Pie XII 1940 - DISCOURS AUX JEUNES ÉPOUX


ALLOCUTION AUX JEUNES DE LACTION CATHOLIQUE ITALIENNE

(10 novembre 1940) 1

Le Souverain Pontife a accueilli en audience spéciale, le 10 novembre, les jeunes de l'Action catholique italienne venus à Rome pour la distribution des prix du concours national de culture religieuse et de chant sacré, accompagnés de leurs assistants ecclésiastiques et leurs dirigeants. Voici le paternel discours que Sa Sainteté prononça à cette occasion :

En cette vibrante assemblée de la jeunesse italienne d'Action catholique conduite et groupée autour de Nous par son très aimé président général, honorée de la présence du très zélé et éloquent cardinal-évêque suburbicaire de Palestrina et du si méritant évêque sous-directeur général, Nous sentons, chers fils, l'intime et profonde joie de cette grande paternité spirituelle dont Notre-Seigneur Jésus-Christ a bien voulu infuser en Nous, comme à son Vicaire, les palpitations et les sentiments d'affection. Cette affection s'étend certes à tous les croyants et à tous les peuples, mais elle vous atteint vous avec une étincelle de cette ferveur d'amour qui portait le Christ à avoir une prédilection pour les petits et à aimer ce jeune homme qui dès son adolescence avait observé tous les préceptes divins (Mc 10,20-21). Si cette réunion très désirée est votre joie, c'est aussi en même temps la Nôtre ; Nous en sommes reconnaissant à votre infatigable président, aux assistants ecclésiastiques, vos maîtres et directeurs dont le mérite est grand à cause de leur zèle pour les concours de culture religieuse ; il Nous est doux de proclamer aujourd'hui les plus valeureux champions et de saluer les vainqueurs.

La vie aussi est une épreuve de course.

Tout ce qui parle d'exercices physiques, de concours, d'émulation, de « sport », intéresse et attire la jeunesse actuelle. Mais les jeunes chrétiens savent que les mouvements de l'esprit et spécialement la course vers la lumière intellectuelle, le progrès sur le terrain mystérieux et parfois ardu de la Révélation, la poussée vers la bonté et la sainteté sont d'autant plus beaux, nobles et passionnants que la science et la vertu surpassent et l'emportent sur la force des muscles et la temporaire agilité et souplesse des membres.

La vigueur corporelle qui accompagne et embellit votre jeunesse fleurissante, n'est ni diminuée ni rabaissée, mais bien plutôt surélevée et ennoblie par l'étude de la religion et par la vertu qui maîtrise les passions ; la sentence du poète latin gratior (est) pulchro veniens in corpore virtus 2 s'applique très bien ici. Dans la jeunesse brille autant la hardiesse d'énergie du corps que la vertu de l'âme, quand au fond du coeur se développe cette volonté qui dans la crainte de Dieu trouve le principe de la sagesse qui éclaire le chemin de la vie. La vie aussi est un concours, une épreuve de course vers le futur que vous sentez dans le sang et dans les battements de votre coeur et dans les visions de votre esprit. Dès le début de la marche et du chemin, regardez un but à conquérir ; cherchez qui au côté vous guide et vous accompagne sur la route, qui entre le bien et le mal vous convient le mieux et vous conduit sur le sentier de la vertu. Cherchez une mère qui vous soit une maîtresse plus pour votre âme et votre esprit que pour votre corps et pour les choses matérielles. Et où avez-vous trouvé cette mère et maîtresse si affectueuse ? D'où vous a-t-elle communiqué non la vie corporelle mais la vie spirituelle ? Un enseignement qui vous dévoile la noble origine et les très hautes destinées de votre âme ?

La vie donnée par le baptême et la confirmation.

Vous les tout petits à peine nés avez été portés dans une église ; l'eau baptismale a coulé sur votre tête et votre front ; le sel de la sagesse a été posé sur vos lèvres ; votre poitrine a été ointe avec l'huile du salut, votre âme purifiée de la faute originelle a été comme spiritualisée en ange céleste. Qui a fait en vous ce miracle ? Qui

vous a régénérés ? Qui vous a donné une nouvelle vie que ni votre père ni votre mère ne pouvaient vous donner avec leur sang ? L'Epouse du Christ, la sainte Eglise, a été la mère de votre âme, elle vous a baisés au front avec une affection du paradis ; elle vous a pressés sur son sein comme des enfants du sang répandu par son Epoux divin qui vous aime et qui s'est livré à la mort pour vous. L'Eglise, par la main et par la parole de son prêtre, a accompli en vous un si grand miracle de la grâce divine ; mystère de l'âme rachetée, abîme insondable de la justice et de la miséricorde de Dieu dans votre appel au salut, grâce au baptême de régénération. Alors la grâce, avec les germes divins de la foi, de l'espérance, de la charité et de toute autre vertu vous est infusée, elle vous rend participants de la nature divine ; vous, par les paroles de vos parrains, à la sainte Mère l'Eglise qui vous demandait la profession de foi vous avez répondu que vous croyiez en Dieu le Père tout-puissant, créateur du ciel et de la terre ; que vous croyiez en Jésus-Christ, son Fils unique, Notre Seigneur qui est né et qui a souffert, que vous croyiez également au Saint-Esprit, à la sainte Eglise catholique, à la communion des saints, à la rémission des péchés, à la résurrection de la chair et à la vie éternelle.

Mais si l'Eglise vous fut une mère aimante dans le baptême, elle vous fut une maîtresse et une force dans la confirmation, en vous confirmant et fortifiant dans la foi et la vertu contre les ennemis spirituels qui tendent des pièges à votre esprit et à votre volonté de faire le bien. Avec les dons admirables de l'Esprit Saint vous êtes revêtus, comme soldats du Christ, croisés, chevaliers de la foi et de la vertu, de cette divine armure dont parlait si noblement l'apôtre Paul dans sa lettre aux Ephésiens, quand il pressait les premiers chrétiens de lutter contre les puissances des ténèbres (Ep 6,10 et suiv.). Voici, ô jeunes gens, le champ des luttes pour votre valeur chrétienne ; l'Eglise, mère et maîtresse d'héroïsme, vous y prépare, vous y forme, vous y achemine.

La foi nécessaire au jeune catholique d'aujourd'hui.

La jeunesse, toujours portée à se vanter de ne rien craindre, souvent craint et a peur de n'apparaître pas assez moderne, de ne pas sembler être à la hauteur de son temps, ou comme certains disent, « à la page ». Mais le vrai chrétien se trouve toujours à la hauteur de n'importe quelle époque ; la jeunesse ne grandit-elle pas valeureuse, non seulement pour le service de la patrie qu'elle aime ardemment, qu'elle défend courageusement, mais aussi pour la foi dans la milice de la vie chrétienne ? Voulez-vous être de ces jeunes catholiques que réclame l'heure actuelle ? Ceux que demande le monde dans lequel le Seigneur vous a appelés à vivre et à travailler ?

Ayez avant tout cette foi, par laquelle « par le coeur on croit à la justice et avec les lèvres on fait profession pour arriver au salut » (Rm 10,10) ; cette foi éclairée, rationabile obsequium vestrum (Rm 12,1), qui a dans le coeur la flamme et dans la raison la lumière ; lumière capable de démontrer à vous-mêmes et aux autres non certes la vérité ineffablement cachée des mystères révélés par Dieu, mais les motifs raisonnables de crédibilité, parce qu'on ne croirait pas si la raison ne croyait pas devoir croire.

Ayez une foi large et cordiale, amie de toute lumière de la nature, qui bien loin d'être hostile aux progrès des sciences et des arts, s'élance vers les vastes champs ouverts à l'intelligence pour collaborer avec elle à la recherche du Vrai, du Bien, du Beau, en la prémunissant contre les dangereuses déviations. Vous êtes jeunes, mais comme disait l'apôtre Paul aux Ephésiens, « ne soyez plus des enfants ballottés et emportés à tout vent de doctrine, au gré de la malice des hommes et de leur astuce à machiner l'erreur » (Ep 4,14). Ayez une foi fidèle et ferme, ignorant les préjugés, méprisant les superstitions, victorieuse du respect humain, qui ne se laisse ni tuer par les menaces ou par les moqueries, ni allécher par des profits ou des honneurs passagers. Ayez une foi joyeuse et fraternelle et qu'avec votre foi, qui fait de plus en plus de progrès, abonde en chacun de vous la charité (2Th 1,3). Que votre foi soit une foi qui ne se renferme pas dans sa tour d'ivoire, mais qui s'efforce avec une aimable camaraderie de se concilier autour d'elle les coeurs et les âmes pour les gagner à Jésus-Christ. Ayez enfin une foi courageuse et militante, comme de quelqu'un qui a confiance dans le Christ vainqueur du monde. L'heure présente a besoin de pareils jeunes gens, de pareils lutteurs. Il fut un temps où le jeune catholique pouvait vivre sa foi comme sans opposition et sans péril, en se laissant pour ainsi dire bercer et porter par tout ce qui l'entourait et où il se mouvait, fleur flexible sur le bord du flot chrétien : les institutions politiques et sociales, les moeurs publiques elles-mêmes, malgré les faiblesses et les égarements individuels bien réels, agissaient comme étant imprégnées de l'esprit de l'Evangile ; une poussée de quasi-mimétisme religieux était suffisante pour assurer sinon la paix de la conscience, du moins la tranquillité de la conduite extérieure.

Aujourd'hui le vent du « laïcisme » a parcouru le monde, a pénétré en toute région et a commencé à s'insinuer si profondément dans l'âme des peuples, même de ceux les plus traditionnellement catholiques, que le jeune homme chrétien, vivant au sein de la société, a besoin pour conserver sa foi bien vivante, de posséder l'audace de naviguer contre un torrent de matérialisme, d'indifférence religieuse, de sensualisme païen, de frénésie du plaisir. Mais où une telle audace, qui n'est autre chose qu'une sainte témérité, prendra-t-elle de vigoureuses racines, sinon dans la jeunesse hardie de pensée et d'espoir, dans une jeunesse forte et sage, noble et pure comme la vôtre ? Tu ne cède malis, sed contra audentior ito 3. Regardez autour de vous et dites si vous, qui êtes élevés jusqu'aux choses célestes, vous n'oserez pas pour le service et l'amour de Jésus-Christ ce que d'autres jeunes osent et endurent à cause d'un attachement passionné à un idéal terrestre et périssable. Regardez autour de vous et dites si ce ne serait pas indécent de voir la « jeunesse athée » penser plus souvent et avec tant d'ardeur à Dieu pour le nier et le faire nier, pour le haïr et le faire haïr, que vous, jeunes catholiques, pour l'aimer et pour le servir, pour le faire servir et aimer. Laissez-Nous, chers fils, répéter à chacun de vous ce qui fut dit à un jeune archer victorieux : Macte nova virtute, puer, sic itur ad astra 4.

L'Eglise, mère et maîtresse.

Si l'Eglise est Mère et Maîtresse, sa doctrine que vous avez apprise de la bouche de vos assistants, n'est autre que la doctrine du Christ, seul Maître de l'Eglise, conformément à ce qu'il a dit lui-même à ses apôtres, futurs hérauts de l'Evangile : Magister vester unus est, Christus : « Vous n'avez qu'un Maître, le Christ » (Matth., xxnr, 10). Et quel Maître ? Un Maître qui est la sagesse même de Dieu incarnée, éternelle, infinie, par laquelle « tout a été fait, et rien de ce qui s'est fait n'a été fait sans elle » (Jn 1,3), sagesse qui lance les étoiles dans leur course au firmament, qui fixe la route au soleil, à la terre et aux planètes, qui livre le monde à l'oeil du génie humain pour y découvrir, sans en venir à bout, les secrets cachés par sa main au sein de la nature. Pourtant ce Maître en qui « sont renfermés tous les trésors de la sagesse et de la science » (Col 2,3) ne nous a enseigné ni le mouvement des cieux, ni les orbites des astres, ni les merveilles cachées de l'univers ; mais, venu du ciel sur la terre, il cherche seulement les malheureux fils d'Adam à cause de cette image et ressemblance qu'il avait avec le Père et l'Esprit Saint imprimée de lui-même sur le front d'Adam dont, au milieu des siècles, il revêt la nature pour le relever de la chute. Se faisant semblable aux hommes, dans les hommes il cherche les âmes ; parce que la noblesse et la grandeur de l'homme ainsi que son immortelle destinée se trouvent dans l'âme. Le Christ révèle à l'homme Dieu dans la trinité des personnes et il révèle également l'homme à lui-même, afin qu'il apprenne et croie que la vie éternelle c'est de connaître le Père qui est dans les cieux, comme seul vrai Dieu et Celui qu'il a envoyé, Jésus-Christ (Jn 17,3).

Mais la vie éternelle, qui est la contemplation béatifiante de la divine Trinité, commence ici-bas dans la condition de voyageur où nous sommes des pèlerins en route vers le Seigneur, elle s'achève là-haut, au ciel, dans la patrie et dans la vie glorieuse. Il n'est pas d'autre Roi de la vie éternelle que Jésus-Christ à qui le Père a donné pouvoir sur tous les hommes, afin qu'il donne la vie éternelle à tous ceux que le Père lui a confiés. Pour la vie éternelle nous avons besoin d'un pain qui ne périsse pas dans le voyage vers l'éternité, Jésus lui-même s'est fait notre pain. N'a-t-il pas proclamé : « Je suis le pain vivant descendu du ciel : si quelqu'un mange de ce pain, il aura la vie éternelle. Et le pain que je donnerai, c'est ma chair pour la vie du monde... Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle, et je le ressusciterai au dernier jour » (Jn 6, 51, 54) ?

Le Christ nourriture.

Voilà, chers fils, le pain vivant de la vie éternelle sur la table de nos autels. Le Christ lui-même, la veille de sa Passion, l'a placé pour la première fois sur la table du Cénacle et l'a distribué à ses apôtres, les premiers prêtres du nouveau et éternel testament qu'il avait lui-même établis6. Au Cénacle eut lieu le premier sacrifice non sanglant du Christ offert au Père, prélude des millions de messes célébrées dans les assemblées chrétiennes, dans les catacombes et dans nos églises : sur le Golgotha, face au ciel et au monde entier, l'on vit la divine catastrophe de l'Homme-Dieu qui, prêtre et victime, mourut pour s'offrir à son Père pour les hommes et à leur profit et fournir une rédemption éternelle. L'autel de nos églises ne diffère pas de l'autel du Golgotha ; lui aussi est un mont surmonté de la croix et du crucifix. Dans le sacrifice non sanglant, c'est le même Prêtre éternel et la même Victime éternelle, le corps et le sang séparés dans le pain et dans le vin transsubstantiés ; également sur nos autels s'accomplit la réconciliation de Dieu avec l'homme. Oh ! pourquoi le peuple chrétien tout entier, tous les hommes, toute la jeunesse n'accourent-ils pas dans la maison du Seigneur pour assister devant l'autel à ce spectacle divin de foi et de piété ? Pourquoi ne se prosternent-ils pas en implorant miséricorde et pardon ? Pourquoi ne participent-ils pas au banquet céleste ? Evidemment parce qu'ils ne connaissent pas l'amour infini du Sauveur Jésus, parce que leur foi est devenue froide et insouciante ; parce que les biens et les plaisirs du monde leur voilent la valeur de l'âme immortelle et qu'ils ne savent pas goûter la suavité du Seigneur et du pain de vie éternelle.

L'importance de la messe et de la communion.

Pour cela nous vous applaudissons grandement, ô jeunes de l'Action catholique qui, pendant que vous donnez au sanctuaire tant de ministres zélés et aux séminaires tant de recrues ferventes, avez développé et développerez toujours d'une façon plus étendue dans toutes les paroisses la très noble « Campagne » sur « La Sainte Messe », campagne qui ne vous procure pas un moindre mérite et une moindre louange que le concours de culture religieuse, parce qu'elle montre comment votre bouche parle de l'abondance du coeur. Cette « campagne » veut être une entreprise essentiellement apostolique. Vous parlerez d'abord par l'exemple, comme vous le faites en assistant à la messe les jours de précepte et encore plus souvent ; vous parlerez ensuite avec vos lèvres, parce qu'il faut conduire les autres et reconduire ceux qui ne se soucient pas de retourner. Vous leur rappellerez, avec cette gentillesse, cette discrétion et cette retenue qui conviennent aux jeunes l'obligation imposée à tout chrétien de sanctifier les fêtes ; précepte grave dont il n'est pas permis de se dispenser à la légère, sous prétexte d'une excursion dominicale, d'une partie de chasse, d'une réunion sportive. Vous leur ferez comprendre quel bienfait très particulier est la messe paroissiale qui réunit les fidèles autour de leur pasteur célébrant en ce jour la messe pro populo, leur permet d'entendre l'explication du saint Evangile, l'exposé des enseignements de l'Eglise, l'application des principles éternels aux nécessités et aux conditions du temps présent.

Mais à ce grand stimulant pour vous et pour les autres, vous devez ajouter que prendre part parfaitement à la messe, c'est participer à toute « l'Action » sainte, c'est entrer dans le nombre de tous les assistants que le prêtre recommande à Dieu au Memento des vivants qui offrent avec lui le divin sacrifice de louange pour eux et pour tous les leurs, pour la rédemption de leurs âmes, « pour l'espérance de leur salut et de leur conservation » 6. Vous devez rappeler que cette « Action » sainte comprend, après l'offrande de la victime, sa manducation qui est la communion du célébrant et des fidèles. Les Actes des Apôtres (n, 42) n'attestent-ils pas que les premiers chrétiens étaient assidus aux instructions sacrées, à la fraction du pain, c'est-à-dire à la célébration de l'Eucharistie et à la prière ? Le martyr Justin n'enseigne-t-il pas dans son Apologie7 que le pain et le vin consacrés, c'est-à-dire la chair et le sang du Verbe incarné, étaient distribués à chacun des assistants et portés aux absents ? Vous savez certainement, même si votre jeune âge ne vous a valu d'en être les témoins, avec quelle ardente sollicitude Notre vénéré prédécesseur Pie X a fait connaître d'une façon lumineuse la divine dignité et les fruits salutaires de la communion fréquente 8 et comment à son appel a répondu partout, depuis un quart de siècle, l'accroissement du nombre de fidèles, spécialement parmi les jeunes catholiques, qui s'approchent souvent, certains tous les jours, de la table sainte. Il convient que les hommes, que les jeunes catholiques qui nourrissent en eux la même foi et la même espérance et qui ont a combattre et à soutenir dans leur coeur, en face des dangers du monde, des luttes semblables et même ordinairement plus dures, n'aient pas et ne montrent pas une dévotion et un amour moindres à l'égard du Dieu des tabernacles. Eux également doivent avancer d'un pas ferme et courageux dans ce grand et universel mouvement eucharistique. Beaucoup ont avancé ou progressent ; d'autres s'arrêtent à Pâques ou aux grandes fêtes. De quelle catégorie voulez-vous être, chers jeunes gens ? Sans aucun doute vous préférez être du nombre de ceux qui vont en avant, et aussi vous vous proposez en cette voie noble et sainte de les précéder comme des « entraîneurs des âmes » pour les éclairer, les encourager, les pousser à communier au moins une fois par mois, en les réconfortant par le bon exemple et en les prémunissant contre les défections et les attaques du respect humain.

Grandissez donc, chers fils, vous dirons-Nous avec l'apôtre Pierre, grandissez dans la grâce avec la volonté du bien et avec l'intelligence dans la connaissance de Notre-Seigneur et Sauveur Jésus-Christ : Crescite in gratia et in cognitione Domini Nostri et Salvatoris Jesu Christi (n Pierre, 3, 18). Plus vous croîtrez dans la grâce et plus vous le connaîtrez ; vous l'aimerez d'autant plus que vous le connaîtrez davantage ; dans la grâce et dans la connaissance du Christ se trouve la vie éternelle. Connaissez-le toujours davantage dans son Evangile, dans sa doctrine, dans ses sacrements, dans son Eglise, dans ses préceptes et sachez gré à vos maîtres, comme Nous leur donnons Notre éloge bien mérité. Grandissez en âge, mais aussi en sagesse et en vertu devant Dieu et les hommes ; et n'oubliez pas qu'il n'y a pas de science si vous ne retenez pas ce que vous avez entendu. Vous lirez beaucoup, vous étudierez beaucoup, vous apprendrez beaucoup ; mais au déclin de la vie, vous reconnaîtrez la suprême et essentielle importance du catéchisme, code de la vérité apportée du ciel sur la terre par le divin Rédempteur pour vous élever dans le bien jusqu'au ciel.

Votre concours de culture religieuse a été un très noble et très digne concours de catéchisme ; avec un paternel contentement Nous Nous réjouissons de couronner les vainqueurs, avant-garde de tant de légions d'ardents et de vaillants champions. Nous les bénissons tous, en même temps que votre président, les assistants ecclésiastiques et les maîtres qui vous dirigent et instruisent. Nous vous remercions pour les dons généreux au profit des églises pauvres. Nous implorons sur chacun l'abondance des faveurs célestes, afin que le bienfait de la culture religieuse si heureusement développé et récompensé, continue à produire cet accroissement de fruits que la sainte Eglise, Mère et Maîtresse, attend et espère de la foi courageuse et de la sainte émulation de la très chère jeunesse italienne.


ALLOCUTION A L'ENVOYÉ EXTRAORDINAIRE DE ROUMANIE

(15 novembre 1940) 1

Répondant à Son Exc. M. Basile Grigorcea, envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire de Roumanie, venu présenter ses lettres de créance, Sa Sainteté prononça cette allocution :


L'heure en laquelle Votre Excellence Nous remet les lettres de créance de son auguste souverain, S. M. le roi Michel Ier, et inaugure ainsi ses honorables fonctions d'envoyé extraordinaire et de ministre plénipotentiaire de Roumanie près le Saint-Siège, est une heure comme voilée d'ombres et dominée par des événements qui transforment l'aspect extérieur et le développement spirituel du continent européen, les engagent en de nouvelles voies et, en même temps, imposent aux peuples des sacrifices et des épreuves de jour en jour croissants.

La part de sacrifices échue au peuple roumain, pour la cause de la paix, remplit de sollicitude et de préoccupation bien compréhensibles le cceur de cette noble nation. L'écho discret de ces sentiments résonne dans les paroles que Votre Excellence vient de Nous adresser. Par les répercussions matérielles et spirituelles des événements récents, tant les gouvernements que leurs sujets sont mis en face de devoirs ardus et lourds de responsabilités.

En ces circonstances, S. M. le roi, dont les jeunes épaules portent vaillamment le fardeau de si graves soucis, a jugé particulièrement important que la représentation diplomatique exercée auparavant avec tant de dignité par l'illustre ambassadeur M. Nicolas Petrescu Comnen ne restât pas longtemps sans titulaire. Avec un vif plaisir Nous trouvons, en cette volonté, un noble témoignage de l'impor-


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tance attachée à ces valeurs spirituelles que cette même représentation est appelée, pour sa part, à conserver et à développer.

C'est avec une égale satisfaction, Monsieur le ministre, que Nous vous avons entendu déclarer que, dans les rapports entre l'Eglise et l'Etat, votre gouvernement veut aussi s'inspirer de trois principes fondamentaux : le respect de la religion, la fidèle exécution des engagements contractés et un profond attachement à la cause de la paix.

Eclairée par ces principes, que le temps en marche vous permettra d'appliquer en de multiples questions, votre action rencontrera toujours Notre bienveillant appui et vous donnera à vous-même, fils loyal de votre nation, la conscience de compter parmi les artisans d'un avenir plus heureux pour votre pays.

Nous vous prions de transmettre à S. M. le roi, au chef et aux membres du gouvernement royal, l'assurance du vif désir que Nous avons de maintenir et de promouvoir les relations amicales et confiantes qui unissent la Roumanie au Saint-Siège et, par là, de renforcer encore l'élan spirituel, d'où jaillissent pour chaque peuple, surtout aux jours d'épreuves, les sources réconfortantes d'une ferme espérance et de virils efforts.

Pénétré de ces pensées, Nous implorons de Dieu pour Sa Majesté, pour le gouvernement royal, pour le peuple roumain, et, de manière toute spéciale, pour Votre Excellence, la protection toute-puissante de Celui qui préside non seulement aux destinées des personnes, mais encore à celles des nations entières.


LETTRE

A S. EM. LE CARDINAL HENRI GASPARRI POUR SON JUBILÉ ÉPISCOPAL

(21 novembre 1940) 1

Le Souverain Pontife a daigné adresser la lettre suivante à S. Em. le cardinal Henri Gasparri à l'occasion de son jubilé épiscopal :

C'est avec un doux sentiment de joie que Nous avons appris récemment que, au mois de décembre prochain, vous alliez célébrer le vingt-cinquième anniversaire de votre élévation à la dignité episcopale. Cette heureuse et agréable circonstance Nous fournit une occasion particulière de vous féliciter de tout coeur et de vous adresser des voeux pour l'avenir. Nous n'ignorons certes pas les charges que vous avez remplies pendant si longtemps depuis la fleur de la jeunesse au noble service du Siège apostolique et que vous continuez remplir dans le temps présent.

Vous avez d'abord exercé votre activité dans les nonciatures de Lisbonne, de Bruxelles et de Madrid, puis vous avez rempli la charge de nonce en Colombie et au Brésil. Lorsque vous avez été agrégé à réminent collège des cardinaux par Notre prédécesseur d'heureuse mémoire Pie XI vous n'avez pas cessé de mettre votre sollicitude au service de l'Eglise, principalement lorsque vous eûtes reçu la charge de préfet du Tribunal suprême de la Signature apostolique et la charge pastorale du diocèse suburbicaire de Velletri.

C'est pourquoi, à l'occasion de cette heureuse solennité, partageant de tout coeur la commune joie de vos proches, Nous vous adressons Nous aussi Nos voeux et Nos souhaits fervents, et en même temps Nous prions ardemment Dieu qu'il veuille bien combler votre vigoureuse vieillesse de grâces surnaturelles et de douces consolations.

Afin que le jour anniversaire de votre consécration episcopale puisse être une plus grande source de grâces pour le peuple qui vous est confié, Nous vous accordons en outre, la permission de donner, à un jour déterminé, après la célébration de la messe pontificale, aux fidèles présents, en Notre nom et par Notre autorité, la Bénédiction avec la faculté de gagner une indulgence plénière en se conformant aux prescriptions de l'Eglise.

Et, comme présage des dons célestes et en témoignage de Notre spéciale affection, Nous vous accordons en toute charité à vous, Vénérable Frère, à votre évêque auxiliaire et à vos collaborateurs du Suprême Tribunal de la Signature apostolique, ainsi qu'au clergé et au peuple confié à votre vigilance, la Bénédiction apostolique.


HOMÉLIE

AU COURS DE LA MESSE POUR LA PAIX ET LES VICTIMES DE LA GUERRE

(24 novembre 1940) 1

Le dimanche 24 novembre, en la basilique vaticane, le Souverain Pontife célébra le saint sacrifice aux intentions qu'il avait indiquées au monde entier dans son « Motu proprio » du 27 octobre (voir p. 336). Après l'Evangile, en face du peuple recueilli, il prononça l'homélie suivante :

L'Evangile de ce jour, très chers fils, nous présente une grande partie du discours où Notre-Seigneur Jésus-Christ répondit aux questions posées par les apôtres : quand donc surviendra la destruction du magnifique temple de Jérusalem, dont il ne restera plus pierre sur pierre, et quel sera le signe de son second avènement et de la fin du monde ?

La parole du Christ demeure.

Le Christ, comme le raconte saint Matthieu en son Evangile, parlait à ses disciples assis sur les pentes du Mont des Oliviers le regard tourné vers Jérusalem et vers l'imposante masse du temple : sombre scène, divinement austère, au centre de laquelle le Verbe de Dieu fait chair, en route vers une éternité que déjà il contemple, s'élève en sublime prophète au-dessus des prophètes. Lui, le Créateur de l'homme et de l'univers, Lui, l'arbitre du passé comme de l'avenir suspendu à ses mains, se tient au partage des siècles et annonce la ruine du vieux temple et la dispersion des fils d'Israël, comme il a promis naguère d'édifier sur Pierre le

temple nouveau de son indestructible Eglise ; il annonce aussi son second avènement et l'heure où « apparaîtra dans le ciel le signe du Fils de l'homme et alors toutes les nations de la terre se lamenteront, et elles verront le Fils de l'homme venant sur les nuées du ciel avec une grande puissance et une grande majesté. Et il enverra ses anges avec la trompette retentissante, et ils rassembleront ses élus des quatre vents, depuis une extrémité du ciel jusqu'à l'autre » (Mt 24,30-31). Ecce praedixi vobis... Caelum et terra transibunt, verba autem mea non praeteribunt (Mt 24,25 et 35).

Le ciel et la terre passeront. Elle passera cette terre que foulent nos pieds, que fendent et que baignent de sueur nos mains, et que nos yeux cherchent à scruter. Cette terre, que le fer transperce et tourmente en ses entrailles, pour creuser les cachettes des forêts disparues, des monstres contemporains de rivages inconnus, des vapeurs de volcans éteints, des veines de métaux et de liquides brûlants qui troublent le repos de l'homme et en ébranlent la paix. Il passera ce vieux globe terrestre qui semble ne plus suffire aux hommes, ne plus pouvoir satisfaire leurs aspirations frémissantes et contraires, d'où a surgi de nos jours une lutte gigantesque qui paraît devoir surpasser et rejeter dans l'ombre les plus grands épisodes et les plus grands bouleversements de l'histoire mondiale. Elle passera la terre et, tous, nous devrons comparaître devant le tribunal du Christ, afin que chacun y reçoive la récompense ou la punition méritée, suivant qu'il aura fait le bien ou le mal (cf. 2Co 5,10) ; mais elles ne passeront pas les paroles du Christ annonçant et prédisant, avant l'heure, à ses apôtres l'histoire de l'Eglise et du monde et les tristes vicissitudes qu'ils rencontreront au cours des siècles. Et là, en ce même discours du Mont des Oliviers, face à Jérusalem, il les met en garde et les prévient de ne se laisser séduire par personne : « Vous entendrez parler de guerres, leur dit-il, et de bruits de guerre ; n'en soyez pas troublés, car il faut que ces choses arrivent ; mais ce ne sera pas encore la fin » : Audituri enim estis praelia et opiniones praeliorum. Videte ne turbemini ; oportet enim haec fieri, sed nondum est finis (Mt 24,6).

Le pape et la guerre.

Non, la fin des siècles n'est pas encore venue. Le Christ, remonté au ciel, est cependant toujours et tous les jours avec nous, même au milieu des guerres et des bruits de guerre. Nous ne devons pas nous en troubler, pas plus que les apôtres, en prêchant l'Evangile.

Mais, si ces remous ne Nous abattent point, Nous pensons, au plus profond de Nous-même, que l'heure présente constitue une phase de cette sévère histoire de l'humanité prédite par le Christ.

Et vous, très chers fils, vous n'ignorez pas combien cette nouvelle et sauvage guerre, pesant sur l'Europe et le monde, accable nécessairement aussi Notre propre coeur, puisque Dieu Nous a imposé des devoirs de Père à l'égard de toutes les nations et que vous savez fort bien que la souffrance est fille de la tendresse et de l'amour. La douloureuse passion du Christ n'est-elle pas le fruit de son amour pour nous ? Sic Deus dilexit mundum (Jn 3,16). Et lors de sa triomphale entrée à Jérusalem, tandis qu'il s'approchait déjà de la ville tant aimée et qu'il la considérait, n'a-t-il pas pleuré sur elle et dit : « Si tu connaissais, toi aussi, et surtout en ce jour, ce qui ferait ta paix ! » (Lc 19,41).

Cette ineffable plainte du Sauveur contemplant Jérusalem ne pouvait pas ne pas sourdre au coeur de son humble Vicaire à la vue de l'Europe et du monde plongés dans un épouvantable conflit. Quant à nous, Nous n'avons rien épargné pour que règne la paix entre les nations, conscient d'être le serviteur et le ministre d'un grand Roi pacifique et qui veut « pacifier, non dans le sang des batailles mais par le sang de sa croix, les choses de la terre et celles du ciel » (Col 1,20).

Nous avons écouté le cri et l'impulsion de Notre coeur pour que la concorde, depuis longtemps troublée et aujourd'hui tristement brisée, se rétablisse entre les peuples, grâce à un ordre plus équitable et unanime, fondé sur cette vertu de justice qui apaise les passions, assoupit les haines, éteint les foyers de rancoeurs et de divisions ; un ordre qui, dans la tranquillité, la liberté, la sécurité, vise à attribuer à tous les peuples la part des sources de prospérité et de puissance revenant à chacun d'eux sur cette terre, afin qu'ils puissent accomplir la parole du Créateur : Crescite et multiplicamini et replete terram (Gn 9,1).

Depuis le début du conflit, Nous n'avons cessé de penser avec sollicitude à ceux auxquels le choc des armes a infligé des douleurs ou des pertes et de faire en sorte que leur parviennent, dans toute la mesure où Nous le pouvions, les réconforts divins et les secours des hommes. Caritas enim Christi urget nos (2Co 5,14). Père commun de ceux qui croient au Christ, Pasteur de l'immense troupeau du Christ, Nous les avons tous pour fils, ils sont tous Nôtres, les plus proches comme les plus éloignés, les brebis fidèles comme les brebis égarées ou errantes ; à tous Nous sommes débiteur d'amour, de réconfort, de secours et de compassion, aux faibles et aux puissants, aux pauvres et aux malheureux, aux sages et aux ignorants (cf. Rom. Rm 1,14). En cette vallée de larmes, telles sont parfois les tempêtes qu'il y a un flot nouveau de larmes à essuyer sur le visage des petits enfants, des mères, des hommes, des vieillards qui sentent plus que jamais le courage et la vie les abandonner durement en cette heure agitée où la formidable lutte, loin de s'apaiser, se prolonge et s'étend, toujours plus âpre.

L'appel à la prière

Mais si le fracas de la guerre semble couvrir et étouffer Notre voix, de cette terre Nous élevons les yeux vers le ciel, vers le Père des miséricordes et vers le Dieu de toute consolation (2Co 1,3), qui contemple tout ici-bas, gouverne tout et parle en souverain au flux de l'océan : « Tu viendras jusqu'ici, tu ne passeras pas au-delà; ici se briseront tes lames écumantes » (Jb 38,11). Vers lui, dont la main divine, dans l'universelle ordonnance des événements et des choses, laisse s'agiter l'action libre de l'homme, sans lui permettre d'échapper à ses infaillibles et providentiels desseins, oui, vers lui Nous faisons monter le cri de Notre cceur et de Notre douleur, implorant des temps meilleurs pour le genre humain et pour la suite de nos journées des aurores plus belles et des soirs plus doux. Da pacem, Domine, in diebus nostris. Non, notre Dieu n'est pas pareil aux idoles des nations, qui ont des oreilles et n'entendent point, qui ont des mains et ne répandent point de grâces, qui ont des poitrines et n'aiment point (Cf. Ps., cxin). Notre Dieu est amour. Il est la charité même ; et nous avons connu l'amour que Dieu a pour nous et nous y avons cru. Et nos cognovimus et credidimus caritati, quam habet Deus in nobis : Deus caritas est (1Jn 4,16).

Ici se cache le mystère du cceur de Dieu, le grand mystère du christianisme. Si nous faisons monter jusqu'au pied de son trône notre prière unanime, pleine de confiance et d'ardeur, enrichie d'un humble esprit de pénitence, avec cette infinie et amoureuse miséricorde qu'il répand sur toutes ses créatures (Ps 114,9), Dieu, à l'heure et de la manière qu'il plaira à sa sainte Providence, entendra notre appel ; car il appartient à la souveraine grandeur de la bonté et de la charité divines, non seulement de donner à tous l'être et le bien-être, mais encore d'exaucer libéralement les pieuses aspirations qui s'expriment dans la prière. En la personne de ses disciples, le Fils de Dieu incarné ne nous a-t-il pas appelés ses amis ? (cf. Jn 15,15). Et le gage de l'amitié n'est-ce pas la volonté qu'a l'ami de voir se réaliser les désirs de l'être aimé ?

Aussi, en la fête du Christ-Roi, sous la protection de la glorieuse Reine du Rosaire, avons-Nous invité tous les enfants de l'Eglise à se joindre à Nous aujourd'hui en des prières publiques, afin que se forme un unique et immense choeur de fidèles, faisant écho à Notre voix par leurs supplications, différents certes de région, de langue, de moeurs, d'habitudes, de rite, mais unis dans la ferveur d'une même foi, d'une même espérance et d'un même amour, qui portent tous, avec Nous, le regard par-delà les étoiles, et viennent présenter au trône du Tout-Puissant leurs humbles requêtes de grâce et de miséricorde.

... surtout au Saint Sacrifice de la messe.

Regardez cet autel, très chers fils, cette croix qui le surmonte, ce pain et ce calice, cette tombe, sur laquelle avec respect nous nous tenons, pierre fondamentale de l'Eglise que célèbre et vénère la foi des nations ; regardez ce glorieux centre de tous les autels de l'univers. C'est le Golgotha non sanglant de la miséricorde et de la justice divines, où la Majesté de Dieu se laisse apaiser et nous devient propice. Ici, entouré des phalanges des esprits célestes, et sous le regard des prophètes, des évangélistes, des apôtres et de tous les saints, s'élève l'autel propitiatoire de la nouvelle et éternelle Alliance, où le Christ s'offre au Père en hostie et renouvelle, en un miracle plus grand que tous les miracles, le sacrifice du Golgotha par le mystère de son Corps et de son Sang répandu pour la rémission des péchés, « non seulement pour nos péchés, mais encore pour ceux du monde entier » (1Jn 2,2). Que s'unissent donc autour de Nous tous ceux qui croient en Lui et qu'avec Nous, qui, sous cette admirable voûte rivalisant de beauté avec le ciel, offrons à Dieu le divin sacrifice de propitiation, les prêtres, en tous les lieux de la terre, offrent au Père éternel le même sacrifice et la même oblatum sans tâche de son Fils bien-aimé, le Christ, qui sur l'autel de la croix s'est offert une seule fois de manière sanglante et qui, sous un mode non sanglant imaginé par son immense et ineffable amour, s'est offert et continue de s'offrir un nombre innombrable de fois sur nos autels.

Invocation.

Oui, ô notre Père qui êtes au ciel, ô Dieu, notre protecteur, tournez vos regards vers le Christ, votre Fils ; considérez les traces vermeilles de ses blessures, qu'ont voulues son amour pour nos âmes et son obéissance à vos desseins et qui font de lui, en toutes nos tribulations, notre avocat et notre intercesseur.

O Jésus, notre Sauveur, parlez à votre Père et à notre Père en notre faveur, suppliez-le pour nous, pour votre Eglise, pour tous les hommes, reconquis au prix de votre sang. O Roi pacifique, Prince de la paix, qui avez les clefs de la vie et de la mort, donnez la paix de l'éternel repos aux âmes de tous les fidèles entraînés dans la mort par le tourbillon de la guerre, et qui, connus ou inconnus, pleures ou non, sont ensevelis sous les décombres des villes et des villages en ruines, dans les plaines tachées de sang, sur les collines déchiquetées, dans les profondeurs des vallées ou au fond des mers. Que votre sang purificateur soit répandu sur leurs peines, revête leurs âmes d'une blancheur éblouissante et les rende ainsi dignes de vous contempler dans une béatifiante vision.

O Jésus, tendre consolateur des affligés, que les larmes de Marthe et de Marie pleurant la mort de leur frère ont fait pleurer, accordez une paix de réconfort, de résignation et de secours aux malheureux que les calamités de la guerre ont plongés dans les tribulations et les douleurs, à ceux qui ont fui leur patrie ou qui en ont été exilés, à ceux qui errent sans amis, aux prisonniers, aux blessés pleins de confiance en Vous.

Séchez les larmes de tant d'épouses, de tant de mères, de tant d'orphelins, de tant de familles, de tant d'abandonnés ; ces larmes secrètes qui, après de longs jours sans nourriture en de glacials abris, mouillent à présent le pain de la douleur, ce pain distribué aux enfants qu'on a si souvent réunis devant vos autels, en d'humbles églises, et qu'on y a fait prier pour leur père ou leur grand frère, peut-être mort, peut-être blessé, peut-être disparu. Consolez-les tous par les dons célestes, par les secours et les soulagements de la charité féconde que vous savez inspirer aux âmes dévouées qui dans les malheureux et les êtres angoissés reconnaissent et aiment leurs frères faits à votre ressemblance.

Aux combattants, avec l'héroïsme dans l'accomplissement du devoir, fût-ce jusqu'au sacrifice suprême pour la défense de la patrie, accordez aussi ces nobles sentiments d'humanité qui font qu'en aucun cas ils ne feraient à autrui ce qu'ils ne voudraient pas qu'on fît à eux-mêmes où à leurs compatriotes (cf. Mt 7,12).

O Seigneur, faites régner et triompher de par le monde la charité de votre divin Esprit et faites revenir entre les peuples et les nations la paix de la concorde et de la justice. Que nos voeux soient agréables et chers à votre doux et humble Coeur et que vous rendent propice à nos personnes le nombre et l'ardeur des saints sacrifices que par vous, Prêtre et Victime pour l'éternité, toute l'Eglise, votre Epouse, offre, prosternée, à votre divin Père. Parlez vous-même au coeur des hommes. Vous avez le secret des paroles qui pénètrent et font tressaillir les coeurs, qui éclairent les esprits, qui contiennent les colères, qui étouffent les haines et les désirs de vengeance.

Prononcez cette parole qui calme les tempêtes, qui guérit les infirmes, qui est lumière pour les aveugles, ouïe pour les sourds et vie pour les morts. La paix que vous voulez voir régner entre les hommes est morte. Ressuscitez-la, ô divin Triomphateur de la mort, et que par vous s'apaisent enfin les continents et les mers, que disparaissent du ciel ces ouragans qui, défiant la lumière du soleil ou se dissimulant dans les ténèbres de la nuit, jettent sur de pauvres populations désarmées la terreur, l'incendie, la destruction et la mort ; que la justice et la charité chrétiennes amènent à l'équilibre, d'un côté comme de l'autre, les plateaux agités de la balance ; et qu'ainsi, toute injustice étant réparée, le règne du droit restauré, la discorde et la rancoeur chassées des âmes, renaisse et revive, dans la sereine vision d'une nouvelle et universelle prospérité, une paix vraie, ordonnée, durable, et que par elle, cheminant ensemble le long des siècles à la poursuite d'un bien plus élevé, tous les peuples de l'humaine famille vivent en frères, sous votre regard. Ainsi-soit-il.


Pie XII 1940 - DISCOURS AUX JEUNES ÉPOUX