Pie XII 1939 - ALLOCUTION POUR LE 950\2e \0ANNIVERSAIRE DU BAPTÊME DE SAINT VLADIMIR


DISCOURS AUX JEUNES ÉPOUX

(7 juin 1939) 1

Ce discours a pour sujet l'Eucharistie, sauvegarde de la grâce du mariage, aliment de vie spirituelle, générateur de force et de patience, sauvegarde de l'innocence des enfants.



1 D'après le texte italien de Discorsi e Radiomessaggi, t. I, p. 169 ; traduction française des Discours aux jeunes époux, t. I, p. 24.



Au moment d'invoquer sur les jeunes époux l'abondance des bénédictions divines, Nous aimons à croire que, au moins pour nombre d'entre eux, Nous aimerions dire pour tous, le rite nuptial s'est achevé, selon la pieuse coutume des noces chrétiennes, dans la Communion eucharistique. Quoi qu'il en soit, profitant de l'heureux retour de la Fête-Dieu, que l'Eglise célébrera demain, Nous voulons vous indiquer, chers enfants, dans la sainte Communion un moyen efficace entre tous de conserver les fruits bienfaisants de la grâce que le sacrement de mariage vous a communiquée.

Toute âme chrétienne a besoin de l'Eucharistie, selon la parole de Notre-Seigneur Jésus-Christ : « Si vous ne mangez la chair du Fils de l'homme et ne buvez son sang, vous n'aurez point la vie en vous. Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle » (Jn 6,54-55).

La Communion eucharistique a donc pour effet d'alimenter l'union sanctifiante et vivifiante de l'âme avec Dieu, de maintenir et de fortifier la vie spirituelle et intérieure, d'empêcher que durant le voyage et le combat de cette terre les fidèles ne viennent à manquer de la vie que le baptême leur a communiquée.

C'est par la sainte Communion que Jésus-Christ veut enrichir les âmes de ces biens si précieux : bienheureux ceux qui obéissent aux intentions de son amour et savent user de ce moyen si puissant de sanctification et de salut !



De ces secours les époux chrétiens ont un besoin spécial, eux qui ont conscience de leurs graves devoirs et qui sont résolus de s'en acquitter avec soin.

Une réunion de corps ne suffit pas à établir la famille : elle repose sur le fondement de la communauté des âmes, sur une intime union de paix et d'amour mutuels. Or, l'Eucharistie est, selon la belle expression de saint Augustin, signe d'unité et lien de charité : signum unitatis, vinculum caritatis ; elle unit, elle soude les coeurs.

Pour supporter les charges, les épreuves, les douleurs communes, qui n'épargnent aucune famille, même bien ordonnée, il est besoin d'énergies quotidiennes ; la Communion eucharistique est génératrice de force, de courage, de patience ; et avec la douce joie qu'elle répand dans les âmes bien disposées, elle dispense le trésor le plus précieux des familles : la sérénité.

Nous Nous réjouissons, chers enfants, à la pensée que rentrés dans vos cités, vos villages, vos paroisses, vous donnerez le bel et édifiant spectacle de vous approcher souvent de la Table eucharistique et que vous rapporterez de l'église à votre foyer Jésus, et avec Jésus tous les biens.

Ce sera ensuite le tour de vos enfants, des petits que vous éduquerez et formerez dans la même foi et le même amour, dans la foi et l'amour de l'Eucharistie. Convaincus qu'il n'est pas de meilleur moyen de sauvegarder l'innocence de vos enfants, vous les conduirez à temps à la Table sainte. Vous les amènerez avec vous à l'autel pour recevoir Jésus, et il n'y aura point pour eux de leçon plus éloquente et plus persuasive que votre exemple. Nous pensons avec joie à tout cela et Nous en souhaitons de tout coeur la consolante réalisation. Afin que ces voeux s'accomplissent, recevez-en un gage dans Notre paternelle bénédiction.






DISCOURS A DES SOLDATS ESPAGNOLS

(11 juin 1939) 1

Recevant 3000 légionnaires espagnols (phalangistes), venus à Rome pour un bref séjour, le Saint-Père leur adressa ces paroles :



Soyez les bienvenus, chefs, officiers et soldats de l'Espagne catholique, Nos fils très chers, qui avez causé à votre Père une immense consolation, Nous sommes heureux de voir en vous les défenseurs éprouvés, courageux et loyaux de la foi et de la culture de votre patrie, vous qui, ainsi que Nous vous le disions dans Notre message radiophonique, « avez su vous sacrifier jusqu'à l'héroïsme pour la défense des droits inaliénables de Dieu et de la religion. » 2



1 D'après le texte espagnol de Discorsi e Radiomessaggi, t. I, p. 173 ; cf. traduction française de la Documentation Catholique, t. XL, col. 812.

2 Radiomessage du 16 avril 1939 ; cf. ci-dessus, p. 55.



En vous voyant devant Nous, couverts de la gloire acquise par votre valeur chrétienne, Notre pensée va surtout à vos compagnons tombés sur le champ de bataille et Notre coeur de Père est ému au spectacle de la générosité de tant de mères et à la vue des larmes de tant d'orphelins que la mort a privés des êtres les plus chers. Dites-leur de Notre part qu'elles unissent leurs prières à celles de la Vierge des douleurs et les offrent à Dieu avec une résignation toute chrétienne pour la paix du monde.

Rappelons-nous ces jours d'amertume en lesquels « l'ombre de la patrie vacillante, patriae trepidantis imago », comme dit le poète de Cordoue, Lucain, nous a fait comprendre que l'Espagne sans foyers chrétiens et sans temples couronnés par la croix de Jésus-Christ ne serait pas l'Espagne grande, toujours valeureuse ; plus que valeureuse, chevaleresque ; plus que chevaleresque, chrétienne. Et Dieu a voulu que cette magnifique pensée fît jaillir de vos coeurs généreux deux grands amours : l'amour de la religion qui vous garantit l'éternelle félicité de l'âme, et l'amour de la patrie qui vous procure l'honnête bien-être de la vie présente.

Ce sont ces deux amours qui ont allumé en vous le feu de l'enthousiasme, l'ont entretenu ardent aux heures du sacrifice et finalement ont assuré le brillant triomphe de l'idéal chrétien et la victoire.

Au souvenir de cette pensée de saint Jean de la Croix : « L'âme qui va en amour ne fatigue ni ne se fatigue », Notre plus vif désir est que ces deux mêmes amours vous soutiennent dans la tâche de la reconstruction de la patrie, en vous faisant observer jalousement et même dépasser les traditions catholiques de votre glorieux passé.

Avec la ferme espérance qui animait l'apôtre saint Paul, à savoir que « le Dieu de la paix et de l'amour sera avec vous » (2Co 13,11), et, comme gage de grâces abondantes, Nous vous accordons à vous et aux personnes que vous avez dans la pensée ou que vous portez dans le coeur, au généralissime et à ses fidèles collaborateurs, aux dames infirmières qui vous ont assistés, à vos familles et à tous les fidèles de la catholique Espagne, Notre Bénédiction apostolique.






DISCOURS AUX JEUNES ÉPOUX ET A D'AUTRES GROUPES DE PÈLERINS

(14 juin 1939) 1

En même temps que les jeunes époux, le Saint-Père reçut, le 14 juin, les étudiants du lycée « Ennio Quirino Visconti » et des jeunes de l'Action catholique. Voici les paroles prononcées par le pape à cette audience :



Aux jeunes époux.

A vous, jeunes époux, va, comme de coutume, Notre première parole, Notre premier salut, accompagné, comme toujours, de Notre bénédiction, objet particulier de vos désirs et de votre visite.

Mais, à Notre parole de bienvenue, il Nous plaît d'ajouter une brève exhortation que Nous suggère le fait que Nous vous recevons la veille de la fête du Sacré-Coeur de Jésus.



Dévotion et consécration des familles au Sacré-Coeur.

La dévotion au Coeur sacré du Rédempteur, qui ces derniers temps s'est si admirablement répandue dans toute l'Eglise et qui connaît les manifestations les plus grandioses et les plus variées, a été établie et voulue par le divin Sauveur en personne. Il a lui-même sollicité et suggéré les hommages dont II désirait que fût honoré son Coeur adorable.

Jésus a précisé le but de cette chère dévotion, lorsque, dans la plus célèbre de ses apparitions à sainte Marguerite-Marie Alacoque, il prononça ces paroles déchirantes : « Voici ce Coeur qui a tant aimé les hommes, qu'il n'a rien épargné, jusqu'à s'épuiser et se consumer pour leur témoigner son amour ; et en reconnaissance, je ne reçois de la plupart que des ingratitudes. » Amour et réparation : voilà ce que cette dévotion demande tout particulièrement. Amour, pour payer de retour Celui qui nous a tant aimés ; réparation, pour le dédommager des outrages infligés à Son amour infini.

Et pour porter les hommes à répondre à ses désirs, Jésus daigna y attacher les plus larges promesses.

Parmi ces promesses quelques-unes regardent spécialement les familles chrétiennes et, partant, les époux et les enfants qui viennent égayer leur foyer. « Je mettrai et conserverai la paix dans leurs familles. Je bénirai les maisons dans lesquelles l'image de mon Coeur sera exposée et vénérée. »

On peut dire que c'est de ces promesses que tire son origine la consécration des familles au Sacré-Coeur de Jésus, et Nous profitons de cette circonstance pour vous la recommander, époux chrétiens, qui venez de fonder des familles au pied de l'autel de Dieu.

Cette consécration est le don plénier de soi que la famille fait au divin Coeur : c'est une reconnaissance de la souveraineté de Notre-Seigneur sur la famille, c'est une prière confiante pour obtenir au foyer les bénédictions de Jésus, l'accomplissement de ses promesses. La famille, par sa consécration au divin Coeur, proteste de vouloir vivre de la vie même de Jésus-Christ, de cultiver les vertus qu'il a enseignées et pratiquées. Il préside les réunions de familles, Il en bénit les entreprises, Il en sanctifie les joies, Il en apaise les anxiétés, Il y réconforte les mourants et II répand la résignation dans le coeur de ceux qui restent.

Ainsi dans vos familles consacrées à son Coeur, Jésus sera la règle souveraine de votre conduite et le protecteur vigilant de vos intérêts. Puissiez-vous obtenir cette grâce par la paternelle bénédiction que Nous vous donnons de tout coeur.



Aux étudiants du Lycée Visconti :

Mais une visite singulièrement agréable à Notre coeur est celle que vous Nous faites, vous tous qui êtes réunis ici, dirigeants et élèves d'un lycée qui, dans les souvenirs de Notre adolescence, occupe une place si vive et si grande.

Nous avions à coeur, en effet, de vous dire de vive voix avec quelle intime satisfaction Nous vous sentons près de Nous, vous qui, tout en évoquant ces souvenirs, venez faire une franche profession de votre foi et réaffirmer la résolution d'une vie qui honore tout à la fois votre culture et Celui qui est de la culture comme de la foi l'origine première et la source intarissable.

En vous réaffirmant en ce jour Notre satisfaction, Nous sommes heureux de le faire avec l'intime conviction que l'hommage que vous avez déjà rendu en une forme si choisie au Vicaire de Jésus-Christ par l'adresse que vous Nous avez envoyée lors de Notre élection, par le spectacle émouvant de votre communion pascale que vous avez offerte à Dieu pour l'ancien élève du lycée Visconti et, encore, par la fervente initiative que vous avez prise d'y apposer une pierre commémorative, qui le rappelle à vous-mêmes et aux élèves qui viendront dans ce temple austère du savoir, cet hommage — disons-Nous — est l'expression spontanée d'un sentiment qui veut avoir et aura, avec l'aide de Dieu, sa pleine réalisation dans une vie rendue aussi féconde par vos fortes études que digne de catholiques et d'Italiens.

De ces résolutions, qui sont implicitement mais clairement signifiées dans votre visite, Nous sentons en ce moment, chers jeunes gens, toute la haute valeur pour votre bonheur personnel, pour la prospérité même de votre Institut, dont les anciennes traditions semblent refleurir dans les nouvelles générations de ses étudiants, et surtout pour les bienfaits qu'en retirera certainement la grande famille chrétienne dont vous faites partie, et votre patrie qui en chacun de vous trouvera un jour tout ce qu'elle a droit d'attendre pour ses meilleures et toujours plus glorieuses destinées.

L'âme pleine de cette douce vision et goûtant en quelque sorte d'avance les fruits précieux qui certainement mûriront en vous tous grâce à une saine formation littéraire, scientifique et religieuse, Nous vous remercions de la consolation que vous Nous avez procurée par votre manifestation si spontanée et filiale. A votre très digne et illustre directeur — dont Nous connaissons la haute conscience dans l'accomplissement de sa délicate mission — et à tous ses vaillants collaborateurs Nous exprimons Notre spéciale gratitude et leur confions Nos espoirs.

Sur vous tous Nous invoquons les lumières du Seigneur sur le chemin ardu du savoir, et le courage persévérant sur celui plus difficile encore de la vertu. Sur vous tous, comme sur toutes vos familles, Nos chers anciens condisciples, ici présents ou disséminés dans le monde, sur la Majesté de votre Roi-Empereur, sur celui qui gouverne les destinées de votre pays, Nous implorons du Tout-Puissant, dispensateur de tout bien, les meilleures et les plus abondantes bénédictions divines.



Aux jeunes de l'Action catholique :

Et maintenant à vous, chers jeunes gens de l'Action catholique ici présents, la parole que vous attendez de Nous ne sera pas autre que celle que vous-mêmes avez écrite sur votre semaine de prière et d'étude : Servire Domino in laetitia, servir Dieu dans la joie.

C'est là, dans cette joie discrète, dont le christianisme inonde toute forme de vie, de travail, d'apostolat, qu'on trouve la preuve manifeste de sa bonté, de sa beauté et de sa vérité essentielle. C'est elle, cette joie chrétienne, qui en défend efficacement la cause et lui attire l'attention du monde. Ce dernier ignore les sources de la joie vraie et inaltérable. C'est à vous, jeunes gens, nés pour la joie, qu'échoit la mission immensément charitable de l'y ramener pour son bonheur.

Vous rendront capables et dignes de ce grand apostolat la pureté des moeurs, la persévérance dans le sacrifice, le courage serein dans la lutte contre les formes pernicieuses de la joie trompeuse et éphémère, dans laquelle l'esprit se baigne mais ne se purifie pas, s'agite mais ne s'élève pas, se distrait mais n'échappe ni au dégoût ni à l'ennui. Aimez les fortes vertus et vous jouirez d'une joie perpétuelle et parfaite. Pour que ce don, qui vient de l'Esprit, vous remplisse tous et fasse de vous, comme vous devez l'être, des apôtres de l'Evangile, Nous demandons à Dieu qu'il ouvre sur vous la source intarissable de sa grâce et répande l'abondance de ses bénédictions.






EXHORTATION A DES PRÊTRES ASSISTANTS DE GROUPEMENTS D'ACTION CATHOLIQUE

(15 juin 1939) 1

Un groupe de 47 prêtres appartenant à 14 nations différentes, mais venant surtout de l'Amérique du Sud, après avoir suivi à Rome, au Collège pontifical Pio-latino-americano, une série de leçons et conférences sur l'Action catholique données par les assistants centraux de l'Action catholique italienne, furent présentés par Mgr Luigi Civardi au Souverain Pontife qui leur adressa l'exhortation suivante :



Il Nous est particulièrement agréable de vous voir aujourd'hui réunis ici autour de Nous, vous, Nos chers fils, futurs guides sur le terrain de l'Action catholique, dépositaires de Nos directives dans un apostolat dont le nom lui-même révèle le caractère universel, l'importance transcendante, l'urgente nécessité.

Appelés à former et à assister, dans tous les secteurs de la grande famille catholique, les collaborateurs de l'apostolat hiérarchique, dans des pays bien différents de langue et de moeurs, comme aussi de caractère et de constitution politique, vous avez appris de l'expérience des personnes âgées et capables ce qui, dans votre activité future, doit être comme le centre commun invariable, ce qui va ramener l'activité elle-même à l'unique et suprême but qui est de préparer des apôtres pour la cause de Jésus-Christ et de son Eglise en allumant dans le vaste champ du Père de famille des foyers bien nourris de foi ferme et de piété agissante.

Vous connaissez désormais vos devoirs ; vous connaissez dans ses lignes fondamentales cet art que saint Grégoire le Grand a appelé « l'art des arts » et qui est le gouvernement des âmes. Vous connaissez la valeur que prend l'Action catholique dans l'appréciation du Saint-Siège, cette Action catholique qui est destinée à rassembler, de tous les points, sous la vigilante direction des évêques, les forces vives du laïcat pour les adapter aux buts sacrés de la propagation, de la défense, de la garde de la foi et les rendre d'autant plus fécondes qu'elles sont davantage solidaires au milieu de toutes les forces qui leur sont opposées de la part du monde.

Ce que Nous vous demandons à présent et ce que votre présence Nous garantit, c'est d'imprégner d'une façon constante et forte, de la lumineuse conscience de votre mission, le travail auquel vous vous préparez : une mission digne de votre sacerdoce, puisqu'elle est ordonnée au salut des âmes et à l'extension de ce royaume qui est toute la raison de la vie de l'Eglise et dans lequel seulement il est donné aux intelligences et aux coeurs de trouver la paix.

Pénétrés de cette très haute mission, vous connaîtrez que cet art difficile, si exalté par saint Grégoire et que vous devez exercer, vous ne pouvez vous l'assimiler simplement par l'étude, aussi étendue et profonde qu'elle soit ; il réclame une expérience attentive et personnelle. Alors seulement il fera de vous « le sel de la terre et la lumière du monde» quand, par l'exemple de votre vie, vous serez des maîtres pour les âmes que vous aurez à guider. C'est en substance la pensée de saint Paul qui écrivait aux Corinthiens : « Soyez mes imitateurs, comme je le suis du Christ » (1Co 4,16). C'est seulement par cette voie que vous assurerez le succès à votre ministère, en suscitant chez les fidèles cet esprit d'apostolat qui est l'âme de l'Action catholique ; par cette voie seulement vous donnerez à votre parole la force dont elle a besoin pour faire pénétrer l'esprit de l'Evangile dans tous les milieux sociaux, principalement dans ceux qui sont davantage ravagés par les ennemis du Christ et où le prêtre pénètre plus difficilement.

C'est pour que votre vie soit d'une sainteté éclatante que Nous adressons à Dieu tous Nos voeux et Nos prières. Nous Nous réjouissons cependant de vos bonnes dispositions, vous exhortant à les nourrir par une solide piété et une fidélité assidue à tous les devoirs sacerdotaux. Nous demandons au Seigneur de les soutenir par sa grâce. De Notre côté, Nous désirons les confirmer par la Bénédiction apostolique que de grand coeur Nous vous accordons également pour vos prochains travaux et fatigues apostoliques.






ALLOCUTION A L'AMBASSADEUR DE BOLIVIE

(16 juin 1939) 1

A l'audience solennelle au cours de laquelle S. Exc. M. Gabriel Gon-salvez, nouvel ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la République de Bolivie, présenta ses lettres de créance, le Saint-Père prononça l'allocution suivante :

Les paroles prononcées par Votre Excellence sont l'expression éloquente des sentiments révélateurs d'une si profonde piété et d'une conception si élevée de la mission qui vous a été confiée, qu'elles Nous engagent à manifester à S. Exc. M. le président de la chère nation bolivienne, ainsi qu'à tout votre peuple catholique dont, Monsieur l'ambassadeur, vous avez été l'interprète devant le Père commun de la catholicité, Notre complaisance pour votre heureuse nomination.

Ces paroles en effet reflètent une dévotion si sincère à l'égard des vérités et des doctrines catholiques et une si noble et si intime reconnaissance de l'importance décisive de la foi et du sentiment religieux pour la saine formation des individus et des sociétés, en premier lieu de l'Etat, que Nous ne pouvons pas moins faire que de Nous réjouir de voir confié le soin et le développement des bonnes relations qui existent entre le Saint-Siège et la République de Bolivie à une personne en laquelle s'unissent un idéal religieux élevé et une sereine clairvoyance d'homme d'Etat profondément convaincu des bienfaisants effets qui viennent de la parfaite et loyale harmonie entre l'Eglise et l'Etat.

L'heure présente, avec la multitude complexe des nouvelles et graves obligations qu'elle amène avec elle, impose des devoirs à l'énergie, à la valeur et à la décision de ceux à qui sont confiées les destinées des peuples, qu'on a rarement connus en des temps plus normaux.

Aucun peuple, à moins qu'il ne veuille se voir condamner à demeurer retardataire dans le domaine matériel et culturel, ne peut échapper à la nécessité de rechercher et de trouver une réponse et une solution aux urgents problèmes de l'heure actuelle avec leurs répercussions économiques, politiques et sociales. Pour atteindre de semblables buts, le pouvoir de l'Etat se voit souvent contraint à exiger de toutes les classes sociales de graves sacrifices pour le bien commun. Mais là où la doctrine du Christ informe les intelligences et les coeurs et dirige les actions des hommes, là aussi le concept du sacrifice et la subordination consciente des intérêts propres aux nécessités et aux obligations de la communauté font partie de ces lois et règles fondamentales auxquelles aucune conscience ne peut se soustraire, tandis que la même autorité publique respecte les limites sacrées et inviolables de la loi divine. Heureux l'Etat, heureux le peuple dont les gouvernants sont persuadés des bienfaits que la religion apporte à leurs efforts pour la prospérité et le progrès pacifique et qui, en juste retour, s'emploient à ouvrir à l'action de l'Eglise du Christ le chemin qui lui permette d'enraciner et de perfectionner le sentiment chrétien dans la vie privée et la vie publique.

C'est pour ce motif que les paroles élevées de Votre Excellence Nous ont causé une vive satisfaction, parce qu'elles Nous ont fait connaître combien est profonde dans le gouvernement et dans le peuple bolivien la conscience de l'indispensable et irremplaçable mission éducatrice de l'Eglise, et quels échos ont rencontré, en Bolivie, la sollicitude et le dévouement du Père commun en faveur de la paix. Veuille le Seigneur accroître dans tous les peuples et dans tous les hommes d'Etat les sentiments d'un amour sincère et efficace de la paix qui leur inspirent de sages et salutaires résolutions.

En chargeant Votre Excellence de transmettre à S. Exc. M. le président de la République Notre désir que les relations entre le Saint-Siège et la Bolivie soient de plus en plus étroites et plus cordiales, Nous implorons du Très-Haut toutes sortes de bonheur et de prospérité sur la personne de M. le président et sur son peuple aimé, en même temps que Nous formulons pour le succès de votre mission Nos voeux paternels accompagnés des plus abondantes bénédictions.






LETTRE APOSTOLIQUE POUR LA BÉATIFICATION D'EMILIE DE VIALAR FONDATRICE DES SOEURS DE SAINT-JOSEPH DE L'APPARITION

(18 juin 1939) 1

Par cette lettre apostolique, le Saint-Père rappelle la vie et les vertus d'Emilie de Vialar, fondatrice des Soeurs de Saint-Joseph de l'Apparition, qu'il vient de proclamer bienheureuse :



1 D'après le texte latin des A. A. S., XXXI, 1939, p. 252 ; cf. traduction française des Actes de S. S. Pie 12, t. I, p. 132.



Animés de généreux et nobles sentiments, nombre de disciples de notre souverain Rédempteur se sont voués totalement à la vie religieuse et aux oeuvres de charité pour l'amour de Jésus ; au mépris de toutes les difficultés de ce monde et de ses douleurs, ils se sont astreints, en vue du salut éternel du prochain et du leur propre, à toute la somme possible d'actes de patience et d'efforts. Ils ont jugé que le plein accomplissement des préceptes de l'Evangile, le souci du bien spirituel du prochain présentent bien plus de gloire aux yeux de Dieu que la capitulation en face des malheurs et des échecs ou la recherche des honneurs humains et des aises : « Toujours, comme s'exprime l'Apôtre, nous portons en notre corps les souffrances de mort de Jésus, afin que la vie de Jésus soit, elle aussi, manifestée dans notre corps ».

Parmi ces admirables disciples du Christ, c'est un fait particulièrement digne d'attention, que pour la confusion des plus forts, non seulement des hommes doués naturellement de vigueur mais aussi de faibles femmes nous donnent assez souvent l'exemple.

Au rang de ces femmes hors de pair il faut certainement mettre la pieuse Emilie de Vialar, qui, se trouvant encore dans la tendresse de l'âge et en possession d'une fortune considérable, dit un adieu définitif au monde et, sans trêve ni relâche, dépensa entièrement sa vie et ses forces en faveur du but sacré qu'elle s'était proposé, méprisant toutes les difficultés, supportant courageusement, dans une pleine confiance en Dieu, les persécutions déchaînées contre elle, soit par la force des choses, soit par la malice humaine. Quelle égalité d'âme, quelle constance jusque dans l'effondrement de sa fortune !



La jeunesse de la bienheureuse.

La servante de Dieu naquit le 12 septembre 1797, à Galliae, qui fait partie aujourd'hui du diocèse d'Albi, d'une ancienne et noble famille, et reçut au baptême, qui lui fut conféré dans une petite chapelle de la ville, les prénoms d'Anne-Marguerite-Adélaïde-Emilie. Elle apprit de la bouche de sa pieuse mère les premiers principes de la religion et, dès ses premières années, fut un modèle de piété. Après la mort prématurée de cette mère très regrettée, elle passa quelque temps à Paris, chez les religieuses de la Congrégation de Notre-Dame de l’Abbaye-au-Bois, étrangère aux vanités et divertissements du monde, pratiquant une rare modestie. Puis, à quinze ans à peine, la voilà prenant le gouvernement de la maison et des affaires domestiques ; élevant cependant, par une oraison assidue, son esprit à l'étude des choses divines, elle fit l'aumône aux pauvres, selon ses moyens, leur fut secourable dans la maladie, leur distribua vêtements et médicaments. Soucieuse de relever les ruines causées par la Révolution française, elle s'employa complètement, dans l'ardeur et la douceur de son zèle, à l'instruction religieuse des illettrés, garçonnets surtout et fillettes, à la conversion des pécheurs.



L'Institut de Saint-Joseph de l'Apparition.

Dans l'intention d'appartenir tout entière au Seigneur Jésus, elle refusa avec constance les partis que son père lui proposait en mariage, et se lia même, encore chez elle, par un voeu temporaire de virginité, pour ressembler ainsi dans la pureté de son coeur à l'Epoux céleste. Héritière, à 35 ans, de l'importante fortune de son aïeul maternel, elle décida de consacrer sa personne et ses biens à la fondation d'une pieuse famille religieuse. Elle jeta donc dans son château natal les fondements de l'Institut auquel elle songeait et que, dans sa particulière dévotion pour ce saint, elle plaça sous le vocable de « saint Joseph », de « saint Joseph de l'Apparition », précisa-t-elle en souvenir de la révélation de l'Incarnation divine faite par l'Ange. L'Institut de Saint-Joseph, qui fut alors seulement confirmé par l'autorité episcopale, eut des débuts bien humbles. Mais lorsque, au bout de dix ans, le Saint-Siège lui eut décerné un bref laudatif, il se développa vite, avec la grâce de Dieu, en un arbre couvert de fruits, et étendit ses divers rameaux sur diverses contrées d'Afrique, d'Asie et d'Europe.



Les tribulations de la fondatrice.

En 1870 enfin, l'Institut des Soeurs de Saint-Joseph de l'Apparition obtint l'entière approbation du Saint-Siège. Les oeuvres de charité et de piété, auxquelles se livraient les Soeurs de Saint-Joseph, selon la nature même de leur institut, répondaient au désir véhément qui brûlait la servante de Dieu de gagner à Jésus-Christ le plus grand nombre possible d'âmes. Aussi, sa remarquable confiance en Dieu était venue à bout des difficultés de tout genre et des épreuves suscitées à sa personne ou à son institut, que protégeait l'archevêque d'Albi. Elle s'attacha à la parfaite formation de sa nouvelle famille religieuse et marqua sa très ferme volonté pour son maintien et son accroissement. Obligée cependant, à la suite de prétentions excessives de l'Ordinaire, de fermer les maisons qu'elle venait d'ouvrir non sans peine et à grands frais, à Alger, à Bône, à Constantine, elle se retira avec ses Soeurs, pleine de déférence pour le Souverain Pontife et le Saint-Siège, dans la première maison de Gaillac. C'est alors que dépouillée du domaine familial et de l'héritage ancestral par la négligence, disons plutôt la méchanceté des hommes, abandonnée par un certain nombre de Soeurs, à qui l'envie ou la peur inspira de la quitter en ces conjonctures critiques, privée de l'appui du nouvel archevêque d'Albi, la servante de Dieu, dans le dessein de favoriser le recrutement de ses novices et de ses religieuses, et de pourvoir en de meilleures conditions au progrès spirituel de chacune, quitta le pays natal, s'installa pour un temps à Toulouse, puis à Marseille, où l'évêque lui réserva un accueil plein de bienveillance et où elle établit enfin le siège définitif de la maison-mère de son institut, y demeurant jusqu'à sa mort. De fait, la servante de Dieu employa entièrement le reste de sa vie à gouverner et à développer la famille religieuse de Saint-Joseph, si bien qu'au décès de la pieuse fondatrice, plus de quarante-deux maisons de l'institut se trouvaient ouvertes. Brisée par d'infatigables travaux et par la maladie, elle reçut les derniers sacrements et s'endormit très paisiblement dans la paix du Seigneur, dans cette maison-mère de Marseille, le 24 août 1856.

Après la solennité des funérailles, en l'église Notre-Dame-du-Mont, les restes mortels de la servante de Dieu furent déposés au cimetière Saint-Charles d'abord, en second lieu au cimetière Saint-Pierre, puis, en 1914, dans un modeste oratoire adjacent à la maison-mère, l'an dernier, enfin, dans la chapelle de la même maison, où ils reposent maintenant dans la paix du Seigneur.



L'instruction de sa cause.

Le renom de sainteté qui s'attachait à la servante de Dieu, de son vivant même, devint de jour en jour plus répandu après sa précieuse mort. Aussi, après enquête de l'Ordinaire, pour répondre à un désir communément exprimé, de voir décerner à Emilie de Vialar les honneurs des autels, sa cause commença-t-elle à être examinée, et Pie XI, Notre prédécesseur de vénérée mémoire, signa-t-il personnellement, le 27 mars 1925, le décret d'introduction de la cause. A la fin du procès informatif, mené canoniquement sur la vie et les oeuvres de la servante de Dieu, et toutes les autres choses dûment observées, le même pontife, Notre prédécesseur immédiat, proclama, par son décret du 19 mars 1935, que les vertus de la vénérable servante de Dieu, Emilie de Vialar, avaient atteint le degré héroïque.

Ensuite, après qu'on eut juridiquement procédé à l'examen des deux miracles que Dieu, disait-on, avait faits par son intercession, Notre prédécesseur, dans un autre décret du 11 décembre 1938, déclara et attesta leur véracité de sa suprême autorité. La proclamation de l’héroïcité des vertus et la reconnaissance des miracles une fois accomplies, il ne restait plus qu'à discuter si, d'une façon certaine, la vénérable servante de Dieu pouvait être classée parmi les bienheureux du ciel. Le doute en fut présenté en Congrégation générale par Notre Vénérable Frère le cardinal Janvier Granito Pignatelli di Belmonte, évêque d'Ostie et Albano, rapporteur de la cause, en présence de Notre prédécesseur Pie XI, de vénérée mémoire, le 24 janvier de l'année courante, et tous les assistants cardinaux et consulteurs de la Sacrée Congrégation des Rites furent unanimes à donner leur approbation. Au moment où, dans une affaire de cette importance, Notre prédécesseur s'apprêtait à faire connaître le 19 février son assentiment personnel, une mort inopinée l'emporta, l'empêchant de mettre la dernière main à son oeuvre.



Sa béatification.

Pour ce qui est de Nous, appelé à réaliser son désir, après avoir imploré le secours du Père des Lumières en de ferventes prières, Nous avons enfin proclamé, Nous appuyant sur Notre autorité apostolique, le 26 mars, dimanche de la Passion de cette même année, à l'issue du saint sacrifice, en présence de Notre cher Fils Charles Salotti, cardinal-prêtre de la Sainte Eglise, préfet de la Congrégation des Rites ; de Notre Vénérable Frère le cardinal Janvier Granito Pignatelli di Belmonte, ponent ou rapporteur de la cause ; de Nos chers Fils Alphonse Carinci, secrétaire de la Congrégation des Rites, et Salvatore Natucci, promoteur général de la foi, qu'on pouvait procéder de tuto à la béatification solennelle de la vénérable servante de Dieu Emilie de Vialar. Dans l'état actuel des choses, répondant aux voeux de toute la famille religieuse des Soeurs de Saint-Joseph de l'Apparition, fondée par la vénérable Emilie, par la teneur des présentes lettres et en vertu de Notre autorité apostolique, Nous permettons de donner désormais à la vénérable servante de Dieu Emilie de Vialar, fondatrice de cet institut, le titre de bienheureuse, de présenter son corps et ses reliques à la vénération des fidèles, sans qu'on puisse cependant les porter dans des supplications solennelles, et de décorer de rayons les images de la bienheureuse. En vertu de Notre autorité, Nous accordons en outre que, tous les ans, on récite l'office et qu'on célèbre la messe du commun des vierges, avec leçons et oraisons propres, revêtues de Notre approbation, conformément aux rubriques du Missel et du Bréviaire romains.

Nous accordons la récitation de cet office et la célébration de cette messe uniquement à l'archidiocèse d'Albi, qui a vu naître la servante de Dieu, et au diocèse de Marseille, puisqu'elle est morte à Marseille et que son corps y repose. Nous l'accordons encore à toutes les églises et chapelles qui dans le monde entier sont utilisées par l'Institut des Soeurs de Saint-Joseph de l'Apparition, pour tous les fidèles qui sont obligés à l'office, et, en ce qui touche les messes, pour tous les prêtres, tant du clergé séculier que du clergé régulier, qui se rendent à ces églises ou chapelles où est organisée la fête. Nous accordons enfin la permission de célébrer dans les susdites églises ou chapelles pendant l'année, aux jours que désignera l'autorité légitime — après qu'auront été célébrées les solennités dans la basilique vaticane — des cérémonies solennelles pour commémorer, en observant tout ce qui doit être observé, la béatification de la vénérable servante de Dieu Emilie de Vialar. Nonobstant la promulgation de constitutions et ordonnances apostoliques, ainsi que de décrets de non-culte et toutes choses contraires. Nous voulons en outre que les exemplaires de cette lettre, même imprimés, pourvu qu'ils soient revêtus de la signature du secrétaire de la Sacrée Congrégation des Rites et du sceau de la même Sacrée Congrégation, soient tenus, même dans les causes judiciaires, pour aussi dignes de foi qu'une expression de Notre volonté, sur présentation de ces lettres apostoliques elles-mêmes.






Pie XII 1939 - ALLOCUTION POUR LE 950\2e \0ANNIVERSAIRE DU BAPTÊME DE SAINT VLADIMIR