Pie XII 1943 - ALLOCUTION AU COMITÉ NATIONAL ITALIEN A L'OCCASION DU JUBILÉ ÉPISCOPAL DU SOUVERAIN PONTIFE


ALLOCUTION AU COLLÈGE PONTIFICAL ESPAGNOL POUR LE CINQUANTENAIRE DE SA FONDATION

(8 juillet 1943) 1

A l'occasion du cinquantenaire de la fondation du Collège espagnol de Rome, le Saint-Père donne des conseils de travail et d'effort vertueux à ses élèves :

Très chers supérieurs, anciens et actuels élèves de Notre Collège espagnol de Saint-Joseph.

Deux motifs, dignes de votre affection et de votre piété, vous ont amenés, à Notre grande joie, devant Nous : vous avez voulu Nous montrer que, dans le concert universel de prières adressées au ciel à Nos intentions, les vôtres ne sont jamais absentes. Et vous avez désiré clore dans la maison du Père commun les cérémonies commémoratives de ce premier demi-siècle de vie de votre beau collège. Pour vos prières, Nous vous assurons de Notre paternelle reconnaissance et à votre joie Nous unissons de tout Notre coeur un coeur dans lequel votre collège occupe une si grande place, parce qu'il est à la fois pontifical et espagnol. Votre collège qui a été édifié précisément grâce au zèle de deux grands coeurs, celui d'un pontife, Notre immortel prédécesseur Léon XIII, et celui d'un Espagnol, gloire du clergé d'Espagne, Don Manuel Domingo y Sol.

Ce sont eux qui ont jeté la semence en terre et c'est nous qui la voyons devenue par la grâce divine une plante robuste dont les fleurs, transfigurées par l'éclat du martyre, répandent leur bienfaisant parfum — bonus odor Christi — à travers toute l'Espagne. Car ceux qui, un jour, ont bu de l'eau de la foi, jaillie du rocher

1 D'après le texte espagnol de Discorsi e Radiomessaggi, t. V, p. 113.

de Pierre, et qui ont forgé leurs âmes avec l'exemple des champions du christianisme dont le témoignage de sang a rendu illustre le nom de la Ville éternelle devant tous les siècles de l'histoire, n'ont pas appris en vain la leçon. Imitez-les, bien chers élèves, ut non segnes efficiamini, verum imitatores eorum, qui fide et patientia hereditabunt promissiones (He 6,12).

Votre patrie, encore convalescente, a besoin de votre précieux ministère, en même temps que de celui de vos frères sortis des autres universités pontificales ecclésiastiques. Ce ministère consistera probablement à transmettre aux futurs apôtres de votre pays les trésors de piété et de science déposés, au prix de beaucoup de fatigue, dans vos âmes par vos zélés et édifiants supérieurs — Nos très chers fils les Prêtres ouvriers diocésains du Coeur de Jésus — et par vos pieux et savants maîtres, professeurs de Notre Université grégorienne. Dans ses merveilleux desseins, Dieu vous a appelés à promouvoir la haute culture catholique dans votre chère patrie et cette vocation exigera probablement beaucoup de vous. Elle requerra déjà toute la sélection qui a présidé à votre envoi à Rome. Elle réclamera de vos éducateurs tout l'esprit de sacrifice, d'amour et de savoir que Nous avons déjà le plaisir de reconnaître. Elle nécessitera une ambiance favorable dans vos séminaires pour vous permettre d'y réaliser votre travail. Elle demandera compréhension de la part de ceux qui doivent vous procurer les moyens de transmettre ce que vous avez amassé au prix de tant de sueurs. Elle supposera en vous-mêmes toute la grâce d'en haut, toute cette bonne volonté, tous ces efforts sérieux et cette coopération généreuse qui feront de chacun de vous, bonus... minister Christi, enutritus verbis fidei et bonae doctrinae (1Tm 4,6) des hommes éminents par leur vie et par leur piété, capables de former les futurs apôtres par l'exemple et par la parole, autant dans le domaine de la doctrine et de l'étude que dans celui de l'ascèse et de la morale. Tout cela sans oublier la préparation de guides experts capables de prendre la tête du puissant renouveau spirituel dont les traits se dessinent déjà parmi les laïcs d'Espagne.

Tel est votre travail, telle est votre tâche. Attende lectioni... et docrinae. Noli negligere gratiam, quae in te est (1Tm 4,13-14). Donnez-vous, de toute votre âme juvénile, à l'acquisition de la vertu et de la science, mais à l'acquisition de la vertu d'abord, avant la science : Amate scientiam, sed anteponite caritatem2. Et si vous

2 Saint Augustin, Serm. 354, c. 6 ; Migne, P. L., t. 39, col. 1566.

désirez des modèles, regardez autour de vous, les grands exemples que vous offre votre pays : tel cet apôtre d'Andalousie qui savait consacrer la plus grande partie de ses journées à la prière et le reste à l'étude et au ministère sacerdotal. Telle aussi cette lumière de la science religieuse, Jaime Balmes, qui, comme le souligne son meilleur biographe, surmonta les heures les plus difficiles de son existence en s'appuyant avant tout sur les secours surnaturels et ensuite sur l'étude et sur de dignes occupations.

C'est cela que Dieu et votre patrie attendent de vous. Notre bénédiction que Nous vous donnons de tout coeur, veut être un encouragement supplémentaire sur le chemin de votre futur apostolat dans la patrie de saint Léandre, de saint Isidore et de saint Ildephonse, de saint Joseph Oriol et du bienheureux Jean d'Avila. Bénédiction qui ira réconforter vos frères aimés qui livrent le bon combat à des postes si divers, pour le plus grand honneur du collège. Bénédiction qui sera une juste récompense pour ceux qui travaillent à votre formation avec un esprit profondément sacerdotal. Bénédiction pour votre patrie, pour vos familles, pour tout ce que, en ce moment, vous portez dans l'esprit et le coeur et d'une manière toute spéciale pour vos projets d'apostolat. Enfin, pour vous, chers élèves, bénédiction qui sera le gage des puissants secours divins, dans vos travaux d'aujourd'hui, vos tâches de demain, pour la plus grande gloire de Dieu, pour le bien de votre catholique patrie et pour l'honneur de Notre et de votre Collège espagnol de Saint-Joseph.


LETTRE

A S. EM. LE CARD. MARCHETTI-SELVAGGIANI VICAIRE DU PAPE POUR LE DIOCÈSE DE ROME

(20 juillet 1943) 1

Au lendemain du premier bombardement de Rome, qui atteignit particulièrement les quartiers de Saint-Laurent hors les murs et du Campo Verano, et de la visite émouvante que le pape fit aux habitants des quartiers sinistrés, Pie XII adressa à son cardinal-vicaire pour le diocèse de Rome la lettre suivante :

A vous qui participez d'aussi près à Notre gouvernement et à Nos soucis pastoraux pour ce diocèse de Rome, centre et capitale de l'univers catholique, de la pensée et de la foi chrétiennes, Nous voulons faire parvenir Notre parole en une heure de particulière amertume dans laquelle est plongée Notre âme.

Vous savez bien comment le triste spectacle des massacres et des ruines qui s'accumulent — douloureuse primauté de la présente guerre ! — sur les populations sans armes et innocentes, Nous a poussé, dès le début du conflit, à tout tenter pour que, même dans le heurt des armes, les sentiments et les principes d'humanité ne fussent pas complètement bouleversés et étouffés par les passions.

C'est pourquoi dans Nos messages à tous les fidèles Nous avons rappelé aux belligérants, de quelque côté qu'ils combattent, que, s'ils voulaient tenir bien haut la dignité de leurs nations et l'honneur de leurs armes, ils eussent à respecter la vie des citoyens pacifiques et les monuments de la foi et de la civilisation. Pensez — voulions-

Nous leur dire — quel jugement sévère les générations futures porteront sur qui a détruit ce qui devait être jalousement gardé, comme richesse et gloire de toute l'humanité, du progrès des peuples. Réfléchissez que la haine ne fut jamais la mère de la paix et le ressentiment causé par de vastes et non nécessaires 'destructions fait surgir plus tardif et moins stable, moins serein, le jour d'un pacifique accord, lequel ne peut consister dans l'humiliation des vaincus, mais ne repose et ne s'affermit que sur la concorde fraternelle, réconciliatrice des esprits et modératrice des passions et des rancunes.

Comme évêque de cette noble cité, Nous Nous sommes employé avec un intérêt assidu — et vous avez suivi vous-même, Monsieur le cardinal, toutes Nos démarches — à ce que fussent épargnés à Notre chère Rome les horreurs et les dommages des bombardements.

Sans rappeler l'immense importance historique de la ville antique, pour Nous Rome est la cité sainte du catholicisme, élevée à une gloire nouvelle et plus brillante grâce au nom du Christ, riche de remarquables monuments de la religion et de l'art, gardienne de reliques et de documents extrêmement précieux ; Rome, dont les souterrains furent, aux temps des plus violentes persécutions, les premiers refuges du peuple chrétien et des martyrs qui rendirent sacrés les amphithéâtres et les cirques, aux tombeaux desquels on descend encore pour prier comme au berceau du christianisme ; Rome, sur le territoire de qui sont disséminés les dicastères de la Curie romaine, de nombreux instituts et oeuvres pontificales ; des organismes internationaux et des collèges qui dépendent de Nous ; tant et tant de sanctuaires, sans compter Nos superbes basiliques patriarcales ; tant de bibliothèques et d'ceuvres des plus fameux génies des beaux-arts ; Rome, où tant d'hommes viennent de partout pour s'instruire non seulement dans la foi, mais encore dans la sagesse ancienne, vers qui ils regardent comme vers un phare de civilisation fondée sur les vertus chrétiennes. Mais en outre, presque au centre de la ville — et par conséquent exposée aux dangers des attaques aériennes — se trouve Notre Cité du Vatican, Etat indépendant et neutre, qui rassemble d'inestimables trésors de foi et d'art, patrimoine sacré non seulement du Siège apostolique, mais du monde catholique tout entier.

Tout cela, Nous l'avons rappelé clairement et à plusieurs reprises, recommandant à qui de droit, au nom de la dignité humaine et de la civilisation chrétienne, l'intégrité de Rome.

Il Nous semblait permis d'espérer que la force de si évidentes raisons, l'autorité dont Nous sommes revêtu malgré Notre indignité, la reconnaissance commune de Notre suprême impartialité, de Notre large et constante activité de bienfaisance au profit de tous, sans distinction de nationalité ou de confession religieuse, Nous auraient procuré, au milieu de tant d'amertumes, le réconfort de trouver auprès des deux parties belligérantes accueil pour Notre intervention en faveur de Rome.

Mais, hélas ! Notre espérance si raisonnable a été déçue. Et maintenant, ce que Nous avons voulu écarter est arrivé ; ce que Nous avons prévu et craint est une bien triste réalité, car une des plus insignes basiliques romaines, celle de Saint-Laurent hors les murs, chère à la vénération de tous les catholiques par ses antiques souvenirs et par le noble tombeau de Notre vénéré prédécesseur Pie IX, est désormais en grande partie détruite. En contemplant les ruines de ce temple célèbre, Nous sont revenues à la mémoire les paroles du prophète Jérémie : « Comment l'or s'est-il terni, l'or pur s'est-il altéré ? Comment les pierres sacrées ont-elles été dispersées ?... » (Lm 4,1)

La douloureuse expérience des faits démontre encore une fois comment, malgré les précautions que l'on veut prendre, il est presque impossible d'éviter, sur ce sol sacré de Rome, l'effondrement de vénérables édifices.

C'est pourquoi Nous Nous croyons en devoir d'élever de nouveau Notre voix pour défendre les plus hautes valeurs qui font l'ornement et la grandeur de l'homme et du chrétien, et aussi parce que c'est Notre intention, comme Notre coeur Nous y pousse, de protéger devant l'opinion de tous les gens de bien et le jugement des générations futures, le dépôt que Nous avons reçu la charge de garder et de transmettre.

Si Notre parole jaillit d'un coeur blessé, elle ne veut être nullement une excitation au ressentiment et à la haine, mais un appel insistant et — Nous voudrions le souhaiter — efficace à des sentiments de noble compréhension du destin sacré de Rome, non moins que d'humanité et de charité chrétienne.

A Nos diocésains de Rome, si durement éprouvés et dont Nous avons pu voir de Nos propres yeux le sort malheureux, au milieu des ruines récentes, Nous avons cherché à venir aussitôt au secours avec tous les moyens dont Nous avons pu disposer. Nous leur disons : « Montrez aujourd'hui plus que jamais l'ardeur et la preuve de cette foi que l'Apôtre des nations louait déjà chez vos ancêtres. La résignation chrétienne vous rendra supportables la douleur et les privations. Que le malheur soit pour vous un stimulant à purifier vos âmes, à expier vos fautes, à retourner au Seigneur ou à vous en approcher davantage. »

A tous Nos fils qui ont les yeux fixés sur Rome et sur le Vicaire du Christ, lequel, comme évêque, est, à un titre spécial, leur Père affectueux, partout où ils se trouvent — et particulièrement à tous ceux que, dans le monde entier, l'expérience de leur propre douleur et de celle des autres, a rendus plus compatissants aux multiples misères humaines — Nous adressons, avec une paternelle insistance, l'invitation à faire monter des prières confiantes vers le Seigneur, pour qu'il hâte l'heure de sa miséricorde, quand, une fois les armes déposées et les esprits apaisés, resplendira de nouveau sur le monde bouleversé la lumière et la joie de la véritable paix.

C'est avec cet espoir dans le coeur que Nous vous accordons, à vous, Monsieur le cardinal, à Notre clergé et à Notre peuple très chers de Rome, la Bénédiction apostolique.


LETTRE AU SECRÉTAIRE D'ÉTAT POUR PRESCRIRE DES PRIÈRES PUBLIQUES EN FAVEUR DE LA PAIX

(5 août 1943)1

Alors que les deuils et les dévastations de la guerre se multiplient, avec les innombrables souffrances qu'elle cause, le Saint-Père demande à nouveau à S. Em. le cardinal Maglione, secrétaire d'Etat, de prescrire au jour prochain de l'Assomption des prières publiques en faveur de la paix.

Tandis que la concorde fraternelle des nations est malheureusement brisée, que la force des armes broie cruellement et accable non seulement les armées, mais encore les foules pacifiques des milieux populaires, qu'elle domine et commande presque dans le monde entier, Nous, qui portons dans Notre coeur paternel les souffrances et les angoisses de tous, Nous ne négligeons aucun effort pour rétablir la charité parmi ceux qui se haïssent, et à la place de la discorde et de la lutte, ramener l'entente mutuelle et les bienfaits d'une paix sereine. Mais puisque les oreilles des hommes paraissent fermées à Notre voix inquiète et suppliante, Nous tournons Nos prières et Nos yeux pleins de tristesse vers le Père des miséricordes et le Dieu de toute consolation (h Cor., 1, 3) et Nous désirons que tous reviennent à lui par la pénitence et la prière. Nous l'avons déjà fait plusieurs fois, comme vous le savez, depuis que s'est allumée cette horrible guerre ; mais Nous Nous rendons spontanément et volontiers aux voeux que de nombreux fils Nous ont adressés de partout, et Nous décidons de recommencer, maintenant que le ciel, loin de s'éclaircir, s'obscurcit de nuages plus chargés de dangers, Nous voulons donc par vous, cher Fils, exhorter de plus en plus tous les fidèles, et surtout les évêques qui dirigent dans l'univers le troupeau qui leur est confié, à adresser des prières publiques d'autant plus ferventes à Dieu et à sa divine Mère que plus graves semblent les périls mortels qui menacent la famille des peuples chrétiens. Nous désirons que cela se fasse de façon spéciale le jour très prochain de l'Assomption de la très glorieuse Vierge Mère de Dieu, afin que, prenant en pitié tant de malheurs, de souffrances et d'angoisses de ses enfants, elle obtienne de son très indulgent Fils le pardon des péchés, qu'il rassérène les âmes par sa grâce et par son action divine, qu'il éteigne les haines et les discordes, qu'il rétablisse la concorde et qu'il fasse enfin luire un jour cette paix chrétienne qui seule permettra aux peuples, vaincus et vainqueurs, unis non par la force mais par la justice et l'équité, de jouir d'une paix tranquille et d'une prospérité durable.

Que tous offrent avec une sainte émulation et avec ferveur ces prières suppliantes et qu'à ces prières corresponde la vie de chacun, renouvelée en conformité avec les préceptes chrétiens et les moeurs chrétiennes. Que tous s'efforcent de servir d'exemple éclatant aux autres, et qu'ainsi il arrive heureusement qu'aux armes meurtrières des belligérants succèdent les armes pacifiques de la charité, de la prière et de l'amitié fraternelle.

Qu'il Nous soit permis d'exhorter tout particulièrement Nos très chers Fils les évêques d'Italie à imiter le courage chrétien et la foi de leurs ancêtres en ce temps de très grave et inévitable nécessité, et dès lors, comme aux siècles passés, à obtenir de Dieu, par des prières publiques, ce qu'eux et Nous-même désirons, en demandant l'intercession auprès de lui des innombrables saints que cette terre généreuse a enfantés au ciel dans le cours des âges.

A vous, Notre cher Fils, Nous confions le soin de transmettre de la manière la plus appropriée Notre exhortation paternelle, à tous, spécialement aux évêques du monde catholique que Nous savons toujours être soumis à Notre volonté.

En attendant, comme présage des dons célestes et témoignage de Notre bienveillance, Nous vous donnons avec un très grand amour la Bénédiction apostolique à vous, Notre cher Fils, et à tous les fils que Nous avons dans le Christ et à chacun d'eux.


TÉLÉGRAMMES A S. EM. LE CARDINAL SCHUSTER ET AU R. P. GEMELLI, A LA SUITE DES BOMBARDEMENTS AÉRIENS

A MILAN

(7 août 1943)1

Les bombardements aériens ayant causé à Milan de graves dommages à plusieurs églises et à la Bibliothèque Ambrosienne, ainsi que la destruction totale des bâtiments administratifs de l'Université catholique du Sacré-Coeur, le Saint-Père a daigné exprimer sa compassion en un télégramme adressé à l'archevêque de Milan, S. Em. le cardinal Schuster :

Intimement proche de votre coeur de pasteur si profondément endolori par la violence subie par tant de vos fils aimés et par tant de choses sacrées, Nous invoquons de Dieu pour ceux qui ont été atteints le réconfort suprême de la foi chrétienne, pour les morts le repos qui n'a pas de déclin et pour tous le don si désiré de la paix. Pour vous, pour votre clergé si zélé, pour votre cher troupeau tout entier et particulièrement pour ceux qui souffrent, Nous vous envoyons une Bénédiction apostolique particulière. ,

Un second télégramme a été adressé au recteur de l'Université catholique, le R. P. Gemelli :

Nous associant avec un coeur paternel à la profonde douleur que vous avez éprouvée en assistant à de si vastes destructions dans votre Université catholique, fruit des sacrifices et source de grandes espérances des chrétiens d'Italie, Nous vous adressons à vous et à vos vaillants collaborateurs une Bénédiction qui vous réconforte et Nous souhaitons une prompte renaissance de cette université si méritante.

1 D'après le texte italien de VOsservatore Romano, du 25 août 1943.


RADIOMESSAGE AU MONDE ENTIER

POUR LE IVe ANNIVERSAIRE DU COMMENCEMENT DE LA GUERRE

(1er septembre 1943) 1

Dans ce radiomessage pour le IVe anniversaire du commencement de la guerre, le Saint-Père adresse un nouvel appel aux dirigeants des Etats qu'ils entendent les aspirations du monde entier à la paix.

L'action du pape en faveur de la paix.

Quatre années s'achèvent aujourd'hui depuis le jour affreux qui donna naissance à la guerre la plus formidable, la plus destructrice et la plus dévastatrice de tous les temps, dont la vision terrifie quiconque nourrit dans sa poitrine un esprit et des sentiments d'humanité.

Dans le pressentiment d'une aussi universelle calamité qui menaçait la grande famille humaine, Nous adressions, peu de jours avant le déclenchement des hostilités, le 24 août 1939, aux gouvernants et aux peuples, un appel chaleureux et un avertissement suppliant : « Rien — disions-Nous — n'est perdu avec la paix. Tout peut être perdu avec la guerre ! » 2.

Notre voix parvint aux oreilles mais n'éclaira pas les intelligences et ne descendit pas dans les coeurs. L'esprit de violence a vaincu l'esprit de la concorde et de l'entente : une victoire qui fut une défaite.

Aujourd'hui, au seuil de la cinquième année de guerre, même ceux qui comptaient alors sur des opérations militaires rapides et une prompte paix victorieuse, tournant leurs regards sur tout ce qui les

1 D'après le texte italien des A. A. S., 35, 1943, p. 277 ; cf. la traduction française des " de S. S. Pie XU, t. V, p. 200.

2 Radiomessage du 24 août 1939 ; voir Documents Pontificaux 1939, p. 240.


1S

entoure dans leur patrie et au-dehors, n'éprouvent que douleurs et n'aperçoivent que des ruines. A beaucoup d'hommes, dont les oreilles demeurèrent sourdes à Nos paroles, la triste expérience et le spectacle d'aujourd'hui enseignent combien Notre avertissement et Notre pronostic correspondaient à la réalité de l'avenir.

Un amour impartial pour tous les peuples sans exception et une préoccupation vigilante pour leur bien-être inspiraient alors Nos paroles. Le même amour et la même préoccupation Nous poussent en cette heure grave et angoissante, et mettent sur Nos lèvres des paroles qui veulent être à l'avantage de tous et au détriment de personne, tandis que Nous supplions instamment le Dieu tout-puissant d'ouvrir à ces paroles la voie des coeurs et des décisions des hommes dans les mains desquels se trouve le sort de l'humanité affligée.

A travers des luttes gigantesques, les vicissitudes extérieures de la guerre se rejoignent et convergent vers leur point culminant.

Jamais l'exhortation de la Sainte Ecriture : « Soyez avertis, juges de la terre » (Ps 2,10), ne fut plus invoquée et plus urgente qu'à cette heure où parle à tous la tragique réalité.

Partout les peuples rentrent en eux-mêmes pour méditer, les yeux fixés sur les ruines. La vraie sagesse est de les encourager et de les soutenir dans leurs épreuves. Les décourager serait un funeste aveuglement.

Partout l'esprit des peuples se détourne du culte de la violence et dans l'affreuse moisson de mort et de destruction en voit la condamnation méritée.

Dans toutes les nations s'accroît l'aversion pour la brutalité des méthodes d'une guerre totale qui conduit à dépasser toute limite de l'honnêteté et toute règle du droit divin et humain. Plus torturant que jamais pénètre dans l'esprit et le coeur des peuples et les ronge la question de savoir si la continuation de la guerre, et d'une telle guerre, est et peut encore être jugée conforme aux intérêts nationaux, raisonnable et justifiable devant la conscience humaine et chrétienne ?

Après tant de traités violés, après tant de conventions déchirées, après tant de promesses sans résultat, après tant de changements contradictoires dans les sentiments et dans les actes, la confiance entre les nations a décru et est tombée si bas qu'elle enlève force et ardeur à toute résolution généreuse.

IVe ANNIVERSAIRE DE LA GUERRE

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Appel aux responsables de la paix.

C'est pourquoi Nous Nous adressons à tous ceux à qui il incombe de provoquer les rencontres et l'entente pour la paix, avec sur les lèvres la prière qui jaillit du fond de Notre coeur endolori, et Nous leur disons :

La vraie force n'a pas à craindre d'être généreuse. Elle possède toujours les moyens de se garantir contre toute fausse interprétation de son empressement à vouloir la paix et contre les autres répercussions possibles.

Ne troublez pas, n'offusquez pas l'aspiration des peuples pour la paix, par des actes qui, au lieu d'encourager la confiance, rallument plutôt les haines et raffermissent la décision de résister.

Donnez à toutes les nations l'espoir fondé d'une paix digne, qui n'offense ni leur droit à la vie ni leur sentiment d'honneur.

Faites apparaître au plus haut degré la loyale concordance entre vos principes et vos résolutions, entre les affirmations en faveur d'une paix juste et les faits.

Alors seulement il sera possible de créer une atmosphère sereine dans laquelle les peuples, à un moment donné moins favorisés par la fortune de la guerre, pourront croire à la renaissance et au progrès d'un nouveau sentiment de justice et de communauté entre les nations et tirer de cette foi les conséquences naturelles d'une confiance plus grande pour l'avenir, sans avoir à craindre de compromettre la conservation, l'intégrité ou l'honneur de leur pays.

Bénis ceux qui avec une volonté inflexible contribuent à préparer le terrain où germe et fleurit, se renforce et mûrit le sens de la véracité et de la justice internationale.

Bénis ceux qui — à quelque groupe de belligérants qu'ils appartiennent — avec non moins de rectitude de vouloir et le regard tourné vers la réalité contribuent à dépasser le point mort où s'arrête aujourd'hui, entre la guerre et la paix, le fléau de la fatale balance.

Bénis ceux qui se maintiennent libres, eux et leurs peuples, de la pression des opinions préconçues, comme de l'influence des passions déchaînées, d'un égoïsme effréné, d'une soif illégitime du pouvoir.

Bénis ceux qui prêtent l'oreille aux voix suppliantes des mères, qui ont donné la vie à leurs fils pour qu'ils grandissent dans la foi et dans une activité généreuse, non pour tuer ou se faire tuer ; ceux dont l'oreille s'ouvre aux supplications angoissées des familles frappées a mort par les séparations forcées, au cri toujours plus insistant des peuples qui, après tant de souffrances, de privations et de deuils, ne demandent pas autre chose pour leur vie que la paix, le travail et le pain.

Bénis enfin ceux qui comprennent que la grande oeuvre d'une nouvelle et véritable organisation des nations est impossible si le regard ne s'élève vers Dieu et ne reste fixé en lui qui, maître et ordonnateur de tous les événements humains, est source suprême, gardien et vengeur de toute justice et de tout droit.

Mais malheur à ceux qui en ce moment terrible ne s'élèvent pas jusqu'à la pleine conscience de la responsabilité qu'ils portent du destin des peuples, à ceux qui alimentent haines et conflits entre les nations, qui édifient leur puissance sur l'injustice, qui oppriment et tourmentent ceux qui sont sans défense et les innocents (cf. Jér. Jr 22,13) ; voici que la colère de Dieu viendra sur eux jusqu'à la fin (cf. 1Th 2,16) !

Daigne le divin Rédempteur, sur les lèvres de qui résonnèrent les paroles : « Bienheureux les pacifiques », éclairer les puissants et les conducteurs des peuples, diriger leurs pensées, leurs sentiments et leurs délibérations, les rendre au-dedans comme au-dehors forts, fermes devant les obstacles, les méfiances et les embûches qui barrent les voies qui doivent préparer et réaliser une paix juste et durable.

Que leur sagesse et leur modération, leur force de volonté et leur vif sentiment d'humanité puissent faire tomber un rayon de réconfort au commencement, baigné de sang et de larmes, de cette cinquième année de guerre, et donner aux victimes survivant à l'épouvantable conflit, courbées sous le poids des douleurs, la joyeuse espérance que cette année ne se terminera pas sous le signe sombre du carnage et de la destruction, mais sera principe et aurore d'une vie nouvelle, de réconciliation fraternelle, de concorde et de diligent travail reconstructeur.

Avec cette confiance, Nous accordons à tous Nos chers fils et filles de l'univers catholique, ainsi qu'à tous ceux qui se sentent unis à Nous dans l'amour et le travail pour la paix, Notre paternelle Bénédiction apostolique.


TÉLÉGRAMME A S. EM. LE CARDINAL NASALLI ROCCA DI CORNELIANO, ARCHEVÊQUE DE BOLOGNE, A LA SUITE DES BOMBARDEMENTS AÉRIENS

(9 septembre 1943) 1

A la suite de la récente nouvelle attaque aérienne de Bologne, le Saint-Père a fait parvenir à l'archevêque de cette ville, S. Em. le cardinal Nasalli Rocca di Corneliano, ce télégramme :

La nouvelle incursion aérienne contre votre ville bien-aimée se répercute amèrement dans Notre coeur qui, tout en implorant du ciel paix pour les morts, consolation pour les victimes, miséricorde pour tous, afin que soient abrégés les jours d'épreuve, vous bénit tous affectueusement.

1 D'après le texte italien de l'Osservatore Romano, du 9 septembre 1943.


LETTRE APOSTOLIQUE DÉCLARANT PATRONNES CÉLESTES SECONDAIRES SAINTE CATHERINE DE SIENNE POUR LES FEMMES D'ITALIE VOUÉES AU SERVICE DES MALADES ET SAINTE CATHERINE DE GÊNES POUR LES HOPITAUX D'ITALIE

(15 septembre 1943) 1

Parmi les très graves et nombreux soucis au milieu desquels Nous remplissons Notre ministère apostolique, Nous avons à coeur d'appliquer avec une vigilance soutenue Notre sollicitude pastorale principalement à ce qui vise à procurer d'une façon opportune le bien spirituel des fidèles. C'est guidé par cette intention que Nous avons jugé bon de répondre favorablement aux prières que Nous a adressées le président de l'Union catholique pour le soulagement des malades exprimant les voeux des autres associations en faveur de l'assistance aux malades, prières par lesquelles il Nous demandait instamment de bien vouloir déclarer sainte Catherine de Sienne ainsi que sainte Catherine de Gênes, patronnes célestes des femmes vouées au soin des malades et des hôpitaux. Notre prédécesseur de récente mémoire, le pape Pie XI, tenant compte des lettres du pape Léon XIII données sous l'anneau du Pêcheur au mois de juillet en 1886 au sujet de saint Jean de Dieu et de saint Camille de Lellis, patrons des hôpitaux et des malades, les avait constitués patrons célestes de tous les infirmiers des deux sexes et de leurs associations en tous lieux du monde pour maintenant et à l'avenir.

SAINTES CATHERINE DE SIENNE ET CATHERINE DE GÊNES 231

A sa suite, il Nous paraît spécialement opportun de présenter à l'admiration des femmes d'Italie vouées au service des malades les hauts faits des élus du ciel capables de les enflammer d'esprit chrétien dans le soin des malades et de les fortifier par le secours et l'exemple de ces saintes brûlant du feu de l'amour, dont elles postulent le patronage. Sainte Catherine de Gênes, veuve, remarquable par son mépris du monde et son amour envers Dieu, s'occupa longtemps du soin des malades et de la fondation d'hôpitaux en Ligurie ; sainte Catherine de Sienne, vierge, que Nous avons établie Nous-même patronne principale de l'Italie, animée toujours d'une admirable charité à l'égard du prochain, n'épargna aucun labeur et aucune peine pour procurer le bien spirituel et temporel de son prochain. C'est pourquoi il est bon de proposer, surtout en ces temps orageux, ces merveilleux exemples de deux saintes italiennes à l'imitation de ces femmes d'Italie qui, ayant la charge des malades, ne manqueront pas d'implorer le secours et la protection de ces saintes dans l'accomplissement de leur difficile devoir.

C'est pourquoi, ayant pris l'avis de Notre Vénérable Frère le cardinal de la Sainte Eglise romaine évêque de Palestrina, préfet de la Sacrée Congrégation des Rites, de science certaine et après mûre délibération, dans la plénitude de Notre puissance apostolique, en vertu des présentes lettres, maintenant les saints Camille de Lellis et Jean de Dieu comme principaux patrons, Nous choisissons, déclarons et instituons à perpétuité comme patronnes célestes secondaires auprès de Dieu sainte Catherine de Sienne, vierge, pour les femmes d'Italie vouées au service des malades, et sainte Catherine de Gênes, veuve, pour les hôpitaux d'Italie.

Nonobstant toutes choses contraires...


ENCYCLIQUE « DIVINO AFFLANTE » SUR L'OPPORTUNITÉ DE PROMOUVOIR L'ÉTUDE DE LA BIBLE

(30 septembre 1943) 1

INTRODUCTION

Occasion de l'encyclique * Providentissimus Deus » Manière d'en célébrer le cinquantenaire

Sous l'inspiration de l'Esprit-Saint, les écrivains sacrés ont composé les livres que Dieu, dans sa paternelle bonté, a voulu donner au genre humain « pour enseigner, convaincre, corriger, former à la justice, en vue de rendre l'homme de Dieu parfait, apte à toute bonne oeuvre » (2Tm 3,16 ss.). Ce trésor qui lui est venu du ciel, l'Eglise le tient comme la source la plus précieuse et une règle divine de la doctrine de la foi et des moeurs. Il n'est donc pas étonnant qu'elle l'ait gardé avec le plus grand soin, tel qu'elle l'a reçu intact des mains des apôtres ; qu'elle l'ait défendu contre toute interprétation fausse et perverse ; qu'elle l'ait employé avec zèle dans sa tâche de procurer aux âmes le salut éternel, comme d'innombrables documents de toute époque l'attestent clairement.

Mais parce que, dans les temps modernes, la divine origine des Saintes Ecritures et leur interprétation correcte ont été particulièrement mises en question, l'Eglise s'est appliquée à les défendre et à les protéger avec encore plus d'ardeur et de soin. Aussi, le saint Concile de Trente, dans un décret solennel, a-t-il déjà déclaré, au sujet de la

1 D'après le texte latin des A. A. S., 35, 1943, p. 297 ; traduction française publiée officiellement à Rome par l'Imprimerie polyglotte vaticane. Les titres et sous-titres ont été ajoutés d'après l'index des A. A. S. eux-mêmes (vol. XXXV, p. 326).

Bible, qu'on devait en reconnaître « comme sacrés et canoniques les livres entiers, avec toutes leurs parties, tels qu'on a coutume de les lire dans l'Eglise catholique et tels qu'ils sont contenus dans l'ancienne édition de la Vulgate latine » 2.

Puis, de notre temps, le Concile du Vatican, voulant réprouver de fausses doctrines sur l'inspiration, a déclaré que l'Eglise tient les Livres Saints pour sacrés et canoniques, « non parce que, oeuvre de la seule industrie humaine, ils auraient été approuvés ensuite par son autorité ni pour cette seule raison qu'ils contiendraient la vérité sans erreur, mais parce que, écrits sous l'inspiration du Saint-Esprit, ils ont Dieu pour auteur et ont été transmis comme tels à l'Eglise » 3.

Plus récemment cependant, en dépit de cette solennelle définition de la doctrine catholique, qui revendique pour ces « livres entiers, avec toutes leurs parties », une autorité divine les préservant de toute erreur, quelques écrivains catholiques n'ont pas craint de restreindre la vérité de l'Ecriture Sainte aux seules matières de la foi et des moeurs, regardant le reste, du domaine de la physique ou de l'histoire, comme « choses dites en passant » et n'ayant — ainsi qu'ils le prétendirent — aucune connexion avec la foi. Mais Notre prédécesseur Léon XIII, d'immortelle mémoire, dans son encyclique Providentissimus Deus, du 18 novembre 1893, a confondu à bon droit ces erreurs et réglé l'étude des Livres divins par des instructions et des directives très sages.

Puisqu'il convient de célébrer le 50e anniversaire de la publication de cette encyclique, considérée comme la loi fondamentale des études bibliques, après avoir affirmé, dès le commencement de Notre pontificat, Notre intérêt pour les sciences sacrées 4, Nous avons jugé très opportun, d'une part, de rappeler et de confirmer ce que Notre prédécesseur a établi dans sa sagesse et ce que ses successeurs ont ajouté pour affermir et parfaire son oeuvre ; d'autre part, d'indiquer ce que les temps présents semblent postuler, afin de stimuler de plus en plus à une entreprise aussi nécessaire et aussi louable tous les fils de l'Eglise qui s'adonnent à ces études.

2 Sess. IV, décr. 1 ; Ench. Bibl., n. 45.

3 Sess. III, cap. II ; Ench. Bibl., n. 62.

4 Sermo ad alumnos Seminariorum... in Urbe, 24 juin 1939 ; A. A. S., vol. XXXI, 1939, 245-251. Cf. Documents Pontificaux 1939, p. 151 et suiv.


Pie XII 1943 - ALLOCUTION AU COMITÉ NATIONAL ITALIEN A L'OCCASION DU JUBILÉ ÉPISCOPAL DU SOUVERAIN PONTIFE