Pie XII 1939



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DOCUMENTS PONTIFICAUX

de Sa Sainteté PIE XII

1939



publiés sous la direction de

MSr SIMON DELACROIX

EDITIONS SAINT-AUGUSTIN SAINT-MAURICE (Suisse)


IMPRIMATUR

Seduni, die 26. Septembris 1961 Jos. BAYARD Vic. gen.

Tous droits réservés

TÉMOIGNAGE DE SON EMINENCE LE CARDINAL TARDINI Secrétaire d'Etat de S. S. Jean XXIII

Son Eminence le cardinal Tardini nous avait fait le grand honneur d'accepter de préfacer le volume des Documents Pontificaux de l'année 1939. Nul mieux que ce collaborateur de S. S. Pie XII durant tant d'années n'était à même de présenter cette imposante publication. Sans doute aurait-il livré aux lecteurs des Documents quelques réflexions de grand intérêt sur le travail que représentait pour Pie XII son activité oratoire. La Providence en a décidé autrement.

Mais nous avons pensé que le nom de l'éminent pro-secrétaire d'Etat de Pie XII et du secrétaire d'Etat de S. S. Jean XXIII devait néanmoins figurer à la place qu'il avait lui-même accepté de prendre.

Aussi, avis pris à bonne source, avons-nous décidé de remplacer la préface qui aurait tant honoré notre collection par un témoignage que nous avons emprunté à la magistrale conférence donnée par lui à Rome, le 20 octobre 1959.

Pour ne posséder point le mérite de l'inédit, ce témoignage fera écho à la voix du grand homme d'Eglise et d'Etat disparu, ouvrira l'esprit du lecteur à l'intelligence plus pénétrante de la pensée de Pie XII et portera son coeur à une admiration plus vive de la personnalité, du labeur, de la force d'âme et de la bonté du grand pape disparu, mais toujours vivant dans son enseignement.


S.D.

Un grand Pape

Elu au souverain pontificat, Pie XII y accédait avec d'immenses richesses intérieures accumulées au cours de ces longues années d'un travail continuel et patient, où il avait été élevé à des postes de confiance, exercé aux responsabilités du gouvernement. Précieux capital constitué par les connaissances acquises, les observations faites, les études entreprises, les difficultés vaincues, les batailles livrées, les accords laborieusement négociés et heureusement conclus, en un mot, fait d'innombrables expériences toutes plus enrichissantes les unes que les autres et qui rarement se trouvent réunies dans la vie d'un même homme.

Le Seigneur accorda à Pie XII un long pontificat : presque vingt années. Or ces années-là virent s'accumuler les événements marquants. Elles représentent dans l'histoire du monde et dans la vie de l'Eglise une période tragique. Un énorme fardeau de responsabilité s'abattit alors sur le pape qui désormais et jusqu'à la fin de sa vie s'assujettit à un labeur écrasant.

Dans le cadre de cette universelle détresse, Pie XII est apparu et il fut réellement grand.

Grand comme maître de vérité ; grand comme pacificateur des peuples ; grand comme juge d'une humanité qui semblait se glorifier de ses propres fautes ; grand comme père plein de bonté pour tous ses fils ; grand comme consolateur et bienfaiteur de ceux qui souffraient ; grand surtout en tant qu'âme constamment unie à Dieu et tendant avec une ardeur croissante vers la perfection divine.

Le mystère de Pie XII

On a dit que Pie XII avait « dominé » une situation mondiale réellement tragique — et c'est vrai — mais il en fut aussi la première victime.

Lui qui fut affligé entre tous, il se fit le consolateur de tous.

Il fut un animateur, un entraîneur de foules ; mais ses aspirations les plus vives et les plus profondes allaient à l'étude, à la méditation, à la solitude.

Remarquable orateur, on peut croire que cette éloquence brillante et solide lui était source de jouissance. Or chacun de ses discours et de ses messages exigeait de lui une longue et pénible préparation.

Guide plein de sagesse, maintes fois il indiqua aux autres la route à suivre, alors que lui-même assez souvent ne discernait la sienne qu'avec beaucoup de peine.

La douceur de son caractère l'aurait naturellement éloigné de la lutte. Mais il se révéla un combattant intrépide chaque fois qu'il le fallut pour défendre la vérité, la justice, les intérêts des âmes. Aussi Pie XII passera-t-il dans l'histoire comme un pontife sagement réformateur et audacieusement novateur.

Cet ensemble de contrastes et de contradictions doit être mis en lumière pour permettre de comprendre ce que je me permettrai d'appeler le mystère de Pie XII.

Faute de quoi on ne pourrait apprécier ses mérites à leur juste valeur, ni se faire une idée exacte du degré de perfection qu'atteignit sa vertu. Cette perfection, notons-le bien, fut le prix d'une patiente et laborieuse conquête.

Et cette grâce aussi fut donnée à celui qui vécut de longues années auprès de Pie XII : celle d'avoir été le témoin de son ascension spirituelle, de l'avoir vu continuellement monter, se purifier, s'affiner, s'ennoblir, grandir...

A la fin de sa vie, ayant consumé jusqu'aux plus petites scories de fragilité humaine, la flamme de sa charité répandait et diffusait sur terre l'éblouissante clarté du ciel.

Pape de guerre

Or, à cet homme pacifique par tempérament, par éducation et par conviction, échut un pontificat de guerre... guerre effective ou froide, mondiale ou locale, il n'a rencontré que la guerre toujours.

Ilne connut jamais une minute de paix, cet homme essentiellement pacifique.

Acceptant du Seigneur cette lourde croix, il souffrit, il secourut, il parla, il agit.

Toutes les souffrances d'autrui se sont répercutées en ce Coeur paternel et délicat.

Il a donné tout ce qu'il avait, il s'est lui-même entièrement donné pour adoucir les innombrables, les inénarrables misères de la guerre. Il a mobilisé la radio et la diplomatie, créé la Commission pontificale d'assistance. Il a accueilli dans son palais les réfugiés et ceux qui étaient en danger, tous il les a sauvés, quoique tous ne lui en aient pas su gré. Il a nourri dans la disette la population de Rome, il l'a sauvée. D'une voix unanime, elle le proclame « Defensor civitatis ». Il accourt à Saint-Laurent-hors-les-murs et à Saint-] ean-de-Latran après les bombardements. Anxieusement, il fait rechercher la trace des disparus. Il ordonne à ses représentants de visiter les prisonniers et de leur porter ses dons. Il offre aux nazis l'or qu'ils exigent en échange de la sécurité des Israélites. Il intercède pour les déportés et pour les condamnés à mort, il retranche à sa table, il multiplie les pénitences, il fait supprimer le chauffage de son appartement même au coeur de l'hiver.

Sait-on qu'à la fin de la guerre Pie XII avait maigri au point de ne plus peser que 57 kilos, alors qu'il mesurait 1 m. 82 ?

Le maître

Placé par Dieu si haut, et si proche de lui par son élévation spirituelle, animé d'une foi robuste, soutenu par une espérance invincible, pressé par une charité débordante, le pape jugea qu'il était de son devoir de faire entendre souvent sa voix, la voix de la vérité, de la justice et de l'amour.

C'est alors que s'ouvrit la série de ces admirables discours, lettres et messages, qui se succéderont à un rythme rapide pendant près de vingt ans.

Il serait difficile de citer ici tous les avertissements, tous les enseignements, toutes les exhortations que Pie XII adressa au monde.

La guerre, la paix, l'ordre social, les rapports internationaux, la famille, les sciences économiques, la science, le travail, tels sont, parmi beaucoup d'autres, les sujets qui ont été abordés par sa véhémente éloquence.

Il déplore les violations du droit (c'est lui-même qui composa les trois fameux télégrammes du 10 mai 1940). Il invite les combattants à la modération ; il se dresse en défenseur des populations opprimées ; il dénonce l'emploi d'armes particulièrement meurtrières ; il réprouve les bombardements inconsidérés ; il proclame les droits et soutient les aspirations légitimes des peuples ; il rappelle l'exaltante dignité du travailleur ; il énonce avec courage et clarté les principes nécessaires à l'établissement d'une paix juste ; il invite gouvernants et peuples à une fraternelle collaboration ; il expose les normes fondamentales d'une saine démocratie, il suggère le désarmement ; il rappelle aux nations fortes et riches le devoir qui leur incombe de venir en aide aux pays faibles et pauvres.

Cet ensemble si vaste de documents admirables constitue un véritable « Corpus doctrinae » et un « Corpus juris » que l'on pourrait intituler : « Des fondements de la paix individuelle, et de la paix dans la famille, dans la société, dans les nations et entre les nations ».

Au milieu des foules

Cet homme que la nature, l'étude, la dévotion et l'ascèse inclinaient à la solitude, fut peut-être le pape qui se fit le plus proche des foules et celui qu'elles approchèrent de plus près. Au cours de ses audiences grandes et petites, privées et spéciales, dans les vastes salles du Vatican, dans l'église Saint-Pierre et sur la place, dans les salons et les cours de Castelgandoljo : pendant vingt ans il fut sans répit comme assailli par une irrésistible, une insurmontable marée humaine.

Auprès de lui sont accourus des hommes de toutes les nations, de toutes les classes sociales, de toutes les confessions religieuses. Des hommes politiques et des enfants de l'Action catholique, des princes et des hommes du peuple, des industriels et des ouvriers, des hommes de science et des illettrés.

A tous Pie XII a prodigué ses conseils. Pour tous il a eu des paroles d'encouragement et de bonté.

Mais que de temps lui prenaient ces audiences, et quel travail elles lui imposaient !

Le pape s'y préparait toujours avec soin.

Tous se rappellent ces grandes audiences générales où le pape lui-même, après avoir lu la liste des groupes admis en sa présence, s'adressait ensuite à chacun d'eux, dans sa langue respective.

Les applaudissements enthousiastes disaient assez la satisfaction de tous. Eh bien, la seule lecture de cette liste exigeait du pape (il m'en fit la confidence) une heure de préparation.

Il est humainement impossible d'apprécier le bien immense que Pie XII accomplit par l'apostolat des audiences. Car on peut bien dire que dans ces longues, nombreuses, harassantes audiences, il a exercé le plus généreux et le plus sanctifiant des apostolats.1

1 Cardinal Domenico Tardini, Pio 12, Tip. Poliglotta Vaticana. Traduction française aux Editions Fleurus, 1961, pp. 24-25, 29-30, 32-35, 34-35 et 47-48. Texte reproduit ici avec la bienveillante autorisation des éditeurs.


INTRODUCTION

Le 2 mars 1939, le cardinal Pacelli devenait à 63 ans le pape Pie XII.

L'heure était grave. Diplomate de carrière, mieux que quiconque, il le savait. Son élection avait accablé sa sensibilité si délicate. Sa résolution fit de lui le pape de la paix dont la sauvegarde sera le suprême souci des débuts de son pontificat.

Le lendemain de son élection, il inaugurait la longue et féconde série des discours, allocutions et radiomessages qui allaient constituer l'un des aspects les plus séduisants de son activité et l'un des moyens les plus importants de son influence mondiale.

Evoquant le souvenir de Pie XI qui avait fait « à Dieu l'offrande spontanée de sa vie pour obtenir la concorde entre les hommes », il invitait « tous les hommes à établir la paix et la concorde entre les nations, de telle manière que toutes et chacune d'elles tendent, sous l'inspiration et avec l'aide de Dieu, dans une mutuelle conformité de sentiments, par des accords amicaux et des efforts conjugués, à procurer le progrès et le bonheur de toute la famille humaine ».

Dès sa première allocution au Sacré Collège (12 mars), il rappelait que la mission des papes ne fut jamais autre « que le service de la vérité » et définissait le sens de son pontificat comme le service de « la vérité dans la charité » (p. 23).

Non content d'appeler le monde entier à la prière (20 avril) en faveur d'une paix vraie et solide, basée sur la justice, l'honneur et la liberté des nations, il intervint au début de mai auprès des chefs des grandes nations d'Europe pour leur faire connaître les préoccupations graves que lui causait la situation internationale et il se réjouira publiquement d'avoir reçu « les assurances de bonne volonté et du désir de maintenir la paix tant souhaitée des peuples » (PP 114, 115, 296).

Le 2 juin, la tension internationale s'aggravant, il proclame que, soucieux d'accomplir « les devoirs sacrés » de sa charge, il ne se laissera pas * influencer par des considérations terrestres, ni arrêter par des défiances et des oppositions, par des refus et des incompréhensions, ou par la crainte de méconnaissances et de fausses interprétations» (p. 272).

La sauvegarde de la paix, * soit par des prières et des exhortations publiques, soit par des démarches confidentielles, réitérées et précises », fut et demeura sa première préoccupation comme celle de ses prédécesseurs, Benoît XV et Pie XI, au point de le contraindre à laisser en souffrance " d'autres tâches et d'autres préoccupations qui (lui tenaient) à coeur... conscient de tout ce que dans ce domaine (il devait) aux enfants de l'Eglise catholique et à l'humanité tout entière » (p. 235).

Le 21 août, après l'échec de la tentative de conciliation du président Roosevelt, il propose, hélas ! sans succès, une conférence des cinq pays intéressés auxquels se joindraient les Etats-Unis et le Vatican.

Le 24 août, pressentant « comme imminent le déchaînement du terrible ouragan », il adresse en termes pathétiques un suprême message radiodiffusé * aux gouvernements et aux peuples... Rien n'est perdu avec la paix. Tout peut l'être avec la guerre. Que les hommes recommencent à se comprendre. Qu'ils recommencent à négocier» (p. 240).

Le 31 août, à la veille de l'agression allemande contre la Pologne, il fait remettre une note aux gouvernements allemand, anglais, français, italien et polonais dans laquelle il suppliait « au nom de Dieu les gou-gernements d'Allemagne et de Pologne de faire ce qu'il leur est possible afin d'éviter tout incident et de s'abstenir de prendre toute mesure susceptible d'aggraver la tension actuelle » (p. 242).

Cependant, le 1" septembre, l'Allemagne envahissait la Pologne. Le fléau déchaîné, tous ses efforts tendirent à « épier attentivement, pour les seconder de tout (son) pouvoir, les occasions qui s'offriraient... d'acheminer... les peuples... vers la conclusion d'une paix honorable pour tous, en conformité avec la conscience humaine et chrétienne. »

Dès lors, tout en encourageant à l'espérance la Pologne (p. 256) et la Lithuanie (p. 264) et en s'employant à soulager de son mieux les victimes de la guerre et préoccupé déjà des lendemains de la grande mêlée et des difficultés de la reconstruction, il dénonçait les causes du conflit, préconisait les remèdes nécessaires et définissait les principes sur lesquels devrait être édifié le nouvel ordre international.

Le diagnostic sera porté par sa première encyclique « Summi Pontificatus » (20 octobre) (p. 266-298) et l'encyclique «Sertum laetitiae» aux évêques des Etats-Unis (1" novembre) (PP 311-324); les principes qui devront présider au règlement de la paix seront définis par le message de Noël (24 décembre) (PP 377-388).

Les causes du conflit ? C'est d'abord c la négation et le rejet d'une règle de moralité universelle, soit dans la vie individuelle, soit dans la vie sociale et dans les relations internationales, c'est-à-dire la méconnaissance et l'oubli... de la loi naturelle elle-même ». C'est ensuite <• la laïcisation si vantée de la société qui a fait des progrès toujours plus rapides, soustrayant l'homme, la famille et l'Etat à l'influence bienfaisante et régénératrice de l'idée de Dieu et de l'enseignement de l'Eglise » au triste bénéfice « d'un paganisme corrompu et corrupteur ». C'est encore l'agnosticisme religieux et moral, générateur des maux les plus graves ; « l'oubli de la loi de solidarité humaine et de charité, dictée et imposée aussi bien par la communauté d'origine et par l'égalité de la nature raisonnable chez tous les hommes, à quelque peuple qu'ils appartiennent, que par le sacrifice de rédemption offert par Jésus-Christ sur l'autel de la Croix à son Père céleste en faveur de l'humanité pécheresse ». C'est enfin « l'erreur contenue dans les conceptions qui n'hésitent pas à délier l'autorité civile de toute espèce de dépendance à l'égard de l'Etre suprême, cause première et maître absolu, soit de l'homme, soit de la société, et de tout lien avec la loi transcendante qui dérive de Dieu comme de sa première source ». De telles conceptions engendrent l'absolutisme sans frein de l'Etat totalitaire, la méconnaissance du droit, le mépris de la famille, le remplacement de l'éducation par l'embrigadement de la jeunesse au service de l'Etat, la négation de l'ordre international, l'instabilité des relations entre Etats, le mépris des traités.

Dès sa première encyclique, Pie XII portait sur la situation du monde en guerre un diagnostic qui révélait les causes vraies du drame. Les antagonismes politiques n'étaient que la conséquence du désordre et de la perversion des idées. Le mal était profond et d'ordre moral. C'étaient les fondements mêmes de la vie individuelle, familiale et sociale et de l'ordre international qui étaient en cause (PP 274-287 et 315-319).

Dès lors, les remèdes à cet état de choses ne peuvent venir des promesses des puissants de ce monde, ni du « choc des armées », car « l'heure de la victoire » est facilement « l'heure de la tentation où l'ange de la justice lutte avec le démon de la violence » et « l'épée... ne crée pas la paix. Les énergies qui doivent renouveler la face de la terre doivent venir du dedans, de l'esprit» (p. 288). Ce n'est que d'un redressement total des conceptions de l'homme, de la famille, de la société et de l'Etat et d'un retour à Dieu que peut venir le salut. C'est à une conversion qu'il faut appeler l'humanité. « Toute paix extérieure prend sa source dans la paix intérieure de la conscience, et toute paix collective a sa source première dans la paix individuelle » (p. 222).

La rééducation de l'humanité devra être avant tout spirituelle et religieuse et, par conséquent, partir du Christ comme de son fondement indispensable, être réalisée par la justice et couronnée par la charité.

L'homélie de Pâques avait déjà énuméré les conditions préalables de la paix ; la paix intérieure, l'obéissance à Dieu, la recherche de la justice et la charité (PP 44-49).

L'encyclique « Summi Pontificatus » en rappelait les principes fondamentaux : la communauté d'origine, de nature et de destinée de tous les hommes, leur égalité foncière, leur nécessaire diversité pour « enrichir » et « embellir... l'unité du genre humain », communauté, égalité et diversité voulues par Dieu, enseignées et respectées par l'Eglise qui, depuis Léon XIII, n'a cessé de proclamer au monde et aux Etats « la dépendance du droit humain à l'égard du droit divin », les droits sacrés de la personne humaine et de la famille (PP 277-287).

Le message de Noël définira les fondements d'une paix durable * juste et honorable » en cinq points d'une admirable netteté : 1° « le droit à la vie et à l'indépendance de toutes les nations, grandes et petites, puissantes et faibles » ; 2" le renoncement à la « course aux armements » et la recherche d'« un désarmement mutuellement consenti, organisé, progressif, dans l'ordre pratique comme dans l'ordre spirituel » ; 3° « l'établissement d'institutions juridiques qui servent à établir la loyale et fidèle application des conventions et, en cas de besoin reconnu, à les revoir et corriger » ; 4° l'attention aux * vrais besoins et (aux) justes requêtes des nations et des peuples, comme aussi des minorités ethniques » ; 5° et enfin, la prise de conscience par « ceux qui dirigent les destinées des peuples et les peuples eux-mêmes » du « sentiment d'intime et vive responsabilité, qui pèse et mesure les constitutions humaines selon les saintes et inébranlables normes du droit divin » (PP 383-384).

Dès la première année de son pontificat, Pie XII s'affirmait comme le pape de la paix, le clinicien des maux de l'humanité et le docteur de l'ordre international.


S. DELACROIX.

Un certain nombre des volumes déjà parus des « Documents pontificaux » doivent beaucoup au dévouement attentif des chanoines de l'Abbaye de Saint-Maurice. M. le chanoine Viatte a vérifié et considérablement amélioré la traduction des documents écrits en latin et revu toutes les épreuves des volumes de 1951 à 1955. M. le chanoine Alexis Rouiller a collaboré à la recherche des documents de l'année 1956, rédigé les introductions et les sous-titres et vérifié les épreuves des volumes de 1956, 1957 et 1958. Nous sommes heureux de leur adresser ici à tous deux l'expression de notre très vive gratitude pour leur aide aussi discrète que précieuse. Et nous regrettons d'autant plus vivement que l'un et l'autre, surchargés d'occupations, ne puissent plus continuer leur collaboration si appréciée à notre entreprise.

Notre gratitude s'adresse aussi à M. l'abbé Collin, curé d'Epraves (Belgique), qui fut le collaborateur de l'abbé Kothen pour la préparation des textes et pour l'établissement des tables des « Documents Pontificaux » des années 1950 à 1953, à M. l'abbé Charrot, aumônier à Saint-Rémy (Haute-Saône), qui a pris sa succession pour ce travail minutieux et d'autant plus méritoire, et à M. le chanoine Pelloucboud, chanoine du Grand-Saint-Bernard, qui a bien voulu accepter d'assurer la traduction d'un certain nombre de textes et la lecture des épreuves.

S. D.

NOTE DE L'ÉDITEUR

La publication des Documents Pontificaux de Sa Sainteté Pie XII était réalisée pour les onze dernières années du pontificat lorsque Dieu rappela à lui ce grand pape. L'éditeur hésitait alors à assumer la lourde charge que comporterait la mise en chantier des volumes concernant le début du pontificat.

Mais la continuation de la collection nous fut demandée avec instance de divers côtés et tout particulièrement par de hautes autorités romaines. C'est Sa Sainteté Jean XXIII qui décida de la poursuite de la publication en nous faisant la faveur insigne d'un don important, qui fut tout à la fois une indication de la Providence et une aide précieuse, dont nous lui sommes infiniment et religieusement reconnaissants.

Les Editions St-Augustin.


DOCUMENTS PONTIFICAUX



1 RADIOMESSAGE A L'UNIVERS CATHOLIQUE

(3 mars 1939)*

Parlant pour la première fois comme Pasteur suprême des âmes, voici le radiomessage que Sa Sainteté Pie XII adressa au monde catholique, au lendemain de son élévation au souverain pontificat.

Au moment où le très lourd fardeau du souverain pontificat posé par Dieu sur Nos épaules, par un dessein impénétrable de sa Providence, Nous émeut fortement et brise presque Notre courage, Nous Nous sentons comme nécessairement poussé à faire parvenir au monde catholique, avec Notre pensée, Notre parole paternelle.

Tout d'abord, avec une particulière affection, Nous embrassons Nos très chers Fils du Sacré Collège, les cardinaux ; depuis longtemps Nous connaissons leur piété, leur vertu, leurs qualités remarquables. Nous saluons ensuite avec une particulière bienveillance tous et chacun de Nos Vénérables Frères dans l'épiscopat. Nous bénissons également les prêtres, ministres de Jésus-Christ et dispensateurs des mystères de Dieu, les religieux et les religieuses, ceux aussi qui, travaillant dans les missions, font avancer partout le règne de Jésus-Christ, ou ceux qui, dans les rangs de l'Action catholique, travaillent sous la direction des évêques et aident leur apostolat hiérarchique. Pour tous les fils enfin que Nous avons dans le monde entier, et spécialement pour ceux qui sont éprouvés dans la misère ou qui sont affligés par la douleur, Nous implorons les dons célestes et les consolations surnaturelles.

Mais Notre pensée va aussi à tous ceux qui sont en dehors du bercail de l'Eglise catholique. Eux aussi, Nous en avons la confiance, apprendront volontiers que, en cette heure solennelle, Nous implorons pour eux, du Dieu très bon et tout-puissant, par Nos prières, les secours divins.

1 D'après le texte latin des A. A. S., XXXI, 1939, p. 86 ; cf. la traduction française de Documentation Catholique, t. XL, col. 355.



A Notre message paternel, Nous désirons ajouter un voeu et une invitation pour la paix. Nous disons la paix, celle que Notre prédécesseur de pieuse mémoire recommanda avec tant d'insistance aux hommes et qu'il implora avec de si ardentes prières jusqu'à faire à Dieu l'offrande spontanée de sa vie pour obtenir la concorde entre les hommes. La paix, le don le plus beau de Dieu, qui dépasse tout sentiment ; la paix que tous les hommes sensés et sages ne peuvent pas ne pas désirer ; la paix enfin qui est le fruit de la justice et de la charité. Nous invitons tous les hommes enfin à établir la paix et la concorde entre les nations de telle manière que toutes et chacune d'elles tendent, sous l'inspiration et avec l'aide de Dieu, dans une mutuelle conformité de sentiments, par des accords amicaux et des efforts conjugués à procurer le progrès et le bonheur de toute la famille humaine.

De plus, en ces temps pleins d'alarmes, tandis que tant et de si graves difficultés semblent interdire et écarter cette paix véritable que tous désirent très ardemment, Nous adressons à Dieu une prière suppliante pour tous ceux qui sont à la tête des Etats et auxquels incombent, avec le très grand honneur, la charge très lourde de conduire les peuples à la prospérité et au progrès civique.

Voilà, Eminentissimes cardinaux, Vénérables Frères et très chers Fils, le premier souhait que Dieu a fait éclore de Notre âme de Père.

Certes, Nous avons devant les yeux les maux très graves qui tourmentent les hommes. Désarmé, mais appuyé sur le secours du Dieu tout-puissant, Nous devons y remédier. Empruntant les paroles : « Comprenez-Nous bien », de saint Paul (2Co 7,2), Nous exhortons tous les hommes. A la vérité, Nous avons le ferme espoir que vous, Nos fils et vous, Nos Frères, vous ne rendrez pas vain Notre voeu très brûlant d'assurer la paix. Après le secours divin, c'est sur votre volonté docile et active que s'appuie le plus Notre confiance.

Daigne Notre-Seigneur Jésus-Christ, « de la plénitude duquel nous avons tous reçu » (Jn 1,16), être propice du haut du ciel à Notre souhait, le répandre sur toute la terre comme un messager de consolation et de bonheur ; que l'heureux présage en soit la Bénédiction apostolique que Nous vous donnons de tout coeur !






RÉPONSES A L'HOMMAGE DE L'ITALIE LORS DE SON ÉLECTION AU SOUVERAIN PONTIFICAT

(3 mars 1939) 1

Aux télégrammes de félicitations et de voeux qui lui ont été adressés au moment de son élection au souverain pontificat par S. M. le roi-empereur Victor-Emmanuel III d'Italie et par S. Exc. M. Benito Mussolini, chef du gouvernement italien 2 Sa Sainteté Pie XII a répondu ainsi :

A S. M. le roi-empereur Victor-Emmanuel III.

Vivement reconnaissant d'un aussi cordial message, Nous sommes heureux d'exprimer à Votre Majesté et à Sa Majesté la reine-impératrice les voeux qu'au seuil de Notre pontificat Nous élevons vers Dieu pour leur conservation et pour la prospérité chrétienne de la nation italienne qui Nous est si chère.

A S, Exc. M. Benito Mussolini la réponse suivante a été adressée par S. Exc. Mgr Tardini, secrétaire de la Sacrée Congrégation des affaires ecclésiastiques extraordinaires, au nom du Saint-Père :

Les expressions de Votre Excellence confirment à Sa Sainteté au nom de la chère Italie ce que le peuple de Rome a déjà signifié élo-quemment. Reconnaissant à Votre Excellence et à tous les membres du gouvernement, le Saint-Père invoque sur eux l'assistance divine et envoie à la nation entière les prémices de la Bénédiction apostolique.

1 D'après le texte italien de VOsservatore Romano, du 4 mars 1939.

2 Voici les textes de ces télégrammes :

a) « Dans la solennité de ce jour, la reine et moi nous sommes spécialement heureux de faire parvenir à votre Sainteté nos félicitations les plus vives et nos souhaits les meilleurs de prospérité perpétuelle pour Votre Sainteté.

Vittorio Emanuele. »

b) « Je prie Votre Sainteté d'accueillir les respectueux hommages du gouvernement fasciste et les miens personnels.

Mussolini. »






ALLOCUTION AUX MEMBRES DU SACRÉ COLLÈGE APRÈS LE COURONNEMENT

(12 mars 1939) 1

Après la cérémonie du couronnement qui se déroula le 12 mars, dans la salle « dei Paramenti », le doyen du Sacré Collège, Son Em. le cardinal Granito di Belmonte exprima au Saint-Père les félicitations et les voeux de tous les cardinaux présents. Le Souverain Pontife répondit par ces paroles :

Les paroles prononcées par le vénéré et très cher cardinal doyen du Sacré Collège Nous ont si profondément et si agréablement touché, que Nous lui en exprimons Notre perpétuelle gratitude, ainsi qu'à tous ceux qui se tiennent plus près de Nous, en appréciant avec un coeur paternel leur piété filiale et leur fidélité2.

Par vous, Vénérables Frères et chers fils, Dieu, dans les desseins impénétrables de sa Providence, Nous a élevé, malgré Nos désirs et Nos prévisions, après la mort de Notre très cher prédécesseur d'immortelle mémoire, à cette autorité souveraine et à cette suprême dignité dont l'élévation pleine de difficultés, la nature particulière, la très lourde charge, Nous font trembler, comme elles feraient trembler n'importe quel homme.

C'est pourquoi, ne Nous appuyant ni sur Nos mérites ni sur Nos forces, mais Nous confiant en la grâce de Dieu, Nous inclinons

1 D'après le texte latin de Discorsi e Radiomessaggi, t. I, p. 9 ; cf. la traduction française de la Documentation Catholique, t. XL, col. 419.

2 Voici le texte de l'adresse du cardinal doyen : ^

« Très Saint-Père, en ce jour de très grande joie, le Sacré Collège, nrosterné à vos pieds, vous dit de tout coeur : * Prospere procede et régna ; Avancez avec succès et régnez ». Tous nous prions Dieu afin qu'il daigne vous faire voir à vous, le Pasteur angélique, les années du bienheureux Pierre, pour le bien de l'Eglise ; afin que vous puissiez aussi, par votre appel paternel, amener au bercail du Christ béni, en très grand nombre, d'autres brebis encore aujourd'hui égarées ! Daignez, Très Saint-Père, nous accorder avec bonté votre Bénédiction apostolique désirée par tous. »

(Selon la Documentation Catholique, t. XL, COL 419)



Notre front devant sa volonté toute-puissante et pleine de sagesse. Tournant Nos regards vers Celui qui est le Père des lumières et le Dieu de toute consolation, fort également de la protection de la Vierge du Bon Conseil qui fut la patronne du Conclave, Nous prenons en main le gouvernail de la nacelle de Pierre pour la diriger, au milieu de tant de vagues et de tempêtes, vers le port de la paix.

Au cours des siècles, la charge du souverain pontificat n'a eu d'autre but que le service de la vérité ; Nous disons de la vérité, qui doit être entière et pure, qu'aucune nuée ne voile, qui n'est sujette à aucune défaillance, qui n'est jamais séparée de la charité de Jésus-Christ. En effet, sous tout pontificat, et spécialement sous le Nôtre qui est appelé à accomplir sa mission en faveur de la communauté humaine affligée par tant de discordes et de conflits, doivent prédominer, comme un mandat sacré, ces paroles de l'apôtre saint Paul : Veritatem facientes in caritate, « pratiquant la vérité dans la charité » (Ep 4,15).

Nous sollicitons donc, Vénérables Frères et chers Fils, votre aide et votre zèle, afin qu'avec ce secours Nous puissions conformer entièrement à ce précepte particulier de l'Apôtre des gentils l'exercice de cette immense charge inaugurée solennellement aujourd'hui et répandre sur tout le genre humain ces dons célestes qui, d'une certaine façon, sont contenus dans cette charge du pontificat.

Connaissant parfaitement la grandeur et la gravité de Notre fonction et n'ignorant point la confiance et l'espoir que mettent dans le Saint-Siège non seulement ceux qui Nous sont intimement unis par la foi et la charité, mais encore de nombreux frères séparés de Nous et aussi presque toute la famille humaine qui soupire après la paix réconciliatrice, en ce moment où la majesté et le poids de la tiare sont placés sur Notre front, Nous vous conjurons tous, vous Notre Sénat, et Nous vous exhortons, vous Nos conseillers intimes, en empruntant les paroles de saint Jean Chrysostome : « Vous qui connaissez Notre travail, aidez-Nous par la prière, par la sollicitude, par le zèle, par l'amitié, afin que Nous puissions être votre gloire et que vous soyez la Nôtre » 3.

Soutenu par cette ferme confiance, en témoignage de Notre large bienveillance et de Notre très grande gratitude, Nous accordons tant au vénéré cardinal doyen, interprète très éloquent de votre pensée et de vos sentiments, qu'à chacun d'entre vous la Bénédiction apostolique.

3 Hom. XXIX in Ep. ad Romanos, n. 5.






Pie XII 1939