Catéchèses Paul VI 23469

23 avril 1969: VALEUR ET PORTEE DE LA « CONSECRATION DU MONDE »

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Chers Fils et Filles,



Parlons encore du Concile, Nous devrons encore en parler longtemps. Notre époque est marquée par cet événement. Que nos fréquentes allusions à ce qu'il dit ne soient pas ennuyeuses pour vous, car il influence toute la vie de l'Eglise, ne fut-ce que par le langage nouveau qu'il a mis en honneur dans l'enseignement de la doctrine chrétienne. Des locutions nouvelles, même si elles étaient antérieures au Concile, même si elles peuvent se retrouver dans la littérature traditionnelle, sont devenues d'usage courant, ont acquis une signification caractéristique, importante aussi bien pour la pensée théologique que pour la pratique habituelle entre nous croyants.

Une de ces expressions est la suivante « consecratio mundi », la consécration du monde. Cette expression a des racines lointaines, mais elle doit au Pape Pie XII d'avoir été rendue particulièrement expressive dans le domaine de l'apostolat des laïcs. Nous la trouvons dans le discours que ce grand Pape a prononcé à l'occasion du deuxième Congrès mondial de l'apostolat des laïcs (cf. Discorsi, XIX, p. 459, et AAS, 1957, p. 427) ; il y avait fait également allusion en d'autres occasions (cf. Discorsi, III, p. 460 ; XIII, 295 ; XV, 590 ; etc.). Plus explicitement, le 5 octobre 1957, il affirmait que la « consecratio mundi » pour ce qui est de l'essentiel, est l'oeuvre des laïcs « qui se sont insérés intimement dans la vie économique et sociale ». Nous-même avons employé cette locution dans notre lettre pastorale de 1962 à l'archidiocèse de Milan (cf. Rivista Diocesana, 1962, p. 263). Et l'expression est passée (nouvelle preuve de la continuité cohérente de l'enseignement ecclésial) dans les documents du Concile : « Les Laïcs, dit la constitution dogmatique sur l'Eglise, consacrent à Dieu le monde lui-même » (Lumen gentium,
LG 34, voir aussi LG 31 LG 35 LG 36 ; Apostolicam actuositatem, AA 7, etc.).


Le sens des mots


Pour évaluer cette expression Nous devrons analyser la signification de trois mots : consécration, monde, laïcs. Ce sont des mots riches de contenu, et qui ne sont pas toujours utilisés de manière univoque. Ici il nous suffira de rappeler que par consécration Nous voulons dire non pas la séparation d'une chose profane pour la réserver exclusivement à un but précis, plus particulièrement à la divinité, mais, dans un sens plus large, le rétablissement d'une relation à Dieu pour une chose, selon son ordre propre, selon l'exigence de la chose elle-même, dans le dessein voulu de Dieu (cf. lazzati, in Studium 1959, pp. 791-805 ; congar, Jésus-Christ, pp. 215 ss.).

Par monde, Nous voulons comprendre le complexe des valeurs naturelles, positives, qui sont dans l'ordre temporel, ou, comme le dit le Concile (Gaudium et spes, GS 2) : « la famille humaine tout entière avec l'univers au sein duquel elle vit ».

Et par le mot « laïcs » que voulons-Nous dire ? Il y a eu une grande discussion pour préciser la signification ecclésiale de ce mot, pour arriver à cette définition descriptive : le laïc est un fidèle, appartenant au peuple de Dieu, distinct de la hiérarchie, laquelle est séparée des activités temporelles (cf. Ac 6,4) et préside la communauté en lui dispensant les « mystères de Dieu » (cf. 1Co 4,1 2Co 6,4), et qui a au contraire un rapport déterminé et temporel avec le monde profane (cf. E. schillebeeckx, La Chiesa del Vat. II, p. 960 ss.).


L'Eglise et l'engagement temporel des laïcs chrétiens


De la simple considération de ces mots, semble surgir une difficulté : comment peut-on penser à une « consecratio mundi » aujourd'hui, alors que l'Eglise a reconnu l'autonomie de l'ordre temporel, c'est-à-dire le monde, comme il est, ayant ses fins propres, ses lois propres, ses moyens propres (cf. Apostolicam actuositatem, AA 7 Gaudium et spes, GS 42, etc.) ? La position nouvelle de l'Eglise en ce qui concerne les réalités terrestres est désormais connue de tous : elles ont une nature qui jouit d'un ordre ayant, dans le cadre de la création, sa raison en soi, même si elle est subordonnée à l'ordre de la rédemption : le monde est par lui-même profane, détaché de la conception unitaire de la chrétienté médiévale ; il est souverain dans son domaine, qui couvre tout le monde de l'homme. Comment peut-on penser alors à la consécration ? Ne retourne-t-on pas à une conception sacrale, cléricale du monde ?

Voici la réponse, et voici la nouveauté conceptuelle et extrêmement importante dans le domaine pratique. L'Eglise admet, même pour ses fidèles du laïcat catholique, quand ils agissent sur le terrain de la réalité temporelle, une certaine émancipation ; elle leur attribue une liberté d'action et leur propre responsabilité, leur fait confiance. Pie XII a également parlé d'une « laïcité légitime de l'Etat » (AAS, 1958, p. 220). Le Concile recommandera aux pasteurs de reconnaître et de promouvoir « la dignité et la responsabilité des laïcs » (Lumen gentium, LG 37), mais ajoutera, parlant des laïcs et à des laïcs, que « la vocation chrétienne est de sa nature une vocation à l'apostolat » (Apostolicam actuositatem, AA 2) ; et alors qu'il leur concède, leur recommande même d'agir dans le monde profane en observant parfaitement les devoirs qui en découlent, il les charge d'y mettre trois réalités (en parlant très empiriquement) c'est-à-dire : l'ordre correspondant aux valeurs naturelles, propres au monde profane (valeurs culturelles, professionnelles, techniques, politiques, etc.), l'honnêteté et l'habileté, nous pourrions dire la compétence et le dévouement, l'art de développer convenablement et de réaliser ces mêmes valeurs. Le laïc catholique devrait être, sous cet aspect aussi, un parfait citoyen du monde, un élément positif et constructeur, un homme méritant l'estime et la confiance, une personne aimant la société et son pays. Nous espérons qu'on pourra toujours penser cela de lui et Nous attendons qu'il ne cède pas au conformisme de tant de mouvements de contestation, qui traversent aujourd'hui, de diverses manières, le monde moderne. La première lettre de l'apôtre Pierre, et certaines pages de celles de saint Paul (par exemple Rm 13) mériteraient, de la part de beaucoup qui se disent actifs en fonction de leur laïcat catholique, une méditation sérieuse.


Apporter au monde le ferment chrétien


L'autre influence que l'Eglise, et pas seulement le laïcat, peut exercer dans le monde profane, en le laissant tel quel et en même temps en l'honorant d'une consécration, c'est de l'animer de principes chrétiens. Le Concile nous fait comprendre que cette animation est une consécration (Apostolicam actuositatem, AA 7 Gaudium et spes, GS 42). Si ces principes chrétiens, ont gardé leur vraie signification verticale, c'est-à-dire leur référence au terme suprême et dernier de l'humanité, ils sont religieux et surnaturels, et dans leur efficience, qui aujourd'hui se dit horizontale, terrestre, ils sont extrêmement humains ; ces principes sont l'interprétation, la vitalité inépuisable, la sublimation de la vie humaine en tant que telle. Le Concile parle, à ce propos, de « compénétration de la cité terrestre et de la cité céleste (pour) contribuer à humaniser toujours plus la famille des hommes et son histoire » (Gaudium et spes, GS 40). Il rappelle aux laïcs « qu'ils doivent activement participer à la vie totale de l'Eglise. Ils ne doivent pas seulement s'en tenir à l'animation chrétienne du monde, mais ils sont aussi appelés à être, en toute circonstance et au coeur même de la communauté humaine, les témoins du Christ » (Gaudium et spes, GS 43 Apostolicam actuositatem, AA 2).

C'est dans ce sens que l'Eglise, et plus particulièrement les laïcs catholiques, confèrent au monde un nouveau degré de consécration, non pas en y apportant des signes spécifiquement sacrés et religieux (qui sont cependant, en certaines circonstances et formes, valables) mais en l'ordonnant, « dans l'exercice de l'apostolat dans la foi, l'espérance et la charité » (Apostolicam actuositatem AA 3), au règne de Dieu : « Qui sic ministrat », qui sert ainsi le prochain, sert le Christ, dit une belle page de S. Augustin (In Io., tract. 51, 12 : PL 35, 1768). C'est la sainteté, qui rayonne sur le monde et dans le monde. Que ce soit la vocation de notre époque, de nous tous, chers Fils, avec Notre Bénédiction.





30 avril 1969: CATHERINE DE SIENNE, MODELE EXEMPLAIRE D'ATTACHEMENT A L'EGLISE

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Chers Fils et Filles,



Aujourd'hui, 30 avril, c'est jour de fête pour nous. C'est la fête de Sainte Catherine de Sienne. Pie II, qui était lui aussi de Sienne, la proclama sainte en 1461 (rappelez-vous la magnifique fresque de Pinturicchio qui illustre cet événement, et qui se trouve dans la Bibliothèque Piccolomini de Sienne). Pie IX la déclara deuxième Patronne de Rome (1866) ; Pie XII la voulut aussi, comme saint François d'Assise, patronne de l'Italie (1939). Et le Pape ne peut oublier tout ce que les pontifes romains et l'Eglise tout entière doivent à cette femme si particulière, dont la vie ne fut jamais assez étudiée et louée. Il est beau qu'une statue d'elle ait été placée, il y a quelques années, entre le château Saint-Ange et le début de la Via della Conciliazione, en direction du Vatican. Il est beau que tant de familles religieuses et d'Associations féminines catholiques l'aient choisie comme protectrice et guide. Peut-être vous aussi connaissez-vous quelque chose de beau d'elle, ce qui suffit au moins pour insérer le nom de sainte Catherine de Sienne parmi les plus doux, les plus originaux, les plus grands de l'histoire. On le sait, elle mourut très jeune ici à Rome ; mais ses trente années de vie (1347-1380) furent si intenses de vie intérieure et si dramatiques de vie extérieure, si fécondes d'expressions littéraires, si importantes parmi les événements politiques et ecclésiastiques du XIV° siècle, qu'elles obligent le théologien, l'historien, le lettré, l'artiste, à considérer Catherine comme un phénomène unique en son genre, et à voir en elle une maîtresse des choses divines, une mystique inspirée et stigmatisée, une femme hardie, simple et capable en même temps, qui osa avoir des initiatives diplomatiques aussi candides que sages, un auteur illettré, qui dicte des livres et divulgue un ensemble de correspondance apostolique très vivante, une vierge en extase dans sa prière et tout entière consacrée à aider les souffrants, capable de fasciner par ses paroles qui transformaient ses auditeurs en disciples, en amis très fidèles. Nous devrons toujours nous rappeler que ce fut elle, Catherine, qui convainquit le jeune pape français Grégoire XI (il avait quarante ans), qui avait une mauvaise santé et un esprit craintif, de quitter Avignon, où le Siège apostolique s'était transféré en 1305 après la mort soudaine de Benoît XI sous le Pape Clément V, et à retourner en 1376 en Italie, pays qui était en proie à d'amères divisions, à Rome, qui était dans des conditions très agitées. Et ce fut Catherine qui, aussitôt après la mort de Grégoire XI, soutint son successeur Urbain VI dans les difficultés du fameux « schisme d'Occident », qui commença avec l'élection de l'antipape Clément VII.

Son histoire est extrêmement complexe et très documentée. Cette histoire sera toujours trop longue à raconter en détail ; le cadre historique dans lequel elle se déroule est si caractéristique et dramatique que quiconque essaie de le décrire par rapport à cette humble et splendide protagoniste, est obligé de choisir ou de résumer.


Un grand amour de l'Eglise...


De cette vie exceptionnelle un aspect surtout nous intéresse: celui que nous croyons le plus caractéristique, son amour pour l'Eglise. C'est un aspect qui imprègne, au-dedans et au-dehors, toute la personnalité de Catherine. Les biographes et les hagiographes ne peuvent pas ne pas le noter: Catherine est la Sainte met à la première place l'amour de l'Eglise et spécialement l'amour du Pontificat. On pourrait remplir un livre de citations comme celle-ci : « ô Dieu éternel, reçois le sacrifice de ma vie dans ce corps mystique de la sainte Eglise. Je n'ai rien d'autre à donner que ce que Tu m'as donné ». « Prends mon coeur donc et serre-le sur cette Epouse ... » (Lett. 371).

« L'Eglise est donc, écrit Joergensen, du point de vue intellectuel et moral, le centre de l'existence, elle est la parole d'énigme de la vie et elle en est la valeur absolue, la valeur essentielle. Dans ce monde de relativité, elle seule, est positive... (P. 511). L'Eglise est le plus grand amour de Catherine. Aucun saint, peut-être, n'a autant aimé l'Eglise qu'elle. Dans l'âme de Sainte Catherine, l'Eglise s'identifie au Christ » (tincani, p. 39).


... d'une Eglise réelle


Dans ces quelques mots nous remarquerons trois points. D'abord, sainte Catherine a aimé l'Eglise dans sa réalité qui, comme nous le savons a un double aspect : le premier, mystique, spirituel, invisible, l'aspect essentiel et confondu avec le Christ Rédempteur glorieux, qui ne cesse de répandre son sang (qui a autant qu'elle parlé du Sang du Christ ?), sur le monde à travers son Eglise ; le second aspect est humain, historique, institutionnel, concret, mais jamais séparé de l'aspect divin. Il faut se demander si nos critiques actuelles de l'aspect institutionnel de l'Eglise sont en mesure de noter cette simultanéité, et si de leurs longues dissertations ou vivisections du Corps mystique du Christ qu'est l'Eglise (non seulement céleste mais terrestre, cette Eglise dans le temps, juridique, personnifiée par des hommes faits de l'argile d'Adam, et animés des dons de l'Esprit Saint), pourrait venir une expression semblable à celle qu'on a souvent citée et qui qualifie le Pape : « O Pape, doux Christ sur la terre... » (Lett. 185). Catherine aime l'Eglise comme elle est (cf. taurisano, Dialogo, cit. Cordovani, p. il).

Ajoutons un second point. Catherine n'aime pas l'Eglise pour les mérites humains de qui lui appartient ou la représente. Si on pense aux conditions dans lesquelles se trouvait l'Eglise alors, on comprend bien que son amour avait bien d'autres motifs ; et on le déduit du langage libre et franc avec lequel Catherine dénonce les plaies de l'organisation ecclésiastique de cette époque en invoquant la réforme. Sainte Catherine ne cache pas les fautes des hommes d'Eglise, mais tout en s'élevant contre cette décadence, elle la considère comme une raison supplémentaire et une nécessité d'aimer davantage.

Alors apparaît le vrai motif — et c'est le troisième point — : la mission de l'Eglise, la dignité sacerdotale, la fonction sacramentelle, « la vérité première et fondamentale que l'Eglise conserve et communique aux âmes, la réalité de l'amour de Dieu pour ses créatures » (tincani, 37). « Cette grandeur — écrit Catherine dans le splendide chapitre 110 de son Dialogue — est donnée en général à toute créature raisonnable (elle fait peut-être allusion au « sacerdoce des fidèles »), mais parmi ces créatures j'ai élu (c'est Dieu qui parle) mes ministres pour votre salut, afin que par eux vous soit administré le Sang de l'Agneau Unique, humble et immaculé, mon Fils. A ceux-là est donné d'administrer le Soleil, en leur donnant la lumière de la science, la chaleur de la charité divine ». Le Concile ne parle pas différemment (cf. Lumen gentium,
LG 24).


Offrande d'une vie pour l'Eglise


C'est cela l'amour de Catherine : l'Eglise hiérarchique est le ministère indispensable pour le salut du monde. Et c'est pour cette raison que sa vie deviendra un drame, mystique et physique, de souffrance, de prière, d'activité. « La croix au cou et l'olivier à la main » (Lett. 219) devint sa mission spirituelle et sociale. La définition que Catherine donna d'elle-même est bien connue. « Dans Ta nature, Dieu éternel, je connaîtrai ma nature », dit-elle dans son oraison (24) ; « et quelle est ma nature ? C'est le feu » (cf. joergensen, 495).

Il est bon de rappeler le dernier épisode mystique de sa vie. Exténuée, et en proie au jeûne et à la maladie, Catherine venait chaque jour à Saint-Pierre ; la Basilique avait encore son ancienne construction, c'est-à-dire dans l'atrium un jardin, sur la façade une mosaïque connue, exécutée par Giotto pour le jubilé de 1300, et appelée la « navicella » (maintenant à l'intérieur de la nouvelle Basilique) qui reproduisait la scène de la barque de Pierre, secouée par la tempête nocturne, et représentait l'apôtre qui ose aller à la rencontre du Christ marchant sur les vagues, symbole de la vie toujours dangereuse et toujours miraculeusement sauvée du divin Maître mystérieux. Un jour, c'était le 29 janvier 1380, vers l'heure des vêpres, le dimanche de sexagésime, — ce fut la dernière visite de Catherine à Saint-Pierre, — elle vit, absorbée en extase dans sa prière, que Jésus, se détachant de la mosaïque, s'approchait d'elle et posait sur ses faibles épaules la barque, la barque lourde et agitée de l'Eglise ; et Catherine tomba, comme opprimée par un si grand poids, perdant les sens. Le sacrifice de Catherine, historiquement, parut un échec. Mais qui peut dire que son amour brûlant s'éteignit inutilement, si des myriades d'âmes vierges et des foules de prêtres et de laïcs fidèles et actifs en firent le leur. Il brûle encore, avec les paroles de Catherine : « Doux Jésus, Jésus amour » ?

Que ce feu reste le nôtre, qu'il nous donne la force de répéter la parole et le don de Catherine : « J'ai donné ma vie pour la sainte Eglise » (raimondo da capua, Vita, III, 4). Avec Notre Bénédiction Apostolique.


Salutations: fonctionnaires catholiques

Parmi les groupes de pèlerins présents à cette audience, Nous sommes particulièrement heureux de saluer les Equipes chrétiennes de la fonction publique, qui constituent l’Union nationale des fonctionnaires catholiques, venus à Rome pour le quarantième anniversaire de l’existence de leur mouvement, d’abord union professionnelle, puis devenu un mouvement d’action catholique dans le milieu des administrations publiques.

Chers Fils et Filles, vous appartenez à un corps qui joue un rôle très important dans la vie des sociétés modernes. Quelle que soit votre place personnelle dans l’administration à laquelle vous appartenez, c’est un double service qui est le vôtre, celui de l’homme, celui de la communauté. Votre honneur est de le remplir avec conscience, loyauté, justice et humanité.

Chrétiens, vous avez un témoignage à porter dans l’exercice même de vos fonctions. Si vos obligations professionnelles vous font un devoir de n’établir certes aucune distinction entre les administrés .ou parmi les subordonnés pour des raisons religieuses ou idéologiques, ayez toujours à coeur de les remplir comme de frères vis-à-vis de frères, en bons serviteurs du bien commun.

La foi qui vous. anime vous donne un supplément d’âme qui vivifie les moindres de vos actes. Soyez donc des témoins agissants du message évangélique dans l’exercice même de vos tâches, en contribuant à rendre la société plus juste et plus fraternelle, dans un souci de justice et de compréhension vis-à-vis de tous, sortout des plus démunis, de ceux qui sont souvent désemparés devant des requêtes à présenter, des formulaires à remplir, des déclarations à faire. Dans des responsabilités étendus comme dans des postes modestes, que le même esprit vous anime, celui du Christ et de son amour généreux et désintéressé.

Nous Nous réjouissons beaucoup de vous savoir fraternellement groupés en équipes, quels que soient votre rang ou vos responsabilités. Vous donnez ainsi un beau témoignage d’unité chrétienne, vous vous aidez les uns les autres à vivre l’Evangile et à le faire aimer, en constituant de véritables cellules vivantes de l’Eglise. Chers fils, dans ce cadre d’amitié, approfondissez votre formation religieuse, étudiez vos problèmes professionnels à la lumière de la foi, préoccupez- vous de faire découvrir l’amour du Christ dans votre milieu de travail et de vie. Soyez un ferment généreux. De grand coeur l’Eglise vous bénit, et se réjouit de voir vos équipes se multiplier, et témoigner de l’esprit des Béatitudes au sein même des structures nationales et internationales, en y apportant toujours plus de justice, de charité, dans la joie de servir le Christ, en servant vos frères.



7 mai 1969: LES IMPROVISATIONS SONT NUISIBLES A UNE VERITABLE REFORME DE L'EGLISE

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Chers Fils et Filles,



Notre désir serait de confirmer et d'accroître en vous l'amour envers l'Eglise, envers la Sainte Eglise du Christ, qui est — comme vous le savez — le Corps mystique du Christ, l'extension dans l'humanité et dans le temps du mystère de l'Incarnation ; signe et instrument, d'une part, de l'économie du salut ; ternie et plénitude, d'autre part, de l'oeuvre rédemptrice du Christ. L'Eglise est moyen et fin par rapport au règne du Christ. Le Concile nous appelle à l'étude et à la compréhension de l'Eglise. Les fils bons et fidèles de l'Eglise se sont réjouis de cet événement qui leur a donné une connaissance plus riche et plus profonde de la famille spirituelle à laquelle ils ont le privilège — ils s'en sont rendu compte — d'appartenir; ils ont mieux compris comment, en elle, s'accomplit leur union avec le Christ et avec Dieu ; comment, en elle, s'exprime avec sécurité la révélation de la vérité ; comment, en elle, l'espérance est en partie comblée, en partie promise, mais déjà pleine de joie et de paix (cf.
Rm 15,13) ; comment, en elle, la charité circule merveilleusement, de Dieu à nous, de nous aux autres hommes, devenus donc frères ; et comment de la communion ainsi créée, la charité rejaillit, avec un amour nouveau et nôtre — parce que personnel — et plus que nôtre, parce qu'animé de l'Esprit Saint dans sa source divine. L'Eglise est apparue à ses membres conscients, ce qu'elle était vraiment : la chance, la béatitude, la formule de la vraie vie dans le temps, en chemin vers l'éternité.


Une société d'hommes


Mais qu'est-il arrivé ? Au moment même où la vision de l'Eglise est apparue de nos jours dans sa vérité idéale, et réelle aussi, on a ressenti toujours plus fortement le malaise dû à ses imperfections concrètes et humaines. L'Eglise est composée d'hommes imparfaits et limités, pécheurs: c'est une institution sacrée et sainte, mais construite avec du matériel humain toujours inadéquat et périssable ; elle est insérée dans le courant de l'histoire qui passe ; elle est donc sujette dans ses explicitations contingentes aux changements propres au temps. Et alors s'est accentué un grand désir légitime d'« aggiornamento », de réforme, d'authenticité, de «rajeunissement dans l'Eglise» (cf. Card. Siri) ; mais en même temps s'est répandue dans beaucoup de milieux une inquiétude qui a troublé, après le Concile, le dialogue à l'intérieur même de l'Eglise, avec de nombreux échos dans la presse. Ainsi s'est posé, en ternies nouveaux et souvent agressifs, le grand problème de la réforme de l'Eglise dans l'Eglise.

C'est un des thèmes les plus intéressants, les plus graves et les plus urgents de notre temps ; et Nous, qui plus que tout autre désirons la vraie réforme de l'Eglise (cf. Ecclesiam suam), Nous pensons que c'est un signe des temps, une grâce du Seigneur, la possibilité offerte aujourd'hui à l'Eglise de se consacrer à sa propre réforme. Ce travail doit toujours être en mesure de reconnaître la fragilité des hommes, même s'ils sont chrétiens et de corriger leurs éventuelles faiblesses et les déformations ecclésiastiques. Compris dans son sens authentique, nous pouvons faire nôtre le programme d'une réforme continuelle de l'Eglise, Ecclesia semper reformanda (cf. congar, Vraie et fausse réforme dans l'Eglise, 2° éd. , pp. 409 ss.).


Mise en cause des « structures »


Mais que se passe-t-il dans l'opinion publique, malheureusement souvent si superficielle, mal intentionnée et avide de découvrir et de créer des impressions sensationnelles, aussi irresponsable que vigoureuse dans ses affirmations sur les devoirs et les manques de la Hiérarchie ? Il advient que l'observation de la grande réalité mystérieuse de l'Eglise s'arrête aux aspects extérieurs, contingents, en y découvrant avec une profonde gravité, mais une trop rapide facilité les défauts évidents. On se plaît à en faire l'objet de scandales, et à reprocher à l'autorité de l'Eglise l'abandon de la foi de tous ceux qui, à bon droit, la voudraient digne et parfaite, spirituelle et sublime dans tout son comportement. La trouvant au contraire inférieure à l'idéal qu'elle ne réussit pas toujours à personnifier dignement, certains en font un prétexte, même parfois un mérite, pour professer un christianisme à leur manière, et en pratique sans engagement aucun, ni doctrinal, ni disciplinaire, ni cultuel, ni communautaire. Et s'ils sont nombreux à avoir la même attitude de libre critique, ils se réunissent et s'affirment en groupes particuliers, qui finissent par donner des préférences à d'autres idéologies soit religieuses (cf. modernisme ancien et récent), soit sociales (cf. marxisme), plutôt qu'à l'authentique foi chrétienne.

Un mot revient continuellement dans ce réformisme polémique : « les structures » qui dans le phénomène actuel de contestation illuministe désignent des organismes canoniques, des institutions juridiques, des institutions ecclésiastiques traditionnelles, des autorités hiérarchiques responsables, des systèmes archaïques déterminés, qui forment l'ossature du corps ecclésial, de doctrines dogmatiques établies, de magistère autorisé, de Curie romaine, etc. Les structures correspondent à ce qu'on appelle « Eglise institutionnelle » par rapport et aussi en opposition, à l'Eglise libre et spirituelle. Elles prennent donc une signification négative, contre laquelle le nouveau christianisme soi-disant charismatique, ou de libre interprétation biblique lance des insinuations corruptrices et revendique un droit arbitraire de jugement ou d'action. Si la religion s'éteint, si l'Eglise est désertée, la faute — dit-on — en est aux structures, l'obstacle est dans les structures : les structures sont sclérosées, les structures ne dérivent pas du Christ : libérons-nous des structures et nous aurons de nouveau un christianisme jeune et authentique.


Qui est juge des distinctions nécessaires?


Que dirons-nous ? Quelle attitude prendra notre amour de l'Eglise ?

Nous ferons avant tout une réflexion sur ce mot « structures », aux sens divers, pour distinguer ainsi les structures constitutionnelles de l'Eglise, auxquelles nous devons rester fermement attachés — et non seulement par résignation —, des structures dérivées, par le chemin de la tradition historique et du développement à partir des racines essentielles du message évangélique et apostolique ; Dans ces structures il peut y avoir des éléments qui ne sont pas nécessaires à l'image et à la vie permanente de l'Eglise ; il peut y avoir aussi des institutions ou des habitudes abusives, ou qui ne sont plus capables de permettre le contact de l'Eglise avec des situations historiques et sociales qui se sont modifiées. Ici la réforme peut, et en certains cas doit, innover ; mais à qui revient le jugement, à qui l'autorité et la responsabilité d'interventions profondes, novatrices ?

Et ceux qui soutiennent trop facilement l'abolition d'usages, de formes, de langage, hérités comme « structures » du passé, ont-ils toujours le sens historique et psychologique pour soutenir certaines transformations arbitraires et iconoclastes, et savent-ils combler le vide qu'ils produisent dans les habitudes légitimes du peuple avec quelque chose qui les égale moralement et religieusement ? Sont-elles vraiment toujours privées de signification spirituelle et de vitalité chrétienne, certaines institutions et coutumes de l'Eglise, que la fièvre d'une modernisation abstraite voudrait, sans plus, détruire ? Certaines d'entre elles ne pourraient-elles pas se moderniser, oui, et — tout en conservant ne serait-ce que la valeur d'un témoignage historique — refleurir dans des activités nouvelles et bénéfiques ?


Pas de simplifications improvisées


Nous ne voulons pas nous faire le défenseur de l'immobilisme et du juridisme, car nous cherchons Nous-même à donner à l'Eglise un visage nouveau, un esprit vivant, une authenticité démontrée à ses institutions. La révision des structures actuelles est en plein développement, courageux mais réfléchi, dans toute l'Eglise responsable, mais Nous voulons mettre en garde les auteurs de simplifications improvisées, chirurgicales et parfois destructrices du patrimoine traditionnel de la vie ecclésiale. La modernisation de l'Eglise ne dépend pas toujours du rejet de ses structures traditionnelles, surtout quand celles-ci sont vérifiées par une expérience séculaire et encore capables d'une continuelle vie nouvelle (comme la paroisse, pour donner un exemple). L'authentique jeunesse de l'Eglise ne se fera pas par la sécularisation et la libéralisation de la vie ecclésiale, c'est-à-dire en l'affranchissant de ses structures extérieures, même si celles-ci ont désormais besoin de réformes intelligentes, mais plutôt en ravivant au sein de l'Eglise le souffle vivifiant de l'Esprit, la vie de prière et de grâce, l'exercice de la charité et de l'obéissance, la sainteté. La voix du Prophète que nous avons entendue durant le Carême résonne encore : « Déchirez votre coeur et non vos vêtements » (Jl 2,13). Ecoutons-la toujours. Avec Notre Bénédiction Apostolique.


Salutations: L'institut européen du jouet


Chers Messieurs,

Vous n’avez pas voulu venir à Rome participer au onzième congrès de l’Institut européen de jouets d’enfants sans nous présenter l’hommage de vos sentiments filiaux. Nous vous en remercions de tout coeur, heureux de cette occasion de vous rencontrer et de vous marquer toute l’importance que nous attachons à vos activités.

Ce n’est pas à vous qu’il est besoin de dire l’importance du jeu dans le développement psycho-physique de l’enfant aussi bien que dans l’activité de l’adulte, du reste, comme en témoigne le succès croissant rencontré par le sport, le foot-ball, les jeux olympiques, etc. Et vous avez aussi l’influence que le jouet exerce sur la psychologie de l’enfant, pour lequel il n’est pas du tout indifférent de s’amuser avec sa poupée ou au contraire avec des armes!

C’est dire combien l’Eglise attache d’importance, aussi bien au jeu qu’à l’instrument du jeu dans la formation des enfants. Qu’il suffise d’évoquer simplement ici saint Philippe Neri, saint Jean Baptiste de la Salle, Don Bosco, Vittorino da Feltre.

Aussi retenons-nous comme un devoir de vous rappeler combien le choix des jouets a une grande importance pédagogique: le jeu de luxe ancre certaines habitudes, les armes développent l’aggressivité envers autrui, d’autres incitent à la cruauté envers les animaux, certains invitent à des attitudes dangereuses. Chacun sait aussi l’influence exercée depuis l’antiquité par le jeu de dés, puis par les cartes.

On n’ignore pas par contre combien certains jeux développent les qualités d’intelligence, de coeur, d’action. Que l’on pense par exemple à ceux qui exercent la réflexion et la recherche, comme les échecs; aux jeux mécaniques qui conjuguent l’activité intellectuelle et manuelle; aux jeux gymniques, qui développent harmonieusement le corps humain: aux compétitions sportives qui demandent effort et maîtrise de soi dans une discipline consentie au profit de l’équipe; aux jeux innocents et populaires enfin, qui sont le partage de tous, et font la joie des enfants et des parents.

Chers Messieurs, soyez attentifs à tous ces aspects dans vos activité. Que toujours vous soyez au service de la joie des enfants et des parents, et le Seigneur vous bénira. La journée mondiale «Keep smiling», destinée à donner un sourire aux enfants dans la souffrance ou dans la détresse, est une initiative qui témoigne la noblesse de vos sentiments e qui est destinée à rencontrer la faveur des petits et de tous ceux qui aiment l’enfance. C’est pour cela que de tout coeur Nous demandons au Seigneur de favoriser vos bons propos en vous donnant notre paternelle Bénédiction Apostolique.






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