle où il veut (cf. Jn 3,8), mais il est certain qu'un siècle et une société, où le culte des saints serait délaissé et où se serait refroidi le sens de l'admiration pour l'héroïsme des vertus, ne seraient pas les champs les mieux indiqués pour une splendide floraison de saints.

Vers un nouvel iconoclasme ?

A ce sujet, Nous désirerions ajouter une exhortation de caractère général. Depuis quelques dizaines d'années, on remarque un mouvement qui souhaiterait voir disparaître le plus possible des temples sacrés les images des saints et diminuer aussi leur vénération. Les églises qui sont construites et meublées dans cette idée, apparaissent ainsi marquées d'un « froid iconoclasme », comme muettes et vides. Comment juger cette tendance à la lumière de la tradition catholique ? Il est vrai que l'Eglise laisse à chacun la liberté d'accorder, pour ce qui est de sa piété personnelle, une plus ou moins large part à la vénération des saints, mais personne ne peut nier cependant, sans offenser la foi catholique, que ceux qui ont été élevés par l'Eglise aux honneurs des autels sont dignes de vénération même publique. Dans la pratique, il appartient aux Ordinaires des lieux de veiller à ce que la vénération des saints ne soit pas contestée ni négligée, mais qu'elle fasse l'objet de cérémonies publiques et que leurs images continuent à être honorées dans la forme et la mesure conformes aux règles de la foi. Il y a, en outre, à la racine de cette tendance quelque chose de malsain qui rejaillit désavantageusement sur la vie et les traditions chrétiennes. Si cette tendance venait à s'affirmer, on verrait surtout se dessécher notablement, spécialement parmi le peuple, la veine généreuse d'avantages spirituels, qui sourd du dogme de la Communio Sanctorum dont la vénération des saints, les conversations que l'on a avec eux, et les prières qu'on leur adresse, constituent un élément essentiel. Quiconque prétendrait en cela à une forme « plus pure et spirituelle » devrait se souvenir comment se comportait le christianisme des premiers siècles vis-à-vis de la mémoire et des dépouilles mortelles des martyrs et quels émouvants exemples il a laissés de leur culte aux générations futures. La vénération des saints est donc la très noble hérédité que nous a léguée la chrétienté primitive. Puis, au viii6 et ixe siècles, l'Eglise eut à lutter durement pour avoir le droit de représenter en images le Christ et les saints. Si le saint peuple catholique de tous les temps lui en est resté très reconnaissant, la culture de son côté, ne peut lui en savoir moins gré, si l'on pense aux pertes que l'art aurait eu à subir du fait de l'affirmation des visées iconoclastes. L'Eglise, qui n'entend pas abdiquer ce titre de noblesse qui lui vient de cette tradition, a toujours favorisé et encouragé l'art, spécialement l'art religieux. C'est pourquoi elle se sent obligée également de défendre l'art contre ces tendances qui, consciemment ou non, ont conduit quelquefois à dénaturer et défigurer le reflet de la dignité et de la beauté du Créateur dans l'homme. Pour semblable art, il n'est pas de place dans le sanctuaire. L'art chrétien, et surtout son plus intime milieu, l'art sacré, doivent être toujours dignes de Dieu et des hommes : de Dieu, qu'ils sont appelés à glorifier ; des hommes, qu'ils doivent rapprocher de Dieu.

A vous, Vénérables Frères et très chers fils, afin que le Seigneur répande ses grâces surabondantes sur votre activité dans votre importante fonction qui consiste à témoigner au monde combien est riche de sainteté le Corps mystique du Christ, Nous donnons, avec une chaleureuse effusion, Notre Bénédiction apostolique.


TESTAMENT DE PIE XII


« Miserere mei Deus, secundum [magnam] misericordiam tuam ». Ces paroles que je prononçais au moment où j'acceptais en tremblant mon élection comme Souverain Pontife, conscient de ne pas la mériter, ces paroles, je les répète aujourd'hui avec d'autant plus de fondement que je me rends compte de mes faiblesses, des fautes que j'ai commises au cours d'un si long pontificat, et en une époque si grave qu'elle a fait apparaître plus clairement à mon esprit mon insuffisance et mon indignité.

Je demande humblement pardon à ceux que j'ai pu offenser, à qui j'ai pu nuire, que j'ai scandalisés par mes paroles et mes oeuvres. Je prie ceux que cela regarde de ne pas s'occuper ni de se préoccuper d'ériger quelque monument que ce soit en souvenir de moi.

Il suffit que mes pauvres restes mortels soient placés simplement dans un lieu sacré, qui me sera d'autant plus agréable qu'il sera obscur.

Je n'ai pas besoin de solliciter des prières pour mon âme. Je sais combien sont nombreuses celles que les normes habituelles de la foi apostolique et la piété des fidèles offrent à tout Pape défunt.

Je n'ai pas besoin non plus de laisser « un testament spirituel » comme ont l'habitude louable de le faire tant de prélats zélés, parce que les nombreux actes et discours que les nécessités de mes fonctions m'ont amené à accomplir ou à prononcer suffisent à faire connaître, à ceux qui par aventure le désireraient, ma pensée au sujet des différentes questions religieuses et morales.

Ceci dit, je nomme mon héritier universel le Saint-Siège apostolique dont j'ai tant reçu comme d'une mère très aimée.



15 mai 1956.






CONGREGATIONS ROMAINES



SUPRÊME CONGRÉGATION DU SAINT-OFFICE DÉCRETS ET COMMUNICATIONS

14 février1


Décret concernant toute innovation dans les prières ou cérémonies liturgiques :

Il a été rapporté à cette Suprême Sacrée Congrégation que certains sous couleur de retour à l'ancienne liturgie ou d'encouragement à la participation des fidèles aux offices divins, essaient par des publications d'introduire dans les cérémonies liturgiques et même dans la célébration de la messe de nouvelles ou d'anciennes prières, ou des lectures des Saintes Écritures, ou d'en supprimer des passages.

C'est pourquoi cette Suprême Congrégation, avec l'approbation du Souverain Pontife, recommande aux Ordinaires des lieux, dont c'est le droit et le devoir de veiller à l'observation stricte des prescriptions des saints canons qui regardent le culte divin2 de ne point permettre que de nouveaux rites, ni cérémonies, ni lectures, ni prières ne soient introduits dans les offices divins, ni qu'on en retranche quoi que ce soit sans l'avis du Siège apostolique.

Qu'ils rappellent aux membres du clergé tant séculier que régulier, qu'il n'appartient qu'au Saint-Siège de régler la sainte liturgie, d'approuver les livres liturgiques et les nouvelles litanies récitées publiquement (can. 1257 et can. 1259, § 2) ; que les prières et les exercices de piété ne peuvent être permis dans les églises ou oratoires sans le contrôle et la permission expresse de l'Ordinaire du lieu qui, dans les cas embarrassants, soumettra toute l'affaire au Saint-Siège 3.
18 février 4


Avertissement au sujet du baptême des enfants :

1 D'après le texte latin des A. A. S., 50, 1958, p. 114 ; traduction française de la Documentation Catholique, du 2 mars 1958, col. 277.

2 Can. 1261, § 1.

3 Can. 1259, § 1.

4 D'après le texte latin des A. A. S., 50, 1958, p. 114 ; traduction française de la Documentation Catholique, du 2 mars 1958, col. 280.




En certains endroits, on a pris l'habitude de différer l'administration du Baptême pour des motifs spécieux, soit de commodité, soit d'ordre liturgique. Certaines opinions, dépourvues de fondement solide, sur le sort dans l'éternité des enfants morts sans Baptême, peuvent favoriser ces manières de faire.

C'est pourquoi cette Suprême Sacrée Congrégation, avec l'approbation du Souverain Pontife, avertit les fidèles que les enfants doivent être baptisés le plus tôt possible, comme il est prescrit au canon 770. Les curés et les prédicateurs sont invités à insister sur l'exécution de cette obligation.
17 juin 5


Décret condamnant et portant à l'Index quatre livres de Henri Duméry :

1. Philosophie de la religion, Presses Universitaires de France, Paris, 1957, 2 vol. ;

2. Critique et religion, Sedes, Paris, 1957 ;

3. Le problème de Dieu en philosophie de la religion, Désolée de Brou-wer, Bruges, 1957 ;

4. La foi n'est pas un cri, Casterman, Tournai, 1957.
24 juillet 6


Avertissement au sujet des changements dans la forme des sacrements : Cette Suprême Sacrée Congrégation a appris que, dans une traduction en langue vulgaire du nouvel Ordo de la Semaine sainte, ont été omis les mots Mysterium Fidei dans la forme de la consécration du calice. De plus, on a rapporté que des prêtres omettaient ces mêmes mots dans la célébration même de la messe.

Aussi cette Suprême Congrégation rappelle qu'il est sacrilège d'apporter des changements dans une chose si sainte et de faire des suppressions ou additions dans les éditions des livres liturgiques 7.

5 D'après le texte latin de VOsservatore Romano, du 21 juin 1958.

6 D'après le texte latin des A. A. S., 50, 1958 ; traduction française de la Documentation Catholique, du 17 août 1958, col. 1062.

v Cf. Can. 1399, 100. 3 Cf. Supra, p. 621.




Que les évêques se préoccupent donc, suivant le sens de l'avertissement du Saint-Office du 14 février 1958 8, de la stricte observation des prescriptions des saints canons touchant le culte divin et qu'ils veillent soigneusement à ce que nul n'ait l'audace d'introduire aucun changement même le plus léger dans la forme et la matière des sacrements.




SACRÉE CONGRÉGATION DU CONCILE

15 février1




DÉCLARATION D'EXCOMMUNICATION DE TROIS PRÊTRES HONGROIS

La Sacrée Congrégation du Concile, dans un décret du 16 juillet 1957, n° 25446/D, en raison des conditions particulières à la Hongrie, pour maintenir intacte la dignité sacerdotale et empêcher le mal public des âmes, avait déclaré ce qui suit sous peine d'encourir ipso facto l'excommunication spécialement réservée au Saint-Siège :

« En Hongrie, il est interdit aux prêtres, soit séculiers, soit religieux, de solliciter ou d'accepter un mandat de député ou toute autre charge au Parlement ; les prêtres, soit séculiers, soit religieux, qui exercent déjà une charge au Parlement, doivent s'en démettre dans le mois qui suit la publication de oe décret. Il leur est également interdit d'assister aux séances du Parlement et de participer à toutes activités connexes à la charge dont ils se sont démis. » 2

Les prêtres Richard Horvath, Nicolas Beresztoczy et Jean Mate, ayant violé ces règles, cette même Sacrée Congrégation du Concile, en vertu des canons 2223 § 4 et 2229 § 3 30, par mandat spécial de S. S. Pie XII, déclare que lesdits prêtres ont encouru l'excommunication spécialement réservée au Saint-Siège avec ses effets énumérés dans les canons 2259-2267.

La même Sacrée Congrégation a déclaré de plus que ces prêtres ne pourront être absous de ladite excommunication s'ils n'ont auparavant renoncé effectivement et définitivement à la charge susdite et donné des signes certains de résipiscence. Elle a confiance qu'il en sera ainsi et elle souhaite vivement ne pas être obligée malgré elle à les châtier plus gravement comme contumaces.

1 D'après le texte latin des A. A. S., 50, 1958, p. 116 ; traduction française de la Documentation Catholique, du 30 mars 1958, col. 407.

2 A. A. S., XXXXIX, 1957, P- 637 ; cf. Documents Pontificaux 1957, p. 765.




Nonobstant toutes choses contraires, même dignes d'une mention spéciale.


SACRÉE CONGRÉGATION DES RITES DÉCRETS ET COMMUNICATIONS

5 février [1]


Décret permettant de réitérer la bénédiction des Cendres à la messe du soir :

Sur les instances de quelques Ordinaires, le Souverain Pontife, le Pape Pie XII, après l'avis favorable de la Sacrée Congrégation des Rites, accorde aux Ordinaires des lieux la faculté de permettre que, dans les églises où la messe du soir se célèbre habituellement avec un grand concours de fidèles, la bénédiction des Cendres, qui, selon les rubriques doit se faire le mercredi des Cendres, une seule fois le matin avant la messe principale, puisse se réitérer encore avant la messe du soir.
3 septembre [2]



INSTRUCTION « DE MUSICA SACRA » SUR LA MUSIQUE SACRÉE ET LA LITURGIE



Les Souverains Pontifes de notre époque ont publié trois importants documents au sujet de la musique sacrée : le Motu proprio de saint Pie X, Ira le sollecitudini, du 22 novembre 1903 ; la Constitution apostolique de Pie XI, d'heureuse mémoire, Divini cultus, du 20 décembre 1928 ; enfin l'Encyclique Musicae sacrae disciplina de Pie XII, du 25 décembre X955 ; il y eut aussi de nombreux autres documents pontificaux de moindre importance et des décrets de cette Sacrée Congrégation des Rites, réglementant plusieurs questions relatives à la musique sacrée.

Il n'échappe à personne qu'il y a entre la musique sacrée et la liturgie, du fait de leur nature, des liens si étroits que l'on peut difficilement réglementer l'une en négligeant l'autre. De fait, dans les documents pontificaux sus-énon-cés et dans les décrets de la Sacrée Congrégation des Rites, il est à la fois question de musique sacrée et de liturgie.

Le Souverain Pontife Pie XII, avant l'Encyclique sur la musique sacrée, en avait publié une autre, également très importante, sur la liturgie, l'Encyclique Mediator Dei, du 20 novembre 1947, dans laquelle la doctrine liturgique et les besoins de la pastorale étaient exposés d'une façon admirablement coordonnée. De sorte qu'il a paru très opportun de réunir les principaux chapitres de ces documents traitant de la liturgie et de la musique sacrée, ainsi que de leur valeur pastorale, et de les rappeler plus spécialement dans une instruction particulière, de façon à appliquer avec plus de facilité et de sécurité ce qui est exposé dans ces mêmes documents.

C'est ainsi que travaillèrent à la rédaction de cette Instruction des experts en question de musique sacrée et la Commission pontificale pour le renouveau général de la liturgie.

Tout le contenu de l'Instruction est résumé comme suit :

Chapitre premier. — Notions générales (n Os 1-10).

Chapitre II. — Règles générales (11-21).

Chapitre III. — Règles spéciales (22-118).

1. Des principales actions liturgiques où l'on fait usage de la musique sacrée.

A. La messe.

a) Quelques principes généraux au sujet de la participation des fidèles

(22-23).

b) La participation des fidèles à la messe chantée (24-27).

c) La participation des fidèles à la messe lue (28-34).

d) La messe conventuelle ou messe « in choro » (35-37).

e) L'assistance des prêtres au Saint Sacrifice de la messe et des messes dites « synchronisées » (38-39).

B. L'office divin (40-46).

C. La bénédiction du Saint Sacrement (47).

2. De certains genres de musique sacrée.

A. La polyphonie sacrée (48-49).

B. La musique sacrée moderne (50).

C. Le chant populaire religieux (51-53).

D. La musique religieuse (54-55).

3. Des livres de chant liturgique (56-59).

4. Des instruments de musique et des cloches.

A. Quelques principes généraux (60).

B. L'orgue classique et les instruments similaires (61-67).

C. La musique sacrée instrumentale (68-69).

D. Des instruments de musique et des appareils automatiques (70-73).

E. La retransmission des cérémonies liturgiques par la radio et la télévision (74-79).

F. Temps où l'usage des instruments de musique est interdit (80-85).

G. Les cloches (86-92).

5. Des personnes qui ont les rôles principaux dans la musique sacrée et la liturgie (93-103).



6. De l'étude de la musique sacrée et de la liturgie.

A. La formation générale du clergé et du peuple à la musique sacrée et à la liturgie (104-112).

B. Les Instituts publics et privés pour le progrès de la musique sacrée (113-118).

Ainsi, après quelques notions générales (chapitre premier), il est donné des règles générales en ce qui concerne l'usage de la musique sacrée dans la liturgie (chapitre II) ; ces bases étant posées, toute la question est expliquée dans le chapitre III ; dans chacun des paragraphes de ce chapitre sont donnés d'abord quelques principes importants dont découlent ensuite d'elles-mêmes les règles spéciales.




Pie XII 1958 - LE CANONISTE ET LE LÉGISLATEUR