Pie XII 1939 - LETTRE AU R\2me\0 PÈRE PIERRE DAMIEN BUFFALDINI SUPÉRIEUR GÉNÉRAL DES MOINES ERMITES CAMALDULES DE L'ORDRE DE SAINT BENOIT


LETTRE APOSTOLIQUE POUR LA BÉATIFICATION DE JUSTIN DE JACOBIS

(25 juin 1939) 1

Par la lettre apostolique suivante, le Pape Pie XII proclame bienheureux le vénérable Justin de Jacobis, de la Congrégation de la Mission de Saint-Vincent de Paul, premier vicaire apostolique d'Abyssinie, après avoir retracé la vie du bienheureux.

1 D'après le texte latin des A. A. S., XXXI, 1939, p. 296 ; cf. la traduction française des Acta de S. S. Pie 12, t. I, p. 159.



Par un dessein de la divine bonté, de l'âge apostolique jusqu'à nos temps, apparaissent constamment des hommes remarquables qui, par leur parole et leur action, amènent les autres hommes à l'Eglise fondée par le Christ notre Rédempteur, c'est-à-dire aux uniques pâturages de salut. Annonçant l'Evangile à toute créature, selon le commandement jamais aboli, ces hommes étendent à travers le monde le règne pacifique du Christ. L'activité bienfaisante qu'ils déploient, les vertus et la doctrine dont ils brillent se répandent, comme une pluie féconde, sur les semences de la foi dans le monde, et préparent les surabondantes moissons de bonté et de sainteté que l'on recueillera plus tard.

Au nombre de ces hommes que la Providence de Dieu a envoyés pour nous laisser d'admirables exemples, nous devons, sans aucun doute, compter le vénérable serviteur de Dieu Justin de Jacobis. Tout d'abord préfet, puis vicaire apostolique d'Abyssinie, au milieu du XIXe siècle, selon un célèbre témoignage de Mgr Massaia, cardinal de la sainte Eglise romaine, il fut « le fondateur de la mission d'Abyssinie, l'apôtre infatigable de l'Afrique orientale, le maître des missionnaires, l'exemple typique de cette force et de cette abnégation qui sont nécessaires au progrès des missions, l'ange de l'Eglise d'Ethiopie ».



L'enfance de Justin de Jacobis.

Le 9 octobre 1800, dans la localité de Saint-Félix, communément San-Fele, au diocèse de Muro-Lucano, naquit Justin de Jacobis ; ses parents honnêtes et chrétiens étaient estimés pour l'intégrité de leur vie. Dès son enfance, Justin montra en quelque manière ce que serait l'action de sa vie. Répondant pleinement aux soins de sa pieuse mère, il s'adonnait tout jeune encore à la méditation des vérités de la foi ; il nourrissait une grande dévotion envers la sainte Eucharistie, la Passion du Seigneur et la bienheureuse Vierge Marie ; et il s'efforçait, selon ses moyens, de soulager la misère des pauvres. Enrôlé parmi les zélateurs de l'oeuvre de la Propagation de la Foi, avec instance il implorait de Dieu la conversion des infidèles et de tous ceux qui sont éloignés de l'unité de la foi. Lorsque, à l'âge de neuf ans, il s'approcha pour la première fois du céleste banquet de l'Agneau, il paraissait un ange plutôt qu'un enfant.

Dans la suite, et en des temps d'épreuves, son père transporta sa famille de la petite ville de Lucanie à Naples. Là, dans l'immense cité, Justin se livra avec ardeur à l'étude des sciences de bien. Il avait reçu en partage une intelligence d'une pénétrante vivacité, qu'accompagnait un excellent caractère.



Ses débuts apostoliques.

Durant son adolescence, il se sentit appelé à la vocation religieuse. A quinze ans, il entra dans la Congrégation de la Mission de Saint-Vincent de Paul. Il y prononça ses voeux ; et, ayant achevé le cours des études sacrées, le 12 juin 1824, à Brindisi, il reçut l'ordre sacré de la prêtrise. Peu de temps après, il s'adonnait aux travaux du ministère apostolique. Il y faisait preuve de dispositions marquées, surtout pour la prédication sacrée. Il se dépensait avec tant de zèle et de fruit pour annoncer la parole de Dieu aux fidèles que, dès ce temps-là, il apparut un ange de charité, un agneau de douceur, un modèle d'humilité.

Dans le sein même de la Congrégation de la Mission, durant les premières années de son sacerdoce, il s'acquitta avec éclat de charges importantes. Mais son zèle ardent pour le bien des âmes ne pouvait s'enfermer à l'intérieur des frontières de sa patrie. Aussi, nommé très heureusement préfet apostolique de la Mission d'Ethiopie qu'allait fonder la Sacrée Congrégation de la Propagande, c'est avec tout l'enthousiasme de son âme que, pour annoncer la véritable doctrine de l'Evangile au peuple d'Abyssinie qui attendait la lumière de la religion catholique, il s'adjoignit quelques compagnons et partit, en 1839, pour l'Afrique.



missionnaire.

Il atteignit enfin sa mission. Mais celle-ci lui réservait de bien grandes peines et de nombreuses difficultés. Cependant, sous l'impulsion de son ardente charité pour Dieu et pour son prochain, il triompha de tout : de l'obstination des schismatiques, de la privation des objets les plus nécessaires, de la rigueur du climat. Ni la pluie, ni l'excessive chaleur ne pouvaient retenir le héraut du Christ. Il entreprenait de longs et difficiles voyages à travers les contrées sauvages du Tigré et les régions voisines du Choa. Sans se lasser, il y accomplissait les fonctions sacrées. Dès que lui parvenait l'appel de la religion et de la charité, sans retard il se mettait en route. Pour attirer plus facilement au Christ le peuple abyssin, il adopta exactement le genre de vie des indigènes. Et tandis qu'il passait la journée entière dans les travaux du ministère auprès des âmes, il consacrait à son Dieu une grande partie de la nuit dans la veille et dans la prière

Au bout de deux années de séjour en Abyssinie, se présenta l'occasion d'une délégation envoyée au Caire en Egypte. Sur les instances du roi d'Ethiopie, il se joignit à elle et prit place parmi la suite des voyageurs. Le serviteur de Dieu conduisit ainsi quelques personnages d'Abyssinie jusqu'à Rome et aux lieux saints de Palestine. Ainsi, plus tard, de retour dans leur patrie, ils rapporteraient le durable souvenir des martyrs, la glorieuse renommée de l'Eglise romaine, et le culte des lieux que le Seigneur notre Rédempteur foula de ses pieds et arrosa de son sang.

Rentré ensuite dans sa mission, le serviteur de Dieu, loin d'abandonner son apostolat habituel, ne diminua en rien ses travaux accoutumés. A cette époque, où les conditions générales de PAbyssinie étaient des plus tristes, on ne saurait dire tous les travaux entrepris par le serviteur de Dieu, tout le dévouement qu'il déploya pour procurer le bien.



Le premier vicaire apostolique de l’Abyssinie.

C'est pourquoi, l'excellente renommée de Justin ne cessant de grandir fit que le Saint-Siège le choisit comme premier vicaire apostolique de PAbyssinie et évêque titulaire de Nilopolis. Lui, cependant, s'estimait indigne d'un tel honneur et d'une telle charge ; son humilité les lui faisait décliner sans hésitation. Mais Guillaume Massaia, à la même époque, était vicaire apostolique chez les Gallas ; celui-ci, en raison de la gravité des événements, fit à Justin de Jacobis une obligation, pour ainsi dire d'accepter, malgré sa répugnance et sa peine, la charge qui lui était offerte. C'est à Massaouah que, le 8 janvier 1849, Justin reçut la consécration episcopale ; il était prêt à verser même son sang en témoignage de la vraie foi.

De fait, l'exil, la prison, les chaînes, la faim, la soif, les trahisons, les tribulations de tous genres, le vénérable serviteur de Dieu eut à les endurer. Cependant, il amena à la foi catholique près de douze mille schismatiques, il établit plusieurs stations de mission, et forma un groupe choisi de clercs indigènes. Justin passa en Abyssinie plus de vingt années sans jamais interrompre sa vie de charité, mais saisissant toutes les occasions de s'adonner totalement à de si multiples et si grands travaux pour promouvoir la gloire de Dieu et procurer le salut des âmes.

Enfin, tandis qu'il fuyait la persécution sur des chemins rudes et impraticables, brisé par la maladie et ses forces se trouvant épuisées, il comprit que sa mort était imminente. Alors, ayant reçu la grâce du sacrement de la confession et fortifié par l'extrême-onction, il exhorta les enfants très chers qu'il avait engendrés dans le Christ à garder la charité mutuelle, le respect et l'obéissance dus au Pontife romain. Puis, avec la plus grande sérénité, victime de charité, étendu sur le sol, il passa de cette vie dans le Seigneur, le 31 juillet 1860. Chrétiens et musulmans pleurèrent également la mort d'un tel père. Son corps, escorté par une foule très nombreuse, fut enseveli avec honneur auprès de l'église d'Hébo. Dans la suite, catholiques et schismatiques ne cessèrent de le visiter avec dévotion, comme ils ne cessèrent, depuis la mort de Justin jusqu'à nos jours, de conserver avec grande piété et grande ferveur la mémoire du vénérable serviteur de Dieu.

Une renommée de sainteté entourait le serviteur de Dieu, dès son vivant, à cause de ses éclatantes vertus ; et Dieu, disait-on, confirmait la sainteté de son serviteur par des prodiges, avant comme après sa mort.



L'instruction de sa cause.

Rien d'étonnant, dès lors si, depuis le temps de sa mort jusqu'à nos jours, cette réputation de sainteté avait tellement grandi que, après la conclusion des procès informatifs, selon le droit habituel, par les Ordinaires à Naples, à Lecce et dans le vicariat apostolique d'Abyssinie, on ait entrepris auprès de la Congrégation des Rites de faire décerner au serviteur de Dieu les honneurs réservés aux bienheureux. Le 15 juillet 1905, Notre prédécesseur, le pape Pie X, de vénérée mémoire, signait de sa propre main le décret d'introduction de la cause. Après son introduction et passés les premiers jugements, la cause progressa si bien par la suite que l'on put bientôt entamer la discussion sur les vertus du vénérable serviteur de Dieu, Justin de Jacobis. Notre prédécesseur d'heureuse mémoire, le pape Pie XI, le 28 juillet 1935, approuva et déclara le caractère d'héroïcité dont furent glorieusement marquées les vertus du serviteur de Dieu. On traita ensuite la question des miracles que Dieu, disait-on, avait accomplis par l'intercession du vénérable. Deux congrégations, à savoir antépréparatoire et préparatoire, furent d'abord tenues devant le cardinal rapporteur de la cause. La congrégation générale se tint devant Nous, le 2 mai de cette année-ci (1939). Après mûre réflexion sur toutes choses, Nous-même, le quatorzième jour du mois susdit qui était aussi le cinquième dimanche après Pâques, avons prononcé que les miracles proposés étaient établis en fait, et que l'on pouvait dans le cas, procéder plus avant.



Sa béatification.

Après que fut prononcé le jugement sur l'héroïcité des vertus et sur les miracles, un dernier objet de discussion demeurait en cause : est-ce que, en toute sûreté, on pouvait inscrire le vénérable Justin de Jacobis parmi les bienheureux du ciel ? Ce doute fut proposé par Notre cher fils Alexandre Verde, cardinal de la sainte Eglise romaine, actuel ponent ou rapporteur de la cause, dans l'assemblée générale tenue devant Nous au Palais du Vatican, le 23 du susdit mois de mai. Tous les membres présents, cardinaux et consulteurs des Rites, à l'unanimité, donnèrent une réponse affirmative. Cependant, Nous avons dans une question de telle importance différé de manifester Notre pensée, pour demander encore, par d'instantes prières, le secours du Père des lumières. Cette prière, Nous l'avons adressée de toutes les forces de Notre âme. Enfin, et tout récemment, le quatrième jour de ce mois-ci (juin 1939), où Nous célébrions la fête de la très Sainte Trinité, après avoir offert le sacrifice eucharistique en présence de Nos chers fils Charles Salotti, cardinal de la sainte Eglise romaine et préfet de la Sacrée Congrégation des Rites, et Alexandre Verde, cardinal de la sainte Eglise romaine, rapporteur de la cause ; et également en présence de Nos chers fils Alphonse Carinci, secrétaire de la Congrégation des Rites, et Sauveur Natucci, promoteur général de la foi, Nous avons déclaré que l'on pouvait procéder sûrement à la béatification du vénérable serviteur de Dieu Justin de Jacobis.



Autorisation de son culte.

Ainsi donc, comblant les voeux et de la Congrégation de la Mission de Saint-Vincent de Paul et des catholiques d'Abyssinie, en vertu de Notre autorité apostolique, selon la teneur des présentes lettres, Nous accordons la faculté d'honorer désormais du titre de bienheureux le vénérable serviteur de Dieu Justin de Jacobis, premier vicaire apostolique de PAbyssinie ; Nous permettons que son corps et ses reliques soient exposés à la vénération publique des fidèles, sans qu'on puisse, cependant, les porter dans les supplications solennelles ; de même, Nous permettons que les images du serviteur de Dieu soient ornées de rayons.

En outre, de par Notre même autorité apostolique, Nous concédons que chaque année l'office du même bienheureux, office du commun d'un confesseur pontife avec les leçons et oraisons propres approuvées par Nous, soit récité par tous les fidèles qui sont tenus à la récitation des heures canoniales et la messe spéciale célébrée par tous les prêtres tant réguliers que séculiers qui célébreront dans les églises ou chapelles où l'on fait la fête du bienheureux. Toutefois, cette faculté, Nous l'accordons seulement pour le diocèse de Muro-Lucano où naquit le serviteur de Dieu, pour les vicariats et préfectures apostoliques de l'Afrique orientale où il se dépensa si saintement et mourut et aussi pour toutes les églises et chapelles à l'usage de la Congrégation de la Mission, en quelque lieu que ce soit.

Enfin, Nous accordons l'autorisation de célébrer des solennités en l'honneur de la béatification du vénérable serviteur de Dieu Justin de Jacobis, dans toutes ces mêmes églises et chapelles, aux jours désignés par l'autorité légitime, selon les règles liturgiques de droit, et cela durant l'année qui suivra les solennités de la béatification célébrées en la basilique vaticane.

Seront valables les présentes décisions, nonobstant les constitutions, ordonnances et décrets apostoliques sur le non-culte ou tout autre objet. De plus, Nous voulons que, ces lettres même imprimées à condition cependant d'être signées de la main du secrétaire de la Congrégation des Rites et munies du sceau de la même Congrégation, soient acceptées, à l'égal des présentes, dans les discussions judiciaires et qu'on leur accordé la même foi qu'aux présentes en tant qu'expression de Notre volonté.






DISCOURS AUX JEUNES ÉPOUX ET AUX PÈLERINS VENUS POUR LA BÉATIFICATION DE JUSTIN DE JACOBIS

(28 juin 1939) 1

1 D'après le texte italien de Discorsi e Radiomessaggi, t. I, p. 221 ; cf. la traduction française des Discours aux jeunes époux, t. I, p. 33.



En la vigile de la fête des saints Pierre et Paul, le Saint-Père parla aux jeunes époux et à de nombreux fidèles venus à Rome pour la béatification de Justin de Jacobis, apôtre de l'Ethiopie.

Voici les paroles que Sa Sainteté a adressées aux jeunes époux :



Si Nous éprouvons toujours une joie intime à Nous trouver parmi vous, chers enfants, l'audience d'aujourd'hui Nous est particulièrement chère : elle reçoit une solennité et une importance spéciale du fait qu'elle coïncide heureusement avec la vigile des saints apôtres Pierre et Paul. Fête de Rome avant tout, de cette Rome que les ineffables dispositions de la Providence ont voulu désigner pour siège du premier pape et de ses successeurs. Fête dé toute l'Eglise aussi, qui, répandue dans le monde entier, célèbre le glorieux triomphe de celui à qui Notre-Seigneur Jésus-Christ a dit ces mémorables paroles : « Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise, et les portes de l'enfer ne prévaudront point contre elle. »

Vous venez demander et recevoir la Bénédiction apostolique : bénédiction vraiment apostolique, puisqu'elle est donnée par le successeur, quoique indigne, de Pierre. Ce que Jésus-Christ a disposé reste, et Pierre, toujours ferme dans la solidité de pierre qui lui a été communiquée, n'abandonne point le gouvernail de l'Eglise que ses mains tenaient autrefois. Au contraire, il s'acquitte maintenant avec plus de force et de vigueur que jadis de la tâche qui lui a été confiée, et il remplit dans toute leur ampleur les offices qu'il a assumés en Celui et avec Celui par qui il a été glorifié 2.

De cette bénédiction apostolique vous attendez grâces et faveurs célestes, protection et aide pour la nouvelle famille que vous avez fondée. Ayez confiance : le patronage et l'exemple de Pierre et du grand Docteur des nations, saint Paul, seront puissants et efficaces pour vous.

Saint Léon le Grand (comme d'autres Pères de l'Eglise) va jusqu'à appeler les deux apôtres, par une image étonnante, les yeux du corps mystique dont le Christ est la tête 3. Des yeux brillants et éclatants, des yeux paternels et miséricordieux, des yeux bienveillants et vigilants, des yeux qui suivent notre chemin spirituel, des yeux qui s'abaissent pour encourager et animer, qui s'élèvent pour intercéder et implorer grâce en faveur de ceux que tourmente encore l'âpre et périlleuse bataille de cette vie.

Pour vous, jeunes époux, conservez cette foi et transmettez-la pure aux enfants que la divine Providence daignera vous accorder : conservez et transmettez cette confiance dans les Princes des Apôtres et avec elle la dévotion, l'attachement indéfectible, quelle que soit la personne, au Vicaire du Christ, successeur de saint Pierre.

Recevez donc la paternelle bénédiction que Nous vous donnons de grand coeur, en l'étendant à toutes les personnes et choses qui vous sont chères et sur lesquelles vous désirez qu'elle descende avec abondance.



S. Léon le Grand, Serm. III, cap. 3 : Migne, P. L., t. 54, col. 146.

Serm. LXXX11, cap. 7 ; Mignc, P. L., t. 54, col. 427.



. aux pèlerins de Livourne :

En même temps que vous, Nous bénissons tous Nos chers fils et filles et, en particulier, les chers pèlerins conduits ici par Notre vénéré Frère, le très digne pasteur de ce diocèse de Livourne, qui doit son origine au zèle apostolique de Notre grand prédécesseur, Pie VII. Nous formulons en même temps le souhait paternel que, de même que votre florissante cité excelle par son intense vie commerciale et par son développement si riche de promesses, de même et surtout, grâce à l'action pastorale de son évêque et de son clergé, elle brille toujours davantage par la vigueur de sa foi et la ferveur de saintes oeuvres.



. aux pèlerins venus pour la glorification du bienheureux Justin De ibis :

Et maintenant il Nous plaît de Nous adresser à vous, chers fils, venus célébrer les prémices de la glorification du grand serviteur de Dieu et de l'héroïque apôtre que fut le bienheureux Justin De Jacobis, et de partager avec vous les douces émotions qu'a suscitées dans votre coeur et dans le Nôtre ce solennel événement.

Grand événement pour Nous, qui par cette glorification pouvons montrer au monde une fois de plus l'inépuisable vitalité de l'Eglise notre Mère — mère féconde d'héroïsme et de sainteté — capable d'élever la créature la plus humble au sommet de la perfection, de la transformer en foyer de lumières au milieu des ténèbres du siècle, d'en faire un héros du plus sublime apostolat, et un esprit élu, immolé au plus élevé et au plus pur idéal, celui du Royaume de Dieu sur la terre.

Que peut-il Nous arriver de plus joyeux pour le ministère pastoral, auquel la divine Providence a voulu associer Notre humble personne, que cette apparition de nouveaux astres dans le ciel de l'Eglise pour Nous assurer de la vigilante assistance d'en haut et pour obliger le monde à regarder attentivement et à réfléchir aux merveilles spirituelles dont l'Evangile est le magnifique artisan !

Il Nous plaît de Nous adresser à vous, qui pour une raison ou pour une autre pouvez vous réclamer d'un lien de parenté avec le nouveau bienheureux ; à vous, ses confrères et ses consoeurs, fils et filles de saint Vincent de Paul ; à vous, pèlerins de son diocèse d'origine et de son village natal, guidés par Notre vénéré Frère, l'évê-que de Muro Lucano, qui vous est très cher comme à Nous-même ; à tous les pèlerins de la région des Fouilles et de toute l'Italie.

Mais votre présence, fils bien-aimés de l'Ethiopie, venus avec votre Délégué apostolique et d'autres évêques de l'Afrique orientale italienne, Nous apporte une consolation particulière. Vous venez d'outre-mer, mais vous avez rencontré ici même, dans cette Cité du Vatican, vos frères, jeunes espoirs de l'Eglise d'Abyssinie, de sa régénération et de sa purification chrétiennes commencées depuis quinze siècles par saint Frumence dans les terres d'Ethiopie.

Aujourd'hui vous renouvelez dans Notre coeur, mais avec un sentiment plus haut de foi chrétienne, la joie, dont il y a environ un siècle le bienheureux De Jacobis remplissait le coeur de Notre prédécesseur, Grégoire XVI, lorsqu'il lui présenta la délégation de vos concitoyens, qu'il avait amenés d'Abyssinie. Ils furent profondément impressionnés par la bonté du Pontife romain, étonnés par la majestueuse grandeur du culte de l'Eglise catholique, et ils apprirent que le Christ Sauveur de tous les peuples avait donné à son Vicaire sur la terre une grandeur de coeur presque semblable aux sables des rivages de la mer. Ils retrouvèrent en lui le Père commun, qui est le centre d'unité de toute la famille chrétienne et qui sait épancher son coeur, sa sollicitude, sa généreuse prévoyance, sa parole paternelle qui apporte lumière, liberté, consolation et salut à toutes les brebis du Christ, même à celles qui, bien que lui appartenant, ne font pas encore partie de ce bercail catholique, auquel il doit pourtant les conduire. C'est avec un esprit de foi et d'amour plus haut et plus saint que vous vous serrez aujourd'hui autour de Nous, qui reconnaissons en vous, héritiers de l'ardeur des martyrs, les fils de l'apostolat, de la foi et de la charité du nouveau bienheureux.

Dans ce héros de la sainteté, Dieu a voulu unir la faiblesse de la chair à la hardiesse de l'esprit pour que sa victoire sur les obstacles, les adversités et les tribulations de son dur chemin resplendisse de façon plus lumineuse. Prêtre de la Mission de Saint-Vincent de Paul, il porta en Abyssinie le zèle du missionnaire, la sagesse sacerdotale, le courage prudent dans les sacrifices, la voix persuasive de la vérité et du bien, qui l'avaient fait aimer, admirer, vénérer dans les Pouilles. Il y porta ces admirables vertus, mais avec une plus haute autorité, un plus grand amour de père, une plus grande condescendance de maître, un plus insatiable sacrifice de pasteur qui va à la recherche des brebis égarées sur les sentiers trompeurs et les arides pâturages. Dans son humilité, plus assoiffée des poids du sacrifice que des honneurs de l'épiscopat, le titre de Vicaire apostolique d'Abyssinie fut pour lui le stimulant énergique et continuel de la généreuse offrande de tout lui-même pour la conquête, l'instruction et le gouvernement des âmes, pour le choix et l'éducation du clergé abyssin, pour la réorganisation des rites sacrés et l'administration des sacrements, pour la fondation des collèges, pour la protection des pèlerins d'Ethiopie à Jérusalem, pour les oeuvres de bienfaisance en faveur des pauvres et des infirmes et par l'effusion sous différentes formes de la charité vigilante et secourable, par lesquelles l'héroïque ardeur de l'apôtre et du saint sait se faire tout à tous. Les chemins, les villages, les rivières, les lacs et les mers d'Abyssinie furent les témoins de son dur apostolat et des luttes, heureuses ou tristes, douces ou amères, qui accompagnèrent à travers les régions éthiopiennes les pas du saint missionnaire ; exemple et modèle, pendant ses vingt ans de travail apostolique pour le grand athlète du Christ que fut Massaia, dont il dut vaincre l'humilité pour le consacrer évêque à la lumière d'une tremblante lanterne de nuit.

En Justin De Jacobis Nous admirons et devant Dieu Nous exaltons le héros des débuts du rétablissement de la foi catholique en Abyssinie. Il brille dans la lumière des premiers propagateurs de l'Evangile, initiateurs de la régénération chrétienne de l'univers, dans la lumière de l'Apôtre des gentils, parce que, comme lui, il peut se vanter de ses propres tribulations et sait par expérience ce qu'il en coûte de semer la foi dans le monde. N'a-t-il pas été, comme saint Paul (cf. 2Co 11,23-28), dans les travaux, dans les prisons, parmi les morts, sur les vagues de la mer, dans les voyages, exposé aux périls des fleuves, aux périls de la part des brigands, aux périls de la part des amis, aux périls de la part des gentils, aux périls dans les villes, aux périls sur la mer, aux périls de la part des faux frères ; dans les labeurs et les peines, dans les nombreuses veilles, souffrant de la faim et de la soif, s'imposant des jeûnes multiples ; sans compter la sollicitude de chaque jour pour sa chère Eglise d'Abyssinie ? N'est-il pas mort sur le chemin, comme un héros qui tombe sur ses propres pas, sel de la terre baignée de ses sueurs, en vue d'un grand peuple de frères malheureux et bien-aimés, regardant le ciel, nouveau Xavier sur une île sans rivages, épuisé à en mourir par l'impatience indomptable de donner sa vie pour le salut des âmes rachetées par le sang du Christ ?

Ainsi meurent, sans avoir subi le martyre, les hérauts de l'Evangile ; et bien que sans martyre, leur sang est semence de chrétiens. Devant l'autel de ce bienheureux martyr de la charité et de la souffrance non sanglante Nous Nous inclinons avec vous, frères de la même foi en Jésus-Christ, vrai Dieu et vrai homme, sans confusion de natures. Avec les vôtres Nos espérances s'ouvrent toutes grandes ; Notre coeur s'exalte dans l'esprit qui vous a conduits à la maison du Père commun, parce qu'il est l'esprit d'une nouvelle aurore précédant un nouveau soleil de foi plus limpide, de vertu plus pure, de piété plus profonde et plus opérante sur votre terre de lumière : Adesse festinant tempora (Dt 32,35), « les temps avancent. »

L'Afrique s'est réveillée. Elle s'est levée assoiffée de la parole et de l'autel du Christ. Vous, chers pèlerins d'Abyssinie, vous êtes les prémices d'un grand peuple de Dieu, qui s'avance sous la conduite de votre bienheureux martyr Ghebre Michael, à côté du bienheureux Justin De Jacobis, sous le signe de la pure foi de Rome. Ces deux héros de l'Evangile sont votre gloire aussi bien que la gloire de l'Eglise catholique ; ils sont les nouveaux patrons de votre nation ; ils sont vos maîtres et vos pères sur le chemin qui conduit au ciel ; ils sont de puissants intercesseurs auprès du trône de Dieu, de qui Nous invoquons la bénédiction apostolique sur vous et sur votre peuple, pour qu'elle soit pour vous la source des faveurs divines et vous accompagne et protège dans tous les voyages et les activités de votre vie jusqu'à la paix de l'éternel bonheur.






ALLOCUTION AU PÈLERINAGE NATIONAL HONGROIS

(30 juin 1939)1

A S. Em. le cardinal Seredi qui lui avait présenté un important pèlerinage national hongrois, le Saint-Père a répondu en ces termes :

Salut, Notre très cher cardinal archevêque d'Esztergom, salut à vous Vénérables Frères et évêques et chers fils qui représentez, pour ainsi dire, tout le clergé hongrois dont il Nous a été permis d'observer et d'admirer, l'an passé, à l'occasion du mémorable Congrès eucharistique, la foi ferme, le travail infatigable et les vertus sacerdotales. C'est avec une joie très vive, pour Nous qui fûmes votre hôte, de pouvoir vous recevoir aujourd'hui dans Notre maison et de pouvoir exprimer Nos voeux les meilleurs à tous Nos fils hongrois et à toute votre nation.

Chers fils et filles de Hongrie ! Ce qui nous paraît tellement digne d'admiration dans la « Hungaria Catholica », c'est, avant tout, la fidélité avec laquelle les catholiques de Hongrie ont su garder leur foi au milieu des pires épreuves, depuis les temps lointains de saint Etienne et de son fils saint Eméric. Nous pensons ici spécialement à la ténacité, à l'endurance qui vous a permis de maintenir cette foi pendant le siècle et demi de la domination du Croissant dans votre pays. Le caractère très prononcé de noblesse de votre nation et la grâce de Dieu se sont donnés la main pour maintenir en commun cette fidélité à toute épreuve.

Aujourd'hui aussi des décisions religieuses de la plus grande importance se manifestent partout dans le monde. Dieu soit loué, le Christ et son Eglise possèdent maintenant aussi une armée de combattants courageux et prêts à tous les sacrifices, comme rarement dans le passé, et le Vicaire du Christ compte grandement sur les sept millions de catholiques hongrois. Que Dieu vous aide à confesser ouvertement votre foi jusque dans ses dernières conséquences et à la mettre en pratique dans votre vie.

La vénération et l'affection filiales que les catholiques hongrois vouent au Saint-Père remplit Notre coeur de réconfort. Il est caractéristique qu'au cours de votre histoire les époques de prospérité de la Hongrie aient toujours été aussi celles de ses rapports les plus intimes avec la Chaire de Pierre. L'expression la plus éloquente de ce fait est la couronne de saint Etienne elle-même. Quand il est question de rapports intimes entre la Hongrie et le Saint-Siège, Nous citons avec fierté le nom du pape Innocent XL Ce ne sont que les découvertes historiques récentes qui ont démontré combien ce saint pape a participé à la libération de la Hongrie et combien son nom est devenu inséparable des événements qui précédèrent et suivirent la fameuse date de 1686. Nous sommes heureux de savoir que ces années qui comptent parmi les plus glorieuses de l'histoire hongroise se rattachent si étroitement au nom de l'un de Nos prédécesseurs.

Chers fils et filles de Hongrie ! Faites en sorte que votre attachement au Saint-Siège soit aussi le signe de votre vie chrétienne. Il est aussi le secret de la force et de la fidélité de votre foi.

Nos voeux les plus ardents accompagnent la vie catholique florissante de votre patrie, et, avant tout, le travail exemplaire de son Action catholique. Nous recommandons à l'amour débordant et à la grâce de Jésus-Christ et à la suprême protection de la patronne de la Hongrie la prospérité et le bonheur de la Hongrie, sa paix intérieure et extérieure, mais, avant tout, sa vie religieuse.

En gage de quoi, Nous accordons de tout coeur, à vous, aux êtres chers que vous avez laissés au pays, à tous ceux auxquels vous pensez maintenant et surtout à votre jeunesse, la Bénédiction apostolique.






DISCOURS AUX JEUNES ÉPOUX ET A D'AUTRES GROUPES DE PÈLERINS

(5 juillet 1939)1

Au cours de cette audience générale, le Saint-Père fit aux jeunes époux un exposé sur la liturgie du mariage, puis s'adressa successivement aux nombreux autres groupes présents. Voici la traduction de ce discours.

1 D'après le texte italien de Discorsi e Radiomessaggi, t. I, p. 233 ; cf. la traduction française des Discours aux jeunes époux, t. I, p. 35.



Aux jeunes époux :

Elles Nous sont toujours agréables, chers jeunes époux, vos belles et nombreuses visites au Père commun. Elles le sont d'autant plus que, avec le désir de recevoir la bénédiction du Vicaire du Christ, votre coeur nourrit la délicate intention de Nous faire participer à votre joie et à votre fête nuptiale.

En vérité, c'est un événement entouré d'une sainte liesse que le mariage chrétien contracté, comme c'est votre cas certainement, dans les dispositions voulues. Ces dispositions, ainsi que les précieux effets du sacrement, Nous en trouvons l'éloquente expression dans les cérémonies liturgiques. Nous aimons, époux chrétiens, les rappeler aujourd'hui à votre souvenir et à votre méditation, afin que vous apparaissent toujours plus hautes la dignité et la sainteté du grand sacrement dont vous avez été les ministres.

Trois moments principaux marquent le rite sacré si émouvant et si expressif des épousailles. Le premier, l'essentiel, est le consentement mutuel, manifesté par la parole des fiancés, reçu par le prêtre et les témoins, confirmé et ratifié en quelque sorte par la bénédiction et la remise de l'anneau, symbole d'entière et indéfectible fidélité.

Tout cela s'accomplit dans une communauté à la fois grandiose et simple : les époux sont agenouillés devant l'autel du Seigneur en présence des hommes (les témoins, les parents et amis) ; en présence de l'Eglise, que représente le prêtre ; en présence de Dieu, qui, assisté des anges et des saints, sanctionne les engagements solennellement pris.

Vient ensuite la partie pour ainsi dire instructive des noces chrétiennes : Paul, le grand Docteur des nations, s'avance, et dans l'épître de la messe de mariage rappelle aux époux d'une voix ferme leurs engagements mutuels et la nature de ce sacrement, symbole de la mystique union du Christ avec l'Eglise. Puis l'apôtre cède respectueusement la place au Maître et Jésus lui-même dans l'Evangile prononce la grande et définitive parole : Quod Deus coniunxit, homo non separet. « Que l'homme ne sépare pas ce que Dieu a uni ! » (Mt 19,6).

Mais pour que la pensée des importants devoirs et des graves responsabilités qu'ils ont assumés n'opprime pas les époux de son poids, voici que l'Eglise prie pour eux, implore des grâces sur le nouveau foyer et rappelle les récompenses réservées même pour ici-bas aux époux vraiment chrétiens.

Particularité importante dans la liturgie de la sainte messe : après le Pater noster, le prêtre se tourne vers les époux et invoque sur eux les bénédictions divines par une prière qui touche les fibres les plus intimes du coeur et où abondent les voeux les plus émouvants.

Puis la messe reprend son cours et le prêtre demande, avec la libération du mal, le bien le plus grand de la vie terrestre : la paix.

Pour Nous, recueillant cette prière, Nous adressons le même voeu aux jeunes époux : Nous leur souhaitons la paix, c'est-à-dire le bonheur réel et chrétien. Que les jours de votre vie se passent tous dans un bonheur semblable à celui de vos noces, et qu'ils soient égayés par le sourire des enfants, ce gage d'un mutuel amour et des bénédictions divines, que le Seigneur fera croître autour de votre table comme des rameaux d'oliviers.

Si tous vos jours ne s'écoulent pas joyeux comme le premier, qu'ils soient du moins rassérénés par la seule vraie consolation dans les maux d'ici-bas, la confiance en Dieu.



Aux religieuses de l'Institut de la Sainte Famille de Bergame et aux pèlerins venus pour la proclamation de l'héroïcité des vertus de la vénérable Paule-Elisabeth Cerioli :

Cependant, avec la bénédiction que Nous donnons aux jeunes époux, ne s'achève pas Notre exhortation à leur égard. Elle a en quelque sorte sa suite dans les paroles que Nous voulons adresser au méritant Institut de la Sainte Famille de Bergame, représenté par sa supérieure générale et ses religieuses, entourées de pieux et dévots pèlerins sous la conduite de Notre vénéré Frère, le cardinal-doyen du Sacré Collège, qui a donné et donne, en tant que Ponent, à la cause de béatification de leur fondatrice l'ardeur toujours renouvelée de son zèle, la perspicacité toujours alerte de son intelligence, les trésors toujours plus riches de son expérience et l'inépuisable dévouement d'un coeur qui défie les années. En vous voyant réunies ici, chères filles, se renouvelle en Nous la joie que Nous avons éprouvée dimanche dernier à l'occasion de la lecture du décret sur l'héroïcité des vertus de cette lumineuse et humble créature qu'a été la vénérable Paule-Elisabeth Cerioli. Dans sa vie d'ici-bas, versant bien des larmes, elle vécut dans les états ordinaires de fille, d'épouse, de mère et de veuve, semant le bien et portant avec un suprême honneur le nom chrétien. Au-dessus des biens matériels et terrestres — dont Dieu l'avait pourtant pourvue — elle estima les biens spirituels et célestes comme les seuls vrais et impérissables titres de la seule et vraie grandeur. Des vertus théologales et cardinales, grâce auxquelles il est donné à l'homme de conférer à la vie présente la valeur d'un vêtement qui ne connaît pas d'usure, d'une lumière qui ne connaît pas de couchant, elle a donné l'exemple, autrefois dans un champ limité, et le donne aujourd'hui dans un cercle bien plus vaste et plus large, prouvant encore une fois la perpétuelle actualité de l'Evangile et sa parfaite adaptation à tous les états et conditions de notre vie.

Et c'est là, par les vertus de fille, d'épouse, de mère et de veuve, que Paule-Elisabeth a cultivé les germes précieux qui devaient un jour faire d'elle un apôtre de la charité et l'émule de toutes les grandes âmes, qui au culte de notre Père du ciel et à l'amour de notre Sauveur Jésus-Christ ont donné un aliment substantiel de pitié efficiente envers les délaissés du monde.

Telle est, en son germe, la bienfaisante fondatrice de l'Institut de la Sainte Famille qui, entrant dans l'armée des jeunes filles de bonne volonté, a donné la vie à une nouvelle et providentielle famille religieuse appelée à perpétuer dans le monde la flamme allumée par elle et à sertir d'un nouveau joyau la lumineuse couronne de charité, par laquelle l'Eglise se distingue le long de son laborieux chemin.

De même que son saint contemporain, saint Jean Bosco, apôtre des quartiers ouvriers, elle a compris combien il était utile et combien il était devenu urgent de donner aux enfants de la campagne, en même temps que l'éducation religieuse et morale visant à leur permettre de gagner le ciel, une formation technique et professionnelle qui leur permette, à une époque difficile, de gagner le pain quotidien sans de trop âpres luttes. C'est ainsi qu'issue pourtant d'une famille noble, elle se pencha vers les enfants des classes rurales et que, parmi eux, elle aima particulièrement les orphelins. Elle devint ainsi deux fois mère, précisément parce que, avant la maternité spirituelle dont ces chères filles sont les fruits précieux, elle connut les joies et bientôt aussi les deuils et les douleurs de la maternité humaine.



Aux pèlerins de Crémone et Bergame :

C'est avec ces sentiments que Nous bénissons de tout coeur tous et chacun de vous, chers pèlerins qui représentez spécialement les deux diocèses de Crémone et de Bergame, dont l'un se glorifie d'avoir été le berceau de la vénérable et l'autre d'en conserver le tombeau. Nous bénissons aussi ceux et celles qui sont le champ du Seigneur : Dei agricultura estis, selon la belle expression de saint Paul (1Co 3,9), de même que ceux qui ont pour mission de le cultiver afin que, par la vertu de la grâce, la bonne semence de la foi donne une abondante récolte d'oeuvres de bien.

C'est avec ce souhait que Nous adressons encore Nos affectueuses pensées au groupe de pieux pèlerins, que Notre cher et très zélé cardinal Ascalesi Nous a amenés de sa ville privilégiée et séduisante, messagers de la volonté fervente de dévouement et d'action, que la très religieuse ville de Naples n'a jamais démentie à l'égard du Vicaire de Jésus-Christ et dont les nombreux ornements sacrés que vous Nous avez offerts pour les missions sont les nobles témoignages. A vous comme à vos concitoyens, dont vous Nous apportez les salutations et l'hommage, Nous recommandons d'une manière particulière celles des vertus surnaturelles — la foi ardente et la charité miséricordieuse — qui ont toujours été la gloire incontestable de votre ville catholique et généreuse. Abondamment nourrie de ces deux grandes sources, votre vie chrétienne, toujours plus éclairée et élevée, donnera pour l'édification du monde des fruits de bien à profusion, et pour votre réconfort elle apportera à chacun de vous la paix profonde et intime dont Jésus-Christ a le secret.

Avec ces voeux descend aujourd'hui, large et pleine de souhaits, Notre bénédiction sur vous, sur vos familles et sur vos concitoyens.



Aux membres de l’Apostolat de la prière :

Avec une égale cordialité et un sentiment d'une égale gratitude, Nous vous saluons, chers membres de l'Apostolat de la prière d'Anagni, accompagnés de Notre vénérable Frère, votre évêque, qui vous est à vous comme à Nous très cher. Vous Nous rappelez, en effet, celle qui est pour tous, mais combien plus pour Nous, la force suprême et la plus ferme espérance. Que ferait et que serait le chrétien sans la prière ? Et que ferions et serions-Nous, Nous-même, dans le gouvernement de l'Eglise, si l'Eglise n'était pas unie dans la prière incessante, sine intermissione, comme autrefois pour son premier Chef, saint Pierre, et aujourd'hui pour son indigne successeur ?

C'est grâce à cette aide, dont chaque jour Nous expérimentons sensiblement l'efficacité que Nous travaillons confiant dans les divines promesses. C'est grâce encore à cette aide que tous Nos meilleurs enfants dispersés sur la face de la terre, chacun sous le poids de sa croix et à la lumière de sa foi, se sauvent chaque jour du monde et du péché.

Pensez donc si l'Apostolat de la prière Nous est cher et combien est juste et profonde Notre reconnaissance à l'égard de cette armée compacte ! En priant sans cesse pour toute l'Eglise, elle fait continuellement violence au ciel et triomphe de la juste colère de Dieu, comme jadis Moïse pour tout le peuple infidèle.

De Notre grande confiance dans l'Apostolat de la prière Nous désirons ardemment rendre conscients et, mieux encore, faire participer tous les fidèles. Aucun don ne peut être plus agréable que la prière. Et sur vous, chers membres, qui par votre présence venez renouveler dans ce domaine vos promesses et vos résolutions, Nous implorons large et éternelle la divine récompense.



A des franciscains curés :

Il Nous est encore donné d'adresser aux nombreux religieux franciscains ici présents, qui sont curés en Italie, une pressante invitation à se faire les messagers d'un tel message et à intensifier la piété et la prière au milieu du peuple chrétien. Héritiers directs de l'esprit de paix du séraphique Poverello, leur activité spirituelle au coeur de leurs populations doit être particulièrement imprégnée de cet esprit. Par leur prière dont ils sont les ministres attitrés en raison même de leur ministère pastoral, ils devront servir avec d'autant plus de ferveur la grande cause de la paix, qui en ce monde est plus urgente que toute autre et qui s'impose davantage à la charité de tous les enfants de l'Eglise. Sous le signe de la paix portez donc à vos paroisses la bénédiction que Nous donnons de tout coeur à tous les pasteurs et à leurs ouailles. Interprètes de Notre vif sentiment, qui est aussi le vôtre, employez-vous à faire en sorte qu'une telle prière soit dans toutes les classes confiante et persévérante.



A des pèlerins yougoslaves :

C'est sur ce même sujet de la prière que Nous Nous adressons à vous et vous bénissons de coeur, chers pèlerins de Yougoslavie qui, sous la conduite des évêques de Split et de Raguse, venez Nous réconforter par la profession de cette foi et de cette piété chrétiennes, qui sont si profondément enracinées dans les tenaces traditions de vos populations. Basée sur le solide fondement de cette foi et de cette piété, votre prière pour Nous, pour vous-mêmes, pour votre patrie, pour le monde bouleversé, peut s'élever confiante vers le trône de Dieu avec la certitude d'en gagner la faveur et la pleine garantie qu'elle produira les fruits de vie chrétienne, auxquels votre foi et votre piété doivent tendre ardemment pour le salut spirituel de chacun et pour l'heureuse diffusion et le plus grand accroissement du nom chrétien.



A des pèlerins d'Athènes :

Avec vous et sous la conduite de Notre vénéré Frère, Jean-Baptiste Filippucci, Nous apportent l'hommage de leur dévouement et de leur filial attachement les pèlerins que le glorieux nom d'Athènes rappelle à Nos souvenirs et à Notre paternelle affection. De vous et de votre sentiment religieux parle toujours, dans le livre des Actes, l'Apôtre des gentils, saint Paul, qui vous prêcha, chers Athéniens, la vraie foi sur cet Aréopage, dont vous avez voulu Nous apporter en souvenir, symbole précieux de l'union tant souhaitée, un marbre détaché de son rocher.

Fermes dans la foi et dans la prière, votre activité ne peut manquer de produire, sous la haute conduite de vos dignes pasteurs, des fruits de salut et de progrès dans la vie chrétienne soit en vous-mêmes soit en ceux qui vous entourent. Votre premier prédicateur lui-même, saint Paul, vous encourage et vous presse vers cet exercice d'apostolat. Et comme lui, si vous savez féconder par vos sacrifices le message de Jésus-Christ, vous pourrez vous glorifier un jour de n'avoir pas reçu en vain, pour vous et pour les autres, la grâce du Seigneur. Avec ces voeux, que Nous formons ardemment dans Notre coeur pour les Grecs qui sont ici présents et pour leurs frères dans la foi, Nous invoquons sur eux la divine assistance et leur donnons, ainsi qu'à tous les présents, la Bénédiction apostolique.






Pie XII 1939 - LETTRE AU R\2me\0 PÈRE PIERRE DAMIEN BUFFALDINI SUPÉRIEUR GÉNÉRAL DES MOINES ERMITES CAMALDULES DE L'ORDRE DE SAINT BENOIT