Pie XII 1941



DOCUMENTS PONTIFICAUX

de Sa Sainteté PIE XII
1941



« Aujourd'hui, la question de la moralisation du droit international, de sa préservation des déviations égoïstes, de la nécessité de l'établir sur une base morale solide, apparaît comme un problème vital pour toutes les nations. »

17 juillet 1941 Pie XII.


DOCUMENTS PONTIFICAUX



DOCUMENTS PONTIFICAUX

de ua Oainteté PIE XII

publiés sous la direction de

Mgr SIMON DELACROIX

EDITIONS SAINT-AUGUSTIN SAINT-MAURICE (Suisse)


IMPRIMATUR

Seduni, die 22. Augusti 1962 Jos. BAYARD Vie. gen.

Tous droits réservés

PRÉFACE

DE SON ÉMINENCE LE CARDINAL BEA

PRÉSIDENT DU SECRÉTARIAT POUR L'UNION DES CHRÉTIENS

Au premier anniversaire de la mort de Pie XII, dans une commê-moraison faite en présence de son successeur Jean XXIII, le regretté cardinal Domenico Tardini dit en s'adressant au pape : « Mais c'est un fait qu'à une année de distance de la disparition de Pie XII, vous avez su conquérir, Très Saint-Père, la sympathie, l'estime et la profonde affection du monde entier » 1. Cette remarque pourrait être complétée par la réflexion quelque peu paradoxale qu'une conquête aussi rapide de la sympathie et de la popularité a eu pour résultat de faire oublier à beaucoup la belle et noble figure du grand prédécesseur du pape actuel. Cette pensée semble encore plus vraie aujourd'hui puisque, au surlendemain même du quatrième anniversaire de la mort de Pie XII, le Concile oecuménique Vatican II a été inauguré avec quelle splendeur et dans l'enthousiasme universel ! Ce transfert de sympathie, d'admiration et d'amour est certes plus que providentiel. Cependant il ne doit pas aller jusqu'à nous faire oublier l'immense gratitude que nous devons au prédécesseur de Jean XXIII et les richesses de doctrine, quasi inépuisables, que le

1 Cf. D. Tardini, Pie XII, Fleurus 1960, p. 21.

Christ Notre Seigneur a données à son Eglise au moyen de ce grand pape. Les enseignements que le Christ dispense à son Eglise ne sont pas comme les fleurs qui, épanouies aujourd'hui, se fanent demain sans porter de fruits ; c'est une semence féconde qui produira au fur et à mesure de nombreux et beaux fruits.

Le pape Jean XXIII a lui-même dit en parlant de son prédécesseur et de son enseignement : « Nous aimons contempler ce Pontife comme étant déjà dans la société des saints de Dieu dans les régions célestes, d'où il infuse un renouveau d'énergie au peuple chrétien qui lui survit et ne cessera de vénérer au cours des siècles sa chère et sainte mémoire » 2. Mais le pape ne s'est pas arrêté à ces éloges. Sans doute à la surprise de plus d'un, il déclara, lors de la solennelle prise de possession de sa cathédrale au Latran, que son pontificat s'inspirerait avant tout de la riche doctrine laissée par Pie XII et qu'il voulait tout d'abord suivre les traces de son auguste prédécesseur. Textuellement le Saint-Père dit ceci : « La manifestation la plus importante peut-être du génie pastoral » de Pie XII, « est recueillie dans ces vingt volumes qui sont devenus des sources de consultation pour celui qui désire, avec l'aide de Dieu, suivre les mêmes traces ». Et Jean XXIII ajouta : « Priez le Seigneur pour que Notre action de nouveau pasteur universel reste avant tout dans le sillon lumineux tracé par Pie XII... » 3

L'importance de l'enseignement de Pie XII apparaît en outre clairement si nous nous demandons quel est son sens pour le Concile qui se déroule actuellement. Certes, je ne veux pas dire que le Concile soit tenu de suivre mécaniquement le programme tracé par Pie XII, ni qu'il le fera. Chaque pontificat a sa propre physionomie, qui répond à la personnalité du pontife régnant, aux nécessités du temps, et surtout aux mystérieuses intentions et aux vues de l'Esprit-Saint, indéfectible vivificateur et guide de l'Eglise. Aussi le Concile, grandes

2 A. A. S., 1959, p. 46.

3 A. A. S., 1958, p. 917.

assises des évêques, successeurs des apôtres, unis au pape, est-il assuré de l'assistance très particulière de l'Esprit-Saint, qui le guidera et lui révélera tout ce qui, aujourd'hui, est le plus urgent et le meilleur pour l'Eglise, tout ce que Dieu veut en son Eglise et pour l'humanité.

Mais il y a dans les vingt volumes laissés par cet immortel pontife de si nombreux trésors de doctrine, tant de solutions, au moins dans les grandes lignes, aux problèmes que pose le monde moderne, que celui qui s'emploie au renouveau de l'Eglise à notre époque ne peut absolument pas en faire abstraction. Bien plus, je dirais même que toute la doctrine de Pie XII est devenue l'air spirituel que nous respirons continuellement, sans nous en rendre compte. Elle a déjà exercé une influence déterminante dans l'Eglise, et en ce sens Pie XII et son oeuvre restent d'importance fondamentale aussi pour le Concile. Cela vaut surtout de la largeur d'esprit qui s'ouvre à tous les problèmes de l'humanité de notre époque et s'efforce de les résoudre à la lumière de l'Evangile, que l'Eglise conserve et enseigne, pour reconquérir ainsi l'homme moderne à la foi, à l'Eglise, au Christ, à Dieu.

Il suffit d'évoquer brièvement les thèmes des documents contenus dans ce volume pour se rendre compte de la largeur de cet esprit ouvert à tous les problèmes qui se posaient à l'homme moderne, voire à l'humanité au temps de Pie XII. On n'est pas surpris d'y trouver le grand radiomessage de Noël : « Présupposés essentiels d'un nouvel ordre international ». En effet, nous avons l'habitude de considérer le pontife comme maître, surtout quand il traite des grandes questions de la vie internationale. Pie XII nous y apparaît aussi tel le pape de la paix — et il ne pouvait en être autrement pendant ces années tragiques — comme dans le radiomessage de Pâques : « Le bon combat pour la paix avec les armes de la prière, de l'exhortation, du réconfort ». A côté de cette vive attention portée aux grands problèmes mondiaux peut surprendre le soin assidu, tendre peut-on dire, avec lequel Pie XII se penche inlassablement sur la sainte institution du mariage et de la famille. Nombreux sont ses discours aux jeunes époux, probablement aussi à l'exemple de son vénéré prédécesseur. Outre les thèmes plus généraux et traditionnels sur la sainteté et les fins du mariage, sur l'amour païen et l'amour chrétien, sur les relations entre les époux, sur le mystère de la paternité, sur l'autorité dans la famille, dans les relations entre mari et femme et entre parents et enfants, sur l'éducation de la jeunesse, sur la récitation du rosaire en famille — combien d'autres sujets caractéristiques et judicieusement choisis. En effet, relevons entre autres l'heureux rapprochement établi dans « le sacerdoce et le mariage » (15 janvier): le pape fait observer aux nouveaux époux que « parmi... les différentes formes de vie chrétienne, il n'y en a que deux pour lesquelles Notre-Seigneur a institué un sacrement : le sacerdoce et le mariage » (p. 25), tandis que, par exemple, il n'en n'a pas institué pour la vie et la profession religieuses, nonobstant la sainteté et la sublimité de cet état de vie. Une autre fois, dans le discours « Printemps de la nature, printemps de l'Eglise, printemps de la famille chrétienne » (7 mai), le pape fait remarquer aux nouveaux époux les formes multiples du renouvellement de la vie dans la nature, dans l'Eglise, dans l'institution de la famille, renouvellement qui, certes, est un grand encouragement pour celui qui vient à peine de fonder un foyer.

Mais le pape n'a pas moins de sollicitude pour la vie spirituelle et religieuse des simples fidèles. Outre le grand discours adressé à l'Académie pontificale des sciences (30 novembre), citons encore celui aux curés et prédicateurs de carême de Rome (25 février) et ceux aux jeunes époux sur « la prière commune en famille » (12 février) et sur « l'efficacité de la prière » (2 et 9 juillet). Pour ranimer ou faire jaillir l'espérance dans le coeur de celui qui est tenté de s'abandonner au découragement, voici la merveilleuse affirmation du 1er juin : « L'Eglise est le camp de ceux qui espèrent », affirmation qui acquiert toute sa force et son sens de la dure et terrible situation dans laquelle elle fut prononcée.

Dans tous ces thèmes s'agit-il simplement de sujets imposés par la variété du public qui se présentait dans les audiences, sans un point de cohésion, ou peut-on au contraire distinguer en eux une note commune, une caractéristique, un point de rencontre des divers thèmes f A cette question je pense pouvoir répondre facilement en faisant appel à un souvenir personnel. En 1929, de passage à Berlin, je tins à aller saluer le nonce apostolique, Mgr Pacelli, que je connaissais déjà depuis près de dix ans. Je lui dis presque en plaisantant : « Excellence, on dit à Rome que vous préparez vos valises ». C'est avec sérieux qu'il me répondit : « Oui, c'est vrai. On l'a déjà dit souvent, et ce n'était pas vrai, mais cette fois c'est vrai. Mon désir était d'avoir un grand diocèse et j'ai demandé au Saint-Père de m'en donner un, car mon idéal serait de prêcher, de confirmer, de faire des visites pastorales. Mais le Saint-Père ne l'a pas voulu ; et je dois obéir et aller à Rome ». Quand il fut plus tard élevé à la Chaire de Pierre, je pensai que le Seigneur lui avait vraiment donné « un grand diocèse ». Et lui, comme Souverain Pontife, il a vraiment pu satisfaire son désir de prêcher et d'être en contact avec des fidèles de toutes classes et de toutes positions. Lui-même en était d'ailleurs pleinement conscient. Dans un de ses nombreux discours aux jeunes époux il avouait : « Parmi les innombrables sollicitudes et responsabilités qui alourdissent Notre front depuis que la divine Providence Nous a appelé au gouvernement de l'Eglise en des temps si difficiles, une des grandes consolations que le Seigneur Nous concède pour alléger le poids de Notre âme, ce sont ces audiences qui Nous apportent un souffle d'air plus serein et où Nous Nous sentons comme le Père qui reçoit ses enfants et, au milieu de leur couronne, laisse librement épancher son coeur » (discours du 15 janvier 1941, début). Cette attitude de pasteur est la plus frappante caractéristique de l'enseignement de Pie XII, le point de rencontre de tous les thèmes si variés qu'il traitait. Il s'agit toujours des besoins, des problèmes angoissants et tourmentés des hommes, des nécessités du troupeau, des âmes confiées au pasteur. Et les âmes, même celles les plus éloignées de l'Eglise, sentaient instinctivement l'amour du Christ qui le pressait ; elles accouraient à lui avec confiance, assoiffées et affamées comme elles étaient de vérité et de justice.

Or, cette attitude n'est-elle pas également la caractéristique du Concile Vatican II, le but si souvent explicitement déclaré par le Saint-Père, fait sien par le Concile dans son célèbre message au monde, et qui n'est autre que celui d'apporter, à la lumière de l'Evangile et de la doctrine de l'Eglise, à l'homme d'aujourd'hui la réponse aux problèmes qui le tourmentent, et de lui révéler ainsi la force conquérante du Christ f Ici, l'enseignement de Pie XII apparaît dans toute son actualité, voire dans une actualité toujours plus en progrès pour l'Eglise, pour le Concile, pour l'humanité d'aujourd'hui. C'est pourquoi je me réjouis avec l'OEuvre Saint-Augustin de l'heureuse initiative, à la réalisation pas toujours facile, d'une édition en langue française des discours et des précieux enseignements de Pie XII. Je souhaite à cette oeuvre le meilleur succès et la plus large diffusion.

f AUGUSTIN, cardinal BEA. En la fête du Christ-Roi 1962.


INTRODUCTION

La guerre a ralenti le rythme des visiteurs et presque complètement tari l'afflux des pèlerins étrangers. Si les visiteurs d'outre-mer sont rares, les jeunes époux d'Italie en bénéficient largement. Pie XII est visiblement heureux de recevoir cette radieuse jeunesse prometteuse d'avenir (p. 21) à l'heure où la guerre fauche tant de vies et avec elle tant d'espoirs. Il ne se lasse jamais de lui dévoiler les grandeurs et les exigences du sacrement de mariage et de lui donner des conseils. Il instaure, ce faisant, un nouveau style de pontificat, où la préoccupation pastorale tient une place essentielle et dont la visée dépassant de beaucoup les auditeurs du Vatican cherche les fidèles du monde entier. « La vérité est Notre arme, comme Notre défense et Notre puissance est la prière» (88). Pie XII inaugure l'apostolat pontifical de « la parole apostolique, vivante, franche, désintéressée, mue par des sentiments paternels ».

Ces visites lui fournissent l'occasion de rappeler l'importance de la famille et tout particulièrement de la famille chrétienne dans un monde désaxé (121, 200), d'exposer une très fine psychologie de l'amour conjugal (274) et de présenter une théologie (25, 63) et une spiritualité du mariage qui lui permettent de donner des conseils et des orientations de vie aussi élevés que pratiques.

Il y célèbre la paternité humaine qu'il compare à la paternité divine (26, 70). Il exalte la beauté de l'amour chrétien, qui sait unir l'énergie virile et l'affection humaine ( 198) faite de cordialité et de tendresse, de constance et de respect, de fidélité et de raison (31). Aux jeunes époux, comme d'ailleurs à presque tous ses visiteurs, il ne cesse de recommander la nécessité et l'efficacité de la prière (38, 241) eucharistique, confiante et christique (180), persévérante et authentique (182). Sa foi dans la puissance de la prière et de la grâce ne craint pas d'appeler ces jeunes couples à l'héroïsme que demande leur nouvel état : l'observation des lois du mariage, la vie commune, l'éducation des enfants qui exigent tant d'efforts quotidiens (210). Il aime à marquer comment le christianisme a su allier l'autorité et l'amour, le service et la faiblesse (218). Tels discours sur l'autorité des parents (28, 228), l'allocution aux mères de famille de l'Action catholique italienne (245) constituent de vrais petits traités pratiques d'éducation. Aux jeunes époux comme aux membres des organisations d'apostolat ou d'Action catholique, il recommande comme le premier moyen de lutter contre l'indifférence, l'hostilité, la haine et la guerre, la pratique d'un christianisme intégral et personnel, qui soit le témoignage d'une vie pleine et harmonieuse.

Mais c'est la guerre, la dénonciation des maux qu'elle accumule, le diagnostic des causes qui l'ont engendrée, les conséquences qui en découlent et tout autant la préparation de la paix, qui demeurent la préoccupation instante, la souffrance permanente, l'angoisse continue et la pensée toujours présente au coeur et à l'esprit de Pie XII.

Dans le diagnostic qu'il porte des causes du mal qui ronge l'humanité, il remonte jusqu'aux sources lontaines et profondes. Une allocution aux étudiants d'université, membres de l'Action catholique italienne, lui donne occasion de les déceler dans la « funeste déchristianisation de l'esprit ». Le divorce entre la raison et la foi * qui éloigne un nombre considérable d'hommes de haute culture de la pensée chrétienne » les a rendus et les rend incapables de lutter contre «• le lent travail de désagrégation spirituelle qui naquit de l'humanisme paganisant, du libre examen, du philosophisme fumeux du XVIIIe siècle, de l'idéalisme et du positivisme du XIXe » (97) et ses fruits amers que nous fait goûter le temps présent. Aussi appelle-t-il les étudiants, les universitaires à mettre par un travail acharné leur culture religieuse à la hauteur de leur culture profane, afin de pouvoir « exercer un apostolat profitable au sein de milieux de haute culture » et de « montrer aux autres l'accord entre l'intelligence humaine et la Révélation divine » ( 102).

A un monde où la volonté de puissance et la raison d'Etat font la loi, il rappelle le droit de l'Eglise à intervenir dans les domaines où la morale est engagée. «- L'Eglise a non seulement le droit, mais le devoir, déclare-t-il, dans son radiomessage de la Pentecôte, qui célèbre le cinquantième anniversaire de l'encyclique « Rerum novarum », de prononcer une parole autorisée sur les questions sociales... pour juger si les bases d'une organisation sociale donnée sont conformes à l'ordre immuable des choses que Dieu a manifesté par le droit naturel et la Révélation... : deux courants contraires, mais convergents, de la même source divine » (143,

144). Cet appel au droit naturel est nouveau dans le style pontifical. Il prendra une place de plus en plus grande dans la pensée de Pie XII qui s'adresse au monde entier et non plus seulement aux seuls catholiques.

Et Pie XII de définir * les trois valeurs fondamentales de la vie sociale et économique » qu'il met «• en intime connexion avec la dignité et les autres droits de la personne humaine ». La première est le droit fondamental * d'user des biens matériels de la terre », qui est * une base matérielle sûre, de souveraine importance pour s'élever à l'accomplissement des devoirs moraux ». La deuxième valeur fondamentale est « le droit naturel de chaque individu à faire du travail le moyen de pourvoir à sa vie propre et à celle de ses fils » ; «le devoir et le droit d'organiser le travail du peuple » appartenant «• avant tout à ceux qui y sont immédiatement intéressés : employeurs et ouvriers ». Enfin, le droit de propriété privée « doit assurer au père de famille la pleine liberté dont il a besoin pour remplir les devoirs que le Créateur lui a assignés pour le bien-être physique, spirituel et religieux de la famille» (146-150).

Les messages de Pâques et de Noël sont, dès cette troisième année du pontificat, des occasions privilégiées et solennelles pour lui de s'adresser au monde entier et de tirer, pour le profit de tous, la leçon des événements.

Dans son message pascal, il ne se contente pas de condamner « des formes de lutte qui ne peuvent être désignées autrement que comme atroces », il appelle les belligérants au respect des faibles et à l'humanisation de la guerre. Il s'adresse à leur honneur et à leur conscience afin qu'ils décident de « traiter la population des territoires occupés avec justice, humanité et sagesse ». De quelque origine, langue ou race qu'elles soient, et quelles que puissent être leur condition et leur profession» (86, 89).

Il rappelle son action en faveur de la paix et proclame à nouveau sa volonté inébranlable de continuer à lutter avec persévérance pour le règne de la justice.

Poursuivant l'exposé commencé durant les années précédentes des causes qui sont à l'origine du conflit, il dénonce l'irréligion contemporaine. La guerre est pour lui « principalement la conséquence et comme la vengeance de la négation de Dieu et de l'irréligion qui, comme une contagion, trouble et corrompt l'âme des peuples ». Aussi la guerre doit-elle être considérée comme « une épreuve par laquelle le Seigneur veut de sa voix puissante rappeler le genre humain à la foi et au service de Dieu ».

Le message de Noël reprend de manière plus ample, et avec plus de vigueur, l'étude des causes du mal. La guerre durant cette année a étendu ses ravages. Au printemps, la Yougoslavie, la Grèce et la Crète ont été conquises. La Bulgarie et la Hongrie ont adhéré au pacte tripartite. Le 22 juin, l'Allemagne a attaqué l'U. R. S. S. Le 7 décembre, Pearl Har-hour marque l'entrée en guerre spectaculaire du japon. Serait-ce donc la faillite du christianisme ? Non point. Mais celle d'un christianisme forgé par les hommes, « à leur guise, une nouvelle idole » qui ne met pas obstacle aux passions de la concupiscence et de la chair, à l'avidité de l'or et de l'argent qui fascine les yeux, à l'orgueil de la vie ; une nouvelle religion sans âme ou une âme sans religion, un masque de christianisme mort, sans l'esprit du Christ. « La racine du mal » ? « Une anémie religieuse » qui s'est répandue « comme une maladie contagieuse », une « progressive déchristianisation individuelle et sociale qui, du relâchement des moeurs, est passée à l'affaiblissement et à la négation ouverte de vérités et de forces destinées à éclairer les intelligences sur le bien et sur le mal, à fortifier la vie familiale, la vie privée, la vie des Etats et la vie publique » (328). Le remède? «Le retour au pied des autels», «le retour à la foi », « le retour aux sages et inébranlables normes d'un ordre social » (330).

Pour la troisième fois, Pie XII revient sur le problème de la « reconstruction économique et sociale ». En 1939, il n'avait en vue que la cessation de la guerre et la revision des traités. Le message de Noël 1940 va plus loin et définit les conditions spirituelles de l'ordre nouveau qui naîtra d'un « processus de transformation » de la société tellement important qu'il marquera « le début d'une époque nouvelle ». En 1941, élargissant son horizon par-delà les frontières de l'Europe, il énumère les bases essentielles « pour reconstruire une nouvelle Europe et un nouveau monde » : le droit des petites nations « au respect de leur liberté », le respect des « particularités culturelles et linguistiques des minorités nationales », « la nécessité d'une participation de tous aux biens de la terre », allusion discrète à la Charte de l'Atlantique que viennent de conclure Churchill et Roosevelt, la « limitation progressive et adéquate des armements », la création d'institutions internationales pour garantir la sincère exécution des traités, la fin de « la persécution de la religion et l'Eglise » et enfin le retour à « une foi vive en un Dieu personnel et transcendant » (333-335).

Le message de Noël 1940 rappelait les fondements juridiques et moraux sur lesquels la paix pouvait être rétablie en Europe. Celui de 1941 jette résolument les bases d'un ordre international nouveau.


S. DELACROIX.

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DISCOURS AU PATRICIAT ET A LA NOBLESSE DE ROME

(5 janvier 1941J 1

Aux voeux qui lui jurent présentés par le prince Domenico Orsini au nom du patriciat et de la noblesse de Rome, le Saint-Père a répondu par l'allocution suivante :

A l'ouverture de cette année nouvelle, dont l'horizon n'est pas moins chargé de craintes que celui de l'année qui vient de s'écouler, c'est pour Notre coeur une source de joie intime et paternelle bien agréable de voir la couronne que vous formez autour de Nous, réunis comme vous l'êtes pour Nous présenter vos souhaits filiaux par la voix de votre eminent interprète dont les sentiments élevés de dévouement donnent à votre présence approbatrice et consentante une valeur et un témoignage d'attachement qui Nous sont particulièrement chers.

Avec le patriciat et dans la noblesse de Rome, Nous recevons un groupe de fils et de filles bien-aimés dont l'honneur, le lien et la fidélité ancestrale envers l'Eglise et le Pontife romain, dont l'amour pour le Vicaire du Christ surgissent des profondes racines de la foi et ne diminuent pas avec le cours des ans et des événements changeant avec les temps et avec les hommes. Au milieu de vous, Nous Nous sentons plus romain par la similitude de vie, par l'air que Nous avons respiré et que Nous respirons, par le même ciel, par le même soleil, par les mêmes rives du Tibre sur lesquelles fut posé Notre berceau, par ce sol sacré jusque dans ses entrailles, d'où Rome tire pour ses fils les présages d'une éternité qui conduit au ciel.

C'est un fait que, si le Christ notre Seigneur a choisi pour la consolation des pauvres de venir au monde privé de tout et de

1 D'après le texte italien de Discorsi e Radiomessaggi, t. II, p. 363.

grandir dans une famille de simples ouvriers, il n'en voulut pas moins honorer par sa naissance la plus noble et la plus illustre des maisons d'Israël, la descendance même de David.

C'est pourquoi, fidèles à l'esprit de Celui dont ils sont les Vicaires, les souverains pontifes ont toujours tenu en haute considération le patriciat et la noblesse romaine, dont les sentiments d'inaltérable attachement au Siège apostolique sont la part la plus précieuse de l'héritage qu'ils ont reçu de leurs ancêtres et qu'eux-mêmes transmettront à leurs fils.

La grandeur du patrimoine héréditaire.

De cette grande et mystérieuse chose qu'est l'hérédité — à savoir la transmission à une race qui se perpétue de génération en génération d'un riche ensemble de biens matériels et spirituels, la continuité d'un même type physique et moral qui se conserve de père en fils, la tradition qui, à travers les siècles, unit les membres d'une même famille — de cette hérédité, disons-Nous, on peut sans doute dénaturer la nature avec des théories matérialistes. Mais l'on peut et aussi l'on doit considérer une réalité d'une si grande importance dans la plénitude de sa vérité humaine et surnaturelle. Il ne faut certes pas nier le fait de l'existence d'un substratum matériel à la transmission des caractères héréditaires ; pour s'en étonner, il faudrait oublier l'union intime de notre âme avec notre corps, et en quelle large mesure nos activités même les plus spirituelles sont dépendantes de notre tempérament physique. C'est pourquoi la morale chrétienne ne manque pas de rappeler aux parents les grandes responsabilités qui leur incombent à ce sujet.

Mais ce qui a la plus grande valeur, c'est l'héritage spirituel, transmis non pas tant au moyen de ces liens mystérieux de la génération matérielle que par l'action permanente de ce milieu privilégié constitué par la famille, par la lente et profonde formation des âmes dans l'atmosphère d'un foyer riche de hautes traditions intellectuelles, morales et par-dessus tout chrétiennes, par l'influence mutuelle de ceux qui habitent dans la même maison, influence dont les effets bienfaisants se prolongent bien au-delà des années de l'enfance et de la jeunesse jusqu'au terme d'une longue vie, dans ces âmes de choix qui savent fondre en elles les trésors d'un héritage précieux avec la contribution de leurs propres qualités et expériences.

Voilà le patrimoine, précieux plus que tout autre, qui, illuminé par une foi solide, vivifié par une forte et fidèle pratique de la vie


PATRICIAT ET NOBLESSE DE ROME

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chrétienne dans toutes ses exigences, élèvera, affinera, enrichira les âmes de vos enfants.

Devoirs qu'il impose à ses bénéficiaires.

Mais, comme tout riche patrimoine, celui-ci aussi comporte de stricts devoirs, devoirs d'autant plus stricts que le patrimoine est plus riche. Deux de ces devoirs le sont par-dessus tout :

1. Le devoir de ne pas gaspiller ces trésors, de les transmettre intacts et même accrus, si c'est possible, à ceux qui viendront après vous ; et par conséquent de résister à la tentation de ne voir en eux qu'un moyen de vie plus facile, plus agréable, plus délicate, plus raffinée ;

2. Le devoir de ne pas réserver ces biens pour vous seuls, mais d'en faire largement profiter ceux qui sont moins favorisés de la Providence.

La noblesse de la bienfaisance et de la vertu, chers fils et chères filles, a aussi été conquise par vos aïeux ; nous en avons pour témoins les monuments et les maisons, les hospices, les refuges, les hôpitaux de Rome, où leurs noms et leur souvenir parlent de leur bonté prévoyante et attentive envers les malheureux et les besogneux. Nous savons bien que, dans le patriciat et la noblesse romaine, cet honneur et cette émulation pour le bien n'a pas diminué, pour autant que les facultés de chacun le permettent. Mais en ces heures pénibles, où le ciel même est troublé au cours des veillées anxieuses de la nuit, votre âme, observant noblement une gravité de vie, Nous voudrions même dire : une austérité de vie excluant toute légèreté et toute frivolité qui pour tout coeur bien né serait incompatible avec le spectacle de tant de souffrances, éprouve encore plus vivement l'impulsion d'une charité active qui vous pousse à accroître et à multiplier les mérites que vous avez déjà acquis en soulageant les misères et la pauvreté humaine. Combien d'occasions vous offrira l'année nouvelle qui débute par de nouvelles épreuves et de nouveaux événements, de faire du bien non seulement dans l'intérieur de votre foyer domestique, mais encore en dehors ! Combien de nouveaux champs de secours et d'assistance ! Combien de larmes secrètes à essuyer ! Combien de douleurs à adoucir ! Combien de misères physiques et morales à soulager !

Voeux de paix.

Quel sera le cours de l'année qui vient de commencer, c'est le secret et le dessein de Dieu, sage et prévoyant, qui gouverne et dirige son Eglise et le genre humain vers ce terme où triomphent sa miséricorde et sa justice. Mais Notre ardent désir, Notre prière, Notre souhait, c'est la paix juste et durable et la tranquillité du monde dans l'ordre ; la paix qui réjouisse tous les peuples et toutes les nations, la paix qui, ramenant le sourire sur tous les visages, suscite dans les coeurs l'hymne de la louange et de la reconnaissance la plus haute vers le Dieu de paix que nous adorons dans la crèche de Bethléem.

Dans ce voeu, chers fils et chères filles, est renfermé aussi le voeu d'une année exempte de périls et heureuse pour vous tous dont l'agréable présence met sous Nos yeux l'image de tous les âges de l'homme, qui sous la protection divine s'avance dans le sentier de la vie et dont la pratique des vertus privées et publiques constitue la meilleure récompense de ses pas. Aux anciens, gardiens des nobles traditions familiales et dont la sage expérience est une lumière pour les plus jeunes ; aux pères et aux mères, maîtres et exemples de vertu pour leurs fils et leurs filles ; aux jeunes qui grandissent purs, sains, actifs, dans la sainte crainte de Dieu, espérance de leurs familles et de leur patrie bien-aimée ; aux enfants qui rêvent déjà de futures entreprises dans les mouvements et les jeux de leur enfance ; à vous tous qui jouissez de la vie en commun et de la joie familiale, Nous adressons de paternels et vifs souhaits qui répondent au désir de chacun et chacune d'entre vous, nous souvenant que nos désirs sont toujours passés au crible et pesés, pour notre plus grand bien, sur la balance de Dieu, sur laquelle bien souvent a moins de poids ce que nous demandons que ce qu'il nous accorde.

Telle est la prière que Nous élevons pour vous vers le Seigneur au début de cette année nouvelle derrière les voiles impénétrables de laquelle règne, gouverne et agit la Providence souveraine qui commande avec amour à l'univers et au monde des événements humains. Nous invoquons sur vous l'abondance des faveurs célestes et, pleinement confiant en l'immense bonté divine, Nous accordons à tous et à chacun de vous, à tous ceux qui vous sont chers et à tous ceux que vous avez dans l'esprit et dans le coeur Notre paternelle Bénédiction apostolique.


DISCOURS AUX JEUNES ÉPOUX

(8 janvier 1941) 1

Les leçons de la divine Providence.

Chers jeunes époux, vous voulez manifester par votre présence ici une double ardeur : l'ardeur de la jeunesse qui ne craint point d'affronter les rigueurs de l'hiver et qui les vainc ; et l'ardeur de votre foi qui vient demander au Père commun des fidèles une bénédiction pour la famille que vous avez fondée par un irrévocable consentement mutuel. Le bonheur de votre jeune union et le rêve d'une aurore empourprée de joyeuses espérances vous absorbent en ce moment, et le voyage de Rome n'a pas refroidi la flamme de votre coeur ; c'est à peine si vous avez jeté quelques regards sur les campagnes qui fuyaient, sur les plaines gelées et neigeuses, sur les blanches montagnes, sur les arbres tristes qui tendaient les bras nus de leurs branches vers le gris du ciel.

Comme dans l'oeuvre de la nature : d'abord les peines, ensuite les joies.

Sous cette froide couverture hivernale, la nature semble dormir le sommeil de la mort ; mais elle vit, et elle parle. Sa silencieuse tranquillité est éloquente : à tous ceux qui ont reçu de Dieu la vocation de transmettre la vie, à vous, par conséquent, elle enseigne cette grande leçon de la divine Providence, qu'au soir de la Passion, Notre-Seigneur rappelait à ses apôtres : « En vérité, en vérité, je vous le dis : si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il demeure seul ; mais s'il meurt, il porte beaucoup de fruits » (Jean,

1 D'après le texte italien de Discorsi e Radiomessaggi, t. II, p. 369 ; cf. la traduction française de Georges Huber, dans les Discours aux jeunes époux, publiés en 2 vol. par les Editions Saint-Augustin, Saint-Maurice, t. I, p. 174.

On trouvera la suite des discours de Pie XII aux jeunes époux ci-après, pp. 25, 30, 38, 63, 70, 121, 177, 182, 198, 206, 210, 218, 228, 241 et 274.

Xii, 24). Quelques instants après, le bon Maître complétait cet enseignement : « Vous serez affligés mais votre affliction se changera en joie. La femme, lorsqu'elle enfante, est dans la souffrance, parce que son heure est venue ; mais lorsqu'elle a donné le jour à l'enfant, elle ne se souvient plus de ses douleurs, dans la joie qu'elle a qu'un homme est né dans le monde » (Jn 16,21). Profonde vérité, humaine et chrétienne à la fois : la vie ne se transmet que par le sacrifice, et la transmission de la vie est une ineffable joie qui chasse tous les souvenirs de la douleur.

Regardez les campagnes et admirez l'oeuvre de la nature. Le grain confié à la terre s'y étend comme dans un sépulcre ; il meurt, semble-t-il, et se décompose, afin que le germe qu'il enclôt puisse se développer, ouvrir l'oeil, paraître à la lumière en verdure et pousser une tige vigoureuse. Mais l'hiver viendra s'appesantir sur ce grain, avant que la tiédeur du printemps et la chaude saison n'épanouissent le germe en fleur et la fleur en fruit. Dans l'ordre plus élevé de la nature vivante sensible, toute naissance est plus ou moins douloureuse. Mais la douleur enfante l'amour : la mère, vous l'avez constaté, a besoin de se donner à ses petits, de les garder avec vigilance, de les nourrir de son lait ou de les réchauffer sous ses ailes, si elle veut conserver et fortifier la vie qu'elle leur a transmise.

Et comme l'hiver précède le printemps, ainsi les peines, dans cette mystérieuse communication de la vie, devancent les joies promises à toute fécondité. Dans l'attente de la moisson désirée, le laboureur sacrifie sans regret et même avec la joie de l'espérance les meilleures de ses graines. La moisson est encore lointaine ; il ne sait quel temps, ni quelle récolte, facile ou difficile, lui enverra la Providence ; mais il n'hésite pas à répandre, de son ample geste de semeur, sur les mottes du champ retourné, les poignées de graines choisies qui vont subir, avant de lever en tiges vertes, les frimas des bises et le froid des neiges, et se décomposer dans les sillons humides ; l'hiver surmonté, les tiges chargées de lourds épis inclineront la tête, comme pour exprimer leur reconnaissance au ciel et à la terre féconde qui les ont nourries.

L'heure joyeuse des semadles.

Pour vous, chers jeunes mariés, vous voilà maintenant à l'heure des joyeuses semailles en un champ préparé par l'amour. Mais déjà vous l'avez appris, tout jeunes que vous êtes, à l'école de l'expérience,

l'avenir qui s'ouvre devant vous, et que Nous vous souhaitons plein de bonheur chrétien, ne vous donnera pas seulement des jouissances et des joies, et, surtout en nos jours agités, vous ne remplirez pas sans peine votre sublime mission de donner la vie à de candides enfants, présents du ciel qu'il vous appartient d'élever et de former à la piété par vos paroles et vos exemples, et qui doivent être un jour votre soutien et celui de la patrie, vos compagnons dans la gloire de l'éternité bienheureuse.

Le cultivateur ne craint pas de courir les divers risques des jours d'orage, de sécheresse et de gel ; Dieu, il le sait fort bien, dans les desseins de sa miséricorde les comptera ; Dieu ne laisse pas mourir de faim les passereaux qui viennent voleter autour de la charrue, et il n'abandonnera pas non plus l'homme, son serviteur, qui met en lui ses espérances. Pour vous, vous n'ignorez point que Dieu ne permettra pas que vous soyez tentés au-delà de vos forces (1Co 10,13) et que la patience fait oeuvre parfaite (Jc 1,2). N'en doutez pas : il proportionnera, dans son infinie bonté, les épreuves à vos forces, ou mieux, aux forces qu'il vous donnera lui-même par sa grâce. Cette foi en Dieu est aujourd'hui pour vos coeurs la source de la confiance : elle sera demain le soutien de vos travaux.

Les réconforts et consolations ne manqueront point.

Mais cela ne doit pas vous faire oublier qu'aux heures elles-mêmes les plus dures que l'avenir vous réserve peut-être, les consolations et les douceurs ne vous manqueront point. Dans les campagnes, vous le savez, l'hiver connaît des joies. N'est-ce pas alors que la famille, dispersée par les travaux durant les autres saisons, se retrouve le plus souvent réunie au foyer ? N'est-ce pas alors le temps des longues, paternelles et fraternelles veillées, où les coeurs se sentent battre plus près les uns des autres et où, par des conversations et par des silences plus éloquents que les paroles, les âmes se pénètrent mieux et se rencontrent plus intimement dans les sentiments et les pensées ? N'est-ce pas alors que le passé, le présent et l'avenir animent joyeusement les souvenirs et les causeries de la famille ?

Pour vous non plus, bien-aimés fils et filles, si des heures même très pénibles vous attendent, le ciel ne se montrera pas moins riche en réconforts et en consolations. Soyez sans crainte : acceptez les épreuves en chrétiens confiants et courageux, recevez-les des mains de Dieu lui-même, qui les ordonne à votre avancement ; et, alors, loin d'être, comme c'est trop souvent le cas, des occasions de murmures et de plaintes, de querelles et de désunion, elles rapprocheront vos coeurs et la peine fortifiera votre mutuel amour, car l'homme ne vit pas sans douleur. Vous vous connaîtrez, vous vous parlerez, vous vous comprendrez de mieux en mieux et, plus vous avancerez sur le chemin de la vie, plus vous serez l'un à l'autre un appui. Le feu de la tribulation donnera à l'amour qui vous unit une fermeté définitive : rien ne pourra désormais séparer deux âmes qui auront souffert ensemble avec vaillance, et porté leur croix côte à côte dans l'union au Christ.

'unique source du vrai bonheur.

Voilà les pensées que Nous inspire Notre amour pour vous. Elles pourront, en ces jours de joie, vous sembler austères ; mais, si vous les considérez à la lumière de la foi qui vous amène ici, c'est là l'unique source du vrai bonheur. Le vrai bonheur ! Ce bonheur ne peut éclore et durer que dans les coeurs qui savent comprendre, accepter et aimer le sens profond de la vie présente. Ce bonheur n'est point puéril, irréfléchi ni frivole, comme celui du monde ; il en est d'autant plus intime, solide et assuré. Fondé sur la plénitude de l'esprit chrétien, il ne s'écroule pas sous le vent de l'adversité, et par lui les joies et les douleurs de la terre deviennent utiles pour une vie meilleure.

Cet esprit chrétien, jeunes mariés, Nous le demandons à Dieu pour vous et pour tous les vôtres, et, en gage des grâces et faveurs divines, Nous vous donnons de Notre coeur de Père la Bénédiction apostolique.


Pie XII 1941