Pie XII 1946 - DISCOURS AUX PRÉSIDENTS DIOCÉSAINS DE LA JEUNESSE MASCULINE DE L'ACTION CATHOLIQUE ITALIENNE


ALLOCUTION A DES OFFICIERS DES FORCES NAVALES DES ÉTATS-UNIS

! (20 avril 1946) 1

Recevant S. Exc. l'amiral Henry K. Hewitt, commandant des Forces navales américaines en Europe, et sa suite, le Saint-Père leur a adressé ces paroles sur la divine source de la force et de la noblesse :

Ce fut toujours une tradition dans la marine des Etats-Unis que ses officiers, en temps de paix comme aux moments d'extrême danger, donnent à un degré eminent l'exemple des qualités de maîtrise de soi sans lesquelles personne ne peut obtenir le respect de ceux qui sont sous son commandement. C'est pour atteindre ce but que votre entraînement professionnel est organisé et, ce qui est plus important encore, à cette fin aussi que vous sont enseignés les principes de conduite qui donnent la vraie noblesse de caractère.

Les chefs doivent aussi être dirigés ; car eux aussi ne sont que des hommes. Ils ont aussi besoin de l'inspiration de l'exemple.

Dieu leur a donné, comme à tout homme, quelle que soit sa position, comme modèle et comme seul guide l'imitation de Celui qui fait la vraie grandeur. Demain, jour de Pâques, le monde chrétien commémore la gloire du Ressuscité. Personne d'autre ne peut être aussi parfait que lui, personne aussi digne d'être imité ; car il est tout à la fois humain et divin, Dieu et homme, et donc le plus noble caractère qui puisse exister.

Messieurs, lorsque vous vous efforcez de vous perfectionner dans votre profession, modelez votre caractère sur le Christ. Une courageuse et constante mise en pratique des principes qu'il nous a enseignés rejaillira sur votre propre honneur et sur l'honneur de votre


FORCES NAVALES DES ÉTATS-UNIS

133

pays, servira au bien des hommes que vous commandez et sera une contribution puissante, quoique pacifique, à l'amélioration de l'humanité.

Comme témoignage du plaisir que Nous avons eu à vous accueillir aujourd'hui, Nous prions pour que vous et ceux qui vous sont chers receviez abondamment les précieuses bénédictions de Pâques.


DISCOURS A UN GROUPE DE PROFESSEURS ET D'ÉTUDIANTS FRANÇAIS

(25 avril 1946) 1

Aux professeurs et étudiants catholiques des universités et instituts catholiques de France, le pape recommande la recherche et l'enseignement de la vérité, l'aide apportée par la réflexion à cette recherche, la foie de connaître et la foie d'enseigner.

A votre témoignage de filiale dévotion envers le Vicaire du Christ, Chef visible de son Eglise, répond, très chers fils, la manifestation de Notre particulière affection paternelle, précisément en votre qualité d'élite intellectuelle de la France, de professeurs et étudiants catholiques des universités.

Recherche et enseignement de la vérité éternelle qui est lumière.

Vous ne sauriez vous en étonner. Le Christ, en effet, est et aime à s'appeler la Lumière ; le Christ est le Verbe, la splendeur du Père, la Parole éternelle par laquelle ce Père divin exprime adéquatement sa perfection infinie ; il est le Verbe incarné venu parmi nous, dans notre chair, pour baigner dans sa clarté tout homme qui naît en ce monde. Il a institué son Eglise pour la répandre.

Or, qu'êtes-vous donc, sinon ceux qui, avides de toujours plus de lumière, la cherchent infatigablement, passionnément, à sa source divine ; ceux qui, épris de son amour, ont voué leur vie à la verser, toute jaillissante du débordement de leur intelligence et de leur coeur ? Qu'êtes-vous encore, sinon ceux qui, adorant la Parole éternelle, expression infiniment belle de l'infinie Beauté, épient sur les lèvres et sous la plume des hommes, dans l'éloquence, la littérature, la poésie, l'histoire, l'écho de cette expression ?

La lumière ? 'Maîtres illustres, titulaires des grandes chaires dont vous avez gravi les degrés au prix de longues et ardentes études, vous la cherchez aujourd'hui avec plus de passion encore qu'au premier jour : devant vos pas, les abîmes à sonder se creusent, toujours plus profonds ; sous vos yeux, le champ à explorer s'étend toujours plus vaste ; au-dessus de vos têtes, le ciel, d'où la lumière descend, élève toujours plus haut sa voûte. Et, tandis que les médiocres se glorifient, vaniteusement satisfaits de leurs mesquines connaissances, les vrais savants éprouvent une sorte de vertige, comme une indicible angoisse à constater, de plus en plus, la disproportion entre la lueur qu'ils possèdent et la plénitude de lumière à laquelle ils aspirent.

Mais cette angoisse est bien diverse selon les hommes, selon les âmes. Désespérant de jamais conquérir la plénitude de la vérité, les uns poursuivent leur labeur à la manière de l'avare qui accumule avec passion, sans relâche, sans goûter autre chose que l'amère conviction de ne pouvoir contenter jamais son insatiable avidité. D'autres, ne voulant connaître que la lumière planétaire des créatures sans croire au soleil qui les illumine toutes, ressemblent au papillon fourvoyé dans la salle close ; il voltige, éperdu, et, de chaque coup d'aile, va se heurter au plafond impitoyablement infranchissable. D'autres encore se rendent, il est vrai, à l'évidence qu'il existe une lumière plus haute, source des autres, mais, faute de l'adorer, et n'adorant que la pauvre science humaine qu'ils en ont, retombent de tout leur poids, aveuglés par la splendeur dont ils ont voulu, par leurs seules forces naturelles, scruter la majesté.

Pour tous ceux-là, le déclin de la vie d'ici-bas n'est qu'un dernier crépuscule, triste précurseur de la nuit fatale et sans lendemain. Tous ceux-là font leur — l'accent seul diffère — 'la touchante lamentation, si humainement cueillie par Euripide sur les lèvres d'Iphigénie en route vers le sacrifice sans espérance : « Il est si doux de voir la lumière du jour ! » 2

Hélas ! la nuit, déjà, pèse sur eux si lourdement qu'ils se sont mis à douter de la puissance de leur propre raison à saisir la vérité, de l'aptitude de leurs sens à connaître même la réalité matérielle du monde qu'ils traversent comme en rêve. Il a fallu que l'Eglise vînt, au nom même de la Lumière éternelle, prendre la défense de nos lumières qui dérivent d'elle ou qui la reflètent, et qu'elle a créées expressément pour nous conduire par les voies naturelles jusqu'aux

2 Iphigênie à Aulis, v. 1218-1219.

confins de la Révélation. Et c'est l'Eglise encore qui nous prend par la main pour franchir ces confins, avec les secours de la foi, en attendant de parvenir à la contemplation, sans voile et sans reflet, dans la lumière de la gloire.

Mutuelle collaboration entre l'Eglise et la raison humaine.

Sur la route même, l'Eglise nous fait marcher d'un pas sûr. Entre elle et la raison, il y a un pacte de mutuelle collaboration. La raison donnée par Dieu à l'homme est capable de découvertes merveilleuses, mais, dans la pénombre, elle n'avancerait qu'en tremblant. L'Eglise, elle, n'a pas peur de rencontrer l'abîme ; certaine que toute lumière vient de Dieu, par les sens et par la raison aussi bien que par la , Révélation, elle ne craint point les interférences. Voilà pourquoi, dans tout le monde civilisé, elle a créé et développé ces magnifiques universités qui ont traversé les siècles et sur lesquelles s'attache toujours son regard tendrement maternel. Voilà pourquoi, encore de nos jours, elle renouvelle et entretient les académies où peuvent se rencontrer et coopérer ensemble les grands esprits de toutes les nations.

Plus heureux, infiniment, que le savant sans religion qui, les yeux écarquillés à scruter les phénomènes, à dénombrer les faits particuliers, s'acharne, dans son irrémédiable inquiétude, à la poursuite aveugle de leurs causes ultimes, du but de leur course dans la nuit, le savant croyant, lui, se repose dans la synthèse magnifique dont le noeud est en Dieu et peut chanter les vers immortels : O abondante grazia, ond'io presunsi — ficcar Io visa per la luce eterna — tanto che la veduta vi consunsi ! — Nel suo profondo vidi che s'interna, — legato con amor in un volume — cio per l'universo si squaderna 3.

Oui, c'est vraiment là ce qu'un des vôtres, grand chrétien et grand poète autant que grand géologue, appelait avec enthousiasme « la joie de connaître » 4.

La joie de connaître.

Cette joie de connaître, chers jeunes gens qui poursuivez vos études en vue de l'avenir, elle vous est offerte à vous aussi : ne la

8 Oh ! la grâce abondante, à qui je dus d'oser fixer des yeux la Lumière éternelle jusques au point d'y consommer ma vue ! Dans cette profondeur, je vis s'incorporer, reliés par l'amour en un volume unique, tous les feuillets épars dans l'univers (Dante, Paradis, XXXIII, v. 82-87).

* P. Termier, Discours aux cinq Académies de l'Institut, 25 octobre 1923.

dédaignez pas ! Ne soyez pas de ceux qui négligent de la savourer comme elle le mérite, qui la laissent passer, sans seulement y prendre garde, le long de leurs belles années qu'ils ne retrouveront plus ! Ne soyez pas de ces étudiants frivoles auxquels Nous ne voulons même pas faire allusion en vous parlant. Mais ne soyez pas non plus de ceux pour qui l'étude est à peu près uniquement la condition indispensable à la conquête du diplôme qui leur ouvrira la carrière dans laquelle ils désirent s'engager par goût ou par intérêt. Leur préoccupation trop mesquinement utilitaire leur met des oeillères : ils ne voient rien hors la matière immédiate de l'examen.

Il est incontestable que l'extension, indéfiniment croissante, de la vie intellectuelle dans le multiple domaine de la spéculation, de la technique, de l'action civique, politique, morale, sociale, rend absolument nécessaire la spécialisation, sous peine de disperser et de stériliser l'effort ; elle ne justifie pas pour autant l'isolement et l'exclusivisme qui rend l'esprit myope et met le coeur à l'étroit. Même dans vos spécialités respectives, vous excellerez si vous savez élargir vos horizons. Les objets particuliers des sciences, si divers à leurs bases, se joignent par les sommets dans l'unité de la vérité, de la lumière. Cherchez la vérité, cherchez la lumière, cherchez le Christ, et vous verrez dans sa clarté se concilier tous les contrastes, s'harmoniser toutes les dissonances, se résoudre toutes les énigmes.

La joie d'enseigner...

Si extasiante que soit « la joie de connaître », elle trouve son complément dans la joie d'enseigner. Enseigner ! Fonction sublime, grâce à laquelle l'homme, dans la pauvre mesure de sa puissance créée, participe au rôle du Verbe incarné. Saint Thomas exprimait en un raccourci lumineux cette dignité de l'enseignement : Sicut maius est illuminare, quam lucere solum, ita maius est contemplata alliis tradere, quam solum contemplari5. Or, le Maître avait dit de lui-même : Deum nemo vidit umquam ; unigenitus Filius, qui est in sinu Patris, ipse enarravit (Jn 1,18). Vos collègues dans les universités, admirés pour l'éminence de leur savoir, vénérés pour l'éminence de leurs vertus : Ferrini, Toniolo, votre grand Ozanam, sont là pour attester la noblesse et la beauté de votre mission. « Après les consolations infinies qu'un catholique trouve au pied des autels, après les joies de la famille, je ne connais pas de bonheur

S Summa theol., II» II", q. 188, a. 6 in c.

plus grand, écrivait Ozanam, que de parler à des jeunes gens qui ont de l'intelligence et du coeur. » 6

... un ministère.

Vous êtes de ces jeunes gens-là, chers étudiants, et vous donnez cette joie à vos maîtres. Elle doit être vôtre aussi ; vôtre à tous. Evidemment, à vous, normaliens, qui vous préparez à assurer la relève dans les chaires de vos professeurs d'aujourd'hui et à continuer leur oeuvre de lumière ; à vous également, étudiants des facultés, qui vous acheminez vers les professions les plus diverses, à vous également incombe la mission de répandre autour de vous la pure lumière. Car, de même que, dans l'étude, vous visez plus haut que le diplôme, dans la profession vous voyez bien autre chose qu'un simple métier lucratif. Un métier ! Et pourtant, à creuser le vrai sens du terme, trop souvent vulgairement déprécié, si l'on remonte à son origine et à son étymologie, on est amené à en admirer avec respect l'austère beauté. Un métier, ministerium, un ministère, le même mot par lequel le prêtre désigne son labeur sacré ! Le prêtre n'est pas accueilli par tous et tous ne fréquentent pas les leçons des maîtres. Mais tous, chacun selon ses besoins et au gré des circonstances, se trouvent, un jour ou l'autre, en contact intime avec vos professions. Quelle influence vous pourrez exercer sur l'esprit des individus, sur l'esprit public, si vous portez partout avec vous la lumière, dans sa clarté pure et sereine, dans sa loyale et impartiale vérité, dans la sobre élégance de son vêtement littéraire ! Grâce à Dieu, se sont multipliés en France et répandus en tous pays les admirables groupements professionnels catholiques : médecins et jurisconsultes, économistes et techniciens, historiens et philosophes, écrivains et artistes. Si chez tous les membres de ces méritantes associations la valeur intellectuelle et professionnelle, l'ardeur du zèle, étaient à la hauteur de la foi et de la ferveur spirituelle, croyez-vous qu'il faudrait beaucoup de générations pour voir refleurir une société vraiment saine et chrétienne ?

Par deux fois en moins d'un demi-siècle, l'hymne orgueilleux montant à la gloire d'un progrès matériel qui devait faire régner ici-bas la félicité universelle, s'est arrêté soudain pour s'achever dans un sanglot déchirant, devant une vision d'horreur ! La double expérience doit suffire. C'est l'esprit qui doit sauver le monde d'une

6 Lettre à M. Benoît, 28 février 1853. OEuvres complètes de A.-F. Ozanam, t. XI, Lettres, t. II, p. 470.

troisième. A vous les représentants de l'esprit, à vous de travailler, par votre enseignement, par votre profession, à rapprocher les uns des autres les hommes et les peuples dans la lumière de l'unique vérité, à rétablir la famille humaine dans la paix, par le retour des frères au commun Père du ciel.

Fils très aimés, il Nous semble voir le regard du Christ vous envelopper avec ses apôtres en adressant au Père sa grande prière : (Pater), sanctifica eos in veritate. Sermo tuus veritas est. Sicut tu me misisti in mundum, et ego misi eos in mundum... Non pro eis autem rogo tantum, sed et pro eis, qui credituri sunt per verbum eorum in me, « (Père) consacre-les dans la vérité : ta parole est vérité. Comme tu m'as envoyé dans le monde, moi aussi, je les ai envoyés dans le monde... Je ne prie pas pour eux seulement, mais pour ceux-là aussi qui, grâce à leur parole, croiront en moi. » (Jn 17,17-20). Et Nous-même, unissant Notre prière à celle du Christ que Nous représentons, Nous vous donnons, à vous tous, maîtres et disciples, à vos collègues, à vos familles, à tous ceux qui vous sont chers, du plus profond de Notre coeur paternel, Notre Bénédiction apostolique.


LETTRE A L'AUMONIER GÉNÉRAL DE LA JEUNESSE OUVRIÈRE CHRÉTIENNE

(26 avril 1946)1

Une adresse lui ayant été envoyée au nom des dirigeants et dirigeantes belges de la J. O. C. (Jeunesse ouvrière chrétienne), par l'aumônier général, M. le chanoine Cardijn, sous l'inspiration et la direction duquel ce mouvement a pris naissance en Belgique, en 1925, le Saint-Père a répondu par la lettre suivante :

La filiale et pieuse adresse par laquelle, au nom des dirigeants et des dirigeantes de la J. O. C. belge, vous avez voulu Nous donner un gage de votre reconnaissance et de votre dévouement, à l'occasion de l'élévation au cardinalat de Notre ancien nonce apostolique à Bruxelles 2, qui fut aussi votre protecteur et ami vénéré, ne pouvait manquer d'émouvoir vivement Notre coeur et d'accroître encore, si possible, à l'endroit de Nos chers fils et filles les Jocistes de Belgique et de leurs guides si zélés, Notre sollicitude empressée et Notre paternelle affection.

Comment, en effet, ne prendrions-Nous pas une très vive complaisance à voir ces prémices chrétiennes du monde du travail grandir en mérites et en nombre, dans le champ du Père de famille et spécialement, comme Nous en a rendu témoignage Notre cher Fils le cardinal Clément Micara, au sein de la chère et fidèle Belgique, où l'esprit du divin Sauveur anime avec tant de ferveur ces intrépides phalanges de jeunes travailleurs et de jeunes travailleuses ?

De particuliers encouragements — et certes Nous ne les leur ménageons pas — sont bien dus à leurs aumôniers dévoués, dont on ne peut que souhaiter voir se multiplier aussi le nombre, pour

1 D'après le texte français des Actes de S. S. Pie XII, t. VIII, p. 29.

2 II s'agit du cardinal Clément Micara, créé cardinal en février 1946.


JEUNESSE OUVRIÈRE CHRÉTIENNE

141

répondre aux appels croissants qui montent d'une multitude de jeunes gens et de jeunes filles des usines et des ateliers, immense troupeau trop souvent sans pasteur, et qui deviendrait dès lors la proie des mauvais bergers et des loups. Et à ce sujet Nous ne doutons pas que des rangs des Jocistes eux-mêmes, auxquels aura été inculqué avec la beauté dë l'idéal sacerdotal, le souci d'implorer de Dieu des prêtres, ne surgissent de plus en plus nombreuses les vocations que réclament si impérieusement les conditions de l'Eglise dans la société moderne. A l'heure où s'édifie un monde nouveau, sur les ruines d'une guerre sans merci, Nous ne pouvons que former des voeux ardents pour que triomphe enfin la loi du Christ Jésus dans tous les secteurs de la société, comme entre toutes les nations, et notamment, grâce au providentiel ferment de la J. O. C, parmi les masses ouvrières de Belgique et des autres pays.

Nous savons quelle place choisie vous occupez dans l'Action catholique, à l'affermissement de laquelle a tant travaillé Notre prédécesseur Pie XI, de sainte et vénérée mémoire, et que Nous Nous sentons Nous-même si pressé de voir s'étendre et prospérer, pour le salut même et la paix du monde. Cette étroite collaboration du laïcat à l'apostolat hiérarchique, dans une intelligente et joyeuse obéissance à l'égard des chefs spirituels que l'Esprit-Saint a placés pour régir l'Eglise de Dieu, est la garantie des surnaturels succès divinement promis aux hérauts de l'Evangile, dont les Jocistes sont, par leurs méthodes appropriées et l'esprit qui les anime, la vivante expression auprès de leurs frères et soeurs du monde ouvrier.

Aussi, est-ce de grand coeur que Nous vous envoyons, ainsi qu'à vos chers collègues d'apostolat, dirigeants et dirigeantes de la J. O. C. belge, et à tous Nos bien-aimés fils et filles, les Jocistes de Belgique et du monde, comme gage des meilleures faveurs célestes, la Bénédiction apostolique.


ALLOCUTION A UN GROUPE DE JOURNALISTES AMÉRICAINS

(27 avril 1946) 1

Ce Nous est véritablement un grand plaisir de souhaiter la bienvenue dans Notre Cité du Vatican à une si distinguée représentation de la presse des Etats-Unis. Attachés comme vous l'êtes à votre profession, vous avez la conscience de la puissance de celle-ci, tant pour le bien que pour le mal, et vous vous rendez compte de votre responsabilité devant Dieu, devant le peuple auquel vous appartenez.

En raison même des moyens dont vous disposez, des millions de lecteurs prennent quotidiennement connaissance de vos publications et, en quelques minutes, sont informés de ce qui se passe dans le monde. Vous entrez dans toutes les maisons. Vous atteignez un nombre incalculable d'esprits et de coeurs. Vous contribuez ainsi d'une façon considérable à forger l'âme de la nation. Bien peu nombreux sont ceux que leur caractère et leur éducation mettent en mesure de juger vos écrits. Les lecteurs, en majorité, n'acceptent-ils pas le point de vue que vous exposez ?

C'est pourquoi la presse se doit d'être loyale vis-à-vis de la vérité, pour éviter que son influence terrible ne s'exerce au profit du mal. La vérité dont Nous parlons est la vérité visuelle, c'est-à-dire que vous devez rapporter les événements tels que vous les avez vus se produire et ne les interpréter que suivant les principes de la justice et de la charité.

La vérité est exempte de passion. Elle n'est point partisane. Elle doit s'en tenir aux faits et non à l'imagination. La vérité n'est pas


JOURNALISTES AMÉRICAINS

143

vénale et ne doit pas craindre d'être connue. Elle ne demande qu'à être présentée clairement, telle qu'elle est, à la lumière de l'objectivité, sans aucune influence de préjugés et de suppositions. La vérité est discrète et sait que la réalité doit être en même temps entourée de réserve ; que le mal ne doit pas être mis en évidence, tandis que le bien est escamoté. La vérité est modeste et sait que la mort peut entrer dans les âmes à travers la fenêtre des yeux (cf. Jr 9,21). Hélas ! L'expérience ne Nous a-t-elle pas montré quels maux redoutables pénètrent dans la société à travers une presse amorale qui a perdu de vue les exigences de la vérité ?

La prière que Nous formulons de tout coeur, Messieurs, pour vous et vos collaborateurs, est que vous puissiez toujours exercer votre profession à la lumière de ces lois. Que Celui qui est la Voie, la Vérité et la Vie puisse vous assister afin d'alléger vos redoutables responsabilités. Et que les bénédictions de Dieu descendent sur vous et sur tous ceux qui vous sont chers !


MOTU PROPRIO SUR LA RÉGLEMENTATION ET LA PROCÉDURE DANS LES CAUSES CIVILES DE LA CITÉ DU VATICAN

(1er mai 1946)1

Par la loi N° 11 du 7 juin 1929, Notre prédécesseur Pie XI d'heureuse mémoire, après avoir indiqué les sources principales du droit pour l'Etat de la Cité du Vatican, disposait que, dans les matières auxquelles ne pourvoyaient pas ces sources principales du droit objectif, en voie supplétive et jusqu'à ce qu'il fût pourvu par les lois propres de la Cité du Vatican, soient observés quelques lois et règlements émanés du royaume d'Italie jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi susmentionnée du 7 juin 1929 sur les sources du droit ; sous la réserve générale que ces lois et règlements ne soient ' pas contraires aux préceptes du droit divin, ni aux principes généraux du droit canonique, pas davantage aux normes du Traité et du Concordat stipulés entre le Saint-Siège et le royaume d'Italie le 11 février 1929, et aussi que, de l'état de fait existant dans la Cité du Vatican, il résulte qu'ils soient applicables.

Annulant en partie la réserve exprimée ci-dessus, Notre prédécesseur Pie XI de vénérée mémoire, par le Motu proprio du 21 septembre 1932 2 dans le but de toujours mieux pourvoir à l'organisation des tribunaux de la Cité du Vatican et à la procédure à suivre pour la prompte tractation des causes civiles devant ces tribunaux, constitua une commission composée de Mgr Massimo Massimi, doyen de la Rote, président, Mgr Giulio Grazioli, auditeur de Rote, Paolo Pericoli, président du Tribunal de première instance, Agostino Schmid faisant fonction de promoteur de la justice près

1 D'après le texte italien des A. A. S., 38, 1946, p. 170.

2 A. A. S., 1932, p. 332.


RÉGLEMENTATION DES CAUSES CIVILES DU VATICAN 145

ce tribunal et Paolo Guidi, juge suppléant au même tribunal, secrétaire, et la chargea de rédiger un projet de loi sur l'organisation judiciaire et sur la procédure civile des tribunaux de l'Etat de la Cité du Vatican.

La commission qui, au cours de ses travaux, avait perdu un de ses membres dans la personne d'Agostino Schmid et avait utilisé les observations rédigées sur sa demande par Edoardo Ruffini et Corrado Bernardini, présenta en 1935 le projet demandé qui, après de légères retouches fut, par ordre de Notre prédécesseur Pie XI et par les soins du Conseiller général de l'Etat de la Cité du Vatican, le prince don Carlo Pacelli, rendu public en juillet 1937 afin de provoquer sur ce projet le jugement de la critique scientifique.

Il y eut ainsi, spécialement de la part de l'Université catholique du Sacré-Coeur qui l'avait pris comme sujet d'une étude appréciée publiée en 1938, quelques observations soit de caractère général, soit de caractère particulier.

Quoique ces observations eussent été déclarées expressément de peu d'importance et n'eussent pas empêché l'Université catholique du Sacré-Coeur d'exprimer un jugement d'ensemble favorable au projet élaboré, conformément au jugement d'éminents processualistes italiens, Nous avons ordonné que ces observations fussent examinées par le président et le secrétaire de la Commission et que Nous fût soumis un projet définitif.

Cette révision ayant été accomplie à Notre satisfaction ; retenant que le projet définitif ainsi élaboré correspond aux fins pour lesquelles en avait été ordonnée la rédaction par Notre prédécesseur Pie XI ; considérant que le règlement judiciaire établi par voie provisoire par le Motu proprio du 21 septembre 1932, quoique ayant donné de bons résultats, ne peut constituer une solution permanente du problème ; considérant que la réserve faite dans la loi du 7 juin 1929 sur les sources du droit, de pourvoir par des lois propres de la Cité du Vatican aux matières réglées par voie supplétive par les lois italiennes applicables par exception dans Notre Etat est annulée surtout relativement à la réglementation judiciaire et à la procédure civile, parce que les normes y relatives ont un besoin particulier de certitude étant donné qu'elles constituent la garantie des individus pour la protection de leurs droits, d'autant plus que ces normes ont été fixées dans des lois organiques, même dans des pays où n'a pas été introduite la codification du droit civil ;

Nous disposons et établissons, motu proprio, ce qui suit :

I. — Le règlement judiciaire et le code de procédure civile annexés au présent Motu proprio sont approuvés et entreront en vigueur à partir du 1er novembre 1946.

II. — Un exemplaire du règlement judiciaire et un exemplaire du code de procédure civile, signés par Nous, constitueront l'original et seront déposés et conservés dans les archives des lois de l'Etat de la Cité du Vatican.

III. — La promulgation de ce règlement judiciaire et de ce code de procédure civile sera faite par la publioation du présent Motu proprio dans les A. A. S. et par la remise d'un exemplaire imprimé au Gouverneur de l'Etat de la Cité du Vatican qui pourvoira à le tenir à la disposition du public jusqu'au jour de l'entrée en vigueur.

IV. — Toute disposition contraire au présent Motu proprio est abrogée.

V. — Les Commissions constituées par le Motu proprio du 21 septembre 1932 continueront à fonctionner selon le mode indiqué audit Motu proprio exclusivement pour les procès qui, au moment de l'entrée en vigueur du nouveau règlement judiciaire, seraient pendants devant ces Commissions. Tout cela Nous l'avons établi et l'établissons, nonobstant toute chose contraire, même digne de mention spéciale.


LETTRE A S. EM. LE CARDINAL DALLA COSTA, ARCHEVÊQUE DE FLORENCE, A PROPOS DU SYNODE DIOCÉSAIN

(9 mai 1946)1

1 D'après le texte italien de l'Osservatore Romano, du 10 mai 1946 ; cf. la traduction française des Actes de S. S. Pie XII, t. VIII, p. 31.


Le synode diocésain que, suivant les prescriptions du Code, l'Eglise de Florence s'apprête à célébrer ces jours-ci à Sainte-Mère-des-Fleurs, est annoncé au Saint-Père par Votre Eminence révéren-dissime en des termes qui révèlent bien la consciente et parfaite préparation d'un événement d'une si grande importance pour la vie de l'archidiocèse et de la Toscane tout entière, réclamant un renouveau spirituel.

Voeux pour le synode.

Ordonnée comme elle l'est à la lumière des temps nouveaux et des besoins nouveaux, et tout animée par le zèle de Votre Eminence, dont l'expérience pastorale longue et éclairée en a mûri le contenu, cette célébration porte en elle-même la promesse et le gage d'un résultat favorable. Elle sera pour le clergé un stimulant nouveau autant qu'heureux pour l'exercice multiforme d'un ministère qui trouve aujourd'hui si changés hommes et choses.

Elle sera, pour le troupeau des fidèles auquel ce ministère veut et doit s'adapter de la meilleure façon, une nouvelle et solennelle preuve de la maternelle sollicitude de l'Eglise pour tout ce qui regarde les intérêts supérieurs des âmes dans leur vie de foi et de piété.

Sa Sainteté ne doute pas qu'au dévouement avec lequel le pasteur de ce grand diocèse accomplit ses difficiles tâches, l'un et l'autre clergé auront à coeur de répondre par une aussi grande compréhension des besoins actuels et par un empressement non moins grand au travail et aux sacrifices qu'exigent de nous les temps nouveaux. Si l'avenir est obscur et si la sainte milice de l'Eglise s'attend à de nouvelles menaces et à de nouvelles luttes, d'autant plus ferme doit être notre fidélité à la glorieuse consigne du sacerdoce qui nous distingue et de l'apostolat auquel nous sommes voués à la vie et à la mort.

Réfutation des erreurs.

Le Saint-Père a vu avec une paternelle satisfaction que l'un des thèmes dont s'occupera le prochain synode concernera l'attitude doctrinale et pratique que le clergé et les fidèles doivent prendre en face des diverses théories et mouvements sociaux qui, par le mirage de prodigieuses nouveautés et d'alléchants avantages économiques, séduisent et corrompent l'âme populaire, et qui, tout en promettant falla-cieusement une imminente libération innovatrice, accusent d'abord le christianisme d'inefficacité et de connivences, en ce qui concerne les maux sociaux dont souffrent les classes les plus humbles, puis enlèvent du coeur de notre peuple ce sens de bonté et d'honnêteté qui en constituait la plus haute valeur morale, et finissant par le saturer de principes et de méthodes de pensée et d'action, menacent et détruisent la conception chrétienne de la vie, pour la remplacer par une autre n'offrant pas de garantie de réalisation du vrai bien et du vrai bonheur du peuple.

Développement de l'instruction religieuse.

Il sera bon qu'à la sereine réfutation de telles faussetés s'ajoute le rappel de la vérité chrétienne et de la doctrine sociale qui en dérive. Une fois de plus, puisse le généreux dévouement du clergé et des bons citoyens, faisant oeuvre d'apologistes et conformant leurs dires à une vie exemplaire, rendre manifeste à tous, à la lumière des enseignements pontificaux et de la glorieuse tradition de sainteté dont l'Eglise de Florence est si riche, la salutaire fécondité et la puissante rénovation sociale que produit plus que jamais une foi vivante dans la charité du Christ Seigneur.

Sans crainte, sans lassitude, sans mésentente, l'action pastorale, toute consacrée à l'instruction religieuse du peuple, à l'assistance charitable et pratique dans tous ses besoins actuels si graves, à l'organisation de ses associations de piété et d'apostolat, à la forma-


SYNODE DIOCÉSAIN DE FLORENCE

149

tion 'de son sens moral vigilant et fort, parviendra un jour à infuser dans le coeur des fidèles et à révéler aux âmes de ceux qui sont éloignés le véritable et heureux sens de la vie chrétienne.

C'est cette sainte tâche que tendent à réaliser tous les travaux du synode, en harmonie avec les voeux ardents que le souverain Pasteur de l'Eglise et Votre Eminence forment à l'occasion de la célébration de ces solennelles assises. Ces assises, l'auguste Pontife les accompagne de ses souhaits et de ses prières, et il appelle sur elles l'abondance des lumières et des faveurs célestes avec l'espoir que Votre Eminence verra le champ mystique confié par la Providence à son activité et à son coeur de pasteur et de père produire des fruits heureux et abondants ; il envoie à Votre Eminence, au clergé rassemblé autour d'elle et à l'archidiocèse tout entier le réconfort de la Bénédiction apostolique.


DISCOURS A LA JEUNESSE FÉMININE DE ROME

(12 mai 1946)1

Aux jeunes filles membres du pèlerinage organisé par la Jeunesse féminine catholique de Rome pour le premier anniversaire de la fin de la guerre, le pape recommande d'être une jeunesse croyante, pure et active.

REMERCIEMENT ET CONSÉCRATION A MARIE

Heureuses êtes-vous, chères filles, jeunes filles de Rome, qui, en groupes empressés, pareils aux vagues vivantes de la mer, avez afflué ici, en ce premier anniversaire de la fin de la guerre en Italie, pour vous consacrer comme gage de votre filiale reconnaissance, à la Vierge immaculée, Mère de Dieu, dans ce centre visible de l'Eglise universelle, dans cet immense temple élevé sur la tombe du Prince des apôtres, tel un symbole de l'édifice majestueux de la foi catholique et de la civilisation chrétienne qui, depuis bientôt deux mille ans, ont apporté à Rome et à l'Italie d'incommensurables bienfaits.

Vous vous consacrez à Marie à une heure de suprême gravité pour les destinées de votre pays, c'est-à-dire à une heure où se pose, impérieuse, la question : cette foi catholique, cette civilisation romaine devront-elles, dans l'avenir aussi, donner à ce peuple sa force profonde et son empreinte ? La réponse, jeunes générations, est, sinon uniquement, du moins certes très largement, entre vos mains ; parce que de votre foi et de votre action dépendra la mesure où l'étendard du Christ, signe de salut, continuera de resplendir devant le peuple italien, également dans le chemin qui le mène à son avenir.


Pie XII 1946 - DISCOURS AUX PRÉSIDENTS DIOCÉSAINS DE LA JEUNESSE MASCULINE DE L'ACTION CATHOLIQUE ITALIENNE