Pie XII 1939 - LETTRE DE LA SECRÉTAIRERIE D'ÉTAT POUR LE CONGRÈS DE « PAX ROMANA »


DISCOURS AUX JEUNES ÉPOUX ET A DE NOMBREUX AUTRES GROUPES DE PÈLERINS

(19 juillet 1939) 1

Accueillant de nombreux couples de jeunes époux, le Saint-Père leur exposa les trésors que procure l'union intime avec Dieu, l'un des plus précieux étant la vraie paix du foyer.



Le voeux que reçoivent les jeunes époux sont toujours et partout les mêmes : des voeux de bonheur. C'est l'expression première et entière des sentiments et des souhaits des parents, des amis, de tous ceux qui prennent part à leur joie.

C'est aussi la prière par laquelle l'Eglise termine la messe de mariage : Quos legitima societate connectis, longaeva pace custodias. « Dieu tout-puissant, conservez dans une longue paix ceux que vous unissez par un lien légitime. »

C'est également le voeu paternel que Nous adressons aux époux qui viennent à Rome implorer la bénédiction apostolique, gage de faveurs célestes, de paix, de bonheur pour tous ceux qui la reçoivent.

Pax vobis ! La paix soit avec vous ! Nous vous adressons aujourd'hui ce voeu profondément chrétien, précieux legs du divin Maître, et il Nous plaît d'en relever la haute signification.

La paix, source de vrai bonheur, ne peut venir que de Dieu, elle ne peut se trouver qu'en Dieu : « Seigneur, vous nous avez créés pour vous, et notre coeur est sans repos tant qu'il ne repose pas en vous ! » Aussi n'est-ce qu'au ciel, dans la vision de la divine essence, que l'homme connaîtra le bonheur absolu, le bonheur entier et parfait. Mais au milieu même de la vie terrestre, la condition fondamentale de la vraie paix et de la sainte joie est l'abandon amoureux et filial à la volonté divine. Tout ce qui relâche et affaiblit cette conformité, tout ce qui atténue et brise cette union, est en opposition avec la paix, avant tout et surtout le péché. Le péché est rupture et désunion, désordre et trouble, remords et crainte, et ceux qui résistent à la volonté de Dieu n'ont pas et ne peuvent pas avoir la paix : Quis restitit ei et pacem habuit ? « Qui lui a résisté et est demeuré en paix ? » (Jb 9,4). Au contraire la paix est l'heureux partage de ceux qui observent la loi de Dieu : Pax multa diligentibus legem tuam ! « Grande est la paix pour ceux qui aiment votre loi. » (Ps 118,165).

C'est sur ce solide fondement que les époux et parents chrétiens bâtissent le bonheur de leur foyer et qu'ils établissent la paix de leur famille. Tout imprégnée d'amour et de charité, la famille chrétienne fuit Pégoïsme et la recherche des propres satisfactions. Ainsi, alors même que disparaissent les fugaces attraits des sens, alors que se fanent et tombent, l'une après l'autre, les fleurs de la junévile beauté, alors que l'imagination voit s'évanouir ses illusions d'antan. même alors il reste toujours entre les deux époux, entre les parents et les enfants, il reste le lien des coeurs, il reste la grande âme de la vie domestique, l'immuable amour, et avec lui le bonheur et la paix.

Celui, au contraire, qui tient le rite sacré des noces chrétiennes pour une simple cérémonie extérieure qu'on accomplit pour suivre une coutume, celui qui y apporte une âme en état de péché grave, et par là profane le sacrement du Christ, celui-là tarit la source de grâces surnaturelles destinées, dans les admirables desseins de la Providence, à féconder le jardin de la famille, à faire éclore les fleurs des vertus chrétiennes et mûrir les fruits de la vraie paix et de la joie la plus pure.

Ces familles inaugurées dans le péché donneront contre les écueils à la première tempête, ou bien, comme un navire abandonné aux flots, elles iront à la dérive de doctrines qui, sous les apparences de liberté ou de licence, préparent l'esclavage le plus dur. Les profanateurs de la famille n'auront pas la paix. Seule la famille chrétienne, docile aux lois du Créateur et du Rédempteur et soutenue par la grâce, est une garantie de paix.

Telle est, jeunes époux, la portée de Notre ardent et sincère souhait paternel ; paix avec Dieu dans la dépendance de sa volonté, paix avec les hommes dans l'amour de la vérité, paix avec soi-même dans la maîtrise des passions : triple paix qui est le seul vrai bonheur dont puisse jouir notre pèlerinage terrestre. Que de ce grand bien vous soit un gage la paternelle bénédiction que Nous vous donnons de tout coeur.

A la même audience étaient reçus les enfants d'Action catholique lauréats du Prix de Rome de culture religieuse, les membres du Chapitre général de l'Institut de la Consolata, les directrices des écoles professionnelles pour infirmières, les religieuses probanistes de l'Institut du Sacré-Coeur et un groupe de pèlerins croates. Le Souverain Pontife s'adressa successivement à chacun des groupes.

Aux enfants de l'Action catholique, lauréats du Prix de Rome.

En parlant aux nouveaux époux, à ceux qui sont appelés par Dieu comme à présider aux sources mêmes de la vie et lui en ouvrent le cours, Notre pensée et Notre coeur allaient naturellement au groupe plein de vie des enfants venus de toutes les parties d'Italie pour Nous apporter les fruits de leur premier apostolat et recueillir la récompense de leurs victoires catéchistiques et de la fidélité à leurs devoirs. Ce sont les braves vainqueurs du Prix de Rome ; mais, derrière eux, il y a toute une armée d'enfants dévoués comme eux au Vicaire de Jésus-Christ, heureux de se sentir liés par lui, avec leurs compagnons qui les représentent, dans une pacifique croisade de prières et de bouquets spirituels, vivement désireux de lui offrir leurs dons et de se préparer à être dans le monde des hérauts de sa parole et des champions de vie chrétienne.

A ces chers enfants qui sont Nos espoirs comme ils le sont de la famille et de la société, Nous voulons ouvrir Notre coeur, plein de gratitude et d'affection, mais par-dessus tout rempli de ce désir que Jésus exprimait un jour, quand ayant placé un enfant au milieu de ses disciples, il dit cette parole : « Si vous ne devenez comme cet enfant, vous n'entrerez point dans le Royaume des Cieux » (Mt 18,3). L'enfant est donc le modèle de tous ceux qui suivent le Christ ; et le désir ardent de son coeur divin était que les vertus de l'enfant demeurent dans la vie de tous, sans distinction.

Ecoutez bien, chers petits, vous comme les autres, vous deviendrez adultes, progressant à travers les différents âges de l'homme, par les années, par la stature, par le savoir ; vous deviendrez cultivés, chacun dans le champ de sa vocation propre, pour donner à la société ce que vous en recevez aujourd'hui : vos forces physiques, vos forces intellectuelles, l'intelligence avec ses connaissances et sa doctrine, la volonté avec ses initiatives et ses hardiesses. Eh bien ! avec tout cela, vous ne serez pas vraiment chrétiens, sinon pour autant que vous ferez aussi vôtres les vertus particulièrement propres aux enfants et que vous ne les abandonnerez plus votre vie durant. Vous aimerez toujours l'obéissance et la discipline, même si on vous enseigne par ailleurs que l'homme est maître absolu de lui-même. Vous garderez précieusement votre simplicité, même si vous voyez autour de vous triompher l'astuce et la tromperie. Vous serez sincères avec tous, comme vous l'êtes maintenant avec votre maman, même si vous voyez honorés les hypocrites et les menteurs. Vous maintiendrez votre coeur ouvert comme aujourd'hui à la compassion, plein de douceur et d'amour pour tous, prompt à oublier les offenses, même s'il vous arrive d'entendre que le mal se paie par le mal. Par-dessus tout, vous garderez jalousement votre innocence, même si autour de vous vous voyez peut-être le péché dans ses plus pénibles manifestations et que, chez vous ou en dehors, vous entendez dire que le bonheur de l'homme est dans le plaisir. Voilà comment vous devez vous conserver toujours semblables aux petits pour entrer dans le Royaume des Cieux. Ainsi, vous serez en même temps dans la vie terrestre des hommes francs, purs, forts, utiles à vous-mêmes, à la famille, à la patrie, fidèles au devoir, rompus au sacrifice, capables de tous les héroïsmes. Ainsi vous veut Jésus-Christ. Ainsi voulez-vous être, chers enfants, comme le dit clairement votre présence ici et le confirme votre amour de la doctrine chrétienne, vos efforts pour vous signaler dans la science de la religion, vos bouquets spirituels, l'obole de votre charité.

Afin que vous restiez toujours tels, dignes fils de l'Eglise et de la société et que règne toujours dans votre coeur vive et pleine votre joie candide, Nous demandons pour vous l'assistance particulière de l'Esprit d'amour et, d'un amour paternel, Nous souvenant de ce Jésus qui vous préférait et vous imposait ses mains, en son Nom, Nous vous bénissons avec tous vos compagnons ici présents en esprit, avec vos familles et les leurs et avec tous ceux qui s'occupent de votre formation chrétienne : déléguées, prêtres, membres du Conseil supérieur, auxquels il Nous est extrêmement agréable d'exprimer ici Notre paternelle reconnaissance.

Ils remplissent, au nom de Jésus-Christ, une bien haute mission, hérissée de gênes, de renoncements, de sacrifices et pour cette raison non moins méritoire devant Dieu que celle à laquelle consacrent leur vie les pionniers de l'Evangile, les missionnaires proprement dits. Nous les associons volontiers à ceux-ci dans le remerciement et la prière et Nous sommes très heureux que le Chapitre général de l'Institut missionnaire de la Consolata Nous offre ici-même la sympathique opportunité de voir en présence l'un de l'autre comme les états-majors de deux armées qui, dans des champs différents et avec des armes diverses, combattent avec le même esprit la même bataille pour le même Auguste nom.

ux membres du Chapitre général de l'Institut de la Consolata.

Ayant salué et encouragé les uns, il Nous est agréable d'exprimer aux autres les sentiments de Notre particulière gratitude et de Notre affection. Dans le travail patiemment accompli pour donner une nouvelle impulsion à leurs missions selon les exigences modernes du temps et des lieux, les membres du Chapitre général de la Consolata Nous donnent la preuve tangible de la vitalité toujours accrue de leur Institut, de leur ferme volonté de proportionner leur action aux besoins et du contrôle toujours vigilant qu'il entend exercer sur toutes les formes de leur propre activité pour assurer à celle-ci, par une plus grande fidélité aux directives suprêmes, un meilleur rendement. En donnant impulsion à ses missions, où le bien qu'il a réalisé jusqu'à présent et continue à réaliser avec tant d'honneur est si grand, l'Institut de la Consolata, outre qu'il répond à merveille à ses saintes fins, pourvoit de la meilleure manière à son plus sûr développement et à la conservation de cet esprit d'apostolat qu'il porte en lui dès sa naissance et dans lequel se trouve la garantie assurée de son existence solidement établie qui a produit de larges fruits dans le champ mystique du père de famille.

Ainsi, fils bien-aimés, tout en vous remerciant de la résolution que vous avez renouvelée de travailler le terrain ardu qui vous est assigné par la Providence divine et en vous félicitant avec votre Supérieur général qui, confirmé dans sa charge, renouvelle lui-même son intelligent, amoureux et fécond dévouement à l'Institut, Nous adressons à Dieu louange et reconnaissance pour le grand bien qui s'accomplit par vous tous et qui se recueille dans les régions où les campagnes blanchissent pour la moisson et dans celles où la faux déjà récolte. Réconforté par la ferveur unanime qui a animé votre Chapitre général et par l'expérience d'un passé aussi fructueux, Nous avons raison d'attendre de très grands fruits de votre activité au service de l'Eglise et des âmes. Il Nous est agréable de former aujourd'hui pour cette activité tous Nos voeux, demandant à Dieu qu'il accroisse votre nombre, mais plus encore qu'il maintienne entier et pur votre esprit ; qu'il vous donne à tous une haute conscience de votre sublime vocation, qui fasse fleurir au milieu de vous dans les âmes, pour l'édification des hommes et la gloire de Dieu, les plus belles vertus de l'Evangile.

C'est dans ces sentiments que Nous saluons la nouvelle période de travail qui s'ouvre devant vous, pleine d'espoirs et de promesses ; et, dans la ferme confiance que, sous l'égide de la Mère de Dieu que vous honorez et faites honorer si tendrement, toutes vos oeuvres continueront à prospérer et votre famille religieuse à se sanctifier dans le bien, Nous vous accordons à tous, mais avec une affection particulière à vos dignes et valeureux évêques et préfets apostoliques ici présents, à votre Supérieur général, à vos confrères proches et lointains, par-dessus tout à tous ceux qui, dans les missions étrangères, consacrent généreusement leurs forces et leur vie, Notre paternelle et propitiatrice Bénédiction apostolique.

Aux directrices des écoles professionnelles pour infirmières.

Mais Nous devons Notre Bénédiction aussi à une troisième et spéciale classe de missionnaires conduits ici par l'aimable Providence. Ils sont les hérauts de l'Evangile dans celui de ces secteurs qui mérite tellement les recommandations du divin Maître : le secteur de la miséricorde corporelle (Mt 25,31 et suiv.). Celui qui, dans la ligne de la charité fraternelle, promet la récompense même à un verre d'eau donné en son nom (Mt 10,42), conclut sa prédication proprement dite par l'exaltation des oeuvres de miséricorde (Mt 26,1) et fait de l'assistance aux malades une des notes distinctives de l'admission au royaume éternel. « J'ai été malade, dira-t-il un jour aux élus, et vous êtes venus me visiter. » En lisant ces paroles, on ne peut pas ne pas être émus, tendrement émus, à la pensée que, dans la personne du malade, c'est Lui-même, Jésus, qui reçoit des frères le bienfait de l'assistance, en prend note, et s'en souvient pour régler au dernier jour tout compte avec munificence.

De tous ceux qui, à des titres particuliers, sont des messagers de la Bonne Nouvelle, Nous avons ici des représentants autorisés, les directrices de toutes les écoles-convicts professionnelles pour infirmières, venues de toutes les parties d'Italie pour des réunions de caractère technique et d'organisation. Sous l'habit religieux ou laïque, ces vaillantes femmes confirment ici la haute conscience charitable et religieuse dont elles entendent s'inspirer dans l'exercice de leurs devoirs secourables.

En parfaite harmonie aussi en ceci avec les directives particulières des autorités dont elles dépendent, sous la présidence de l'auguste et bienfaisante dame qu'est S. A. R. la princesse de Piémont, elles veulent faire de leur assistance aux malades une oeuvre de charité chrétienne. Animées en effet de la foi en Jésus-Christ et membres vivants de son corps mystique, elles veulent unir le sentiment à l'action, la compassion fraternelle au don matériel, et, s'efforçant d'appliquer à leur très noble profession les principes chrétiens, elles veulent en tout être digne de la divine mission à laquelle est élevée dans l'Evangile l'assistance aux plus petits de Jésus-Christ. A qui le comprend ainsi, il n'est pas difficile de rappeler sa dignité et sa responsabilité. Vous êtes, dirons-Nous volontiers à ces chères filles présentes ou lointaines, vous êtes les aides compatissantes du Christ dans ses membres mystiques. Malade, il est confié à vos mains maternelles, à votre délicatesse féminine, à votre compassion intelligente, à votre heureuse intuition des besoins de chaque maladie, à votre coeur qui sait et qui devine combien souffre dans son âme celui qui est malade dans son corps. Parce que Jésus est dans chaque malade, même mauvais, même ignorant de Lui, vous serez pour Lui ce que furent la bonne et accueillante Marthe, la compatissante Véronique, les pieuses femmes de Jérusalem. Ce qu'il ne vous est pas donné de faire pour Jésus dans les mystiques rencontres que vous avez avec Lui dans la sainte communion, il vous est donné de le faire dans les couloirs de vos hôpitaux, dans les chambres recueillies de vos cliniques. Les heures de votre service sont les meilleures vécues par votre foi et par votre piété ; c'est vraiment là, dans l'humble dévouement, dans les incommodités et les sacrifices que ce service comporte, c'est vraiment là que vous, religieuses, pouvez donner la mesure de votre zèle pour la perfection évangélique, et vous, laïques, du niveau de votre vie religieuse, de la sincérité de votre vie chrétienne. « Reconnais, ô chrétien, ta dignité », vous dirons-Nous spécialement avec saint Léon le Grand ; sachez reconnaître l'honneur qui vous est fait, le sacerdoce particulier auquel votre profession d'infirmière vous élève.

Et sachez aussi reconnaître votre responsabilité aux yeux du monde.

Parce que c'est dans les oeuvres de miséricorde qu'est l'essence de l'Evangile (et la preuve en est dans les paroles mêmes du Christ Juge qui n'admettra pas dans le royaume éternel celui qui n'aura pas eu le culte pratique de la miséricorde), vous, comme tous ceux qui sont plus directement appelés à soulager les afflictions du corps et de l'esprit, vous êtes les pages vivantes de ce grand Livre divin, destinées que vous êtes à montrer au monde que le message de

Jésus-Christ n'est pas lettre morte, mais substance de vie toujours actuelle et toujours en action ; cette vie qui vise à convertir le monde de l'égoïsme à l'amour et à donner — et non seulement à promettre — ce soulagement et cette paix dont Jésus a dit : « Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et chargés de fardeaux et je vous réconforterai... et vous trouverez la paix dans vos âmes. »

Nous n'hésitons pas à le dire : la vraie, la vivante, la quotidienne apologie de l'Evangile, c'est vous qui l'êtes, vous, chères infirmières catholiques, aux yeux du monde qui voudrait parfois mettre cet Evangile hors de la réalité, au rang des rêves généreux, des généreuses utopies. Et vous, épouses du Christ, qui par votre habit invitez le monde à regarder comment passe en acte l'enseignement de Jésus, vous devez sentir vivement cette grande responsabilité ; par votre douceur imperturbable, par votre héroïque patience, par votre travail silencieux, vous voulez forcer tous les hommes à reconnaître, secrètement sinon toujours ouvertement, la vérité, la bonté, la beauté de notre profession chrétienne.

Que le Seigneur vous accorde à toutes de comprendre toujours ainsi, hautement, chrétiennement, votre mission.

Et pendant que dans ce but de l'intime de Notre coeur Nos voeux montent vers Dieu, Nous vous accordons à vous toutes qui êtes ici présentes, et à vos collègues de toute région, des dirigeantes aux plus humbles, dans un esprit reconnaissant et confiant la Bénédiction apostolique.





S'adressant au groupe de religieuses probanistes de l'Institut du Sacré-Coeur, le Souverain Pontife parla en français :2

Et maintenant Nous Nous adressons bien volontiers à vous, religieuses probanistes.

Votre famille religieuse est groupée sous le patronage et l'invocation du Sacré-Coeur. Ce serait assez pour vous assurer de Notre accueil bienveillant. Mais vous êtes spécialement bienvenues, à la fin de cette période de recueillement, destinée à raffermir et à développer en vous cet esprit de votre institut, que vous appelez avec une heureuse audace : « l'esprit du Sacré-Coeur ».

Aussi, en vous félicitant pour les grâces reçues jusqu'à ce jour et les mérites acquis avec ces grâces, Nous vous adressons Nos souhaits pour une longue et féconde continuation de votre apostolat.

Plus que jamais, le monde troublé a besoin de justice, de paix et de charité ; mais la plupart des hommes cherchent en vain cette triple félicité loin de sa vraie source, qui est le Sacré-Coeur de Jésus. Source de justice, puisque ce Coeur, par sa vue même et par le rappel de ses souffrances, apaise perpétuellement la colère vengeresse et justement irritée de son Père (Vindex reis irascitur Deus, sed ut Te respicit...). Source de paix, puisque jusque dans l'agonie de Gethsemani et dans son dernier battement au Calvaire, ce Coeur resta inaltérablement soumis aux volontés de son Père, règle suprême de tout ordre (Pater... fiat, non sicut ego volo...), et s'abandonna paisiblement en ses mains (Pater, in manus tuas...). Source de charité, puisque ce Coeur fut transpercé, vidé de tout son sang, pour nous prouver son amour (Maiorem caritatem nemo habet...).

Il faut donc, pour refaire une âme chrétienne à notre société moderne, la conduire à la connaissance et à l'amour de Jésus-Christ. Or, pour cela, le meilleur et le plus efficace moyen, c'est l'éducation chrétienne de la jeunesse, dans une dévotion éclairée et un don généreux de soi-même à ce Coeur divin.

Vous allez repartir de Rome, vers les contrées diverses et parfois bien lointaines, où vous appellent, par la voix de l'obéissance, les devoirs de votre apostolat. Emportez-y avec Notre Bénédiction apostolique, donnée d'un coeur tout paternel, cette parole que votre sainte fondatrice redisait si volontiers aux premières religieuses du Sacré-Coeur : « Allez ! apprenez à vos filles à aimer Jésus-Christ et les âmes — et à les aimer comme II les a aimées, jusqu'au sacrifice ».





L'audience se termina par ces paroles prononcées en allemand à l'adresse des pèlerins croates : 3

Nous avons la grande joie de pouvoir saluer dans Notre maison un groupe de pèlerins croates, venus ici, sous la conduite de méritants Pères dominicains. Chers fils et chères filles ! Vous vous êtes voués de manière toute particulière à la dévotion, au service et à l'imitation de la Reine du saint Rosaire. Devenez des catholiques à la foi fervente, à la vie sainte et étroitement unis au Christ par la Vierge Marie. Le catholique intérieur vivant parfaitement selon sa foi est le plus fort et finalement l'inébranlable appui dont l'Eglise catholique puisse disposer dans les difficultés religieuses actuelles.

Travaillez, priez et sacrifiez-vous, sous la conduite et la protection puissante de la Mère de Dieu, pour la défense de la justice, l'épanouissement intérieur et l'influence culturelle de la foi catholique au sein du vaillant peuple croate et dans toute votre patrie.

En gage de quoi, Nous vous accordons de tout coeur à vous tous, ici présents, à vos proches demeurés à la maison et, par-dessus tout aux enfants de vos familles, la Bénédiction apostolique.








DISCOURS AU CHAPITRE GÉNÉRAL DES CHANOINESSES RÉGULIÈRES DE SAINT-AUGUSTIN

(21 juillet 1939) 1

Recevant en audience spéciale les religieuses venues à Rome pour participer au Chapitre général des chanoinesses régulières de Saint-Augustin de l'Union romaine, le Saint-Père leur adressa cette allocution :

Vous êtes les bienvenues auprès de Nous, chères filles de la Congrégation de Notre-Dame, à qui naguère encore Nous donnions si volontiers Notre protectorat personnel. Cette responsabilité immédiate Nous l'avons transmise à Notre cher fils le cardinal Tedeschini, que ses qualités d'esprit et de coeur désignaient spécialement pour veiller sur une congrégation enseignante comme la vôtre. Mais Nous n'avons rien perdu, pour cela, de Notre paternelle affection à votre égard.

Aussi saluons-Nous avec joie, dans ce Chapitre général, les religieuses venues de France, de Belgique, d'Angleterre et de Hollande, pour traiter les affaires de la congrégation et élire, comme elles l'ont déjà fait heureusement, celle que toutes appelleront désormais leur Mère — mot rempli de douce tendresse — en y ajoutant le titre de générale, où résonnent l'union qui fait la force, et l'obéissance qui assure les victoires.

Depuis trois siècles et demi, votre institut réalise le souhait de son fondateur, celui que l'on appelait de son vivant « le bon Père de Mattaincourt », et que l'Eglise appelle maintenant saint Pierre Fourier. S'il vous a groupées en congrégation religieuse — commençant son oeuvre avec cinq humbles filles, une nuit de Noël, à l'heure

où Jésus-Christ commença l'oeuvre rédemptrice — ce fut, selon le mot d'un historien du temps, « pour former à tout savoir utile, à toute excellente besogne, et d'abord à toutes vertus et bonne vie, les filles du monde, tant pauvres que riches ».

Cette consigne, vos devancières l'ont exécutée avec un rare courage et avec un succès auquel croyants et incroyants eux-mêmes ont rendu hommage. Les vicissitudes, par lesquelles votre famille religieuse passa, comme tant d'autres, durant la tourmente révolutionnaire et qui semblaient devoir en consommer la ruine, ont été suivies d'une vie nouvelle, plus active encore, dans laquelle il Nous plaît de discerner deux traits, en apparence contradictoires : l'un de continuité, l'autre d'innovation.

Vous restez et entendez bien rester fidèles à l'esprit de vos fondateurs : « Je veux, disait Notre Seigneur à sa servante Alix Le Clerc, je veux que les petites âmes, qui sont comme des enfants délaissés par leur mère, en aient une désormais en toi ». Or, combien de parents aujourd'hui, s'ils pensent encore à la santé et à l'avenir temporel de leurs enfants, délaissent réellement leurs âmes ! Pour ces âmes, vous travaillez — traitant, selon une autre parole que vous connaissez, « les filles pauvres comme vos soeurs, et vous appliquant à l'éducation des riches pour les rendre modestes ». Ces derniers mots ne suffiraient-ils pas à montrer que votre mission est toujours actuelle : élever chrétiennement les jeunes filles pauvres, pour leur donner des âmes de soeurs, étrangères aux haines de classes et aux antagonismes nationalistes ; élever chrétiennement les jeunes filles riches, pour leur donner la modestie des manières, des vêtements, des expressions et des sentiments eux-mêmes ?

Mais parce qu'une tradition trois fois séculaire risquerait d'être languissante ou déficiente dans ses applications, si un souffle de progrès et d'adaptation ne venait la vivifier, Nous sommes heureux de voir, avec la fidélité essentielle aux origines de l'institut, un autre trait, nouveau celui-là, dans la Congrégation de Notre-Dame au XXe siècle. Vous avez compris, dans un monde avide d'instruction et devant une jeunesse féminine menacée en bien des pays par l'éclat d'un enseignement athée, vous avez compris l'utilité de l'union entre vos diverses maisons, pour coordonner et mieux répartir ensuite, à l'aide d'une Supérieure générale, les ressources intellectuelles dont dispose l'ensemble. Et cette union, pour la rendre plus universelle et plus indestructible, vous l'avez placée sous la dépendance immédiate du Saint-Siège.

Plus que jamais, donc, vous serez filles de l'Eglise, puisque jusque dans votre nom, vous vous déclarez Romaines. Et sans doute est-ce la Providence aussi qui, par une délicate attention, vous a suggéré et permis de donner à votre maison de Rome ce surnom gracieux, illustré depuis bientôt cent cinquante ans par votre grand monastère de Paris : « la maison des Oiseaux ! » Votre saint et bon Père, dont le coeur séraphique saignait de voir capturer un oiselet, et qui, les jours de neige, faisait distribuer du grain aux moineaux transis du jardin, doit aimer ce nom des Oiseaux, avec tout le gracieux cortège de symboles qu'il éveille.

Nous souhaitons, très chères filles, que votre congrégation, comme ce nid qui figure dans vos armes, reste filialement blottie aux pieds de Notre-Dame ; et que, par cette Mère divine, descende sur vous la bénédiction promise au peuple de Dieu, selon le prophète Isaïe (Is 31,5) : « Comme les oiseaux déployant leurs ailes sur leur couvée, Jahvé Sabaoth protégera Jérusalem ».

Comme gage de ces faveurs divines, Nous vous accordons, d'un coeur tout paternel, la Bénédiction apostolique.






ALLOCUTION AU NOUVEL AMBASSADEUR DE POLOGNE

(24 juillet 1939) 1

Après avoir reçu les lettres de créance que lui présentait S. Exc. le Dr Casimiro Papée, nouvel ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de Pologne, le Souverain Pontife le remercia en ces termes :

Les paroles prononcées par Votre Excellence en Nous remettant les lettres qui l'accréditent comme ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la République de Pologne — charge que remplissait déjà si dignement le regretté et inoubliable M. Wladislas Skrzynski — sont une preuve éloquente de la noblesse des sentiments avec lesquels elle assume, en un moment particulièrement important, sa haute mission. Le représentant d'une nation qui, à travers les siècles, au milieu de tant de vicissitudes, est restée unie au Saint-Siège par des liens si nombreux et si forts, peut déjà pour cela même être certain de recevoir dans la maison du Père commun de la chrétienté un accueil confiant et joyeux. Mais plus encore l'hommage ému que Votre Excellence a rendu à Notre prédécesseur Pie XI, d'immortelle mémoire, dont la figure vénérée restera toujours gravée dans l'histoire et qui fut aussi dans des temps agités un ami fidèle de la Polonia restituta a trouvé dans Notre coeur un écho reconnaissant et profond. Que Notre message au monde en faveur d'une paix vraie et solide, basée sur la justice, l'honneur et la liberté des nations, ait correspondu aux convictions intimes et aux vifs désirs du peuple polonais, et trouvé chez celui-ci une parfaite compréhension — un pareil témoignage recueilli sur des lèvres si autorisées Nous est précieux et constitue une adhésion si importante à la grande idée de la paix entre les peuples, que Nous n'hésitons pas à en exprimer ici toute Notre reconnaissance.

L'allusion faite à cette occasion par Votre Excellence au rôle prépondérant et décisif qui revient à la religion et à la morale dans les grands problèmes intéressant actuellement la vie des peuples, a aujourd'hui une importance capitale. Quand, jetant un regard en arrière sur les vicissitudes de son histoire, la nation polonaise se rappelle avec gratitude ce qu'elle a reçu dans le passé de la religion du Christ et de la civilisation occidentale grandie à l'ombre de celle-ci, elle fait une constatation, qui garde toute sa valeur pour le présent et pour l'avenir. Plus l'esprit matérialiste, qui s'éloigne des idéaux religieux du passé chrétien de l'Europe, gagne du terrain, plus l'âpre lutte pour vivre et exercer son activité induit les individus et les collectivités à la tentation d'attribuer aux facteurs de la force physique un primat immérité et destructif sur l'idée sacrée du droit, plus sont indispensables à la génération présente la sagesse édu-catrice et l'amour maternel de l'Eglise qui, au milieu des contestations et des tensions, inévitables sur terre, ne se lasse pas d'annoncer et de propager près de tous, sans distinction de nation ni de langue, l'Evangile et l'esprit de Celui dont la doctrine et la vie renferment pour toujours les fondements moraux de toute prospérité et de toute paix véritable.

L'intention exprimée par M. le président de la République de maintenir et de rendre toujours plus étroite, par le moyen de la mission confiée à Votre Excellence, les liens séculaires qui unissent la Pologne au Saint-Siège, trouvera toujours en Nous pleine compréhension et confiant appui. Aussi, en vous souhaitant, Monsieur l'ambassadeur, la plus cordiale bienvenue, Nous vous prions de vous faire l'interprète des voeux les plus ardents que Nous formons pour la personne du chef de l'Etat polonais, et, accueillant de tout coeur votre demande, Nous accordons, avec un sentiment de paternelle affection, à M. le président de la République, à toute la nation polonaise qui Nous est si chère, et d'une manière particulière à Votre Excellence, comme gage des faveurs divines, Notre Bénédiction apostolique.






LETTRE DE LA SECRÉTAIRERIE D'ÉTAT A LA COMMISSION PONTIFICALE CENTRALE POUR L'ART SACRÉ

(30 juillet 1939) 1

Le Souverain Pontife par la lettre suivante de S. Em. le cardinal Maglione, secrétaire d'Etat, à la Commission pontificale centrale pour l'art sacré, a daigné exprimer ses voeux pour le succès de la Semaine d'art sacré organisée à Venise à l'occasion du XIIIe centenaire de la dédicace de la cathédrale de Torcello.



Le multiple et intelligent travail de préparation que déploie, en plein accord avec la Curie patriarcale de Venise, la Commission pontificale donne à l'auguste Pontife l'assurance que la VIIe Semaine d'art sacré portera aussi, comme les précédentes, la plus joyeuse abondance de fruits. Si vraiment l'art a toujours à accomplir son noble devoir en fonction de cette beauté qui trouve en Dieu son unique source, ce devoir ne sera jamais aussi noblement élevé que lorsqu'il tendra à la gloire de la Majesté divine, à l'embellissement de sa sainte maison et à l'édification du peuple fidèle.

C'est pour ce motif que Sa Sainteté est très heureuse d'adresser ses voeux augustes, en exprimant sa satisfaction que la Semaine se déroule dans un cadre de tant et de telles beautés surtout sacrées qui ne pourront pas ne pas être inspiratrices de dignes résolutions. Que l'antique basilique de Torcello, en son XIIIe centenaire, soit dans la sobre harmonie de ses lignes une voix providentielle qui rappelle les riches et admirables traditions de l'art sacré en Italie.

C'est dans cette espérance que l'auguste Pontife, pour témoigner sa satisfaction de l'union de tous ceux qui travaillent à la plus féconde réussite de la Semaine, leur envoie à tous de tout coeur, en gage de sa souveraine bienveillance, la Bénédiction apostolique.






Pie XII 1939 - LETTRE DE LA SECRÉTAIRERIE D'ÉTAT POUR LE CONGRÈS DE « PAX ROMANA »