Pie XII 1947 - LETTRE A L'OCCASION DU CINQUANTENAIRE DE LA MORT DE SAINTE THÉRÈSE DE LISIEUX


RADIOMESSAGE AUX HABITANTS DE MESSINE

(13 août 1947)1

Le mercredi 13 août, à 21 h. 30, le Saint-Père adressa d'une salle du palais de Castelgandolfo le radiomessage suivant aux habitants de Messine et, ensuite, illumina pour la première fois depuis la guerre la statue de la Madone qui domine le port et qui avait été abîmée pendant les hostilités.

Gaudeamus omnes in Domino. Assumpta est Maria in ccelum ; gaudent Angeli.

Réjouissons-nous tous dans le Seigneur ! Que le chant de notre allégresse, allégresse de toute l'Eglise, monte vers Marie en la célébration toute prochaine de son Assomption au ciel parmi les hymnes angéliques.

Et vous, habitants de Messine, Nos chers fils, fils privilégiés de Marie, exultez d'une sainte joie : vous voyez ouverte à nouveau au culte votre antique cathédrale, pour la seconde fois ressuscitée de ses ruines ; vous voyez, resplendissante d'une splendeur encore plus étincelante, la monumentale colonne votive que votre piété érigea à la Mère céleste en signe perpétuel de votre foi et que Notre prédécesseur illumina la première fois pour sceller ce témoignage même et comme en indiquer le brillant éclat par le magnifique symbole de la lumière.

Maintenant, c'est à Nous que vous êtes venu demander de rallumer cette colonne après les tristes événements d'une guerre atroce qui, bouleversant hommes et choses, attaqua aussi en sa fureur votre pacifique monument mariai et l'entoura pendant plusieurs années des ténèbres de la nuit, comme pour en détruire la glorieuse signification.

Quant à Nous, ce n'est pas sans un mouvement ému de Notre coeur qui apprit sur les genoux de Notre mère à battre avec force pour la douce Mère de Dieu, que Nous renouvellerons dans quelques instants le geste symbolique. En cette mystique heure du soir, devant votre mer toute bleue et votre terre enchantée, dans l'exultation vibrante de tout un peuple qui dirige à ce moment ses regards vers la colonne votive, ses pensées vers Notre personne, et toute son âme vers Marie, voici que Nous allons rendre au monument de votre foi son habit de lumière par quoi, nouveau phare pour les vivants, il indiquera encore aux navigateurs le port et aux coeurs fatigués le ciel.

Mais en accomplissant pour vous ce geste pieux et bénisseur, Nous réaffirmons la haute signification de cette illumination symbolique. En fait, cette illumination n'indique pas tant un monument qui ressuscite qu'une promesse qui se renouvelle.

C'est la promesse d'une cité qui, fidèle à Marie depuis des siècles, gardienne jalouse des traditions qui furent l'ornement constant et comme le noble et délicat soutien de sa piété mariale, retourne aujourd'hui dans la joie aux vestiges si glorieux de son histoire et, rappelant les grandeurs et ravivant les souvenirs, efface l'offense que l'orage aveugle de la guerre dévastatrice apporta à sa piété. Aux pieds de cette colonne votive elle redit à Marie sa reconnaissance et sa ferme volonté de ne pas démentir dans l'activité privée ou publique cette foi qu'elle veut, si ouvertement et si solennellement, affirmer à la face du monde, dans les ténèbres de la nuit comme dans la pleine lumière du jour.

Que la Vierge bénie accueille donc l'hommage renouvelé de sa ville de Messine, en des jours marqués encore du martyre de cette guerre, qui a ouvert des sillons si profonds de deuil et de douleur. Qu'aux coeurs partout tremblants devant la menace de nouveaux malheurs et incertains sur un demain plein d'inconnu, la douce et bonne Mère obtienne de retrouver, sous les signes de Dieu et à la lumière de son divin Fils, les routes perdues de la paix.

A vous qui écoutez avec respect depuis des siècles ses avertissements maternels par lesquels la Reine du ciel rappelle que l'homme ne parvient pas, et que les peuples ne parviennent pas, à la paix vraie, profonde, durable, sinon par les sentiers difficiles mais sûrs de la justice évangélique et de cet amour fort et généreux qui est le plus haut couronnement de cette justice.

Qu'elle vous rappelle, à vous et à tous, que ce n'est ni par des disputes entre frères, ni par des victoires égoïstes, ni par des violences et l'avidité du pouvoir, ni par des haines obstinées que se conquiert, pour nous et la famille humaine, le bien suprême de cette paix auquel tous pourtant nous sommes appelés, mais en mettant en acte la doctrine de Celui qui, seul, a pu se dire Prince de la paix et qui n'annonça point d'autre guerre que le combat de l'homme contre ses propres passions.

Dans ces sentiments et ces voeux, incliné Nous aussi en esprit aux pieds de Marie trônant sur la colonne lumineuse de votre rivage, Nous la souhaitons toujours présente au milieu de vous par ses faveurs maternelles, en même temps qu'à vous tous, à vos familles, à votre cité et à votre île Nous accordons de grand coeur la Bénédiction apostolique.


LETTRE A S. EXC. M. HARRY S. TRUMAN, PRÉSIDENT DES ETATS-UNIS D'AMÉRIQUE

(26 août 1947) 1
1 D'après le texte anglais des A. A. S., 39, 1947, p. 380 ; traduction française de la Documentation Catholique, t. XLIV, col. 1412.

Le mardi 26 août, le Saint-Père a reçu en audience privée S. Exc> M. l'ambassadeur Myron S. Taylor, envoyé auprès du Saint-Siège par le président des Etats-Unis comme son représentant personnel, qui lui a remis le message ci-dessous,2
Le jour même, Sa Sainteté Pie XII adressait à S. Exc. M. Harry S. Truman, président des Etats-Unis, la réponse suivante :



Nous venons de recevoir des mains de votre représentant personnel, M. Myron Taylor, la lettre du 6 août de Votre Excellence et Nous Nous empressons d'exprimer Notre satisfaction et Notre reconnaissance pour ce récent témoignage du désir et de la résolution d'un peuple grand et libre, de se consacrer, avec la confiance et la générosité qui le caractérisent, à la noble tâche de consolider les fondements de cette paix que tous les peuples de la terre appellent de leurs voeux. Comme son chef élu, Votre Excellence s'efforce de grouper et d'organiser la coopération de toute force et de toute puissance capable d'aider à l'accomplissement de cette tâche. Nul plus que Nous n'espère que ces efforts seront couronnés de succès, et pour l'heureuse atteinte de ce but, Nous engageons Nos ressources et implorons avec ferveur l'aide de Dieu.

Les fondements d'une vraie paix...

Ce qu'on se propose de faire, c'est d'assurer l'établissement d'une paix stable parmi les nations. En effet, il serait vain de promettre longue vie à un édifice construit sur des sables mouvants ou sur des fondements lézardés et friables. Nous savons — et cette vérité s'exprime une fois de plus dans la lettre de Votre Excellence — que les assises d'une telle paix ne peuvent être solides que si elles reposent sur les bases inébranlables de la foi dans le seul vrai Dieu, le Créateur de tous les hommes. C'est lui qui a nécessairement fixé le but de la vie humaine ; c'est donc nécessairement de lui que l'homme détient le droit personnel et inaliénable de poursuivre ce but et de n'être pas empêché de l'atteindre. La société civile est également d'origine divine et elle est exigée par la nature elle-même. Mais elle est postérieure à l'homme et voulue comme moyen de le défendre et de l'aider dans l'exercice légitime des droits que Dieu lui a octroyés. Dès que l'Etat, à l'exclusion de Dieu, se fait la source des droits de la personne humaine, l'homme est aussitôt réduit à la condition d'esclave ; il n'est plus qu'une marchandise civile à exploiter pour les fins égoïstes d'un groupe qui se trouve éventuellement occuper le pouvoir. L'ordre de Dieu est alors renversé ; or, l'histoire prouve clairement à ceux qui veulent la lire que la conséquence inévitable du renversement de l'ordre entre les peuples est la guerre. La tâche qui attend les amis de la paix est donc claire.

... avec l'appui des hommes de bonne volonté...

Votre Excellence serait-elle téméraire en espérant trouver à travers le monde des hommes prêts à coopérer en vue d'une si louable • entreprise ? Nous ne le pensons pas. La vérité n'a rien perdu de son pouvoir pour rallier à sa cause les esprits les plus éclairés et les coeurs les plus nobles. Leur ardeur est alimentée par la flamme de la juste liberté qui lutte pour se frayer un chemin à travers l'injustice et le mensonge. Mais ceux qui possèdent la vérité doivent se faire un devoir de la définir clairement, quand ses ennemis la déforment habilement ; ils doivent avoir la fierté de la défendre et être assez généreux pour régler le cours de leur vie, nationale et personnelle, sur ses exigences. Cela demandera, en outre, le redressement de bien des aberrations.

Les injustices sociales, les injustices raciales et les haines religieuses existent aujourd'hui parmi des hommes et des groupes qui se réclament avec fierté de la civilisation chrétienne ; elles sont une arme très utile et souvent efficace entre les mains de ceux qui sont décidés à détruire tout le bien que cette civilisation a apporté à l'homme. C'est le devoir de tous ceux qui aiment sincèrement la grande famille humaine de s'unir pour arracher ces armes à des mains hostiles. C'est cette union qui apportera l'espoir que les ennemis de Dieu et des hommes libres ne triompheront pas.

... et la collaboration de l'Eglise.

Assurément, Votre Excellence et tous les défenseurs des droits de la personne humaine trouveront une coopération sincère et entière auprès de l'Eglise de Dieu. Gardienne fidèle de la vérité éternelle et mère aimante de tous, depuis sa fondation, il y a près de deux mille ans, elle a été le champion de l'individu contre le despotisme, du travailleur contre l'oppression, de la religion contre la persécution. Sa mission divine la met souvent en conflit avec les puissances du mal qui tirent leur force de la seule violence physique et de la brutalité qui les inspire, et ses chefs sont envoyés en exil ou jetés en prison, ou meurent sous la torture. C'est l'histoire d'aujourd'hui. Mais l'Eglise est sans crainte. Elle ne peut pactiser avec l'ennemi avoué de Dieu. Elle doit continuer à enseigner le premier et le plus grand commandement à tout homme : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, de toute ton âme et de toutes tes forces », et le second, qui lui est semblable : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même. »

C'est son message invariable que l'homme a tout d'abord des devoirs envers Dieu, ensuite envers son prochain ; que le serviteur le plus fidèle de Dieu est aussi le meilleur serviteur de son pays ; que le pays qui voudrait enchaîner la parole de Dieu donnée aux hommes par Jésus-Christ ne favorise nullement la paix durable dans le monde. En travaillant avec toutes les ressources dont elle dispose à amener les hommes et les nations à prendre clairement conscience de leurs devoirs envers Dieu, l'Eglise continuera, comme elle l'a toujours fait, d'apporter la contribution la plus efficace à la paix internationale et au salut éternel de l'homme.

Nous sommes heureux que la lettre de Votre Excellence Nous ait fourni l'occasion de dire une parole d'encouragement à tous ceux qui sont sérieusement occupés à cette tâche de consolider la fragile structure de la paix jusqu'à ce que ses fondements en puissent être établis avec plus de solidité et plus de sagesse. La charité généreuse que le peuple américain a témoignée aux malheureux et aux opprimés de toutes les parties du monde et qui est vraiment digne des plus belles traditions chrétiennes, est un signe manifeste de son désir sincère de voir instaurées une paix et une prospérité universelles.

La grande majorité des peuples de la terre, Nous en sommes sûr, partage ce désir, même dans les pays où la liberté de parole est étouffée. Plaise à Dieu que leurs forces s'unissent en vue de la réalisation de ce désir. Il n'y a pas de place pour le découragement ou pour un relâchement de leurs efforts. Sous la bienveillante et miséricordieuse Providence de Dieu, le Père de tous, ce qui est bon et saint et juste finira par triompher.

Nous pouvons assurer Votre Excellence que Nous avons cordialement accueilli M. Myron Taylor, votre représentant personnel, à son retour à Rome, et que Nous sommes heureux de renouveler l'expression de Nos bons souhaits pour le peuple des Etats-Unis, pour les membres de son gouvernement et en particulier pour son président si estimé.




2 Voici, traduit de l'anglais par la Documentation Catholique (t. XLIV, COL 1409), le texte de cette lettre de M. Harry S. Truman :
« Continuant les échanges de vues qui ont eu lieu de temps en temps depuis leur début, le 23 décembre 1939, en vue de faciliter des efforts parallèles pour la paix et le soulagement des souffrances de l'humanité, j'ai demandé à M. Taylor de retourner à Rome et de reprendre ses entrevues avec Votre Sainteté aux moments qui paraîtront opportuns. Ces échanges de vues ont déjà sérieusement contribué à établir une paix saine et durable et à renforcer les convictions puissantes qui animent les peuples de la terre dans leur recherche d'un ordre moral international fermement ancré ¦dans la vie des nations.
» Je désire faire tout ce qui est en mon pouvoir pour donner mon appui et contribuer à une entente de toutes les forces qui luttent pour un ordre moral dans le monde. Ces forces se trouvent dans les foyers de citoyens pacifiques et respectueux des lois, qui, dans toutes les parties du monde, illustrent par leur vie même les principes qui font le bon voisinage et qui ne sont autre que la règle d'or. Ces forces, on les trouve dans les fermes, les usines, les mines et les petites boutiques, partout au monde où sont en honneur les principes de libre coopération et d'association spontanée de citoyens qui se gouvernent eux-mêmes.
* Ces aspirations morales résident dans les coeurs des hommes de bien du monde entier. On les trouve dans toutes les églises et dans toutes les écoles. La guerre a montré que tous les hommes, malgré la diversité de leurs appartenances religieuses, peuvent réussir à unir leurs efforts pour la sauvegarde et le maintien des principes de liberté, de moralité et de justice. Il faut qu'ils unissent leurs efforts pour la cause d'une paix durable s'ils ne veulent pas l'un après l'autre se voir affaiblis «t réduits à l'impuissance aux moments des grands dangers. Ils ont, individuellement et socialement, le devoir de défendre les grands espoirs pour lesquels les hommes ont combattu durant la deuxième guerre mondiale ; tous les hommes et toutes les femmes au monde qui réfléchissent savent qu'il faut aujourd'hui réaliser ces espoirs.
» Les tâches que nous avons à affronter maintenant sont formidables. Les conditions pour faire face aux graves problèmes de l'arrangement d'après-guerre et aux nouveaux problèmes non encore résolus sont accompagnées de multiples découragements. Si les forces morales du monde ne conjuguent pas maintenant leurs énergies, le découragement deviendra inévitablement plus profond et la vigueur et l'efficacité ainsi perdues de ces forces morales seront un gain pour les forces adverses qui cherchent à détruire les premières. Les espoirs et les idéals de l'humanité ont souvent été mis en péril par la force brutale. Ils le seront aujourd'hui encore par toute division des forces morales de ce monde ou par tout refus de soutenir et de raffermir ces espoirs et ces idéals.
* En tant que chef élu du peuple des Etats-Unis, j'ai le privilège de vous donner encore une fois la pleine assurance que je travaillerai avec Votre Sainteté et avec tout organisme de bien dans le monde pour établir une paix durable. Celle-ci ne peut être édifiée que sur des principes chrétiens. Pour atteindre ce but, nous consacrerons toutes nos ressources spirituelles et matérielles, nous souvenant toujours que si le Seigneur ne bâtit pas la maison, en vain travaillent ceux qui la bâtissent (Ps., CXXVI, 1).
» Sainteté, nous sommes une nation chrétienne. Voici plus d'un demi-siècle, cette déclaration a été inscrite dans les actes de la plus haute Cour de notre pays. Il n'est pas dénué de signification le fait que les vaillants pionniers qui ont quitté l'Europe pour s'établir ici ont, dès le début de leurs entreprises coloniales, proclamé leur foi dans la religion chrétienne et prévu toutes les mesures nécessaires pour en assurer la pratique et le maintien. L'histoire des missionnaires chrétiens qui, aux premiers temps, ont affronté des dangers, enduré des souffrances — et même la mort — pour porter le message de Jésus-Christ aux indigènes sans culture est une épopée qui, aujourd'hui encore, émeut les coeurs des hommes.
» En tant que nation chrétienne, nous avons l'ardent désir de travailler avec les hommes de bonne volonté de tous pays à bannir entièrement la guerre et les causes de guerre de ce monde, dont le Créateur a voulu que les hommes, sous toutes les latitudes, vivent ensemble en paix, dans une atmosphère de bonne volonté et dans la confiance mutuelle. La liberté de conscience, garantie par les pères de notre Constitution à tous ceux qui vivent sous le drapeau des Etats-Unis, a été un rempart de la force nationale et une source de bonheur, depuis la fondation de notre nation jusqu'à aujourd'hui.
» Je crois que le besoin le plus profond du monde actuel, besoin qut est à la base de tout le reste, est un renouveau de la foi. Je tâche de promouvoir une foi renouvelée dans la dignité et la valeur de la personne humaine dans tous les pays, afin que les droits sacrés de l'individu, inhérents à ses relations avec Dieu et son prochain, soient respectés dans le monde entier. Nous devons avoir foi dans l'inévitable triomphe de la vérité et de l'honnêteté ; nous devons croire que l'humanité doit vivre dans la liberté et non pas dans les chaînes du mensonge ni dans les chaînes d'une organisation collectiviste de la vie ; nous devons avoir une foi d'une plénitude telle qu'elle donne aux hommes et aux femmes de tous les pays l'énergie nécessaire pour construire avec ténacité, dans le monde entier, un ordre social meilleur, où les intéressés se gouverneront eux-mêmes. Notre époque demande une foi assez forte pour lutter, s'il le faut, pour la défense du droit, capable de supporter des fatigues et des souffrances, des attaques et même le mépris de la part des puissances du mal, capable enfin de renaître renouvelée et vivifiée par la lutte quotidienne.
» La foi conduit à l'espérance, à la fermeté, à la confiance dans la vérité et dans le bien, à des efforts soutenus pour créer cette paix et cette prospérité que recherche l'homme humble de tous les pays et qui finiront par triompher parmi toutes les nations. Grâce à la foi, les desseins de Dieu s'accompliront dans les coeurs et les actes des hommes. Je suis convaincu du plus profond de mon coeur que ceux qui ne reconnaissent pas leur responsabilité envers Dieu tout-puissant ne peuvent remplir pleinement leurs devoirs envers leur prochain.
» J'ai demandé à M. Taylor de vous communiquer ces vues et de vous dire que je voudrais m'associer aux efforts de Votre Sainteté et de tous ceux qui dirigent les forces morales en ce monde. Notre but commun est de susciter et de fortifier la foi des hommes à atteindre les valeurs éternelles, déjà dans notre génération, malgré les obstacles qui se rencontrent ou pourront surgir sur la route.



LETTRE A LA XXIVe SEMAINE SOCIALE DU CANADA

(31 août 1947) 1

La Semaine sociale du Canada s'est tenue en septembre à Rimouski, sous la présidence de S. Exc. Mgr Georges Courchesnes, archevêque de cette ville. A cette occasion, le Souverain Pontife a adressé le message suivant au président des Semaines sociales du Canada, le R. P. Joseph Archambault, S. J. :

C'est un sujet de très réelle importance qu'entend traiter à Rimouski la XXIVe session des Semaines du Canada, et auquel Nous ne pouvons manquer de prendre un vif et paternel intérêt. « La vie agricole » mérite, en effet, des égards spéciaux, des sollicitudes particulières, alors que trop souvent l'attention des sociologues et des hommes politiques se porterait de préférence sur les problèmes soulevés par les concentrations de la grande industrie. Nous ne nions certes par l'urgence et le caractère aigu de ces derniers, mais haec oportuit facere, et illa non omittere ; aussi Nous paraît-il que les prochaines assises sociales de Rimouski feront du bon et salutaire travail en rendant toute son actualité et tout son relief au fondamental problème de la terre.

La désaffection à l'égard de la vie agricole, cause du déséquilibre de notre temps.

Car, il faut bien l'avouer, l'une des causes du déséquilibre et, disons plus, du désarroi où se trouve plongée l'économie mondiale et, en même temps qu'elle, tout l'ensemble de la civilisation et de la culture, c'est, à n'en pas douter, une déplorable désaffection quand ce n'est pas du mépris à l'égard de la vie agricole et de ses multiples et essentielles activités. Or, l'histoire ne nous enseigne-t-elle pas, et notamment par la chute de l'Empire romain, à voir là un prodrome du déclin des civilisations ? Et n'est-il pas significatif d'entendre monter, comme un cri d'alarme, des régions d'intense industrie, un appel à la formation dans les campagnes d'une population paysanne saine, forte, profondément et intelligemment chrétienne, qui soit comme une digue infranchissable contre laquelle vienne se briser la vague montante de la corruption physique et morale ?

Aspect moral et religieux du problème.

L'aspect moral et religieux de cette question vous touchera, bien entendu, au premier chef. Et l'on ne saurait trop redire, en effet, combien le travail de la terre est, en soi, générateur de santé physique et morale, car rien ne tonifie autant le corps et l'âme que ce bienfaisant contact avec la nature, directement sortie des mains du Créateur. La terre, elle, ne trompe pas, elle n'est pas sujette aux caprices, aux mirages, aux attraits artificiels et fiévreux des villes tentaculaires. Sa stabilité, son cours régulier et sage, la majesté patiente du rythme des saisons sont comme autant de reflets des attributs divins. O jortunatos nimium... Oui, plus heureuse encore et plus noble que ne l'imaginait le poète antique, cette race paysanne qui peut s'élever facilement par ses conditions mêmes de vie jusqu'au Tout-Puissant qui a fait le ciel et la terre !

Aspect économique et technique.

Mais le côté économique et technique du problème agricole ne laissera pas non plus d'appeler tous vos soins, dans la mesure où il intéresse la justice sociale et le bien commun. Les améliorations de la vie paysanne, en ce qui concerne une organisation rationnelle tant de la culture pour produire davantage que de la vente pour un équitable profit, feront à bon droit l'objet de vos études. En ce temps de disette quasi universelle, il n'est pas indifférent d'abord qu'un meilleur rendement du travail de la terre, une plus intense production de denrées agricoles permettent d'alléger les épreuves si durement ressenties par des continents entiers que le récent cataclysme a réduits à la misère. Il est également nécessaire de pourvoir à l'institution d'oeuvres sociales veillant aux légitimes intérêts, aux progrès matériels et moraux de la classe paysanne, à sa sécurité et

à son avenir ; tout cela sera bien propre, non seulement à enrayer le fléau de l'exode rural, mais à rendre les agriculteurs plus conscients de leur rôle, plus fiers de la dignité de leur vie et de leur mission, de la grandeur et de la sainteté de leur tâche.

Nul doute que les « Semaines » de Rimouski, sous l'égide éclairée du digne pasteur de cet archidiocèse, ne trouvent là ample matière à exercer leur sagacité et leur zèle. Tout le Canada où, grâce à Dieu, l'amour de la terre est, Nous le savons, partout en honneur, saura faire écho à de si opportunes leçons. C'est pour qu'elles portent des fruits abondants dont le monde entier lui-même puisse faire son profit, que Nous vous envoyons, ainsi qu'à vos collègues de la commission des Semaines sociales du Canada, aux organisateurs, professeurs et auditeurs de votre XXIV* session, comme gage des meilleures faveurs célestes, la Bénédiction apostolique.


LETTRE DE LA SECRÉTAIRERIE D'ÉTAT AU CONGRÈS DE LA FÉDÉRATION UNIVERSITAIRE CATHOLIQUE ITALIENNE

(2 septembre 1947) 1

1 D'après le texte italien de l'Osservatore Romano, du 10 septembre 1947.

La troisième journée du Congrès national de la Fédération universitaire catholique italienne, tenu à Naples, s'est terminée par la lecture par le président Carlo Moro de la lettre suivante que le Saint-Père a daigné adresser aux congressistes par l'intermédiaire de S. Exc. Mgr Montini, substitut de la Secrétairerie d'Etat.

Voici la traduction du texte italien :


Ce fut pour l'auguste Pontife un motif d'insigne satisfaction de prendre connaissance du programme du 28e Congrès national de la Fédération universitaire catholique italienne, qui se tiendra à Naples dans quelques jours. Tout en exprimant à Votre Excellence et à tous ceux qui l'aident dans la direction de la Fédération ses félicitations pour la présentation des questions et pour leur harmonieuse coordination, comme aussi pour le choix des rapporteurs compétents, il tire de tout cela une raison de joie et de conscientes espérances.

Il apparaît, en effet, au Saint-Père, digne de louanges et tout à fait adapté aux nécessités impérieuses des temps actuels d'attirer l'attention, l'étude et l'action de la Fédération universitaire catholique italienne sur la solution des problèmes qui regardent non seulement la science pure — à laquelle pourvoit déjà dignement l'école — et qui ne sont pas sporadiques et détachés les uns des autres, mais qui considèrent l'homme intellectuel sous tous ses aspects, de l'individuel au social, du professionnel au religieux, pour le placer ensuite au centre de sa substantielle unité, à la source inépuisable de vie et de chaleur, au Christ, alpha et oméga de toute chose.

Programme combien vaste et audacieux qui dit dans sa seule formulation comment les étudiants catholiques ne craignent pas de s'imposer à eux-mêmes de très hautes pensées et comme des difficultés elles-mêmes de leur rassemblement ils font un terrain de fortes pensées et d'ardents projets, fidèles aussi en cela à la généreuse tradition pédagogique qui est le propre de l'éducation catholique et de leur mouvement, d'engager à fond les énergies morales du jeune homme, d'éveiller en lui un profond et vif sens des responsabilités et de lui infuser, non pas l'attrait, mais la connaissance et le mépris du danger, et non pas tant la prudence sceptique de la peur que la sagesse confiante du sacrifice.

Le premier et souverain commandement de l'Evangile, celui de la charité, par lequel toute notre vie doit être informée, exige que l'homme, illuminé et dirigé par la grâce, ne se donne pas partiellement à Dieu et seulement en certaines occasions, mais dans la totalité de son être et en tous temps.

Sa Sainteté a confiance que ceux qui, dans des dispositions d'âme si élevées, participeront au Congrès et, par une heureuse répercussion, les membres absents eux aussi, recevront de puissantes énergies pour leur perfection morale et pour l'oeuvre urgente de la restauration chrétienne de la société, à l'heure actuelle en proie à de dangereuses convulsions du fait de l'obscurcissement et du rejet des principes chrétiens. S'il est vrai que le temps s'annonce serein, quand les cimes se couronnent de pure lumière, ce sera une promesse rassurante de temps meilleurs quand la jeunesse intellectuelle, du côté de laquelle tout le monde regarde avec une attente anxieuse, reviendra avec une conviction raffermie et avec noblesse de sentiments et d'habitudes à l'hommage dû à l'éternelle Sagesse et saura puiser en elle inspiration et force pour donner à la vie humaine la liberté, la dignité, l'ordre et le progrès.

C'est sur cette route que la F. U. C. I. doit s'avancer par l'action et par l'exemple en formant un groupe d'hommes forts, un cénacle d'esprits pleins de lumière et de coeurs enflammés d'ardeur pour la Vérité et la Charité et pour les grandes causes qui leur sont conjointes.

C'est avec ce présage et cet augure que Sa Sainteté accorde la Bénédiction apostolique à tous ceux qui prendront part au Congrès et à tous les membres de la F. U. C. I. et invoque sur eux les grâces abondantes du ciel.


RADIOMESSAGE AU CONGRÈS NATIONAL MARIAL DES PAYS-BAS

(5 septembre 1947) 1

Voici le texte du radiomessage que le Saint-Père daigna adresser au Congrès mariai national hollandais, tenu à Utrecht, sous la présidence de S. Em. le cardinal de Jong, légat pontifical :

C'est avec joie que Nous Nous rendons, chers fils et chères filles des Pays-Bas, à votre désir de recevoir par la voie des ondes Notre bénédiction au cours de l'imposante manifestation qui vous a réunis dans cette ville de Maastricht, si fervente de vie catholique, si riche d'antiques monuments et de trésors d'art chrétien et par une grâce singulière préservée des destructions de la guerre, afin d'honorer la très pure Vierge et Mère de Dieu, Marie. Elle Nous procure aussi l'occasion de vous adresser, à vous, dont la foi est admirée dans le monde entier (cf. Rom. Rm 1,8), une paternelle parole de salutation, de louange et d'encouragement.

Les progrès remarquables du catholicisme aux Pays-Bas depuis un siècle...

Votre congrès vient marquer à peu près le terme d'un siècle qui mérite certainement d'être retenu comme l'un des plus remarquables pour l'Eglise catholique aux Pays-Bas ; cent ans de progrès, d'accroissement, de vigueur dans l'organisation et dans les manifestations visibles de la vie ecclésiastique sans doute, mais non moins dans le perfectionnement de la vie intérieure des fidèles. L'admirable mouvement eucharistique qui s'est développé parmi vous en est une preuve magnifique. C'est avec joie aussi que Nous Nous plaisons à commémorer particulièrement l'organisation de l'école pour la jeunesse catholique que vous avez obtenue au prix d'un long et persévérant effort ; votre activité charitable et sociale, exercée selon les normes des autorités ecclésiastiques et couronnée des meilleurs succès ; votre incomparable zèle et votre contribution en faveur des missions catholiques. Et ce Nous est un vrai réconfort de penser combien l'affermissement de la vie catholique aux Pays-Bas s'est avéré bienfaisant pour votre pays et avec quelle ardeur aussi dans les moments les plus durs et les plus difficiles vous êtes restés exemplairement fidèles à votre patrie. Dans ce noble devoir comme aussi dans le sentiment de la charité et du pardon, il est juste de reconnaître que vous a précédés, vous frayant courageusement la voie, votre vénéré épiscopat, avec à sa tête le très digne cardinal archevêque d'Utrecht, Notre légat à votre congrès, intrépide héraut et défenseur de la doctrine et de la morale catholique contre les erreurs du néopaganisme et du racisme, contre les excès de la vengeance et de la haine.

... doivent inciter les catholiques hollandais à l'action de grâce.

Comment dès lors, au cours de ces solennelles assises, ne monterait pas de vos coeurs et de vos lèvres, en une puissante harmonie, un chant d'action de grâces à Dieu, Père des miséricordes, dont les inscrutables conseils et les voies mystérieuses ont régi et conduit l'histoire de l'Eglise catholique aux Pays-Bas (cf. 2Co 1,3 Rm 11,33) ; à l'Homme-Dieu, notre Sauveur Jésus-Christ, « Dieu béni dans les siècles » (Rm 9,5) ; à la très sainte Vierge Marie qui vous protège et intercède pour vous et dont la maternelle sollicitude s'est manifestée de manière si tangible tout au long de ce dernier siècle ?

L'avenir, chers fils et chères filles, est impénétrable à vos yeux. Seule l'omniscience divine sait ce qu'il nous apportera. De toute façon, à vous s'impose le devoir de maintenir et même d'élever toujours plus haut le niveau de votre vie religieuse, de votre promptitude au sacrifice, de votre esprit communautaire ; toujours plus haut aussi la discipline et la morale chrétienne du mariage et de la famille, le sens de la justice sociale, le feu de la charité. L'histoire de l'Eglise montre combien il est difficile de remplir un tel devoir et quelle profonde humilité il faut pour cela, quelle vigilante sagacité, quelle étroite union avec le Christ, source de toute notre énergie surnaturelle.

Afin que vous soyez dignes et capables d'une pareille tâche, Marie vous viendra en aide. Elle, la Mère de la divine grâce, le secours des chrétiens. Au peuple dévot et craignant Dieu, qu'elle obtienne le don de persévérance et de fermeté dans la vraie foi et dans l'observance des commandements. Qu'elle aide ceux qui se sont éloignés de Dieu à se soumettre de bonne grâce aux divins préceptes. Qu'elle obtienne à vos prêtres la grâce d'une vie sainte et qu'elle les enflamme de zèle pour le salut des âmes. Qu'elle se montre envers vos enfants et vos jeunes gens une Mère empressée, afin que, purs d'esprit et de corps, ils puissent, durant les années de la croissance, s'élever à la perfection de l'homme chrétien. A ceux enfin, sur qui pèse la responsabilité de la direction des affaires publiques, qu'elle accorde des temps plus tranquilles, une vision claire et la force dans l'action.

O Marie, stella maris, préservez vos fidèles du péché et des afflictions spirituelles ; donnez aux prisonniers la libération, réconfortez les sans-patrie et les sans-toit, comme aussi tous les pauvres et les nécessiteux. Ne refusez pas votre main secourable à tous ceux qui participent à cette grandiose assemblée en votre honneur et à tous ceux qui leur sont unis de coeur et d'esprit afin qu'une si splendide solennité se voie couronnée d'abondantes grâces en Jésus-Christ, votre Fils, Roi de l'univers, à qui soient gloire et honneur avec le Père et le Saint-Esprit dans tous les siècles des siècles.


Pie XII 1947 - LETTRE A L'OCCASION DU CINQUANTENAIRE DE LA MORT DE SAINTE THÉRÈSE DE LISIEUX