Pie XII 1942 - ALLOCUTION AU SACRÉ COLLÈGE A L'OCCASION DE LA FÊTE DE SAINT EUGÈNE


ALLOCUTION A L'ÉCOLE PONTIFICALE DE BIBLIOTHÉCONOMIE ET A L'ÉCOLE PONTIFICALE DE PALÉOGRAPHIE, DE DIPLOMATIQUE ET D'ARCHIVES

(15 juin 1942) 1

Pie XII ayant reçu en audience spéciale, à l'occasion de la fin de l'année scolaire, les directeurs, professeurs et élèves de l'Ecole pontificale de biblio-théconomie et de l'Ecole pontificale de paléographie, de diplomatique et d'archives, leur a adressé l'allocution suivante dans laquelle il leur donne de précieuses directives pour leurs travaux scientifiques :

La majeure partie de ceux qui Nous procurent la joie de les saluer ici, dans la maison du Père commun, viennent de régions situées en dehors de la Cité du Vatican. Pour vous, au contraire, chers fils, il Nous est donné de vous voir et de vous accueillir avec d'autant plus d'affection que vous Nous êtes spécialement voisins et que vous respirez avec Nous l'air de cette sainte et célèbre colline. C'est un don du ciel avant tout pour les eminentes et doctes personnalités, préposées à la Bibliothèque et aux Archives. Il Nous est particulièrement agréable, en cette occasion, de reconnaître, d'apprécier et de louer hautement leur travail fécond, infatigable et attentif. Mais cela vaut pareillement pour les illustres professeurs et pour les étudiants qui fréquentent les écoles spéciales annexées à la Bibliothèque et aux Archives, et dont le nombre, malgré les trois ans de guerre et leurs inévitables conséquences et gênes, est demeuré considérable.

Votre activité se déploie dans les limites de l'Etat de la Cité du Vatican, qui est soustrait aux vicissitudes du cruel conflit mondial, pas sans en éprouver tout de même les inévitables répercussions. Votre activité est un travail qui se signale par des traits caractéristiques ; les mentionner suscite dans l'esprit un souvenir anxieux et un renaissant et vif désir. Qu'est-il, en effet, ce travail, sinon un travail de paix, un travail de science, un travail de culture.

Vos deux Ecoles, celle de bibliothéconomie 2 et celle de paléographie 3, des chartes4 et des archives, visent par elles-mêmes, et en premier lieu, la technique ; la technique du travail scientifique et la technique des documents, qui représentent l'oeuvre du Saint-Siège, et en transmettent la nature, les règles et le style à l'histoire. Toutefois, votre formation acquiert ici une valeur particulière et précieuse qui dépasse l'aspect purement technique ; sans cette formation, en effet, une solide recherche historique — ici, la recherche sur le terrain de l'histoire du pontificat romain et de l'Eglise, recherche pour laquelle Notre immortel prédécesseur Léon XIII fonda l'Ecole de paléographie et de diplomatique — ne serait ni possible ni digne d'estime. Nous savons quelle sage et puissante impulsion vos écoles ont donnée à la conservation, à la réorganisation, à l'utilisation et à la consultation des archives ecclésiastiques disséminées dans tous les pays, dans les curies episcopales et dans les paroisses, auprès des chapitres, des instituts ecclésiastiques et des ordres religieux...

Cependant, Nous voudrions attirer votre attention sur un autre point, bien propre à stimuler et à perfectionner le cours et la marche de vos écoles sur le terrain de l'histoire et de la doctrine. Ne vous bornez pas à la technique des documents, ni non plus à ces séries de documents qui rarement, ou seulement ici et là, s'élèvent au-dessus

3 L'Ecole de bibliothécaires ou Ecole de bibliothéconomie a été créée par Pie XI en octobre 1934, près de la Bibliothèque vaticane. Elle est destinée aux seuls ecclésiastiques, séculiers ou réguliers ; elle leur enseigne la bibliographie, l'art de rédiger un catalogue, l'organisation et la tenue d'une bibliothèque. Elle comprend deux années de cours, la première consacrée à la rédaction des catalogues, la seconde à l'organisation et aux services des bibliothèques. En 1951, l'Ecole comptait une cinquantaine d'élèves ; elle délivre un certificat attestant l'habilitation du candidat aux fonctions de bibliothécaire. Voir Annuaire pontifical 1936, p. 887.

3 L'Ecole pontificale de paléographie a été instituée par Léon XIII par le motu proprio du 1er mai 1884. Réorganisée, elle a ouvert ses portes le 15 novembre 1920. La durée normale des études est de deux ans. L'Ecole délivre un diplôme de paléographe-archiviste qui, d'après l'article 40 du Concordat avec l'Italie, est reconnu par le gouvernement italien. Voir Annuaire pontifical 1936, p. 887.

4 L'Ecole pontificale des chartes a été établie en 1923 près des Archives secrètes du Saint-Siège : les cours ont été inaugurés en janvier 1924 ; elle est destinée aux ecclésiastiques, séculiers ou réguliers.

des questions et des affaires quotidiennes et ordinaires de l'administration ecclésiastique, mais efforcez-vous toujours davantage de pénétrer aussi la technique dans sa profondeur, et avec la technique, la pensée essentielle de ces documents dans lesquels la parole et l'action des papes touchent ou concernent des questions de principe et de doctrine ; de ces documents qui, par leur contenu religieux et moral, vont bien au-delà du cas particulier et par lesquels les Pontifes romains ont marqué les lignes directrices de la vie ecclésiastique en certains pays ou dans toute la chrétienté, faisant ainsi oeuvre de civilisation, de rénovation et de progrès. Le temps que vous employez à suivre, à rechercher, à comprendre la pensée et le but scientifique et moral de ces sortes de documents n'aura pas été inutilement employé pour votre culture ni pour le but que vise directement votre formation : il sera plutôt largement compensé par les avantages que vous en retirerez pour votre étude en y trouvant une nouvelle impulsion qui vous ranime et vous donne plus de courage pour l'effort.

En formulant pareil souhait, Nous vous donnons à tous, chers fils, de tout Notre coeur, la Bénédiction apostolique, afin que la divine Providence protège et guide votre travail.


LETTRE AU R. P. JOSEPH RAMIR MARCONE, ABBÉ DE MONTE VERGINE, A L'OCCASION DU VIII\2e\0 CENTENAIRE DE LA MORT DE SAINT GUILLAUME (16 juin 1942)

1

Le VIIIe siècle écoulé après la mort bienheureuse de saint Guillaume, abbé, fondateur de l'abbaye et du sanctuaire de Monte Vergine, étant proche de son terme, il semble tout à fait opportun d'entourer d'un souvenir reconnaissant et de célébrer par des solennités religieuses les vertus et les mérites d'un tel homme, ainsi que les faits mémorables de ses moines. Dieu qui, au cours des siècles, a orné et ennobli l'Italie bien-aimée d'une si nombreuse postérité de saints, qui l'a faite mère auguste de grands hommes, a suscité Guillaume de Verceil comme un flambeau merveilleux qui, par l'éclat d'une pure doctrine et l'exemple d'une vertu extraordinaire, devait éclairer le peuple chrétien, et spécialement dans les régions méridionales de l'Italie, le ramener à la pureté de la discipline de l'Evangile. Issu d'une noble famille, Guillaume, se sentant appelé par la volonté divine à s'occuper de choses plus nobles, quitte, à la fleur de l'âge, sa patrie et sa maison, afin de vivre seul avec Dieu et de pouvoir venir en aide au prochain.

L'exemple de saint Guillaume

Alors que pour mener une vie toute céleste, il s'était retiré dans la solitude du Monte Vergine2, bientôt l'éclat de ses remarquables

1 D'après le texte latin des A. A. S., 34, 1942, p. 278 ; cf. la traduction française des Actes de S. S. Pie XII, t. IV, p. 163.
2 L'abbaye bénédictine nullius de Monte Vergine ou Montevergine (Montis Virginis) bâtie sur un massif, non loin d'Avellino Campanie, fut fondée par saint Guillaume de Verceil vers 1119 ; elle exerça une considérable influence religieuse et sociale parmi les populations de l'Italie du Sud. Elle reste seule des nombreux monastères fondés en ces régions par saint Guillaume de Verceil.


SAINT GUILLAUME

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vertus attira sur sa personne les regards et les pensées des habitants du voisinage, et entraîna plusieurs prêtres à s'adonner sous sa direction avec plus d'ardeur au service de Dieu. Aidé par les ressources fournies par des bienfaiteurs, il construisit, sur la montagne, sur les ruines d'un temple païen, une petite église dédiée à la Mère de Dieu. Ensuite, sachant que c'était la volonté de Dieu, il parcourut les régions de l'Italie du Sud pour y répandre l'Evangile du Christ, consolant et secourant par des bienfaits surnaturels les pauvres et les humbles, rappelant les riches et les puissants à la pratique des préceptes évan-géliques et devint célèbre par sa réputation de thaumaturge. Il établit plusieurs monastères, parmi lesquels la célèbre abbaye du Saint-Sauveur, et surtout, il jouit d'une grande autorité et faveur à la cour de Roger, roi des Normands. Les moines de l'abbaye de Monte Vergine reçurent de leur saint fondateur cet héritage de vertus et de bienfaits et, ayant embrassé la règle de saint Benoît, le transmirent à ceux qui vinrent après eux. A travers les diverses péripéties de huit siècles d'histoire, le nombre de couvents de cette congrégation religieuse s'éleva jusqu'à la centaine et les fils de saint Guillaume, se souvenant de cette maxime ora et labora (prie et travaille), fournirent de très nombreux témoignages de leur piété et de leur activité, et vinrent en aide par de multiples secours, tant religieux que matériels, aux populations de la basse Italie et de la Sicile.

... et de l'abbaye de Monte Vergine.

En 1807, sous la domination française, toutes les autres maisons de ces moines ayant été supprimées, seule subsista l'abbaye de Monte Vergine, qui devait conserver très religieusement les reliques et les exemples de son fondateur. Léon XIII, la seconde année de son pontificat, réunit d'autorité la famille des moines de l'abbaye de Monte Vergine à la congrégation bénédictine du Mont-Cassin de la primitive observance. Assurément, les nouveaux religieux qui portent, comme les premiers disciples de saint Guillaume, la robe blanche, enflammés de zèle pour les âmes, ont suivi avec entrain les traces des aînés. Mais ces dernières années, par votre action et sous vos auspices, la famille des moines s'est heureusement développée, une nouvelle congrégation diocésaine de Soeurs de Saint-Benoît a été fondée ; un grand orphelinat a été ouvert, plusieurs édifices ont été complètement refaits, des accès plus commodes ont été pratiqués pour venir au sanctuaire, de telle sorte que plusieurs centaines de milliers de pèlerins y sont reçus chaque année, à qui, par l'intercession de la Mère de Dieu,

Dieu accorde abondamment, avec la rémission des péchés, les faveurs célestes.

Encouragement.

Nous donc, qui apprécions et recommandons si vivement la contemplation des choses célestes et les travaux apostoliques consacrés au bien et au progrès spirituel des âmes, non seulement Nous approuvons bien volontiers les fêtes et solennités qui vont avoir lieu à l'occasion de ce VIIIe centenaire en l'honneur de saint Guillaume, abbé. Nous les portons à leur comble en y participant avec joie par Notre approbation. Que saint Guillaume, qui, citoyen de la cour céleste, ne brûle pas maintenant d'une charité moindre que celle qui l'enflammait pendant sa vie terrestre, obtienne les dons les plus abondants de la miséricorde divine à ceux qui l'invoqueront et que, protecteur et aide toujours présent de ses fils, il leur accorde de s'enrichir des trésors de la religion et de la piété, de jouir de la paix d'une conscience pure, annonciatrice du bonheur éternel ! Qu'il donne à l'Italie bien-aimée, dont il est le céleste protecteur et un modèle de vertu, de pouvoir ajouter aux antiques gloires de la civilisation chrétienne des gloires nouvelles et plus abondantes et d'être florissante en toute manière.

Afin que ces solennités religieuses apportent au peuple chrétien une plus grande abondance de biens surnaturels, Nous vous accordons le pouvoir de donner, en Notre nom et en vertu de Notre autorité, au jour fixé, après la célébration de la messe pontificale, la Bénédiction apostolique aux fidèles présents, avec l'indulgence plé-nière selon les prescriptions de l'Eglise.

En attendant, puisse la Bénédiction apostolique que Nous accordons très affectueusement dans le Seigneur, à vous, cher fils, à tous vos frères en religion et à tous les autres fidèles de cette abbaye, être la messagère et la médiatrice de dons célestes et le témoignage de Notre particulière affection.


DISCOURS AUX JEUNES ÉPOUX

(17 juin 1942) 1

Poursuivant son exposé sur le lien conjugal, le Saint-Père va consacrer trois importants discours aux * ennemis de l'union indissoluble ». Voici le premier de ces discours, les suivants étant ceux des 8 et 15 juillet (cf. ci-après, pp 175 et 185):

I. — La séparation des coeurs.

La tristesse de l'heure présente, si grande soit-elle, n'envahit pas les coeurs brûlants de foi, d'espérance et de charité jusqu'à éteindre ou diminuer, chers jeunes époux, la flamme d'amour chrétien qui a uni vos vies dans la joie et qui vous a conduits dans la joie en cette Rome qui est le coeur de l'Eglise, pour y implorer sur votre union, tel un sceau de votre lien sacré et indissoluble, la paternelle bénédiction du Vicaire de Jésus-Christ.

Cette sainte joie ne connaît ni restrictions, ni réserves. Et pourtant, Notre coeur Nous le dit, ce n'est pas sans émotion que vous avez franchi le seuil de votre demeure paternelle pour vous mettre ensemble en chemin, côte à côte et inséparables jusqu'à la mort. Une larme sans doute a brillé à votre oeil au moment du départ, alors que vous avez reçu de votre père et de votre mère le baiser des adieux. En ce baiser vibraient les plus doux souvenirs de votre enfance et de votre adolescence, et votre coeur en a senti la blessure du détachement. Qui donc pourrait vous en faire le reproche ? Quel est le coeur d'époux ou d'épouse qui pourrait en éprouver de la jalousie ? Votre mutuel amour, qui doit avoir le courage de sacrifier à la vie commune sans hésitation les douceurs de la tendresse filiale, devrait-il aller jusqu'à renier cette affection, jusqu'à briser dans les enfants tous les liens de la nature ?

1 D'après le texte italien de Discorsi e Radiomessaggi, t. IV, p. 119 ; cf. la traduction française des Discours aux jeunes époux, t. II, p. 163.

La piété filiale, garante de la concorde et de la félicité conjugales.

Si c'est un commandement de Dieu que de quitter la maison paternelle, c'en est un également d'aimer et d'honorer ses père et mère, et ce commandement-ci ne s'oppose pas à l'autre. C'est le même Dieu qui impose au fils un devoir d'affectueux amour envers ceux qui lui ont donné la vie, et qui lui enjoint, dans sa profonde et sage Providence, de quitter ses parents pour s'unir à son épouse (cf. Gen. Gn 2,24), comme il ordonne à l'épouse de suivre son époux dans toutes les vicissitudes de la vie. Ces deux amours sont voulus de Dieu et ils se contrarient d'autant moins que la piété filiale est une des plus fermes garanties de la concorde et de la félicité conjugales. Quelle confiance pourriez-vous bien mettre dans l'union et la fidélité réciproque de ces malheureux qui ne voient et ne recherchent dans le mariage que le moyen de se débarrasser et libérer des liens si doux, du joug si suave de la vie familiale au foyer paternel ? De pareilles dispositions d'âmes, car il n'en manque pas d'exemples, déshonorent le jeune homme et la jeune fille ; c'est le triste présage que, de même qu'ils n'ont pas agi en enfants respectueux et affectueux, ils ne sauront pas être non plus des époux vertueux et fidèles. Ce n'est pas un amour plus puissant que l'affection filiale qui les a portés l'un vers l'autre, mais l'égoïsme, ce sinistre égoïsme à deux, beaucoup moins avide de trouver un conjoint que « de vivre sa vie » parallèlement, avec le pacte tacite, explicite même parfois, d'une affection conjugale menteuse et indifférente et d'une mutuelle indépendance sous le manteau d'une union apparente, stérile et révocable. Est-ce là le mariage sacré auquel le sens chrétien et la bénédiction divine destinent les époux ?

Que vous êtes heureux, chers jeunes mariés, d'avoir obéi à la loi divine, d'en avoir compris et goûté la douceur ! Par la réception du sacrement vous n'avez pas hésité à sceller devant Dieu et devant les hommes le pacte de la donation réciproque de vous-mêmes pour la vie ; le pacte d'une tendresse dévouée jusqu'au sacrifice, jusqu'à l'oubli de vous-mêmes ; le pacte d'une tendresse féconde qui aspire à porter les fleurs et les fruits d'une famille nombreuse et bénie. C'est la loi de Dieu qui proclame l'indissolubilité du mariage, et c'est dans la fidélité à la loi de Dieu que vous avez commencé la route de votre vie nouvelle. C'est dans cette loi que vous avez juré d'avancer et de cheminer, parce que vous l'avez accueillie non pas comme un joug pénible, mais comme un joug d'amour ; non pas comme une contrainte pour votre volonté, mais comme la sanction

céleste de votre mutuel et immuable amour ; non pas comme l'imposition d'un esclavage moral, mais comme une divine garantie, comme une source d'inébranlable confiance en face de tout péril qui viendrait à menacer le roc de votre union.

Protégez votre union contre les menaces du temps.

Cette confiance, vous avez bien raison de la nourrir en votre coeur ; mais elle veut avoir comme compagnes de route l'humilité et la prudence, avec la protection de Dieu. L'histoire des familles offre l'exemple de jeunes époux entrés dans la vie conjugale avec les mêmes dispositions qui vous animent aujourd'hui, et qui ont, au fur et à mesure que le temps passait sur une union si intime et si tendre, laissé naître et grandir un ver corrupteur, et ce ver a dévoré et emporté chaque jour un peu de la fraîcheur et de la force de leur union. C'est le même danger qui te guette, toi aussi, ô beauté de l'univers, comme l'a chanté un grand poète italien :

... il Tempo edace, fatal nemico, colla man rugosa ti combatte, ti vince et ti disface. Egli il color dei giglio e délia rosa toglie aile gote più ridenti, estende dappertutto la falce ruinosa.

(... le Temps vorace, fatal ennemi, de sa main calleuse te frappe, te renverse et te défait. Il ôte la couleur du lys et de la rose aux plus riants visages, abat sur toutes choses sa sinistre faux 2.)

C'est ainsi que ces époux sont venus peu à peu à considérer leur lien comme une espèce d'esclavage et ils ont songé et cherché, sinon à le briser, du moins à le relâcher, parce qu'il n'était plus pour eux un lien d'amour. Des exemples si douloureux vont-ils peut-être vous décourager, vont-ils troubler la joie de vos coeurs ? Oh non !

2 Monti, Bellezza dell'universo.

La connaissance que vous avez de vous-mêmes, l'expérience que vous ferez de l'inconstance du pauvre coeur humain, loin d'affaiblir votre confiance, la rendront plus discrète, plus vigilante, plus humble, plus prudente, plus vraie, moins présomptueuse, moins trompeuse, et porteront vos coeurs à recevoir dans un esprit filial les paternels avis où Nous voudrions, pour vous préserver de cette misère conjugale, vous découvrir les racines et les causes d'un aussi déplorable affaissement de la vie commune, et les moyens de prévenir cette chute, de vous en garder et, au besoin, de l'arrêter à temps.

Ce n'est pas en un jour que les coeurs se désunissent, mais insensiblement, et faute du don total de soi-même.

Bien-aimés fils et filles, d'où peut donc provenir ce changement, cette malheureuse évolution ? Cette évolution a-t-elle commencé subitement, par un caprice, par la découverte inattendue d'une incompatibilité de caractère, par quelque tragique incident ? D'ordinaire les coeurs qui étaient, le jour des noces, si fermement et si amoureusement résolus de vivre ensemble, n'entrent pas de cette manière dans cette voie de désaffection et de froide indifférence qui mène pas à pas à l'antipathie, à la désunion et à la séparation morale, triste prélude, trop souvent, d'une rupture plus réelle et plus grave encore. Ces caprices, ces découvertes, ces tragiques incidents qui semblent marquer les débuts de cette évolution, n'ont été de fait que l'occasion qui la révèle et qui en précipite le cours. Sous la cendre perfide couvaient les charbons ardents.

Pénétrez et sondez le fond de ces coeurs. Les séparations morales conscientes, plus ou moins connues du public, ou dissimulées dans le secret du foyer pour sauver jalousement les apparences, ont toujours été précédées d'une dissonance, peut-être imperceptible tout d'abord aux époux eux-mêmes et semblable à l'invisible fêlure d'un beau vase d'albâtre. Si l'amour avait été total, s'il avait été absolu, s'il avait été cet amour qui consiste dans le don de soi, s'il n'avait connu d'autres limites que l'amour de Dieu, ou mieux, si cet amour humain s'était élevé au-dessus des sens pour se fonder sur un commun amour de Dieu total et absolu et pour se fondre en un pareil amour, aucun tumulte du dehors n'en eût alors troublé l'harmonie, aucun heurt ne l'eût brisé, aucun nuage n'en eût obscurci le ciel. La vie d'amour peut elle-même connaître la douleur, mais, saint Augustin le dit en la vigueur coutumière de sa langue, « là

3 De bono viduitatis, cap 21 ; Migne, P. L., t. 40, col- 448.
4 Summa Theol., I-II 25,4-5.

où règne l'amour, il n'y a pas de peine, ou si la peine est là, la peine est aimée » 3.

Le grand coupable, c'est l'amour-propre.

Qui donc a porté à cet amour, à cette union sacrée des âmes, une blessure invisible et souvent fatale ? N'allez pas chercher bien loin. Cherchez tout près, cherchez dans les coeurs : c'est là que se tient l'ennemi, c'est là que se tient le coupable. Aussi divers que sournois dans ses manifestations, c'est Pamour-propre, c'est cet amour de soi qui naît et vit avec l'homme, et qui meurt tout juste avec lui.

« Mais, direz-vous peut-être, faut-il donc nous haïr nous-mêmes ? La nature elle-même ne nous pousse-t-elle point à aimer et à rechercher notre bien ? » Certes, la nature dispose l'homme à s'aimer lui-même, mais c'est en vue de son bien d'homme, en vue d'un bien conforme à la raison. Or, la raison montre à l'homme et à la femme non seulement le bien de l'individu, mais aussi le bien de la famille, lequel devient, grâce à l'union et à la fidélité des époux, le bien même des enfants. Vous pouvez avoir, chers jeunes mariés, un juste amour de vous-mêmes, et vous pouvez en avoir un mauvais : l'amour-propre, ce synonyme le plus décent de l'égoïsme, et qui ne vaut pas mieux. C'est Dieu qui a créé l'homme et la femme. Mais si c'est Dieu qui a fait la nature, ce n'est pas Dieu qui en a fait la corruption : la corruption de la nature vient de la faute d'Eve et d'Adam. Nous devons nous aimer selon la nature que Dieu nous a faite, et non pas selon la corruption que nos premiers parents y ont causée. Nous devons aimer notre âme et notre corps de cet amour de charité que nous portons aux choses de Dieu et à Dieu lui-même *, de cet amour qui veut se répandre et qui vous lie à votre conjoint et à votre prochain. Mais quel est cet amour ? C'est un amour qui sauve notre âme, qui sauve l'union des coeurs dans la vie commune et dans la famille ; c'est un amour qui hait la corruption de l'âme en ce monde afin de sauver l'âme pour la vie éternelle, selon cette parole de Jésus : Qui odit animam suam in hoc mundo, in vitam aeternam custodit eam, « celui qui hait sa vie en ce monde, la conservera pour la vie éternelle » (Jn 12,25).

Contre cet amour sacré et si salutaire se dresse un autre amour, un amour pervers, et « celui qui aime sa vie » d'un pareil amour « la perdra » : Qui odit anima suam, perdet eam (ibid.). Cet amour, quel est-il ? C'est l'amour de corruption, c'est l'égoïsme, c'est l'amour-propre, source de tout mal, et Pangélique saint Thomas dit avec raison que « l'amour de soi est la racine de toute iniquité » 5. Nous vous dénonçons cet amour, chers jeunes époux, comme le plus grand ennemi de votre union, comme le venin de votre amour sacré. Ce double égoïsme des conjoints a horreur du sacrifice de soi et il ne saurait établir entre les époux cette sainte amitié où ils veulent l'un et l'autre les mêmes choses et où ils mettent tout en commun, joie et douleur, peine et réconfort, besoin et secours. L'amour-propre désunit la vie commune ; et si l'égoïsme du mari n'égale pas toujours l'égoïsme de la femme, il arrive que les deux égoïsmes font alliance dans la faute.

L'amour-propre est un grand séducteur, c'est l'aliment de toutes les passions humaines. Centre de toutes les pensées, de tous les désirs, de tous les mouvements, il en vient souvent à se dresser comme une idole et à recevoir le culte du beau dont l'oeil se repaît, de l'harmonie qui flatte les oreilles, de la douceur qui délecte le goût, du parfum qui charme l'odorat, de la mollesse qui caresse le toucher, de la louange et de l'admiration qui finissent par engluer le coeur. C'est vers son propre plaisir, son propre avantage, ses propres commodités que l'amour désordonné tourne la pensée, l'action, la vie ; il obéit aux appétits déréglés, et non pas à la raison, non pas aux inspirations de la grâce ; il n'a que dédain pour ses devoirs envers Dieu, pour ses devoirs envers le compagnon ou la compagne de sa vie. Or la vie conjugale, le lien indissoluble du mariage exigent des époux qu'ils sacrifient l'amour-propre au devoir, à l'amour de Dieu — à cet amour qui a élevé et consacré le battement de vos deux coeurs — et à l'amour des enfants, pour lesquels vous avez reçu la bénédiction du prêtre et du ciel.

Epouses, ne fuyez pas la douleur : elle peut assombrir un instant votre visage, mais elle vous conduira à la joie du berceau. Pensez donc à la joie du berceau, à ce vagissement qui fait tressaillir votre coeur, à ces lèvres d'enfant qui cherchent votre sein, à cette menotte qui vous caresse, à ce sourire d'ange qui vous met en paradis. Que devant le berceau de votre enfant, chers jeunes époux, votre amour

5 In Epist. II Tim. 3, 2 ; cap. 3, lect. I.

reçoive une nouvelle consécration dans l'immolation de votre amour-propre et de tous ses rêves, et que votre amour de père et de mère chasse tous les nuages, ainsi que le brouillard se disperse et s'évanouit au soleil levant.

Cet amour-propre, bien-aimés fils et filles — Nous Nous sommes contenté aujourd'hui d'en montrer en traits généraux les dangers dont il menace votre union indissoluble, et Nous Nous réservons d'en parler avec plus de détails lors de la prochaine audience — cet amour-propre, c'est par le sacrifice que vous le vaincrez. Le sacrifice doit accompagner jour par jour votre communauté de vie conjugale ; la peine et la joie se mêlent dans le sacrifice, et il trouve son réconfort et son soutien dans la prière et dans la grâce de Dieu, dans cette grâce dont Nous implorons sur vous la puissance et l'abondance en vous accordant de toute l'effusion de Notre âme Notre paternelle Bénédiction apostolique.


LETTRE AUTOGRAPHE ÉTABLISSANT UN INSTITUT POUR LES OEUVRES DE CHARITÉ ET DE RELIGION (27 juin 1942)

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Par la lettre autographe suivante, le Souverain Pontife établit dans la Cité du Vatican un institut doté de la personnalité juridique pour l'administration des biens des oeuvres de charité et de religion.

Histoire de cette administration.

En vue de garder et d'administrer les capitaux des fondations pieuses, Notre prédécesseur de vénérée mémoire, Léon XIII, établit, après une étude attentive confiée à quelques cardinaux, une commission cardinalice qui prit le nom de Commission ad pias causas. Pour assurer le fonctionnement de cette commission, il approuva, à la date du 11 février 1887, un règlement qui resta en vigueur jusqu'au 10 août 1904, où Notre prédécesseur de sainte mémoire, Pie X, jugea opportun d'approuver un nouveau règlement.

Le 24 novembre de cette même année 1904, la Commission ad pias causas prenait le nom de Commission cardinalice pour les oeuvres de religion, cela jusqu'en 1908, époque où, en vertu de la constitution Sapienti consilio, passèrent à la Sacrée Congrégation du Concile en raison de la compétence que lui attribuait la même constitution pontificale quelques-unes des fonctions exercées jusqu'alors par la susdite Commission cardinalice ; cette dernière cessait, d'ailleurs, d'être cardinalice pour devenir prélatice.

Des exigences administratives survinrent, qui allaient pousser la Sacrée Congrégation du Concile, munie à cet effet d'un mandat (169) spécial de Notre vénéré prédécesseur Pie XI, à approuver, le 10 février 1934, à titre d'essai, un statut pour la Commission prélatice administrative des oeuvres de religion.

Puis, le 17 mars 1941, le cardinal préfet de la Sacrée Congrégation du Concile soumit à Notre approbation, que Nous donnâmes, un statut pour « l'administration des oeuvres de religion » ; c'était le nouveau nom que prenait la commission susdite. En vertu de ce statut, l'administration était confiée à une commission de cardinaux.

Une réunion spéciale de ces cardinaux, tenue le 18 janvier de l'année courante 1942, exprima le voeu que l'administration des oeuvres de religion, déjà mentionnée, fût érigée en personne juridique, dans le but de donner à cette administration une organisation répondant mieux aux besoins des temps et aussi pour faire apparaître encore plus manifestement séparée et distincte la responsabilité de l'administration susdite, responsabilité que toujours le Saint-Siège a voulu nettement disjoindre de celle des offices du Saint-Siège.

Nouvelle ordonnance.

Ayant jugé, après mûre délibération, pouvoir accéder au voeu dont il est question plus haut, Nous avons décidé d'ordonner, et par Notre autorité apostolique, Nous ordonnons ce qui suit :

1. Est fondé et érigé dans la Cité du Vatican l'Institut pour les oeuvres de religion, lequel jouit de la personnalité juridique et absorbe l'administration des oeuvres de religion.

2. Le but de l'Institut est de pourvoir à la garde et à l'administration des capitaux (en titres ou en espèces) et des immeubles, les uns et les autres transférés ou confiés à ce même Institut par des personnes physiques ou juridiques et destinés à des oeuvres de religion et de piété chrétienne.

3. Les dispositions contenues dans le statut pour l'administration des oeuvres de religion, approuvé par Nous le 17 mars 1941, demeurent en vigueur et seront valables pour l'Institut pour les oeuvres de religion pour autant qu'elles ne sont pas en opposition avec la présente lettre autographe et tant qu'il n'apparaîtra pas opportun de les modifier.

La commission de cardinaux, à laquelle était confiée l'administration des oeuvres de religion, assume la surveillance de l'Institut.

L'office administratif de 1'« administration des oeuvres de religion » devient l'office administratif de l'Institut2.

4. Pour tous les effets juridiques, l'Institut est représenté conjointement par le cardinal président de l'office administratif et par Mgr le secrétaire du même office.

5. L'Institut continuera à utiliser, à titre de location, les services occupés jusqu'ici par l'administration des oeuvres de religion et passera, à cet effet, un contrat avec l'administration des biens du Saint-Siège.

6. N'importe quelle disposition contraire à Notre présente lettre autographe est abrogée.

7. Notre présente lettre autographe sera publiée dans les Acta Apostolicae Sedis.

2 La Commission cardinalice de vigilance de l'« Istituto per le opere di religione » comprend cinq cardinaux de curie, avec des consulteurs. Le secrétaire de cette commission est le président de l'Office d'administration du même Institut. Voir pour la composition ou les noms des membres de ces deux organismes l'Annuario pontificio 1950, p. 960.



LETTRE AUX ÉVÊQUES D'ANGLETERRE ET DU PAYS DE GALLES A LA SUITE DES BOMBARDEMENTS AÉRIENS

(29 juin 1942) 1

Nous voulons que vous sachiez que Nous avons eu pour très agréable la lettre commune que vous Nous avez adressée dernièrement lorsque, par la grâce de Dieu, Nous avons accompli les cinq lustres de Notre épiscopat. Au milieu de ce grand conflit des peuples, au milieu de tant de deuils qui frappent les hommes et de ruines des biens publics et privés, il vous a plu de tempérer et d'adoucir l'anxiété et le souci de Notre âme par un témoignage tendre et pieux de dévotion et d'affection. Il Nous a été facile de reconnaître dans vos lettres, ce que d'ailleurs Nous avions déjà éprouvé, à quel prix vous estimez et combien touchait profondément vos coeurs tout ce que ce Siège apostolique pouvait ordonner et recommander pour l'utilité commune des chrétiens et de l'humanité. En effet, dès le début de Notre pontificat, pour autant qu'il était en Notre pouvoir, Nous Nous sommes efforcé de détourner des peuples la guerre si terrible et si vaste qui menaçait ; et cette guerre si funestement éclatée, comme si Nous avions pu dilater Notre charité paternelle, Nous avons eu à coeur d'en adoucir les indicibles blessures, d'en limiter les cruels effets et de tenter d'obtenir la fin de ce mortel conflit. Notre âme est dans l'horreur devant la violence et la force croissante de cette guerre qui accumule presque partout des masses de ruines et amoncelle une série presque infinie de misères et de douleurs. Raison de plus pour que chez vous comme dans les autres pays du monde les bonnes volontés s'unissent afin que Dieu soit apaisé par les prières, les supplications et l'offrande d'oeuvres pieuses

1 D'après le texte latin de Discorsi e Radiomessaggi, t. IV, p. 457.

et qu'après avoir posé les vrais principes et les fondements solides d'une juste paix tels que Nous les avons mûrement rappelés et proclamés, la charité languissante entre les peuples reprenne force et que l'union et la concorde brisées soient rétablies. Demandant à Dieu par une instante prière d'exaucer ces voeux et ces désirs communs, en présage de la protection céleste et en gage de Notre particulière affection, Nous vous accordons de tout coeur dans le Seigneur à vous, Notre très cher Fils et aux autres archevêques et évêques d'Angleterre et du pays de Galles, la Bénédiction apostolique et Nous l'éten-dons à vos fidèles.


ALLOCUTION AU NOUVEAU MINISTRE DU VENEZUELA

(5 juillet 1942) 1

Recevant en audience solennelle S. Exc. le Dr José Maria Casas Briceno, nouvel envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire du Venezuela, le Souverain Pontife a répondu à l'adresse d'hommage par cette allocution :

Les paroles que Votre Excellence vient de prononcer en Nous présentant les lettres de créance par lesquelles vous avez été désigné comme envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire des Etats-Unis du Venezuela prouvent que vous avez une claire vision de l'importance des responsabilités et de l'éminente dignité de votre charge diplomatique.

Elles Nous assurent aussi que le plus vif désir de Votre Excellence, choisie pour une si haute mission par la confiance de S. Exc. le président de la République et du gouvernement, est d'apporter tous vos soins et votre zèle dans l'exercice de vos nobles fonctions à entretenir les relations les meilleures avec le Saint-Siège. Ce faisant, vous contribuerez à favoriser le développement libre et pacifique de l'action de l'Eglise et à donner une plus grande impulsion au bien spirituel et moral de votre nation.

Heureux les peuples sur le sol desquels on écoute avec docilité les appels de l'Eglise à recevoir la vérité, au milieu d'une humanité qui cherche la vérité, mais qui souvent s'égare dans l'erreur.

Heureux les peuples dont les lois protègent avec fermeté le précieux trésor de la sainteté du mariage chrétien et assurent la sauvegarde des liens sacrés de la famille chrétienne, fondement irremplaçable de la société civile elle-même.

1 D'après le texte espagnol de Discorsi e Radiomessaggi, t. IV, p. 129.

Heureux les peuples dont les nouvelles générations sont formées et croissent dans le sens moral des responsabilités de manière que la conduite des individus et des communautés ne cherche pas à se soustraire à la salutaire autorité de la loi divine.

Heureux les peuples qui trouvent dans l'Evangile la source des sentiments de fraternité dont le puissant stimulant est indispensable pour trouver une solution équitable et durable aux grands et urgents problèmes de la paix sociale et de la concorde internationale.

Avec une paternelle affection, Nous vous adressons les mêmes voeux bienveillants que Votre Excellence Nous a présentés au nom du gouvernement et du peuple vénézuélien en cette année jubilaire de Notre consécration episcopale. Nous élevons Nos mains et Notre coeur vers le Tout-Puissant pour invoquer la protection divine sur le gouvernement et le peuple du Venezuela d'une manière toute spéciale en cet anniversaire de votre indépendance nationale où Nous Nous sentons tout près de vous par la pensée. A cette prière Nous ajoutons la Bénédiction apostolique que vous avez sollicitée. Nous la donnons de tout Notre coeur au gouvernement et au peuple du Venezuela et tout particulièrement à Votre Excellence et à votre noble famille.

Ce discours fait suite à celui du 17 juin (cf. ci-dessus, p. 161) sur * les ennemis de l'union indissoluble » :

II. — Les méfaits de l'amour désordonné de soi-même.

Combien Nous est agréable, chers jeunes mariés, votre présence en ce lieu ! Vous venez, avec la même joie et la même dévotion que tant de foules avant vous, recevoir de Nos lèvres le salut et les voeux du Père, et sa Bénédiction apostolique pour la route de votre vie nouvelle. Et vous êtes venus après avoir consacré et confié vos familles naissantes à l'amour infini du Coeur de Jésus, à cet amour qui répand la force et la grâce, à cet amour qui respire l'humilité et la douceur, à cet amour tout divin qui a la puissance d'ennoblir et de sanctifier l'amour humain, la puissance de donner à votre mutuelle affection, pureté, profondeur, inébranlable constance.

Dans la dernière audience aux jeunes époux, Nous avons parlé de l'amour désordonné de soi-même, de cet amour qu'il faut bien distinguer de l'amour de soi-même légitime et salutaire, et dans lequel nous avons dénoncé un ennemi de l'indissoluble union du mariage chrétien ; aujourd'hui, Nous Nous proposons de vous en montrer avec plus de détails les malfaisants agissements, en si tranchante opposition par ses mesquines exigences, par ses mesquines tyrannies, par ses mesquines cruautés, avec cette généreuse bonté, cette douceur et humilité de coeur, ces sublimes vertus que Jésus vous presse si vivement d'apprendre et d'imiter.


Pie XII 1942 - ALLOCUTION AU SACRÉ COLLÈGE A L'OCCASION DE LA FÊTE DE SAINT EUGÈNE