Pie XII 1939 - ALLOCUTION AUX MEMBRES DU SACRÉ COLLÈGE APRÈS LE COURONNEMENT


ALLOCUTION A UN PÈLERINAGE HONGROIS

(23 mars 1939)1

Le Saint-Père a adressé à des pèlerins hongrois l'allocution suivante :

Notre coeur ressent une joie toute particulière de pouvoir recevoir ici l'hommage fidèle de filial dévouement de Nos chers fils et filles de Hongrie. Nous sommes heureux d'avoir pu séjourner parmi vous, récemment, à l'occasion du dernier Congrès eucharistique mondial et d'avoir été témoin des manifestations grandioses par lesquelles la foi vivante et l'amour filial des catholiques hongrois à l'égard du Sauveur Eucharistique ont trouvé une si touchante expression.

Ce que Nous apprécions hautement chez votre peuple chevaleresque c'est surtout sa foi en Dieu et sa piété profondément ancrées dans le coeur, ses moeurs saines et son amour de l'ordre, sa volonté de travail et son énergie indomptable. Nous élevons Nos prières vers saint Etienne, vers saint Eméric, vers saint Ladislas, vers sainte Elisabeth, vers la bienheureuse Marguerite et, avant tout, vers la patronne de la Hongrie, la puissante Vierge Marie, Mère de Dieu, afin que soient gardées à votre peuple la paix extérieure, la paix dans la justice et la réconciliation, tout comme la paix intérieure, la prospérité et cette précieuse compénétration d'une saine nature et de la foi surnaturelle. Pour vous autres et pour tous Nos enfants de Hongrie demeurés au pays demandons à Dieu « qu'il daigne, selon la richesse de sa gloire, vous armer de puissance par son Esprit pour que se fortifie en vous l'homme intérieur, que le Christ habite en vos coeurs par la foi, et que vous soyez enracinés, fondés dans l'amour » (Ep 3,16-17), dans l'amour du Christ et dans la charité généreuse envers votre prochain, les économiquement faibles, les pauvres et les souffrants, sans distinction aucune de personne.

Comme gage des faveurs divines, Nous accordons de tout coeur, à vous tous qui êtes ici présents, à tous vos proches, à tous ceux qui se sont recommandés tout spécialement à l'amour et à la sollicitude du Père commun, la Bénédiction apostolique.






ALLOCUTION A UN GROUPE DE CATHOLIQUES ARGENTINS

(30 mars 1939) 1

Recevant en audience spéciale un groupe de pèlerins argentins conduit par S. Em. le cardinal Copello, archevêque de Buenos Aires, le Saint-Père leur adressa la parole en ces termes :

Soyez les bienvenus, chers fils et chères filles, à la maison du Père de la catholicité si distante de votre lointaine patrie argentine. A dire vrai — et même si l'on fait abstraction maintenant des merveilleux moyens de communications qui suppriment les barrières du temps et de l'espace, qui, on le dirait, obéissent à la grande idée de l'unité de l'Eglise — pour l'amour du Père commun il n'y a pas de loin ni de près : tous ses fils lui restent également proches. Mais vous, vous Nous êtes déjà bien connus. Nous avons à remercier la divine Providence de Nous avoir conduit dans votre pays pour être témoin de votre foi et de votre ferveur ardente que vous manifestez au grand jour d'une façon typiquement argentine. Ce qui Nous a le plus consolé c'est l'écho qui Nous a été rapporté de différents côtés de l'imposante et inoubliable explosion religieuse que fut le Congrès eucharistique international de Buenos Aires qui ne se réduira pas à une simple démonstration passagère, mais fut une braise qui se maintient vive, mieux une semence qui, dans des terres aussi proverbialement fertiles que les vôtres, produira d'année en année des fruits nouveaux et abondants sous les soins pastoraux de vos évêques avec à leur tête celui qui, aujourd'hui, célèbre le vingtième anniversaire de sa consécration episcopale et qui est ici présent : vrai « pasteur de vos âmes » selon le coeur du divin Bon Pasteur.

Monsieur le cardinal primat, veuillez portez Nos salutations et Notre affection la plus intime à vos frères dans l'épiscopat, aux nobles membres de votre gouvernement qui travaillent pour le bien de la patrie, au peuple argentin tout entier. En signe de l'union intime de votre peuple avec le vicaire de Jésus-Christ et en gage des grâces les plus abondantes de Jésus, Nous vous donnons de tout coeur à vous, et en vous à tous les êtres qui vous sont le plus chers, et à tout le peuple argentin, la Bénédiction apostolique.






MOTU PROPRIO «AD PONTIFICALE SOLIUM» AU SUJET DES FAVEURS ACCORDÉES AUX CONCLAVISTES ECCLÉSIASTIQUES

(31 mars 1939) 1

Selon la coutume, le Saint-Père accorde aux conclavistes le privilège de l'oratoire privé.

Elevé tout dernièrement par une très bienveillante faveur du Pasteur suprême sur le trône pontifical, volontiers Nous dirigeons Nos pensées vers ceux qui, prélats et clercs, ont assisté au récent Conclave, soit comme officiers du Conclave, accomplissant chacun avec fidélité sa charge, soit comme conclavistes accompagnant les cardinaux de la Sainte Eglise Romaine. Or, voulant leur donner un témoignage de Notre amour paternel et de Notre bienveillance, Nous pensons qu'ils ne désirent rien davantage que de recevoir de Nous, et avant tout, une faveur spirituelle qui convienne et qui soit conforme à l'état sacerdotal et à sa dignité.

C'est pourquoi, de Notre propre mouvement et en toute connaissance de cause, Nous accordons aux ecclésiastiques dont les noms sont indiqués ci-après 2 le privilège de l'oratoire privé, non pas dans cette intention qu'ils y célèbrent habituellement la messe (car il convient par-dessus tout que le prêtre, établi pour les hommes, fasse la fraction eucharistique à l'autel dans les églises pour l'utilité des fidèles, surtout aux jours de fête), mais qu'ils puissent jouir de l'oratoire privé en certaines circonstances, soit pour raison de santé, soit à cause d'un inconvénient ou pour tout autre motif raisonnable.

1 D'après le texte latin des A. A. S., XXXI, 1939, p. 141 ; cf. la traduction française des Actes de S. S. Pie XII (Bonne Presse, Paris), t. I, p. 68.

2 Les A. A. S. donnent, à la suite du texte du Motu proprio Ad Pontificale Solium, la liste, des quatre-vingt-deux clercs conclavistes.



Nous décidons cependant qu'ils ne doivent pas se servir de cette faveur de l'induit sans le consentement de leur propre Ordinaire. Ce dernier doit, auparavant, par lui-même ou par son délégué, visiter et approuver l'oratoire privé. On ne peut pas profiter de cet oratoire les jours de fêtes solennelles ni les autres jours que l'Ordinaire aura peut-être jugé, dans sa prudence, devoir excepter.

Nous accordons de plus à ces mêmes prêtres de n'avoir, pour une fois seulement, aucun frais à payer pour les grâces et provisions de n'importe quels bénéfices qui leur seraient conférés, et aussi pour la rédaction des Lettres apostoliques qui les leur concèdent.

Nonobstant toutes choses contraires, même dignes d'une mention spéciale.






ALLOCUTION A L'AMBASSADEUR EXTRAORDINAIRE ET PLÉNIPOTENTIAIRE DU BRÉSIL

(1" avril 1939) 1

Recevant en audience le nouvel ambassadeur du Brésil, Son Exc. M. Pompeo Ildebrando Printo Accioly, venu présenter ses lettres de créance, le Saint-Père prononça en français l'allocution suivante :

C'est avec une profonde satisfaction et une vraie joie que Nous recevons aujourd'hui de vos mains la lettre par laquelle M. le président des Etats-Unis du Brésil, personnellement connu de Nous et grandement estimé, vous accrédite comme ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de cette République auprès du Saint-Siège.

Les paroles flatteuses par lesquelles en cette lettre le chef de l'Etat reconnaît et exalte les rares qualités personnelles, dont Votre Excellence a déjà multiplié les preuves en d'autres charges importantes, sont pour Nous un gage certain, un heureux augure de l'esprit qui l'animera dans sa nouvelle mission. Les nobles et éloquentes paroles, d'ailleurs, qu'elle vient de Nous adresser, révèlent un sentiment admirable, une conscience élevée de sa haute fonction, qui méritent toute Notre approbation confiante et Notre constant appui.

Entre le noble peuple brésilien et ce Siège apostolique existent d'heureuses relations que, fidèle aux exemples lumineux de Notre prédécesseur immortel, Nous désirons toujours plus étroites et plus cordiales, des liens spirituels basés sur des lois qui n'ont pas leur origine en ce monde ; car elles tirent leur force et leur fécondité d'une religion prêchant à tous la foi en un Père céleste, qui fait luire son soleil sur tous les peuples et qui a donné pour règle souveraine à tous les hommes la loi du véritable amour de la paix dans la justice, et de la sincère fraternité.

Le peuple brésilien, dont Nous avons senti battre le coeur aux jours pour Nous inoubliables d'octobre 1934, alors que Nous avions la joie de Nous trouver mêlé à lui, dans les salles de son Parlement et de la Haute Cour de Justice, dans l'enceinte hospitalière du palais présidentiel, ce peuple sait que la foi au Christ, la fidélité à l'Eglise catholique constituent le patrimoine sacré de ses traditions nationales, sa vraie richesse aussi ; et que dans la mesure où il gardera pure et intacte cette réserve d'or spirituelle, il sera fort pour défendre les principes immuables de la civilisation chrétienne et pour affirmer sa personnalité et ses idéaux de justice et de paix au milieu des dures épreuves de l'heure présente. Demeurer fidèle à cette tradition, aux devoirs qu'elle comporte, aux avantages qu'elle assure, signifie pour le Brésil rester fidèle à soi-même et à la grande mission toujours plus importante qui, selon toute prévision, lui est réservée dans la collaboration pacifique avec les autres peuples du continent américain et du monde entier.

Elevant en esprit Nos regards vers Celui qui, des hauteurs du Corcovado, étend ses mains bénissantes sur la fière capitale et sur toute la terre du Brésil, Nous vous assurons, Monsieur l'ambassadeur, de Notre constant et bienveillant soutien, dans l'accomplissement de la haute mission, dont vous a honoré la confiance du chef de l'Etat ; Nous implorons l'amoureuse protection de Dieu sur l'illustre président de l'Union brésilienne, sur les membres du gouvernement qui travaillent pour le bonheur et la prospérité du pays ainsi que sur toutes les classes, toutes les catégories sociales de son peuple. Et de tout Notre coeur, Nous accordons à tous, comme gage d'une surabondante effusion des grâces divines, la Bénédiction apostolique implorée.

1 D'après la Documentation Catholique, t. XL, col. 618.

2 Le général Franco a répondu par ce télégramme :

« C'est une grande émotion que me cause le paternel télégramme de Votre Sainteté, à l'occasion de la victoire totale de nos armes, qui ont lutté dans une croisade héroïque contre les ennemis de la religion, de la patrie et de la civilisation chrétienne. Le peuple espagnol, qui a tant souffert, élève son coeur, en communion avec Votre Sainteté, vers Dieu qui lui a donné sa grâce, et il Lui demande sa protection pour la grande oeuvre de l'avenir.

» Se joignant à moi, il exprime à Votre Sainteté son immense gratitude pour ses sentiments affectueux et pour sa Bénédiction apostolique, qu'il a reçue avec une religieuse ferveur et avec la plus grande dévotion envers Votre Béatitude. »






TÉLÉGRAMME AU GÉNÉRAL FRANCO

(Ie' avril 1939) 1

Le 1er avril, le généralissime Franco lui ayant annoncé que la guerre d'Espagne était terminée et son gouvernement reconnu « de jure » par les Etats-Unis, par l'Equateur, Haïti et Saint-Domingue, le Souverain Pontife adressa au général Franco le télégramme que voici :

En élevant Notre coeur vers Dieu, Nous Nous réjouissons avec Votre Excellence de la victoire tant désirée de l'Espagne catholique. Nous formons des voeux pour que votre très cher pays, une fois la paix obtenue, reprenne avec vous une vigueur nouvelle ses antiques traditions chrétiennes qui lui ont donné tant de grandeur. C'est animé de ces sentiments que Nous adressons affectueusement à Votre Excellence et à tout le noble peuple espagnol Notre Bénédiction apostolique 2.






LETTRE DE LA SECRÉTAIRERIE D'ÉTAT AUX CARDINAUX ET ARCHEVÊQUES DE FRANCE

(3 avril 1939) 1

A l'occasion de leur assemblée annuelle tenue à Paris, les cardinaux et archevêques de France envoyèrent une adresse d'hommage au Saint-Père qui répondit par la lettre suivante adressée par Son Em. le cardinal Maglione, secrétaire d'Etat, à Son Em. le cardinal Verdier :

Les cardinaux et archevêques, réunis auprès de Votre Eminence à l'occasion de leur assemblée annuelle, viennent de déposer avec vous aux pieds du Saint-Père un hommage qui est bien l'écho de l'émotion profonde suscitée en France par l'élection du nouveau Pontife.

Cette adresse est, pour l'Elu de Dieu, un précieux gage et un doux réconfort au moment où il se courbe sous le fardeau redoutable que le ciel lui impose, et prend entre les mains un tel gouvernail ! Elle lui permet de se réjouir à la vue de cette grande et chère France, qui semble se presser aujourd'hui autour de la Chaire de Pierre avec un nouvel élan et de nouvelles espérances, et par la voix de ses pasteurs aime à assurer le Vicaire de Jésus-Christ de son attachement traditionnel et de son ardente fidélité.

En vous remerciant tous de cet éloquent témoignage, Sa Sainteté est heureuse de ratifier vos affirmations concernant les marques particulières d'estime qui vous sont venues d'elle ; et elle se plaît à ajouter qu'il n'y aura rien de plus agréable pour son coeur que de conserver à ce peuple généreux, ami des missions, sa toute paternelle bienveillance.

1 D'après le texte français de la Documentation Catholique, t. XL, col. 613. I

C'est dans ces sentiments que le Souverain Pontife forme pour l'Eglise de France ses voeux de prospérité et de paix et envoie une large et toute spéciale bénédiction pour le succès des grandes manifestations religieuses qui vont avoir lieu à Paray-Ie-Monial, à Fourvière, à Alger. Il adresse en même temps sa prière à Dieu pour le bonheur personnel de tous les membres de l'épiscopat français ; et en les bénissant de tout son coeur, ainsi que leurs ouailles, il implore ardemment pour eux-mêmes et pour les oeuvres de leurs diocèses les plus abondantes faveurs du ciel.






ALLOCUTION AUX CARDINAUX ET AUX MEMBRES DE LA CURIE ROMAINE

(S avril 1939)1

Le Saint-Père ayant réuni autour de lui les cardinaux, les officiers et les consulteurs de la Curie romaine, leur a adressé l'allocution suivante :

C'est avec une joie intime, Vénérables Frères et chers Fils, que Nous voyons à cette heure rassemblés autour de Nous les Eminen-tissimes cardinaux, les officiers majeurs et mineurs, les consulteurs de la Curie romaine, l'ensemble de ces congrégations, tribunaux et offices variés, par lesquels le Pontife romain des rives du Tibre, de la Cité du Vatican et du diocèse de Rome, étend, jusqu'aux confins du monde, et assume par lui-même le gouvernement de l'Eglise universelle. Au milieu de vous, il Nous sied de ceindre cette couronne qui exaltait l'esprit du second Prince des apôtres quand il appelait les Philippiens « mes chers et bien-aimés frères, ma joie et ma couronne » (Ph 4,1). Cette couronne, qui a été tressée autour de Nous par votre présence bien-aimée, n'est pas une couronne sertie d'or, de joyaux, ou de fleurs germées et sorties d'une terre froide, mais elle est une couronne vivante et même rutilante de l'or de vos rangs d'élite, des joyaux de vos vertus, des fleurs de votre science et de votre sagesse, de vos services laborieux, de vos sacrifices pleins de dignité.

Dès le début de Notre pontificat, vous avez voulu Nous présenter le don de votre hommage, de votre fidélité et de votre collaboration, offerts et acceptés avec un égal amour. Dès les premiers pas faits sur le chemin connu du seul Dieu, qui appelle les choses qui ne sont pas comme celles qui sont et les dirige vers leur fin suprême, pour laquelle, il plaça ici, à Rome, sur la colline du Vatican, en signe de salut pour les peuples, la pierre fondamentale de son Eglise. Vous avez voulu Nous faire sentir qu'à côté de Pierre, habitué par les siècles aux triomphes comme aux douleurs, à la lutte comme à la prière, se tient une troupe bien ordonnée de conseillers et de collaborateurs dont le noble zèle, la science éprouvée, l'expérience avisée, les intentions élevées ont permis à Dieu de Nous donner la joie réconfortante de confier d'importantes tâches et des soucis graves pour l'honneur et la prospérité du Saint-Siège, pour le bien des âmes, toutes tâches que les dispositions du Droit canon désignent comme le théâtre sacré de l'activité et du travail multiforme de la Curie romaine. Dans ce vif sentiment de confiance profondément ancrée dans Notre âme, et qui éprouve aussi le poids du manteau papal, Notre coeur trouve son encouragement et son réconfort, et Notre parole s'épanche devant vous et dans cette réunion de tous les dicastères de la Curie romaine, des offices et des administrations du Palais, de la Commission pontificale pour l'interprétation du Droit canon, du Vicariat de Rome et de la Cité du Vatican avec les curés et prédicateurs de carême, de la Commission pour les oeuvres de religion, elle manifeste l'estime et l'affection que Nous portons dans le coeur à l'égard de chacun de vous. Cependant par un égal échange, Nous parlons comme à des frères et à des fils avec l'Apôtre : « Mes enfants, vous aussi, élargissez vos coeurs » (2Co 6,13) afin que Notre amour pour la Sainte Eglise soit parfait. Elargissez vos coeurs, vous aussi à la pensée que vous servez cette Epouse du Christ, pour laquelle il s'est donné lui-même pour lui faire un vêtement de gloire, sans tache et sans couture, saint et immaculé. Oui, cette divine Epouse qui s'étend et plante ses tentes dans l'univers, proclame l'Evangile dans toutes les contrées du globe, descend avec ses secours au fond de la prison à ceux qui attendent de pouvoir s'envoler un jour vers les bienheureux, monte au ciel pour invoquer et appeler ici-bas les héros de la sainteté et du bien, afin que dans la gloire qu'elle leur accorde sur les autels, ils puissent oeuvrer au salut et réconforter les enfants exilés d'Eve.



Histoire et grandeur de la Curie romaine.

Vous tous, ici présents, vous comprenez bien la noblesse et la grandeur du service de cette Epouse du Christ, au sein de la Curie romaine : c'est un service qui n'abaisse pas, mais, au contraire, exalte, car Servire Deo regnare est. La sacrée Curie romaine qui tire son nom et son symbole de la Curie des Quirites, des Consuls et des

Césars, qui fut la palestre où se jouèrent les destinées des peuples et qui est aujourd'hui un monument muet qui surplombe encore les ruines du Forum, possède aujourd'hui une vie et un cachet propre qui l'élève au-dessus de la caducité des empires et des royaumes, tout comme l'âme s'élève au-dessus du corps, la grâce au-dessus de la nature humaine, l'oeuvre de Dieu au-dessus de l'oeuvre humaine. Contemporaine de l'assemblée du presbyterium pontifical de Rome, elle grandit et se fortifie aux côtés des pontifes, comme un sénat qui s'honore d'une grande sagesse (Si 25,8), actif et sage par les dons de sagesse et de prudence naturels bien plus que par la majesté que confèrent les années.

Héritière d'un passé souvent agité, remaniée, réorganisée, agrandie par l'accroissement des besoins et des soucis apostoliques, pour la défense et la diffusion de la foi, et pour le maintien de la discipline parmi les pasteurs et le troupeau, la Curie romaine, dans sa forme actuelle, dans sa structure interne et sa procédure réglée jusque dans les détails, tout en conservant, dans sa constitution essentielle, la pratique et l'expérience des siècles, a le mérite et l'honneur de n'avoir jamais hésité à s'adapter sagement et en temps opportun aux nouvelles nécessités et aux exigences changées. C'est à la puissance de caractère d'un Sixte-Quint, au saint zèle réformateur d'un Pie X, à la sagesse législative d'un Benoît XV que cet eminent instrument du gouvernement central de l'Eglise est redevable de la distinction et de la cohésion de ces parties, de cette ordonnance des charges, de cet ajustement et cet arrangement pondérés dans l'action qui préparent l'intelligence et la volonté à un travail bien réglé et fécond ; mais auquel vient s'ajouter sa qualité indispensable et son motif le plus élevé de gloire qui est le souffle apostolique qui l'anime. Il Nous semble que la Curie romaine, avec tous ses dicastères et en dépit de leur multiplicité extérieure, par son unité organique d'ensemble, par l'idée unique et centrale qui la domine, par les devoirs et les obligations communes qui lient tous ses membres, lesquels « n'ont pas la même activité » (Rm 12,4), mais tendent dans la concorde vers le même et auguste but qui est d'être de précieux collaborateurs du service des âmes et du règne du Christ, agrandi et défendu sur terre, se rassemblent autour de Celui qui, selon la juste expression de Grégoire le Grand, est le serviteur du serviteur de Dieu, il Nous semble, disions-Nous, que la Curie romaine ressemble à un diamant resplendissant s'il en fut par la splendeur multiforme de ses facettes, et admirable par les vivants et brillants reflets qui viennent de tous ses dicastères, un diamant qui est enchâssé parmi les joyaux de la tiare pontificale, comme le symbole de la lumière et de l'amour qui vous animent.

Mais, c'est à cette splendeur de la dignité que revient aussi le privilège d'entourer, de plus près que ne pourrait le faire n'importe quelle autre institution ecclésiastique, le pouvoir apostolique du successeur de Pierre — échu maintenant à Notre personne, toute pauvre et indigne qu'elle soit — aussi vous voyez bien combien il convient que dans toute la Curie romaine réponde la splendeur de la vie, afin que, comme l'écrit saint Bernard, « le Docteur à la parole de miel », le Souverain Pontife vous trouve d'autant plus prêts que vous l'assistez de plus près : Propiores assistiis, ut habeat paratiores!2. Cette plus grande préparation majeure qu'est-elle autre chose que l'esprit plus profond qui vivifie, tandis que la lettre tue ? Cet esprit qui vivifie le travail, qui transforme la plume en aile de vol céleste, qui pénètre, dirige, soutient, élève l'esprit et la volonté ; cet esprit qui veut être le premier et le plus saint orgueil de tous ceux qui sont appelés et préparés à collaborer à la mission qui Nous est imposée par le divin Maître, de Pasteur des brebis de son bercail et des autres, qui sont aussi les siennes, mais encore vagabondes qu'il entend amener à Lui.



Qualités et vertus requises pour le travail auprès du Souverain Pontife dans le gouvernement de l'Eglise.

C'est d'un tel esprit, qui est par excellence l'esprit du sacrifice de soi-même, de consécration au devoir, d'amour de l'Eglise qu'il convient que soit rempli quiconque, au centre du christianisme, but et vision de tous ceux qui dans la foi de Rome contemplent la foi de l'Eglise, est amené à prendre, par les conseils et par le travail, une part de la sollicitude de toutes les églises. Quand cet esprit du Christ forme une âme de prêtre, vous la voyez s'élever dans une sphère plus haute, valoriser son activité dans la Curie romaine par le sceau de l'amour surnaturel, infatigable, apostolique, d'un apostolat qui s'identifie au travail né de sa fonction et qui, si la soif du salut des âmes l'ennoblit et la sanctifie, n'en est pas moins agréé et justement pesé sur la balance du Juge Eternel qui scrute les reins et les coeurs (Jr 2,20) ; que cette activité soit le ministère sacerdotal immédiat, auquel nombreux parmi vous donnent leurs soins, ou bien l'apostolat direct et actif de ceux qui traversent les mers, les océans, et par les terres inhospitalières et les forêts sauvages, au-delà des cimes neigeuses et des landes glacées, à travers les déserts et les antres des bêtes sauvages, partent à la conquête de nouvelles brebis pour le bercail de Pierre et de nouvelles frontières au règne du Christ. Vous savez bien que le divin Roi de gloire récompense d'une même couronne, en la proportionnant toutefois aux mérites, aussi bien ceux qui combattent au fort de la mêlée que les fils qui autour de lui gardent le dépôt sacré des armes et avec la trompette de la foi donnent leurs ordres aux capitaines qui commandent les troupes.

Investis d'une si haute dignité, Vénérables Frères et chers Fils, Nous vous saluons vous qui êtes rassemblés autour de Nous. C'est pour Nous une joie sainte et paternelle que d'entendre confirmer par les paroles de votre éminentissime et éloquent interprète, le vénérable et très cher cardinal doyen du Sacré Collège, que vous tous, animés par l'esprit du Christ et pleinement conscients de la responsabilité et de l'importance de votre office, vous ne désirez et ne voulez rien de plus ardemment que de vous rendre toujours plus dignes de votre vocation privilégiée. Vous n'auriez pas su ni pu Nous donner de don plus agréable, de promesse plus précieuse, de réconfort plus doux en ces jours où, par un décret insondable de Dieu, Nous avons assumé la lourde charge du travail pontifical, quand l'ange d'une sainte mort arrêta inerte la main sage et active de Notre incomparable prédécesseur et, fermant le grand volume de son long et glorieux pontificat, lui ouvrit les portes de la cité céleste en l'invitant et en l'introduisant dans le repos de l'éternité bienheureuse.



Le gouvernement de l'Eglise exige d'autant plus de fermeté et de sagesse que les temps sont difficiles.

Héritiers de son nom, nous sommes aussi héritiers de son temps qui devient Nôtre avec ses fortunes favorables et adverses qu'il entraîne avec lui dans sa fuite. Temps difficile mais pourtant aussi grand que celui où dans le cours d'une année se suivent et mûrissent des événements qui précédemment auraient exigé des dizaines d'années et peut-être des siècles, où le vertigineux et prodigieux progrès moderne semble avoir rendu cette « plate-bande qui nous fait si féroces » trop étroite pour les désirs insatiables des fils d'Adam où sur tous les rivages et à tous les vents résonnent désormais la voix divine de l'Evangile et les devoirs et l'action de l'Eglise et avec eux ceux de ces organes centraux qui s'accroissent et s'étendent outre mesure, tandis que les yeux du monde se tournent toujours avec plus d'anxiété vers son Magistère, regardant fixement si de ses lèvres jaillit la vérité qui libère et élève l'homme dans l'oeuvre de la charité. Que pouvons-Nous faire d'autre que de lever Notre regard humble et suppliant vers le ciel d'où descend la sagesse pure, pacifique, modeste, souple, pleine de miséricorde et de fruits excellents ? D'où descend le fruit de la justice qui se sème dans la paix de ceux qui pratiquent la paix ? (Jc 3,17-18). Parmi les dons parfaits qui descendent du Père des lumières, Nous ne pouvons demander ni recevoir de grâces plus signalées que de savoir et de voir auprès de Nous des hommes tels que saint Bernard les décrivait et les recommandait à son cher et vénéré disciple, le pape Eugène III : « Qu'en eux, écrivait le saint abbé de Clairvaux, à mon avis, repose ton esprit... afin qu'en dehors de Dieu ils ne craignent rien et n'espèrent rien sinon de Dieu... qu'ils se tiennent virilement au service des affligés et qu'ils jugent dans l'équité les doux de la terre. Qu'ils soient dignes dans leurs moeurs, éprouvés dans leur sainteté, prêts à l'obéissance, doux dans la patience, soumis à la règle, rigides dans la censure, catholiques dans la foi, fidèles dans la générosité, d'accord pour la paix, unanimes pour l'unité... Qu'ils soient droits dans le jugement, prévoyants dans le conseil, discrets en donnant des ordres, industrieux dans la prévoyance, résolus dans l'action, modestes dans le langage, fermes dans l'adversité, dévoués dans la prospérité, sobres dans le zèle... Qu'ils ne refusent pas chaque fois qu'il est besoin, s'ils en sont priés, de travailler pour le Christ, et, s'ils ne le sont pas, n'en soient pas affectés... Qu'ils gardent le goût et aient la pratique de la prière et en toute chose fassent plus confiance à la prière qu'à leurs propres capacités où à leur travail » 3.

Regardez-vous en cet idéal, tracé par l'art plein de sagesse du grand ascète et de l'infatigable champion des droits de l'Eglise dans l'Europe de son temps. Dans cet idéal vous reconnaîtrez la grandeur de votre office ; vous vous reconnaîtrez vous-mêmes non point avec la misérable complaisance de l'orgueil, mais par cette impulsion de vertu et de bien qui marque le travail plein de sagesse que vous faites à Nos yeux et aux yeux de l'Eglise, et de plus en plus anime votre esprit afin que tous ceux qui voient votre travail glorifient le Père qui est dans les cieux.



Remerciements du Saint-Père.

Entouré comme Nous le sommes, à l'égal d'une famille chère et aimée, de toute Notre Curie romaine rassemblée ici en témoignage solennel de votre amour et de votre dévouement, Nous ne trouvons pas d'autre parole pour vous manifester Notre profonde satisfaction que celle de l'Apôtre des gentils : « Nous vous avons parlé en toute liberté ; notre coeur s'est grandement ouvert » (2Co 6,11). Nos lèvres s'ouvrent pour vous, Notre coeur s'est dilaté et trouve réconfort dans des esprits aussi dévoués, distingués et étroitement unis pour Nous servir ; grâce à eux le poids de la tiare pontificale se fait plus léger pour Nous dans la contemplation d'une aussi noble assemblée qui est la cohorte la plus fidèle et la plus sainte qui se tient à Nos côtés pour la sauvegarde de la foi et de la discipline de l'Eglise. Nous en rendons grâce à Dieu et à vous-mêmes ; et Nous élevons Nos prières vers le ciel, afin que ce que l'esprit illuminé et l'ardent amour de l'Eglise du « Docteur à la parole de miel » désirait avec une si grande ferveur dans une heure grave du passé pour un de Nos prédécesseurs, Nous soit accordé par la douce attention de Celui, dans la sage main de qui est le passé, le présent et l'avenir, et soit largement affermi et accru en vous, Vénérables Frères et chers fils. C'est dans cette confiance que Nous tournons Nos regards vers Dieu qui opère en Nous et le vouloir et le faire selon la bonne volonté (Ph 2,13), que Nous invoquons sur vous et sur Nous lumière et force et que Nous vous accordons la Bénédiction apostolique à vous tous, comme gage des plus abondantes faveurs célestes pour vos personnes et pour que l'accomplissement des importants devoirs de votre charge soit agréable au Seigneur.






LETTRE DE LA SECRÉTAIRERIE D'ÉTAT A S. EM. LE CARDINAL VERDIER, A L'OCCASION DU PREMIER CONGRÈS NATIONAL DE LA J.A.C.

(7 avril 1939) 1

Le Congrès national du 10" anniversaire de la fondation de la ]. A. C. en France a réuni à Paris, du 21 au 23 avril, plus de 25 000 jeunes ruraux. Le Souverain Pontife tint à encourager ces assises et, le 7 avril, Son Em. le cardinal Maglione, secrétaire d'Etat, adressait à Son Em. le cardinal Verdier, archevêque de Paris, cette lettre :



1 D'après le texte français de la Documentation Catholique, t. XL, col. 803.



Sa Sainteté a appris avec une paternelle satisfaction que Votre Eminence se proposait de présider prochainement le premier Congrès national de la Jeunesse agricole chrétienne, à Paris. L'auguste Pontife n'ignore pas que, parmi les mouvements spécialisés dont s'honore l'Action catholique française, la J. A. C. occupe une place de choix et mérite d'exceptionnels encouragements. Ce congrès qui célébrera le 10e anniversaire de sa fondation, entend surtout marquer par son ampleur et sa ferveur la volonté des jeunes ruraux de France de ramener tous leurs frères de travail à Notre-Seigneur Jésus-Christ.

Déjà, leur apostolat a été visiblement béni du ciel. La tâche était rude, en effet, d'entreprendre une telle oeuvre de redressement spirituel des campagnes, en organisant un mouvement destiné à embrasser les divers membres qui composent le milieu rural, pour les réunir tous sur le plan supérieur de la charité chrétienne et de l'Action catholique. Qui pourrait prétendre que de si généreuses semailles n'aient point déjà fait naître une merveilleuse moisson, lorsqu'on aperçoit ces légions de jeunes ruraux monter de tous les diocèses sous la bénédiction de leurs pasteurs ? Comment la parole de l'Evangile ne nous reviendrait-elle pas à l'esprit, en contemplant cette Jeunesse agricole chrétienne et sa branche féminine parallèle, qui atteignent ensemble un tiers des paroisses rurales de France : Levate oculos vestros, et videte regiones, quia albae sunt jam ad messem f

C'est de ce magnifique bilan que le coeur du Souverain Pontife ne peut manquer de se réjouir dans le Seigneur, tout en nourrissant de plus grands espoirs encore pour l'avenir. Car la J. A. C. est en marche. Et son Congrès national, s'il signale une première et glorieuse étape, veut être avant tout un point de départ pour de nouvelles et irrésistibles conquêtes. Le Saint-Père connaît et apprécie le trésor de traditions chrétiennes dont peut se glorifier, comme d'un beau titre de noblesse, la paysannerie française. Il sait le zèle inlassable qui anime ses chefs, l'esprit surnaturel dont leur organisation veut être essentiellement imprégnée. Aussi ne saurait-on trop les engager à persévérer dans cette voie de formation religieuse intense qui, selon l'expression si juste, est l'âme de tout apostolat. Spirituellement équipés, comme ces soldats du Christ dont parle saint Paul, nos jeunes ruraux seront alors en mesure d'affronter victorieusement les grandes questions qui se poseront à leur conscience d'hommes et de chrétiens et d'assumer les responsabilités qui les attendent dans l'ordre familial, civique et professionnel, où, pour le salut et le bonheur des individus comme des sociétés, l'Evangile doit imposer le joug suave de la loi évangélique de vérité et de charité, de justice et de paix.

Telles sont donc les substantielles constatations, telles sont les fortes résolutions que le Congrès jubilaire de la J. A. C. aura la joie d'enregistrer. Le Saint-Père se félicite de ce que Votre Eminence, entourée d'un si grand nombre de cardinaux, archevêques et évêques français, puisse transmettre à cette ardente jeunesse rurale la Bénédiction apostolique qu'il lui envoie de tout coeur, et très spécialement au cher président national, à l'excellent aumônier général, à tous les aumôniers et dirigeants fédéraux et locaux, comme gage d'infaillibles et surnaturels progrès.






Pie XII 1939 - ALLOCUTION AUX MEMBRES DU SACRÉ COLLÈGE APRÈS LE COURONNEMENT