Pie XII 1945 - ALLOCUTION AUX FIDÈLES DE ROME


LETTRE DE LA SECRÉTAIRERIE D'ÉTAT AU DIRECTEUR DU COURS DE CHRISTOLOGIE

A ROME

(18 mars 1945j1

A l'occasion des conférences qui ont été tenues au * Studium Christi » à partir du 19 mars 1945 sur le thème : «- La morale du Christ dans la vie internationale », le Saint-Père, répondant au désir du R. P. Rivolta, le méritant directeur de ce cours, a bien voulu lui faire parvenir la lettre suivante de S. Exc. Mgr Montini, substitut de la Secrétairerie d'Etat :

Sa Sainteté ne peut qu'accorder de grand coeur la Bénédiction apostolique qui lui a été demandée à l'occasion du huitième cours de christologie consacré à traiter de la morale du Christ dans la vie internationale, eu égard aux heureux résultats obtenus dans les cours précédents, à 'l'intention qui inspire cette initiative destinée à restituer à la conscience moderne des classes cultivées la foi au divin Maître et aussi en raison de l'argument choisi cette année comme objet d'étude menée à la lumière des messages pontificaux qui disent tout à la fois la sollicitude incomparable du Vicaire du Christ pour l'organisation juste et pacifique des peuples et son inestimable richesse de doctrine et d'expérience transmise par son haut magistère.

Ce cours sera aussi un beau témoignage de la sagesse inépuisable de l'Evangile : l'heureux choix des thèmes et la valeur des conférenciers en sont le sûr présage. Témoignage prévoyant et heureux. Témoignage prévoyant, parce que l'amère tristesse des temps fait tellement désirer que le monde retrouve dans les principes suprêmes de la révélation et de la raison, tels que précisément l'enseignement pontifical les rappelle en face de multiples négations et déformations, les bases d'un ordre nouveau aussi fidèle aux meilleures traditions historiques qu'ouvert à toute saine conquête moderne pour se trans-

former par le moyen des esprits droits et réfléchis en apologie de ce nom unique en qui se trouve le véritable salut. Témoignage heureux aussi, si l'on réfléchit à l'étonnement consolant qui rayonne dans l'esprit de ceux — et nous le sommes tous, nous, fils d'un siècle oublieux des oeuvres de Dieu — pour qui l'humilité du message chrétien est comme un voile qui les empêche d'en reconnaître la grandeur incommensurable et la fécondité sans limites ; étonnement qui éclate quand l'anxieuse et épuisante recherche des principes suprêmes, dont doit s'inspirer la communauté des nations pour que leur coexistence soit humaine, libre et prospère, leurs échanges pacifiques et non violents, élevé leur idéal et noble la politique, en vient à découvrir que ces critères suprêmes, ce sont les éternels axiomes de l'Evangile sur la nature et le destin de l'homme, sur la justice et sur la charité : le Christ apparaît ainsi sur l'immense scène internationale comme le pasteur non plus seulement de chacun de ses disciples fidèles, mais de peuples entiers, comme le phare du droit international et de la civilisation.

Ainsi il y a lieu de croire que ce cours sera le rappel et l'illustration de ces paroles — parmi tant d'autres non moins sages du Pontife régnant — où il est dit : « ... même les règlements les meilleurs et les plus complets seraient imparfaits et condamnés en définitive à l'insuccès si ceux qui dirigent les destinées des peuples et les peuples eux-mêmes ne se laissaient pas toujours pénétrer davantage de cet esprit, qui seul peut donner vie, autorité et force d'obligation à la lettre morte des paragraphes dans les règlements internationaux ; de ce sentiment d'intime et vive responsabilité, qui pèse et mesure les constitutions humaines selon les saintes et inébranlables normes du droit divin ; de cette faim et soif de justice, proclamée béatitude dans le Sermon sur la montagne, et qui a comme présupposé naturel la justice morale ; de cet amour universel qui est le résumé et le terme 'le plus élevé de l'idéal chrétien, et qui par là jette un pont même vers ceux qui n'ont pas le bonheur de participer à notre foi. » 2

C'est pourquoi le Saint-Père souhaite que ce nouveau cours mette en valeur les résolutions de fidélité à la parole divine et par là même constitue un présage de cette paix si ardemment désirée au milieu des afflictions et des ruines actuelles, en même temps que de coeur il bénit Votre Seigneurie avec tous les distingués conférenciers et les auditeurs de ces conférences.

Radiomessage du 24 décembre 1939 ; cf. Documents Pontificaux 1939, p. 384.



MOTU PROPRIO SUR L'UTILISATION D'UNE NOUVELLE TRADUCTION DES PSAUMES DANS LA RÉCITATION DE L'OFFICE DIVIN (24 mars 1945)


1 Dans ce * Motu proprio », Pie XII permet aux prêtres l'utilisation, dans la récitation du bréviaire, de la nouvelle version des psaumes préparée par l'Institut biblique pontifical.


Parmi les prières quotidiennes par lesquelles les prêtres célèbrent la majesté et la bonté du Dieu Très-Haut, et pourvoient à leurs besoins personnels, à ceux de l'Eglise et du monde entier, les poèmes fameux que, sous l'inspiration de l'Esprit divin, le saint prophète David et d'autres écrivains sacrés ont composés occupent, sans contredit, une place à part. L'Eglise, à l'exemple du divin Rédempteur et de ses apôtres, les a, dès les origines, tout de suite utilisés dans la célébration du culte.

Ces psaumes, l'Eglise latine les tient et les a reçus des fidèles de langue grecque : ils furent, en effet, traduits du grec en latin, à peu près mot à mot. Au cours des siècles, à plusieurs reprises, ils furent soigneusement corrigés et retouchés, surtout par saint Jérôme, le Docteur le plus eminent dans l'interprétation des Saintes Ecritures. Cependant, les fautes connues de cette version grecque elle-même qui masquent fâcheusement le sens et la valeur du texte primitif n'ont pas été supprimées par ces corrections au point de permettre à tous et toujours une compréhension facile des psaumes sacrés. Tous savent que saint Jérôme lui-même ne s'est pas contenté de donner à ses concitoyens latins cette ancienne « traduction latine scrupuleusement corrigée », mais que, dans un effort encore plus poussé, il traduisit en latin les psaumes sur l'original « hébreu lui-même » 2. Cependant cette nouvelle traduction du saint Docteur ne fut pas mise en usage dans l'Eglise ; par contre, la fameuse édition, améliorée, de la vieille traduction latine qu'on appelle le Psautier gallican, se répandit peu à peu à ce point que Notre prédécesseur, saint Pie V, jugea opportun de l'admettre dans le Bréviaire romain et même d'en prescrire l'usage à tous ou presque.

2 S. Jérôme, Praefatio in Librum Psalmorum iuxta hebraicam veritatem ; P. L., 28, col. 1125 (1185) seq.


Les obscurités et les fautes de cette traduction latine que saint Jérôme n'a pas fait disparaître — son but était seulement de corriger le texte latin d'après les meilleurs manuscrits grecs — sont devenues de plus en plus voyantes aux yeux de nos contemporains parce que la connaissance des langues anciennes, en particulier de l'hébreu, a fait de grands progrès, l'art de traduire s'est perfectionné, les lois de la métrique et de la rythmique des langues orientales ont fait l'objet de recherches plus approfondies, les règles de ce qu'on appelle la « critique textuelle » ont été plus clairement étudiées. En outre de nombreuses traductions des psaumes en langue vulgaire, réalisées en divers pays sous l'autorité et avec l'approbation de l'Eglise, ont montré chaque jour avec plus d'évidence combien ces poèmes sacrés, quand on les possède dans le texte original, excellent par leur admirable clarté, leur beauté poétique, leur richesse doctrinale.

Rien d'étonnant, dès lors, que beaucoup de prêtres, attentifs à réciter les heures canoniales non seulement avec la plus grande piété, mais aussi avec une intelligence plus complète, ont éprouvé le louable désir d'avoir, pour la récitation quotidienne des psaumes, une traduction latine où le sens voulu par l'Esprit-Saint qui les a inspirés se manifeste d'une façon plus explicite, où les sentiments du pieux psalmiste soient mieux rendus, où le style de l'écrivain et le sens des mots apparaissent toujours dans une plus grande lumière.

Ce désir et ce souhait, exprimés tant dans des ouvrages écrits par des savants estimés que dans des périodiques, sont même parvenus jusqu'à Nous, apporté par un grand nombre de prêtres et d'évêques, et même par quelques cardinaux de la Sainte Eglise romaine. Pour Nous, le grand respect que Nous nourrissons à l'égard des textes de la divine Ecriture Nous amène à penser qu'il faut travailler de toutes ses forces à ce que le sens des Saintes Lettres, inspiré par l'Esprit-Saint et rendu par 'la plume de l'écrivain sacré, soit de jour en jour plus pleinement compris par les fidèles. Cela, Nous l'avons exposé, il y a peu de temps, dans Notre encyclique Divino afflante Spiritu 2.

C'est pourquoi, encore que Nous ne sous-estimions pas les difficultés de l'entreprise et que Nous sachions les liens étroits qui rattachent la traduction appelée Vulgare aux écrits des saints Pères et aux commentaires des Docteurs, ainsi que la grande autorité qu'elle s'est acquise dans l'Eglise du fait de son utilisation plusieurs fois séculaire, Nous avons cependant décidé de déférer à ces pieux désirs. Et Nous avons donné l'ordre de préparer une nouvelle traduction latine des psaumes qui suivît de près et fidèlement les textes primitifs, et qui tînt compte, autant que possible, de l'antique et vénérable Vulgate, ainsi que des autres traductions anciennes, en examinant attentivement leurs variantes selon les règles de la critique. Nous savons, en effet, très bien que le texte hébreu lui-même ne nous est pas parvenu exempt de toute faute et de toute obscurité. C'est pourquoi il faut le comparer aux autres textes qui nous ont été transmis depuis l'antiquité, afin que la pensée puisse trouver sa plus exacte et sa plus authentique expression. Bien plus, il peut aussi parfois arriver que, même si on fait appel à toutes les ressources de la critique et de la linguistique, le sens des mots n'apparaisse pas tout à fait clair, alors on devra laisser la difficulté à des recherches ultérieures afin qu'avec tous les moyens de travail qu'on aura pu mettre en oeuvre, le problème bénéficiera d'une 'lumière plus abondante. Cependant, Nous sommes absolument convaincu qu'aujourd'hui, en utilisant avec soin toutes les ressources de la science moderne, on peut rédiger une traduction qui exprime si clairement le sens et la valeur des psaumes que les prêtres, en récitant l'office divin, reconnaîtront facilement ce que le Saint-Esprit a voulu dire par la bouche du psalmiste et se verront facilement poussés et conduits par ces textes sacrés à une piété véritable et authentique.

Or, une traduction nouvelle, qu'on souhaitait, venant d'être achevée avec tout le souci et l'attention qui conviennent par les professeurs de Notre Institut biblique pontifical, Nous l'offrons d'un coeur paternel à tous ceux qui sont tenus de réciter chaque jour les heures canoniales. Tout bien pesé, de Notre propre mouvement et après mûre réflexion, Nous leur accordons de pouvoir se servir à leur gré, dans la récitation privée ou publique de l'office, de cette traduction, quand elle aura été adaptée au Psautier du Bréviaire romain et éditée par la Librairie vaticane.

En raison de Notre sollicitude de Pasteur et de Notre tendresse de Père à l'égard des hommes et des femmes consacrés à Dieu, Nous avons l'espoir que, dorénavant, tous puiseront dans la récitation de l'office divin lumière, grâce et consolation qui les inonderont de clarté et les inciteront, dans les circonstances critiques que traverse l'Eglise, à imiter de plus en plus les beaux modèles de sainteté que les psaumes présentent avec tant d'éclat et seront encouragés à nourrir et à ranimer les sentiments d'amour de Dieu, de force intrépide et de pieuse pénitence auxquels le Saint-Esprit les pousse quand ils lisent les psaumes.

Que ce que Nous avons décidé et établi par la présente lettre, donnée sous forme de Motu proprio, soit tenu pour valable et ferme, nonobstant toutes autres choses contraires, même dignes de mention très spéciale.


ALLOCUTION AUX ÉLÈVES ET AUX RELIGIEUSES DE L'INSTITUT DU BON-PASTEUR (8 avril 1945)


1 Le Saint-Père, recevant les élèves des maisons romaines de l'Institut du Bon-Pasteur et les religieuses de Sainte-Marie de Sainte-Euphrasie-Pelletier, leur a recommandé la connaissance, l'obéissance et la confiance à l'égard du Bon Pasteur.

Soyez les bienvenues, chères filles de l'Institut du Bon-Pasteur, qui, honorées de la présence de l'illustre et dévoué président de la Commission administrative, vous êtes réunies ce matin dans la demeure du successeur — si indigne soit-il — du Prince des apôtres, saint Pierre, à qui Jésus confia sa bergerie, quand il lui adressa les paroles mémorables : « Pais mes agneaux, pais mes brebis ».

Vous savez bien avec quelle douce complaisance le divin Maître aimait à se présenter sous la figure du Bon Pasteur, et avec quel accent profond il manifestait ce sentiment : « Je suis le bon pasteur, disait-il, je connais mes brebis et mes brebis me connaissent. » Et encore : « Les brebis écoutent la voix du pasteur et le suivent. » Et ceci, qui est encore plus émouvant : « Le bon pasteur donne sa vie pour ses brebis» (cf. Jean, Jn 10, 14, 4, 11). Vous avez souvent lu et entendu ces paroles, et même les plus petites d'entre vous ont appris à en goûter le charme. Mais il faut qu'elles soient pour vous comme un phare de foi et d'amour qui vous guide à chaque pas de votre vie. Que pourrions-Nous donc aujourd'hui vous recommander et vous inculquer, sinon la correspondance aux invitations si aimables du Bon Pasteur : en écoutant sa voix pour mieux le connaître et l'aimer, en vous habituant à le suivre avec docilité, en mettant en lui toute votre confiance ?


Mieux connaître et mieux aimer Jésus, le Bon Pasteur.

1. — Employez-vous à le mieux connaître et à le mieux aimer. Sans doute, vous n'entendez pas d'une manière sensible sa voix divine, comme les enfants qui l'approchaient sur la terre. Mais il vous parle avec une tendresse secrète dans l'intime de votre coeur ; il vous parle aussi par la bouche de celles qui, pour vous, tiennent sa place ici-bas.

La voix du Maître et Pasteur de vos âmes est douce. N'est-elle pas, en effet, bienveillante et aimable quand elle s'écrie : « Venez à moi vous tous qui êtes fatigués et oppressés, et je vous consolerai... Car mon joug est suave et léger est mon fardeau » (Mt 11,28 Mt 11,30) ; ou encore lorsqu'il dit à la pécheresse qui est entrée dans la maison de Simon : « Tes péchés te sont remis. Ta foi t'a sauvée ; va en paix » (Lc 7,48 Lc 7,50) ; ou enfin quand il déclare à Marthe : « Je suis la résurrection et la vie ; celui qui croit en moi, quand même il serait mort, vivra ; et quiconque vit et croit en moi ne mourra pas pour toujours ! » (Jn 11,25-26). Voilà ce que le Bon Pasteur veut vous donner : le pardon des fautes, son amour, la paix du coeur, la résurrection et la vie éternelle.

Elle est douce, la voix du Bon Pasteur, mais d'une douceur bien différente des autres ; ce n'est point cette douceur qui flatte, qui envie et qui trouble, cette douceur qui promet les plaisirs de l'orgueil et des sens, mais ne laisse dans l'esprit et dans le coeur que ténèbres et amertume. Sa voix est grave ; elle montre le devoir, austère parfois, mais toujours sain ; elle enseigne à porter la croix, mais répand autour de soi un souffle de paix calme et sereine. Elle avertit et corrige, mais sans âpreté, avec une bonté infinie ; elle reprend et amende, mais par amour et pour le bien, le vrai bien, précurseur de la vraie félicité. Est-ce que vous ne reconnaissez pas, peut-être, sur les lèvres de vos diligentes éducatrices, un écho de cette voix du Bon Pasteur qui vous parle, vous apprend à être bonnes, à aimer et à désirer ce qui peut vous rendre réellement heureuses ? Ne la reconnaissez-vous pas, tendrement maternelle, jusque dans les reproches qu'elle doit peut-être parfois vous adresser ?

Mais la voix du Bon Pasteur est, de plus, la voix de Celui qui donne sa vie pour ses brebis, la voix de Celui qui s'en va à la recherche de la pauvre brebis égarée et qui, l'ayant retrouvée, la charge sur ses épaules et la reconduit au pâturage et à la bergerie. N'avez-vous pas, vous-mêmes, ressenti cet amour du divin Berger après une bonne confession, dans la ferveur de la sainte communion, dans les heures heureuses où une douceur intime de l'esprit et l'ardeur de vos bonnes résolutions vous donnent en quelque manière conscience que vous êtes en sa grâce ? A l'exemple du Christ, les bonnes religieuses qui, animées de l'esprit de leur sainte fondatrice, prennent soin de vous, qui vous éduquent, vous instruisent, vous dirigent, vous redressent, donnent elles aussi toute leur vie pour vous. Les paroles dures, que prononce le monde, procèdent de la jalousie, des rancoeurs, de l'intérêt, de la convoitise déçue ; mais les paroles fermes, au besoin parfois sévères, de celles qui ont tout laissé, tout sacrifié, jusqu'aux joies pures d'un foyer à elles et d'une famille qui serait la leur, pour vous consacrer tout leur temps et toutes leurs forces, à quel avantage peuvent-elles tendre et aspirer, sinon au vôtre ? On peut bien leur appliquer le vers célèbre de l'Alighieri : Amor mi mosse, che mi fa parlare, « l'Amour m'a poussée qui me fait parler »2.

2 Dante, Enfer, 2, 72.


Le suivre docilement.

2. — Habituez-vous à suivre docilement le Bon Pasteur. Combien de jeunes âmes ont trouvé de cette manière leur perfectionnement et le vrai bonheur dans le temps et dans la vie qui ne connaît pas de fin ! Et Nous n'entendons pas parler seulement de ces âmes privilégiées qui, par les trois voeux de pauvreté, chasteté et obéissance se consacrent entièrement au Seigneur, mais aussi des innombrables phalanges de femmes qui, comme épouses et mères, ou dans de multiples oeuvres hors de la famille, vivent selon la loi de Dieu et en union intime de foi et d'amour avec le Christ. Tout leur être, chacune de leurs pensées, chacun de leurs soupirs, chacune de leurs actions, sont comparables à une source d'eau qui jaillit dans la vie éternelle (cf. Jean, Jn 4,14). Aucune d'entre elles, au moment de terminer sa vie ici-bas, n'a jamais eu à se repentir d'être restée fidèle au Christ et à son Eglise.

A chacune de vous également, la Providence divine réserve et assigne une mission à remplir, avec le secours de sa grâce, dans le cours de la vie. Mais vous ne pourrez la réaliser si vous n'avez acquis et accumulé en vous les énergies spirituelles nécessaires à son accomplissement. Au moyen de l'éducation et de la direction que vous recevez de votre institut, le Bon Pasteur veut vous aplanir le chemin et vous aider efficacement à devenir des femmes fortes, religieuses, laborieuses. Suivez donc le Christ, même s'il vous conduit par des chemins escarpés et étroits. L'important est que vous sachiez monter toujours plus haut, et que vous ne poursuiviez pas inconsidérément de vains désirs sur la route large et spacieuse qui mène à la perdition (cf. Mt 7,13-14).

A celles d'entre vous qui ont été accueillies toutes petites et sans expérience dans cet institut si méritant, il pourrait sembler, à certains moments, que la discipline et l'autorité les oppriment. Mais non, chères enfants, c'est l'embrassement du Bon Pasteur, dont les bras miséricordieux vous serrent sur son coeur pour vous préserver du mal et vous sauver. Combien de petits papillons légers se sont brûlé les ailes à la flamme qui les attirait ! Combien qui vous ressemblaient ont entaché ou détruit la pureté de leur foi, de leur piété, de leur innocence, et ont ensuite pleuré amèrement : trop tard !

Et vous autres, au contraire, qui connaissez déjà les vicissitudes de la vie, si parfois à vous aussi le joug semblait quelque peu dur et vous faisait ressentir la nostalgie d'une indépendance qui peut-être vous a été déjà funeste, loin de détester ce joug ou de le secouer, aimez-le, bénissez-le, portez-le avec docilité ; il vous deviendra d'autant plus doux qu'il vous est plus salutaire.

Chères enfants, laissez-vous défendre, laissez-vous protéger, laissez-vous conduire vers un avenir digne, heureux, tranquille, conforme aux desseins que le Bon Pasteur a sur chacune d'entre vous.


Mettre sa confiance en lui.

3. — Mettez en lui toute votre confiance. Vous grandirez ; viendra le jour où vous devrez prendre votre place dans le monde. Il n'est pas rare que celles-là mêmes qui avaient souhaité avec le plus d'impatience de voir s'ouvrir devant elles les portes de l'institut et de pouvoir jouir d'une entière liberté, au moment d'en franchir le seuil, éprouvent comme un sentiment d'épouvante en pensant à tout ce qu'elles ont peut-être entendu, à tout ce qu'elles ont vu ou entrevu dans la vie. Et vraiment, surtout 'dans ces temps troublés qui sont les nôtres, de nombreux dangers guettent et menacent l'honneur et la vertu d'une jeune fille dans le monde ; c'est pourquoi, vous aurez besoin de prudence et de force, d'humilité et de vigilance ; vous expérimenterez par-dessus tout la nécessité de vous sentir fortement et affectueusement soutenues par la grâce invisible du Bon Pasteur, par l'assistance visible, infatigable, de celles qui accomplissent son oeuvre au milieu de vous. Ni cette grâce, ni cette assistance ne viendront jamais à manquer ; elles seront d'autant plus abondantes et efficaces que sera plus vive la confiance que vous aurez placée en elles.

Croyez donc, après tant de preuves que vous en avez eues, à l'affection, à la bienveillance, à la sagesse des pieuses femmes à qui Jésus vous a confiées. Elles ne veulent que votre bien, et elles le veulent encore plus que vous ne pourriez le désirer vous-mêmes ; elles savent quel est votre vrai bien, et elles le savent mieux que vous-mêmes ne pourriez en avoir idée.

Nous vous confions, dans Notre paternelle sollicitude, au Coeur Immaculé de Marie, votre Mère très aimante ; au Coeur Sacré de Jésus, le Bon Pasteur. Que vos faiblesses ne vous effraient pas ; elles sont pour ce Coeur, qui est « une fournaise ardente de charité », une occasion de faire resplendir encore plus sa puissance et sa bonté. N'oubliez pas ses paroles : « Mes brebis écoutent ma voix ; je les connais et elles me suivent. Je leur donne la vie éternelle ; elles ne périront jamais et nul ne les arrachera de ma main » (Jn 10,27-28).

Quelle promesse plus belle que celle-là ? Quelle assurance plus solennelle et plus digne de confiance ? Sous ces auspices et en gage des grâces célestes les plus choisies, Nous vous donnons du fond du coeur, à vous toutes, au bienfaisant institut qui vous donne asile, à vos excellentes religieuses, à tous vos bienfaiteurs et bienfaitrices, à vos familles, à tous ceux qui vous sont chers, Notre Bénédiction apostolique.



LETTRE DE LA SECRÉTAIRERIE D'ÉTAT A L'OCCASION DU CONGRÈS GÉNÉRAL DE L'ACTION CATHOLIQUE ITALIENNE (11 avril 1945 )


l Aux membres du Congrès général de l'Action catholique italienne, Pie XII fait rappeler ses directives en une lettre de S. Exc. Mgr Montini, substitut de la Secrétairerie d'Etat, adressée à Mgr Gremigni, directeur par interim de l'Office central de l'Action catholique italienne.
1 D'après le texte italien de VOsservatore Romano (édition hebdomadaire) du 30 avril 1945 ; cf. la traduction française des Actes de S. S. Pie XII, t. VII, p. 97.



A la veille du Congrès général que les dirigeants de l'Action catholique italienne et leurs principaux collaborateurs s'apprêtent à tenir, en une heure si grave pour l'ordre social commun, Votre Excellence s'est empressée de renouveler au Saint-Père l'assurance du soin éclairé et diligent avec lequel l'Action catholique s'efforce de remplir la mission qui lui a été confiée.

Les thèmes généraux et particuliers proposés au Congrès, et sur lesquels Votre Excellence a attiré l'attention de Sa Sainteté, rendent nettement témoignage de ce zèle vigilant et font bien présager du travail pratique et opportun auquel le Congrès conviera ses membres actifs.

Ce travail, sagement réparti et fraternellement dirigé, ne pourra manquer de donner une impulsion nouvelle à l'action commune des catholiques et contribuera ainsi avec une particulière et sensible efficacité à une saine réorganisation de la vie sociale souhaitée de tous côtés.

A cette fin, il sera bon que tous ceux qui ont une tâche de direction au sein de l'Action catholique aient d'autant plus clairement conscience des devoirs qui leur incombent à eux et à leurs organisations respectives en ce moment d'exceptionnelle gravité. Qu'ils se rappellent avec une confiance renouvelée la définition de l'Action catholique, telle que l'a nettement formulée Pie XII, après ses vénérés prédécesseurs, dans son mémorable discours-programme du 4 septembre 1940 2, à savoir que cette Action doit être la collaboration des laïques à l'apostolat hiérarchique et que, par conséquent, elle doit, avant tout autre but, se préoccuper de rester toujours plus étroitement unie aux évêques et au Siège apostolique, et non pas seulement par une discipline de pure forme et passive, mais par une fidélité affectueuse, active, intérieure, prompte à comprendre les besoins et les désirs de l'Eglise, et en faisant de sa doctrine, de sa tradition et de ses exhortations, l'aliment agréable et vivifiant de ses pensées et de ses oeuvres.

Gymnase de l'esprit, que l'Action catholique reprenne avec une vigueur nouvelle son travail de formation ; que tout membre s'impose comme première tâche spirituelle de vivre intensément dans la grâce de Dieu et de nourrir son esprit par l'étude systématique et amoureuse de l'Evangile et du catéchisme. Famille d'âmes altérées d'union et de bonté, que l'Action catholique inculque à ses membres la concorde fraternelle, la compréhension mutuelle, l'obéissance filiale, la discipline, l'amitié, toutes les vertus sociales qui préparent en eux et autour d'eux ce règne de la charité auquel l'Eglise aspire par-dessus tout. Ecole d'énergie et d'activité, que l'Action catholique garde une claire vision des besoins du temps et qu'elle adapte ses programmes en vue d'y répondre ; qu'elle maintienne fermement les critères suivant lesquels se règlent son activité et son autorité ; qu'elle voie, dans le présent état de choses, s'ouvrir un immense champ pour un nouveau travail ; par exemple, l'éducation du peuple concernant l'accomplissement de ses devoirs et l'exercice de ses droits civils semble être l'une des tâches que l'orientation dont s'inspire la vie publique contemporaine rend particulièrement importante ; qu'elle s'intéresse aussi à la création et à la reconnaissance de nouvelles oeuvres visant à la pénétration religieuse et morale de milieux profanes, oeuvres qu'il faudra animer du même esprit que l'Action catholique, à qui elles seront sagement coordonnées tout en étant distinctes d'elles ; c'est là, pour la grande organisation de l'Action catholique, une obligation qui découle de sa mission apostolique elle-même et un signe de vigoureuse vitalité.

Il faut que les catholiques militants soient présents, avec tous les moyens honnêtes de la vie moderne, partout où c'est un devoir de défendre et de propager la parole du Christ, spécialement dans le domaine social, où une de leurs glorieuses traditions et un plus urgent besoin exigent qu'on développe la confiance du peuple envers l'Eglise et qu'on expérimente sa doctrine non seulement comme frein aux luttes de classes injustes et désordonnées, mais encore comme vivant ferment de rénovation sociale et de garantie indispensable d'ordre et de paix.

Sans détourner son regard de ces nobles fins transcendantales, mais puisant plutôt en elles une ardeur incessante au travail et un courage quotidien pour le sacrifice, l'Action catholique, loin de s'user au contact des forces hostiles ambiantes, trouvera en elles un stimulant, non le dernier, qui la fera persévérer et progresser avec un entrain toujours nouveau dans la voie austère et pourtant joyeuse du devoir.

Le Saint-Père, qui fait des voeux pour que l'Action catholique réponde constamment à ses fins et appuie efficacement, consciente du singulier honneur qui lui en revient, la hiérarchie de l'Eglise, souhaite également aujourd'hui au congrès qui va s'ouvrir de réaliser le travail le plus heureux et le plus fécond, et il envoie de tout coeur à Votre Excellence, à chacun des dirigeants diocésains et à tous ceux qui participeront au congrès lui-même, sa réconfortante Bénédiction apostolique.


LETTRE A L'ARCHEVÊQUE DE WESTMINSTER POUR LE CENTENAIRE DU RETOUR DE JEAN-HENRI NEWMAN A L'UNITÉ DE L'ÉGLISE CATHOLIQUE

(12 avril 1945) 1

A l'occasion du centenaire du retour de Jean-Henri Newman à l'unité de l'Eglise catholique, le Saint-Père a adressé la lettre suivante à S. Exc. Mgr Griffin, archevêque de Westminster :

Il y aura prochainement un siècle que Jean-Henri Newman, gloire de la Grande-Bretagne et de toute l'Eglise, après avoir poursuivi durant de longues années la recherche de la vérité catholique avec le désir anxieux et inquiet de l'atteindre, répondit enfin aux invitations et aux appels de Dieu. A cette occasion, vous Nous avez adressé, comme président de l'épiscopat d'Angleterre et du Pays de Galles, une lettre respectueuse qui Nous priait aussi, au nom des autres évêques, de Nous unir à vous pour l'heureuse célébration de ce souvenir. Ce qui Nous demande instamment de le faire, ce n'est pas seulement Notre affection paternelle pour vous ni même seulement ce joyeux événement, mais aussi des raisons et obligations, venues de vos ancêtres, qui ont établi des liens déjà fort anciens entre les peuples de Grande-Bretagne et les Pontifes romains. Vous savez, en effet, que dès les débuts de l'Eglise, Nos prédécesseurs ne furent pas regardés chez vous comme des citoyens étrangers, mais comme des Pères très aimants, et de ce Siège apostolique des hérauts de la vérité céleste furent fréquemment envoyés dans vos îles pour y porter les premiers enseignements des préceptes chrétiens, ou bien, quand au cours des temps le christianisme y faiblissait, pour lui redonner de la vigueur et le rétablir en son ancienne splendeur.

En cet homme célèbre dont vous allez commémorer l'heureux retour à l'unité chrétienne, ce qui Nous semble par-dessus tout digne de considération et de méditation attentives, c'est qu'il s'appliqua à vitam impendere vero, « consacrer au vrai sa vie » entière 2 et à l'atteindre de tout son effort et par un infatigable labeur, et que lorsque la beauté de la doctrine catholique eut assez clairement brillé devant son esprit avide, ni les difficultés de tout genre, ni les préjugés et les sacrifices, ni enfin les mécontentements d'amis ne retardèrent et n'empêchèrent son adhésion totale à la vérité conquise. Bien plus, inébranlable et toujours fidèle à lui-même, il la garda désormais si bien qu'il en fit la règle principale de toute sa vie et que son âme y puisa une joie souveraine. Sans nul doute, Vénérable Frère, il faut de manière particulière louer de cette attitude Jean-Henri Newman, bien que ses autres mérites, nombreux et importants, recommandent assurément aux âges futurs sa grandeur et sa gloire.

Si « pour nul esprit il n'est de plus doux aliment que la connaissance de la vérité » 3, à plus forte raison quand il s'agit de la vraie doctrine religieuse à laquelle l'éternel salut de chacun de nous est étroitement lié, sa recherche et son investigation pleines de diligence et d'énergie démontrent la grandeur et la noblesse de l'esprit humain, et son entière possession accroît la dilatation et la joie de l'âme. Nous pensons donc que la commémoration de cet homme illustre sera d'un très grand profit, non seulement pour ceux qui se trouvent dans le sein de l'Eglise catholique et jouissent de l'intégrité de la doctrine religieuse, mais encore pour ceux — nombreux dans votre pays — que la préoccupation d'atteindre la céleste et incorruptible vérité trouble et tourmente aujourd'hui plus fortement, et qui regardent avec un esprit affranchi de préjugés vers le Siège du Prince des apôtres et vers l'auguste cité de Rome, et y vénèrent les origines saintes de la religion chrétienne. Nous les embrassons tous avec une vive affection et pour eux Nous implorons et sollicitons de Dieu les consolations et les joies dont Jean-Henri Newman, trouvant la paix après tant de peines, de soucis et d'angoisses, fut enfin comblé pour son réconfort et son bonheur même en cet exil terrestre.

a Juvénal, Satires, 4, 91.

* Lactance, De la fausse religion, 1, I ; Migne, P. L., 6, col. 118.



Nous demandons à Dieu des fruits abondants pour vos prochaines fêtes et, comme gage de ces fruits et en témoignage de Notre paternelle bienveillance, à vous, Vénérable Frère, et aux autres archevêques et évêques de toute la Grande-Bretagne, ainsi qu'à chacun des troupeaux confiés à leur garde, Nous donnons de tout coeur dans le Seigneur la Bénédiction apostolique.

MESSAGE DE CONDOLÉANCES AU NOUVEAU PRÉSIDENT DES ÉTATS-UNIS S. EXC. M. HARRY TRUMAN POUR LE DÉCÈS DE FRANKLIN D. ROOSEVELT

(13 avril 194Ï)1

Dès que la nouvelle du décès du président Franklin D. Roosevelt fut parvenue au Vatican, le Souverain Pontife a fait adresser à M. Harry Truman, nouveau président des Etats-Unis, le message suivant :

La nouvelle inattendue et douloureuse de la mort du président provoque en Notre coeur un profond sentiment de chagrin, né de la haute estime dans laquelle Nous tenions cet homme d'Etat réputé et des relations amicales qu'il créa et entretint avec Nous et avec le Saint-Siège.

A l'expression de Nos condoléances, Nous joignons l'assurance de Nos prières pour le peuple américain tout entier et pour son nouveau président, à qui Nous adressons Nos voeux fervents que ses efforts puissent être efficaces pour conduire les nations en guerre à une paix proche, juste et chrétienne.

1 D'après le texte anglais de l'Osservatore Romano, du 14 avril 1945.


Pie XII 1945 - ALLOCUTION AUX FIDÈLES DE ROME