Pie XII 1945 - ALLOCUTION A M. JEAN BRUNNER COMMANDANT EN CHEF DES VÉTÉRANS DE LA « FOREIGN WARS » AUX ÉTATS-UNIS


LETTRE AUX ÉVÊQUES DE POLOGNE

(29 juin 1945) 1

Après avoir prodigué ses encouragements aux évêques de France et de Hollande, le Saint-Père a écrit également aux évêques de Pologne. Voici le texte de cette lettre :

Au cours de ces dernières années, alors que votre patrie dévastée à deux reprises par le fléau de la guerre fut atteinte de tant de ruines, de ravages et de misères de tout genre, animé par le sentiment paternel que Nous nourrissons à votre égard, Nous avons pris part à vos souffrances et à vos angoisses d'autant plus vivement que Nous connaissions combien elles étaient 'lourdes et presque intolérables. Votre liberté foulée aux pieds, la jeunesse pleine de vie ardente de la Pologne cueillie par la faux de 'la mort, les foules immenses du peuple — même les enfants, 'les infirmes et les vieillards — chassées de leurs maisons, de leurs champs, de leurs foyers domestiques ; les villes, les places fortes, les châteaux détruits ; les évêques, les prêtres, les vierges consacrées à Dieu arrachés à leurs sièges et détenus dans les infects réduits des prisons publiques ; et enfin des édifices sacrés sans nombre abattus ou destinés à des usages profanes, tout cela, Vénérables Frères, a excité en Nous la douleur la plus amère. Et cela d'autant plus que Nous n'avions pas la possibilité de vous offrir ces consolations que Nous souhaitions tellement vous donner dans ces circonstances si pénibles. Mais Nous désirons que vous soyez bien convaincus que Nous n'avons jamais laissé passer une occasion qui Nous aurait permis de porter remède à vos maux si peu que ce fût ; et lorsque les ressources humaines faisaient défaut, Nous n'avons pas manqué d'adresser au Père des miséricordes (cf.

1 D'après le texte latin de Discorsi e Radiomessaggi, t. VII, p. 493.

2 Cor., 1, 3) les prières les plus ardentes pour que dans sa bonté il veuille bien par la lumière et la grâce d'en haut apaiser vos tourments, les adoucir et élever vos pensées vers le Ciel.

Néanmoins, votre nation très aimée Nous donne même dans ces conditions si douloureuses un motif de consolation capable de tempérer ces immenses douleurs qui sont Nôtres comme elles sont vôtres. En effet, quoique les ennemis du nom chrétien aient tout mis en oeuvre pour détruire en vous jusqu'aux fondements et aux racines la foi et les moeurs chrétiennes, foi et moeurs qui sont, vous le savez bien, le soutien inébranlable et le plus sûr de 'la société civile et de votre prospérité future, cependant grâce au secours de Dieu tous leurs efforts furent vains. Car, comme votre histoire nous l'apprend, la Pologne a de nouveau montré clairement, même dans ces temps troublés, que votre peuple était toujours fidèlement attaché à la foi de ses ancêtres, qu'il ne reculait devant aucune peine ni aucune perte pour la conserver intègre dans ses convictions et dans son action et qu'il était capable d'enrichir par de nouveaux martyres et par de nouveaux fastes les antiques gloires de l'Eglise. Ceux donc d'entre vous qui en ces temps terribles sont tombés victimes des aspérités de la route, non seulement ne diminuent pas ou n'affaiblissent pas votre courage, mais bien plus l'augmentent et vous poussent à surmonter et à vaincre les très graves difficultés qui ne manqueront certainement pas dans l'avenir.

Un très vaste champ de travail vous est ouvert, Vénérables Frères, ainsi qu'à vos concitoyens ; c'est presque dès la base que le travail est à reprendre ; mais rien n'est difficile à celui qui veut, à celui qui a confiance en Dieu ; et il n'y a rien que le zèle apostolique des évêques, rien que la constance empressée et infatigable de votre clergé, rien que l'habileté active et soumise des fidèles ne puisse faire aboutir, sous l'inspiration et avec l'aide de Dieu. Il faut donc implorer le secours de Dieu qui aura pitié des deuils, des ruines, des carnages qu'a subis votre patrie et un jour vous accordera ce que les ressources humaines sont incapables d'accorder.

Unissez vos efforts d'une façon particulière, Vénérables Frères, pour que les préceptes de la doctrine chrétienne soient mis de la manière la plus apte à la portée de tous, à ceux qui sont dans un âge avancé comme à ceux qui sont dans l'âge le plus tendre ; travaillez à empêcher la diffusion des erreurs qui se répandent sous les fausses apparences de la vérité et, revêtues de nouveaux attraits, peuvent facilement tromper les esprits, écartez-les de toutes vos forces ; que surtout tous reprennent force et courage par la digne réception des sacrements et que par ce moyen les moeurs chrétiennes soient ramenées à leur antique dignité. Ne négligez rien selon votre prudence et votre habileté pour rétablir dans l'ordre les paroisses qui viennent d'être si bouleversées et dévastées en ces temps-ci ; faites que les groupements d'Action catholique revivent et fleurissent à nouveau et veillez enfin à favoriser opportunément la production d'ouvrages écrits par des hommes et des femmes honnêtes et dignes et d'en intensifier la propagation.

Que vos soucis de pasteurs ne négligent pas les séminaires à l'existence desquels — comme l'assure justement Notre prédécesseur Léon XIII d'heureuse mémoire — est si étroitement lié le sort de l'Eglise2. Qu'ils soient ouverts de nouveau à tous les jeunes gens que l'attrait divin appelle à embrasser la vocation sacerdotale ; qu'ils y soient bien instruits, bien formés à la piété, à la doctrine et à l'étude de la religion qu'ils auront à répandre.

Mais, Vénérables Frères, il n'y a pas lieu de Nous attarder davantage en tant de choses ; Nous connaissons votre foi, Nous connaissons votre prudence, Nous connaissons votre activité. Il Nous reste à attirer sur vous par Nos prières les faveurs du divin Prince des pasteurs et à obtenir de Lui par Nos instantes supplications que votre Pologne qui Nous est si chère ressuscite de ses ruines, par les efforts réunis de ses fils, rajeunie et renouvelée, et que de ses anciens souvenirs et de ses gloires qui furent nourris au souffle de la religion et reposent sur la base solide des préceptes chrétiens, elle tire augure pour renouveler librement et heureusement son union, pour la rétablir dans l'ordre et dans la jouissance d'une juste prospérité.

Fort de cette espérance, en présage des grâces célestes et en gage de Notre volonté très aimante, Nous vous accordons très volontiers dans le Seigneur, à vous tous et à chacun d'entre vous, Vénérables Frères, ainsi qu'à la très chère nation polonaise, la Bénédiction apostolique.

2 Lettre Paternae providaeque ; A. L., 1899, p. 194.


ALLOCUTION A DES JEUNES FILLES SUR LEUR APOSTOLAT PROVIDENTIEL

(1er juillet 1945)1

A des jeunes filles de l'OEuvre de Nazareth et à un certain nombre de congrégations mariales féminines vouées à Rome à l'assistance religieuse, morale et culturelle des jeunes apprenties et demoiselles de magasins, le Saint-Père a adressé l'allocution suivante :

Avant 'de réciter avec vous, chères filles, Y Angelus Domini, en l'honneur de votre Mère très aimable, et de vous donner cette bénédiction que, rassemblées aujourd'hui autour de Nous, vous êtes venues Nous demander, Nous ne pouvons Nous empêcher de vous adresser quelques brèves paroles pour vous manifester combien Nous apprécions votre action et combien vif est Notre désir qu'à de si heureux commencements répondent de nouveaux et constants progrès.

But de l'apostolat de la jeune fille.

1. Digne de tout éloge est avant tout le but auquel vous tendez : contribuer autant qu'il est en votre pouvoir à la défense de la jeune fille, à la fraternisation des classes sociales, à la formation des adolescentes d'aujourd'hui, afin de préparer, pour la société religieuse et civile de demain, de vaillantes épouses et mères de famille.

La défense de la jeune fille : Quelle oeuvre magnifique et de première nécessité en un temps où, spécialement dans les grandes villes, les difficultés de la vie, et parfois la misère elle-même, sont l'objet d'une odieuse et criminelle exploitation très dangereuse et dommageable pour la jeune fille, pour son innocence et sa dignité ! C'est donc un rôle d'anges gardiens que vous exercez ainsi auprès de tant de toutes jeunes filles que vous voyez jetées, à peine sorties de l'école et encore sous le toit paternel, dans le tourbillon tumultueux du monde.

Le rapprochement fraternel des classes sociales : Combien ces paroles résonnent, douces et bienfaisantes, aux oreilles chrétiennes ou simplement honnêtes, et comme elles sont différentes des cris incohérents des haines politiques et des rivalités sociales qui remplissent l'air à l'heure actuelle !

La préparation de la jeune fille aux devoirs qui l'attendent dans son propre foyer domestique ! Les nécessités de la vie obligent un grand nombre de jeunes filles à s'en aller, dès l'adolescence, au-dehors pour travailler dans un bureau, un laboratoire, une maison de commerce. Croyez-vous que le fait de vivre ainsi hors de la maison soit une préparation idéale à l'accomplissement ultérieur des devoirs d'épouse et de mère ? N'y a-t-il pas peut-être danger, au contraire, que naissent de là, même chez les meilleures, tout un ordre d'idées, de désirs, d'habitudes, d'inclinations qui les disposent mal à goûter le charme serein mais simple et grave de la maison, qui, devenues pour elles peu à peu, une sorte de « pied-à-terre », n'inspire plus à leurs âmes aucun intérêt ou amour ? Puis facilement l'imagination, la sensibilité s'abandonnent, d'abord innocemment, à des rêves d'un fascinant avenir, à des affections, à des espoirs qui ne subsisteront pas, qui ne pourront subsister que sous forme de vaines illusions. Alors, le coeur brisé, l'esprit déçu, ces jeunes filles n'iront plus avec une ardeur enthousiaste et une fraîcheur juvénile prendre place dans un foyer modeste. Que dire ensuite de celles qui, au contact de la corruption cynique ou raffinée qui les entoure, fatiguées d'une résistance tout d'abord généreuse, puis toujours plus faible et molle, finissent par succomber au respect humain, à la curiosité ou aux mauvaises tendances, se laissent entraîner à la frivolité, aux penchants vicieux ou s'abandonnent à une vie de dissipation et de désordre, à l'ivresse du luxe et des faux plaisirs ?

Quant à vous, chères filles, vous avez précisément conçu et déjà commencé à réaliser le dessein de concilier avec la vie extérieure de vos soeurs leur préparation technique et spirituelle aux futurs devoirs d'épouses et de mères.

Ne chantez-vous pas avec fierté et allégresse, dans la dernière strophe de votre hymne : « C'est ainsi que nous serons les filles bien-aimées de l'Eglise et que nous pourrons un jour servir comme il faut notre chère patrie. » C'est, en effet, en la femme, en la mère, que le peuple italien trouve le secret de sa vigueur, c'est en elles aussi qu'il a toujours puisé la force de surmonter ses crises et de se relever de ses chutes. En vous appliquant, comme vous le faites déjà, à la formation de ces femmes, de ces mères italiennes, aptes et prêtes à l'accomplissement de leur devoir d'état, fermes dans leur foi, généreuses dans le sacrifice, votre zèle poursuivra une fin très haute d'activité charitable et sociale.

Réalisations du zèle apostolique.

2. Cependant, les réalisations pratiques de ce zèle méritent, elles aussi, que vous soyez vivement félicitées. On y voit resplendir le véritable apostolat, activité caractéristique de toute congrégation mariale authentique. Nous savons bien qu'il n'est pas toujours facile à des étudiantes sérieuses comme vous voulez l'être d'unir et de combiner avec les exigences toujours plus grandes de vos études une aussi grande oeuvre d'amour. Cela demande souvent de votre part des privations et des renoncements ; mais la bénédiction de Dieu en est la récompense. D'ailleurs, un apostolat de oe genre est un complément précieux de votre formation scientifique elle-même. Il vous procure la maturité du jugement et l'expérience de la vie ; il vous ouvre les voies et vous fait pénétrer dans le coeur du peuple d'une manière bien plus naturelle et bien plus sûre que ne pourraient vous apprendre à le faire à eux seuls les livres et les leçons des collèges et des universités.

Quant à vous, jeunes apprenties, objet tant aimé de si attentives sollicitudes, montrez-vous reconnaissantes, laissez-vous doucement guider, apprenez à vous imprégner mutuellement du véritable esprit de famille, cultivez vos propres âmes de façon à pouvoir un jour guider à votre tour vos compagnes et collaborer avec celles qui sont aujourd'hui vos guides.

Toutes enfin soyez saintement fieres d'être de vraies Enfants de Marie ! De toute Notre âme, Nous vous recommandons à elle, la Vierge immaculée, Mère de grâce et d'amour ; Nous la prions pour vous, pour votre oeuvre, pour votre avenir. Et comme gage de sa puissante protection, Nous vous donnons à vous, à toutes celles qui vous sont unies dans l'action et par le coeur, à vos chères familles, Notre paternelle Bénédiction apostolique.


ALLOCUTION A DES PARLEMENTAIRES POUR LA FLOTTE DES ÉTATS-UNIS

(2 juillet 1945J 1

Aux membres du sous-comité naval du Comité du crédit du Congrès des Etats-Unis venus lui faire visite, le Saint-Père a adressé les paroles suivantes :

C'est un plaisir pour Nous de saluer des membres du Congrès américain, et Nous désirons, très honorés Messieurs, que vous soyez assurés de Notre cordiale bienvenue.

Ce n'est pas la première fois qu'au cours des derniers mois Nous recevons des membres de votre corps législatif, appartenant aux deux Chambres. Leurs visites Nous ont toujours laissé une impression particulièrement agréable et encourageante. Nous savons que ces délégués étaient venus en Europe, tout comme vous, pour y voir les conditions de vie, non par curiosité, mais poussés par l'esprit de fraternité, avec l'espoir et le désir d'être utiles dans l'oeuvre ardue et presque terrifiante de la reconstruction, à laquelle font face les peuples de l'Europe ravagée aujourd'hui par la guerre.

Ce problème semble, quelquefois, en effet terrifiant. Et pourtant, le peuple doit être précisément sauvé de cette peur ou terreur qui mène si aisément à l'acceptation irréfléchie de toutes sortes de solutions séduisantes qui peuvent être offertes par des dirigeants égoïstes et sans scrupules.

L'oeuvre de la reconstruction sera longue et dure, il faut que tous le reconnaissent, et une aide matérielle considérable sera nécessaire pour la réaliser, mais parallèlement à cette aide, il faut donner au peuple un sens ferme de sécurité pour le présent et pour l'avenir. Il faut que cette sécurité soit ressentie dans la vie sociale et culturelle, dans la vie politique et économique et dans la vie religieuse.

Sans cela, la reconstruction ne dépassera pas la construction de nouvelles maisons et de nouvelles prisons.

L'Europe sera toujours reconnaissante de l'assistance que l'Amérique lui a donnée et qu'elle désire lui donner dans l'avenir. Que les lumières du Saint-Esprit la guident, ainsi que son président et ses législateurs, au cours de la mission digne de son grand coeur qui est d'assurer au peuple amèrement désespéré la reconstruction d'un monde, basé sur les principes de la justice et de la charité chrétiennes, où tous pourront jouir de la liberté propre aux enfants de Dieu.

Avec cette prière sur Nos lèvres, Nous prions Dieu de vous bénir, ainsi que ceux pour qui vous priez.

S'adressant ensuite aux officiers de marine qui faisaient partie de la suite des parlementaires américains et qui furent introduits après eux dans sa bibliothèque privée, le pape leur dit :

Nous étendons avec joie Notre Bénédiction à la marine et à vous, qui êtes ses représentants distingués. C'est la plus grande marine du monde. Que sa plus précieuse et sa plus heureuse mission dans l'avenir soit désormais de protéger et de favoriser le trésor le plus précieux du monde : la paix, paix entre toutes les nations, pour que toutes les nations soient en paix avec Dieu, gouvernées dans l'esprit de justice, d'équité et de charité chrétienne.

Que Dieu vous bénisse tous, ainsi que ceux qui vous sont chers.


ALLOCUTION AU DIRECTEUR GÉNÉRAL DE L'U. N. R. R. A. ET AUX FONCTIONNAIRES DE SA SUITE

(8 juillet 1945J1

Recevant à nouveau le gouverneur Herbert Lehman, directeur général de l'U.N.R.R.A. (United Nations Relief and Reabilitation Agreement) en visite en Italie et en d'autres pays d'Europe, le Saint-Père a adressé cette allocution sur les limites du pouvoir de l'Etat.

La nécessaire et bienfaisante activité de VU. N. R. R. A.

Vous comprendrez, Messieurs, quel grand plaisir c'est pour Nous de recevoir une délégation aussi distinguée de l'U. N. R. R. A., conduite par son estimé et honorable directeur général.

Au cours de l'année dernière, des milliers, des dizaines de milliers de personnes ont visité les salles du Vatican. Tous les jours ou presque, Nous les avons reçues, Nous Nous sommes entretenu avec tant d'entre elles, de tous âges, de toutes classes sociales, de différentes nationalités. Derrière et au-delà de ces personnes, Nous avons pu en voir par la pensée des millions d'autres à travers le monde qui regardent comme elles vers l'avenir avec un ardent espoir, mais non sans méfiance et même avec peur ; quelques-unes peut-être avec peu, trop peu d'espoir.

Les limites du pouvoir de l'Etat.

Elles se posent à elles-mêmes la question : l'homme a-t-il certains droits donnés par Dieu que l'Etat est obligé de protéger et qu'il ne peut enfreindre ? Ou bien, cette notion doit-elle prévaloir qui assigne à l'Etat un pouvoir illimité en ne laissant à l'individu que les droits et les prérogatives que l'Etat juge utile de lui laisser ? Qui ne voit les conséquences fatales d'une telle erreur ? Elle mène inévitablement à la domination despotique d'un seul individu ou de quelques-uns qui sans pitié ni scrupules ont réussi à s'emparer du pouvoir et à bloquer ou à empoisonner les chemins naturels de la vie nationale du peuple. La véritable liberté y végète et succombe. Bien plus, pareille prétention à un pouvoir absolu et irresponsable dans l'Etat laisse à la merci de ce même despotisme capricieux la stabilité des relations internationales, et les bases de toute paix durable sont ébranlées.

Il n'est donc pas étonnant que beaucoup d'hommes sensés soient inquiets pour l'avenir, et que les grandes espérances de nombreux peuples du monde entier commencent à faiblir.

Il revient aux dirigeants responsables de la pensée politique et des gouvernements de toutes les nations de soutenir aujourd'hui ces peuples ; de les encourager dans leurs efforts pour se dégager des ruines d'un passé malheureux vers une nouvelle vie nationale, meilleure et plus stable ; de leur faire comprendre avant tout, même aux minorités nationales, qu'elles jouiront d'une entière et authentique liberté en ce qui leur est le plus cher, leur vie culturelle et religieuse.

Votre magnifique organisation, Messieurs, apporte une puissante et nécessaire contribution à ce but précis, et l'Europe ne cessera jamais de vous en bénir. Puisse Dieu donner force à votre bras, lumière et courage aux inspirations de votre coeur, et vous accorder la précieuse consolation de savoir que vous faites un bien incomparable à votre prochain dans sa misère et ses souffrances pitoyables : c'est une véritable oeuvre selon le Christ.

Nous appelons sur vous, Monsieur le directeur général de l'U. N. R. R. A. et sur tous vos collaborateurs, les meilleures bénédictions de Dieu ; qu'il bénisse également tous les assistants et tous ceux qui vous sont proches et chers 2.

2 Cette année le Souverain Pontife devait s'adresser deux fois encore à des membres de l'U.N.R.R.A. Voir ci-après, pp. 192 et 263.


ALLOCUTION A DES MEMBRES DE L'INDUSTRIE CINÉMATOGRAPHIQUE DES ÉTATS-UNIS

(14 juillet 1945J1

Aux membres du comité exécutif du cinéma d'Hollywood en voyage dans les différents secteurs de guerre d'Europe venus lui rendre hommage, le Saint-Père a parlé du pouvoir du cinéma.

Nous voyons, Messieurs, que vous êtes membres du Comité exécutif du cinéma d'Hollywood, et, vous recevant avec la plus vive cordialité, Nous ne pouvons Nous empêcher de vous dire la pensée qui Nous vient en ce moment à l'esprit : la pensée de la responsabilité sociale que vous confère cette profession dans votre pays et, en fait, dans le monde. Car la notoriété d'Hollywood déborde l'Amérique.

On se demande parfois si les dirigeants de l'industrie cinématographique apprécient à sa juste valeur le pouvoir qu'ils exercent sur la vie sociale, que ce soit dans la famille ou dans de plus larges groupes sociaux. Les yeux et les oreilles sont comme de larges avenues qui mènent directement à l'âme de l'homme, et les spectateurs de vos films les ouvrent tout grand et le plus souvent sans s'être mis en garde. Qu'est-ce qui passe ainsi de l'écran jusque dans les plus profonds replis de l'esprit, là où le fondement des convictions de la jeunesse est en train de s'établir, là où se forment et se précisent les normes et les raisons d'agir qui façonnent définitivement un caractère ? Est-ce quelque chose qui tend à faire un meilleur citoyen, laborieux, soumis aux lois, craignant Dieu, qui trouve sa joie et son délassement dans un plaisir et une distraction honnêtes ? Saint Paul citait Ménandre, un vieux poète grec, quand il écrivait aux fidèles de son Eglise de Corinthe que « les mauvaises conversations corrompent les bonnes moeurs » (1Co 15,33). Ce qui était vrai alors ne l'est pas moins aujourd'hui parce que la nature humaine change peu avec le cours des siècles. Et s'il est vrai — comme c'est le cas — que les mauvaises conversations corrompent les moeurs, combien ne seraient-elles pas 'plus effectivement corrompues, quand ces mauvaises conversations sont accompagnées de la saisissante représentation d'une conduite qui bafoue les lois de Dieu et la décence qui convient à des peuples civilisés ?

Oh ! l'immense somme de bien que le cinéma peut faire ! C'est pourquoi l'Esprit mauvais, toujours si actif dans le monde, voudrait pervertir cet instrument pour le faire cadrer avec ses desseins impies. Il est encourageant de savoir que votre comité est averti du danger et de plus en plus conscient de ses graves responsabilités envers Dieu et envers la société. C'est à l'opinion publique de soutenir de tout coeur et efficacement tout effort légitime fourni par des hommes intègres et honorables pour assainir les films et les garder propres, pour les améliorer et augmenter leur efficacité.

Cela Nous a été un plaisir de vous souhaiter la bienvenue ici, ce matin, et de vous donner l'assurance du vif intérêt que Nous portons à votre travail. Nous prions Dieu de le faire prospérer pour le grand bien de tous, jeunes et vieux, tandis que Nous implorons, pour vous et les chers vôtres, l'abondance des célestes bénédictions.


LETTRE AU PRÉSIDENT DES SEMAINES SOCIALES DE FRANCE

(14 juillet 1945j1

Les Semaines sociales de France ayant repris leur activité après six années d'interruption, le Saint-Père a adressé pour la XXXVe session de Toulouse (du 30 juillet au 4 août) la lettre suivante à M. Charles Flory, leur président :

Nous avons pris un tout particulier intérêt à l'ample exposé dont vous Nous avez fait le filial hommage, concernant les Semaines sociales de France qui, après une longue et douloureuse parenthèse, s'apprêtent à renouer leurs méritantes traditions. Et d'abord Nous ne pouvions que compatir grandement au deuil qui vous a frappés, par la très douloureuse perte du président Eugène Duthoit. La disparition de ce grand chrétien et de ce professeur émérite ne pouvait manquer d'être vivement ressentie par l'Université catholique de Lille et par les Semaines sociales. Nous tenons à vous dire combien Nous y avons Nous-même été sensible, ayant eu plus d'une occasion d'apprécier notamment le profond esprit de foi et le sincère dévouement au Saint-Siège qui animaient l'illustre disparu.

La Providence, en vous appelant à lui succéder au lendemain d'un cataclysme sans précédent, vous confie une haute et grave mission pour le succès de laquelle Nous prions de tout coeur l'Esprit-Saint de vous guider et de vous inspirer.

C'est, en effet, à une entreprise ardue, à une profonde et solide reconstruction de la société, que l'institution des Semaines sociales va être appelée à apporter sa précieuse collaboration. Cette immense tâche, sous peine de faillite, devra procéder selon une inspiration et un plan qui se réclament des imprescriptibles enseignements de

1 D'après le texte français des A. A. S., 37, 1945, p. 210.

l'Evangile et des salutaires applications que, par vocation divine, le magistère pontifical ne cesse d'en faire aux diverses situations de temps et de lieux. Et c'est aussi ce qu'entend exprimer, en raccourci, le sujet de vos prochaines assises toulousaines : « Transformations sociales et libération de la personne ». Car il n'est que trop vrai que, en France comme en tous autres pays, les circonstances de l'après-guerre font surgir, avec une rare acuité, des besoins et des aspirations pressantes, auxquels on serait malvenu, d'ailleurs, de refuser toute légitimité.

Pour Notre part, Nous Nous sommes fait un devoir, au fort même des hostilités, d'avertir les peuples et leurs chefs qu'après de pareils bouleversements, ils auraient à édifier un ordre économique et social plus adéquat à la fois aux lois divines et à la dignité humaine, unissant les postulats de la vraie équité et les principes chrétiens dans une étroite intimité, seule garante de salut, de bien et de paix pour tous. Complexes et formidables problèmes que Nos radiomessages et Nos allocutions ont abordés à maintes reprises, pour indiquer dans quel esprit et suivant quelle orientation ils devront être résolus. Comment, en effet, après de si rudes années de souffrances, d'angoisses et de misères, les hommes n'attendraient-ils pas à bon droit une profonde amélioration de leurs conditions d'existence ? De là, ces projets de réorganisation du monde du travail, ces perspectives de réformes de structure, ce développement des notions de propriété et d'entreprise, parfois envisagés dans la précipitation passionnée et la confusion doctrinale, mais qu'il faudra confronter avec les normes indéclinables de la raison et de la foi, telles que l'enseignement de l'Eglise a mission de les dégager. C'est seulement ainsi que la personne humaine, trop souvent opprimée, pourra recouvrer la plénitude de sa dignité dans l'accomplissement même de ses obligations, sans jamais pourtant se départir du souverain souci de faire équitablement leur part à tous les ayants droit où qu'ils soient, et de respecter les exigences de la justice, en quelque camp qu'elles se trouvent.

C'est donc, en dernière analyse, comme vous l'avez très bien inscrit en tête de votre programme, à la libération de la personne humaine, que tout doit tendre et converger. C'est elle que Dieu a placée au faîte de l'univers visible, la faisant, en économie comme en politique, la mesure de toutes choses. Et l'on peut à cet égard appliquer très opportunément ici la parole de saint Paul : « Tout est à vous, mais vous êtes au Christ ; et le Christ est à Dieu » (1Co 3,23).

Nous ne doutons pas que les Semaines sociales de France, en ce qui les concerne, ne travaillent ainsi ardemment, mais en toute circonspection, à l'avancement vers cette plus grande justice sociale, dont doivent avoir faim et soif les vrais disciples du Christ. Devant les graves dangers que font courir à la reconstruction du monde les prétentions athées et antichrétiennes, Nous Nous plaisons à considérer en vous les héros et les membres d'élite de cette Action catholique et sociale, d'où sortiront les bons architectes du nouvel édifice. Vous trouverez d'ailleurs, dans l'illustre métropole languedocienne, pour inspirer et diriger vos travaux, un archevêque dont le coeur aussi charitable que vaillant a porté, bien au-delà des frontières du diocèse, son renom de chef et de pasteur 2. Nous ne laissons pas, quant à Nous, de prier le Père des lumières d'éclairer et de féconder une entreprise si importante. Et pour mieux attirer sur la Semaine sociale de Toulouse les grâces d'en haut, Nous envoyons à tous, et d'abord au vénéré Mgr Saliège, à son excellent auxiliaire et aux membres de la hiérarchie, qui vous guideront dans vos labeurs, ainsi qu'à cette couronne de professeurs et conférenciers distingués qui s'empresseront autour de leur nouveau président, enfin à cette nombreuse et fervente phalange d'assistants et d'amis, la Bénédiction apostolique.

2 II s'agit de S. Exc. Mgr Saliège, archevêque de Toulouse. Dans une lettre du 15 juillet, adressée à son clergé et à ses fidèles, pour recommander à leur générosité la Semaine sociale de Toulouse, il dit : « ... Dans ce monde mouvant qui est le nôtre, que va devenir la personne humaine ? Comment concilier ses droits imprescriptibles avec les exigences du bien commun ? Problème de tous les temps, mais que les circonstances actuelles posent avec une acuité particulière. Il s'agit de voir clair... »


ALLOCUTION A DES REPRÉSENTANTS DES GRANDS ORGANES DE LA PRESSE ET DE LA RADIODIFFUSION DES ÉTATS-UNIS

(21 juillet 1945) 1

A quelques représentants de grands journaux et organes de radiodiffusion des Etats-Unis, le Saint-Père a recommandé le respect de la vérité dans la transmission de la parole écrite et parlée :

Vous avez fait une longue route pour venir à Rome, mais Rome n'est qu'une étape au cours d'un voyage qui, avant d'être terminé, vous conduira autour de la plus grande partie du globe, à travers bien des régions et chez différents peuples parlant des langues diverses. Partout, votre recherche va à ce qu'on nomme aujourd'hui les nouvelles, les dernières informations de toutes les parties du monde même les plus reculées, pour les communiquer dans le minimum de temps à un public avide et curieux. Certains d'entre vous ajouteront des commentaires, composeront des articles, mais ils devront, eux aussi, avoir un caractère d'actualité et d'intérêt immédiat. Ce n'est pas une tâche facile, mais c'est un service inestimable que votre profession rend à la société, en brisant les barrières du temps et de l'espace et en permettant à tous les membres de la vaste famille humaine de partager leurs joies et leurs douleurs, leurs triomphes et leurs désastres, leurs espoirs et leurs craintes. Mais le digne succès de votre profession dépend d'un fait essentiel : votre fidélité à la vérité dans ce que vous écrivez et dans ce que vous dites.

Le fait que dans la hâte routinière du travail quotidien, un écrivain laisse se glisser une erreur dans son article, qu'il accepte une information sans contrôler suffisamment sa source, qu'il exprime même un jugement injuste, est dû souvent à la négligence plutôt qu'à la mauvaise volonté. Pourtant, l'écrivain devrait comprendre qu'une telle négligence, un tel manque d'exactitude peuvent trop facilement avoir de graves conséquences surtout en temps de crise grave. Un éditeur, un écrivain ou un speaker, conscient de sa haute vocation et de ses responsabilités, est toujours pénétré de son devoir envers des milliers ou des millions de gens qui peuvent être fortement impressionnés par ses paroles, pour leur donner la vérité, rien que la vérité, autant qu'il a réussi à s'en assurer.

Mais que dirons-Nous du mensonge et de la calomnie délibérés ? Le Seigneur hait une langue qui ment autant que les mains qui versent le sang des innocents, et tout homme juste déteste une parole mensongère (cf. Pr 6,17 Pr 13,5).

La calomnie a le pied rapide, ainsi que vous le savez, surtout, on le dit avec honte, lorsqu'elle est dirigée contre la religion et contre les champions des exigences plus rigoureuses de la moralité chrétienne ; souvent, les dénégations et la défense de la victime n'obtiennent pas audience ou bien trouvent place après une semaine, dans un coin obscur de l'une des dernières pages.

Les membres de votre profession qui n'hésitent pas à salir leurs pages ou polluer l'éther avec des mensonges, rendent un fort mauvais service à leurs semblables ; ils cherchent à porter un coup mortel à l'esprit d'affection fraternelle qui devrait exister entre les enfants du même Père céleste et compromettent gravement la paix entre les nations. Si les autorités civiles compétentes n'arrivent pas, lorsque la nécessité l'exige, à réprimer pareille licence, ce sera la société civile qui très certainement en payera l'amende.

Le monde frissonne aujourd'hui en contemplant le flot de malheurs qui l'a submergé. Ne peut-on pas en trouver la source dans le torrent d'erreurs et de faux principes moraux répandus par les écrits et les paroles de gens orgueilleux et sans religion ?

Que Dieu soutienne votre volonté de servir votre profession et vos semblables d'une manière digne ; qu'il vous aide à contribuer à la sanctification de la famille et à la défense des bases morales de la société humaine.

Avec cette prière sur les lèvres, Nous vous bénissons avec la profonde affection de Notre coeur, et Nous invoquons les bénédictions du ciel sur tous ceux qui vous sont proches et chers.


Pie XII 1945 - ALLOCUTION A M. JEAN BRUNNER COMMANDANT EN CHEF DES VÉTÉRANS DE LA « FOREIGN WARS » AUX ÉTATS-UNIS